FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX.•A-ÏSTNÉE 1897-98 K» 40
DU TRAITEMENT CHIRURGICAL
ma HTRHTtlINI
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et sontenne
publiquement
le 22 Décembre 1897PAR
Louis-Camille MONGIE
Ancien externe des Hôpitaux de Bordeaux Né à Bordeaux(Gironde),le 12 septembre 1871.
Examinateurs de la Thèse
MM. LANELONGUE, professeur....
MASSE, professeur....
YILLAR, agrégé RIVIÈRE, agrégé
Président.
Juges.
Le Candidat répondra aux questions qui lui serontfaites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17 RUE MONTMÉJAN 17
1897
FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE DORDEAUXM. PITRES
Doyen.
PROFESSEURS :
MM. MI.CÉ 1
AZAM \ Professeurshonoraires.
DUPUY
Cliniqueinterne.
Cliniqueexterne
Pathologieinterne.... Pathologieetthérapeu¬
tique générales Thérapeutique
Médecineopératoire...
Clinique d'accouchements
Anatomiepathologique
Anatomie
Anatomie générale et histologie
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE N.
YERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
MOUSS0US.
COYNE.
DOUCHAED.
VIAULT.
Physiologie.
Hygiène
Médecine légale Physique
Chimie
Histoire naturelle Pharmacie Matière médicale
Medecine expérimentale.. . Clinique ophtalmologique..
Clinique des maladies chirurgicales Cliniquegynécologique..
MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGONIE.
DLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
AGREGES EN EXERCICE :
section de médecine (Pathologie interneet Médecine légale).
MM. MESNARD.
CASSAET.
AUCHE.
MM. SABRAZES.
Le DANTEC.
ilhologieexterne
section de chirurgie et accouchements
MM.VILLAR.
BINAUD.
BRAQUEHAYE
Accouchements MM. RIVIERE.
CHAMBRELENT.
section des sciences anatomiques et physiologiques Anatomie... MM. PRINCETEAU.
CANNIEU. Physiologie MM. PACHON.
Histoire naturelle BEILLE.
Physique MM
Chimie etToxicologie..
section des sciences physiques
S1GALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
DEN1GES.
COURS COMPLEMENTAIRES :
Cliniqueinterne desenfants MM. MOUSSOUS.
Cliniquedes maladiescutanéesetsyphilitiques DUBREUILH.
Cliniquedes maladiesdes voiesurinaires POUSSON.
Maladies dularynx, des oreillesetdunez MOURE.
Maladies mentales RÉGIS.
Pathologie externe DENIJCÉ.
Accouchements RIVIERE.
Chimie { DENIGÈS.
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Tardélibérationdu 5 août1879, la Facultéaarrêtéqueles opinions émises dans les Thèses qui lui sont présentées doivent être considéréescomme propres àleurs auteurs, et qu'elle n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
A la Mémoire de mon
grand-père,
le Docteur G. MONGIE
A mon père le docteur J. MONGIE
A MA MÈRE ET A MA SOEUR
A MA FAMILLE
A MES AMIS
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A MES MAITRES DE LA
FACULTÉ
ET DES HOPITAUXsviiipi» mm
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A Monsieur le Docteur Francis VILLAR
Professeur agrégé àla Facultéde Médecine de Bordeaux, Chirurgien des Hôpitaux,
Officierd'Académie.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur M. LANELONGUE
Professeurde Clinique chirurgicaleà la Faculté deMédecine, Chevalier de laLégiond'honneur, Officier de l'Instruction publique,
Membrecorrespondantde l'Académie de Médecine, Membre del'Académie de Bordeaux.
g.v;-■ '<
En terminant nos études médicales, nousconsidérons comme un devoir de témoigner publiquement nos maîtres de la Fa¬
culté et des hôpitaux notre vivereconnaissance pourla bienveil¬
lance dont ilsnous ont toujours entouré. Nous remercions tout d'abord M. le professeur Lanelongue d'avoir bien voulu nous
honorer d'une sollicitude toute particulière pendant les deux
années où nous fûmes stagiaire puis externe dans ses salles.
