Probabilit´es continues 1
Pascal Maillard 15 d´ ecembre 2017
1. Notes du cours
Probabilit´ es
(M316) de la troisi` eme ann´ ee de licence
Math´ ematiques et
Interactions
` a l’Universit´ e Paris-Sud
Table des mati` eres
0 Pr´ eliminaires 5
0.1 Bibliographie conseill´ ee . . . . 5
0.2 Bagage math´ ematique . . . . 5
0.2.1 S´ eries de fonctions et int´ egrales ` a param` etre . . . . 6
0.2.2 Th´ eor` emes de Fubini et Tonelli . . . . 7
0.3 Rappels du cours de probas en L2 . . . . 8
0.3.1 Probabilit´ es . . . . 8
0.3.2 Variables al´ eatoires . . . . 9
0.3.3 Par la suite. . . . . . . 9
1 Variables al´ eatoires r´ eelles 11 1.1 D´ efinition et axiomes . . . . 11
1.2 Ev´ ´ enements . . . . 13
1.2.1 Ind´ ependance d’´ ev´ enements et probabilit´ e conditionelle. . . . 14
1.3 Fonction de r´ epartition . . . . 14
1.4 Classes de variables al´ eatoires . . . . 16
1.5 Quelques variables al´ eatoires discr` etes importantes . . . . 18
1.5.1 Loi de Dirac . . . . 18
1.5.2 Loi uniforme . . . . 19
1.5.3 Loi de Bernoulli . . . . 19
1.5.4 Loi binomiale . . . . 20
1.5.5 Loi de Poisson . . . . 20
1.5.6 Loi g´ eom´ etrique . . . . 21
1.5.7 Autres lois discr` etes . . . . 21
1.6 Quelques variables al´ eatoires continues importantes . . . . 22
1.6.1 Loi uniforme . . . . 22
1.6.2 Loi normale (ou gaussienne) . . . . 22
1.6.3 Loi exponentielle . . . . 23
1.6.4 Autres lois ` a densit´ e . . . . 24
1.7 Loi d’une fonction d’une variable al´ eatoire . . . . 24
2 Esp´ erance et moments 31 2.1 Esp´ erance d’une variable al´ eatoire . . . . 31
2.2 Esp´ erance d’une fonction d’une variable al´ eatoire . . . . 32
2.3 Moments et quantit´ es associ´ ees . . . . 35
2.3.1 Esp´ erance ou moyenne . . . . 35
3
2.3.2 Variance . . . . 35
2.3.3 Asym´ etrie . . . . 37
2.3.4 Kurtosis . . . . 37
2.4 Fonction g´ en´ eratrice des moments . . . . 38
2.5 In´ egalit´ es . . . . 40
2.5.1 In´ egalit´ e de Markov . . . . 40
2.5.2 In´ egalit´ e de Tchebychev . . . . 41
2.5.3 In´ egalit´ e de Jensen . . . . 41
3 Variables al´ eatoires ind´ ependantes 43 3.1 Variables al´ eatoires simultan´ ees . . . . 43
3.1.1 Variables al´ eatoires discr` etes . . . . 44
3.1.2 Variables al´ eatoires conjointement ` a densit´ e . . . . 45
3.1.3 Fonction de variables al´ eatoires simultan´ ees . . . . 45
3.1.4 Esp´ erance . . . . 45
3.2 Variables al´ eatoires ind´ ependantes . . . . 46
3.3 Fonctions de variables al´ eatoires ind´ ependantes . . . . 48
3.3.1 Maximum et minimum . . . . 48
3.3.2 Somme . . . . 49
4 Suites de variables al´ eatoires et th´ eor` emes limites 53 4.1 Convergence de suites de variables al´ eatoires . . . . 53
4.1.1 Convergence en loi . . . . 53
4.1.2 Convergence en probabilit´ e . . . . 54
4.1.3 Convergence en moyenne quadratique . . . . 56
4.1.4 Convergence presque sˆ ure . . . . 57
4.2 Convergence de couples al´ eatoires . . . . 57
4.3 Loi des grands nombres . . . . 59
4.4 Th´ eor` eme central limite . . . . 60
5 Variables al´ eatoires d´ ependantes 61 5.1 Lois marginales . . . . 61
5.2 Lois conditionnelles . . . . 63
5.3 Covariance et corr´ elation . . . . 64
5.4 Fonction d’un vecteur al´ eatoire . . . . 68
Chapitre 0
Pr´ eliminaires
0.1 Bibliographie conseill´ ee
Pour le contenu du cours :
— Ross, S. , Initiation aux probabilit´ es, Presses polytechniques et universitaires romandes
— Bogaert, P. , Probabilit´ es pour scientifiques et ing´ enieurs, de boeck
Pour les pr´ eliminaires en math´ ematiques et en probabilit´ es en particulier, voir ci-dessous.
0.2 Bagage math´ ematique
Les probabilit´ es mettent ` a l’œuvre un grand nombre d’outils math´ ematiques, surtout du domaine de l’analyse. Pour profiter pleinement du cours, il est donc imp´ eratif de rafraˆıchir ses connaissances en analyse et d’ˆ etre ` a l’aise en calcul. En particulier, il est important de revoir les sujets suivants qui ont ´ et´ e trait´ es en L1-L2 (liste non exhaustive) :
— suites et limites
— sommes et s´ eries : convergence (absolue ou non), t´ el´ escopage, changement d’indice, double sommes, s´ eries enti` eres, les sommes et s´ eries fondamentales : somme sur les entiers, s´ erie g´ eom´ etrique, . . .
— fonctions : continuit´ e, d´ efinition de la d´ eriv´ ee, d´ erivation de produits et de compos´ ees, DLs, d´ eveloppement de Taylor, propri´ et´ es des fonctions classiques (polynomes, expo- nentielle, logarithme, fonctions trigonom´ etriques), comportement asymptotique
— int´ egration : int´ egrale sur un intervalle born´ e, int´ egrale impropre, int´ egration par par- ties, changement de variables
— s´ eries de fonctions et int´ egrales ` a param` etre : convergence simple/uniforme/normale,
´
echange limite ←→ somme, limite ←→ int´ egrale, d´ erivation sous les signes somme et int´ egrale
Ces sujets sont bien expos´ es dans un grand nombre de livres et de notes de cours. Le dernier sujet (s´ eries de fonctions et int´ egrales ` a param` etre) est peut-ˆ etre moins bien trait´ e, c’est pourquoi nous donnons ci-dessous les r´ esultats ` a retenir.
Nous aurons ´ egalement besoin de r´ esultats sur les sujets suivants trait´ es dans le cours d’Int´ egration en L3 :
— th´ eor` emes de Fubini et Tonelli : interversion s´ erie ←→ s´ erie, s´ erie ←→ int´ egrale, int´ egrale ←→ int´ egrale
— int´ egrales multiples : int´ egration sur un domaine de R d , changement de coordonn´ ees
5
Nous anticipons d´ ej` a les th´ eor` emes de Fubini et Tonelli que nous donnons ci-dessous. En ce qui concerne les int´ egrales multiples, nous allons patienter.
