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Développements du droit suisse des OPA

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Développements du droit suisse des OPA

THÉVENOZ, Luc, BOVEY, Pascal

Abstract

Les auteurs ont choisi de retenir quatre aspects de la pratique de la Commission des OPA (COPA): le champ d'application matériel et géographique de la législation suisse sur les OPA, les transactions relatives à des sociétés ayant exclu l'offre obligatoire par une clause statutaire (opting out), la possibilité d'introduire dans l'offre une condition relative à la modification du prix par une décision de l'autorité et les évolutions récentes en matière de programmes de rachat d'actions.

THÉVENOZ, Luc, BOVEY, Pascal. Développements du droit suisse des OPA. Revue suisse de droit des affaires et du marché financier , 2015, vol. 87, no. 3, p. 255-268

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This survey of Swiss takeover law focuses on some of the most interesting recent transactions, which are dis- cussed under three aspects : material and territorial scope of the law ; companies which have opted out of mandatory offer for shareholders who pass the 33⅓ %

threshold ; and share buy back programs. We also dis- cuss the controversial issue whether a bidder may sub- ject its offer to a condition that the price is not found to be below the minimum price rule.

Table des matières

1. Champ d’application matériel et territorial du droit des OPA

1.1 Le transfert du siège de Cosmo Pharmaceuticals SpA

1.2 Reverse book building 2. Opting out

2.1 La tentative de prise de contrôle de Sika par Saint-Gobain

2.2 La quasi-fusion entre Kaba et Dorma 2.3 L’offre de Novavest sur Pretium 2.4 Leclanché

3. Condition relative au prix de l’offre ?

3.1 Evaluation des titres illiquides dans une offre amicale

3.2 Evaluation des titres illiquides dans une offre hostile

3.3 Evaluation des « autres prestations importantes » au sens de l’art. 41 al. 4 OBVM FINMA

3.4 Action de concert 3.5 Conclusion

4. Développements récents en matière de programmes de rachat

Cette chronique n’a pas pour objet de présenter et dis- cuter toutes les transactions qui ont fait l’objet de dé- cisions de la Commission des OPA (COPA). Pres que toutes sont publiées sur le site web de la COPA,1 et elles sont commentées dans les revues juridiques, dans des articles de presse ou lors de colloques. Les auteurs ont choisi de retenir quatre aspects intéres- sants de la pratique de la COPA depuis la publication de la chronique précédente. Il s’agit du champ d’ap- plication matériel et géographique de la législation suisse sur les OPA (infra 1.), des transactions rela- tives à des sociétés ayant exclu l’offre obligatoire par une clause statutaire (opting out, infra 2.), de la pos- sibilité d’introduire dans l’offre une condition rela- tive à la modification du prix par une décision de l’au- torité (infra 3.) et des évolutions récentes en matière de programmes de rachat d’actions (infra 4.).

1. Champ d’application matériel et territorial du droit des OPA

Dans deux affaires récentes, la COPA a examiné la structure d’une transaction pour déterminer s’il s’agis- sait d’une offre au sens de l’art. 22 LBVM. Dans la pre- mière, elle a constaté que le droit italien des sociétés impose dans certaines circonstances à une société cotée de faire une offre publique de rachat à ses ac- tionnaires ; la COPA a cependant renoncé à appliquer le droit suisse en raison d’une protection au moins équivalente accordée par ce même droit italien. Dans la seconde, elle a estimé que l’acquisition d’actions par un « reverse book building » est une offre publique d’acquisitions qui ne peut pas être autorisée.

1 <www.takeover.ch>. Ainsi qu’il résulte du Rapport d’acti- vité 2014, il n’y eut qu’une décision non publiée pour cha- cune des années 2012, 2013 et 2014.

* Les auteurs sont respectivement conseiller juridique et président de la Commission des offres publiques d’acquisi- tion. Ils s’expriment en leur nom personnel. Les opinions présentées dans cette contribution ne reflètent pas néces- sairement celles de la Commission.

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1.1 Le transfert du siège de Cosmo Pharmaceuticals SpA

Rappelons que le champ d’application du droit des OPA, à savoir les art. 22 ss LBVM2 ainsi que ses ordon- nances d’application (OBVM-FINMA3 et OOPA4) est défini comme suit par la loi : ces dispositions s’appli- quent aux « offres publiques d’acquisition portant sur les titres de sociétés (sociétés visées) : (a) ayant leur siège en Suisse et dont au moins une partie des titres sont cotés en Suisse ; (b) ayant leur siège à l’étranger et dont au moins une partie des titres de participation sont cotés à titre principal en Suisse ».

Dans l’affaire Cosmo Pharmaceuticals SpA (Cos- mo),5 la COPA se pencha sur les aspects à la fois terri- toriaux et matériels du champ d’application du droit des OPA. Cosmo est une société anonyme active dans le domaine pharmaceutique dont le siège se trouvait à Lainate, en Italie. Cosmo souhaitait procéder au transfert de son siège à Luxembourg et au transfert du siège du groupe en Irlande, tout en maintenant sa cotation au SIX Swiss Exchange. Le code civil italien prévoit un mécanisme de protection pour les déci- sions de l’assemblée générale relatives au change- ment de siège à l’étranger : dans un tel cas, les action- naires qui ont voté contre le transfert du siège, se sont abstenus ou qui n’ont pas pris part au vote reçoivent un droit de sortie de la société. Pour autant que les actions soient cotées en bourse, ces actionnaires peu- vent demander à la société de les racheter au prix moyen des 6 mois précédant la publication de l’invi- tation à l’assemblée générale. Le prix doit être rendu public dans les 15 jours précédant l’assemblée géné- rale, et les actionnaires concernés peuvent faire va- loir leur droit de sortie dans un délai de 15 jours sui- vant la publication de la décision de l’assemblée gé- nérale dans le registre de la société. Les actions ainsi offertes doivent être proposées aux actionnaires qui ont approuvé le transfert de siège, qui peuvent les ac- quérir proportionnellement à leur propre participa- tion, au prix publié. Le conseil d’administration peut

2 Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (RS 954.1).

3 Ordonnance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers sur les bourses et le commerce des va- leurs mobilières du 25 octobre 2008 (RS 954.193).

4 Ordonnance de la Commission des OPA du 21  août 2008 sur les offres publiques d’acquisition (RS 954.195.1).

5 Décision 582/01 du 7 novembre 2014 dans l’affaire Cosmo Pharmaceuticals SpA.

vendre les actions restantes en bourse. Si elles ne sont pas toutes vendues dans un délai de 180 jours, la so- ciété doit alors les acquérir, le prix étant alors prélevé du bénéfice reporté ou des réserves. A défaut de liqui- dités suffisantes, le capital doit être réduit et /ou la so- ciété liquidée. Dans ce cas, la société peut demander à l’assemblée générale de revenir sur la décision de transférer le siège. Pour tout le processus, la société peut fixer une limite maximale du nombre d’actions qui peuvent faire l’objet d’un droit de sortie.6

Sur requête de Cosmo, la COPA se prononça sur l’application du droit des OPA à cette transaction. D’un point de vue territorial, elle fit application de l’art. 22 al. 1 let. b LBVM, entré en vigueur le 1er mai 2013 et qui dispose que les sociétés dont le siège se trouve à l’étranger mais qui sont cotées « à titre principal » en Suisse sont soumises au droit suisse des OPA. Une so- ciété est considérée comme cotée à titre principal lorsque ladite société « remplit au moins les mêmes obligations que les sociétés ayant leur siège en Suisse en ce qui concerne la cotation et le maintien de la cotation auprès d’une bourse en Suisse » (art. 53b al. 1 OBVM7).

Comme en atteste la liste publiée par SIX Swiss Ex- change,8 Cosmo est cotée à titre principal en Suisse et son siège se situe à l’étranger. La COPA constata dès lors en premier lieu que d’éventuelles offres pub li ques d’acquisition publiées sur les titres de Cosmo seraient donc soumises au droit suisse des OPA.

