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Reference
L'impact des mouvements sociaux sur les politiques publiques:
quelques réflexions théoriques et méthodologiques
GIUGNI, Marco
GIUGNI, Marco. L'impact des mouvements sociaux sur les politiques publiques: quelques réflexions théoriques et méthodologiques. In: Lilli Monteventi Weber, Chantal Deschenaux et Michèle Tranda-Pittion. Campagne-ville: Le pas de deux. Enjeux et opportunités des recompositions territoriales . Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008. p. 157-166
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:112905
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Matgré leurs limites, les exemptes présentés permettent de poser fhy- pothèse que, face
à
l'échec des instruments traditionnelsde
lutte contre l'étalement urbain, [a réalisation de t'objectif de I'utilisation mesurée du sol passe par[a
mise en æuvre de stratégies qui associent les intérêts des espaces bâtiset
non bâtis. Ces démarches intégratives sont peut-être [a cté du renouvellement des pratiques d'aménagement en Suisse.Bibtiographie
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156
L'impact des mouvements sociaux sur les
politiques publiques: quelques réflexions théoriques et méthodologiques
MnRco Gruovr
Le problème
Les mouvements sociaux,
et tout
particulièrementles
mouvements écotogistes, sont-ilsà
même d'influencer' [es décisions poriiiquu,en
ma-tière d'environnement? Autrement
dit,
ont-ilsun
impact 'sur[es potitiques publiques,
et tout
particurièrementsur
tes potitiques environnerientales?Lonsroerons, pour commencer, quelques épisodes significatifs en des lieux
et des époques différentes.
.
Premier épisode. Au début des années 19g0, une vague de contesta- tionpacifiste se. ce, soulèvement populaire, sans précédent a traversé qui parvint t'Europe entière,à
mobiliser piusieuls/comprii
centaines[a Suis- 0e, mrluers de-personnes, protestait contre[a
doubte àécision de t,orAN\oecembre
r9/9), de
poursuivreles
négociations avecte
btocdu
pacte de Varsovie concernant ta démilitarisatiàn del'rurofe
"i-Lu-àêurmement nucléaire tout. en procédant au déploiement de misiites de croisière dans t-es pays membres du Traité. Matgré cette opposition farouche, les missiles furent instatlés, mais furent enlevés quelques'années plus tara, notamment suite
au
réchauffement des relations potitiques internationalés, intervenu entre-temps.,,
.De.uxiiyte épisode, d'une autre nature. Nous avons encoretous
à t.espnt [e démantèlement des régimes autoritaires du <socialisme rée[> de ['Europe de t'Est intervenu au tournant des années 1980-19g0. En revanche, ce quia
été vite oublié c'est l'impressionnante foule qui s;etait Jéversée dans les ruesen
1989et
qui, peut-être, avait contribuéà [a
chute de ces régimes, en pafticulier en Union Soviétique. c'est ce que lertàins ont appeté [a <révolution de velours>et
qui,du
moinsà
première vue,a
eu un impact décisif sur [a suite des événements.Troisième épisode, ptus timité dans te temps, dans l'espace
et
danssa portée. Pendant t'été 1995, [a compagnie pétroLière néerlandaise Shell annonça son intention
de
détruire[a
plateforme Brent Spar,en
mer du Nord,tar
devenue inutitisabte.cette
décision provoqua une réaction im- médiate de ta part de groupes environnementalistes,tout
particulièrement Greenpeoce qui, craignant un désastre écologique, appetèrentau
boycott des produits Shell pàrtout dans[e
monde. Cet appel, pris au sérieux par beaucoup de consommateurs, conduisità
une baisse importante des ven- tes de [a compagnie dans les jours suivants, surtout en Altemagne. Préoc- cupée par ta chJte des venteiet
par[a
mauvaise image qu'elle était en train de se forger, [a compagnie abandonna [e projet'Quatrième
et
dernier épisode, ptus proche dans[e
temps'Au
prin- temps 2006, [a scène potltique française a été caractérisée par une impor-tante mobilisation conire l'article rétatif au <Contrat Première Embauche>
(CPE) proposé
par ie
gouvernement dans[e
cadredu
projetde loi
sur t'égatité des chances. Cet articte, visantà
améliorer les chances des jeu- ne"s d'obtenir un travail introduisait une dérogation dans [e droit du travail consistantà
instituer une période d'essaide
deuxans
durant laque[[e l'employeur pourrait licencier son salarié sans motif, par simpte lettre re-.orr*de".
