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MARCELINE DRAME CHARLES HE PARIS RUE AUBER, 3, PLACE DE L'OPERA QUATRE ACTES MICHEL LÉVY FRÈRES, ÉDITEURS LIBRAIRIE NOUVELLE. pa n

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Texte intégral

(1)

MARCELINE

DRAME

EN QUATRE ACTES

pan

CHARLES HE LA ROUNAT

«Les drames(leInviene sont pus dansles circonstances,ilssont danslessentiments.»

U. de Balzac (Honorine)-

« Et dansles caractères.» Al.DumasOis.

PARIS

MICHEL LÉVY FRÈRES, ÉDITEURS RUE AUBER, 3, PLACE DE L'OPERA

LIBRAIRIE NOUVELLE

Bul LF.VAHD DES ITALIENS, 18,AU COINDELA UI BDEGIUMMONT /A, 1811

Droitsde reproduction,de traductionetde représentation réservé

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(2)

V

PERSONNAGES

ARMAND DE

MIR

MONT

MM.Nertans.

JULIEN

DE KERN

IC Pijol.

BONNEM

AIN,Médecin Df.rval.

SYLVIO,Peintre litnie.

DE

VEUMES,Apntde clionfc Trais.

SAINT-

AIGNAN,

Attachéd'ambassade.

Murat.

PIERRE,Domestique.! ; Ri.aisot.

MATHIEU,

Bûcheron Francès.

ROBINSON,

Gaminde Paris

Numa

lits.

MARCELINE

MesDescléE.

MADAME D'AUBERVILLE

PRIOLEAC.

MADAME DE MONTRER

HIER Krosikntis.

UsDOMRSIItjlJE M.LÉOS.

Use femmbdechambre M|leMarie.

9

(3)

Sij’osaism’approprierune phrase de Montaigne,j’inscri- raisvolontiersentètede

ma

pièce:«C’esticy

un drame

do bonnefoy.»

J’aivoulufaireune étude depassionetjelui aidonnéla forme dramatique.

Depuis l’évanouissement del’écoleromantique,lapassion, j’enconviens,asingulièrementperdu de sonautorité etdo son crédit.Lepublics’est peuàpeu déshabitué delapas- sionauthéâtre,parcequ’ellea,peuàpeu, disparude nos

mœurs.

Iln'en aplusletempérament.C’estregrettable,

sansdoute;mais qu’yfaire?

Lapassion, jadisélémentprincipaletnormal delascène, n’y apparaîtplusque sous

un

aspectquasi-pathologique. ^

EmileAugier,malgrétoutsontalent,etilestgrand,lorsqu’il s’estpriscorps àcorpsaveclapassion,luia toujours faussé

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(4)

II

compagnie au

moment

décisif;Alexandre

Dumas

filsnere- feraitaujourd'huini la

Dame aux

Camélias,niDianedeLys;

Barrièremetsesplusfortsenjeuxsur savervesatirique;

VictorienSardoufrôlelapassionquelquefois,maisilesttrop adroitpours’yarrêterjamais.

Jenefnecompare pasà cesmaîtrescoutumiersdesgrands

•combatsetdesgrandesvictoires;maissij’acceptelesrepro-

«•*

chesadressés à

mon

outrecuidance,je

me

mets, pour ceux que

mon

insuffisancepeutm’attirer, àl’abri,derrière ces

noms

qui font autorité.

La

suppression,pendant de longuesannées,duthéâtrede VictorHugo,a étéune chosefortmalheureuse pourl’artdra- matique;non queje veuilledirequ’ileût étébon deseli- vrer àuneimitationcontinueetservile;maiscetteéclipse totaledetoutunepoétique a entraîné l'extinction subitede l’école presque, tout entière. Latraditions’esttrouvéebrus- quement interrompueet,aulieud’unetransformation lente etraisonnée,nous avons eu dessubstitutionsinattendueset, trop souvent, les tentatives incoloresetplatesd’unelittéra- ture d’expédients.

Iln’estpas bond’oublier ses originesetderenier ses an- cêtres.

SanslesEspagnols,nousn’aurionspaseuCorneille;sup- primezMontaigne, vousn’avezpasRousseau; supprimez Rousseau,il

manque

tout

un

grandcôtéàGeorge Sand.

Lesconsidérations d’artne préoccupent guèreplus per- sonne,pas

même

lesgens delettres. L’esthétique,cette consolationdel’impuissance etdel’insuflisance, estexclue desconversationslittéraires.

Lapréfacedes RayonscldesOmbres

,qui renferme dans

(5)

III

un encadrement dephrases,

qu’ilestdebon goûtderailler aujourd’hui,

desiexcellents préceptes, des considérations siélevéeset siimportantes, est àpeuprèsinconnue.

Lespersonnalités ont tout gâté.

ThéophileGautierfaisait

un

jourcetleprofessiondefoi:

Moi,disait-il,jesuis

un

artisteetje cherche,avanttout

,

dansl’art,

ma

jouissance;lacritique vientaprès;maisjene m’en préoccupe pas d'abordet,quelsque puissentêtre

mes

griefspersonnelset

mon

antipathiepour

un homme,

cela ne m’empêchera pas dedirede son œuvre:Ceci estbien,si c’est bien.

Malheureusement,teln’estpasl’espritdenotreépoque,et Victor

Hugo

a portélapeinedesonrôlepolitique,

comme

si lapolitique avaitquelque chose de

commun

avecl’art!

Lacritiquealors estdevenue

du

partipriset

du

dénigre- ment,etl’onafaitàceuxquionteul’audacede défendre lepoèteou sonécole,non pas seulement des procès de doc- trine,mais des procès detendance.

Je m'arrête:cela

me

mèneraittroploin,etj’enreviensà

mon humble

cause.

J’aiprispour épigraphecettephrase deBalzacqui explique nettement, àelle seule, lepointde vue oùje

me

suis placé:

«Lesdrames delavienesont pasdanslescirconstances.

»ilssontdanslessentiments.»

Alexandre

Dumas

fils, ayantlu

ma

pièce,ajouta:...et danslescaractères.

L’axiomeestcomplet.

Etpuisquece

nom

aiméestrevenu sous

ma

plume.j’en

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(6)

IV

profitepour remercierceluiquileportesidignement,etde sesexcellents conseilsetdesonapprobation,dontje suis fier.

Tout le

drame

deMarceline estdanslestroispremiers actes.Le quatrième,quino dure pasdixminutes,n’estet n’ajamais vouluêtrequ’uneconclusion.Aprèsles*senti-

.»ments,»sontvenues«lescirconstances.»

J’ailaissélapiècetellequ’ellea été représentée,saufune demi-douzainede mois,supprimésaprèslapremièrerepré- sentation,et larestitutiondequelques phrasesquejeregret- taisd’avoir retranchéesauxrépétitions.

Charles de LA ROUNAT

Août187t.

)

(7)

MARCELINE

ACTE PREMIER

Ungrandetrichesalond’étéau rez-de-chaussée.

— On

aperçoit parlaportedu fondunparc quiparaitétendu.

Élégant ameu- blement.

Lascène se passe à Autouil.

SCÈNE PREMIÈRE

DE VERNES, SYLVIO,

S

AINT-AIGN AN.

Saint-Àignon,appuyé surunetable,parcourtdesbrochures;deVerne»

debout,regardeSylrio dessinersurun album.

SYLVIO

.

Ainsi,

mon

cher de Vernes,vousvoilàdécidémentdevenu superstitieux!

DE VERNES.

Pardon,je n’appellepasceladelasuperstition,moi M’ap- pellecelaunefoi,et celte foicontientunescience.Je croisàce quel’onappelle« lafatalité.»Pourmoila fatalitéestune force, c’est larésultanteinévitablede touslesphénomènes hu- mains;car jesuisconvaincu qu’ilssonttous astreintsàdes lois,parfaitementfixes, inconnuesencore,ilestvrai, mais aussi certainesqueles loisqui règlentlecours desastres.

1

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(8)

2

MARC ELINE

SYLVIO,«anssedéranger.

LeMathieu delaDrômedes salons!

Von

pauvreami,ilfaut allerconsulterledocteurBlanche...Iln'estquetemps!

DE VERNES.

Parbleu! j’attendais cela! Nous nous sommes tellement déshabituésde penser,noussommesfrappésd’unetelleincapa- citéd’attention,quesi,parmalheur,quelqu’un al’audacede souleverunepauvrepetitequestion métaphysique, viteonclôt ledébat,avantqu’il aitcommencé,parunmot,sil’onadel’es- prit, parun à peuprès,sil’onn’estquejovial,parunebruta- lité,sil’onestmalélevé,ouparunImpertinent ordredujour, sil’onadumonde.

