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Mouvements sociaux

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(1)

Book Chapter

Reference

Mouvements sociaux

GIUGNI, Marco

GIUGNI, Marco. Mouvements sociaux. In: Ulrich Klöti, Peter Knoepfel, Hanspeter Kriesi, Yannis Papadopoulos et Pascal Sciarini. Manuel de la politique suisse . Zürich : Verlag Neue

Zürcher Zeitung, 2006. p. 346-360

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:112893

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(2)

4.3 Mouvements sociaux

Marco Giugni,

Université de Genève

Table des rnatières

Introduction

La structure des opportunites polidques

pour

la

mobilisation

des mouvements sociaux en Suisse

Quatre familles de mouvements Conclusion

1

2

3 4

346 347

4\')

360

(3)

'l lntroductionn

Au

début des années 1990,

Kriesi (1991)

a caracrérisé Ia recherche sur les mou- vements sociaux

en

Suisse comme

étant un

nchamp

de

rechercire mar:ginal au sein

d'une communauté

des sciences sociales sous-développée>.

Norre bur

ul-

time

sera cie

montrer

qrle ce jugement conespond de rnoins en rnoins à la réali-

té.

I.es premièr:es études systématiques

de la mobilisation

des mouvemenrs so- ciaux en Suisse, basées sur cles analyses ernpiriqr.res,

ont

été menées vers la

fin

des

années

1970 et ie début

des annécs 19B0

par

r-rne

équipe de

chercheurs de

l'Université

de

Zurich

(Kriesi et

al. 1981).' il

s'agissait à ce momenr-là

d'un

cas

encore

isolé. Cependant, au cours

des

deux

dernières décennies

la

recherche cians ce domaine a beaucoup progressé et nous avons

aujourd'hui

à disposition

un

matériel

impoltant, qui

nous periner de dresser

un

rableau

significatif

de la mobilisation des rnouvements en Suisse.

S'il

existe plusieurs

définidons

des mouvernents sociaux,

ia piupar

des au-

teurs

s'accordent

aujourd'hui pour les définir comme des

réseaux informels d'acteurs ayant Lrne

identité

collective et se

mobilisanr aurour

d'enjeux conflic- tueis

à

travers clifferentes forrnes

de protestation

(della

Porta et Diani

2006).' Nous allons focaliser notre

attention

sur l'aspect le plus visible des mouvements

-

à savoir,

Ieur mobilisation poiitique -

er

l'inrerprérer

avant

rout

à travers ie

prisme des opportunités politiques. Selon la fonnule

proposée

par Tarrow (1996),les opportunités

pol.itiques sonr des

incitations qui

encouragent

ou

dé- couragent les acteurs politiques à forrner des mouvements sociaux. Elles incluent

tous ies

aspects

du

système

politique qui ont un impact sur les

possibilités

qu'ont

les acteurs collectifs de se

mobiliser

de marrière efficace.

Le

concept de srructure des

opporunités politiques

saisit les aspects

du

contexre

politique

des

mouvements sociaux

perrneftant de

comprendre ieurs caractérisriques clans un pays donné.

Au fii du

temps, ce concept a

fini par

irrcorporer

un

nombre telle- ment élevé d'aspects (y cornpris au

plan

supranational) qrie son

pouvoir

explica-

tif

a été

fortement dilué. La plupart

des

travaix

se sonr cependant concentrés sur les quatre aspects suivants:

(1) l'ouverture ou ia

ferrnerure relative

du

sys-

tème

politico-institutionnei; (2)

la stabiiité

ou l'instabilité

des alisnement.s

poii-

tiques;

(3) la

présence

ou

l'absence

d'alliés parmi

les élites politiclues;

et (4)

la

capacité et la propension de

I'Etat

à réprimer Ia contestation

(McAdam

1996).

2

La

structure des opportunité$ politiques pour la mobilisation des mouvêments sociaux en Suisse

La

structure des cliuages

Les differents éléments de la structnre des opportunités politiques permettent de comprendre l'érnergence des mouvements sociaux,

ieur

niveau de mobilisation, leurs répertoires

d'actions et leurs

effets

polidques. Ii y a

cependant

un

cin- quième aspect

dont il faut tenir compte,

à savoir

la

structure des clivages. Ces derniers

contribuent

à

furmer un potentiel

de

mobilisation qui

pourra se trans-

former

en

action

dans

la

mesure

des circonstances favorables se présentent.

Selon

Kriesi et al. (1995), qui reprennent une

idée pr:oposée

par Bartolini

et

Mair (1990),

plus

un

ciivase est saillant et

rlon

pacifié, plus le

potentiel

de mo- bilisation de ce clivage est éler'é, et donc disponible

pour

l'émergence de mouve- ments s'appuyant sur ce clivage.

En

général, les mouvernents

qui

s'appuient sur des potentiels

politiques

cra- ditionnels

ont

r.rne capacité de

mobilisation

relativement faible en Suisse, car les clivages

traditionneis

sont peu saillants.

En

revanche, la pacification des clivages

traditionnels

a

pour

conséquence

de

laisser

plus

d'espace

pour

i'émergence de nourrealrx clivages,

qui constituent la

base

pour

d'autres qypes de inouvements, tant nde gauche, que ude

dioite,

(Kriesi et

al.

1995; IGiesi 1995a, 1999).

Pour

évaiuer

plus

spécifiqlrement

Ie potentiel de mobilisation

des moLrve- ments

traditionnels,

rrous pouvorls lrous âppuyer sur les quatre clivages

mis

en évidence par

Rokkan Q97ù.

Le clivage centre-périphérie constitue notarnment la base

pour

i'émergence des mouvements régionalistes et nâtionâlistes revendi- quant la défense d'une

identité territoriale.

La force de ce clivage dépend en par- de de la sffucture de

i'Etat:

en diffusant le

pouvoir,

Lrne

structllre

fedérale tend à

institutionnaliser le

clivage centre-périphérie

et, par

conséquent,

à le

rendre

moins saiilant. L'Etat

Fédéral suisse,

qui donne

beaucoup

d'autonomie et

cle

pouvoir eux

cântons,

offi'e donc un

cadre

peu propice à la

con.stitution

d'un potentiel

cle

mobilisation

des rnouvements réeionalistes et rlâtionalistes.

A l'op-

posé, des

Etats fortement

centralisés cornme

I'Angleterre ou la

France consti-

tuent un terrain fertile pour Ia rnobilisatiori

des communaLltés périphériques souvent discriminées

par I'Etat central et qui

se

fondent sur

des clivages eth- nique.s ou Iinguistiques.

Le

clivage

religieux, ayant en

Suisse

traditionnellement

opposé les catholi- ques et les protestants, a égalemenc été pacifié, principalement par le biais ciu fé- déralisme.

