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Article pp.200-205 du Vol.1 n°3 (2011)

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MISE AU POINT /UPDATE

Peptides natriurétiques, biomarqueurs de l ’ insuffisance cardiaque aux urgences

Natriuretic peptides to diagnose acute heart failure in emergency patients

P. Ray · C. Chenevier-Gobeaux · Y.-E. Claessens

Reçu le 27 décembre 2010 ; accepté le 25 janvier 2011

© SFMU et Springer-Verlag France 2011

RésuméLe BNP (brain natriuretic peptide) et NT-proBNP (N-terminal proBNP) sont probablement parmi les plus utilisés des biomarqueurs actuellement à la disposition du clinicien. Ce succès repose sur deux éléments principaux : le besoin, en pratique clinique, d’une aide pour établir un diagnostic étiologique précis et déterminer la part cardiaque gauche d’une dyspnée ; la qualité et la quantité des études ayant validé BNP et NT-proBNP dans cette indication. Une recherche dans Pubmed retrouve près de 4 000 références relatives à l’utilisation de BNP et NT-proBNP dans la dys- pnée, et le nombre de revues systématiques sur le sujet est considérable. Plus récemment, un regain d’intérêt pour d’autres peptides natriurétiques a soulevé la question de la signification de ces différents acteurs dans la réponse phy- siologique, et de la place potentielle de chacun dans l’arsenal diagnostique de l’insuffisance cardiaque. Notre objectif a été de donner au lecteur une vue synthétique des preuves suggé- rant que l’utilisation des peptides natriurétiques en médecine d’urgence pourrait avoir un intérêt dans la prise en charge du patient souffrant d’insuffisance cardiaque gauche.Pour citer cette revue : Ann. Fr. Med. Urgence 1 (2011).

Mots clésBNP · NT-proBNP · ANP · MR-proANP · CNP · DNP ·Œdème aigu du poumon

Abstract BNP (brain natriuretic peptide) and NT-proBNP (N-terminal proBNP) are among the most utilized biomar- kers currently available at bedside in emergency medicine.

Two main issues influence this success: making diagnosis of heart failure is a daily challenge in emergency medicine;

studies that validated the usefullness of BNP and NT- proBNP are high quality intervention trials. Additionally, a considerable amount of data has been published on this topic. Recently, related natriuretic peptides, namely atrial NP (ANP), C NP(CNP) and Dendroaspis NP (DNP), have gained interest to understand pathophysiology of acute heart failure, and to be used as markers in human medicine. This synthetic review provides key messages about current know- ledge on natriuretic peptides and diagnosis of acute cardiac failure in emergency medicine. To cite this journal: Ann.

Fr. Med. Urgence 1 (2011).

Keywords BNP · NT-proBNP · ANP · MR-proANP · CNP · DNP · Pulmonary edema

Les biomarqueurs ont acquis une place centrale en médecine d’urgence. L’émergence de stratégies basées sur l’utilisation des biomarqueurs pour rationaliser la prise en charge des patients a pu, au moins pour part, à l’origine du regain d’intérêt pour la discipline et de sa récente structuration.

L’utilisation de la troponine dans la pathologie coronaire et des D-dimères dans la maladie thromboembolique veineuse en sont des exemples emblématiques. Actuellement, nombre de pathologies aiguës font l’objet de réflexion reposant sur l’utilisation de marqueurs diagnostiques ou pronostiques.

Pour être pertinents, ces marqueurs doivent répondre à un cahier des charges exigeant : le choix du biomarqueur doit reposer un rationnel physiologique, avoir passé les épreuves de l’expérimentation clinique avec, pour préalable incon- tournable, la nécessité d’un dosage biologique fiable et reproductible [1]. Nous rapportons ici les éléments permet- tant d’envisager l’utilisation des peptides natriurétiques pour rationaliser la prise en charge de la dyspnée d’origine car- diaque aux urgences.