L'accroissement de ta précarité qui en aurait découté était te principat motif d'opposition. cette dernière se manifesta notamment par de nombreuses grèves universitaires et [a descente dans les rues de centainesde
mittiers dé jeunes. Le gouvernementfit
marche arrièreet
abandonnat'article incriminé. La toi fut donc modifiée en supprimant [e point qui faisait l'enjeu de [a protestation.
Que nous apprennent
ces
épisodes quantà
t'impact-des
mouve-ments sociaux sur les potitiques pubtiques,
en
particulier? Premièrement,les
résuttatsde ta
mobitisaiiondes
mouvements sociaux peuvent être très différents,et ce
indépendammentde
t'intensitéet de [a
portée dela
mobitisation. Deuxièmement, [es stratégiesou,
pour utiliserun
terme moins imprégné de volontarisme, les formes d'action qui peuvent amenerles
mouveménttà
avoirun
impact sonttrès
variées. Troisièmement, si tes modalités de l'actlon sont différentes, les cibtes [e sont parfois aussi, mêmesi
l'Etat national demeureta
cibte privitégiée des mouvernents so-liur"
ur.lourd'hui llmiget
Tarrow, 2001]. Quqtrièmement, l'évaluation de t'impactâ", rouu"re'nts
sociaux varie seton l'horizon temporel considéré' cinquièmement, même lorsque l'issue de^ta contestation sembte évidenteet
univoque (boycott de Greenpeaceou
CPE) rien ne nous autoriseà
ex-iLui" qud d'autés facteurs puissent avoir produit
-
ou du moins contribuéà p-àri* -
t'effet"r.orpié.
Ce[a nous donne une idéede ta
difficutté, notamment d'ordre méthodotogique, qui sous-tend ta tâche'Des difficultés conceptuetles et méthodologiques
L'étude des conséquences des mouvements sociaux
a
tongtemps été détaissée par ta tittérature spécialisée, principal.ement en raison des difficut- tés d'ordres conceptuel et méthodotogique. Tout d'abord, i[ n'est pas facile 158l::t_T lfr-tr- des principaux problèmes méthodotogiques riés à t'étude des conséquences oes mouvements sociaux. voir par exempte Eart 120001.
15
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(.
de classer les différents types de conséquences des mouvements sociaux.
A titre
indicatif, nous pouvons opérer une première distinction entre leseflets potitiques, les effets culturets
et
les effets individuelsou
biographi- ques. En ce qui concerne les premiers, plusieurs typotogies àxistent oans[a [ittérature- Lq Otus connue distingue deux types â,effeis lCamion, 1990;
Kitschett, 19861: t'acceptation,
de [a parl dê
autorité,'[Àlil,qr"r, 0",
mouvements en tant qu'interlocuteurs légitimes (effets procéduraux) ei t,ou-
tention de changements dans tes potitiques pub[iques (effets substantiets).
A ces deux types d'effets s'ajoute un troisième, plus rare, Lorsque les mou- vements réussissent
à
modifier [e contexte dans lequel its agissent (effets structuraux)- une fois les types de conséquences déiinis, restË rà probtèmede savoir comment les mesurer aux fins de [a recher.r-,,"
"rpii,q,l".
Cependant, ce sont suftout les obstactes d'ordre méthodotogique qui
ont découragé tes chercheursl. Nous pouvons mentionner cinq piobtèmes principaux.