Au

cours de l'histoir:e moderne

du

pays, les catholiques, minoritaires par

rapport

aux protestants

qui ont

été les artisans de

ia consuuctiorl

cle I'Etat, ont progressivement été intégrés dans la

politique

et

l'adminisuation

nationale au trâvers de règles de représentation

proportionnelle

des communautés religieuses"

(4)

Le clivage ville-carnpagne oppose ies régions urbaines et industrielles aux ré- gions rurales

oir domine

i'économie paysânne. C'est

un

clivage

qui

a d.ominé la

politique un peu parrour en Europc au

19" siècle

(Rokkan

1970), mais

qui

a

beaucoup perclu de sa saillance au cours

du

20" siècle en raison de

la

réciuction de

la taille

de

la

classe paysanne

er de son intégration politique. Ce

clivage a

néanmoins gardé une certaine capacité de

mobilisation,

peur-êrre en rai.son de Ia

forte

orsanisation

politique

er

du

poids électoral cles paysans,

ou

encore en rai- son

d'un

changement de contenu de ce ciivage

-

les zones

non

ur[raines ne sont plus forcément agricoles mais sonr restées plus traditionalistes.

Finalement, le clivage de classe est,

aujourd'hui

encore, certainernent

le

plus

imporrant parrai

Ies clivages tracl.itionnels.

A

nouveau,

la

capacité de nlobil.isa-

tion

de ce clivage, et donc clu mouvernenr

ouvrier,

s'est progressirrement réduite dans le monde occidental, à cause cle ia

transformation

de la

sructure

de classe provoquée

par

i'ar,ènemenr

du

secreur des services

à partir de

l'après-guerr:e, mais aussi

du

cléveloppemenr de

l'Etat

providerlce er cle

l'amélioration

des con,

didons de vie. Néanmoins,

cetre

réduction du potenriel de mobilisatior,

du mouvement ouvrier varie considérablement de pays à pays.

En

Suisse, contraire-

ment

à d'autres pays européens tels que

la

France

ou I'Italie,

Ia

pacification

clu

conflit

de classe, devenue une caractéristique

institutionnelle du

système

politi-

que avec I'instaurarion de

ia

npaix

du travail, en

1937 er la cooprarion

du

Parti socialiste

au sein de la uftrnnule

magiqueu

dès

.l

959,

iaisse

relativemenr

peu d'espace à Ia

mobilisation

ouvrière.

Les

lpportunités institutionnelles

et le rôle de

ln

d.émocrati.e d.irecte Les mouvernents sociaux en Suisse sont confrontés à

un

contexte de forre ouver- ture

institutionnelle

due

notamment

au fedéralisme, à la fragmentarion

du

pou-

voir,

à la faiblesse de

l'administration publique

er à la présence de ia démocratie directe

(Kriesi

1995b).

En paniculier, le

fedéraiisrne

et la

démocratie direcre

-

deux aspects clés des

institutions

suisses

* contribuent

largemenr à cette ouver-

ture

de

ia suucture

des

opportunités

i.nsritutionnelles, laquelle exerce

un

effet certain sur les niveaux et les formes cle ia mobilisacion des mouvemenrs sociaux en Suisse. Par exemple, la srrucrure fedérale

du

pa1's, avec

la multiplication

des

points

d'accès

qu'elle offre, rend à faciiiter la mobilisatio*

des mouvemenrs

(Giugni

1996). Cependant, le fàcteur:

institutionnel,

petit-être le plus

important en

Suisse,

tient

à l'existe:rce

d'instmrnents de

démocratie

directe,

insrrumenrs

dont

les mouvemenrs

ont fait

large u.sage

(Giugni

1995;

Giugni

et Passy 1997;

Kriesi et al. 1995).'

Ces

instrurnents (notamrnenr l'initiative populaire er

le réferendum

fâcultati$ offrent un

canal supplémentaire

pour

la

mobilisation

des mouvements sociaur<

en

Suisse,

entraînant ainsi une augmentation de leur ni-

veau de

mobilisation,

mais ayant en même remps

un

effet mod.érateur sur jeur

r'épertoire

d'actions (Kriesi

1995c). Epple-Gass

(1988) a

précisénrenr

mis

en garde contre les dangers de cet effer modérateur en soulignant la

fonction

modé-

ratrice et

intégr:ative

de I'initiative popuiaire qui aurait

transforn-ld

le

mouve-

ment

pacifiste

en un (mouv€ment d'initiative,. Il voit

dans cette

fonction

la- tente de

l'initiative

une des grandes

limites

de la contestation en Suisse (Eppie- Gass

1991). Cependant, cet

ar.rteur néglige

peut-être

les eflèts

positifs et in-

directs de cet

instrument

sur la

mobilisation

des mouvernents sociaux, surtout la possibilité de placer

un

enjeu sur i'agenda

polirique

er

publique (Giugni l99i).

En outre, il

ne

faut

pas

oubiier

que

la

dérnocratie directe

-

surrour

ie

réferen-

dum âcultatif * peut

également être

un instrument

cle blocage des politiques pubiiques de la part des nrouvements sociaux

(Giugni

et Passy 1993b).

L'ouverture institutionnelle produite

par

la

démocratie directe n'est pas ho- mogène, mais varie à

la fois

selon les cailrons

et

selon les mouvemenrs.

f)'une

part, le

prix

d'entrée à la démocratie clirecte, en terffres de signatures requises et de délais

pour

la récolte des signatures,

qui

esr plus bas en Sui.sse alémanique par

rapport à la

Suisse

latine, conribuerait en

général

à rendre les

répertoires d'actions

plus

radicaux dans cette dernière,

en

raison de l'usage

pliis

fréquent des instruments de

la

démocratie directe,

surrout

de

l'initiative

populaire. Ceci pr:ovoquerait

une plus

grande exciusion

et

répression des mouvemenrs margi-

naux

dans

Ia partie alénanique du

pays, ce

qui

les pousserait

à

se radicaiiser davantage dans

un

contexte de grande ouverture de

la

démocratie directe

(\fli-

sler

et al. 1996).'IJ'autre part,

l'accès

aux

procédures

de

démocratie directe dépencl des ressources à disposition clu mouvement

-

notammenr pour conduire la campagne de

votation -

mais aussi des choix stratégiqries des fbrrnes d'action.

Autrement dit,

tous les rnouvements

n'ont

pas les moyens ou la

volonté

de pas- ser

par la

dérnocratie directe"

Le

manque

de

succès

du mouvement

fëministe, p.ex.,

pelrt

être

attribué

en partie au

fait qu'il n'a

pas su saisir cette

opportunité

que

lui offrait

le systèine

polidque

suisse

(BanaszakI99l,1996).

Parallèlement

à l'ouverture formelle de la structure des opportunités

en Suisse, les autorités

politiques optent

g;énéralement

pour

une stratégie inciusive

et de

négociation

et

Ie sy's1|1ns

politique

penche vers une

intégration

consen- sueile des

conflits. Ainsi, la structure

des

opportunités politiques en

Suisse se

disdngue

par son

ouverture vis-à-vis des groupes contestataires,

ofïrant

beau- coup

d'opportunités

autant formelles

qu'informelles.