P. Ray

Service des urgences, groupe hospitalier Pitié Salpêtrière, AP–HP, université Pierre-et-Marie-Curie–Paris-VI, 47–83, boulevard de l’Hôpital, F-75013 Paris, France

C. Chenevier-Gobeaux

Laboratoire de biochimie, groupe hospitalier

Broca–Cochin–Hôtel-Dieu, AP-HP, université Paris-Descartes, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, F-75679 Paris cedex 14, France

Y.-E. Claessens (*)

Service des urgences, groupe hospitalier Broca–Cochin–Hôtel- Dieu, AP-HP, université Paris-Descartes, 27, rue du Faubourg- Saint-Jacques, F-75679 Paris cedex 14, France

e-mail : yann-erick.claessens@cch.aphp.fr DOI 10.1007/s13341-011-0041-4

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De l’importance d’un diagnostic précoce et précis de l

insuffisance cardiaque aux urgences

La dyspnée est une cause très commune de recours aux urgences [2] révélant un vaste panel d’étiologies, et le clini- cien a des difficultés à poser un diagnostic de certitude dans les délais brefs impartis aux urgences. Parmi les causes de dyspnée, l’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) tient une place prépondérante par sa fréquence et sa sévérité. Elle inté- resse 10 % des patients de plus de 75 ans. Chaque année, en France, 120 000 nouveaux patients souffrent d’ICA. L’insuf- fisance cardiaque représente la première cause de dyspnée aiguë en médecine d’urgence, et la première cause d’hospi- talisation des sujets âgés [3]. Le pronostic de ces malades est sombre avec une mortalité hospitalière qui s’élève à 25 % au-delà de 70 ans [4]. Le diagnostic d’ICA est le plus souvent difficile chez les patients âgés, obèses, porteurs de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), ou lorsqu’existent des sibilants. Or, un diagnostic et un traite- ment adaptés plus précoces améliorent le pronostic. Une enquête a démontré que la dyspnée d’origine cardiaque représentait un tiers des malades dyspnéiques aux urgences.

Un traitement adéquat dès les urgences diminuait la durée d’hospitalisation, le nombre de patients admis en réanima- tion, mais aussi la mortalité hospitalière [3,5], soulignant l’importance d’un test rapide et fiable pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque [6]. L’échocardiographie Doppler cardiaque est l’examen non invasif de référence, mais rare- ment réalisé en urgence, il l’est moins encore chez le sujet âgé. Malgré ses qualités diagnostiques, l’échocardiographie cardiaque différée dans les 24 heures ne diminue pas les complications des patients hospitalisés [7]. Le besoin d’un outil performant et immédiatement disponible est pour autant crucial, les cliniciens sont incertains du diagnostic dans la moitié des cas [6]. L’apparition en pratique clinique du dosage des peptides natriurétiques a permis de modifier les stratégies diagnostiques, en particulier dans le contexte de la médecine d’urgence.

Petite histoire et histoire naturelle des peptides natriurétiques

C’est en 1981 que de Bold observa qu’une substance issue des oreillettes était capable de provoquer une vasodilatation et une natriurèse remarquables [8]. Cette découverte ouvrit un nouveau champ d’investigation qui, trois ans plus tard, aboutissait au séquençage d’un polypeptide de 28 aminoaci- des, ou peptide natriurétique atrial (ouatrial natriuretic pep- tide, ANP). Dans le même temps, un peptide de 32 aminoacides structuralement proche de l’ANP était décou- vert dans le cerveau, prenant le nom debrain natriuretic

peptide(BNP). Il devint cependant rapidement évident que le site de production préférentiel du BNP était le ventricule cardiaque. Au début des années 1990, un troisième peptide de la même famille était identifié à nouveau dans le cerveau, mais, là encore, ce site de production apparut secondaire, la majeure partie de cette hormone étant synthétisée au niveau de l’arbre vasculaire, par l’endothélium. Ce peptide de 22 aminoacides reçut l’appellation deC-type natriuretic peptide (CNP). Enfin, plus récemment encore, un autre peptide de 38 aminoacides a été découvert dans le venin du mamba vert, possédant de fortes homologies structurales et physiolo- giques avec ANP, BNP et CNP. Très logiquement, ce peptide fut baptisé DNP (D-type ou Dendroaspis natriuretic pep- tide), du nom scientifique du serpent dont était issu le venin (Dendroaspis angusticeps), respectant la logique de la nomenclature. Dans un second temps, son expression a été retrouvée dans le sang circulant et les cellules atriales chez l’homme.