Le problème fondamental
est
ceftainement celuide
t,attribution de causalité, déjà évoqué ci-dessus. comment être ceftain quet'ed
observésoit attribuable,
du
moins en parlie,à
l'actiondu
mouvementet
ne sort pas dûà
d'autres facteurs n'ayant rienà
voir avec ce dernier? ptus préci- sément, comment être certain qu'un changement observé soit [e résultat dela mobilisation d'acteurs appartenant à un- mouvement social ou, du moins, d'acteurs agissant en dehois des canaux instiiutronnet;t
p;;
.iLÀp1","rt-
ce que les régimes autoritaires de l'Europe de t'Est seraient tombés sans [a vague de mobilisations démocratiques qu'ont connue ces pays? probable- ment pas. En même temps, sont-ils tombésà
cause de ces mobitisations?Déjà ptus difficile à étabtir. Finatemenr, sont-ils tombés
,niqr"rànf
à causede ces mobilisations? Encore ptus difficite
à
défendre.deuxième probtème méthodotogique est [ié au facteur temps. Lors- qu on veut analyser empiriquement les effets des mouvements sociaux, on 3st obf sé de .fixer plus ou moins arbitrairement l'horizon temporel de []ana- tyse. c'est-à-dire
[a
limite dans [e temps au-detàde
taquetieon
ne peut plus parler d'impact, mêmesi
on observe des changements. par exemple, dans [e cas de ta doubte décision de t'orAN, peut-Ën encore parter d,un impact des mobilisations.pacifistes (pour autani que ['on puisse iàur attri- buer un lien de causalité)
u, rom"nt
du retrait des missiteso"
.iàiriÀi", gu!t9.u9s années ptus tard? De plus, it faut égatement tenir compte de ta stabitité des effets dans [e temps. Dans quetle- mesurepeut-;
flrre,- a,un véritable impact si [e changement observé n'est qu'éphémàrei eJià*".npL",en a_dmettant que [a marche arrière du gouvernement français concernant te cPE soit due
à
ta mobitisation estudiàntine, pourrions-nous attribuer [emême impact à cette dernière si après que[ques mois, ou même semaines, l'articte avait éré réintroduit dans
ie
projetje
toi?9 oz (Jl o
l[
y a
ensuite [e problème de l'adaptation des buts des mouvements sociaux. Autrement dit, tes objectifs d'un mouvement ne sont pas fixés unefois pour toutes, mais se modifient souvent par un processus d'adaptation aux changements qui se produisent dans son environnement. C'est [e cas notamment lorsqu'un certain but semble devenir très difficite, voire impossi- bte, à atteindre. On change alors d'objectif. Dans une te[[e situation, il n'est pas évident de mettre en place un dessin de recherche apte
à
déterminer [e rô[e du mouvement. Par exemple, comment aurait-on pu déterminer quela
mobilisation des jeunes Français contre te CPEa
conduit au retrait dece
dernier s'ils avaient changé d'objectifen
coursde
route? Parfois, [echangement observé ne figure même pas parmi les buts
du
mouvement.Par exemple, dans [e cas des mouvements démocratiques de l'Europe de t'Est,
it
est très probabte que, pour une grande part de [a population quis'est mobitisée,
[a
chutedes
régimes autoritaires n'était même pas un but,et
qu'i[ s'agissait simptement d'améliorer ses conditions économiques.sociates
et
potitiques.Une autre source de difficutté méthodotogique concerne l'interdépen- dance des effets. l[ est difficite d'isoler les facteurs dans une situation don- née. C'est [e cas notamment lorsque ['acceptation préatable d'un mouve- ment ou d'une organisation de mouvement en tant qu'interlocuteur légitime
de ta parl de t'Etat
-
par exemple, au sein d'une commission consultative-
rend ptus probableun
changement législatifdû à
l'actiondu
mouve-ment
ou de
l'organisationau
sein d'une tetle arène. En d'autres termes,un impact procédural peut favoriser un impact substantiel. Par exempte, [e
gouvernement français aurait pu abandonner son projet de CPE plus vite
si
des organisationsdu
mouvementde
protestation avaientété
invitéesà
discuter de cette mesure, ce qui est, traditionnellement, une procédure assez rare en France.Finalement,
i[ faut
considérerles
problèmes des effets non vouluset
des effets pervers. Bien que [a plupart des études existantes se soient penchées sur les conséquences intentionnetles des mouvements sociaux,donc
sur
celles correspondantà
[eurs buts déctarés,iI
serait irréaliste de penser que ces dernières épuisent l'ensemble des effets possibles. On pourrait même affirmer que ta plupart des conséquences de [a mobilisation des mouvements sont involontaires lTitty, 1999]. L'exemple des mouvements démocratiquesen
Europede
t'Est est certainement parlantà cet
égard.l[
arrive parfois que les actions des mouvements sociaux produisent des conséquences a[lantà
l'encontrede
leurs propres objectifs. C'est [e cas par exemple lorsque[a
contestation engendre une répression importante de La part de t'Etat, ou encore [orsqu'e[[e produit des divisions internes au mouvement.De l'explication
En dépit des difficuttés méthodotogiques évoquées, plusieurs cher- cheurs Se Sont penchés sur [a question des conséquences des mouvements 160
Pour des aperçus. de [a littérature sur les effets substantiels des mouvements sociaux, voir Amenta et caren 120041, Amenta er at. u.992), Eart 12001 et ciugni trsgal- pori-aàrrri. ,yp", de conséquences (biographiques, cutturelles, etc.), on peut se référer aux articles inclus dans ta quatrieme partie du Blockwell componion to Sociol Movements lSnow et ot. 2004].