SYLVIO,

railleur.

-C’estentendu,iln’y aplusrien....niart,ni littérature....

DE VERSES.

Mais non,iln’yen aplus...ousipeu!...Cesdeuxgrandes etpuresgloiresdelaFrance s’en vont.... aveclereste:avec la conversation, parexemple;aveccettequalitécharmante, celtegrâcejadis célèbre du Français,lapolitesse1Etc’est votrefaute.«Nousavonstantabandonnédedroits, disaitGoethe, qu’ilne nousenrestepresque plus surrien. »Vousaveztant abandonnéd’idées,que vous n’en avez quasi plusdutoutIVous lâchez tout!Vousdésertez,sansvergogne, touslesvieux dra- peauxetvous n’avez pas de quoi en faireun neuf!Vousn’ai- mezrien,vousne haïssezrienfortement.

Panem

etcirccnses!Vous enôteslà.,depuislepluspetit,jusqu’au plusgrand:unfaisan truffé etl’Opéra,unegibelotteet lepoulaillerdel’Ambigu!Vous avez lamoraledie Louis

XV,

etvous ne demandez qu’une chose:quecela dure autant que vous!...Del’art?Iln’ya plus quedela critique!..Delalittérature?Quevoulez-vous” qu’elle fasse?

On

ne veutrienapprendre,on ne veut rien écouter!Le senscritique,toujoursenéveil, abolit lesentiment....Lesgram- mairiens dela vie,lesergoteursdu Bas-Empirecrossenletmal- mènent insolemmentceux quisesont nourrisdelamoelle des lions!

On

ne veutplus,onn’aplusquedel’esprit!Signe de décadence!

Quandilsonttant d’esprit lespeuples vivent peu!

Pendantce temps-là,les passions, cesmères des grandes choses, disparaissent,les ardeurss’éteignent, lesâmess’a- languissent,lescaractèress’abaissent,unemolleetlâcheindul- gence s’étend sur tout:onn’estplussusceptible d’indignation, nid’enthousiasme,etunbeau jour

(9)

ACTE PREMIER

- 3

SYLVIO.

Un

beaujour ?

DE

VER

NES

.

Les Barbares entrentdans

Rome

!

S Y LVIO.

Morale:fallaitpasfairedes pâtés defoiegrasaveclesoies du Capitole!

DE VERNES.

Et voilà!!1voilà

comme

ons’entire! ..(Regardantledessindont s'occupait SyiTio.)Tiens,c’esttrès-jolicequevous avezcrayonné là...C’estpourMarceline?

SYLVIO.

Ah

!s’ilnes’agissaitque decharbonnerdescroquispour plaireàladivinitéde céans...

DE VERNES.

Bon!vous voilàamoureux,etamoureuxde Marceline encore!

Cen’estpas assezde croire àl’art,vous croyez à l’amour.Ren- gaines,

mon

cher,que tout cela.Vous

me

faites l’effetd’un

homme

qui voudraittrafiquerparlemondeavec d£smonnaies qui n’ont plus cours...Vousn’étespas de chairetd’os

comme

nous,

mon

brave....Vousêtesfaitd’écusdesix livres etde piè- cesde quinze sous.Sibienque vousêtessérieusement épris de lacharmantepupillede notreamideMirmont.

SYLVIO

.

Sérieusement non, mais»jelatrouve adorable! . SAINT-

AIGNAN

.

Etmoiaussi!

DE VERNES.

Etmoiaussi!

SYLVIO.

Vousallezvoirquetoutà l’heurevousserez obligédeconve- nirquevousentenez,

comme

noustous,un peuplusquevous neditespourcette belleindifférente!

DE VERNES.

Non

pas... jene

me

frottepasauxvaleursquine sont pasen circulation.

SAINT-AIGNAN,

ricanant.

Vousattendezlepremier versement.

DE VERNES.

Vouscroiriez-vousen mesure del’opérer?... FatI.. Mes

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(10)

4

MARCELINE

pauvrespetits, j’ensuisfâchépourvous;maisvousen serez pourvosfrais: Marcelinen’aimcetn’aimera jamaispersonne!

SAINT-AIGHAN.

Parlezpourvous.

SYL

VIO.

Ilssont trop vertslesraisins.

DE VERNES.

Pardon, pardon;...je demandeàdévelopper

ma

proposi- tion.

SAINT-ÀIGNAN.

Ah

1je serais curieux...

*

SYL

vio.

Silence!laparoleestau préopinant.

DE VERNES.

Quepensez-vousde notreami

Armand

deMir.nont, notre hôte ?

SYLVIO.

MaisArmand...

SAINT- AIGNAN.

Armand

estun homme...

DE VERNES.

Jerépondspour vous:

Armand

estun

homme

hospitalier, gracieux, obligeant, brave,spirituel,riche, très-riche,directeur d’ungrand chemindefer,propriétairede canaux, demines,etc.

C’estpartait...voilàquiestentendu...Iltient,en princemagni- fique,tableouverteetcour plénière,ici,dans sa splendidevilla d'Auleuil

,où nous

sommes

sescommensauxassidus...Mais ce qu’onappelle généralementle sens moral,l’avez-vousja- maisentrevu sousune forme quelconquechez

Armand

?

Non

!

Armand

, qui heureusement possèdeuneespècede bonténa- turelle etqui a toujoursétériche,

Armand

n’aabsolumentau- cuneespècedeprincipeenquoiquecesoit...

SYLVIO.

C’est pourtantuntrès-honnête

homme

!

DE VERNES.

Etquivousparlede cela?...Ilalesprincipes desaffaires...

Maisjedis etill’avoueingénument lui-même,je disqu’enmo- raleilestprofondémentsceptique,indifférent,égoïsteet facile... , Or,voussavezou vousne savez pas cequec’estqueMarce- line. Marceline...

(11)

ACTE PREMIER

5

SYLVIO.

Marcelineest lapupilled’Armand...

DE VERNES.

Sansdoule,mais avantd'être lapupilled’Armand,c’étaittout simplementunepauvrepetitepaysanne, orpheline de Ploërmel, qui s’appelaitMarceline Brigaul, ceque vousne saviezpas...

sylvio.

Ah

bah!

DE VERNES.

Armand,quihabitait,

comme

illefaitencore,troismoisde l’année ^on château de Saint-Servan, prèsde Ploërmel,s’inté- ressaàceltepauvrepetite (elleétaitdéjàfortjolieetavaitalors douze ans),l'adopta, parpure bontéd’âme,jeveuxlecroire, et lafitélever

comme

sielleeûtétéde safamille.

STLVIO.

Vouspouvez bien dire

comme

saproprefille...

DE VERNES.

Non,

mon

cherSylvio....SiMarceline eût étélafilledeMir- mont,je croisque*son éducation n’eûtpasété toutàfaitla môme...Jecroissurtoutqu’ilneluieûtpasdonné pour....

mentor,cette follede

madame

d’Auberville,salante.

SYLVIO.

Continuez...

DE VERNES.

Marcelinea àcetteheure vingt ans, voilàdonchuitannées, huitannées1qu’elleboitlelaitdela

commode

doctrine de notre ami,sanscompterlacurieuse alimentationqueluifournitentre temps

madame

d’Àuberville.

SYLVIO.

Eh

bien?

DE VERNES.

Eh

bien?...Eh bien,Marcelineestunecréaturecharmante, elle estbonnemusicienne,monteàcheval

comme

uneécuyère duCirqueetmetinfinimentmieuxl'orthographe; carelleal’es- pritcultivé,très-cultivé,trop cultivé, ayant reçuunéinstruc- tionabsolumentvirile,quiluipermetde causerbravementet élégammentde tout... ellefaitdesarmes, lirele pistolet,

chasse,etc.,maisjedirai,

comme

pourson maître,oùest le sensmoral?

SAINT -AIGNAN

.

Maisvousvoustrahissezvous-même!...celan’empêchepas lessentiments...aucontraire...

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(12)

t

MARCELINE DE VERNES.

Vous voustrompez,

mon

ami,celaempêchelessentiments...

Les sentiments sontlavraiemoralité delavie...Songezqu’a- vant

même

d'ôtrefemme,Marcelineétaitpénétrée parunethéo- rietoutefaite...elleentraitdanslavie aveclascience1...Ses tendances, sesinstincts, ses...besoins

mômes

ontététellement faussés,prévenus,détournésde leurvoie, qu’ellene peut pas plus éprouver l’amourqu’elle nepeutleconcevoir intellectuelle- ment.

SYL VIO.