Les peptides natriurétiques forment une famille de protéi- nes hautement conservées chez les animaux vertébrés. Par contre, ces peptides n’ont pas été retrouvés chez l’invertébré.

Durant l’embryogenèse, l’ANP est fortement exprimé au niveau du cœur. Les animaux invalidés pour le gène du récepteur NPR-1 (natriuretic peptide receptor-1) de l’ANP ou du BNP ont un profil évolutif identique. Non viables, les souris meurent in utero avec des anomalies de dévelop- pement du muscle cardiaque et des malformations de nom- breux autres organes [9]. Le caractère létal de cette anomalie suggère le rôle primordial de ces peptides dans le dévelop- pement du système cardiovasculaire. Par ailleurs, la plupart de ces peptides ont été retrouvés au niveau du cerveau. De façon surprenante, l’invalidation du gèneCNPprovoque un retard de croissance [10] ; des expériences menées chez le poulet et le poisson Zébra impliquent le CNP dans le déve- loppement de l’axe pituitaire et pourraient ainsi expliquer le phénotype. D’autres expériences plaident pour une action directe de CNP sur le développement du tissu ostéoarticu- laire in utero et après la naissance.

Bases physiologiques des peptides natriurétiques

Comme l’indique leur dénomination, les peptides natriuré- tiques sont impliqués dans la régulation du pool sodé et régulent la volémie [11]. Ils interviennent également sur le système cardiovasculaire dont ils gèrent l’équilibre. Le BNP, principalement produit et libéré au niveau du ventricule gau- che, contrebalance l’activité d’hormones vasoconstrictrices (endothéline et système rénine–angiotensine–aldostérone [SRAA]) lorsqu’existe un étirement pariétal des cardio- myocytes [12]. Le BNP permet une relaxation vasculaire systémique et artérielle pulmonaire. BNP diminue le taux

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d’angiotensine, d’aldostérone et d’endothéline-1, augmente la filtration glomérulaire et l’excrétion rénale du sodium. Il diminue également la prolifération des muscles lisses vascu- laires. Il possède donc des actions natriurétique, diurétique et vasodilatatrice. Les propriétés de l’ANP sont très proches de celles du BNP et sont natriurétiques et vasodilatatrices.

Au niveau du SRAA, ANP réduit la libération de rénine, inhibe l’enzyme de conversion et bloque la libération d’aldostérone.

Ces caractéristiques sont partagées par les autres mem- bres de la famille. Comme ANP et BNP, CNP stimule la natriurèse et l’excrétion d’eau [13]. Son mode d’action semble toutefois plus ciblé sur l’arbre vasculaire et possède des propriétés vasodilatatrices puissantes, en particulier sur le système veineux. Il est également actif sur les vaisseaux du rein, et interagirait avec le SRAA. Il possède également une action cardioprotectrice en diminuant la prolifération des cardiomyocytes à l’origine de l’hypertrophie ventriculaire de l’insuffisance cardiaque [14].

ANP, BNP et CNP sont éliminés de l’organisme par l’action combinée de leur fixation au récepteur, et de leur dégradation par l’endopeptidase neutre plasmatique.