Nous lui témoignons enfinnotre sincère reconnaissance pourla
nouvelle marque d'estime dont il veut bien nous honorer en
acceptant la présidence de notre thèse. Que M. le professeur
Villar nous permette une fois de plus de l'assurer de notre dévouement et de lui témoigner notre gratitudepournous avoir inspiré cette thèse, pour les excellentes leçons dont il a bien voulu nous faire profiter si souvent, et pour les nombreuses marques de confiance dontil nous ahonoré pendantnos études.
Nous adressons àM. le professeur Rivière un remerciment tout
particulier pour les notes qu'il nousafournies pournotre thèse,
et dont il a aimablementvoulu nous faire profiter. Nous tenons enfin à adresser à M. le professeur Picot, M. le professeur agrégéSabrazès, M. leprofesseuragrégé Cassaët,à M. le docteur Rondot,
l'hommage
de notre profonde gratitude.;Pi.;V' ^ *
V
lt,: i 'DU TRAITEMENT CHIRURGICAL
DE LA
GROSSESSE EXTRA-GTERINE
« Ilappartientau chirurgien de créer
» uneissueaudehorsauxliquidesphysio-
» logiques quisesontécartés de leur voie
» naturelle».
Lanelongue, Leçons declinique chirurgicale, 14 janvier 1894(Héma-
tocèlerélro-ulérine).
INTRODUCTION
En mettant la main à cet ouvrage, notre but n'estpoint d'en¬
treprendre la
description
détaillée et complète de lagrossesseextra-utérine, lesauteurs
classiques
etles publicationsnombreu¬ses intéressant la question contiennent suffisamment de rensei¬
gnements à ce sujet; nous ne nousproposons pas nonplus d'en
exposer l'étiologieet la pathogénie, cette question
quelque
peu obscure encore nous entraînerait dans des considérations tropétendues. Nous nous bornerons simplement à la question du traitement, et du traitement chirurgical seul. Nous ne sommes
pas le premier à aborder ce chapitre, et en consultant l'index
bibliographique
placé àla fin de notrethèse, il sera aisé de se rendre compte que nous ne faisons que marcher à la suite denombreux auteurs, nous inspirant de leurs données et de leurs opinions. Nousnousefforcerons, en discutant les divers procédés
d'intervention chirurgicale, dedémontrer quelestcelui quinous
paraît le plus efficace et pour la mère et pour l'enfant; nous
chercherons en même temps à quelmomentprécis il paraitutile d'intervenir, enfin, dans l'opération, nous chercherons à indi¬
quer la vo*e par
laquelle
lamoindre
somme de dangers et d'in¬convénients pour la mère peut être obtenue, tout en permettant
les plus grandes chances de succès.
Nous diviserons notre travail de la manière suivante :
Dans un premier chapitre nous exposerons quelques considé¬
rations générales.
Dans le chapitre II, nous ferons
l'historique
de la questiondepuis la gastrotomie. f
Dans le chapitre III, nous décrironslesindications opératoires
et le moment auquel il faut intervenir.
Nous exposerons la technique et le manuel opératoire dans le chapitre
IV.
Le chapitre V sera consacré aux observations et à
quelques
réflexions à leur sujet.
Nous tirerons nos conclusions dans le sixième chapitre.
Enfin le septième contiendra l'index
bibliographique.
CHAPITRE PREMIER
L'état
pathologique qu'on
estconvenud'appeler, dans le lan¬
gage
médical,
grossesseextra-utérine, est constitué
parla pré¬
sence et le développement
du produit de la conception dans
une cavité autre que la
cavité proprement dite de l'utérus. Il
découle naturellement du siège dece
produit des variétés dans
la dénomination de la grossesse,
soit
eneffet
quele fœtus soit
dans la cavité abdominale proprement
dite, complètement
endehors de l'utérusce qui
constitue la
grossesseabdominale fran¬
che, soit encore qu'il occupe
la
trompe, ou sonpavillon,
ou unecorne utérine ce qui
constitue les diverses variétés de
grossessetubaire et la grossesse
interstitielle.