0.2.1 S´ eries de fonctions et int´ egrales ` a param` etre
R´ ef´ erence pour cette section : Notes de Thierry Ramond du cours
Analyse et Conver- gence 2,
disponible sur Dokeos.
Nous nous int´ eressons ` a des quantit´ es ayant une des formes suivantes : X
k∈ N
f n,k
Z ∞
−∞
f n (y) dy
X
k∈ N
f k (x) Z ∞
−∞
f (x, y) dy
Dans ce tableau, n, k ∈ N , y ∈ R et x ∈ I avec I un intervalle. On peut aussi consid´ erer d’autres int´ egrales telles que R a
−∞ ou R b
a pour a, b ∈ R mais on peut se ramener au cas ci- dessus en posant f n (y) = 0 ou f(x, y) = 0 en dehors du domaine d’int´ egration. Pour les deux quantit´ es de la premi` ere ligne du tableau, on souhaite alors avoir des conditions sous lesquelles on a le droit d’´ echanger le signe somme ou int´ egrale et le signe lim n→∞ , c’est-` a-dire :
Q : a-t-on lim
n→∞
X
k∈ N
f n,k = X
k∈ N
n→∞ lim f n,k ou lim
n→∞
Z ∞
−∞
f n (y) dy = Z ∞
−∞
n→∞ lim f n (y) dy ? De mani` ere analogue, pour les deux quantit´ es de la deuxi` eme ligne du tableau, on souhaite avoir des conditions sous lesquelles on a le droit d’´ echanger le signe somme ou int´ egrale et le signe lim x→x
0, ou, autrement dit,
Q’ : les quantit´ es X
k∈ N
f k (x) ou Z ∞
−∞
f (x, y) dy sont-elles continues en x ? Pour ces deux derni` eres quantit´ es, on souhaite ´ egalement savoir si on a le droit de d´ eriver (par rapport ` a x) sous les signes somme ou int´ egrale, c’est-` a-dire :
Q” : a-t-on d dx
X
k∈ N
f k (x) = X
k∈ N
d
dx f k (x) ou d dx
Z ∞
−∞
f(x, y) dy = Z ∞
−∞
∂
∂x f(x, y) dy ? La cl´ e pour r´ epondre ` a ces questions est la notion de convergence normale. On l’´ enonce s´ epar´ ement pour les quantit´ es de la premi` ere colonne et celles de la deuxi` eme colonne du tableau ci-dessus.
D´ efinition 0.1 (Convergence normale). On dit que les s´ eries P
k∈ N f n,k ou P
k∈ N f k (x) convergent normalement s’il existe une suite (g k ) k∈ N de nombres positifs telle que
1. P
k∈ N g k < ∞ et
2. |f n,k | < g k pour tout n ∈ N (ou |f k (x)| < g k pour tout x ∈ I).
De mani` ere analogue, on dit que les int´ egrales R ∞
−∞ f n (y) dy ou R ∞
−∞ f (x, y) dy convergent normalement s’il existe une fonction (positive ) g : R → R + telle que
1. R ∞
−∞ g(y) dy < ∞ et
0.2. BAGAGE MATH ´ EMATIQUE 7 2. |f n (y)| < g(y) pour tout n ∈ N (ou |f (x, y)| < g(y) pour tout x ∈ I).
Les th´ eor` emes suivants donnent alors les r´ eponses aux questions pr´ ec´ edantes :
Theor` eme 0.2. Supposons qu’une des quantit´ es du tableau ci-dessus converge normalement.
Alors la r´ eponse ` a la question Q ou Q’ concernant cette quantit´ e est
oui
.
Theor` eme 0.3. 1. Supposons que f k : I → R est d´ erivable pour tout k. Supposons de plus que
(a) P
n∈ N f k (x) converge simplement (i.e. converge pour tout x ∈ I ), et (b) P
n∈ N d
dx f k (x) converge normalement.
Alors la r´ eponse ` a la question Q” concernant P
n∈ N f k est
oui
.
2. Supposons que f (x, y) : I × R → R admet une d´ eriv´ ee partielle par rapport ` a x pour tout y. Supposons de plus que
(a) R ∞
−∞ f (x, y) dy converge pour tout x ∈ I , et (b) R ∞
−∞ ∂
∂x f (x, y) dy converge normalement.
Alors la r´ eponse ` a la question Q” concernant R ∞
−∞ f (x, y) dy est
oui
. 0.2.2 Th´ eor` emes de Fubini et Tonelli
On s’int´ eresse maintenant ` a des quantit´ es de la forme X
n∈ N
X
m∈ N
f n,m
!
, X
n∈ N
Z ∞
−∞
f n (y) dy
, Z ∞
−∞
Z ∞
−∞
f (x, y) dy
dx.
On souhaite savoir si on a le droit d’intervertir les signes somme et/ou int´ egrale, c’est-` a- dire, on souhaite r´ epondre ` a la question suivante : Les quantit´ es ci-dessus sont-elles ´ egales ` a (respectivement) :
X
m∈ N
X
n∈ N
f n,m
! ,
Z ∞
−∞
X
n∈ N
f n (y) dy
! ,
Z ∞
−∞
Z ∞
−∞
f(x, y) dx
dy ? Un premi` ere r´ eponse est apport´ ee par le th´ eor` eme de Tonelli :
Theor` eme 0.4 (Tonelli, parfois appel´ e Fubini–Tonelli ou Fubini cas positif). Supposons que les nombres f n,m sont positifs : f n,m ≥ 0 pour tout n, m ∈ N. Alors
X
n∈ N
X
m∈ N
f n,m
!
= X
m∈ N
X
n∈ N
f n,m
! . Les r´ esultats analogues pour les autres quantit´ es sont ´ egalement vrais.
Ce th´ eor` eme est tr` es utile pour nous car les probabilit´ es sont justement des quantit´ es positives ! Notons aussi que le th´ eor` eme est vrai mˆ eme si les s´ eries/int´ egrales divergent, il n’y a donc pas besoin de v´ erifier au pr´ ealable qu’elles convergent.
Si les termes ne sont pas positifs, on peut souvent appliquer le th´ eor` eme suivant :
Theor` eme 0.5 (Fubini). Supposons qu’une des conditions ´ equivalentes sont satisfaites :
— P
n∈ N
P
m∈ N |f n,m |
< ∞ ou
— P
m∈ N
P
n∈ N |f n,m |
< ∞ Alors on a l’´ egalit´ e suivante :
X
n∈ N
X
m∈ N
f n,m
!
= X
m∈ N
X
n∈ N
f n,m
! ,
c’est-` a-dire que les deux s´ eries convergent et ont la mˆ eme limite.
Les r´ esultats analogues pour les autres quantit´ es sont ´ egalement vrais.
0.3 Rappels du cours de probas en L2
On rappelle quelques ´ el´ ements de probabilit´ es vus en L2. R´ ef´ erence : notes de cours d’Anne Broise (disponible sur Dokeos).