Peptides natriurétiques et leur utilité clinique

BNP et NT-proBNP

L’intérêt des peptides natriurétiques de type B est bien connu de la communauté des urgentistes qui les ont largement adoptés pour le diagnostic de l’ICA. Les études montrant une étroite relation entre la valeur de ces peptides et la fonc- tion ventriculaire gauche ont permis d’envisager leur utilisa- tion à visée diagnostique [6,15,16]. La valeur moyenne de BNP est de 1 076 pg/ml dans l’ICA et de 86 pg/ml chez les patients avec un diagnostic final de pathologie pulmonaire [17]. Les concentrations de BNP et NT-proBNP évoluent avec le stade de la classification NYHA (New York Heart Association) [6,16] et inversement à la fraction d’éjection cardiaque [18]. Les concentrations de BNP sont de 30 pg/ml en l’absence d’ICA, de 391 pg/ml en cas d’ICA diastolique, de 567 pg/ml pour l’ICA systolique et de 1 077 pg/ml en cas d’ICA systolodiastolique. Le BNP est corrélé à la pression télédiastolique du ventricule gauche, la pression artérielle pulmonaire d’occlusion [19] et à d’autres indices de performance cardiaque [20]. Les mar- queurs sont cependant peu performants pour différencier les différentes formes d’insuffisance cardiaque [6,16], de par l’important chevauchement des valeurs.

Deux études interventionnelles fondatrices sont basées sur des stratégies intégrant le biomarqueur dans la prise en charge des patients dyspnéiques aux urgences [21,22]. Elles démontraient que l’utilisation précoce du biomarqueur dimi-

nuait la morbidité et les coûts. L’une des études, mono- centrique, a montré sur 452 patients une diminution d’hospitalisation (75 vs 85 %), notamment en soins intensifs, une hospitalisation plus brève (8 vs 11 jours) et une écono- mie en soins (27 %). Cette étude retrouvait aussi une dimi- nution de la mortalité de 17 à 9 % chez les patients de plus de 70 ans. La seconde étude, multicentrique, montrait une réduction de 35 % des réadmissions à 60 jours, et une dimi- nution des coûts de 6 129 à 5 180 $ US. Un suivi reposant sur BNP ou NT-proBNP améliorerait le pronostic des patients insuffisants cardiaques chroniques par rapport à une prise en charge usuelle [23].

Le NT-proBNP, sécrété en même temps que le BNP, est un peptide de 76 acides aminés, résultant du clivage du proBNP au niveau sanguin (Fig. 1). À l’inverse du BNP, le NT-proBNP est plus lentement dégradé (Tableau 1) et semble ne pas avoir d’activité physiologique. Dans le sang, ses concentrations sanguines sont cinq à dix fois plus impor- tantes que le BNP. Il existe également une sécrétion sanguine du proBNP (108 acides aminés), qui doit être glycosylé pour subir un clivage activateur. Le proBNP biaise la mesure de BNP et NT-proBNP. Dans l’insuffisance cardiaque, les formes immunoréactives de BNP sont en concentrations élevées. Or, les patients sont paradoxalement en rétention hydrosodée avec activation du SRAA, et l’action du BNP semble faible. Des données récentes suggèrent que la frac- tion de BNP dosée dans l’insuffisance cardiaque est consti- tuée majoritairement de proBNP [24], physiologiquement inactif. Le proBNP retrouvé lors de l’insuffisance cardiaque serait non glycosylé et ne pourrait bénéficier du clivage acti- vateur par la furine [25].

BNP et NT-proBNP s’élèvent avec l’âge, en partie par l’hypertrophie physiologique du ventricule gauche.

L’obésité diminuerait ses concentrations sanguines, mais le diabète ne modifierait pas ses valeurs. Néanmoins, ni le poids ni le sexe, ni une insuffisance rénale modérée (clairancecréatinine≥60 ml/min par m2) ne modifieraient les

Fig. 1 Activation et produits de clivage dubrain natriuretic pep- tide(BNP). NT-proBNP :N-terminal pro-brain natriuretic peptide