La Suisse se caractérise en effet par ia cornbinaison d'une

stnicture institutionnelle

ouverte âvec une straté- gie

dominante

inclusive

(lGiesi

1995c). Le résultat de cette c{ouble ouverture est

un niveau de mobilisation

souvent élevé

et

des formes

d'action

généralemenr modérées,

en tout câs conparativernent à d'auues pa)'s clont ia

structure

d'opportunités

est

plus

fermée,

comme par

exemple

la

France

(Giugni

1995;

Giugni

et Passy

1993a,1997,1999; Kriesi etal. \992,1995).

(5)

l.es alliances

et la configuration du pouvoir

d.épendent d.es mouvements ou families de rnouvements concernés. Par exempie,

Kriesi

et

al. (1995)

soulignent I'importance de la

configuration

du

pouvoir

au sein de ia gauche

poul

la

mobiii

sâtion des nouveâux rnouvements sociaux. La possibilité de

former

des alliances politiques avec les partis de la gauche est très

importante pour

ces mouvements

(Kriesi I986),

car cela augrnente les chances que leurs revendications soient

pri-

ses au sérieux

et

que leurs

buts

aboutissent. Pius précisément, ces auteurs

ont montré

que

la

pr:ésence des socialistes au gouvernement

nuit

à

la

mobilisation des nouveaux mouvements sociaux, alors

qu'une

gauche dans

I'opposition

peut la faciliter. Evidernment, si

i'on

s'intéresse à d'autres families de rnouvements, ce

sont d'alltres wpes d'alliances qu'il.

âut

prendre en considération. Par exemple, les partis d'extrêrne

droite

devraient être les alliés naturels des mouvements de Ia

droite

radicaie. Dans ce cas, cependant

il

semblerait que

la

seule présence

d'un parti

d'extrême

droite

électoraiement

fort

tende à dénrobiliser

la droite

radicale extraparlementaire, dans Ia mesure

ou il

s'agit de deux alternatives strâtégiques

qui

se neutralisent

(Giugni

et al. 2005; Koopmans 1996).

Les opportunités spécrfiques

d

les opporttmités discursiaes

Certains travaux

récents

sur

les

mobilisations

collectives dans

le domaine

de

l'imrnigration et

des

relations ethniques ont

adressé

une double critique

au concept de structure des

opportunités politiques (Giugni et

Passy

20A3,2A04,

2006; Koopmans et Statharn

I999,

2000; Koopmans et al. 20A5).

Premièrement, les approches ciassiques

ont trop mis

l'accent sur les oppor-

tunités institutionnelles, en tant que

chances

pour les citoyens d'obtenir

de

l'accès et de

i'influence

sur

le

processus décisionnel (ouverture/ferrneture), ainsi

qu'en tant que

réactions

de la paft

des

autorités politiques

(répressionifaci-

litation). Il

faut également

tenir

compte des opportunités discursives, c'est-à-dire des chances

qu'ont

les idendtés collectives et les revendicâtions des mouvements

d'obtenir de la visibilité

dans les médias,

de

résonner avec les revendications d'autres acteurs collectifs et de gagner de ia

légitimité

dans le discours public.

Deuxièmement, les opportunités politiques sont définies de

manière

trop

générale,

car

elles

sont

censées

influencer la mobilisation de tous

les mouve- ments de

ia

même manière, indépendamm€nt des carâctéristiques des champs

politiques et

des acteurs collectifis

en qlrestioll. Cependant,

ces opportunités peuvent varier

d'un

champ politiclue à

l'autre, d'un

secteur à

I'autre. Il faut

dès

lors définir

des srructures

d'opportunités

spécifiques

ou

sectorielles (Berclaz et

Giugni

2005).

Ces études récenres

montrent

que les conceptions dominantes de ia citoyen- neré

et les pratiques institutionnelles qui en découlent offrent un

ensemble

d'opporunités institutionnelles

et discr"rrsives aux âcteurs

qui

se

mobilisent

dans

le domaine de

f immigration

et des relations ethniques (notamment les mouve- ments des

migrants,

de

solidarité et

de

Ia droite

radicale).

il

s'agit, autrement

dit, d'une

structure

d'opportunités

spécifique au champ de

l'immigration

et des relations ethniques

qui

détermine ies opdons

d'action

dans ce domaine et cana- iise les revendications

politiques portant sur

ces thèrnes.

Ainsi,

les auteu.rs

ont montré que la rnobiiisation

des

migrants

dans des pays

comme la

Suisse ou I'A,llemagne,

qui

se caractérisent

par.un

modèle de citoyenneté

combinant

des critères ethnoculturels

pour l'acquisition

de ia citoyenneté et une approche mo- niste

ou

assimilationniste

par rapport

à

la

différence

culturelle,

est

pius âible

que dans des pays

comme la

Grande-Bretagne

et

les Pays-Bas,

oii

des critères

civique-territoriaux

s'accompagnent

d'une

approche phiraliste (Koopmans et al.

2005). La France représente un cas intermédiaire à cet égard.

A i'instar

du cas de I'Aliemagne, les

opportunités politiques pour

Ia

rnobilisation et, plus

générale-

ment, pour la

présence des

migrants

dans l'espace

public sont

plus limitées en Suisse que dans les

trois

autres pays car

le

modèle <ie citoyenneté

dominant

est plus

restrictif

à

leur

égard, ce

qui

se reflète dans une

moindre mobiiisation.

En même temps,

Iorsqu'ils

se

mobilisent,

les

migrants

se focalisent sur des enjeux ayant

trait

à

leur

pays

d'origine plutôt

que

pour

revendiquer

plus

cle

droits

ou une meilleure

intégration

en Suisse. Finalement,

leur mobiiisation

est plus radi- cale,

voire violente, que

celle

de leurs

hornologues dans les pays

offrant

une

structure d'opportunités plus

favorable

en

termes

de

modèies

de

citoyenneté.

Ces résultats

vont à I'encontre

des hypothèses émises

par

l'approche classique des

opportunités politiques, notamment

dans i'étude de Kriesi et

al.

(1995). En effet, seion ces autellrs

I'ouverture

de ia structure des opportunités politiques en Suisse débouche sur

un

niveau de

mobilisation

élevé et sur des formes d'actions modérées

de la parr

des mou.rements sociaux,

contrairetnetlr

à ce

qui

se passe par exemple en France.

Or,

c'est exactement

le

contraire que

l'on

obsen'e lors- que

I'on

s'intéresse aux mouveinents de migrants.'

D'autres travaux récents

ont

tenté

d'appliquer

cette approche au champ

poli-

tique de

l'emploi

et, plus précisérnent, aux mobilisations collectives ayant

trait

à Ia question du chômage (Berclaz et aI.