0.3.1 Probabilit´ es
On consid` ere une exp´ erience al´ eatoire ayant un nombre fini ou d´ enombrable de r´ esultats possibles. Exemple : jet d’un ou de plusieurs d´ es, r´ ealisation d’un sondage avec un nombre fini de r´ eponses, mesure du nombre de particules ´ emis par une mati` ere radioactive pendant un certain temps, observation du nombre de personnes dans une file d’attente ` a un moment donn´ e, nombre d’enfants d’une personne prise au hasard dans une population. . . On formalise une telle exp´ erience souvent par un ensemble fini ou d´ enombrable Ω qui contient tous les r´ esultats possibles. Un ´ el´ ement de Ω est typiquement not´ e ω et on suppose qu’on peut lui associer une probabilit´ e p(ω) qui est un nombre entre 0 et 1. On suppose de plus que la somme des probabilit´ es de tous les r´ esultats vaut 1 :
X
ω∈Ω
p(ω) = 1.
La fonction p est alors parfois appel´ ee fonction de masse o` u germe de probabilit´ e. Ce dernier nom s’explique par le fait que cette fonction permet de donner une probabilit´ e ` a n’importe quel ´ ev´ enement, un ´ ev´ enement ´ etant un ensemble de r´ esultats poss´ edant une certaine ca- ract´ eristique commune. On penserait par exemple ` a l’´ ev´ enement
nombre pair
lors du lancer d’un d´ e de six faces, qui correspond ` a l’ensemble {2, 4, 6}. Formellement, un ´ ev´ enement n’est alors rien d’autre qu’une partie de Ω. On les note typiquement par des lettres majuscules du d´ ebut de l’alphabet : A, B, C, . . . La probabilit´ e d’un ´ ev´ enement A ⊂ Ω, not´ ee P (A) dans ce cours, est alors la somme des probabilit´ es des r´ esultats que comprend cet ´ ev´ enement :
P (A) = X
ω∈A
p(ω).
La fonction P : P(Ω) → [0, 1] est ´ egalement appel´ ee probabilit´ e (ou mesure de probabilit´ e) sur
Ω et la fonction p est alors appel´ ee sa fonction de masse ou son germe. Par exemple, dans le
cas du d´ e ci-dessus, on prendrait typiquement Ω = {1, . . . , 6} et p(ω) = 1/6 pour tout ω ∈ Ω.
0.3. RAPPELS DU COURS DE PROBAS EN L2 9 0.3.2 Variables al´ eatoires
Il arrive que l’espace Ω est trop gros pour travailler avec directement ou qu’on ne s’int´ eresse qu’` a certaines propri´ et´ es du r´ esultat de l’exp´ erience. Typiquement, on associe alors un nombre r´ eel ` a un r´ esultat qui contient l’information qu’on cherche. Par exemple, lors d’un sondage on pourrait d´ efinir X comme ´ etant le num´ ero du candidat ayant remport´ e le plus de voix.
X est alors une variable qui peut prendre n’importe quelle valeur dans {1, . . . , n}, o` u n est le nombre de candidats, et sa valeur est al´ eatoire, c’est-` a-dire elle d´ epend du r´ esultat de l’exp´ erience al´ eatoire. On l’appelle alors une variable al´ eatoire r´ eelle ou tout simplement une variable al´ eatoire 1 . On note les variables al´ eatoires typiquement par des lettres majuscules de la fin de l’alphabet : X, Y, Z, . . . Remarquons aussi que formellement, une variable al´ eatoire X n’est rien d’autre qu’une fonction X : Ω → R.
0.3.3 Par la suite. . .
Le moment est venu pour une remarque importante qui va changer notre fa¸ con de penser et de formaliser les exp´ eriences probabilistes.
Il s’est av´ er´ e au fil du temps qu’il est souvent plus commode de travailler enti` erement avec des variables al´ eatoires et d’ignorer compl` etement l’espace Ω. Les avantages sont multiples :
— On peut modifier Ω (par exemple en ajoutant des informations suppl´ ementaires sur le r´ esultat de l’exp´ erience) sans avoir ` a r´ e´ ecrire des calculs, ´ enonc´ es etc. concernant des variables al´ eatoires.
— On n’est pas oblig´ e de pr´ eciser Ω, seulement des ´ el´ ements qui nous int´ eressent.
— On peut plus facilement formuler des ´ enonc´ es g´ en´ eraux ne d´ ependant pas de la d´ efinition pr´ ecise d’un espace Ω.
— Dans le cas ou Ω ne peut pas ˆ etre fini ou d´ enombrable, on n’est pas oblig´ e de consid´ erer des espaces g´ en´ eraux et abstraits, mais seulement des variables al´ eatoires ` a valeurs dans R , donc des probabilit´ es sur R .
— Philosophiquement, cette approche peut ˆ etre consid´ er´ ee plus satisfaisante dans le sens o` u dans une situation r´ eelle on ne connait jamais enti` erement
l’univers
(donc Ω) mais plutˆ ot partiellement ` a partir d’observations (les variables al´ eatoires).
Par cons´ equent, dans la suite du cours, nous n’allons plus entendre parler d’espace Ω, mais tr` es souvent de variables al´ eatoires.
1. On peut consid´ erer des variables al´ eatoires qui ne prennent pas valeurs dans l’ensemble des nombres
r´ eelles mais dans des espaces plus g´ en´ eraux, mais nous n’allons pas consid´ erer ces variables al´ eatoires dans ce
cours.
Chapitre 1
Variables al´ eatoires r´ eelles
1.1 D´ efinition et axiomes
On cherche ` a mod´ eliser une exp´ erience ayant un r´ esultat al´ eatoire. On suppose qu’on observe le r´ esultat ` a partir d’une variable al´ eatoire (v.a.) X qui prend valeurs dans les nombres r´ eels. Pr´ ec´ edemment, nous avons toujours suppos´ e qu’une variable al´ eatoire peut prendre seulement un nombre fini ou d´ enombrable de valeurs, on dit dans ce cas que c’est une variable al´ eatoire discr` ete. Maintenant nous souhaitons nous affranchir de cette contrainte. Par contre, nous allons nous faciliter la vie : nous ne cherchons pas ` a d´ efinir formellement ce qu’est cette variable al´ eatoire mais seulement ce qu’on peut faire avec. Concr` etement, on souhaite donner un sens ` a la probabilit´ e que la valeur de cette v.a. X tombe dans un ensemble A ⊂ R donn´ e, c’est-` a-dire, ` a l’expression P (X ∈ A).
On se trouve ici devant un nouveau probl` eme : pr´ ec´ edemment, quand une variable al´ eatoire ne pouvait prendre qu’un nombre fini ou d´ enombrable de valeurs (notons l’ensemble de valeurs S X ), on pouvait toujours ´ ecrire la probabilit´ e P (X ∈ A) comme la somme P
x∈A P (X = x).