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valeurs seuils de ces marqueurs [26]. Une clairancecréatinine

inférieure à 50 ml/min par m2s’accompagne d’une valeur seuil du NT-proBNP plus élevée, sans modifier la perfor- mance diagnostique. Cependant, l’élévation des peptides de type B avec l’âge et l’insuffisance rénale est un facteur à pren- dre en compte lors de l’interprétation des résultats. Ainsi, des seuils spécifiques sont proposés en fonction de ces para- mètres. Pour les insuffisants rénaux avec un débit de filtra- tion glomérulaire inférieur à 30 ml/min par m2, le dosage de BNP et NT-proBNP perd le plus souvent son sens clinique, les contraintes pariétales liées à l’hypervolémie et le défaut d’élimination des peptides s’accompagnant de leur élévation systématique. De plus, les valeurs de BNP et NT-proBNP permettent le plus souvent de faire un diagnostic positif ou négatif d’insuffisance cardiaque. Cela impose l’utilisation d’une stratégie avec deux seuils : un seuil inférieur sous lequel la probabilité d’insuffisance cardiaque est faible, un seuil au-delà duquel la probabilité d’insuffisance cardiaque est forte. Le corollaire est l’existence d’une zone d’incerti- tude quant à la signification des marqueurs. L’évaluation sur des populations non sélectionnées révèle que le nombre de patients dans la zone « grise », d’imprécision de la tech- nique, est très supérieur à celui des études de validation.

BNP et NT-proBNP sont également décrits dans le syn- drome coronarien aigu, la fibrillation auriculaire, les situa- tions d’insuffisance ventriculaire droite aiguë (embolie pulmonaire, exacerbation sévère de BPCO), l’hypertension artérielle, les infections, la cirrhose, l’anémie à moins de 10 g/dl [27,28]. Il convient de connaître ces situations pour mieux interpréter les résultats des marqueurs (Fig. 2).

Mid-regional pro-atrial natriuretic peptide(MR-proANP) L’ANP est sécrété par l’oreillette en réponse à la mise en tension des fibres musculaires. Il représente 98 % des pep- tides natriurétiques circulants [29] et est approximativement 10 à 50 fois plus élevé que BNP. L’ANP mature dérive de la partie carboxyl-terminale 99–126 d’une prohormone, le proANP [29]. La sécrétion d’ANP est accompagnée de la libération équimolaire de la partie N-terminale de la prohor- mone [30]. L’ANP disparaît rapidement de la circulation après liaison aux récepteurs et hydrolyse par les endo- peptidases plasmatiques [30]. La demi-vie du proANP étant plus longue que celle de l’ANP, le dosage de proANP est plus fiable en pratique clinique [31] avec des avantages techniques pour le dosage du MR-proANP [32]. MR-proANP voit son élimination diminuée lors d’une insuffisance rénale. Peu d’études ont, à ce jour, été publiées sur le MR-proANP pour évaluer la dyspnée aux urgences. Une étude rétrospec- tive allemande a apporté la preuve que le MR-proANP possé- dait une performance satisfaisante (aire sous la courbe ROC = 0,88) pour le diagnostic d’ICA, avec un seuil de 169 pmol/l [33]. Sur une cohorte d’insuffisants cardiaques chroniques, MR-proANP est corrélé à la classe NYHA. Les valeurs élevées apparaissent comme un facteur indépendant de mortalité à un an, et les performances pronostiques sem- blent peu modifiées par la fonction rénale [34]. MR-proANP et BNP possèdent des caractéristiques équivalentes pour le pronostic des insuffisants cardiaques (aire sous la courbe ROC = 0,88 vs 0,92). Un seuil de 147 pmol/l est pertinent pour le diagnostic d’ICA, avec une sensibilité de 90 % Tableau 1 Principales caractéristiques physiologiques des peptides natriurétiques.

ANP MR-proANP BNP NT-proBNP CNP DNP

Structure

Aminoacides (n) 28 aa 32 aa 22 aa 38 aa

Stockage Oreillettes Ventricules Endothélium Oreillette

Demi-vie (min) 25 45 1222 6090 23 Inconnue

Propriétés

Natriurèse +++ +++ +++ 0 ++ +++

Vasodilatation + 0 + 0 +++ +

SRAA + + + 0 + +

ANP :atrial natriuretic peptide; MR-proANP :mid-regional pro-atrial natriuretic peptide; BNP :brain natriuretic peptide; NT- proBNP :N-terminal pro-brain natriuretic peptide; CNP :C-type natriuretic peptide; DNP :Dendroaspis natriuretic peptide; aa : acides aminés ; min : minute.