Dans ces différents cas, il n'en existe pas moins une tumeur qui,
constituée
presquetoujours
commecelle de l'utérus gravide,
se développe en
dehors de
sacavité et forme ainsi
un corps étranger. Envisagéeautrefois
comme unaccident dont
on ne s'expliquait pasbien la nature, la
grossesseextra-utérine était
abandonnée à elle-mêmeet tant
qu'elle
neprovoquait
pasd'acci¬
dents graves, elle
restait
sansintervention; aujourd'hui, les chi¬
rurgiens ont
modifié leur opinion, et
enconsidérant les dangers
auxquels
étaient exposées les femmes atteintes de cette affection,
ils ont rangé la grossesse
extra-utérine dans la catégorie des
tumeurs, et la plupart,
Pinard à leur tête, la placent dans celle
des tumeurs malignes. Son
traitement devient dès lors celui des
tumeurs quelles
qu'elles soient, et
comme on necompte plus
aujourd'hui sur la fonte
progressive des néoplasmes,
surleur
disparition tentée par
des
moyensmédicaux, il faut,
pourles
supprimer
complètement et prémunir l'organisme contre des
récidives
possibles, l'emploi du bistouri.
Mongie 2
Si dans le traitement des tumeurs nous considérons en parti¬
culier la tumeur extra-utérine, nous nous trouvons en présence
d'une variante qui n'existe pas dansles circonstances
ordinaires,
car, tandis que dans les divers cas de néoplasme de l'abdomen
la vie seule de la personne qui en est porteur est compromise,
dans la grossesse extra-utérine deux existences sont enjeu, la
mère est exposée à des accidents pouvant entraîner sa mort, et le fœtus est
presque fatalementcondamné parl'intervention chi¬
rurgicale. Le
chirurgien
est donc conduit à examiner quelles circonstances devront le faire pencher vers unedétermination,
et lui faire établir une comparaison qui peut se réduire à ces
termes : quelle est l'existence qui doit être la plus sauvegardée
par l'intervention dans le cas de grossesse extra-utérine, celle de la mère ou celle de l'enfant? Il s'agira en un mot de savoir si le fœtus de la grossesse extra-utérine aoui ou non des chances de vivre, enfin si le nombre des enfants nés ainsi est suffisant pour tracer au
chirurgien
une ligne de conduite générale. Lesstatistiques
établies à ce sujet nous permettront de conclure. Eneffet, en1887,
Maygrier
cite dans sa thèsed'agrégation quelques
cas d'enfants vivants, le plus remarquableestcelui de Litzmann
(dix enfants vivants, dont quatre ont survécu),
Spiegelberg, Willson,
Shrœder publient également quelques cas d'enfant vivant, mais la conclusion du DrMaygrier
est que le fait d'un enfant vivant provenant d'une grossesse extra-utérine estunfait extrêmement- rare et ne mérite pas d'entrer en ligne de compte.Nous publions dans le
chapitre
III de notre thèse les 14 casrelevés
depuis
ces dix dernières années, nous y ajoutons le cas publié par M. Gallez dans la Semaine médicale du 1er décembre 1897, ce qui porte à 15 le nombre des enfants vivants. Il nousparait en outrejuste
d'ajouter
que ces enfants, néspresque tousavant terme, sont les locataires
désignés
des couveuses et ren¬trent dans la catégorie des individus qui, avortonsd'abord, sont
malingres ensuite et
fragiles
toujours. Un nombre aussi minime d'enfants vivants, relevé sur des cas trèsnombreux de grossesseextra-utérine, n'est pointfaitpourencouragerà exposer la mère à des
dangers inutiles,
nousconclurons donc avec l'Ecole Fran-çaise,
qu'il
vautmieux sacrifier l'enfant
pour sauverla mère.
Cette conclusionnous engagera à proposer en règle
générale
l'intervention chirurgicale comme traitement de la grossesse extra-utérine; nous suivrons ainsi la ligne de conduite si bien
tracéepar
Martin (de Berlin)
auCongrès d'obstétrique de Bruxel¬
les, à propos des grossesses
extra-utérines.
« On les compare, dit l'auteur, à un
néoplasme dangereux
» qu'il faut extirper au
plus vite, afin de
sauverla vie de la
» femme. Les cas dedéveloppementsans
aecidentjusqu'au
terme» de la grossesse sont tellement rares,
qu'en
respectantla vie
» de l'enfant on sacrifie la vie de lamère. L'intervention, leplus
» tôt possible, dans toutes les
variétés de
grossesseectopiqueest
» la méthode de choix ».