Donc il suffisait de donner la valeur de P (X = x) pour tout x ∈ S X pour d´ efinir les probabilit´ es P(X ∈ A) pour tout A ⊂ S X , c’est-` a-dire la loi de la variable al´ eatoire X. Il s’av` ere que cela n’est plus le cas en g´ en´ eral. Par exemple, supposons qu’on souhaite donner un sens ` a un nombre choisi uniform´ ement dans l’intervalle [0, 1]. On va mod´ eliser cela par une variable al´ eatoire X qui prend valeurs dans [0, 1]. Quelle doit ˆ etre la probabilit´ e que la variable al´ eatoire tombe dans un ensemble A ⊂ [0, 1] donn´ e ? Consid´ erons pour l’instant seulement le cas o` u A consiste en exactement un point. Puisque X correspond ` a un nombre choisi uniform´ ement dans l’intervalle [0, 1], on s’attend ` a ce que la probabilit´ e que X est ´ egal ` a un nombre donn´ e ne d´ epend pas de ce nombre, autrement dit :
P (X = x) = P (X = y) pour tout x, y ∈ [0, 1].
Mais puisque l’intervalle [0, 1] contient un nombre infini de points, cela entraine que P (X = x) = 0 pour tout x ∈ [0, 1] (dans le cas inverse, on pourrait d´ eduire que P (X ∈ [0, 1]) = ∞).
La connaissance de P (X = x) pour tout x ne permet donc pas de d´ efinir P (X ∈ A) pour tout ensemble A.
On doit alors trouver un autre moyen pour d´ efinir les probabilit´ es P (X ∈ A) pour des ensembles A ⊂ R . L’observation importante est la suivante : ces probabilit´ es ne peuvent ˆ etre compl` etement arbitraires mais doivent ob´ eir ` a certaines r` egles, par exemple, si A, B ⊂ R sont
11
disjoints, c’est-` a-dire que leur intersection est vide, alors nous souhaitons que P (X ∈ A ∪ B ) = P (X ∈ A) + P (X ∈ B ).
Pour d´ efinir toutes les lois possibles d’une variable al´ eatoire X ` a valeurs dans R , on com- mence alors par ´ enoncer un certain nombre de r` egles, appel´ es axiomes. Pour simplifier le d´ eveloppement par la suite, nous introduisons ` a ce stade une convention :
Par la suite, chaque ensemble A ⊂ R est suppos´ e ˆ etre de la forme suivante : soit un intervalle, soit la r´ eunion d’un nombre fini d’intervalles disjoints. La notion d’intervalle inclut les intervalles ouverts, semi-ouverts ou ferm´ es, les intervalles finis, semi-infinis ou infinis, et en particulier l’ensemble vide ∅ ainsi que l’ensemble R tout entier.
On note A c = R \A le compl´ ementaire de A. On remarque que si A ⊂ R est de la forme ci- dessus, alors A c l’est aussi (preuve laiss´ ee en exercice). Egalement, si A et B sont de la forme ci-dessus, alors A ∪ B et A ∩ B le sont aussi (exercice). Par contre, si A 0 , A 1 , A 2 , . . . est une suite d’ensembles de la forme ci-dessus, alors S
n∈ N A n et T
n∈ N A n ne sont plus n´ ecessairement de cette forme.
Nous allons pr´ eciser maintenant les r` egles de calcul des quantit´ es P (X ∈ A), c’est-` a-dire les axiomes qu’on suppose ˆ etre valables : on suppose que
1. P (X ∈ A) ≥ 0 pour tout A ∈ R (positivit´ e) 2. P (X ∈ ∅) = 0 et P(X ∈ R ) = 1,
3. Si A, B ⊂ R sont disjoints, alors
P (X ∈ A ∪ B) = P(X ∈ A) + P (X ∈ B) (additivit´ e).
Nous allons tout de suite introduire un quatri` eme axiome, mais tout d’abord, remarquons que ces axiomes entraˆınent les propri´ et´ es suivantes :
— Si A ⊂ B, alors
P(X ∈ A) ⊂ P (X ∈ B) (monotonie de P(X ∈ A) en A).
— P (X ∈ A) ∈ [0, 1] pour tout A ∈ R .
— Si A ⊂ B, alors
P (X ∈ B\A) = P (X ∈ B) − P (X ∈ A).
En particulier (B = R ),
P (X ∈ A c ) = 1 − P (X ∈ A).
En effet, la propri´ et´ e de monotonie et la formule pour P (X ∈ B\A) se montrent ainsi : pour A ⊂ B, on a B = A ∪ (A\B), les deux ensembles ´ etant disjoints. L’axiome 3 donne alors :
P (X ∈ B) = P (X ∈ A) + P (X ∈ B\A).
La propri´ et´ e de monotonie d´ ecoule puisque P (X ∈ B\A) ≥ 0 par l’axiome 1. La formule P(X ∈ B \A) s’obtient en r´ earrangeant. Finalement, le fait que P (X ∈ A) ∈ [0, 1] pour tout A ∈ R est une simple cons´ equence de la monotonie.
On peut finalement pr´ esenter le quatri` eme axiome :
1.2. ´ EV ´ ENEMENTS 13 4. Si A 0 , A 1 , A 2 , . . . est une suite croissante d’ensembles (c’est-` a-dire A n ⊂ A n+1 pour
tout n ∈ N ) et telle que S
n∈ N A n est encore un ensemble de la forme ci-dessus, alors P X ∈ [
n∈ N
A n
!
= lim
n→∞ P(X ∈ A n ).
Notons que cette limite existe puisque P (X ∈ A n ) est une suite croissante par la monotonie de P (X ∈ A) en A ´ enonc´ ee ci-dessus.
Cet axiome n´ ecessite ´ eventuellement une explication : avec seulement les axiomes 1 ` a 3, on aurait d´ ej` a une partie de l’´ egalit´ e, ` a savoir l’in´ egalit´ e
≥
(exercice). Le vrai ´ enonc´ e de l’axiome 4 est alors qu’on a aussi l’in´ egalit´ e inverse, ` a savoir
≤
. Ceci correspond ` a dire que lors un passage ` a la limite, on ne peut pas cr´ eer de la probabilit´ e ex nihilo.
Remarquons aussi que l’axiome 4 est ´ equivalent ` a l’axiome suivant, comme le d´ emontre un passage au compl´ ementaire :
4’. Si A 0 , A 1 , A 2 , . . . est une suite d´ ecroissante d’ensembles (c’est-` a-dire A n ⊂ A n+1 pour tout n ∈ N ) et telle que T
n∈ N A n est encore un ensemble de la forme ci-dessus, alors P X ∈ \
n∈ N
A n
!
= lim
n→∞ P(X ∈ A n ).
Les axiomes mis en place, on peut passer ` a la d´ efinition d’une variable al´ eatoire : on dit que X est une variable al´ eatoire s’il existe une famille de nombres (P (X ∈ A)) A⊂ R (ou, autrement dit, une fonction A 7→ P(X ∈ A) ` a valeurs dans R) qui satisfait aux axiomes 1 ` a 4 ci-dessus. Cette famille/fonction est appel´ ee la loi de X. On dit ´ egalement que X suit cette loi.