Sur un plan matériel, la COPA examina si la struc- ture prévue par le droit italien devait être qualifiée d’offre publique d’acquisition au sens de l’art. 2 let. e LBVM. La notion d’offre au sens du droit des OPA est plus large que la notion contractuelle découlant des art. 3 ss CO. Toute personne qui, par des affirmations publiques, indique aux participants au marché qu’elle est prête à acquérir des titres auprès d’un nombre in- déterminé de personnes et ainsi invite les action- naires de la société visée à la vente de leurs titres for-

6 Art. 2437 ss du Code Civil italien.

7 Ordonnance sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 2 décembre 1996 (RS 954.11). Voir égale- ment décision 547/01 du 23 septembre 2013 dans l’affaire International Minerals Corporation, consid. 1 ; Luc Thé ve- noz/Rausan Noori, Développements récents du droit suisse des OPA, RSDA 2014 p. 325.

8 <http ://www.six-exchange-regulation.com/obligations/

disclosure/foreign_companies_fr.html>.

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mule une offre au sens du droit des OPA.9 En outre, les offres d’acquisition des émetteurs sur leurs propres titres constituent également des offres publiques au sens de l’art. 2 let. e LBVM.10 La COPA s’est donc pen- chée sur la question de savoir si l’offre de sortie pré- vue par le droit italien devait être considérée comme une offre publique d’acquisition au sens du droit suisse.

Ce processus est assimilable à une offre de rachat d’actions de l’émetteur sur ses propres actions, bien que l’offre ne soit destinée qu’à un nombre restreint des actionnaires, à savoir ceux qui n’ont pas approu- vé la décision de l’assemblée générale. Il accorde aux actionnaires en quelque sorte un choix individuel d’aliéner leurs titres en acceptant l’offre et de sortir de la société. Un tel choix individuel constitue égale- ment un élément central d’une offre publique d’acqui- sition.11 Malgré les spécificités de cette structure (no- tamment le fait qu’en premier lieu, il était prévu que les actions con cernées soient revendues sur le mar- ché et qu’elles ne soient acquises par l’émetteur qu’en second lieu), la COPA a retenu que l’élément central était bel et bien une offre de rachat d’actions, justi- fiant ainsi en principe l’application du droit des OPA.

Cette transaction posait une question de conflit positif de compétence, tant le droit suisse que le droit italien étant cumulativement applicables. Cosmo aurait donc dû respecter les exigences de l’OOPA en matière d’offre publique, à savoir la publication d’un prospectus d’offre et le respect d’un certain calen- drier. Etant donné que l’on était en présence d’une offre sur titres propres, il est vraisemblable que la Cir- culaire COPA n° 1 du 27 juin 2013 aurait également trouvé application. Quoi qu’il en soit, le cumul des règles suisses et italiennes aurait été problématique, puisque la transaction présentait plusieurs diver- gences de taille par rapport aux transactions habi- tuellement examinées par la COPA. En l’espèce, plu- sieurs éléments entrai ent en conflit : (i) le droit ita-

9 Recommandation 225/03 du 18 mars 2005 dans l’affaire Forbo Holding AG, consid. 2.4 ; Henry Peter/Pascal Bovey, Droit suisse des OPA, Berne 2013, p. 14.

10 Décision de la Commission fédérale des banques du 4 mars 1998 dans l’affaire Pharma Vision 2000 AG, BK Vi- sion AG und Stillhalter Vision AG, consid. 2. Cf. désormais l’art. 4 al. 2 OOPA et la circulaire n° 1 : Programmes de ra- chat du 7 mars 2013.

11 Décision 582/01 du 7 novembre 2014 dans l’affaire Cosmo Pharmaceuticals SpA, consid. 2 ; voir également décision 547/01 du 23 septembre 2013 dans l’affaire International Minerals Corporation, consid. 2.

lien accorde un droit de sortie uniquement aux actionnaires s’étant opposés au changement de siège alors qu’une OPA doit s’adresser à tous les action- naires ; (ii) la société dispose de la possibilité de re- noncer au transfert du siège (à certaines conditions) ; (iii) les différences pro cédurales entre une OPA et l’offre de sortie du droit italien sont importantes (no- tamment dans les délais).12 Dans un tel cas, l’art. 22 al. 1bis let. b LBVM permet de renoncer à l’application du droit suisse lorsque le droit étranger garantit « une protection des investisseurs équivalente à celle qui est offerte par le droit suisse ». La COPA pris en considéra- tion le fait que la protection accordée par le droit ita- lien en cas de transfert de siège allait au-delà de la protection accordée par le droit suisse des OPA, le- quel vise en particulier à protéger les actionnaires publics en cas de changement de contrôle. Le but de protection de ces deux lois n’étant pas identique, la COPA compara la protection accordée par le droit suisse des sociétés anonymes par rapport à celle du droit italien. Le droit suisse ne connaissant pas d’ins- titution permettant aux actionnaires de sortir de la société en cas de transfert de siège à l’étranger, elle arriva à la conclusion que la protection accordée par le droit italien était en l’état supérieure à celle offerte par le droit suisse des OPA. En conséquence, elle re- nonça à appliquer les dispositions de la LBVM à l’offre de rachat de Cosmo.

1.2 Reverse book building

La COPA eut récemment à se prononcer sur un projet de transaction dans le cadre duquel une banque sou- haitait contacter les actionnaires d’une société cotée afin de leur demander s’ils étaient prêts à aliéner leurs titres, dans le but de les replacer auprès de nou- veaux investisseurs. Le prix de la transaction n’était pas déterminé précisément, mais pour le moins un prix minimum aurait été communiqué aux action- naires. Le placement auprès des nouveaux investis- seurs aurait ensuite eu lieu au travers de la constitu- tion d’un livre d’ordres indicatifs, également appelé

« book building ».

Un book building est utilisé notamment avant les entrées en bourse (IPO). A la suite de mesures de pu- blicité (notamment des roadshows) organisées par la

12 Décision 582/01 du 7 novembre 2014 dans l’affaire Cosmo Pharmaceuticals SpA, consid. 3.1.

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ban que chargée du placement, les investisseurs sont invités à participer au processus de fixation du prix en indiquant le nombre de titres qu’ils envisagent d’ac- quérir et à quel prix. Ces indications permettent de fixer le prix d’émission sur la base duquel les titres seront souscrits et attribués conformément aux exigences des directives de l’Association suisse des banquiers.13

Une procédure semblable (reverse book building) peut-elle être utilisée pour constituer un livre d’ordres de vente auprès d’actionnaires existants ? La COPA fut par le passé informellement interrogée sur la pos- sibilité de procéder à un reverse book building lors- qu’une banque souhaite rassembler un bloc de titres d’une société cotée pour le compte d’un client (déjà identifié ou non) en approchant les actionnaires exis- tants. Récemment, dans le cadre d’une décision qui ne fut pas publiée car la transaction n’a pas été effec- tuée, la COPA a considéré qu’une telle démarche con- stitue une offre publique d’acquisition et qu’elle ne peut pas être autorisée car elle s’écarte trop fonda- mentalement des dispositions de la loi sur les bourses et de ses ordonnances.

Bien qu’économiquement les procédures de re- verse book building peuvent s’avérer intéressantes, notamment pour constituer rapidement un paquet d’actions important sans devoir procéder à des achats massifs en bourse (qui influenceraient la formation des cours), elles présentent des caractéristiques telles qu’elles ne peuvent, en l’état actuel de la législation, pas être écartées du champ d’application du droit des OPA. En effet, les composantes d’une procédure de reverse book building ne peuvent aboutir qu’à sa qua- lification d’offre publique d’acquisition au sens des art. 2 let. e LBVM et 22 LBVM, avec pour conséquence l’application de la LBVM et de ses ordonnances d’ap- plication : d’un point de vue matériel, les actionnaires se voient proposer une offre de vendre leurs titres, à un prix qui n’est pas encore déterminé mais dont le prix minimum pourrait être fixé, respectivement se situe dans une fourchette déterminée. Comme déjà indiqué supra, chaque personne qui, par des affirma- tions publiques, indique aux actionnaires qu’elle est prête à acquérir des titres et invite ainsi les action- naires à offrir leurs titres à la vente formule une offre

13 Stefan Waller, Das Underwriting Agreement – Grundlagen der vertraglichen Regelung öffentlicher Aktienplatzierun- gen, SSFM Band Nr. 94, Zurich 2010, p. 34 ss ; Directives d’attributions concernant le marché des émissions du 2 juin 2004, Association suisse des banquiers.

au sens du droit boursier.14 Une invitation formelle à conclure un contrat au sens de l’art. 3 CO n’est pas absolument nécessaire, car le terme « offre » a une si- gnification plus large en droit des OPA que dans le CO15 ; le fait de simplement inciter les actionnaires à

« offrir » leurs titres (Einladung zu Offertstellung) est également considéré comme une offre au sens du droit des OPA.16 Bien que l’identité de l’acquéreur fi- nal ne soit pas forcément établie dans une procédure de reverse book building, la banque qui contacte les actionnaires leur présente bel et bien une offre au sens du droit des OPA. Au surplus, si cette offre est adressée à un nombre significatif ou indéterminé d’actionnaires,17 ou si une banque la transmet à ses clients, à d’autres banques ou à des gérants de for- tune,18 elle doit être considérée comme publi que.19 Si les critères territoriaux de l’art. 22 al. 1 LBVM sont également remplis, un reverse book building entre dans le champ d’application du droit des OPA, dont les règles s’appliquent sous réserve d’éventuelles dé- rogations (art. 4 OOPA).