CHAPITRE II
HISTORIQUE DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE LA GROSSESSE EXTRA-UTÉRINE
La
laparotomie,
ou gastrotomie comme on disait autrefois, ayant pour bût d'enlever le produit de la conception situé endehors de l'utérus est une opération toute bordelaise. C'est en
1594que Primerose la
pratiqua
pourla première fois dans notreville, pour un cas dans
lequel
le fœtus avaitrompu la poche
kystique
etétait expulsé par fragments.L'intervention,
si hardie qu'elle fûtàune époque où l'arsenalchirurgical
était loin d'être parfait et où on n'avait pas encoreprofité des bienfaits de la méthode
antiseptique,
fut cependant couronnée d'un brillant succès. Aussil'exemple
ne tarda pas à être suivi et, quelquesannéesplus tard, F. Plater pratiquait une opération semblable.
Puis,
jusqu'en
1714, soit le manque de cas de grossesse extra¬utérine, soit réserve de la part des
chirurgiens
qui reculaient devantlespéripéties
d'une opération dont le manuel opératoire.était encore
sommaire, aucun nouveau cas de ce genre ne vient
s'ajouter à la liste ouverte
par Primerose. Calvo, en 1714, la
pratiqua
une fois et, dès lors, denombreuses observations sontrapportées.
Cependant,
leshémorragies
souvent terribles qui accompagnaient ces opérations tentées parfois au momentinop¬
portun font différer les
chirurgiens
et ceux de la première moi¬tié du xvme siècle s'abstiennent de partipris. Plus tard, au con¬
traire,une reprisede
l'opération
alieu avecLevret, Baudelocque,
Antoine Dubois et
Désormaux,
mais, àce moment, des écoles seforment.
Certains,
considérant quel'opération
expose la mère en sacri¬fiant
l'enfant,
se demandent si,consciencieusement,
il est du— 21 —
devoir du chirurgien
d'intervenir; d'autres envisagent les dan¬
gers
occasionnés
pardes hémorragies de grande imporlance et
croient obtenir un résultat meilleur en tuant l'enfant avantde
l'extraire.
D'autres enfin, formant les deux catégories les plus impor¬
tantes, s'abstiennent dans tous
les
cas ou opèrent presque tou¬jours.
C'est à cette époque que se pose
la grande question, pendante aujourd'hui
encore etqui
nous aencouragé à entreprendre
ce travail,question, dis-je, de savoir quelle est l'existence qu'il faut
respecter,
celle de la mère
oucelle de l'enfant, et,
parsuite, à
quel momentil faut intervenir.
De nosjours,la
laparotomie
a eu saplace d'honneur et depuis
les progrès
de la chirurgie, faire
unelaparotomie
pourenlever
une tumeur de l'utérus ou lin kyste fœtal est
devenu
à peuprès
la même chosedans l'esprit des
chirurgiens actuels; aussi
pres¬que tous les
accoucheurs ont-ils étudié la question
avecactivité
etapporté
des modifications tant
aupoint de
vuedu moment
de l'intervention qu'au
point de
vuedu manuel opératoire.
Nous nevoulons pas nous
étendre plus longuement
surla question de l'historique, Maygrier l'ayant traitée déjà dans
sa thèse, en 1887;cependant,
unpoint doit
nousintéresser, c'est
la question
du traitement du placenta.
Baudelocque, le
premier,
proposade le laisser dans la cavité
kystique,
de
nepoint le décoller afin d'éviter les hémorragies;
nous retrouvons cette opinion soutenue
aujourd'hui. Dans le compte-rendu de
sesdeux opérations, le docteur Dubourg
insiste sur ce point etnous savons
cette conduite préconisée
par Chaput etbon nombre de chirurgiens.
PinardetPozzi ont apporté à
l'étude de cette question
unsoin
tout
particulier
etc'est
en nousinspirant de leurs ouvrages que
nous exposerons
le manuel opératoire. Nous passerons sous
silence, et avec intention,les divers modes d'intervention et les
traitements médicaux; nous laisserons
de côté l'électricité, etc.,
ne nous attachant
qu'à l'intervention ayant
pourbut de créer
au fœtus vivant ou mort une large voie au
dehors.
CHAPITRE III
INDICATIONS OPÉRATOIRES ET CONTRE-INDICATIONS
Tout n'est point de poser en
principe
que dans tous les cas, sauf de très rares exceptions, il faut opérer, ilimporte
avant toutde savoirà quel momentl'intervention doitêtre jugéenéces¬saire, il
importe
aussi d'être renseigné sur les conditions tantgénérales que particulières qui peuventinfluer sur la décision du
chirurgien,
quelles circonstances aussi doivent lui dicter la sage conduite de s'abstenir quand il le faut. C'est afin de conclure dans un butpratique
que nous allonsenvisager
successivementces divers points, nous fractionnerons ce
chapitre
en trois chefsprincipaux
:Indications, contre-indications,
momentauquel, dans la majo¬rité desA. cas, doit avoir lieu l'intervention
chirurgicale.