Ventredebiche!vousôtesrudementfort,vous,pour unagent de change.

DE VERNES.

No

ditesdoncpasde ceschoses-là,Sylvio... Sijevousdisais, moi: « Tiens!mais vousôtesfortlettrépourunpeintre!»

commenttrouveriez-vouscela?...Allons!venezfaireunepoule aupistolet.

SYLVIO.

SinousfaisionsdireAMinnontpar Pierre,quej’aperçois,de venirnousretrouver? (Avecuna emphasegoguenarde.)Parmonsieur Pierre!

DE VERNES.

Ah

I

mon

cher,sivous voulezgagnerlesbonnesgrâcesde Marceline,ne vousmoquezpasdelui!Elleleprotège.Ill’avu naître...Etc’estunpersonnage danslamaison.Lesautresdo- mestiques, eneffet,l’appellent monsieur,ilavoixaucha- pitre,c’est ledomestique traditionnel!...

SYLVIO.

Levoici,justement.

Pierre entre.

DE VERNES.

Pierre,sivousvoyezM.deMirmont,dites-luique nous som- mesautiret qu’ily seralebienvenu.]

PIERRE.

# »

Monsieuryestdéjàavec mademoiselle.

DE VERNES.

Ah!

Allonsdoncprésenternoshommagesaumaîtreetà sa brillante élève...Venez, messieurs...

Ussortant.

(13)

ACTE PREMIER

7

SCÈNE

II

PIERRE,

puis

B0NNEMA1N.

PIERRE.

Jevousdemande unpeusic’estuneoccupationpourune jeunepersonne detirer le pistolet...Pauvreenfant!...J’aurais mieux aimélavoir rester à garder sesmoutonsàPloêrmdque...

Enfin... (voyant JBonncmam.)

Ah

!M.Bonncmain!

BONNE

MAIN.

Oui,

mon

vieilami,moi-même,toutchaud débarquéd’Egypte oùj’aipassésixmoisà

me

faire grillerausoleil.

PIERRE.

Mademoiselleva être joliment contente devousvoir!

BONNEMAI

N.

Elleva bien?

PIERRE.

A

merveille! toujoursun peufolle;maissibonneau fondI

Vousavezfaitunbon voyage? B

ON N EM

AIN.

Excellent.

PIERRE.

Je vais chercher mademoiselle.

On

ne voit jamais troptôtun ami

comme

vous.

RON NEMAIN.

Et

madame

d’Auberville?toujoursauprèsd’elle? Pi

ER

UE.

Ah

!

mon

Dieu, oui,ne m’enparlez pas: jolie compagnie pourmademoiselle1Ahivoicices dames...

SCÈNE

III

B

ON N EM AIN

;

MADAME D'AUBER VILLE

, Pu»

MARCELINE.

MADAME d’aUBERVILLE,

entrant.

Ah!parexemple!Marceline!...c’est ledocteur.

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(14)

8

MARCELINE MARCELINE.

Bonnemainl...

MADAME D’AUBER

VILLE.

Ilparaîtquelescrocodilesn’enont pas voulu.

MARCELINE,

à Pierre.

Va

prévenirmonsieur...(Pierre«ort.Marcelineserrelamain du doc- teurquil’embrasse.)

Mon

bonami,avez-vousfaitun bon voyage?

Me

ramenez-vousunpetitnégrillon?...Avez-vouspensé à tou- tes

mes

commissions?...Oh!

comme

ilestbruni...regardez donc,madame...

MADAME D’AUBERVILLE.

Celaneluiva pas mal...Vousêtesrajeuni,Bonnemain... Et moi,comment

me

trouvez-vous?

BONNEMAIN.

Tropjeune...(ilposeson doigt sur soncœur.)delà!

MARCELINE.

* Etmoi?

BONNEMAIN.

Tropvieille...(ilpose son doigt sur son front.) d’ici!

MARCELINE.

Oui,oui,c’est convenu:jesuispositive

comme

ungrand- livre, soupçonneuse

comme

unvieux procureur, sceptique

comme

le

bonhomme

«Quesais-je ?... »

En me

promenant un jourdansuneimprimerie,j’aiavalé,parmégardc,lacaseaux points d’interrogation.C’estunmalheur, mais... cen’estpaslà cequejevousdemande...

BONNEMAIN.

Vousvoulezquejevousdisequevous êtes embellie?...

MARCELINE

.

.Mais ouivraiment...

BONNEMAIN.

Qu’est-cequecelavousfait?

MARCELINE.

Cela

me

plaîtà entendre...

On me

ledittouslesjours... et je trouve toujours cela très-spirituelet très-joli...Aucunde ces messieurs n’ymanque, etcelam’amusetoujours...Ehbien, est-ceencoreunsignede décrépitude?

BONNEMAIN.

Ma

chère,lacoquetterieestlascolastiquedu cœur,etcela sent diantrementleBas-Empire...

(15)

ACTE PREMIER

9

M ARCELINE.

Vousgrondez toujours,vousêtesinsupportable.

Eh

bien,au fond,vousêtespeut-êtrelaseule personnequim’aimevérita- blementici...Jene connais rien d’aimableetd’amusant

comme

lesgens auxquelsonestindifférent...Lesgens quinous aiment nouscomblentde choses désobligeantesetde plainteséternelles.

BONNE MA

IN.

Oui,etc’estpourcelaqu’àmoinsd’une vraiepassion, les femmesdansle

monde

appartiennent bienmoinsàceuxquiles aiment qu’àceuxquilesamusent... Jenesuisqu’unsot,je vousennuie,vousfinirezpar

me

délester, etce sera bienfait pourmoi...Vousêtesadorablementjolie,douéed’une rare in- telligence,etquand jediscuteavecvous,vousenarriveztou- joursà

me

fairesoupçonnerquevous êtesdansle vrai,etqueje nesuis,moi,qu’unevieilleganache.

MARCELINE.

Allonsdoncl...vousvoyez bienque vous pouvezêtre un flatteurtout

comme

unautre...Embrassez-moi pour lapeine...

Ilestjustederécompenserlesvicesagréables...

MADAME D’AUBERVILLE,

riant.

Ah!

ah1ah!lafolle!

BONNE

MAIN, tristement.

Oui,oui,riez... Celan’al’airde rien:ily atouteune doctrine... jereconnaisl’école!

MADAME D’AUBERVILLE.

Ta,ta,ta,taisez-vousdonc,Bonnemain, vousfaitesdesmons- tres de tout... Laissez à Marceline son insouciance.et sa gaieté...Ellevoit leschoses

comme

ellessont...oùestlemal?

Iln’v a pasdemilieu:ilfaut rireoupleurerdelavie...Elle a choisid’enrire...etelleabien fait!Tu asraison,

ma

mi- gnonne...(Elleembrasse Marceline.)N’éCOUle pas Ce grognon,etDO luilaissepasjeterses pierres dans ton eautranquille,ily dé- truirait les riantesimagesqu’elle reflète ette-feraitdesrides.

MARCELINE.

Et mes commissions?Car enfinnousoublionsleschosesim- portantes.

BONNEMAIN.

Vousrecevrez ces jours-cilacaissequilescontient toutes:

descolliersde Nubienne, des parures desequins...toutceque vous avezdemandé,etquelques autres choses encore par-dessus lemarché.

MARCELINE.

Oh! quel bonheur!

Mon

bon Bonnemain...

mon

amourde

i

1.

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(16)

10

MARCELINE

docteur.. .vous seriezun

homme

charmant,sivouslevouliez...

Ellelaiprendlatête etl’embrasse à plusieurs reprises.

BONNEMAIN. *

ParbleuI

MARCELINE.

Ne

radotez plus, jevousadore...

BONNEMAIN.

Malgrémes cheveuxgris?

MARCELINE.

Est-cequejevoiscela?...Tout

homme

aimableestjeuneet beau

comme

lePrince Charmant...Nousn’ensommesplusaux troubadours...cesridiculesblondinspommadésqui revivent dansnoscoiffeursd’aujourd’hui...Adieu, guitares,amourssont faites!

BONNEMAIN.

Vraiefilledusiècle!

MADAME d’AUBERVILLE.

Ilfaut êtrede sontemps!

MARCELINE,

riant.

Quin’a pasl’esprit deson âge,de sonâgea tousles malheurs!Jem’appelle vingt ans,c’est

mon nom

debaptême!...

Je m'appelle mil huit cent soixante,c’est

mon nom

defamille!

Je portepour armes:d’azur au papillond’or,aveccettedevise:

Oggi, aujourd’hui...enitaliencelafait mieux...Etje suis duchesseduprésent!...grâce à

mon

cher protecteurettuteur,

Armand

de Mirmont, prince del’industrie...l’hommeleplus charmantet leplusspirituelquejeconnaisse...