Notons que nous aurons ´ egalement parfois besoin de d´ efinir P (X ∈ A) pour A un en- semble qui n’est pas de la forme ci-dessus, par exemple A = N ou n’importe quel ensemble d´ enombrable. On se bornera aux ensembles A qui sont la limite monotone d’une suite d’en- sembles (A n ) n≥0 ayant la forme ci-dessus (r´ eunion d’un nombre fini d’intervalles). Par li- mite monotone on entend les ensembles S
n A n (ou T
n A n ) pour une suite croissante (ou d´ ecroissante) (A n ) n≥0 , comme dans les axiomes 4 et 4’. On d´ efinit alors P (X ∈ A) = lim n→∞ P (X ∈ A n ), o` u on note que la limite est toujours bien d´ efinie par monotonie de la suite P (X ∈ A n ). Un exemple d’un tel ensemble est l’ensemble des rationnelles Q , ou n’im- porte quel ensemble d´ enombrable D ⊂ R . Pour un tel ensemble, notons qu’avec la d´ efinition ci-dessus, on a P (X ∈ D) = P
x∈D P (X = x).
1.2 Ev´ ´ enements
Nous rappelons qu’un ´ ev´ enement est un ensemble de r´ esultats d’une exp´ erience al´ eatoire
ayant une caract´ eristique commune. Si le r´ esultat de l’exp´ erience fait partie de cette ensemble
on dit alors que cet ´ ev´ enement s’est r´ ealis´ e. Par exemple, lors d’un lancer de d´ e, on pourrait
s’int´ eresser ` a l’´ ev´ enement que le nombre tomb´ e est un nombre pair. Si X est alors la v.a. qui
repr´ esente le nombre tomb´ e, cet ´ ev´ enement s’´ ecrit alors symboliquement E = {X ∈ {2, 4, 6}},
ou encore E = {X pair}. L’´ ev´ enement E se r´ ealise alors avec une certaine probabilit´ e, ` a
savoir P(E) = P (X ∈ {2, 4, 6}) (notez qu’on n’´ ecrit plus les accolades dans cette derni` ere
expression).
Dans ce cours, nous consid´ erons seulement les ´ ev´ enements qui sont d´ efinies ` a partir de variables al´ eatoires, donc des ´ ev´ enements de la forme E = {X ∈ A} pour X une variable al´ eatoire et A ⊂ R . La probabilit´ e d’un tel ´ ev´ enement est alors d´ efinie comme P (E) = P(X ∈ A). On peut ´ egalement appliquer les op´ erations habituelles pour les ensembles ` a ces
´ ev´ enements, avec les notations ´ evidentes. Par exemple : {X ∈ A} c = {X ∈ A c } {X ∈ A} ∪ {X ∈ B} = {X ∈ A ∪ B}
{X ∈ A} ∩ {X ∈ B} = {X ∈ A ∩ B}
1.2.1 Ind´ ependance d’´ ev´ enements et probabilit´ e conditionelle.
On dit que deux ´ ev´ enements E et F sont ind´ ependants si P (E ∩ F ) = P (E) × P (F ).
Ceci s’interpr` ete comme quoi les deux ´ ev´ enements n’ont aucune influence l’un sur l’autre, c’est-
`
a-dire, sachant que l’un s’est produit, la probabilit´ e que l’autre s’est produit reste la mˆ eme.
Ceci conduit ` a la notion de probabilit´ e conditionnelle : si E est un ´ ev´ enement de probabilit´ e non nulle, alors pour tout autre ´ ev´ enement F on d´ efinit la probabilit´ e de F sachant E par :
P (F | E) = P (F ∩ E) P (E) .
Il d´ ecoule alors imm´ ediatement de la d´ efinition que E et F sont ind´ ependants si et seulement si P (F | E) = P (F ).
On peut ´ egalement introduire la notion de loi conditionnelle : Si X est une variable al´ eatoire et E un ´ ev´ enement de probabilit´ e non nulle, alors on note P(X ∈ A | E) la probabilit´ e de l’´ ev´ enement {X ∈ A} sachant E, pour tout A ⊂ R . On v´ erifie alors ais´ ement (exercice) que l’application A 7→ P(X ∈ A | E) satisfait toujours aux axiomes 1 ` a 4 de la Section 1.1.
On appelle cette application la loi conditionnelle de X sachant E.
La notion d’ind´ ependance se g´ en´ eralise aussi ` a plusieurs ´ ev´ enements, mais c’est un peu plus compliqu´ e et ne sera pas trait´ e ici.
1.3 Fonction de r´ epartition
Nous avons vu dans la Section 1.1 la d´ efinition d’une variable al´ eatoire et de sa loi ` a partir
des axiomes 1 ` a 4. La loi d’une variable al´ eatoire X ´ etait donn´ ee par une famille de nombres
r´ eels index´ ees par les ensembles A ⊂ R . Cette d´ efinition semble ˆ etre assez encombrante si on
veut d´ efinir une loi particuli` ere, car il faudrait prendre en compte tous les ensembles A ⊂ R
qui peuvent avoir des formes assez complexes. Dans le cas d’une v.a. discr` ete X (c’est-` a-
dire o` u X ne prend qu’un nombre fini ou d´ enombrable de valeurs), on peut se ramener aux
valeurs P (X = x) pour tout x (c’est-` a-dire ` a la fonction de masse), ce qui repr´ esente une
grande simplification. Nous avons vu dans la section pr´ ec´ edente que ceci n’est plus possible
dans le cadre g´ en´ eral, car ces valeurs peuvent ˆ etre ´ egales ` a z´ ero pour tout x ∈ R . L’astuce
consiste alors ` a consid´ erer les valeurs de P (X ≤ x) pour tout x ∈ R. Remarquons qu’on
1.3. FONCTION DE R ´ EPARTITION 15 aurait ´ egalement pu prendre P (X < x), P (X ≥ x) ou P (X > x), mais la convention a retenu P(X ≤ x). Ceci donne lieu ` a une fonction F X : R → [0, 1] d´ efinie par
F X (x) = P (X ≤ x) pour tout x ∈ R .
La fonction F X s’appelle la fonction de r´ epartition de X. Avec cette fonction on a atteint le mˆ eme degr´ e de simplicit´ e qu’avec la fonction de masse dans le cas d’une v.a. discr` ete, car dans les deux cas nous avons r´ eduit la notion de loi ` a la notion d’une fonction sur R , un objet que nous connaissons bien depuis le coll` ege ! Evidemment, dans le cas d’une variable al´ eatoire discr` ete, la fonction de masse de sa loi peut avoir une expression plus simple que sa fonction de r´ epartition, nous allons en voir des examples plus tard.
Il nous reste ` a montrer que la fonction de r´ epartition d’une variable al´ eatoire d´ efinit sa loi et de d´ eterminer quelles fonctions sont des fonctions de r´ epartition d’une variable al´ eatoire.
Theor` eme 1.1.
1. La fonction de r´ epartition F X d’une variable al´ eatoire r´ eelle a les propri´ et´ es suivantes :
— elle est croissante,
— F X (−∞) := lim x→−∞ F X (x) = 0,
— F X (+∞) := lim x→+∞ F X (x) = 1,
— elle est continue ` a droite.
2. La loi d’une variable al´ eatoire r´ eelle X est d´ etermin´ ee de mani` ere unique par sa fonc- tion de r´ epartition F X .
3. Chaque fonction sur R ayant les propri´ et´ es donn´ ees dans 1. est la fonction de r´ epartition d’une v.a. r´ eelle.