2005a,2005b;

Chabanet et

Giugni

2005;

Giugni

et Statha-m 2A02, 2005). Ces travaux établissent

un lien enre

la concep-

tion dominante

de

I'Etat

providence et les approches

institutionnelles

envers Ie chômage

d'une part,

et les

mobilisations

collectives

portant

sur des thèmes iiés au chômage, à ses causes, ses conséquences et sa r:ésolution de l'autre.

l)ans

cette perspective,

la

manière

dont l'Etat définit

I'accès et Ie

droit

à Ia prévoyance so- ciale

-

en

particulier,

à I'assurance-chômage

-

influence et canalise la mobiiisa-

tion

des chômeurs, car elle

constitue

une structure

d'opportunités

(institr"rtion- nelles et cliscursives) spécifique à ce champ

politique. Ainsi,

au-delà

du fait

que le chômage reste

limité

comparativement à d'autres pays> ia

faible

mobilisation

(6)

cies chômer-rrs en Suisse s'expliquerait en parrie

par

les faibles opportLrnités

qui

découient

de la conception dominante

de

I'Etat

providence dans ce pay's,

tpi

met

l'accent sur les causes et solutions économiqr.res (liées au rnarché) ciu chô- mage, donnant ainsi plus d'accès à I'espace

public pour

ies acteurs dé{ènclant les

intérêts économiques. Ceci affecte

la construction identitaire

des chômeurs, en créant

par là

une

délégitimation

de

leur statut et

sLrrtoLit cle

leur

mobilisation

politique

(l}erclaz et al. 2005b; Chabanet et

Giugni

2005).

3 Ouatre familles de mouvements

Les ruouuements traditionrce /s

Pai:rni ce clue

I'on peut

appeler les mouvements

traditionnels *

c'est-à-dir:e les

mouvements

dont la mobilisation

s'appuie

sur

les clivages

mis en

exergue pâr

Rokkan

(1,97A)

*

le mouvernent or-rvrier esr cerrainernent le

plus irnporranr,

ne serait-ce que par sa

signification politique. En

Suisse, cependant, la mobilisation ouvrière est généralement restée très faible, sauf dans cles circonsrances parricu- lières.

l)ans une

perspective

rokkanienne,

cetre fajblesse s'explique avanr

rollr

par la pacification, et donc la faible saillance, du clivage de classe.o

Ainsi,

la corn- paraison internationaie menée par Kr:iesi et

al. (1995) monrre qu'enrre

7975 et 1989

le mouveffletlt ouvrier

suisse

a moins mobiiisé

que ses hornologues alle- rnand, français

et

hoilandais.

La difftrence

avec

ia

France esr particulièrelnenr marquée,

surtout si on tient

compre des grèves comme

forme

privilégiée de la

mobilisation

ouvrière.

En effet,

ces deux pays représentenr

sur

plusieurs plans des cas contrastés en ce

qui

concerne

la mobilisation

des mouvefflenrs sociaux

(Giugni

et Passy 1993a).

La

figure

1 nous perrnet de situer la

mobilisation du

mouvement ouvrier en Suisse dans

le temps (entre 1945 et 1978), ainsi que par rapporr âux

aurres

irouvements

traditionnel.s

et

ar-rx

nouveaux

nrouvem.ents sociaux,

dont

nous discuterons plus bas. La

rnobilisation

ouvrière

était

très forre en début c{e siècle

et, surtout, lors de la

grève générale

de

1918.

A

cette époque,

le

mouvement

ouvrier était

encore

radical,

mais son

action

est devenue progressivement plus modérée au

fur

et à mesure que ses principales organisations

-

les syndicars er le

Parti

socialiste

-

se

sont

intégrées dans

le

sysrème

politique,

processus déjà en marche au lendemain de

la

grève générale

(Degen 1991).

Plusieurs érapes ont concrétisé cette intégr:ation: f

introduction

de la

proportionnelle en l919

suite à

la

grève générale

de I'année

précédente;

la convention du 19 jviller

1937

introduisant un tribunal d'arbitrage privé dans les relations industrielles

et conduisant à Ia

paix du travail; et la cooptation du Parti

socialiste au sein du

Conseil

fédéraI, provisoirement

en i943

er

définidvement en

1959. Inséré pro- gressivement dans ia logique

du

système de concordance, le morivement ouvrier

resr-rrgit

une

première

fois

après

la

Seconcle Guerre mondi;rle er Line deuxième fbis à la

fln

des années 1960 grâce à

I'apport

cle

la no*r'elle

gauche, inais seule- ment

pour

redevenir larent à

partir du milieu

cles années 1920, après la période

ia

plus sombre cle

ia

crise éconornique.

cependant, ia mobilisation

syndicale et ouvrière semble

avoir repris un

cerrain souffle en ce

début

de troisième

millé-

naire, notarnmenr en raison des

difficultés

économiq*es

et

de l'érosion des ac-

quis

sociaux

qui

est

en ra.in de

se

produire un peu parrour en

Europe, ainsi

qu'en parallèlf

à l'érnergencé clu mouvemenr a.ltennondialiste, que nous rraire- rons plus bas.'

Figure

I:

Euolution du nombre c{'actions norc-con.uentiormelles des rnouuern,enîs sociaux en Suisse,

1945-1978

a NMS l- -

ouvriers ---

A

traditionnels

}'.a

trl

Source: Kriesi (1995c)

ljne

autre

mobilisation importante

s'âppuyant sur les clivages traclidonnels a ca- ractérisé

le

paysage de

la

contestation sociale en Suisse.

Il

s'agit de la mobilisa-

tion

du mouvernent régionaliste ou auronomiste jurassien (Henecka 1972;

Can- guillet 1984,

1985;

Jenkins

1986; R.ennwald 1994),

qui

repose essenriellemenr sur

le

clivage cenrre-périphérie.

Malgré la pacificarion

de ce clivage,

le

mouve- ment jurassien s'est forrement mobilisé, surrour à

pardr

des années 1950. Cette mcrbilisation a débouché

sur la création

c{u nouveau cânron

du

Jura

en

1979.

Parmi les quatre pa)'s étudiés par

Kriesi

et

al. (1995),

seuie

la

France,

o')

le

cli-

vage centre-périphérie esr resté rrès

saillant, afflche un

niveau de mobilisation des tnouvements r'égionalistes

pius

élevé clue

la

Suisse.

Un conflit

centre-péri- phérie peut toujours se

produire

au sein

d'une

cles i-rnirés de

l'Erat

fedéral

dri fait

cle la pr:ésence de

minorités politiquement

discriminées. Ceci est précisément le I

i

I I

I

i

I

I

t II Ii

I

300

250

E200

U

:o o

Eo 150

00

50

^

0

(7)

I

cas

du Jura, oir ia minorité

francophone

et

cadrolique cie

I'ancien canton

cte

Berne a longtiement

lutté

poui: la création

d'un

canton séparé.