BONNEMAIN.

Amen

!VoilàSonAltesse..

MARCELINE.

Etses courtisans...

SCÈNE IV

Les mêmes, ARMAND, SYLVIO, DE VERNES, SAINT-AIGNAN.

ARMAND.

Quelle surprise!Comment,docteur,vousêteslà?

(17)

ACTE PREMIER

li

BONNE MA

IN.

J’arriveàl’instant,

mon

cher Mirmont...et

ma

premièrevi- site...

ARMAND.

Vouscausiezavec l’enfant...Plusbelleque jamais,n'est-ce pas?

MARCELINE.

Toutça aété dit, c’est fait.Cequiestplus intéressantpourle moment,c’estqu’ilm’aapporté des adorations de choses:des colliers,desétoffes...Je vais

me

faire fairedes coiffures

comme

personne n’enaura...

ARMAND.

Avez-vousété faireunepetite visiteà notreamileconsulde Suez?

B

ON NE MAIN.

Oui,etj’ai

môme

faitchezluilarencontred’uncharmant garçonquej’ai invité,de

ma

propreautorité,àveniraujour- d’hui,etquejeveuxvous présenter.11peutvous donnerdes renseignementstrès-utilespourvotreaffairede mines...

ARMAND.

Présentez,

mon

cher, présentez.

MADAME

D*

AUDERVILLE.

C’estunjeune

homme?

BONNE

MAIN.

Oui...Trente ans,je crois...

A R

M

A

N

D.

Etilsenomme?...

B ON NESIAIN.

Juliende Kernic.

MARCELINE.

Un

Breton?

BONN EM

AIN.

Oui.

ARMAND.

Jeconnaisle

nom

:bonnefamille,mais pauvre.S’ilveutfairo safortune,nouslaluiferons.

BONNE

StAIN.

Oh!quant àcela,vouspouvezvousdispenserdevous mettre en avant,iirefuseraitnet...

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(18)

12

MARCELINE ARMAND.

Ah

bah!C’estdonc unpuritain?

BONNEMAIN.

Pastoutàfait, maisils’estexpliqué avecmoid’une façon très-catégoriqueàcesujet...Jeluien avais parlé précisément.

MARCELINE,

d'un tonrailleur.

Ilne veutpas...maisil,vient!

BONNEMAIN

.

Oh!

ma

chère,ilvientsans arrière-pensée,jevousl'atteste...

Ilvientparcequ’ilne connaîtpluspersonne à Pariset qu’ila besoindesefrotterunpeu à ses contemporains... Votremaison estunpetitmonde, ony trouve unesociététoutefaite...c’estson affaire.Enfin vousleverrez aujourd’hui...S’ilvousva,ehbien, c’en seraunde plus parmi vos hôtes(plus bas.)auxquelsilaura du moinsl’avantagede ne ressembler enaucunefaçon.

MARCELINE.

C’est toujoursquelque chose.

BONNEMAIN.

S’ilnevousvapas...

ARMAND.

Ilnousira!...

A

propos,etceci soit ditsansaucunecompa- raison, vous savezbien,cegarçon qu’on m’avaitrecommandé etquej’avaisplacé,cepetitmonsieurDulillac?...ilvientde se fairecondamnerà unandedétentionpourescroquerie...

Occupez-vous doncdesgens!

BONNEMAIN.

C’étaitprévu,ça.

ARMAND.

Oui; mais cequevousnesavezpas,c’estque c’est luiqui avaitenlevé,ily a quelques années,lafilled’un demesfermiers de Ploërmel, Jeanne Lerouex.

MARCELINE

.

JeanneLerouex, je

me

larappelletrès-bien...toutenfantque j’étais,ellem’aassezsouvent raconté ses rêves d’ambitionetde grandeur...elleavaitcinqousixansde plusque moi.

A

RM

AND.

LeDutiliac avaitcomptésans doutequele pèreLerouex, voyantsafilleenlevée,demanderaitlemariagepourelle,avec unetriqued’unemain etunedotdel’autre...LepèreLerouex

(19)

ACTE PREMIER

13 n’apasbronché;cequevoyant,leDutillac à peine arrivé àPa- ris,agagnéau piedetplantélàsa Jeanne...

MARCELINE.

PauvrefilleIC’estlàun decesmalheursauxquelstoutesles femmescompatissent.

BONNEMAIN.

Pourles fillesdelatrempede Jeanne Lerouex,

ma

chèreMar- celine,l’arbredelaviea tantdebassesbranches auxquelles ellesseraccrochentqu’ellessontmoinsà plaindrequevous ne l’imaginez... Quand on n'estpasscrupuleux sur le choix desmoyens, onse tirefacilementd’affaire...Iln’yadevrai malheur que pourlavertu...

MARCELINE.

Celan’estpas consolant.

BONNEMAIN

.

Si lavertuétait facile,ceneseraitpluslavertu...

MARCELINE,

riant.

Une

femme

àlamer!...

ARMAND.

En

roule!...

BONNEMAIN.

Voilàuneterribleoraison funèbre...terribleetvrai#!Quand tombe unepauvre créature,le

monde

l’engloutitetsereferme surelle...

On

nemettraitpas seulementuncanotdehorspour essayerdelarepêcher.

ARMAND

.

Iltombetropde gens, docteur,et lamer où nousnaviguons tousesttrop houleuse...D’ailleurs,voyons,mettons de côtéles préjugés. Sicettefille avaitdes idées deluxe,detoilette,de plaisirsmondainsvenrestantcequ’elleétait,elleeûtétééter- nellement malheureuse:elleseseraitmariéeetauraitfaitune mauvaisefemme;elleauraiteu des enfantsetauraitfaitune mauvaisemère;elleauraitcoqueté avec des butors, auraitcouru les fêtes etlesassemblées,détournant quelques gros sous du ménage pouracheter desaffiquets;son maril’auraitbattueetse serait

dédommagé

des ennuisdeson intérieuren courtisantles femmesde ses voisinseten séduisant leursfilles...scandaleset malheurs...

Au

lieudecela, laviergefolleestpartie...ellea choisiune existenceappropriée àsesgoûts,auloin,perdue dansla fouleetdansl’agitationd’une capitaleoùles grands courantsdel’égoïsmeetdel’indifférencecharrient indistinete-

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(20)

14

MARCELINE

mentce quiflotte,ce quinageentredeuxeaux, ce qül rouleau fond. Celavaut mieux...

BON NEMAI

N

.

Oui,et elle estpeut-être àl’hôpitalouà Saint-Lazare...

ARMAND.

D’abord cela nefaitrien...laviec’estlaguerre,ilfautdes tuésetdesmutilés... affairesd’infirmerieetdestatistique...

BONNEMAIN.

Heureusement quevotre charitéafaitses preuves,

mon

pauvre Mirmont,etquejamaisunemisèrene s’adresseimpunémentà vous;carenvousentendant parlerainsi...

ARMAND.

Charité,oui, fraternité,non...bourse ouverte,cœurfermé!...

Saignez

ma

bourse, celam’importe peu,saignez

mon

cœur...

vous

me

ferezmourir à cinquante ans avec des palpitationsetdes spasmes.Monsieur Dutillac,qui estun drôle,n’est pas

mon

frère;mademoiselleI.erouex, quiestunedrôlesse, n’estpas

ma

sœur. Jedonnede l’argentauxhôpitaux,auxasiles,aux écoles, aux cinquante mille quêtes, catholiques, huguenotes, jui- ves,etc., etc.;maisjeneveuxpasm’émouvoir pourdes gens quejene connais pasetcharger

mon

cœurd'une philanthropie humanitaireetphilosophique... Je neveux pasvoir cequiest laid,ce quim’ennuieetcequ’ilestinutilequejevoie.

BONNEMAIN.

Ily auraitbeaucoupà direàceci...

MARCELINE.

Ah!docteur,ne leditespas...monsieurdeMirmont répli- queraitetcelan’enfiniraitplus...

BONNEMAIN.

Maisn’est-cepasqu’ila tort?

MARCELINE.

Oui...quand onpense ces choses-là...onneles ditpas!...

PIERRE

, entrant.

Mademoiselle...(illui remet uue carte.)Cettedamedésire voir mademoiselle, pouraffaire particulière.

MARCELINE.

Madame

deMonlperrier?... Jene connais pas!.. N’importe,je vais...

A

RM

AND.

Eh! reçois-laici,

mon

enfant,noustelaissons:jevaiscon-

(21)

ACTE PREMIER

15 duireledocteur à son appartement. Jeveuxluifairemoi-même leshonneurs delamaison.