D´ emonstration. 1. Montrons les propri´ et´ es ´ enonc´ ees :
— Croissance : Ceci est une cons´ equence imm´ ediate de la monotonie de P (X ∈ A) en A. Plus pr´ ecis´ ement, soient x, y ∈ R avec x < y. Alors ]−∞, x] ⊂ ]−∞, y], si bien que
F X (x) = P (X ∈ ]−∞, x]) ≤ P (X ∈ ]−∞, y]) = F X (y).
— On remarque d’abord que puisque la fonction F X est croissante et born´ ee inf´ erieurement (par 0), la limite F X (−∞) = lim x→−∞ F X (x) existe. En particulier,
F X (−∞) = lim
n→∞ F X (−n) = lim
n→∞ P (X ∈ ]−∞, −n]).
La suite d’ensembles A n = ]−∞, −n] est d´ ecroissante et d’intersection vide. L’axiome 4’ donne donc :
F X (−∞) = P X ∈
∞
\
n=1
]−∞, −n]
!
= P (X ∈ ∅) = 0.
— Pareil que F X (−∞), on utilise le fait que F X est born´ ee par 1 pour montrer l’exis- tence de la limite, puis l’axiome 4 pour l’identifier.
— Continuit´ e ` a droite. Soit x ∈ R . Puisque F X est croissante et born´ ee inf´ erieurement, la limite F X (x+) := lim y↓x F X (y) existe. En particulier,
F X (x+) = lim
n→∞ F X (x + n 1 ) = P(X ∈
∞
\
n=1
]−∞, x + n 1 ]),
o` u on a encore utilis´ e l’axiome 4’. Le point cl´ e est alors l’´ egalit´ e suivante :
∞
\
n=1
]−∞, x + n 1 ] = ]−∞, x].
Cela donne que F X (x+) = P(X ∈ ]−∞, x]) = F X (x) et donc F X est continue ` a droite en x. Puisque x ∈ R ´ etait arbitraire, F X est continue ` a droite sur R . 2. On veut montrer que pour tout ensemble A qui est une union finie d’intervalles dis-
joints, P (X ∈ A) s’´ ecrit ` a partir de la fonction de r´ epartition F X . On proc` ede cas par cas :
— A = ]−∞, x], x ∈ R : Par d´ efinition, P(X ∈ ]−∞, x]) = P (X ≤ x) = F X (x).
— A = ]−∞, x[, x ∈ R : L’intervalle ouvert ]−∞, x[ s’´ ecrit comme l’union infinie d’intervalles ferm´ es :
]−∞, x[ =
∞
[
n=1
]−∞, x − 1 n ].
L’axiome 4 donne alors P (X < x) = lim
n→∞ P (X ≤ x − n 1 ) = lim
n→∞ F X (x − 1 n ) = F X (x−), o` u F (x−) := lim y↑x F (x).
— A = ]x, ∞[ ou A = [x, ∞[, x ∈ R : On utilise le fait que F(A) = 1 − F (A c ) et on se ram` ene aux deux premiers cas.
— A = ]x, y], x < y : On obtient
P (x < X ≤ y) = P(X ≤ y) − P (X ≤ x) = F(y) − F (x).
— A = [x, y], A = [x, y[ ou A = ]x, y[ : Similaire ` a A = ]x, y], avec ´ eventuellement F (y−) et F (x−) ` a la place de F (y) ou F (x).
— A = I 1 ∪ · · · ∪ I n , avec I 1 , . . . , I n des intervalles disjoints, alors par l’axiome 3, on a P (X ∈ A) = P(X ∈ I 1 ) + · · · + P (X ∈ I n ).
On se ram` ene alors au cas d’un intervalle trait´ e pr´ ec´ edemment.
3. Si F est une fonction avec les propri´ et´ es du th´ eor` eme, on d´ efinit la loi d’une variable al´ eatoire X ` a partir de F en utilisant les formules pour P (X ∈ A) ci-dessus. Il suffit alors de montrer que cette loi satisfait aux axiomes 1 ` a 4. On omet la preuve de se fait qui est laiss´ ee en exercice. La fonction F est alors par d´ efinition la fonction de r´ epartition de cette variable al´ eatoire.
1.4 Classes de variables al´ eatoires
Ayant ´ etabli la forme g´ en´ erale de la loi d’une v.a. r´ eelle ` a travers sa fonction de r´ epartition,
il convient de distinguer plusieurs classes de v.a. ` a l’aide de leurs fonction de r´ epartition. Pour
ce faire, il convient d’introduire la notion d’atome. On dit que x ∈ R est un atome de masse
1.4. CLASSES DE VARIABLES AL ´ EATOIRES 17 m > 0 de la loi de X si P (X = x) = m. Ceci peut ˆ etre exprim´ e avec la fonction de r´ epartition car pour tout x ∈ R , on a l’´ egalit´ e
P (X = x) = P (X ≤ x) − P(X < x) = F X (x) − F X (x−).
Par cons´ equent, x est un atome de masse m > 0 de la loi de X si et seulement si x est un point de discontinuit´ e de F X et m est la hauteur du saut en x, c’est-` a-dire m = F X (x) − F X (x−). Il d´ ecoule de la d´ efinition qu’une v.a. X n’a pas d’atomes si et seulement si sa fonction de r´ epartition est continue. Notons que puisque la fonction F X est croissante d’apr` es le th´ eor` eme 1.1, elle a au plus un nombre d´ enombrable de sauts (r´ esultat classique en analyse) et donc au plus un nombre d´ enombrable d’atomes. Cela m´ erite d’ˆ etre mis en avant :
Corollaire 1.2. Une variable al´ eatoire X a au plus un nombre d´ enombrable d’atomes.
Concentrons-nous maintenant sur deux classes de variables al´ eatoires, sans doute les plus importantes : les variables al´ eatoires discr` etes et les v.a. ` a densit´ e.
Variables al´ eatoires discr` etes. On dit qu’une variable al´ eatoire r´ eelle X est dite discr` ete si sa fonction de r´ epartition est une fonction en escalier, c’est-` a-dire si elle est constante entre deux sauts successifs. Cette notion co¨ıncide avec la notion de variable al´ eatoire vue en L2.
En effet, soit S l’ensemble des atomes de X, alors S est un ensemble fini ou d´ enombrable d’apr` es le Corollaire 1.2. Puisque F X est constante entre deux sauts successifs, la somme des hauteurs des sauts est ´ egale ` a F (+∞) − F (−∞) = 1, autrement dit, P (X ∈ S) = 1. On dit ` a ce moment-l` a que X est ` a valeurs dans S ou que la loi de X est port´ ee par S. X est alors une variable al´ eatoire discr` ete dans le sens du cours de L2. En particulier, sa loi est d´ etermin´ ee par la fonction de masse x 7→ P (X = x), car
P (X ∈ A) = X
x∈A
P (X = x), pour A ⊂ R ,
o` u la somme se fait sur tous les x ∈ A tels que P (X = x) > 0, c’est-` a-dire sur tous les atomes qui sont contenus dans A. En particulier,
F X (x) = X
y≤x
P (X = y),
avec la mˆ eme convention pour la somme.
