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PROPRIETES ELASTIQUES EFFECTIVES D’UN POLYCRISTAL DE CUIVRE
Microstructure d’un polycristal. La couleur de chaque grain désigne son orientation cristallographique.
Les alliages métalliques sont des matériaux hétérogènes car ils sont constitués de grains monocristallins ayant chacun une orientation cristalline distincte. Les monocristaux présentent en général un comportement élastique anisotrope (on s’en tiendra ici à la symétrie cubique propre aux cristaux de structure cristallographique cubique à faces centrées comme le cuivre considéré dans cet exercice). La différence d’orientation de grain à grain implique alors que chaque grain répond de façon différente à la sollicitation appliquée. On cherche ici, connaissant les propriétés élastiques cubiques du monocristal, à encadrer les propriétés macroscopiques du polycristal dans le cas où la distribution des orientations cristallines est purement aléatoire (on parle dans ce cas de texture isotrope).
1. Matrices d’élasticité : Ecrire la matrice Ci jdes modules d’élasticité cubique en adoptant la notation dite de Voigt. Ecrire de même la matrice des souplesses Si j. On introduira les constantes C11,C12et C44. On définit les coefficients d’anisotropie :
ac= 2C44
C11−C12, as=2(S11−S12) S44 Justifier cette dénomination. Montrer que ac=as.
Ces matrices sont destinées à représenter le comportement du monocristal. Si la distribution des orientations cristallines est purement aléatoire au sein du polycristal, que pensez–vous de la symétrie de la matrice d’élasticité du polycristal ?
On rappelle que la notation de Voigt est introduite pour remplacer la forme générale de la loi d’élasticité
σi j =Ci jklεkl
par la relation matricielle
σI=CIJεJ
Les tenseurs de contraintes et de déformation sont identifiés à des vecteurs deR6. Dans le cas de l’élasticité cubique et dans la base orthonormée liée aux axes de symétrie, ces matrices et vecteurs s’écrivent :
σ11
σ22
σ33
σ23
σ31
σ12
=
C11 C12 C12 0 0 0 C12 C11 C12 0 0 0 C12 C12 C11 0 0 0
0 0 0 C44 0 0
0 0 0 0 C44 0
0 0 0 0 0 C44
ε11
ε22
ε33
2ε23
2ε31
2ε12
2 Il faut faire attention au fait que, traditionnellement,ε4 est mis pour
2ε23=γ23. Les relations entre les composantes de la matrice et celles du tenseur d’élasticité sont donc :
C11=c1111 C12=c1122 C14=c1123 C44=c2323 Il existe de même une matrice des souplesses
εI=SIJσJ
La matrice des SIJ est donc l’inverse de la matrice des CIJ mais on fera attention au fait que l’identification avec le tenseur d’ordre 4 correspondant est alors la suivante :
S11=s1111 S12=s1122 S14=2s1123 S44=4s2323
Dans le cas cubique, les relations suivantes entre les CIJ et SIJ permettent de montrer aisément que les coefficients d’anisotropie ac=assont égaux : S11= C11+C12
(C11+2C12)(C11−C12) S12= −C12
(C11+2C12)(C11−C12) S44= 1 C44
2. Ecriture des tenseurs d’élasticité isotrope : On introduit ici des opérateurs d’ordre 4 permettant de manipuler simplement les tenseurs d’élasticité isotrope. L’opérateur J
≈ appliqué à un tenseur d’ordre 2 symétriqueε∼fournit son déviateur e∼. L’opérateur K
≈, quant à lui, appliqué àε∼donne sa partie sphérique :
J≈:ε∼=e∼, K
≈ :∼ε=1 3(Trε∼)1∼ Il s’ensuit que
J≈+K≈ =∼I
où I≈est le tenseur identité d’ordre 4 opérant sur les tenseurs d’ordre 2 symétriques. En terme de composantes, on a, pour information :
Ii jkl=1
2(δikδjl+δilδjk), Ki jkl=1 3δi jδkl
Vérifier que tout tenseur des modules d’élasticité isotrope se met sous la forme
C≈ =2µJ
≈+3kK≈
où µ et k sont respectivement les modules de cisaillement et de compressibilité. Montrer que le tenseur des souplesses correspondant s’écrit :
S≈=C
≈
−1= 1 2µJ
≈+ 1 3kK≈ On remarque que J
≈: K≈ =K≈ : J
≈=0
≈et on vérifie alors que l’inverse d’un tenseur isotrope s’obtient directement en prenant l’inverse des coefficients devant J
≈et K
≈. Cela vient simplement du fait que 2µ et 3k sont les valeurs propres du tenseur isotrope C
≈, les tenseurs propres associés constituant respectivement une base des tenseurs déviatoriques et sphériques.