Indications. — Les médecins sont souvent appelés à exa¬
miner des femmes qui, présentant certains symptômes pouvant
faire songer à une grossesse
(disparition
desrèglesdepuis
deux,trois ou plusieurs mois, existence surun des côtés de l'abdomen d'une tumeur qui est parfois animée de mouvements actifs) et quin'ont pas cet ensemble de signes
classiques
qui permettent de poser un diagnostic ferme. C'est ainsi que le col utérin, occupantpresque toujours levoisinage
de la symphysepubienne,
n'a pas subi de
modifications,
que le cul-de-sac postérieur pré¬sente une tumeur qu'il est difficile de délimiter, que l'ausculta¬
tion révèle des bruits fœtaux, mais
disséminés;
en un mot, ilsemble qu'il y ait grossesse, et cependant en étant sincère, on
n'affirmerait pas qu'elle existe. Dans ces cas là, il est permis de
croire et même d'affirmer qu'il y a grossesse, mais extra-uté-
rine. En même temps,
il
y ades douleurs du côté d'un ovaire
et d'une trompe,
la région correspondante est tuméfiée,
onpeut
dire
qu'une
trompeest malade. Des hémorragies fréquentes, quelquefois très abondantes, très irrégulières, manifestent
quel'utérus a un fonctionnement anormal, qu'il est
atteint lui aussi.
La malade présente
cependant
unétat général
assezsatisfai¬
sant, les
principales fonctions s'effectuant bien.
Si latrompe
continue
àévoluer, elle
netardera
pasà être dis¬
tendue etmodifiée danssastructure,ellesera incapable de rede¬
venir après
la délivrance
unetrompe normale, capable de servir
aux mêmes usages auxquels
elle était
apteautrefois; il est à
peu prèscertain, d'autre part, qu'elle
sera rompue,soit
pourexpulser
un enfant qu'elle ne peut
plus contenir, soit
quela nature fasse
desefforts pour
expulser le fœtus mort, soit
quela suppuration
consécutive à la
putréfaction du kyste perfore la paroi
pourlaisserfuser le pus.
Il
y adonc tout avantage à intervenir
pourprévenir
cesaccidents.
La malade présente en
général des hémorragies
assezconsi¬
dérables,ces
hémorragies
nepeuvent
quel'affaiblir et atteindre
son état général,
parfois même être si abondantes qu'elles
en¬traînent la mort, il faut donc en
supprimer la
cause.Les douleurs sont souvent intolérables, elles
fatiguent le
sujet, irritent sonsystème
nerveuxet retentissent d'une ma¬
nière défavorable sur l'exercice normal des
fonctions
;si les
malades présentent
des phénomènes de compression du côté du
rectum, de la vessie, des
intestins, des uretères, il
enrésulte
des efforts considérables pour aller à
la selle, efforts qui favori¬
sent et
qui
peuventoccasionner même la rupture du kyste; la
miction est douloureuse, incomplète,
fréquente, d'où résultent
des inflammations de la vessie, en même tempsque
des phéno¬
mènes douloureux.
Des douleurs intestinales sont fréquentes,
l'accumulation des
matières dans le rectum
produit de la rétention qui occasionne
des entéritesmuco-membraneuses; en un mot
le sujet
setrouve
par des
points nombreux exposé à des troubles et à des affec¬
tions diverses.
— 24 —
Pour faire ressortir la gravité de ces
accidents,
nous croyonsdevoir publier, un cas type qui nous a été
communiqué
par leDr Caminade (de
Montendre)
et que nous avons eu l'occasion d'observer nous-même à la Maternité de Bordeaux.Observation I
■ Le 15mai, le Dr Caminade fut appelé auprès de Mme X... qui pré¬
sentait les signessuivants :
Douleur intense dans le bas-ventre, miction très
douloureuse,
grande douleur pour allerà la selle.