Certes, on peut s’interroger sur l’identité de l’of- frant. Est-ce la banque qui mène la procédure de re- verse book building et contacte les actionnaires ? S’agit-il des investisseurs qui achèteront les titres, même s’ils ne sont peut-être pas encore identifiés ? Quelle que soit la réponse à cette question, une offre est présentée aux actionnaires. En outre, le prix de la transaction n’est pas encore connu au moment du lancement de la procédure, puisque celui-ci ne sera

14 Supra 1.1 et n. 9.

15 Thomas Reutter, Das bedingte Übernahmeangebot, Zürich 2002, p. 51 ss.

16 Rudolf Tschäni/Jacques Iffland/Hans-Jakob Diem/Tino Ga- berthüel, Öffentliche Kaufangebote, 3e éd., Zurich/Bâle/

Genève 2014, p. 7 s. Voir décision de la Commission de ré- gulation dans l’affaire Société Suisse de Ciment Portland, RSDA 1998 p. 251 s. ; recommandation 225/03 du 18 mars 2005 dans l’affaire Forbo Holding AG, consid. 2.4.2.

17 La pratique de la COPA ne définit pas de manière absolue à combien d’actionnaires une offre doit être adressée pour être qualifiée de publique ; voir cependant recommanda- tion 070/03 du 11 août 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG, consid. 1.3 et 1.4 (80 actionnaires contactés), recommandation 260/03 du 10 février 2006 dans l’affaire Berna Biotech, consid. 2.4 (64 détenteurs d’options con- tactés).

18 Décision de la Commission de régulation du 20 mars 1990 dans l’affaire Luftseilbahn Wangs-Pizol AG, RSDA 1990 p. 208.

19 Peter/Bovey (n. 9), p. 15.

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déterminé qu’au travers de l’enchère. Ces éléments démontrent que, bien que les procédures de reverse book building répondent à la définition d’une offre publique d’acquisition, les règles en la matière ne leur sont pas adaptées et ne permettent donc pas leur exé- cution. Les dérogations qui seraient nécessaires pour le permettre seraient d’ordre général et concerne- raient quasiment toutes les dispositions du droit des OPA, les vidant ainsi totalement de leur sens et de leur contenu. Elles dépassent par ailleurs de beaucoup celles qui ont été prévues par la COPA pour appréhen- der les programmes de rachat d’actions20 suite à la décision de la Commission fédérale des banques dans l’affaire Pharma Vision.21

Si l’octroi de dérogations particulières pour les programmes de rachat est justifié par le fait qu’il s’agit de l’émetteur lui-même qui procède au rachat de ses propres titres, la COPA considère que tel n’est pas le cas pour les procédures de reverse book buil- ding, dans lesquelles les titres sont acquis pour un ou des tiers. Dans la décision non publiée mentionnée ici résumée, la COPA refusa d’accorder une déroga- tion générale au droit des OPA et donc d’autoriser la transaction envisagée.

2. Opting out

Cela est bien connu, le droit suisse prévoit la possibi- lité pour les sociétés cotées d’introduire une clause d’opting out ou d’opting up dans ses statuts, avec pour effet d’écarter les règles relatives à l’offre obliga- toire, respectivement le relèvement du seuil déclen- cheur de 331/3% au maximum à 49% des droits de vote.22 Quatre transactions récentes ont montré l’im- portance que conserve cet outil dans la pratique des fusions et acquisitions.

20 Circulaire COPA n° 1 du 27 juin 2013 : programmes de ra- chat d’actions.

21 Décision de la Commission fédérale des banques du 4 mars 1998 dans l’affaire Pharma Vision 2000 AG, BK Vi- sion AG und Stillhalter Vision AG.

22 Art. 22 al. 2 et 22 al. 3 LBVM (opting out) ; art. 32 al. 1 LBVM (opting up) ; parmi d’autres, voir Tschäni/Iffland/

Diem/Gabertühel (n. 16), p. 38 ss ; Jakob Höhn/Christoph G. Lang/Severin Roelli, Öffentliche Übernahmen, Bâle 2011, p. 495 ss ; Urs Schenker, Schweizerisches Übernahmerecht, Berne 2009, p. 531 ss ; Peter/Bovey (n. 9), p. 198 ss ; Luc Thévenoz/Lukas Roos, Das Opting Out, in : Rudolf Tschäni (éd.), Mergers & Acquisitions XVII, Zurich/Bâle/Genève 2015, p. 33 ss.

2.1 La tentative de prise de contrôle de Sika par Saint- Gobain

La plus connue d’entre elles est l’affaire Sika AG (Sika), dans laquelle la Compagnie de Saint-Gobain (Saint-Gobain) entend acquérir la majorité du capital des mains de la famille fondatrice de Sika en invo- quant notamment la clause d’opting out figurant dans les statuts de cette société. Saint-Gobain n’envi- sage pas de proposer d’offre publique d’acquisition aux actionnaires de cette société, malgré sa prise de contrôle. Cette affaire soulève des questions juridi- ques très intéressantes, tant du point de vue du droit des OPA que du point de vue du droit des sociétés. La particularité de la structure du capital de Sika et de ses clauses statutaires est à l’origine du combat judi- ciaire encore en cours au moment de la rédaction de cette contribution. Nous présenterons brièvement ci- après l’état actuel des décisions de la COPA et de la FINMA dans cette affaire.23

Le capital de Sika est divisé en deux catégories : des actions au porteur d’une valeur nominale de CHF 0.60, cotées au SIX Swiss Exchange, lesquelles représentent 83,57% du capital mais uniquement 47,08% des droits de vote ; des actions nominatives privilégiées d’une valeur nominale de CHF 0.10, les- quelles représentent 16,43% du capital mais 52,92%

des droits de vote. Actuellement, la totalité des actions nominatives privilégiées sont détenues par la famille fondatrice de Sika, au travers de la société Schenker- Winkler Holding AG (SWH). Les statuts de Sika con- tiennent une clause d’opting out ainsi qu’une clause d’agrément qui permet au conseil d’administration de refuser d’inscrire un acquéreur de plus de 5% des actions nominatives privilégiées dans le registre des actions. La clause d’agrément précise que les per- sonnes (physiques ou juridiques) qui se coordonnent en vue de contourner cette règle sont considérées comme un acquéreur. Pour des raisons historiques, les droits de vote de la famille fondatrice et de la so- ciété SWH ne sont pas limités par cette clause.

Début décembre 2014, la conclusion d’un contrat de vente entre la famille fondatrice et Saint-Gobain, portant sur la totalité des actions de SWH, fut annon- cée au marché. Immédiatement, Saint-Gobain invo-

23 Décision 594/01 du 5  mars 2015, décision 594/02 du 9 mars 2015, décision 594/03 du 1er avril 2015 et décision 598/01 du 1er avril 2015 dans l’affaire Sika AG ; décision de la FINMA du 4 mai 2015 dans l’affaire Sika AG.