Variables al´ eatoires ` a densit´ e. On dit qu’une variable al´ eatoire r´ eelle X est ` a densit´ e ou continue 1 si la fonction de r´ epartition F X admet la forme
F X (x) = Z x
−∞
f X (y) dy, x ∈ R ,
pour une fonction int´ egrable f X : R → R + . On appelle la fonction f X la densit´ e de X (ou de la loi de X). Elle joue le rˆ ole analogue de la fonction de masse du cas discret. La loi de
1. Dans la litt´ erature, ces v.a. sont aussi parfois appel´ ees absolument continues, le terme
continue
ayant
dans ce cas un sens plus g´ en´ eral.
X s’exprime facilement ` a l’aide de la densit´ e, par exemple, si a, b ∈ R avec a ≤ b, alors par continuit´ e de la fonction de r´ epartition,
P (a < X ≤ b) = F X (b) − F X (a) = Z b
a
f X (x) dx.
Aussi, la fonction F X ´ etant la primitive d’une fonction elle est continue et la loi est sans atomes. Autrement dit,
P (X = x) = 0 pour tout x ∈ R , et donc, pour tout a, b ∈ R avec a ≤ b,
P (a ≤ X ≤ b) = P (a ≤ X < b) = P (a < X < b) = P (a < X ≤ b) = Z b
a
f X (x) dx.
En g´ en´ eral, on peut ´ ecrire pour un ensemble A ⊂ R : P (X ∈ A) =
Z ∞
−∞
f X (x)1 A (x) dx, o` u 1 A est la fonction indicatrice de l’ensemble A, c’est-` a-dire
1 A (x) =
( 1, x ∈ A 0, x 6∈ A.
Notons que la densit´ e f X n’est pas unique : par exemple, en modifiant sa valeur en un point, la valeur de son int´ egrale est inchang´ ee et donc la loi reste la mˆ eme.
Les autres variables al´ eatoires. Quasiment toutes les variables al´ eatoires que nous allons rencontrer dans ce cours font partie des deux classes ci-dessus. Parmi les autres, on peut mentionner celles qui sont une combinaison de ces deux, cf TD. Il est aussi l´ egitime de se demander s’il existe des fonctions de r´ epartition qui sont continues mais ne s’´ ecrivent pas comme la primitive d’une autre fonction. La r´ eponse est oui, mais la construction d’une telle fonction d´ epasse le contenu de ce cours. Les curieux sont invit´ es ` a googler
l’escalier de Cantor,
´ egalement appel´ e
l’escalier du diable. . .
1.5 Quelques variables al´ eatoires discr` etes importantes
NB : Pour des d´ etails pour cette section, se r´ ef´ erer aux chapitres 4 et 5 du livre de Ross.
1.5.1 Loi de Dirac
La loi de Dirac est la loi la plus simple qui existe : Si x ∈ R , on dit que X suit la loi de Dirac en x (not´ e parfois symboliquement X ∼ δ x ), si
P (X = x) = 1.
Ceci est ´ equivalent (voir preuve ci-dessous) ` a P (X ∈ A) = 1 A (x) =
( 1, si x ∈ A
0, si x 6∈ A.
1.5. QUELQUES VARIABLES AL ´ EATOIRES DISCR ` ETES IMPORTANTES 19 En particulier, la fonction de r´ epartition est donn´ ee par
F X (y) = 1 ]−∞,y] (x) =
( 1, si y ≥ x 0, sinon.
On note parfois symboliquement : X ∼ δ x , ce qu’on lit
X suit la loi de Dirac en x.
Si X suit la loi de Dirac en x ∈ R , on dit aussi que X est presque sˆ urement (p.s.) ´ egale
`
a x, ou encore que X est presque sˆ urement constante (´ egale ` a x). Inversement, on peut voir n’importe quel nombre x ∈ R comme une variable al´ eatoire de loi de Dirac en x.
Voyons maintenant une preuve compl` ete de la formule pour P(X ∈ A) ci-dessus : on commence par d´ ecomposer
P (X ∈ A) = P(X ∈ A ∩ {x}) + P (X ∈ A\{x}).
Le premier terme est ´ egal ` a P (X ∈ ∅) = 0 si x 6∈ A et ` a P (X = x) = 1 si x ∈ A, donc il est
´ egal ` a 1 A (x). Le second terme est major´ e par P(X ∈ R \{x}) par la monotonie de P (X ∈ A) en A. Mais P(X ∈ R \{x}) = 1 − P (X = x) = 1 − 1 = 0, et donc P (X ∈ A\{x}) = 0. Ceci montre bien que P (X ∈ A) = 1 A (x).
1.5.2 Loi uniforme
La loi uniforme est la loi la plus simple d’une variable al´ eatoire prenant un nombre fini de valeurs. Soit E une partie finie de R , par exemple E = {1, . . . , n} pour n ∈ N . Une v.a. X suit la loi uniforme sur S (symboliquement : X ∼ Unif(S)) si pour tout x ∈ S,
P (X = x) = 1 Card(S) , ce qui implique pour tout A ⊂ R ,
P (X ∈ A) = Card(A ∩ S) Card(S) . La fonction de r´ epartition est
F X (x) = Card(]−∞, x] ∩ S)
Card(S) .
La loi uniforme intervient dans de nombre applications, par exemple dans les jeux de hasard (lancer de d´ es, tirage de cartes,. . . ).
1.5.3 Loi de Bernoulli
On dit que X suit la loi de Bernoulli de param` etre p ∈ [0, 1] (symboliquement : X ∼ Ber(p)), si
P(X = 1) = p, P(X = 0) = 1 − p.
La fonction de r´ epartition s’´ ecrit :
F X (x) =
0, si x < 0 1 − p, si x ∈ [0, 1[
1, si x ≥ 1.
Le nom de la loi de Bernoulli vient de l’exp´ erience Bernoulli : c’est une exp´ erience al´ eatoire ayant deux issues possibles : succ` es ou ´ echec. Si on pose alors X = 1 en cas de succ` es et X = 0 en cas d’´ echec, et si p et la probabilit´ e de succ` es de l’exp´ erience, alors X suit la loi de Bernoulli de param` etre p.
1.5.4 Loi binomiale
La loi binomiale est une g´ en´ eralisation importante de la loi de Bernoulli. On dit que X suit la loi binomiale de param` etres n ∈ N et p ∈ [0, 1] (symboliquement : X ∼ Bin(n, p)), si
P (X = k) = n
k
p k (1 − p) n−k , o` u on rappelle la d´ efinition du coefficient binomial :
n k
= n!
k!(n − k)! , si k ∈ {0, . . . , n}, = 0 sinon.
Notons que cela co¨ıncide avec la loi de Bernoulli de param` etre p quand n = 1. La fonction de r´ epartition n’admet pas d’expression plus simple que son expression g´ en´ erale ` a partir de la fonction de masse.
Une variable al´ eatoire X de loi binomiale de param` etres n et p repr´ esente le nombre de succ` es dans n r´ ep´ etitions ind´ ependantes d’une exp´ erience de Bernoulli ayant une probabilit´ e de succ` es p.