161 sociaux, et en pafticu[ier de leurs impacts sur les potitiques publiques2. une grande partie des travaux existants, en
tout
cas jusqu'à l.'é."rnrant, ont 91sayé d'apporter des réponsesà
deux questions fondamentales lciugni, 19981. D'une part,de
savoirsi
['utitisationde
formes d'actions radicales et <de rupture>) (disruptive) favorise [e succès des mouvements davantage que les formes modérées. D'aûtre part, si des mouvements fortement orga- nisés ont plus de succès que des mouvements faiblement organisés.Concernant [a première question, posée plus particulièrement dans [e
contexte des émeutes raciales qui ont touché ptusieurs villes américaines
à
tafin
des années 1960, on s'est surtout intéressé aux effets de ta vio- lence politique. Les résuttats des travaux en [a matière sont loin de faire consensus. Un des résultats principaux de t'étude fqndamentale de camson [1990] est que t'utitisationde
[a violence,et
plus génératement d'actions radicales, est souvent positivement corrélée avec [e luccès. ce constat est paftagé par nombre d'autres auteurs lTarrow, 1998]. ceci contredit ['argu- m.ent pluraliste selon leque[, en potitique, [a modération est plus efficace.D'autres travaux ont montré que t'utitisation de [a violence niesr pas tou- jours pay_ante
et
que, parfois, etle por-te même préjudice aux mouvements sociaux [Schumaker, 1975]...
La
deuxième questiona
ouveftun
débat entre les chercheurs quisoulignent t'efficacité
de
l'organisation [Camson, 1990]et
ceux qui, aucontraire, pensent
que les
mouvementsont plus de
chancesde
voir leurs revendications aboutir s'ils évitentde
créer des structures organi- sationneltes imposanteset
contraignantes Ipivenet
cloward, i979]. "ptus généralement, cette deuxième quesliona
débouché sur un intense débat dans [a littérature concernant [a suprématie des explications soulignant les Variabtes contrôlées par les mouvements (internes) ou de cel[es mËttant en exergue les variables contextue[les (externes). Ainsi, même sur cette ques-tion, [e consensus est loin d'être atteint. D'aucuns pensent que les carac- téristiques internes des mouvements leur permettent d'être plus efficaces lGamson,
19f!