L'époque des dernières règles remontait à environ troismois, et à
cemoment
l'hémorragie
utérine avait été suppriméebrusquement,
sans causeappréciable; ilfautajouter d'ailleurs que la malade émet¬
tait desdoutesausujet d'unegrossesse
possible, n'ayantpas éprouvé
les symptômes qu'il est habituel de rencontrer au début.
Au touchervaginal,l'utérus,considérablementaugmenté devolume, comprimait le bas-fond de la vessie; il était dur, fixé et presque immobile.
Au palper abdominal, tumeur du volume d'une tête de fœtus à
sept mois environ, tumeur dure, régulièrement arrondie, fixe, occu¬
pant le côté droit de l'abdomen et s'étendant obliquement de l'épine iliaque antérieure et supérieuredumême côté, à l'ombilic.
Au toucherrectal, tumeursemblantfairecorpsavec l'utérus,située
enavant de laparoi antérieure durectum
qu'elle comprimaitd'avant
en arrière.
Diagnostic : Hématocèle rétro-utérine.
Traitement: Calmants, opiacés, sangsuesau
périnée.
Le 16: Amélioration, les douleurs diminuent, sellesglaireuses.
Le 17: Les douleurs semblent avoir
disparu,
hémorragie
utérinelégère; révulsion aux membresinférieurs.
Du 16 mai aulorjuin: Etatstationnaire, la tumeurnerégressepas, les douleurs ont disparu, la malade change d*air.
Juin: Selles d'entérite muco-membraneuse, état général meilleur,
la malade marche, pas
d'hémorragie
utérine, latumeur augmentede volume.15juillet: La malade fait une longue course àpied, les douleurs
ont reparu depuis une quinzaine, pas d'hémorragie utérine. Traite¬
ment médical de l'hématocèle rétro-utérine.
Le 15 août: M. Adoue, externedes hôpitaux de Bordeaux, rempla¬
çantle Dr Càminade, estappelé en toute hâte.
Lamalade avait été prise brusquement de douleurset d'envies de
pousser, le toucher vaginal était négatifau point de vue d'une gros¬
sesseà terme, le palper abdominalrévélaitla tumeur constatéedès
le début, le toucher rectal ne permettait de constater que l'efface¬
mentdu calibrerectal par la tumeur.
L'état grave de la malade, joint à l'insuffisance des moyens de
secours à la campagne, font décider son transport immédiat à la
Maternité de Bordeaux.
Pendant le voyage, les envies de pousserreprennentla maladequi expulse par le rectum les deux fémurs dénudés et nettement désar¬
ticulés. L'expulsion donne issue par le rectum à un peu de sang, maisles renseignements recueillis ne permettentpasd'affirmer qu'il
fut accompagné depus.
Versune heure de l'après-midi, la malade est apportée à la Ma
ternité, elle paraitassez bien, raconte son histoire difficileà croire,
vu son état général, mais peu d'instants après, les douleurs etles
envies de pousserla reprennent,etelleexpulse parle rectumlereste
entier d'un fœtus d'environ quatremois, macéréprobablement d'une
dizaine de jours. Une hémorrhagie assez abondande accompagne l'expulsion et la malade tombe brusquement dans un état grave ; la
fièvre s'allume, la malade est froide, très déprimée, le pouls est rapide et filiforme. Traitement général de l'hémorrhagie, injection
sous-cutanée de sérum artificiel. Un suintement de sang, continu,
se faitjour par le rectum et nécessite son tamponnement aumoyen de gaze.
Une intervention chirurgicale n'est pasjugée prudente àcause
de
l'étatgénéral.
Nuit mauvaise, faiblesses réitérées, cependant le suintementde
sang semble s'arrêter.
Le matin, étatgénéral encore mauvais, avec une très légère
amé¬
lioration cependant.
— 26 —
Consultation entre quatre chirurgiens; deuxd'entre eux sontpour
l'abstention, un très partisan de l'intervention, le dernier, enfin, la diffère quoiquetrès partisan lui aussi de l'intervention.Expectation, injection intra-veineuse d'un litre de sérum artificiel.
Mort une heure après ; la mort est attribuée à une intoxication profonde due au passage dans lacirculation desproduitsde lamacé¬
ration du kyste fœtal, et àl'affaiblissement considérable qui résulta chez la malade de l'écoulement sanguin devenu aux approches de la mort de plus enplus abondant.
L'autopsie futpratiquée le 19août 1897.