1.5.5 Loi de Poisson
On dit que X suit la loi de Poisson de param` etre λ ≥ 0 (symboliquement, X ∼ Poi(λ)), si pour tout k ∈ N ,
P (X = k) = e −λ λ k k! .
Sa fonction de r´ epartition n’admet pas d’expression plus simple que son expression g´ en´ erale
`
a partir de la fonction de masse.
La loi de Poisson de paramˆ etre λ ≥ 0 peut-ˆ etre vu comme une approximation de la loi binomiale de param` etres n et p = λ/n, d` es lors que p est petit. En effet, on peut v´ erifier (exercice) que pour λ ≥ 0 et k ∈ N fix´ es,
n k
λ n
k 1 − λ
n n−k
→ e −λ λ k
k! , n → ∞.
Plus pr´ ecis´ ement, on a le th´ eor` eme suivant :
Theor` eme 1.3 (Prokhorov, Stein,. . . ). Pour tout n ∈ N et p ∈ [0, 1], X
k∈ N
n k
p k (1 − p) n−k − e −np (np) k k!
≤ 2p.
Ce th´ eor` eme montre donc de mani` ere tr` es pr´ ecise que la loi de Poisson de param` etre λ = np est une bonne approximation de la loi binomiale de param` etres n et p d` es lors que p est petit 2 .
2. On voit souvent dans la litt´ erature la contrainte suppl´ ementaire que λ = np ne soit pas trop grand pour
1.5. QUELQUES VARIABLES AL ´ EATOIRES DISCR ` ETES IMPORTANTES 21 1.5.6 Loi g´ eom´ etrique
On dit que X suit la loi g´ eom´ etrique de param` etre p ∈ ]0, 1] (symboliquement : X ∼ Geo(p)), si
P (X = k) = p × (1 − p) k−1 , k ∈ N ∗ = {1, 2, . . .}.
Sa fonction de r´ epartition admet une expression simple (exercice) ; on rappelle que pour x ∈ R , la partie enti` ere bxc est le plus grand entier plus petit ou ´ egal ` a x. On obtient alors :
F X (x) =
( 1 − (1 − p) bxc , si x ≥ 0 0, si x < 0.
En particulier, on peut retenir la formule suivante :
P (X > k) = (1 − p) k , pour tout k ∈ N .
Une v.a. X de loi g´ eom´ etrique de param` etre p repr´ esente le nombre de fois que l’on doit r´ ep´ eter une exp´ erience de Bernoulli de probabilit´ e de succ` es p jusqu’au premier succ` es. En effet, la probabilit´ e d’avoir eu des ´ echecs pendant les k − 1 premiers essais et un succ` es au k-i` eme essai est exactement ´ egal ` a (1 − p) k−1 × p.
La loi g´ eom´ etrique est aussi la seule loi d’une variable al´ eatoire ` a valeurs dans N ∗ ayant la propri´ et´ e suivante, dite la propri´ et´ e de perte de m´ emoire :
P (X − k > ` | X > k) = P(X > `), pour tout k, ` ∈ N..
Ceci peut se reformuler de la fa¸ con suivante : pour tout k ∈ N , la loi de X − k conditionnel- lement ` a l’´ ev´ enement {X > k} est la mˆ eme que celle de X.
1.5.7 Autres lois discr` etes
Voici quelques autres lois discr` etes que nous mentionnons bri` evement :
Loi binomiale n´ egative On dit que X suit la loi binomiale n´ egative de param` etres r ∈ N et p ∈ ]0, 1] (symboliquement : X ∼ BN(r, p), si
P (X = n) =
n − 1 r − 1
p r (1 − p) n−r , n ∈ {r, r + 1, . . .}
Ceci correspond au nombre de r´ ep´ etitions d’une exp´ erience de Bernoulli jusqu’au r-i` eme succ` es. En particulier, Geo(p) = BN(1, p).
Loi hyperg´ eom´ etrique On dit que X suit la loi hypergeom´ etrique de param` etres n, N, m ∈ N avec n ≤ N et m ≤ N (symboliquement : X ∼ Hypergeo(n, N, m), si
P (X = k) =
m k
N−m n−k
N m
, k = 0, . . . , n.
Interpr´ etation : on tire sans remise un ´ echantillon de n boules d’une urne en contenant N, dont m blanches et N − m noires. Si X d´ esigne le nombre de boules blanches tir´ ees, alors X ∼ Hypergeo(n, N, m).
que l’approximation soit bonne. Mˆ eme si la preuve est plus facile avec cette contrainte, celle-ci n’est en fait
pas n´ ecessaire, comme le montre le th´ eor` eme 1.3. Ceci dit, quand λ est grand, la loi de Poisson elle-mˆ eme est
souvent approch´ ee par la loi normale (voir Section 1.6.2).
Loi z´ eta (ou de Zipf ) On dit que X suit une loi z´ eta (ou de Zipf) de param` etre α si P (X = k) = C/k α+1 , k ∈ N ∗ ,
pour C = 1/ P ∞
k=1 k −(α+1) = 1/ζ(α + 1), avec ζ la fonction z´ eta de Riemann.
1.6 Quelques variables al´ eatoires continues importantes
1.6.1 Loi uniforme
Soit I ⊂ R un intervalle born´ e et notons |I | sa longueur. On dit que X suit la loi uniforme sur I (symboliquement, X ∼ Unif(I )), si X admet la densit´ e
f X (x) = 1
|I | 1 I (x).
Si on note a = inf I et b = sup I (si bien que |I | = b − a), la fonction de r´ epartition s’´ ecrit
F X (x) =
0, si x < a
x−a
b−a , si x ∈ [a, b]
1, si x > b.
Notons que la loi ne d´ epend que de a et b et non de la forme exacte de I , ainsi, on voit
´ egalement la notation Unif(a, b) pour cette loi.
Cette loi est l’analogue continu de la loi uniforme discr` ete. En effet, alors que la fonction de masse de cette derni` ere est constante sur l’ensemble des valeurs que prend la variable al´ eatoire, c’est cette fois-ci la densit´ e qui est constante sur I .
1.6.2 Loi normale (ou gaussienne)
On dit que X suit la loi normale (ou gaussienne) de moyenne µ ∈ R et variance σ 2 > 0 (symboliquement, X ∼ N (µ, σ 2 )), si X admet la densit´ e
f X (x) = 1
√
2πσ 2 e −
(x−µ)2 2σ2
. Pour calculer l’int´ egrale R ∞
−∞ f X (x) dx, on se ram` ene par changement de variables ` a l’int´ egrale de Gauss R ∞
−∞ e −t
2dt (cf exo 9 du TD1) et on montre ainsi que f X est bien une densit´ e de probabilit´ e, c’est-` a-dire son int´ egrale vaut 1.
Si µ = 0, on dit que X est centr´ ee et si de plus σ 2 = 1 on dit que X est centr´ ee r´ eduite.
La fonction de r´ epartition de la loi normale centr´ ee r´ eduite N (0, 1) est not´ ee Φ : Φ(x) =
Z x
−∞
√ 1 2π e −
y2 2