et Lipsky, 1968] ators que à'autres soulignent plutôt te rôte du contexte lcotdstone, 1980 er Schumaker, 1975]. En [eneruL, cependant, i[ sembterait que [a ptupart des chercheurs s'accordent" pour âire' que tes caractéristiquesdes
mouvements sociauxsont
des facteurs décisifs, et que de grands mouvements qui s'engagent dans des programmes d'action colective cohérents sans viser à remplacer les autorités a-u pouvoir (displo- cement gools) ont généralement du succès [Amentaet
al., Ig92].Au-detà
de
ces deux débats quiont
constitué ta toite de fond des études sur l'impact potitique des mouvements sociaux, en tout cas pendant de nombreuses années, l'impact potitiquea
été abordé selon diiférentes perspectives théoriques.A cet
effet, d'aucunsont
proposéde
distinguer entre quatre modèles théoriques [Amenta et al., rgg2]. 1) Seton te modète z0f (J o
des mouvements sociaux
(ou de [a
mobitisation), l'impact découle avanttout
de leur mobilisation, des modalités de leur actionet
de leur carac- téristiques organisationnelles. En d'autres termes,et
pour revenir sur les débats susmentionnés, c'est grâceà
[a forceet
aux ressources internesaux mouvements que ceux-ci arrivent
à
produire des changements dansles potitiques pubtiques. 2) Le modète économique postute que les condi- tions économiques d'un pays constituent [a cause fondamentale
à
ta foisde
l'émergence des mouvements sociauxet
des changements dans les potitiques publiques: par exempte, dans [e casdu
mouvement écologiste, i'accroissement des dépensesde
t'Etat pour[a
protectionde
l'environne- ment. Dans ce cas, donc, les mouvements n'ont pas d'effet indépendant' 3) Dans [e modèle de [a structure des opportunités potitiques, l'émergenceet l'impact des mouvements sociaux dépendent principalement de facteurs externes aux mouvements
et
qui onttrait à
[eur contexte politique. Dansce cas, [a mobitisation du mouvement n'a pas d'effet indépendant. 4) Sui-
vant [e modète de ta médiation potitique, enfin, ['impact des mouvements sociaux dépend
de
leur organisationet de
leur mobilisation, maisi[
est favorisé par certaines conditions relativesà
[a structure des opportunités potitiques. lt s'agit d'une softe de variante du modète précédent. Dans cette perspective,[e
contexte potitique intervient entre l'actiondu
mouvementet
sur ses effets. La mobilisation,à
elte seule, est donc insuffisante, bien que nécessaire. Parmi les aspects du contexte politique qui jouent un rôle particutièrement impoftant, on peut mentionner les caractéristiques du sys- tème politique ainsi que celles du système des partis.Du poids du contexte
Ces dernières années, l'attention des chercheurs s'est ptutôt portée sur les conditions liées au contexte qui peuvent favoriser ou, au contraire, empêcher un
tel
impact. Deux facteurs semblent jouerun
rôte particuliè- rement importantà
cet égard. Le premier, qui vient d'être évoqué, retèvedu contexte potitique des mouvements
et
consiste en certains aspects de [a structure des opportunités potitiques lAmentaet
ol., 1,992). Plus préci- sément, certains travaux ont montré que [a présence d'attiés puissants au sein des arènes institutionnelles-
notamment des partis-
est un étémentfacilitateur pour l'impact potitique des mouvements. Le deuxième facteur consiste en
[a
présence d'une opinion pubtique favorableau
mouvement,ou en tout cas
à
SeS revendications. Cependant, cet aspecta
moins sou- vent été étudié que [e premier lBurstein, 1999].Dans une recherche comparative sur l'impact des mouvements éco-
logistes, antinucléaires
et
pacifistes danstrois
pays occidentaux (ltalie,Su]sse et Etats-Unis), nous nous sommes penchés sur [e rôle facilitateur de ces deux facteurs externes sur l'impact des mouvements Sur [es politiques pubtiques
lciugni
200L, 20041. Un des objectifs principauxde [a
recher-thu
étuit de tester[a
pertinence detrois
modètes expticatifsde
l'impactdes mouvements sociaux sur les potitiques pubtiques, approches reflétant autant de manières distinctes de concevoir te rôte des mouvements: ['ap-
r62
est un cas intermédiaire, dans
[a
mesureoù i[
touche un enjeu national16 proche de l'effet direct, ['approche de ['effet indirect et l'approche de t'effet -sonjoint. L'approche