Comme

nous

l'avons dit plus iraut, le

clivage ville-campagne

a

gardé une certaine capacité de

mobilisation

en Suisse. Par conséquent, le

moltvetnent

des paysalrs s'est souvent mobilisé

pour

défendre ies intérêts agricoles.

En

témoigne

la forte

présence d'organisations paysannes telles que

l'Union

des Producteurs Suisses

(Harry et Ladner I985) et

I'Association Suisse

pour la Protection

des

Petits

et Moyens

Paysans

ou

encore

du

syndicat paysan

Uniterre.

Cepenclant, comme on peut facilement le

voir

à

partir

des nonrs de ces organisations,

il

s'agit

plutôt

d'associations d'intérêts que

d'un

véritable mouvement sociai se manifes-

tânt à

travers des actions

de protestation, comme

c'est

le

câs

par

exemple en France. L'ouverture de la structure des opportunités politiques en Suisse Pour ce rype de

mobilisation

en est en partie responsable.

Les nouueawx mouuemeruts socittux

Le début de la vague cle contestation de

la fin

des années 1960 a été provoqué en partie

p", l"

,lrorrlr"ment étudiant,s Cependant, la contestation étudiante en Suisse n'a jamais eu l'envergure de celle de ses pays voisins.

En

Suisse, cette pre-

mière

vagr.re

de

nouvelles contestations s'est très

vite

constiruée aucour

de

la

poiitisation des sensibilités

écologistes.

f)e

m.anière généraie,

c'est

surtout i'érnergence des nouveaux rnouvements sociau.x

qui a contribué à ia

grande vague de contestatioll

qui

a eu iieu en Suisse, comme ailleurs en Europe, à par:tir

du milieu

des années 1960

(voir figure

1). Ces mouvements

-

pacifistes, écolo- gi.stes, antinucléaires,

feministes, solidarité

avec

le Tiers-Monde,

squâtters et

autonomes urbains, ainsi que d'autres formes de protestarion

concernant

l'émancipation et

les libertés

individuelles - ont constitué Ia force

extraparle- mentaire la plus

imporrante

en Stiisse

durant

ces dernières décennies

(Giugni

et Passy 1997;

Giugni et Kriesi

1990;

Giugni

1995;

I('iesi et al. 1981),

même si ieur impact demeure

incertain (Giugni 200I,2004).

Les nouveaux mouvements sociaux se di.stinguent des

mouvenents

tradi- tionnels autant par les thèmes soulevés que par les groupes mobilisés. Nés suite au changement

culturel

et de valeurs

qui

a eu lier-r à

pardr

de la

fin

cle la Seconde Guerre mondiale en Europe, ces mouvements rnettent en avant Ies

droits

cultu- reis et une meilleure qualité de vie,

portent

une

critique

sur les risques engeuclrés par la croissance économique, rejenent le contrôle bureaucratique

-

notamment

de

I'Etat -

sur f

individu

et

prônent

des modes de

participation

plus directs des

citoyens à ia

vie politique

(Beck 1986;

Brand

1985; Raschke 1985).

Du

Point

de vue de leur composition

sociale, ces

mouvements articulent un

nouveâu clivage au sein cle

la

nouvelle classe moyenne

(ISiesi

1989)

et' parrni

leurs acti- vistes, nous rettoLrvons une large

proportion

de professionnels dans les services

sociaux et culturels, bien que ces

nouvements

mobilisenr des secteu.rs plus larges de la

popuiation.

La

pacification

des clivages

traditionneis

offi'e Lrn espace

pour

une mobilisa-

tion irnportante des nouveaux mouveffients sociaux en

Suisse.

I{r'iesi et

ai.

(1995) onr pu montrer

que, pendanr

la

période

qu'ils ont

étudiée, ces mouve- ments

ont

mobilisé

bien

plus que les aurres mouvemenrs. Le même phénomène est obsen'able dans les deux autres pays

qui

onr subi une pacification importanre cles clivages

tradidonneis

(l'Allemagne

et

ies Pays-Bas), alors que

le rapport

esr inversé dans

le

cas

de la

France.

Dans

ce pays,

la

saillance des clivages tradi-

tionnels, .surtour des

clivages

centre-périphérie et de

classe,

a

laissé moins d'espace

pour

la

mobilisation

des nouvearrx mouvemenrs sociaux.

.Figure

2:

Ëuoluti.on du nombre d'actions non-conuentionnelles des nouueaux mluuements sociaux et des autres Tnouuements en Suisse,

1975-1999

200

180 160

.

NMS

l-

autres

Ë 140 d 120

C

:t

too

'o

-Ëso

ô60

c 40 20

I

lrr

tl' I

]t

/:l

'r'l -r

,l

t

-ll

,r

0

1975 1977 1979

t98r

1983 1985 1987 1989

t991

1993 1995 1997 1999 Notes: Les actions du. mouvernerrt ouvrier n'incluent pas les grèves. Le total des nouveaux mouve- men$ sociaux n'inchit pas le mouvement étudiant et les mobi]isations en frl'eur des droits civi- ques.

La figure 2

montre l'évpludon

de la

mobilisation

des nouveaux mouvemenrs so- ciaux, g'comparativement à celle des autres mouvements, en Suisse entre 1975 et

i999. Cinq

mouverrenrs

ont

été particulièrement actifs pendant certe période.

Le mouvement ântiilucléaire s'est

fortement

mobilisé dans la deuxième

moi-

tié des années 1970, notarnmenr

pour

proresrer conrre les plans de consrruction de la centrale de Kaiseraugst

(Cudry

19BB;

Kriesi l9B2;

Schroere*

1977).Parla

suite,

la

protestation antinucléaire a

fortemenr diminué,

avec une légère reprise lors de l'accident de

Tchernobyl en

1986. Evidemn-rent, le succès cle

I'initiative

(8)

pour

un

morâtoire sur les cenrrales nucléaires en 1990 a détourné le tnouvernent de son

but principal, contribuant

ainsi à sa démobilisation.

La

forte

hausse de

la rnobilisation

observable au

début

des années 1980 est cependant due principalernent à

l'action du

mouvement pacifiste et

du

mouve-

ment

des âutonomes

urbains

(squatters).

A

cette époque, les pacifistes se sotlt mobilisés massivetnent autour de la question des armements nucléâires, contrai- rement à la

traciidon

de ce mouvement en Suisse

qui

s'aclressait principalement aux aurorirés nâtionales

et visait la politique intérieure (Bein et Epple

1984).

Après une périocle de forte démobilisation, Ie mouvement pacifiste a resurgi à Ia

fin

cles aunées 198û et au début des années 1990,

surtout

suite aux acdvités du Groupe

pour

une Suisse sans

Armée

(GSsA).