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qua la clause d’opting out et fit état de son intention de ne pas présenter d’offre publique d’acquisition aux actionnaires de Sika malgré l’acquisition indirecte de 52,92% des droits de vote. En l’absence d’une clause d’opting out, une telle prise de contrôle aurait pour conséquence l’obligation de présenter une offre publi- que d’acquisition dans laquelle les règles sur le prix mi- nimum devraient être respectées (art. 32 al. 1 LBVM).

Sur requête de SWH, la COPA se prononça sur la validité de la clause d’opting out. Dans une première décision, elle constata que cette clause avait été intro- duite dans le délai transitoire de l’art. 53 aLBVM,24 et que la COPA ne pouvait donc pas revoir la validité de cette décision de l’assemblée générale au regard des art. 22 al. 3 LBVM et 706 CO.25 Dans une deuxième décision, sur requête d’un actionnaire qualifié de Sika (détenant au moins 3% des droits de vote),26 elle se pencha sur l’interprétation de la clause d’opting out en relation avec la clause d’agrément, ainsi que sur la question de l’abus de droit, soulevée par Sika.

Les arguments présentés tendaient à une interpréta- tion combinée de la clause d’opting out et de la clause d’agrément, avec pour résultat que ces deux clauses auraient précisément pour but d’éviter tout change- ment de contrôle non souhaité. La COPA, suivie par la FINMA, écarta l’argument en indiquant que la clause d’opting out devait être interprétée de manière isolée. Une clause d’opting out et une clause d’agré- ment poursuivent des buts différents d’un point de vue téléologique, sont basées sur des réglementa- tions différentes et peuvent être invoquées indépen- damment l’une de l’autre. La clause d’agrément limite la transférabilité des actions nominatives en soumet- tant le transfert des droits de vote ou de la propriété des actions à l’agrément de la société concernée.27 Une clause d’opting out permet d’écarter les règles relatives aux offres obligatoires en matière d’OPA.

Ces clauses doivent dès lors être interprétées et appli- quées indépendamment l’une de l’autre.28 Compte

24 Art. 53 aLBVM : « Les sociétés cotées peuvent, dans l’intervalle de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, inscrire dans leurs statuts une disposition correspondant à l’art. 22, al. 2. L’art. 22, al. 3, ne s’applique pas en l’occurrence ».

25 Décision 594/01 du 5  mars 2015 dans l’affaire Sika AG, consid. 1.2.

26 Art. 33b al. 3 LBVM.

27 Art. 685a ss CO.

28 Décision 598/01 du 1er avril 2015 dans l’affaire Sika AG, consid. 2.2 ; décision de la FINMA du 4 mai 2015 dans l’af- faire Sika AG, consid. 3.

tenu du texte clair de la clause d’opting out figurant dans les status de Sika, la FINMA et la COPA estimè- rent qu’il n’y avait aucun doute quant à sa validité et à la possibilité qu’elle soit invoquée par Saint-Gobain.

Sika estimait en outre que l’effet de cette clause était sélectif et ne devait s’appliquer qu’aux transferts in- ternes à la famille fondatrice. Cet argument fut égale- ment rejeté, notamment au vu de la formulation sans équivoque de la clause d’opting out.29 La question de l’abus de droit, également invoquée par Sika, fut aus- si répondue par la négative. Il fut considéré qu’aucun élément ne permettait de retenir que le comportement de la famille fondatrice ou celui de Saint-Gobain en relation avec l’invocation de la clause d’opting out ne constituaient un abus de droit. Le fait que la famille fondatrice ait par le passé indiqué qu’elle demeure- rait actionnaire de référence de Sika ne fonde pas une obligation de demeurer effectivement actionnaire. La famille fondatrice a le droit de changer d’avis et un tel changement n’a pas d’effet sur la validité et l’applica- bilité de la clause d’opting out. Dans leurs décisions, la COPA et la FINMA indiquèrent néanmoins que dans ce cas de figure, le droit suisse prévoyait d’autres voies d’action (notamment civiles).30

Lors de l’assemblée générale du 15 avril 2015, le conseil d’administration de Sika a appliqué la clause d’agrément à SWH et limité ses droits de vote à 5%

pour les votations relatives à la réélection des mem- bres du conseil d’administration qui s’opposaient à la transaction. Le conseil d’administration estima que, malgré le fait que SWH demeure actionnaire directe de Sika, le bénéficiaire économique avait déjà changé et n’était plus uniquement la famille fondatrice, mais un groupe composé de la famille fondatrice et de Saint-Gobain. Par ce biais, le conseil d’administration évita que SWH ne remplace les administrateurs récal- citrants, ce qui lui aurait permis d’écarter tout doute quant à l’application de la clause d’agrément. Ainsi, même si Saint-Gobain ne se trouve pas dans l’obliga- tion de présenter une OPA en raison de la clause d’op- ting out, il n’est pas encore certain qu’elle puisse exercer l’intégralité des droits de vote de Sika qu’elle envisage d’acquérir. La question de l’application de la

29 Décision de la FINMA du 4 mai 2015 dans l’affaire Sika AG, consid. 3.

30 Décision 598/01 du 1er avril 2015 dans l’affaire Sika AG, consid. 2.3 ; décision de la FINMA du 4 mai 2015 dans l’af- faire Sika AG, consid. 4.

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clause d’agrément sera décisive dans cette affaire et sera probablement tranchée par les tribunaux civils.

2.2 La quasi-fusion entre Kaba et Dorma

Une autre transaction occupa la COPA dans les premiers mois de l’année 2015, la quasi-fusion entre Kaba Hol- ding AG (Kaba) et la société de famille allemande Dor- ma Holding GmbH + Co KGaA (Dorma), annoncée pu- bliquement le 30 avril 2015 et sur laquelle la COPA se prononça par décision du 23  avril 2015.31 La struc- ture de la transaction est particulièrement complexe et ne peut être résumée ici ; le lecteur est renvoyé à l’état de fait de la décision 600/01 du 22 avril 2015.

Deux éléments principaux firent l’objet des ré- flexions de la COPA : la validité d’une clause d’opting out sélective, la première du genre sur laquelle la COPA eut à se prononcer, ainsi que la validité d’une clause statutaire qualifiée de mesure de défense au sens de l’art. 29 al. 2 LBVM.

Dans la mesure où la transaction dans son ensem- ble aurait pu être considérée comme une prise de con- trôle éludant les règles sur l’offre obligatoire (art. 32 al. 1 LBVM), les actionnaires de Kaba ont été amenés à se prononcer sur l’adoption d’une clause d’opting out visant spécifiquement et exclusivement la tran- saction envisagée et les actionnaires qui y participent.

La COPA approuva la transaction et, pour la pre- mière fois depuis l’affaire Esec en 2000, constata la validité d’une clause d’opting out sélective, à savoir une exemption de l’offre obligatoire valable unique- ment pour une transaction et des personnes spéci- fiques. Il faut rappeler qu’à l’origine, la COPA s’était prononcée en faveur d’une clause d’opting out sélec- tive dans l’affaire Esec en 2000.32 C’est la Commission fédérale des banques (CFB, aujourd’hui remplacée par la FINMA) qui avait, après avoir attrait la recom- mandation de la COPA, refusé une telle clause.33 Sur la base de la décision de la CFB, une pratique très res- trictive en matière d’opting out fut développée.34