Ussortent.

SCÈNE V

MARCELINE,

puis

MADAME DE MONTPERRIER.

MARCELINE,

regardantlacarte.

Madame

de Montperrier?...Non,jeneconnais personne de ce nom-là...(Pierre rentresuividemadamede Montperrier.)

Ah

!

mon

Dicul (Gaiement.)

En

croirai-jemes yeux?Jeanne!Jeanne Lerouex!

Oh

1c’esttropfort!

On

parlait'detoi,ici,àl’instantmême!

MADAME

DE*

MONTPERRIER.

Etondisait?...

MARCELINE.

On

disait.....biendes choses...

MADAME DE MONTPERRIER.

Alorsonsait?...

MARCELINE.

Tonmalheur... ton abandon...

MADAME DE MONTPERRIER.

Hélas!...Enfin!Ce quiestpassé estpassé,n’est-cepas?...

Aujourd’hui,Dieumerci,lesapparences,du moins, sontsau- vées.,. et

ma

carte...

MARCELINE.

Madame

deMontperrier!...

MADAME DE MONTPERRIER.

Madame

de Montperrier.

MARCELINE.

Pourdebon?

MADAME DE MONTPERRIER.

Toutcequ’ilya deplus « pour de bon.»Le

nom

est joli et de plus parfaitement honorableetauthentique...

Tu

voisqueje puis venirtevoirsansêtredéplacéeici,etton tuteur,

mon-

sieurdeMirmont lui-même, qu’ondit êtreun

homme

très- bien, très«

comme

ilfaut, »netrouvera rien àredire.

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(22)

16

MARCELINE MARCELINE.

J’ensuisconvaincue.

MADAME DE MON'TPERRIER

, luitendantlamain. ,

Puisque tu

me

faisunsibon,unsiindulgentaccueil,

ma

chère Marceline,ilestjustequeje te fasseuneconfessionen-

tièreetquejetemetteaucourantde

ma

situation....

MARCELINE.

Parle.

MADAME DE MONTPERRIER.

Quelquetempsaprès

mon

malheuret

ma

folie,jerencontrai, parlemonde, monsieurde Montperrier...Monsieurlecomte de Montperrier,

car jepourrais

me

faireappelercomtesse!

monsieurle comtedeMontperriers’épritsérieusementde

ma

personne, sisérieusement qu’il m’oifrit dem’épouser... et m’épousa...ily a de celaquatreans/

MARCELINE,

riant.

Eh

bien!mais voilà quiestpourlemieux,

madame

lacom- tesse.Tu nousprésenterasmonsieurde Montperrier.

MADAME DE MONTPERRIER.

Non... monsieurdeMontperrierest, depuis quinze mois, consulaudelàdesmers!

MARCELINE

.

Oh!

oh!

MADAME DE MONTPERRIER.

Lorsquemonsieurde Montperrier m’épousa,iln’avaitplusguère qu’une quinzainedemillelivresderenies...

Au

boutdedeux ans,ilnerestaitplusducapitalquesoixantemillefrancsen- viron...

MARCELINE.

Vousalliez bien1 j

MADAME DE MONTPERRIER.

Monsieurde Montperrieravaitcomptésurl’héritaged’un oncle fortriche, seul parent quiluirestât...L’oncleboudait,ilest vrai,depuis notremariage, auquelils’étaitvivementopposé;

mais

mon

mari se croyait cerLiin dele ramener, avecletemps, àdes sentiments meilîeurs... Hélas!

ma

chère,cetabominable onclemourutennousdéshéritant.Lavie devint dure.. .Le carac- tèredemonsieurde Montperriers’aigrit...C’étaient touslesjours des scènesde jalousie, des reprochesde

ma

dépense... que sais-je?Il regrettaitcequ’ilavait fait.Jeneluienveuxpas, c’étaitnaturel...

(23)

ACTE PREMIER

17

MARCELINE.

Ah

!oui,jecomprends...

MADAME DE MONTPERRIER.

A

vingt-sixans...carilavaitvingt-six ans,

ma

chère,et, c’était unfort joli cavalier...ilvoyaitferméespourlui,par notrema- riage, laplupart des voiesfaciles,ouvertesauxjeunes gens...

Ilprituneplace,quele créditde sesamislui procura,dans unecompagnieindustrielle...Maisilsedégoûta bientôld’un travail

,peufaitpourlui,etquinousdonnaitàpeine lestrict nécessaire...

MARCELINE

.

Ma

pauvre Jeanne,quetuasdûsouffrir!

MADAME DE MONTPERRIER.

Ah

!Dieu!..Et avec cela plusdefemmedechambre: une seule bonnepourtout faire. Malservie,demeurantauqua- trième, dansunpetitappartementmesquinetpauvre...Pour sortir... l’omnibusou un horrible fiacre...bientôtpeut-être lesbas gris etlescaoutchoucs...Grandmerci...Ilfallaiten finir...

MARCELINE,

d’untonde reproche.

Ah

! Jeanne!

MADAME

DE

MONTPERRIER.

Queveux-tu,

ma

chère... voir touslesjoursun

homme

dépé- rirde regretetd’ennui... dontlatristesselugubreest,àelle seule,toutunmonde dereproches...non, non,j’auraismieux aimé

me

jeteràlaSeine.

MARCELINE.

Oh!

parexemple...

MADAME DE MONTPERRIER,

sérieusement.

Ma

chère, tunesaispas,et lune sauras jamais,jel’espère pourtoi,cequec’estquecebagnequ’on appelleun mauvais mé- nage,etoù monsieur de Mçntperrieretmoi,nousavons traîné notre boulet!..Enfin,

mon

maripritune résolutionviolente,ilpar- titpourl’Amérique...Ilnousrestaitsoixante millefrancs,envi- ron: ilen gardalamoitié,

me

laissalereste,et...etilest probableque nousnenousreverrons jamais.

MARCELINE.

Pourquoi cela?

MADAME

DE

MONTPERRIER.

Sijetedisais:«Ilest probablequenousnousreverronsun jour»,tupourraisfaire la

môme

demande:«Pourquoicela?»

A

quoibonse revoir1

Mon

mari ne

me

pardonnera jamais d’è-

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(24)

18

MARCELINE

tresafemme.S’ilrevientriche,eh

mon

Dieu,tantmieuxpour lui,jeluifaiscadeau demes droitspar-dessuslemarché...

Non,non,c’estbien fini,va!..

MA

R

CELINE.

Maiscommentas-tufaitavectestrentemillefrancs?...Jete demandepardon,

ma

question...

MADAME DE MON

T

PE

R R1ER.

Ta

question esttrès-naturelle... et...jepuisy répondre...

Lebanquier demonsieurde Montperricrs’estintéresséà moi...

Ilacompris

ma

position., etm’aoffertdefaire frilctitier lasom-

me

qui m’étaitlaissée... J’aiaccepté,et jusqu’ici,grâce àDieu,la chancem’aétéfavorable.J’aifait

mon

apprentissagedespécu- latrice,etjevenaistevoiraujourd’huipourteprierde

me

re- commanderà monsieurdeMirmont...Ilbrasseunequantité énormed’affaires cl jevoudrais

MARCELINE

, souriant.

Nousarrangerons cela!..Alors tu esheureuse?

MADAME DE MONTPERRIER.

Ma

chère,jene

me

faisjamaiscettequestionindiscrète...Je

me

laissevivre,en m’abstenant avec soindetout retoursur moi-même:

comme

lesarbres,jecherchel’airetlesoleil,sans

me

soucierdesfeuillesmortesamassées àmespieds...ilne faut pasfouillerlà-dedans. Aussi,malgré

ma

comparaison pittoresque, j’évitelacampagne:quandjesensl’odeur desétablesetque jevoisdesvachespaîtredanslesprés...ilsechanteaudedans de moi, de bêtes deromances qui

me

troublentet

me

gênent...

Toutsouvenirest malsain. Je

me

rappellequ’onnouscitait,dans laBible,cettefemme dojene saisplusqui, changée en statue de selpouravoirregardé derrièreelle...Cefutbienfait!..Je ne regarde jamaisenarrière.Imite-moi,je le le conseille...le cas échéant.

MARCELINE.

Que

veux-tudire?

MADAME DE MONTPERRIER.

Rien...maisonestfemme,n’est-cepas? onnesaitpas ce qui peutarriver.

MARCELINE.

Oh

! moi,

ma

vie est infinimentplussimple,etjene puis avoirde regretderien...maisluas raison.

PIERRE,

entrant.