Quant

aux âutonomes urbains, le

.rrorr*-.,r,

de

Zurich

de

1980/81 (Kriesi

1984;

Willener

1984) est fesPonsable de

la plupart

cle leurs âctions,

bien

que les squatters

ont

été présents dans plu- sieurs

villes

suisses

comme paf

exemple

à Bâle,

Bertre, Genève (Buchs

et

al'

1988) et Lausanne (Ménétrey et

al' 198i).

Le mouvement écoiogiste se caractérise plus par une

infrastrllcture

orgatrisa-

tionneile

et des ressotlrces Parliculièrement importantes que

par

sa capacité de

mobilisation

à travers des actions de protestation. La même femârque s'applique au moLrvement de solidarité.'n

l,'infrastnrcture

organ;sationlrelle solide

gâlantit

à ces deux rnouvements

un

niveau

d'activité

soutenu mêrne dans des périodes cle faible

participation

populaire

(Giugni

et l(r:iesi 1990).

De

plus, plusieurs organi- sations

du

mouvement écologiste

et du filouverrient

de soiidarité

ont

gagné de l'accès

au

.sein

de I'arène aclministrative, devenant parfois

des interlocuteurs privilégiés de

l'Etat

et coopéraut âvec ce dernier dans

la formuj.ation

et

la

mise

"n *urrr.

des politiques publiques

(Giugni

et Passy 1998),

témoignant

ainsi du

fort

processus

d'institutionnalisation qu'on

subi ces deux l1lolrvements.

Finalement

il fàut

souligner le faible niveâu de

mobilisation du mouverîent

feministe,

un

mouvement

qui

sernble ne pas avoir exploité toutes ies

oPportulli-

tés que le système

polidque

su;sse a mis à sa

disposition

(Banaszak 1996) et qui,

de ,u.rcroît, s'est

progressivernenr

institutionnalisé

c{epuis

I'introduction

du

sufrrage universel en 1971."

Les mouuements cle

la

d'roite

raàicale

Il

existe

en

Suisse,

comme ailleurs,

un.e

opposition

londamentaliste

de

droite comme de gaucire (A.lterrnatt

et

aL. 1994). Dans

un

certain sens, les acteurs de la

droite

radicale peuvenr être vus

comnle étant

issus des clivages

traditionnels

et

donc, Iorsqu'ils

agissent en

tant

que mouvements sociârlx, comme des mouve- ments ûadirionnels.

cependant, du

moins

aujourd'hui, il

est probablement plus correct d.e les associer à l'émergence

d'un

nouveau clivage entre ouvefture vers le monde et

repli

sur soi-même. D'aucuns

l'ont

caractérisé comme le clivage entre

ouverture et traditions (Brunner et Sciarini 2tt2),

aiors clue d'autres parlenr

piutôt du

clivage

entre

les gasnânts

et

les perdants ci.e

la

globalisation

(liriesi

1995a,

1999). Ën

réalité,

il

existe une a*cienne er une nouvelle

droite

r:adicale

(lgnazi 1992; Kitschelr i995). c'est surtout

certe dernière clui s'appuie sur ce nouveau clivage,

qui

oppose les personnes pouvant

profiter

du processus de mo- dernisation

et

celles

qui

en

sont

ies perdants, enrre une Suisse traciitionnelle et rurale, perdante face à une globalisation croissante, er une Suisse rnoderne er ur- baine

qui

s'ouvLe vers I'extérieur er

qui

bénéficie de la globalisation.

E* perspecti'e

cornparée,

la droite

radicale

en

suisse se caractérise par une présence

imporrante

au sein cle I'espace

public

er par sa virulence

(Giugni

et al.

2005). sa rnobilisarion

est, par: exemple, beaucoup

phis

radicare

qu'en

France

(Giugni

er Passy

2001),

alors que selon les hypothèses de

lkiesi

et al. (1995) on s'attendrait au conrraire.

A

noltveeu, une trecture en termes d'opportunités spéci- fiques et

d'opportu'ités

discursives sernbie rnieux à mênre cl'expliquer ces

diffe-

rences

qu'une interprétation

à ia lurnière c{e la structure des.opportunités

polid-

ques générales.

lin

effet,

s'il

est

vrai

que la structure des opportunités politiques en Suisse est en général beaucoup plus ouverte

qu'en

France, les revendications des acteurs de la

droite

radicale oréso^.enro mieux avec le modèle de ciroyenne-

té de la

suisse,

qui

r.éhicul.e

une

conceprion.

de la nation

ei.l rermes ethno- culturels.

Etant

donné que

la droite

radicale

aujourd'hui

se mobilise largement

autour de i'immigration,

ceci

ofhe

des

opportunités plus

favorables

pour

cet acteur que les contexres où

il y

a de fortes composantes civiciues dans le modèle de citol'snne1é

(Giugni

et al. 20û5).

Illusieurs

érudes

témoignent du

i:adicalisme

de droire et de son

potenriel

(Bahler 1994; Car:tini

1992:

Frischknecht 1991), ai'si que

de

la

présence de sentimenrs narionalistes, xénophobes er racistes auprès de la

popularion

(Frisch-

knecht et aL l9B7; Saint-Ouen i9B5; Windisch

19ZB).

La

nouvelle

droite

a

d'ailleurs une longue

histoire

en Suisse

(lost

1992).

Du point

de vue de sa mo-

bilisation,

elle a

produii un nombre important

d'événements

suffour

au début des années 1990

(Altermarr

er

Kriesj

1995;

Gendie 1996,1998). Il

existe ainsi

aujourd'hui un potentiel importanr pour la mobilisarion

de I'extrême

droite

en suisse.

ce potentiei

crée

entre

autres Ies

conditions pour une

confi-onration entre cleux

molllrements

antagonistes d.ans l'espace

public: le mouvement

de soiidarité (principalemenr sorl aile antiraciste) et la

droite

radicale (Fassy et

Giu-

gni 2005).

Nous pou'ons

égalemenr

constater, cornme le fo't Alrermatt et

Kriesi

(i995)

ainsi que

Gentile (r996), qu'un

perir groupe d'organisations esr resporl- sable de

la majorité

des actions menées par

la droite

radicaie au cours de la pé- riode que ces aureurs

ont

étudiée

(lgs4*1993).