31 Décision 600/01 du 22 avril 2015 dans l’affaire Kaba Hol- ding AG.

32 Recommandation 018/02 du 6  juin 2000 dans l’affaire Esec Holding AG, consid. 2.

33 Décision de la Commission fédérale des banques du 23 juin 2000 dans l’affaire Esec Holding AG.

34 Parmi d’autres, voir décision 437/01 du 4 mars 2010 dans l’affaire CI COM SA, consid. 2.1 et les références citées ;

Depuis 2012, la position des actionnaires publics en relation avec l’adoption de clauses d’opting out dans les statuts est renforcée. Une clause d’opting out introduite après l’entrée en bourse (art.  22 al.  3 LBVM) n’est valable du point de vue du droit des OPA que lorsque la majorité des actionnaires publics (au- trement dit « la majorité de la minorité ») se prononce en faveur d’une clause d’opting out soumise en toute transparence à leur vote lors d’une assemblée géné- rale.35 Sous l’empire de sa nouvelle pratique, la COPA ne s’était pas encore prononcée sur la validité d’une clause d’opting out formellement sélective, c’est-à-dire valable uniquement pour une transaction et/ou des personnes déterminée(s). Dans un obiter dictum de sa décision Advanced Digital Broadcast en 201236, la COPA signala néanmoins qu’elle n’était pas a priori opposée à une clause valable sélectivement pour une transaction spécifique. Certains auteurs s’exprimè- rent favorablement à cette possibilité.37 La COPA indi- qua qu’elle y voyait une possibilité pour les action- naires d’accepter une transaction intéressante et un changement de contrôle sans recevoir d’offre, sans pour autant renoncer à toute offre obligatoire pour d’éven- tuels changements de contrôle ultérieurs. Contraire- ment à la CFB en 2000, la COPA estima qu’il n’y avait pas d’impossibilité légale. Partant du principe a maiore minus, la COPA confirma dans la décision Kaba qu’une clause d’opting out sélective était possible, pour autant qu’elle soit introduite dans le respect de sa pratique (vote des minoritaires et transparence absolue). C’est donc un nouveau chapitre qui s’ouvre dans l’histoire mouvementée des clauses d’opting out et l’avenir dé- montrera si cette institution a de l’avenir. Il ne faut pas oublier que depuis l’affaire Sika, les clauses d’op- ting out sont tombées sous le feu nourri de la critique

Peter/Bovey (n. 9), p.  204  ss ; Thévenoz/Roos (n. 22), p. 40 ss.

35 Décision 518/01 du 11  octobre 2012 dans l’affaire Ad- vanced Digital Broadcast Holdings AG.

36 Décision 518/01 du 11  octobre 2012 dans l’affaire Ad- vanced Digital Broadcast Holdings AG, consid. 4.1.

37 Rolf Watter, Zusammenschluss mit einer kotierten Gesell- schaft und resultierendem Grossaktionär  – Transaktions- spezifisches Opting-out (endlich wieder) möglich ?, in : Rudolf Tschäni (éd.), Mergers & Acquisitions XV, Zurich/

Bâle/Genève 2013, p.  7  ss ; Peter/Bovey (n. 9), p.  211 ; Thévenoz/Roos (n. 22), p. 49 ; Alain Hirsch, La COPA mo di- fie sa jurisprudence sur les clauses d’opting out, Actuali té du Centre de droit bancaire et financier n° 836, 22 octobre 2012, <http ://cms.unige.ch/droit/cdbf>.

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en raison de l’inégalité de traitement qu’elles per- mettent, notamment le paiement d’une prime de contrôle très importante à l’actionnaire principal, possible grâce à l’absence d’obligation de présenter une offre à charge de l’acquéreur.

Le deuxième aspect délicat de la transaction con- sistait en une mesure de défense soumise à l’approba- tion de l’assemblée générale. L’ensemble de la transac- tion correspond économiquement à une « fusion entre égaux » (merger of equals), étant cependant précisé que toutes les sociétés opérationnelles (celles appor- tées par Kaba et celles apportées par Dorma) seront détenues par une sous-holding détenue à 100% par Kaba. L’intégralité du groupe ainsi formé sera consoli- dé par Kaba, qui en assurera la direction opérationnel - le. La mesure de défense (poison pill) prend la forme d’une cession d’actions (de Kaba aux actionnaires ac- tuels de Dorma) soumise à la condition suspensive de la publication d’une OPA sur Kaba. Ainsi, si un tiers ve- nait à lancer une offre sur Kaba, Kaba se retrouverait avec une participation minoritaire dans la sous-hol- ding, perdrait ainsi automatiquement la direction opérationnelle du groupe et ne pourrait plus consoli- der les sociétés opérationnelles. Cette cession d’actions est soumise à l’approbation de l’assemblée générale de Kaba sous la forme d’une clause statutaire.

L’art. 36 OOPA considère qu’une telle « poison pill » serait illicite sans l’approbation de l’assemblée géné- rale. A quelle condition cependant l’assemblée géné- rale de Kaba peut-elle approuver de manière antici- pée cette mesure de défense et pour quelle durée ? La COPA, qui n’avait jusqu’ici jamais été confrontée à une mesure de défense anticipée (Vorabentscheid), a considéré qu’une mesure de défense de durée indéter- minée n’est valable que si l’assemblée générale a la possibilité de la supprimer par un nouveau vote. S’ils sont approuvés, les nouveaux statuts permettront à l’assemblée générale de supprimer cette clause avec une majorité qualifiée de 75% jusqu’en 2018, et avec une majorité simple de 50% depuis 2019. En tenant compte de l’existence d’un groupe d’actionnaires con- trôlant 27% des voix de Kaba (après la transaction), la majorité qualifiée de 75% empêchera en fait les ac- tionnaires publics de supprimer la poison pill sans l’ac- cord du groupe d’actionnaires jusqu’en 2018.  Dès 2019, les actionnaires publics retrouveront une possi- bilité effective d’accepter une OPA en supprimant la poison pill à la majorité simple.

2.3 L’offre de Novavest sur Pretium

Dans le cadre de l’offre de Novavest Real Estate AG (Novavest) sur Pretium AG (Pretium), l’existence d’une clause d’opting out dans les statuts de Pretium permit à l’offrant de proposer un prix de l’offre inférieur à ce qui aurait dû être le prix minimum de l’offre.38 En ef- fet, le prix proposé était de CHF 15.14 par action, ver- sé sous la forme des titres cotés (mais illiquides) de Novavest. Or, les caractéristiques d’une offre obliga- toire, à savoir le franchissement du seuil de 331/3% des droits de vote étaient remplies en l’espèce, entraî- nant l’application des règles sur le prix minimum. Dans ce cas, il aurait dû se monter au minimum à CHF 28.58 par action et proposer une alternative en espèces (à sa- voir le choix pour le destinataire de l’offre entre re- cevoir le prix de l’offre en espèces ou en titres Nova- vest).39 En raison de la clause d’opting out, les règles relatives à l’offre obligatoire ne trouvèrent pas appli- cation, permettant à l’offrant de présenter une offre en dessous de ce qui aurait sinon été le prix minimum.

La clause d’opting out avait été introduite avant la cotation de Pretium, avec pour conséquence (à l’instar de l’affaire Sika) que sa validité ne pouvait pas être réexaminée à la lueur de l’art. 706 CO.40 Elle fut dès lors considérée comme valable et la COPA n’appliqua pas les règles sur l’offre obligatoire à l’offre de Novavest. L’offre fut qualifiée d’offre volontaire et traitée comme telle.

2.4 Leclanché

Mentionnons enfin plusieurs décisions prononcées en relation avec la société Leclanché SA (Leclanché).

La première, en août 2013, fut consacrée à l’octroi d’une dérogation à l’obligation de présenter une offre en relation avec un plan d’assainissement de Leclan- ché. La COPA accorda une telle dérogation mais in- terdit à Leclanché de proposer simultanément à ses actionnaires l’introduction d’une clause d’opting out dans les statuts. La COPA partit alors du principe que la liaison entre le vote sur l’augmentation de capital et celui sur la clause d’opting out ne permettait pas aux actionnaires de décider librement sur cette der- nière (pour que l’assainissement ait lieu il était néces-