Jedemandepardon à mademoiselle...Mademoisellesait-elle oùestmonsieur?quelqu’unledemande.

MARCELINE.

Monsieurdoit êtreavecledocteur,danslesappartements.(Pierre sort.)Ehbien, quefais-tu?

(25)

ACTE PREMIER

19

MADAME DE M0NTPERR1ER.

Jem’envais...Maisjereviendrai!

MARCELINE.

Je l'espère bien!

MADAME DE MONTPERRIER.

Oh!tun’aspasbesoin d’insister...

On

doits’amuserchez toi...C’estune maison très-agréable,j’en suis sûre...Allons, adieu, embrasse-moi, àbientôt,et situasquelquesinstants àperdre...6,rueMadame.

MARCELINE.

Adieu!

MADAME DE

M

ONTPE

R RIE R,horsdelaporte.

Courtois!

Elle disparaît.

MARCELINE.

,

Adieu!

SCENE VI

MARCELINE, ARMAND.

s

ARMAND.

Tiens! elleest partie, celle

dame

?

MARCELINE

,souriant.

Oui-dà!Et vousaccouriezdans l’espérancedelavoir?Eli bien,soyez en repos,vouslaverrez,ellereviendra...(sérieu- sement.)Je vousdonneen mille à deviner cequec’estquecelte dame.

ARMAND.

C’estJeanneLerouex.

MARCELINE.

Enpersonne.

ARMAND.

Je l’auraisdevinérien qu’autondonttu

me

ledemandais après la conversationquenous venionsd’avoiràson sujet;

mais,pour plus de précautions,

comme

jeredoutepourtoi les femmesmystérieusesetlesmauvaises connaissances... je suis venuregarder parletroudelaserrure

,toutbonnement,etje l’aireconnue.

MARCELINE.

C’estbienjoli:deladéfiance!

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(26)

20

MARCELINE ARMAND.

Mèrede sûretéet...sœur dejalousie...

MARCELINE.

Jel’aiengagéeàrevenir...celane vous contrarie pas ?

*

ARMAND.

Non

;ellen’estpasdangereuse,ecllc-là.

MARCELINE.

Etelle

me

paraît assezintelligentepour avoiriciletonet les manières sans lesquelsilnenousconviendrait, à vousnià moi, delarecevoir...

ARMAND.

Comtessede Montperricr,c’estun

nom

cela... etilnefautpas fermerlaporteaux enfants prodigues...(Tirantun braceletde la poche.)Prètez-moi votre bras,madame...

Uluiattachelebracelet.

MARCELINE.

Ah

!lebracelet?

ARMAND.

Qui vousaparusijolil’autrejour.

MARCELINE.

Maisilétaitvendu!

ARMAND.

J’enai faitfaireunpareil.

MARCELINE

.

Vousêtescharmants... touslesdeux!

ARMAND.

Embrassez-moidonc pourla peine...ouplutôtpourm’ab- soudreduplaisirqueje

me

faisàmoi-même.

MARCELINE.

On

vous pardonne...égoïste.

Armandl'embrasse;Marcelinefaitunmouvement,en entendant venir

Quoi donc?

On

vient!

quelqu’un.

ARMAND.

MARCELINE.

ARMAND.

Eh

bien! ne puis-je plusvousembrasser maintenant?

MARCELINE

,avecuncertain Tnécontentement.

C’estquedepuisquelquetemps

,jetrouve vos amisun peu bientendrement expansifs à

mon

égard.

ARMAND

.

Ah

bah!... etlesquels ?

M

ARC E

H

NE.

MonsieurdeVerneshier,monsieurSylvioaujourd’hui,mon-

(27)

ACTE PREMIER

21 sieurSaint-Aignan demain...et lepremiervenulasemainepro- chaine...

ARMAND,

avec une vague inquiétude .

Et enest-ilun quevous ayez distingué?

MARCELINE.

Est-cequeje puis distinguer quelqu'un

,moi! Je n’enaipas l’envie, allez1

Ni... le droit.

Despote!

ARMAND,

souriant.

MARCELINE,

demime.

ARMAND.

Quand onpossèdeuntrésor,onlegarde.

Elleluitendlamain, etillaportei ses lèrras.

SCÈNE VII

Les Mêmes, BONNEM AIN, SYLVIO, SAINT-AI- GNAN, DE YERNES, MADAME D’AUBERVILLE.

BONNEMAIN,

à Sylvio.

Alors vousmetlezde côtétoute question d* sympathieou d’antipathie?

SYLVIO.

Laissonscela,docteur,nousy reviendronsunautrejour.

PIERRE,

entrant.

MonsieurJuliende Kernic.

SCÈNE VIII

Les Mêmes

,

JULFEN.

ARMAND.

Soyezlebienvenu,monsieur...LedocteurBonnemain nousa

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(28)

22

MARCELINE

parlé devous,devosbeauxvoyages', devotreexistenceno*

made...Nous vousréconcilierons,je l’espère,aveclavieséden- taireet civilisée.

Illaitendlamain.

JULIEN.

Ceserapourmoi

,monsieur,presque uneinitiationnouvelle, maisvous

me

trouverezdebonnevolonté.Je reviens!oui,je reviens,etsicen’étaitvoire cordialaccueil,j’éprouverais à pro- noncer ce mot, je l’avoue, toute l'amertumeettoutleregretque lesautres éprouvent à dire:«Je pars! j

>

MARCELINE.

Jecomprendscela.

MADAME D’AUDERVILLE.

Etmoiaussi.

ARMAND,

présentantlesdames.

Ma

pupille;

madame

d’Auberville,

ma

tante.

MARCELINE.

Oui,je comprendscette passionde l’accidentetduhasard,

cette soifd’horizonsnouveaux,d’aspectsinconnus!jecomprends leCaire et

même

Tombouctou, TéhéranetChandernagor...je m’inclinedevantleNil, devantleGange,lesfleuves divins;

maislesbordsdelaSeineet leboisdeBoulognec’estbienjoli, allez!...aveccela, lejardindes Plantes,lessauvagesde l’Hippo- drome,lesdécors de l’Opéraetungrain d’imagination,onpeut, j.ecrois,sefaireuneidée toutà faitsuffisantedurestedenotre planète...etl’onadu moinsl’avantagedene rienchangerà seshabilitées....etde ne pas êtreloinde ses fournisseurs.

Oarit.

JULIEN,

ilArmand.

LedocteurBonnemain m’adit,monsieur,que voussongiez à tirerpartides richesses métallurgiques del’Algérie.Je connais àfondlepaysetjepuisaffirmerquec’estuneexcellenteidée quevous avezlà.

MARCELINE,

tiBonnemain.

11n’estpaspoli,votre monsieur.Ilaun peu tropl’airdere- garderlesfemmesàl’orientale...

BONNEMAIN.

Lui!Ilnelesregardepasdutout.

MARCELINE.

Vouscroyezquec’estuneexcuse!

ARMAND.

Allons, je voisque vousn’avezpasvoyagéseulement enar- tiste...vous avezvulecété sérieux des choses.

(29)

ACTE PREMIER

23

» JULIEN.

J’aivoyagéenhomme...j’aiadmiré, maisj’aivu;j’aisenti, maisj’aicompris...Quandon voyage,ilyade longues heures desolitude,oùperdu à

même

lanalure,onlitgravementetpieu- sementdanslelivredela\re... onse sentl’âmelibre et se- reine...onvoit,je crois, plus juste àdistance; maisilarrive ceci: c’estques’habituantpeuàpeuàvivreavecleschoses mêmes,onéprouveensuitede singuliers l'tonnemenis,quand on vient àseretrouveren contact aveclesopinions...Oui,lanature no faitpas seulementdesartistes, elle faitaussidesphiloso- phes...C’estun motassezinusitéetridiculepeut-êtreàcette époque,oùl’on agit tant etoùl’onréfléchitsipeu... Mais j'aime mieuxvousfairetoutdesuitel’aveude

mon

plusgrand vice,

pourque vous

me

lepardonniez,etqu’aulieudem’yaffermir,

par votre rigueur, vousm’encorrigiezun peupar votre indul- gence.

MARCELINE

,railleuse.

Monsieur,j’aidit toutàl’heureunesottise,que ces messieurs onttrouvéespirituelle etquim’aparu ne vousplaireque médio- crement;sivous nousaviezdittoutd’abordque vousétiezphi- losophe, j’auraiscomprisquevousn’entendez paslaplaisan- terie.

Ellelui faitune grande révérence.*— Onrit.

A R

MAND.

Ne

faitespas attention,monsieur deKernic,àcequeditcette enfant gâtée, à quil’onpermettoutici,etquine respecte rien!