3. Borne de Voigt pour le polycristal, C
≈
V =<c
≈ > : Justifier que si la distribution des orientations cristallines est isotrope, alors la borne supérieure de Voigt C
≈
V est un tenseur isotrope : C≈
V =2µVJ
≈+3kVK
≈
Pour accéder à µV et kV, il faudrait calculer la moyenne sur les matrices d’élasticité tournées pour toutes les orientations possibles. Un tel calcul est possible mais fastidieux. On peut s’en sortir plus efficacement en utilisant les invariants du tenseur ci jkldu monocristal.
3 On appelle invariant une fonction des composantes d’un tenseur dont
la valeur ne dépend pas du repère choisi pour les exprimer. La trace et le déterminant sont des invariants d’un tenseur d’ordre 2 car ils s’expriment en fonction des valeurs propres uniquement. Calculer les invariants suivants du tenseur d’ordre 4 c≈:
ciikk, ci ji j
Calculer aussi les invariants Jii j j,Ji ji j,Kii j j,Ki ji j. Calculer enfin la valeurs des invariants CVii j j,CVi ji j pour le tenseur C
≈
V en fonctions de µV et kV. En déduire les bornes supérieures µV et kV en fonction des Ci j du monocristal.
On trouve successivement
ciikk=3C11= +6C12, ci ji j=3C11+6C44 Jii j j=0, Ji ji j=5, Kii j j=3, Ki ji j=1
CViikk=9kV, CVi ji j=10µV+3kV On fait valoir ensuite le fait que les invariants de C
≈
V sont liés à ceux des modules locaux c
≈par
CVii j j=<cii j j>=cii j j, CVi ji j=<ci ji j>=ci ji j
On en déduit que les modules effectifs µe f f,ke f f du polycristal à texture isotrope sont bornés par µV et kV, c’est–à–dire :
ke f f ≤kV =C11+2C12
3 ,µe f f ≤C11−C12+3C44
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4. Borne de Reuss pour le polycristal, S
≈
V =< s
≈ > : Justifier que si la distribution des orientations cristallines est isotrope, alors la borne inférieure de Reuss S
≈
R est un tenseur isotrope : S≈
R= 1
2µRJ
≈+ 1 3kRK≈
Pour calculer S
≈
R on utilise à nouveau les invariants des tenseurs d’ordre 4 impliqués. On note s
≈ = c
≈
−1 le tenseur des souplesses du monocristal. Calculer successivement sii j j,si ji j,SRii j j,Si ji jR . En déduire les bornes inférieures µR,kR.
On trouve successivement
sii j j=3S11+6S12, si ji j=3S11+3 2S44
On fait attention pour ce dernier calcul que s2323=S44/4.
SRii j j= 1
kR, SRi ji j= 5 2µR + 1
3kR Il s’agit formellement du même calcul que pour C
≈
V en remarquant que 1/3kR et 1/2µR jouent le rôle de 3kV et 2µV respectivement. On obtient finalement
3ke f f ≥3kR= 1
S11+2S12
, µe f f ≥µR= 5
4S11−4S12+3S44
5. Encadrement des modules effectifs : Exprimer kRen fonction des Ci j. Que remarquez-vous ? Qu’en déduisez–vous sur la valeur de ke f f? Etait–
ce prévisible ? Donner enfin un encadrement de µe f f en fonction de C44et du coefficient d’anisotropie ac=as=a.
En utilisant les relations liant les Ci j et les Si j qui ont été rappelées, on trouve les relations suivantes entre les modules de compressibilité :
4 3kR= 1
S11+2S12 =C11+2C12
kR=kV =ke f f
Le module de compressibilité effectif d’un agrégat de grains à symétrie cubique est donc connu de manière unique en fonction des Ci j du monocristal. Cela est simplement dû au fait que la réponse d’un monocristal cubique à une sollicitation sphérique est indépendante de son orientation.
Ce n’est pas le cas si la symétrie du cristal est quadratique ou orthotrope. Il n’en va pas de même de µe f f dont la valeur exacte dépend de l’arrangement particulier et de la morphologie des grains. On peut simplement donner l’encadrement
5C44
3+2a≤µe f f ≤3a+2
5a C44
6. Application numérique : Pour le cuivre pur monocristallin, on a
C11=168400MPa, C11=121400MPa, C11=75390MPa Calculer a,ke f f,µV,µR. Trouver dans un manuel ou un site de propriétés mécaniques des matériaux le module de cisaillement du cuivre polycristal- lin isotrope usuel et vérifier que cette valeur est comprise entre les bornes de Voigt et Reuss.
On trouve une anisotropie importante, a = 3.21 (en comparaison, l’aluminium monocristallin par exemple donnerait une valeur proche de 1.1). Dans le cas du cuivre, il vient :
ke f f =137067MPa, µV =54634MPa, µR=40032MPa
On trouve usuellement des valeurs expérimentales de l’ordre de 50000 MPa pour le module de cisaillement du cuivre pur polycristallin isotrope.