de
t'effet direct postule que les mouvementsont
un\pact
indépendantet
autonome, sans devoir recourirà
des ressources extbrnes. Etle corresponden
grosau
modèledes
mouvements sociaux mentionné plus haut. Les deux autres modèles soulignentte
rôte faciti- tateurdu
contexte externe, notammentde [a
présence d'attiés potitiques ou d'une opinlon pubtique favorabte, mais ils diffèrent entre eux quant àla
séquence temporetledu
processus. Dans l'approchede
t'effet indirect,la
mobilisationdu
mouvement influence dansun
premier tempsun
des aspects du contexte (a[liances politiques ou opinion pubtique), ce qui per-met, dans
un
deuxième temps, d'obtenirun
impact. Dans l'approche del'effet conjoint,
[a
présence simultanéede [a
mobilisation 'du mouvement et de ces aspects contextuels augmente les chances d'obtenir un impact.Elle correspond
en
grosau
modèle théoriquede [a
médiation potitique mentionnée plus haut.L'hypothèse centrale
de [a
recherche était que l'approchede
t'effet conjointest
plus appropriée, c'est-à-direque
['impactdes
mouvements sociaux sur les politiques publiques est plus probabte- et
plus important-
[orsque les mouvements peuvent appuyer leur action sur des ressources externes. Nous nous attendions égalementà
ce que certains mouvementssoient plus efficaces que d'autres. Pour conceptualiser
cet
aspect, nous nous sommes appuyés sur une typologie des enjeux touchés par les mou- vements en croisant deux dimensions. La première dimension distingue des enjeux qui restent confinésà
ta politique nationaleet
des enjeuxà
carac- tère internationa[. La deuxième dimension oppose des enjeux <à haut pro- fi[> portant une menace importante aux intérêts de t'Etatà
des enjeux <à bas profil> qui touchent des potitiques plus consensueltes, ou en tout cas moins centrales pour l'Etat. Le croisement de ces deux dimensions devait permettre de faire des prédictions sur ce que nous avons appeté [a <via- bitité des revendications>, c'est-à-dire les chances de succès des différents mouvements en fonction des enjeuxet
des politiques qu'ils touchent.Ceci permet de formuler trois hypothèses générales concernant ['im- pact des mouvements sociaux sur les politiques pubtiques. Premièrement,
cet impact
est
plus probableen
présence d'attiés institutionnels (notam- menten
raison d'une ptus grande tégitimité donnéeau
mouvementet
à ses revendications, ainsi qu'à ta possibitité de traduire immédiatement ces revendications en politiques publiques, au sein des arènes institutionnelles).Deuxièmement,
cet
impactest
plus probabteen
présence d'une opinion publique favorable aux revendicationsdu
mouvement (lié aufait
que les autorités potitiques, notamment selon [a théorie de [a démocratie représen- tative, suivraient l'opinion publique, qui constitue ta majorité des électeurs, par crainte de non-réélection si elles ne donnent pas suite aux revendica- tionsdu
mouvement. Troisièmement,cet
impact est plus difficite pour les mouvements pacifistes (qui touchent souvent des enjeux internationaux <à haut profi[>) que pour les mouvements écotogistes (qui touchent généra- lement des enjeux nationaux <à bas profit>). Le mouvement antinuc[éaire= Il
(,
oO
.)
(à
haut profi[>,à
savoir l'approvisionnement énergétiquedu
pays.l[
faut encore ajouter que l'effet conjoint des altiances politiqueset
de l'opinion pubtiqueest
renforcé quandces
deux facteurs externessont
présents simultanément (ce qui nous donne en quelque softe une quatrième hypo- thèse, mais atlant dansle
même sens que les deux premières).Ces hypothèses ont été testées empiriquement
à
travers ta méthode de lanalyse des séries temporel[es3. Les résultats ont permis de vérifier, du moins pârtietlement, ces hypothèses. Tout d'abord, les trois types d'effets conjoints (avec deux ou trois facteurs expticatifs) sont plus fofts que les ef-fets directs et indirects. Que ce soit en ltalie, en Suisse ou aux Etats-Unis,
les mouvements sociaux étudiés ont pu profiter du soutien d'attiés institu- tionnets et de [a présence d'une opinion publique favorabte. Ceci confirme tes hypothèses concernant l'effet conjoint. Ensuite, nous observons une tendance