JULIEN.

Oh!mademoisellen’apas besoin d’excuseetjeiuidiraiâ

mon

tourquesij’avais étéprévenu de ses habitudes,j’auraisconcouru debonnegrâce à son succès.

MARCELINE.

Lachoseétaitassezlittéraire,jecrois,pourmériteraumoins lesuccès d’estime,..

JULIEN.

On

asirarementàfaireusage d’unpareilsentiment...qu’il estencoreau fond de

ma

malle...

MARCELINE.

Tandisquevospistoletssontondessus... habitude de voya- geur.

SYLVIO.

Simonsieuravaiteulamauvaiseidéedes’enservir,ilaurait trouvé à quiparler...Mademoisellen’estpasprécisément aussi habilequesontuteur,maiselleestdepremièrefore*.

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(30)

24

MARCELINE JULIEN.

V

Ah

!mademoiselleest...

MARCELINE.

A

propos, quelest levainqueurde ce matin?

DE VERNES.

Parbleu! toujours ce diabled’Armand!...C’est désespérant...

pasmoyendelutteraveclui.

ARMAND.

Êtes-vousfortàcejeu-là,monsieurdeKernic?

julien

.

Oh

Ije suis d’une adressefortordinaire,etsurtoutfortirrégu- lière!...

SAINT-AIGNAN.

Alors votrearmeestdoncl’épée ?

JULIEN.

Mon

arme!mais jen’aipasd’arme!...

/

SAINT-AIGNAN.

Comment!etpourvos duels...

JULIEN

.

Maisje n’aipasde duels! 4

SAINT-AIGNAN.

Vousnevousêtesjamais battu ?

JULIEN.

En

duel,non...J’aieudeuxfoisoccasiondefairelecoupde fusil

;lapremière,aveclesArabes dudésert,et laseconde,avec lesKabyles,en Algérie... Maisjen’aijamaiseu de duel...

Jecomprendsetj’admetsleduelpourdes motifs sérieux,et quand onabienrésolumentledésird’ôter lavieàun

homme

;

maisjecroisquedepareillescirconstancessontraresetqu’il peutfortbien arriver qu’on achève sa carrière sans qu’ellesse soientjamais présentées.

ARMAND.

Cependantcescirconstancespeuventseproduire,etdèslors ilestsagedeseprémunirdes meilleursargumentspossiblespour cegenredeconversation.

JULIEN.

Mon

Dieu,jesaisteniruneépéeetjenesuispasaupistolet plusmaladroit qu’unautre.

DE VERNES.

Celane tufdt pas.

(31)

ACTE PREMIER

2*

JüLIEN.

Si,à

mon

avis, la foi fait le reste.

Comme

disent lesmusul- mans:«Dieuest leplusgrand!»

PIERRE,entrant.

Monsieur,leschevauxsontsellés et ladaumontest attelée.

JULIEN.

Oh!Jevousdemandepardon, je

me

suisoublié.

ARMAND.

Allons donc, mais vousnousrestez...sivousn’avezriende mieux àfaire, toutefois...Nousallonsfaireuntouraubois:

vous tiendrezcompagnieà cesdamesdanslacalèche.

A

lacam- pagne,onnefaitpasdevisite...

On

déjeûne,ondîne,onde- meure...Nous vousgardons...

BONNEM

AIN.

Jevousl’avaisbipn dit,

mon

cher Kernic:unefoisentré ici,onn’en sortquedifficilement,pour y revenirleplusvite, le plussouventpossible...

Comme

ditMirmonl,ony demeure...

A R

MAND.

Vousêtesdésormais des nôtres.

BONNEMAIN,

àJulien. ^ Quedites-vousde nos hôtes?

JULIEN,

regardantMarceline.

Singulièrefille!...

MADAME D’AUBERVILLE,

basàMarceline.

Nousluiarracheronslesdents,nousluicouperonslesgriffes etnousl’apprivoiserons.

MARCELINE,

riant.

Je croisplutôtqu’ilnous mordra,(a Julien.)

Eh

bien,mon- sieur,jevous attends!

JULIEN,

luioffrantlebran.

Mademoiselle...

2

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(32)

ACTE DEUXIÈME

Salleau roz-dc-chausséc,au château de Saint-Servan.

SCÈNE PREMIÈRE

MARCELINE, MADAME D’AUBERYILLE, BONNE- MAIN, MADAME DE MONTPERRIER.

Marcelineseule,bgauche,tientunlivrequ'ellene Ut pas,etresteperduedans ses rêveriessans prendreaucune part àlaconversation.Madamed'Auberville, madamede MontperrieretBonnetnaingroupés àdroite.Les deuxfemmesfes- tonnent.Bonnemainlitun journal.Silence.

MADAME DE MONTPERRIER.

Ali!

mon

Dieu!Quelsilence!...Savez-vousqu’onnedevient pasgai, ici?

BONNEMAIN.

On

nepeut pas toujoursrireauxéclats...

MADAME DE MONTPERRIER.

Noussommesaumoisd’août,ilfaituntempsmagnifique,et Chacunaune mined’octobre.Cela sent déjàlebrouillard:tout lemondeadesfeuillesjaunes!

MADAME D’AUBERVILLE.

Cequ’ily a decertain, c’estquenous ne ressemblonsguère

(33)

ACTE DEUXIÈME

27 àceque nousétionsily adeuxmoisà Âutcuil. Parceque

ma-

demoiselle Marceline alespleen,cen’estpasuneraison pour quetoutle

monde

s’ennuie.

MADAME DE

MONT PE R RIER.

Elle a voulu veniràSaint-Servanplus tôtqu’àl’ordinaire, nousysommesdepuissixsemaines,lepaysestcharmant...il

me

plaitmaintenant que, grâce à

mon

titreauthentique de comtesse, j’aipufaire

ma

paix avectoutlemonde,... et ellequeje croyaisunboule-en-lrain,ilfaut lacroixet labannièrepourla dérider!Ellen’estbonneàrien... Tun’esbonneàrien... Elis n’entend pas!...Marceline!...Marceline!...

MARCELINE,

sortantdosarêverie.

Hein?

MADAME DE MONTPERHIER.

C’est detoique nousparlons...Qu’as-tu?

MARCELINE.

Moi?...rien...Quedisiez-vous?

MADAME DE MONTPERRIER.

Quetu visun peutropdanslesespaces imaginaires...

MARCELINE.

Mais, vraiment,vousôtes incroyablestous, avecvotrepersé- cution...

On

no peutdoncpasêtre*un peuàsoi-méme!11sem- ble que, pour vous, je nesoisqu’unecomédiennedont l’emploi estde vousdivertir. Public exigeant ettyrannique,vousvous fâchez parceque vous

me

trouvez mauvaise... C’est votre faute!

Ne me

forcez pasàjouer...Jerêve...jepense...jesuisen trainde devenirunbas-bleu...jepréparemes mémoires1...

MADAME D’AUBERVILLE

.

Ou

un roman?

MARCELINE.

J’ypenseaussi, madame,et jecompte vous demanderquel- ques épisodes...

BONNEMAIN

,vivement.

J’admire,

ma

paroled’honneur,cettemaniedesgens devou- loirtoujourss’occuperde cequepensent,de cequefontlesau- tres... Marceline esttriste... ehbien,tant mieux!... J’aime mieuxlavoir

comme

celaque

comme

vouslavoudriez encore..

Vousluiavezfaituneéducation quineluiconvenaitpas...

elleestpeut-êtreentraindes’en,faireuneautreplusconformeà sanature..

.

MADAME D’AUBERVILLE.

Pouhl...Elàproposdequoi?

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(34)

28

MARCELINE BONNEMAIN.

Ah

! vousêtestrop curieuse...DemandezàlaProvidencele secretdesesdesseins.

MADAME D’AUBE

R

VILLE

. r

Ne

donnez doncpas,

mon

cher,desproportionsexagérées aux maussaderiesd’une enfant gâtée, aux caprices d’unmauvaisca- ractère... Qu’elle

me

boude,moi, personnellement,

comme

elle lefaitdepuisquelque temps,je lapriedecroirequejem’en console; maisjedoislarappeler à ses devoirsdemaîtresse de maison,qu’elleoublieunpeu plusqu’iln’estconvenable.

MARCELINE.

D’abord,madame,je nesuispointlamaitressedelamaison; c’estàvous qu’appartienticicetitreetqu’en reviennentlespré- rogativeset lescharges.Moi, je ne suis qu’unepauvrefille,une étrangère, quil’avaitun peutrop oublié peut-être, maisqui ren- tredansl’humilitéde sonrôleetdésire n’en plussortir...