A l'ouverture du cadavre, le tablier abdominal étantrelevé, on se trouve en présence d'une tumeur bilobée occupant tout le petit bas¬
sin, et refoulant en haut la masse intestinale. Les deux lobes sont
d'inégale grandeur; celui cle gauche, le plus petit, n'estautre chose que l'utérus, agrandi dans tous ses diamètres, sa cavité présente
une profondeur de 12 centimètres, sa largeur au niveau dufond est de 7 centimètres.
La tumeur proprement dite occupe la fosse iliaque droite, etle petit bassin du même côté, son volumeest celui d'une grosse tête de fœtus. Elle est constituée par une poche kystique qui renfermait le
fœtus; elle adhère, d'une part, avec le borddroit del'utérus
;d'autre part avec le côlon ascendant, d'autre partenfin,avec le côlontrans¬
verse. Les adhérences sont tellement intimes qu'il est presque im¬
possible d'isoler la tumeur. La poche incisée présente une paroi épaisse de 2 millimètres environ.
Le placenta, volumineux comparativement à l'âge présumé du fœtus, présente un poids de 200 grammes et est implanté sur la paroi antérieure ainsi que surle fond de la poche kystique ; ce fond est occupé par un caillot sanguin du poids de 140 grammes.
Faitimportant à signaler: iln'y apasdetracesd'épancliementsan- guin dans la cavitépérilonéale. La tumeur kystique vidée avec soin présente à sa partie laplus inférieure, et sur sa paroi postérieure en
rapport avec lerectum, un orifice circulaire ayant environ 2 cent. 5 de diamètre. Cet orifice communique avec le rectum par un trajet sinueux qu'il estdifficile de catéthériser.
La tumeur kystique, l'utérus, les annexes,unepartie de l'Siliaque
— 27 —
etle rectum sont enlevés en masse ; on constate alors que l'orifice
rectal est plus petit quel'orifice kystique, que ces deux orifices ne sont pas lacontinuation l'un de l'autre, quela cloisonrecto-vaginale
estle siège d'une collection purulente de peu d'étendue, au milieu
de laquelle les orifices kystique et rectal paraissent avoir été creu¬
sés, enfin, que les annexes ne présentent aucun caractère digne
d'attirer l'attention.
Onassiste, enlisant cette observation dontnous
donnerons la
discussion dans le chapitre V, à toute
la série classique des pha¬
ses par
lesquelles
passentles
personnesayant
une grossesse extra-utérine. Onvoit unefemme passer brusquement des appa¬rences d'une santé robuste aux phénomènes
les plus
graveset
les plus alarmants et à
la
mort presquesubite. Il reste vraiment
àse demander si l'urgence d'une opération
dès le début
nes'impose pas,
afin d'éviter
ces gravesconséquences. Mais afin
de s'entourer de toutes les garanties, il nous
semble
quela
con¬duite du chirurgien peut être, en
règle générale, discutée dans
les circonstances suivantes :
1° Lorsque l'enfant est mort et
diagnostiqué mort.
En effet, la mère n'ayant plus à
attendre
un termepossible,
n'aplus de
raisons
pourdifférer l'opération; elle est, d'autre
part, exposée aux
accidents
gravesqui peuvent
serésumer
sousles types suivants :
a. Mort par
intoxication due
au passagedans la circulation
des produits
toxiques résultant de la putréfaction du fœtus et
donnant lieu à. une cachexie
spéciale,
commel'a fait ressortir
Jacquemier;b. Mort par
hémorragie due
audécollement du placenta
ouà
la rupture du kyste;
c. Mort par
septicémie due à la formation d'une collection
purulente
remplaçant le kyste fœtal
;d. Mort par rupture
du kyste dans la cavité abdominale et
péritonite consécutive.
2° Lorsque
l'enfant
estvivant
etéloigné du terme. C'est le
meilleur moment pour
intervenir; les adhérences
nesont
pasintimes, le kyste peu
développé,
et si le fœtus continue à évo¬luer, il expose la mère à toute la série des accidents énumérés
plus haut : hémorragies, douleurs, compression, rupture.
3° Lorsque le
diagnostic
au sujet de la vie de l'enfant nepeut êtreposé, il est toujours permis de conclure que, s'il est vivant,il vit mal, par conséquent n'est pas à conserver, ou
qu'il
est mort,cequi fait retomber dans le cas de fœtus mort et diagnos¬tiqué tel.