Le

point

intéressant

qui

ressorr de leurs analyses est que ia

pl*part

des ér,énements proviennent cles quatre partis

(9)

'r

de cette rendance

politique qui ont

su gagner des sièges au Patlement fec{éral en 1987 ou

en

1991: Démocrates suisses, Lega ctei

Ticinesi, Parti

des automobilis- tes

(aujourd'hui

Parti de la

liberté)

et

Union

démocratique fédéraJe. Ces analyses

rnontrent

clairement l'ancrage de

la droite

radicale au sein des forces politiques çonventionnelles et

notamment

des partis. Cet ancrage devient, bien sûr, encore plus

irnportant

si nous considérons la radicalisation

du

discours et des positions

poiitiques

de

l'Union Démocratique

clu

Centre

clurat:t ces dernières années en matière

d'immigration. Il

semble d'ailleurs

qu'une

des caractéristiques des mou- vements de la

droite

radicale est de se polariser sur

un

axe

d'intenendon

parti-

.sane,

d'un côté, et de violence et de marginalisation (tels

les skinheads), de

I'autre, alors que les

nouveaux mouvements sociaux

ont

développé

un

large secteur de

mobilisation

extraparlernentaire démonstrative

et non-violente. Au- trement dit, i'action politique

cle

la droite

radicale se opolariseo

sur un

axe

conventionnel-violent ne laissant que peu d'espace aux stratégies

non- conventionnelles modérées (les manifestations pacifiques,

p.ex.), alors que

les

nouveâux mouvements sociaux agissent

principalement par le

biais de ce qype d'actions. Cependant, la violence

politique

de

droite n'a

pas été

un

phénomène marginal, bien au contraire, même si la plus grande partie de la

mobilisation

de

la droite

radica.le

en

Suisse

s'inscrit

dans

le

cadre

de Ia légalité (Altermatt

et

Kriesi

1995).

Le

mouuement

ahermondialiste

Les dernières années

ont vll

émerger

un

nouvel acteur

collectif

à l'échelle monr diale, appelé

tour

à

tour

(mouvement

anti/altefmondialister, (molrvement

pour une justice giobalen,

(mouvement

no-globalo,

(mouvenent porr

une globalisa-

tion

par le basn, (mouvement

critique

de la globalisation)),

polu

ne

citer

qtie les

tennes les

pius

courânts.

f)e façon plus

générale,

olt

assiste

aujourd'hui

à une vague de conrestation

qui

comprencl à la

fois

des mobilisations iocales et natio- nales,

mais surtout des mobiiisations

transnationales

(della Porta et

'f'arrow 2005; della Porta

et

al.

1999,2006; Fillieule

et al.

2005; Smith 2004; Smith

et Johnson

20û2; Sommier 2003; Tarrow 2005), et dont le dénominateur

com-

mun

réside dans

la lutte contre le

néolibéralisme

et

dans

la proixotion

de Ia

démocratie à l'échelle rnondiale, avec la mise en avant de forrnes participatives et délibératives de démocr:atie (della

Porta 2005). Ce

mouvement sernble par ail-

leurs avoir évolué d'une

phase

initiale très

réactive

et oppositionnelle à

une

phase récemment plus proactive et

propositionnelle

(Rossiaud

2003),

avec entre autres la

multiplication

de cette

forme d'action

pârticulière que sont les forums sociaux.

La

Suisse

n'a

pas

été

épargnée

par

ceme

nouvelle

vague

de

contesration, même

si le mouveinent y

esr peut-êrre

rnoins irnportant qu'ailleurs.

Compte tenu c{e sa natur€ transnationale, les études empiriques existantes,

qui

reposent sur des clonnées

individueiles

collectées auprès des participants aux activités du mouvement (Bandler

2005;

Fassy

et

Bandler

2003) ou

sur une anal,vse de con-

tenu

systérnatique des soltrces de presses (Beyeler, à paraître; Beyeler

et Hûb-

scher

2003;

Beyeler

et Kriesi 2005),

analysenr souvenr Ie mouvement dans un cadre plus large que celui de la Suisse uniquement.

Pour

cette nor-rvelle for:me de conresrarion,

ii âudrait tenir

compte des

op,

portunités

politiques

se

situant

au-delà

du

cadre narional. Pourtanr, les caracté- ristiques

du

mouvement altermondiaiiste en Suisse dépendenr encore largemenr de certains aspects du contexre national dans lequel

il

agit.

Ainsi, s'il

est vr:ai que ce

mouvement

â souvent

fait ia rine

des

journaux iors

d'actions violentes,

il

a

probablement éré

moins

radical en Suisse qu'ailleurs, aussi à cause

du

moindre niveau de répression (même

si

celle-ci a été

plus forte

que celle exercée envers d'autres

mouvements). De manière

générale,

Ie mouvement

altermondialiste reflète largement les lignes

de

conf-lit

et

les tr:aditions

de

conresration

qui ont

câractérisé la Suisse au cours de ces dernières décennies, eil

particulier

la faiblesse clu clivage

de

classe

et la force

des nouveaux mouvements sociaux (Eggerr et

Giugni,

à paraître). Ceci est visible à la fois dans les

qpes

de réseau-r et organisa- tions impliqués dans le mouvement, ainsi que dans les enjern

qu'il

soulève (Pas- sy et Bandler 2003).

Le mouvement

altermondialiste est

un mouvement

très hétérogène

qui,

en Suisse, s'articule autour de deux branches principales, chacune avec ses stratégies et formes

d'action. I)'une part, il y

a une branche modérée et institutionn:rlisée

qui

s'appuie

principalement sur

des organisarions

er

âcrivisres des

deux

nou- veaux mouvements sociaux les

plus importants

en Suisse (ie mouvement écoio- giste

et le mouvement

de

soiidarité),

mais aussi

sur

des acteurs

institutionnels

teis que les

petits partis

cle

la

gauche er les syndicars (moins présents que dans d'autre pay,s, cependant).

I)'âutre part, il y

a une branche plus radica.le et moins

institutionnalisée qui pivote autour

des

milieux

auronomes, anarchistes

et

des

squatters.

Il est

encore

trop tôt pour âire

des pr:évisions

sur l'évolution futule

du mouvement

altermondialiste, non

seulement

en

Suisse

mais à l'échelle

mon- diale, ainsi que sur

le rôle qu'il

aura

joué. Parmi

les rares rravaux existant à ce

sujet, Beyeler

et Kriesi (2005) ont étudié l'impact

de

la

contestarion conrre la globalisation économique dans I'espace

public

à

pardr d'une

analyse sysrémaTi- que

de

sept

quoddiens

dans divers pays.

Bien

que

limitée

à deux événements spécifiques

-

ia contestation contre la conférence

ministérielle

de i'Organisation

Mondiale

clu Commerce

et

celle

contre ia

rencontre annr-ielle dr"r

lTorld

Eco-

(10)

:l---

nomic

Forr.rm

-

cette étude

montre que le Inouvement

altermondialiste peut

agir sur Ia formation de i'opinion publique à

travers ses

enjeux rnême

en i'absence

d'un

soutien médiatique pour les âcteurs.

4 Gonclusion

l.e constat

qu'on

avait

pu

fàire

il y

a encole une quinzaine cl'années, selon lequel

la

recherche

sur

les rnouvements sociaux

en

Suisse

était marginale et

insérée dans une

comnlunalrté

des sciences sociales sous-développée, n'est

plus

valable

aujourd'hui.