à
un impact plus important selon [e mouvement considéré: im- pact ptus important des mouvements écologistes, puis des mouvements an- tinucléaires,et
enfin des mouvements pacifistes. Ceci confirme t'hypothèse concernant ta viabitité des revendications. Finatement, i[ faut souligner que tes différences entre lestrois
pays considérés dans t'étude ne sont pas très forteset
surtout qu'e[[es sont difficitesà
interpréter. En particulier, [emodète de t'effet conjoint s'apptique mieux aux Etats-Unis qu'à ta suisse et surtout
à
t'ltatie, mais ceta pourrait simplement être tiéà
un problème de données dans ces deux derniers cas.En termes généraux, i[ ressort donc de ces analyses que l'impact des mouvements sociaux est facitité [orsque leur mobilisation est accompagnée par [a présence simultanée d'attiés au sein des arènes institutionnelles ou d'une opinion pubtique favorable
-
ou, encore mieux, des deux facteurs à ta fois-
et qu'its touchent des enjeux nationaux peu menaçants pour fEtat.Ces r'ésultats ont été confrontés avec ceux issus d'une analyse des mêmes données à t'aide d'une autre méthode, à savoir Ia Quolitotive Comparotive
Anolysis [Ciugni
et
Yamasaki, 2006]. ltsont
largement confirmé les princi- pales conclusions de l'étude originate.Conclusion
Après
de
longues années durant lesquellesles
conséquences des mouvements sociaux étaient quelque peu passées Sous Silence, Suftout en raisons de difficuttés méthodotogiques,ta
llttérature scientifiquea
récem-ment recommencé
à
s'intéresserà cet
aspect fondamentat,de
manière systématiqueet
sur[a
base d'études empiriques. Nous commençons dès [6rs à nous faire une idée ptus précise de ce que les mouvements laissent dans leur sillage et surtout des conditions auxquelles ils peuvent influencertes politiques publiques. Le contexte
de [a
mobitisation des mouvementsjoue
à
cet égard un rôle très impoftant, que ce soit par [e biais des al- iiances politiques ou de fopinion pubtique, mais aussi d'autres aspects qui ont été moins étudiés.L64
3 Pour ptus de détails sur les données et [a méthodologie, voir [Giueni, 2004].
165 Les acteurs environnementaux ne font pas exception
et
profitent eux.. ul'?i de [a
présencede
ressources externes qui peuvent en faciriter les\:ï?,: ïi:li?p"'r
à d'autres mouvements, irs ont une tâche peur_être plus\êrsee' dans [a mesure où ils peuvent exptoiter [a présence de partis èco- ibgistes dans les parlements
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Mobilité relâchée et surabondance foncière: pourquoi et comment gérer l'offre de manière parcimonieuse?
Jrnx-MnruE Hnruux
C'est
sur [e
concept d'offre foncière urbanisableque
nous nous proposonsde
réfléchirafin
d'éc[aircirles
probtématiquesde
l'extension urbaineet de [a
modification profonde des relations qu'entretiennent [es<ville_s>
et
les <campagnes>. Bien qu'apparemment simple, ce concept est en réalité bien difficiteà
cerner età
manier. En effet, i[ est susceptibte de renvoyerà
des contenus très variés et, dès tors, d'entretenir [a confusionet_ l'incompréhension. En matière d'extension urbaine,
i[ est par
exemple fréquent que [a pénurie en terrains juridiquement urbanisables soit dénon- cée par [e secteur dela
promotion immobitière alors que, simultanément, les aménageurs concernés critiquent un zonagetrop
généreux en terres constructibles. comme nous[e
développerons, clarifier [e concept d'offre foncière.urbanisabte permet de lever ce type de malentendus en précisant pourquoi les différentes catégories d'acteurs nefont
référence qu'à une réatité parriette.clarifier
[e
concept d'offre foncière urbanisable nous conduira tout d'abordà
noué intéresserau
champde ta
mobitité.on te
négtige trop souvent, mais c'est d'abord [a performance des réseaux de tranipàrts qui détermine si un terrain intéresse les promoteurs de projets de construction susceptiblesde
transformer[a
<campagne)>en
"vitte>. Loger des popu- lations
ou
assurer [e fonctionnement diactivités économiquËs impose, en effet, [a capacité d'accéder physiquement aux nouvetles construciions. Endautres termes, les réseaux de transports fixent