4° Lorsque le fœtus est mort
depuis
un certain temps, il de¬vient corps étranger
dangereux;
en effet, il peut suppurer, il peut subir la transformation calcaire, comprimer les organes,en un mot, on a tout avantage à en débarrasser l'organisme
maternel.
Enfin, un état général satisfaisant est une indication opéra¬
toire, car il assure plus de chances de succès.
B. Contre-indications. — Les contre-indications peuvent se réduire à deux et ne présentent aucune un caractère absolu : ce sont l'étatgénéral de la mère et l'âge de la grossesse.
L'état général de la mère peut être compromis par l'anémie
hémorragique,
par la cachexie due à la putréfaction du kyste fœtal, enfin par l'existence d'une maladie concomitante. Si unefemme est très anémiée par ses
hémorragies
et que son état puisse faire craindre qu'elle ne résiste pas à uneintervention, ilvaut mieux s'abstenir;nous tenons à dire cependant que les chi¬
rurgiens et les accoucheurs ont appris à ne pas selaisser intimi¬
der par une perte de sang même considérable; ils savent, en
effet, que la source une fois découverte et un tamponnement approprié appliqué sur elle,l'étatde la malade s'améliore rapi¬
dement, aidé qu'il est d'ailleurs depuis quelques années par
l'emploi
des injections de sérum artificiel, soit dans le tissu cel¬lulaire, soit intra-veineuses.
Dans les cas de cachexie par intoxication putride, la scène se
complique, l'organisme profondément infecté n'est pas apte à
résister à un choc opératoire' d'une certaine violence et, pour peu que la suppuration envahisse le
champ
d'action, il est à redouter un dénouement fataL C'est donc un cas dans lequel ilfaut s'abstenir en règle générale.
Quant à l'existence d'une
maladie concomitante,
onsait
quela tuberculose, les affections cardiaques et
l'albuminurie reçoi¬
vent, du fait de la grossesse, un coup
de fouet qui leur donne
une marche plus
rapide. La présence de
cesaffections suscite
denouveauxdangerspour
l'intervention; cependant, l'extraction
du fœtus par la
laparotomie
pourraavoir les mêmes effets à
l'égard de cesmaladies
quel'avortement provoqué dans les
cas de grossesse
compliquée d'une autre maladie. La
causeest supprimée, l'affection régresse. Il
y adonc tout intérêt,
pourvu cependant queles symptômes
nesoient
pastrop alarmants, à
délivrer la femme d'une affection qui donne à sa
maladie anté¬
rieure une marche plus
rapide.
C. Moment
auquel il faut intervenir.
—La détermination
exacte de ce moment a été longtemps un
souci
pourles chirur¬
giens qui
s'occupaient de la question. Maygrier,
en1887, n'ose
encore seprononcer
d'une manière définitive, étant
enprésence
des opinions
des diverses écoles. Certains,
eneffet, ont voulu
attendre le plus longtemps
possible, afin de courir les chances
d'avoir un enfantvivant; d'autres, au
contraire,
ontvoulu inter¬
venir de suite, afin d'éviterles dangers
de
cequ'ils considéraient
comme unegrossesse
inutile. Depuis
cesdernières années, l'opi¬
nion des auteurs semble s'affirmer davantage dans le sens
de
l'intervention précoce.
En 1889, Janvrin (de New-York), Gordon
(de Portland),
Holloch
etTyndall sont partisans de la laparoto¬
mie pratiquée
sitôt le diagnostic posé. En 1890, Tuffier émet
une opinion
analogue
;néanmoins, de toutes
cesopinions et
malgré que la
plupart des chirurgiens soient partisans de l'in¬
tervention précoce,
il
neressort
pas uneconclusion rigoureuse,
une règle générale.
Aussi M. Pozzi, dans
sonTraité de gynécolo¬
gie,
étudie-t-il la question dans les sept circonstances suivantes :
1° Grossesse extra-utérine avant le 5° mois, sans rupture; 2° Grossesse extra-utérine avant le 5° mois, compliquée
de
rupture etd'hémorragie interne
grave;3° Grossesse extra-utérine après
le 5e mois, enfant vivant;
4° Grossesse extra-utérineaprèsle 5e
mois, enfant mort récem¬
ment ;