38 Décision 569/01 du 24  juin 2014 dans l’affaire Pretium AG ; Thévenoz/Roos (n. 22), p. 34 ss.

39 Art. 43 al. 2 OBVM-FINMA.

40 Art. 22 al. 2 LBVM ; voir supra chiffre 2.1.

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saire que l’opting out soit également adopté).41 En avril 2014, Leclanché proposa ensuite à ses action- naires d’introduire une clause d’opting up, relevant à 49% des droits de vote le seuil déclencheur de l’offre obligatoire. En décembre 2014, la COPA accorda à nouveau une dérogation à l’obligation de présenter une offre pour cause d’assainissement tout en lais- sant ouverte la question du seuil déclencheur (331/3% ou 49% des droits de vote ensuite de l’adoption de la clause d’opting up). En effet, ladite dérogation est va- lable quel que soit le taux de participation atteint par les requérants, individuellement ou ensemble, dans le cadre de leur participation aux mesures d’assainis- sement.42 Ce n’est qu’au début de l’année 2015 que la COPA se prononça sur la validité de la clause d’opting up. L’un des actionnaires principaux de Leclanché souhaitait réorganiser sa participation en la trans- mettant en partie à une autre société dans son groupe, ce qui aurait pour conséquence le déclenchement d’une offre obligatoire en l’absence de clause d’opting up. Comme indiqué ci-dessus, la clause d’opting up fut adoptée en avril 2013, à savoir en toute connais- sance des critères fixés lors de la modification de pra- tique en la matière.43 Dans sa décision du 20 février 2015, la COPA procéda dès lors (pour la première fois) à l’examen d’une clause d’opting up introduite après sa modification de pratique de 2012.  Elle constata que le critère de la transparence était rempli en l’espèce.44 En outre, aucun actionnaire majoritaire ne contrôlait la société au moment de l’adoption de la clause d’opting up et aucun actionnaire n’avait requis l’adoption de ladite clause. Dans ces circonstances, il n’était pas possible (ni nécessaire) de prendre en considération le vote d’actionnaires minoritaires, de sorte que la COPA considéra l’adoption de la clause d’opting up comme valable.45

41 Décision 544/01 du 13 août 2013 dans l’affaire Leclanché SA, consid. 4.

42 Décision 587/01 du 23 décembre 2014 dans l’affaire Le- clanché SA, consid. 2.3.

43 Selon la décision 518/01 du 11 octobre 2012 dans l’affaire Advanced Digital Broadcast Holdings AG, consid. 4 et 5.

44 Décision 590/01 du 20 février 2015 dans l’affaire Leclan- ché SA, consid. 1.1.

45 Décision 590/01 du 20 février 2015 dans l’affaire Leclan- ché SA, consid. 1.2.

3. Condition relative au prix de l’offre ? Nous l’avons mentionné plus haut (supra 2.3), l’offre publique d’échange de Novavest sur Pretium a mis en évidence les conséquences drastiques d’un opting out pour les actionnaires publics46 ; sur ce plan, elle a été éclipsée depuis lors par l’affaire Sika. Sur un tout autre aspect, la transaction Pretium a relancé le dé- bat sur une autre question : dans une offre volontaire d’échange, l’offrant peut-il prévoir une condition pour se protéger contre le risque que l’autorité im- pose une alternative en espèces, c’est-à-dire permette aux actionnaires de choisir entre un paiement en titres et un paiement en espèces ?

Une telle condition figurait dans l’annonce préa- lable de Novavest, mais elle n’apparaît plus dans le prospectus. Dans sa décision, la COPA tint cependant à signaler son scepticisme à l’égard des conditions qui visent à protéger l’offrant contre une application cor- recte de la loi.47 Elle rappela certes que la question n’avait pas été tranchée dans la transaction LO Hol- ding Lausanne Ouchy48 tandis qu’une telle condition avait été admise dans la transaction Jelmoli Holding.49 Elle relativisa la portée de cette dernière décision en insistant sur son caractère exceptionnel et sur les cir- constances spécifiques du marché qui la justifiaient en 2009, mais qui ne se trouvaient pas réalisées pour Pretium.

Cette première question est étroitement liée à une deuxième : dans une offre volontaire, l’offrant peut-il se protéger par une condition contre le risque que l’autorité (COPA, FINMA ou TAF) augmente le prix de l’offre en application des règles sur le prix mi- nimum ? Les situations visées sont bien connues et sont illustrées par deux « causes célèbres ».

Dans l’affaire Harwanne, l’offrant avait acheté une participation de contrôle au prix de CHF 3.45 par ac- tion mais offrait aux actionnaires publics un prix de CHF 2.60. Dans sa première décision, la COPA consta- ta que l’offre ne violait pas les règles sur le prix mini- mum, notamment parce que le prix offert était supé-

46 Décision 569/01 du 24  juin 2014 dans l’affaire Pretium AG, consid. 4 ; Thévenoz/Roos (n. 22), p. 34–36.

47 Décision précitée, consid. 7.2.

48 Décision 422/03 du 8  septembre 2009 dans l’affaire LO holding Lausanne-Ouchy S.A./JJM Participations SA, con- sid. 8.12.

49 Décision 416/01 du 13 juillet 2009 dans l’affaire Jelmoli Holding AG, consid. 7.8.

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rieur au cours de bourse. Deux actionnaires qualifiés de Harwanne firent (pour la première fois) usage du droit d’opposition entré en vigueur ler janvier 2009.

Leur opposition fut couronnée de succès : sur la base des faits et des analyses apportés par les opposants, la COPA modifia sa première décision et considéra que le marché des titres de Harwanne était en réalité illiquide, de sorte qu’une évaluation des titres s’im- posait. L’organe de contrôle évalua les actions d’Har- wanne à CHF 3.43, une valeur très proche du prix d’acquisition de la participation de contrôle. L’offrant se résolut à augmenter son offre à CHF 3.45. Ainsi, un changement d’interprétation de l’OBVM-FINMA50 et de la définition de la liquidité d’un titre résulta en une augmentation de 33% du prix de l’offre.

La situation aurait pu se répéter dans la transac- tion Quadrant, qui a été longuement décrite et com- mentée par ailleurs.51 Le prix de CHF 86 par titre of- fert par Aquamit fut contesté par un actionnaire qua- lifié, qui forma opposition contre la décision de la COPA constatant la conformité de l’offre. L’opposant estimait que, en violation de l’art.  41 al.  4 OBVM- FINMA, le prix offert ne reflétait pas les « autres pres- tations importantes » fournies par Aquamit aux ac- tionnaires-fondateurs de Quadrant. Trois recours à la FINMA et deux recours au Tribunal administratif fé- déral aboutirent au constat final que le prix était conforme à la loi.52 On se demande évidemment ce qui serait arrivé si la solution avait été différente et si le prix de l’offre avait été augmenté 3 ans et 3 mois après son exécution.

L’offrant peut-il se protéger contre une augmen- tation du prix qu’il n’a pas anticipée ou contre une alternative en espèces qu’il n’a pas voulue en intro- duisant à cet effet une condition dans son offre ? Les

50 Art. 40 al. 4 OBVM-FINMA.

51 Parmi d’autres, Lorenzo Olgiati/Nadin Schwibs, Parteistel- lung und Urteilswirkung im übernahmerechtlichen Beschwerdeverfahren, Besprechung des Urteils B-5272/

2009 des schweizerischen Bundesverwaltungsgerichts vom 30.  November 2010 in Sachen Quadrant, GesKR 2011, p.  252 ; Dieter Gericke/Eric Sibbern, Qualifizierte Aktionäre und Preisregeln, Klärung und neue Probleme, RSDA 2011, 321 ; Luc Thévenoz/Lukas Roos, Die soge- nannte Kontrollprämie im Übernahmerecht, RSDA 2011 p. 619 ss ; Peter/Bovey (n. 9), p. 159 ss ; plus récemment Rolf Watter/Mariel Hoch, Joint Offers und die Abreden zwischen den Anbietern, in : Rudolf Tschäni (éd.), Mer- gers & Acquisitions XVII, Zurich 2015, p. 20 ss.

52 Décision 410/05 du 13 décembre 2012 dans l’affaire Qua- drant AG.

deux questions n’en forment qu’une seule. Elle ne concerne que les offres volontaires (art.  13 OOPA), puisque l’admissibilité des conditions est beaucoup plus limitée dans les offres obligatoires (art.  36 OBVM-FINMA). Parmi les offres volontaires, elle ne concerne que les offres de prise de contrôle, c’est-à- dire celles où le prix de l’offre doit être conforme aux dispositions sur les offres obligatoires (art.  9 al.  6 OOPA). Elle ne vise pas les situations où le prix doit être augmenté ou payé en espèces parce que l’offrant achète en espèces ou à un prix plus élevé des titres pendant la durée de l’offre53 : ces situations sont im- putables à une action de l’offrant qui ne peut en tirer motif pour retirer son offre.

Récemment, la COPA a été interpellée sur l’im- portance de la prévisibilité du prix pour les offrants.