MADAME D’AUBE

RVIL LE.

C’estabsurde!

BONNEMAIN.

Jene trouve pas.

MADAME D’AUDERVILLE

.

Oh

Ivous,vousdevez l’encouragerdanscesbelles idées...

MADAME DE MONTPEBRIER.

T’a-t-onditquelquechose quiaitpulecontrarier,te bles- ser?

MARCELINE.

Jenem’enseraispas aperçue.

MADAME DE MONTPERRIER.

M. deMirmont...

MARCELINE.

M.deMirmontestplusobligeantetplusaimablequejamais...

Docteur,vous savezquejevousaccompagneauprèsdevotre malade.

MADAME d’aüBERVILLE.

Comment

va-t-il,aufait,ce pauvre Robcrtin?

BONNEMAIN.

Fortmal...C’estun

homme

perdu...

MARCELINE.

Qu’allons-nousfairede safille?...Pauvreenfant!...

(35)

ACTE DEUXIÈME

39

MADAME DR MONTPERRIER.

Celtepetitequej’aivuehier?...

MADAME D’AUBERVILLE.

Un

beaubrindefille...

MADAME DE MONTPERRIER.

Je croisbien...Jem’encharge...jem’enferaiune

femme

de chambre...

MARCELIN

E.

Oh!non...Nous nous sommesdéjàoccupésd’elle,ledocteur clmoi,etnousavons d’autres vues...Voyez-vous,Bonnemain, jecrois décidémentquecequenous avons demieuxàfairejus- qu’à nouvel ordre,c’estdelaplacerchezlessœursdelaMiséri- corde,deQuimper...

MADAME

I)E

MONTPERRIER.

Oh!...c’estbien différent!

MARCELINE.

Venez-vous,docteur?

BonnemainetMarcelinesortent.

'

SCENE

II

MADAME DE MONTPERRIER, MADAME D’AUBER- VILLE.

MADAME D’AUBERVILLE.

La comprenez-vous?

MADAME

DE

MONTPERRIER.

Ah! vousenôteséhcorelà,

ma

chère

madame

d’Auberville...

vous croyezqu’on peutcomprendre unefemme?...Lafemme estune énigmeindéchiffrable,etcelui qui doitl’expliquerest encoreà naître...Je trouvelafaçon d’êlrcde Marcelineassez singulière,c’estvrai;mais, franchement, depuisquejelare- voiselleatoujoursété àpeuprès

comme

cela...

«

MADAME D’AUBERVILLE.

Cen’estguère, eneffet,quedepuisque vousêtes des n

qu’elleest ainsi. êtres

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(36)

30

MARCELINE MADAME DE MO NT

PGR RIEB.

Cela passera

comme

celaestvenu...Quevoulez-vous?...

Vousprétendez qu’ellevousapriseen grippe... Ellen’estpas beaucoupplusgracieusepourmoi... maisjesuisindulgente...

Nousjouonsunsisingulierrôle,nousautresfemmes,dansla vied’aujourd’hui!Ily a desmoments oùellesemble trouverun cruelplaisirà

me

criblerde coups d’épingles...Et puisilyen a d’autresoùellem’accable desmarquesdelaplustendresym- pathie.

MADAME D’AU

B

ER VILLE.

A

labonneheure;maisellen’ajamais de ces retours-là avec moi.Elle estd’un caractère très-égal:toujours demauvaisehu- meur.Si c’est

comme

celaqu’elle'merécompensedes soinsque j’aieusd’elle...Car,enfin, jepuis direquec’estmoiqui l’ai élevée!...

MADAME DE MONTPERRIER.

MonsieurdeMirmonta-t-ilremarquécela?

MADAME D’AUBE RVILLE.

Ilnem’ena pas parléetjenoluienairienditencore.Depuis quinze jours qu’Armandestà Paris, mademoiselle Marceline apulibrementdonnercarrièreàson charmant caractère...

Oh!ellen’épargne personne.Cepauvremonsieurde Kernic, qu’elleavaitdéjà reçu à Autcuild’une façonpassablement im- pertinente,aétésalué,àson arrivée au château, parunaccueil inqualifiable.. .-et l’autrejour encore,elles’estconduite envers luiavecladernièreinconvenance...Heureusementqu’il

me

pa- raîts’inquiéterpeudetout cela... etilabienraison...Quantà moi,

mon

partiestpris...j’enaiassez,et jem’envais, je re- tourneà Paris, laissantcettedemoisellepasser sonspleen

comme

ellel’entendra.

MADAME DE MONTPERRIER.

Oh! vousne ferez pascela...Ceseraitl’exposeraux repnn chesetaumécontentementdeM.deMirmont...

MADAME d’AUBERVILLE.

Lui!Illuidonnerait raison,je leconnais...Ilsemoquebien demoi...Mais mademoiselle Marceline, est-cequ’ilpourraitvi- vre sanselle?Songezdonc,depuis huitans...11y aunatta- chementindestructible...

MADAME DE MONTPERRIER.

Voulez-vousque je parle docelaà Marceline?

MADAME D’AUBERVILLE.

Merci, chère

madame

de Montperrier,c’est inutile...Leparti

(37)

ACTE DEUXIÈME

. 31 quejeprends’esl lemeilleuret leseulquiconvienne à

ma

si- tuation...

MADAME DE MONTPERRIER.

Attendez encore...

MADAME

D’

AU

BE

RVIL

LE.

J’ai

commandé

unevoiturepourcesoir...(ApercevantArmand qui arrive.)

Ah

!VOUSVOilà,VOUS!

SCÈNE

III

Les mêmes, ARMAND.

ARMAND.

Etce n’estpassanspeine1(ilentreenscène.)Bonjour,belle madamede Montperrier...Eh! bonDieu,chèretante,quellefi- „ gure refrognéelEncore delabrouilleavecl’enfantgâtée?

MADAME-DE MONTPERRIER.

Un

peu.

ARMAND.

Vousne répondez pas?Ellearépandudelaterredans vosal- léesoujetédusable danslesplates-bandesdevotre jardin?

Quelquegros crime,enfin?...

MADAME D’AUBERVILLE,

àmadamedeMontperrier.

Quandjevousledisais!...(aArmand.)Jem’envais.

ARMAND.

ça?

MADAME d’aUBERVIELE.

A

Paris.

ARMAND.

C’est bienloin!

MADAME D’aüBERVILLE.

J’enaiassez1Jene veuxplussupporterlescapricesdecelte demoiselle.

ARMAND.

Ilne faut pas médireducaprice,

ma

tante:c’estparluique lafemmeaffirmesaliberté.

MADAME

d’

AUBERVILLE

.

Eh

bien,moi,j’affirme lamienneen partant.

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(38)

32

MARCELINE ARMAND.

Enfin,qu’ya-t-il?

MADAME D’AUDERVILLE.

Tout... etrien. Mademoiselle Marceline a toujours été assez insupportable, ilfaut luirendrecettejustice;mais,au moins, elleétaitgaie,amusante,ily avait delagrâcedanssa moque- rie,elleavaitdesmomentsd’effusionquiréparaient tout! Au- jourd’hui,rêveuse, taciturne,ily a toujours quelque chosed’ai- gre, d’âcre,d’amerdanssesparoles;elleblesseaveclavolonté deblesser,Ou dédaigne avecl’intentiond’humilier;c’estdepire enpire...

Ah

çà,mais vous êtesleseulàne pasvousapercevoir decechangement!

ARMAND,

arecunsensprofond.

Vouscroyez ?

MADAME

D’

ALBERVILLE.

Quepeut-elleavoir?

ARMAND,

d’untonambigu.

Elle a vingtans!lecap des tempêtes!

*

MADAME D’AUBERVILLE.

Épousez-la...oumariez-la!

ARMAND.

Tiens!c’estuneidée!...Celaenfait

même

deux... assezdiffé- rentes l’unedel’autre, d’ailleurs...

Eh

bien,ony songera...

En

attendant,nous vous raccommoderons.

MADAME D’AUBERVILLE.

Non,

ma

foi,et j’ensuispourcequej’aidit!Je cèdelaplace àmademoiselle Marceline.

MADAME DE MONTPERRIER.

LavoiciI

MADAME D’AUBERVILLE,

aigrement.

Nousvouslaissons.

ARMAND,

souriant.

C’estdoncpour debon?(a madamede Montperrier.)VOUSaussi?

MADAME DE MONTPERRIER,

de même.

Je craindrais de troubler un entretiensidoux.

MADAME D’AUBERVILLE,

arecmauvaisehumeur.

J’enaiassez.

Ellessortent.

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