Ce n'est pas urle tâche aisée que de résumer cette

Iittérature

gran- dissante. Cependant, maigré ler-rr diversité et hétérogénéité, les c{ifférents travaux sur les iaouvements sociaux en Suisse m.ettent en. exergue l'i.rapact du conlexte

-

politique,

social,

culturel *

dans

lequel

les mouvements agissent.

Dans le

lan- gage de I'approche

du

processus

politique, qui

nous â accompagné

tout

au long de cet essai, ceci se

traduit par I'irnpact

des structures des

opportunités politi-

ques

(insdtutiolneiles

et discursives, générales et spécifiques) sur la mobilisation des rnouvements, que ce soient

le

mouvement

ouvrier

et les autres m.ouvem.ent

traditionnels,

1es nouveaux mouvements sociau;c, les mouvements de

la

droite radicale,

le mouvement

altermondialiste

ou

d'autres mouvenlents

et

formes de contestation sociale.

Dans cette perspective, la structure des

opportunités politiques

en Suisse fa- vorise f

institutionnalisation

des mouvenlents sociaux.

Autreinent dit,

le système

politique

suisse facilite

l'incorporation

des groupes contestataires et

l'intégration

des mouvements

(Giugni

et Pâssy 1997). La scructure insticutionnelie ouverte

-

surtout

l'existence des instrumer-rts

de

dérnocratie

directe - et

les pi:océdules

informelles

inclusives

favorisent

f

institutionnalisation

des mouvements

et

de leurs revendications. Cependant, ce processus ne dépend pas uniquernent de la structure

du

système

politique

et des

opportunités

ainsi offertes, mais est égale- rnent

fonction

d'autres facteurs, tels qr.re

la

nacure des enjeux soulevés,

la

struc-

ture

organisationnelle des mouvemeûts

et

leui: répertoire

d'actions. f)ans

cer-

tains cas, I'incorporation est tellernent prononcée que I'on constate

une

tran.sformation des mouvelnents sociaux en associations d'intérêt.

Cela n'empêche pas que de nouvelles formes de contestatior, sociale puisseu.t émerger, comme en témoiqne p.ex.

I'importante mobilisation

clu moutrement alterrnon- dialiste pendant ces dernièr'es années.

Note:

*

Pour des raisons d'espace, les références aux travaux qui ne portent pas sur la Suisse ont été réduites au strict minimum. Je remercie Marko Bandler, Didier Chabanet et Hanspeter Kriesi pour leurs commentaires sur une version précédente de ce chapitre.

I

Cette importante recherche a débouché sur un nombre de travaux pofiant sur le potentiel, la participation et ses formes en général (Kriesi 1985; Kriesi et al 1981; Ltvy et Zwicl<y l9B4;

Zwiclcy 1982), ainsi que sur des mouvements spécifiques comme le mouvement antinucléaire (Kriesi 1982), Ie mouvemenr écologiste (Lévy 1981; Zwicky 1993),le mouvement des autono- mes urbains de Zufich (IGiesi 1984) ou encore le mouvement jurassien (Ganguillet 1984).

Pour une version urlgarisée des résultats généraux de la recherche, voir Duvanel et Lely (1 984).

2

Il existe plusieurs ouvrages généraux sur les mouvements sociaux. Parmi ceux-ci, nous pouvons mentionner della Porta et Diani (2006), Snow et aJ. (2004), Tarrow (1998), Tilly (1978, 2004) et, en français, Cattacin etal. (1997), Fillieule et Péchu (2000) et Neveu (2005).

3

L'introduction de la démocratie directe en Suisse peut également êrre vue comme un produit de l'action contestatâire, un produit qui a été facilité par certaines conditions qui ont trait à la structure des opportunités politiques, telles que le fédéralisme, l'absence d'institutionnalisation de I'Etat et une division au sein des élites politiques (Kriesi et rVisler 1999).

4

Yoir Wisler (1994) pour une étude détaillée de Ia radicalisation des mouvemenrs sociaux en Suisse.

5

On a également pu montrer que, étant donné la structure fédérale de la Suisse, des difftrences existent au sein même de la nation en ce qui concerne les opportunités spécifiques dans ce domaine (due à la présence de u66d61.. de citoyenneré canronaux)). Ceci pourrait expliquer une difftrente intervention des migrants dans I'espace public d'un canton à l'autre (Eggert et Murigande 2004).

6

En plus de la pacification du conflit de classe, 1e mouvement ouvrier suisse a également subi les conséquences négatives de 1a présence de clivages culturels importanrs qui ont divisé le mou- vement dès son apparition sur la scène politique, ainsi que de la démocratisation précoce, qui l'a vite privé de son objectifprincipal (Bartolini 2000).

7 Il

existe une littérature considérable sur le mouvement ouvrier en Suisse, que ce soit sur son

histoire (Garbani et Schmid 1980; Groupe de travail pour I'histoire du mouvement ouvrier Zurich 7978; Gruner 1987-1988; Hardmeier 7970;

Leni

1990; Revue Européenne des Sciences Sociales 1973; Studer et Vallotton 1997a, 1997b; Vuilleumier 1973; Vuilleumier et aJ. 1973), sur ses organisations (Degen 1991) ou sur des périodes de lutte particulièrement intenses (Vuilleumier et aJ.. 1977).

8

Contrairement aux données de Kriesi et al. (1995), le mouvement étudiant ûgure ici parmi les

nouveau mouvements sociau.

9

Le mouvement ouvrier est ici inclus dans les mobilisations traditionnelles.

10 On peut, comme le fait Passy (1998), considérer le mouvement de solidarité comme éranr constitué de quatre branches: (1) l'aide au développement, (2) les droits humains, (3) l'asile et (4) l'antiracisme. Ce sont surtout l'aide au développement et l'asile qui ont mobilisé en Suisse.

De façon assez surprenante, f importance de ce mouvement en Suisse a pour contrepartie un nombre extrêmement réduit de travaux qui y sont consacrés (de Rahm et Martin 1976; Passy et Giugni 2000,2001; Passy 1998,2001).

L

l

Probablement en raison de sa faible mobilisation, les tratau portant sur la quesrion des fem- mes consactent une part assez limitée au mouvement à proprement parler. Ainsi, la plupart des études existantes traitent, souvent dans une perspective historique, des luttes feministes pour l'égalité politique et sociale au I9e siècle (Mesmer 19SB), à cheval entre le 19e et le 20e siècle (Hardmeier 7997) ou même jusqu'à des époques plus récentes (Voegeli 1997;Woodli 1977), mais la période post-sufiÊrage n'est que rarement abordée. Cependant, au cours des dernières décennies il y a eu l'émergence, aussi en Suisse, de nouveaux enjeux ftministes, tels que I'avor- tement et la procréation assistée (Moroni 1994), amenés par la seconde vague du mouvement.

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