Dans des limites qui restent à définir, certains acteurs sur le marché estiment qu’un offrant devrait pouvoir se réserver la possibilité de retirer son offre lorsque, de manière imprévue pour lui, le prix est augmenté par une décision de l’autorité compétente. Suite à ces interventions, la COPA a sollicité des propositions écrites et revu la littérature pertinente.54

La COPA a envisagé une série d’hypothèses dans lesquelles le prix d’une offre volontaire peut être mo- difié en application de la loi. Pour chacune de ces hy- pothèses, il faut se demander si une condition qui permettrait à l’offrant de se délier serait admissible au regard de l’art. 13 OOPA, c’est-à-dire (a) si elle est justifiée par l’intérêt de l’offrant ; (b)  si l’offrant ne peut exercer d’influence déterminante sur sa réalisa- tion ; (c)  si elle respecte le principe de loyauté ; et (d)  si elle peut être formulée de manière précise et transparente. Nous le verrons ci-après, les circons- tances envisagées peuvent quasiment toujours être influencées par l’offrant, ou pour le moins doivent- elles en général lui être imputées, ce qui rend très dif- ficile le respect du critère b) mentionné ci-dessus.

L’admissibilité de telles conditions est donc sujette à grande précaution.

53 Best Price Rule : art. 9a al. 2 et 10 OOPA.

54 Jacques Iffland/Hans-Jakob Diem, De la prohibition des conditions potestatives à celles des conditions inéqui- tables – Pourquoi la pratique en matière d’OPA condition- nelle doit être modifiée, in: Liber amicorum für Rudolf Tschäni, Zurich 2010, p.  251  ss, not.  262–264 ; Watter/

Hoch (n. 51), p. 7 ss, not. 27–30.

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3.1 Evaluation des titres illiquides dans une offre amicale.

Lorsque les titres de la société visée sont illiquides au sens de la Circulaire COPA n° 2 (Liquidité au sens du droit des OPA) du 26 février 2010, l’organe de con- trôle procède à leur évaluation, et cette évaluation remplace le cours de bourse dans la fixation du prix minimum de l’offre (art. 40 al. 4 OBVM-FINMA). A la différence du cours de bourse, qui se constate facile- ment, la valeur des titres n’est pas un fait que l’on peut constater, mais le résultat d’une opinion d’ex- pert, qui repose sur des faits nombreux et complexes, des hypothèses, et met en œuvre un pouvoir d’appré- ciation. Dans une offre recommandée par la société visée (offre amicale), l’offrant a pu effectuer un exa- men de due diligence et ainsi accéder à des informa- tions non publiques. En particulier, il a pu prendre connaissance du plan de développement (business plan) de la société visée. L’organe de contrôle a accès aux mêmes informations et l’offrant connaît le rap- port d’évaluation lorsqu’il fixe le prix de l’offre.

Existe-t-il un risque que la COPA, la FINMA ou le TAF remette en question cette évaluation, exigeant une correction à la hausse du prix de l’offre ? La COPA ne procède pas à une seconde évaluation ni ne vérifie le bien-fondé de l’évaluation. De jurisprudence con- stante, elle contrôle le caractère transparent, plau- sible et compréhensible (transparent, plausibel und nachvollziehbar) de l’évaluation. La COPA peut de- mander à ce que le rapport soit complété, mieux ex- pliqué, que certaines hypothèses soient justifiées, mais elle ne substitue pas sa propre appréciation au pouvoir d’appréciation technique étendu que le Tri- bunal administratif fédéral reconnaît à l’organe de contrôle.55 Sous réserve d’un comportement fraudu- leux qui aurait entaché le rapport d’évaluation, l’of- frant ne risque en principe pas de voir le prix de son offre remis en cause par la COPA ou une autorité de recours. En outre, si tel devait être le cas, le risque que l’évaluation des titres soit entachée d’un tel com- portement ne semble pas pouvoir (ni devoir) être ré-

55 Arrêt du TAF B-5272/2009 du 30 novembre 2010, consid.

2.3. Voir également Luc Thévenoz/Manuel Zweifel, Bewer- tungsgutachten und Fairness Opinions in öffentlichen Kauf- und Tauschangeboten, in : Rudolf Tschäni (éd.), Mergers & Acquisitions XV, Zurich 2012, p. 98 ss, spéciale- ment p. 127–129.

percuté sur les destinataires de l’offre.56 Ce risque doit être supporté par l’offrant, à qui il incombe de s’assurer que l’évaluation effectuée est correcte. Une condition permettant à l’offrant de retirer une offre publiée suite à l’éventuelle modification du rapport d’évaluation ne parait donc pas pouvoir être admise.

3.2 Evaluation des titres illiquides dans une offre hostile

Dans une offre lancée sans l’accord ou contre la recom- mandation de la société visée, l’offrant n’a générale- ment pas eu la possibilité d’exercer sa due diligence.

Le prix de l’offre est donc fixé sur une base d’informa- tions suboptimale, ce qui représente un certain risque économique pour l’offrant. Ni lui ni l’organe de con- trôle n’ont accès au business plan ou aux informations de la direction. L’organe de contrôle établit son éva- luation sur la base des seules informations publiques.

L’offrant supporte ainsi un risque plus important que cette évaluation soit contestée, notamment par la so- ciété visée. La question se pose ainsi de savoir si la société visée peut contester le rapport d’évaluation en se fondant sur les informations non publiques qu’elle est seule à connaître et ainsi obliger l’offrant à augmen- ter le prix de son offre. En particulier, la fairness opinion émise sur mandat de la société visée, qui con clut en principe que la valeur de la société est supérieure au prix de l’offre, peut-elle mettre en cause le bien-fondé de l’évaluation faite par l’organe de con trôle ?

La différence entre la valeur établie par l’organe de contrôle et la fourchette de valeurs généralement indiquée dans la fairness opinion peut être substan- tielle.57 Elle s’explique notamment par la différence

56 Voir les réflexions similaires relatives au risque d’un chan- gement de pratique ou d’interprétation du droit des OPA dans la décision 569/01 du 24 juin 2014 dans l’affaire Pre- tium AG, consid. 7.2.

57 Cf. la situation dans l’offre sur Newave Energy Holding, discutée in Thévenoz/Zweifel (n. 55), p. 129 où la valeur selon l’évaluation était de CHF 41.80 et se situait 19% en dessous de la fourchette inférieure déterminée par la fairness opinion (CHF 51.80) ; le prix de l’offre quant à lui était de CHF 56. Plus récemment, dans le cadre des offres concurrentes portant sur la société Victoria-Jungfrau Col- lection AG, l’évaluation exécutée sur la base de données publiques arriva à une valeur de CHF 219.60 par action et la fairness opinion établie sur mandat du conseil d’admi- nistration à une fourchette de valeurs se situant entre CHF 300 et CHF 325 par action ; voir Thévenoz/Noori (n. 7), p. 316.

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de point de vue entre l’organe de contrôle et l’auteur de la fairness opinion, l’accès à des informations con- fidentielles et notamment au business plan, le choix d’hypothèses différentes et même de données diffé- rentes de comparaison.

Comme dans l’hypothèse précédente (supra 3.1), la COPA veille à ce que le rapport d’évaluation soit transparent, plausible et compréhensible. Elle ne doit pas ni ne peut choisir entre l’opinion raisonnée de l’organe de contrôle et la fairness opinion. Ce choix appartient aux actionnaires. En cas de nécessité ou d’incertitude, elle peut néanmoins intervenir et faire clarifier certaines différences d’évaluation lorsque cela parait nécessaire.58 Cependant, le principe est qu’un rapport d’évaluation peut être effectué sur la base d’informations publiques, ce qui n’est pas in- fluencé par le fait qu’une fairness opinion aboutisse à une valeur plus élevée en se basant sur des informa- tions con fidentielles de la société visée. Ainsi, et dans la mesure où le rapport d’évaluation sur lequel se fonde le prix de l’offre est transparent, plausible et compréhensible, l’offrant ne court en principe pas le risque qu’une intervention de la COPA ou d’une auto- rité de recours entraîne une modification du prix de l’offre. Il n’y a donc pas de raison qu’il puisse se proté- ger par une condition lui permettant de retirer son offre.

3.3 Evaluation des « autres prestations importantes » au sens de l’art. 41 al. 4 OBVM FINMA

Le prix d’une offre de prise de contrôle ne peut pas être inférieur au prix le plus élevé pendant les douze derniers mois par l’offrant ou par une personne agis- sant de concert. Lorsque l’offrant a fourni à ou obte- nu du vendeur d’autre prestations importantes, « le prix de l’acquisition préalable est corrigé du montant correspondant à la valeur de ces prestations » (art. 41 al. 4 OBVM-FINMA). Dans l’affaire Quadrant, le TAF a jugé que ces prestations doivent être évaluées sépa- rément et compensées pour en établir la valeur nette.

58 Ce fut par exemple le cas dans la transaction Newave Energy Holding, où elle posa des questions aux auteurs de la fairness opinion et de l’évaluation afin de dissiper tout doute sur les méthodes employées. Dans ce cas, elle n’in- tervint pas dans le choix d’appliquer une déduction de minorité (« Minderheitsabschlag ») par l’auteur de l’éva- luation mais pas par l’auteur de la fairness opinion.

Comme cette évaluation séparée n’avait pas été faite lors de la publication de l’offre, l’incertitude a duré pendant toute la procédure et l’offre a été exécutée avant que le prix minimum ne soit définitivement fixé.

Rolf Watter et Mariel Hoch considèrent que l’of- frant ne devrait pas supporter ce risque et devrait être autorisé à introduire une condition dont ils ont proposé la formulation.59 La proposition est intéres- sante, mais elle n’est pas convaincante. L’incertitude dans l’affaire Quadrant tenait au fait que l’organe de contrôle avait estimé globalement que les prestations accessoires s’équilibraient et ne justifiaient pas une correction du prix ; sur opposition puis sur recours d’un actionnaire qualifié, c’est le TAF qui a jugé que chaque prestation devait être évaluée pour elle- même avant qu’il soit procédé à une compensation.

L’exercice était dès lors périlleux et le résultat incer- tain.

Aujourd’hui, les parties à la convention d’acquisi- tion d’actions (share purchase agreement) peuvent essayer de réduire la complexité de la convention d’ac quisition d’actions de sorte à minimiser les pres- tations accessoires ou leur valeur. Lorsque cela n’est pas possible, le rapport d’évaluation sera soumis au test de transparence, de plausibilité et de compréhen- sibilité déjà discuté. Si (comme on l’attend) l’organe de contrôle vérifie cette évaluation avec diligence et professionnalisme et conformément aux règles de l’art, il n’y a pas plus de raison que le rapport d’éva- luation soit remis en cause que dans les deux hypo- thèses précédentes.

3.4 Action de concert

Le comportement des personnes agissant de concert avec l’offrant est en principe imputable à ce dernier.

Ainsi, lorsqu’une personne agissant de concert ac- quiert des titres à un prix supérieur à celui de l’offre, cet achat est susceptible de déclencher l’application de la Best Price Rule (art 10 OOPA) et entraîner l’obli- gation d’augmenter le prix de l’offre. En cas d’offre d’échange, si cette personne acquiert des titres contre

59 « Die Verfügung der Übernahmekommission, wonach das öf- fentliche Kaufangebot den gesetzlichen Bestimmungen über öffentliche Kaufangebote entspricht, wird hinsichtlich des Bewertungsberichts der Prüfstelle [NAME] nicht so zulasten des Anbieters geändert, dass eine Erhöhung des Angebots- preises resultiert » ; Watter/Hoch (n. 51), p. 30.

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des espèces sur le marché, cela peut entraîner une obligation de présenter une alternative en espèces (art. 9a et 9b OOPA). Cela représente un risque im- portant pour l’offrant s’il ne peut pas effectivement contrôler le comportement des personnes qui agis sent de concert avec lui au sens du droit des OPA.

En général, des contrats sont conclus et la situa- tion est sous contrôle pour l’offrant. En revanche, il n’est pas exclu que la COPA considère que le critère de l’action de concert soit rempli dans d’autres situa- tions, par exemple dans lesquelles l’offrant affirme qu’il n’agit précisément pas de concert avec les per- sonnes concernées et qu’il ne peut pas contrôler leurs agissements.60 L’offrant doit-il pouvoir se protéger à l’aide d’une condition dans ces situations également ? Une pesée des risques doit ici être effectuée : qui de l’offrant ou des actionnaires doit supporter ce risque ? L’offrant et les tiers concernés disposent de voies de recours pour contester l’existence d’une action de concert. La FINMA, voire le TAF, peuvent corriger l’appréciation faite par la COPA, comme ce fut le cas dans l’affaire Swisslog.61 Si l’action de concert est fi- nalement retenue au terme de ces recours, et qu’il en résulte une augmentation du prix de l’offre, on ne voit pas la justification d’une condition qui permette à l’offrant de retirer son offre.

3.5 Conclusion

Les trois premières hypothèses susmentionnées con- cernent une évaluation exécutée par l’organe de con- trôle. Toute évaluation introduit un élément d’appré- ciation, qui est irréductible. La pratique de la COPA, confirmée par la FINMA et par le TAF précisément dans l’affaire Quadrant, respecte le large pouvoir d’ap- préciation technique dont jouit l’organe de contrôle.

La COPA (et ses autorités de recours) n’ont ni la mis- sion ni les compétences pour se substituer à l’organe de contrôle sur ces questions. Les hypothèses où l’évaluation par l’organe de contrôle devrait être cor-

60 Dans la transaction Swisslog, la COPA considéra à l’en- contre de la position de l’offrant que ce-dernier agissait de concert avec deux actionnaires importants ; décision 580/01 du 16 octobre 2014 dans l’affaire Swisslog Holding AG, consid. 3. Cette décision fut annulée sur ce point par la FINMA, qui considéra que les indices n’étaient pas suffi- sants pour retenir une action de concert en l’espèce ; déci- sion FINMA du 13 novembre 2014 dans l’affaire Swisslog Holding AG.

61 Voir n. 60 supra.

rigée sont difficiles à concevoir (dissimulation frau- duleuse, négligence grave, appréciation manifeste- ment erronée ?). Ces hypothèses mettent en cause le comportement de l’offrant au moins autant que celui de l’organe de contrôle. On ne voit pas quel intérêt justifié (au sens de l’art. 13 al. 1 OOPA) l’offrant pour- rait faire valoir pour se protéger par une condition de l’offre.

S’agissant de la quatrième hypothèse, l’offrant n’a pas non plus d’intérêt justifié à une condition, compte tenu des moyens de droit à sa disposition pour s’opposer à une décision de la COPA relative à l’action de concert.

Il est vrai que la possibilité pour les actionnaires qualifiés d’intervenir dans la procédure et de s’oppo- ser aux accords pris entre l’offrant et la société visée, mais aussi aux décisions de la COPA, crée un certain risque pour les transactions. Oppositions et recours visent à garantir une bonne application de la loi : si la COPA a erré, la FINMA ou le TAF corrigeront. Un of- frant ne peut pas se protéger par une condition contre le risque qu’une procédure aboutisse à une applica- tion correcte de la loi. Comme on l’a vu, le pouvoir d’appréciation inhérent à toute évaluation faite par l’organe de contrôle est fondamentalement reconnu et respecté par la jurisprudence. A ce jour, aucune af- faire n’a abouti à la rectification d’une évaluation qui aurait été entachée d’un vice grave.

En réfléchissant notamment à ces hypothèses, la COPA n’a pas identifié un état de fait précis et carac- téristique qui justifierait une condition relative au prix (i.e. à l’augmentation imposée du prix) de l’offre.

Mais elle ne saurait exclure que l’avenir révèle d’autres hypothèses aptes à justifier une telle condi- tion.

4. Développements récents en matière de programmes de rachat

La réglementation en matière de programmes de ra- chat d’actions a connu un changement important en mai 2013, lorsque l’OBVM intégra les dispositions relatives aux abus de marché qui se trouvaient aupa- ravant exclusivement dans les Circulaires de la COPA.

De par ce changement, les compétences relatives aux programmes de rachat ont été redistribuées entre la COPA et la FINMA. Nous ne reviendrons pas sur cette modification en détail, celle-ci ayant déjà été traitée exhaustivement dans une précédente revue sur le

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