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mais une faible spécificité (68 %) [35]. Dans une étude sur 281 patients dyspnéiques aux urgences [36], MR-proANP et BNP possédaient une aire sous la courbe ROC de 0,92 (p= 0,79) pour déterminer la présence d’une ICA pour un seuil de 206 pmol/l. Dans l’étude BACH s’intéressant aux patients des urgences avec dyspnée aiguë, MR-proANP équivaut à BNP et garde un intérêt diagnostique chez les insuffisants rénaux, obèses, âgés, ou chez les patients dont les valeurs de BNP ou NT-proBNP sont dans la zone d’incertitude [37]. Une autre étude nuance ces résultats, MR-proANP n’étant pas meilleur que BNP et MR-proANP chez l’insuffisant rénal [38]. Le seuil de MR-proANP était de plus beaucoup plus élevé dans la population de cette étude (318 pmol/l, sensibilité 69 %, spécificité 80 %).

CNP

À la différence d’ANP et BNP, les concentrations de CNP circulant ont longtemps été aux limites de détection des tech- niques, la protéine apparaissant intracellulaire pour l’essen- tiel. Récemment, des améliorations technologiques ont permis de déterminer l’augmentation des valeurs de CNP chez les patients insuffisants cardiaques. Une étude sur des échantillons issus de sujets bénéficiant d’un cathétérisme cardiaque a permis d’authentifier que le cœur était le lieu privilégié de la sécrétion du peptide [39]. Le sexe et la fonc- tion rénale influençaient la concentration de CNP. À ce jour, trop peu de données cliniques sont disponibles pour évaluer l’intérêt pratique de ce dosage.

DNP

Les données concernant le DNP chez l’homme sont très par- cellaires. Un article datant de 1999 rapporte la présence d’un peptide immunoréactif avec le test pour détection du DNP dans le sang circulant de 19 sujets sains, et des concentra- tions plus élevées chez le malade en insuffisance cardiaque [40]. Bien que son action potentielle soit étayée par le fait que DNP se fixe aux récepteurs des mammifères et induise la même réponse que les autres peptides de la famille, son inté- rêt diagnostique est pour l’instant incertain.

Conclusion

Leurs performances diagnostique et pronostique font des peptides natriurétiques un outil majeur à disposition de l’ur- gentiste, qu’il convient d’utiliser avec discernement et en connaissant leurs limites. Les propriétés de ces hormones suscitent l’espoir de leur utilité thérapeutique, un agent dérivé du BNP étant d’ores et déjà développé dans le traite- ment de l’insuffisance cardiaque [41]. La découverte récente de nouveaux membres complexifie le rôle de chacun de ces partenaires, mais constitue une source de progrès futurs dans la compréhension, le diagnostic et le traitement de l’insuffi- sance cardiaque, notamment dans le contexte de l’urgence.

Conflit d’intérêt :les Dr P. Ray, C. Chenevier-Gobeaux et Y.-E. Claessens déclarent avoir reçu des crédits de recherche des sociétés Brahms et Roche diagnostic.

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le dosage duB-type natriuretic peptide(BNP).(1)Lorsque lOAPc est évident (infarctus du myocarde à la phase aiguë et détresse res- piratoire), ou lorsque le diagnostic dOAPc nest pas envisagé (fractures costales avec hémothorax), il nest pas utile de doser le BNP aux urgences.(2)LOAPc est presque certain lorsque le BNP supérieur à 400 pg/ml, il est alors licite de demander une écho- graphie cardiaque afin de déterminer lorigine de linsuffisance cardiaque.(3)Lorsque la valeur du BNP est comprise entre 100 et 400 pg/ml, linterprétation est plus délicate : l’œdème pulmonaire cardiogénique est probable chez un sujet jeune et possible chez un sujet âgé, il peut sagir également dune insuffisance cardiaque droite, dont il faudra déterminer lorigine (embolie pulmonaire).

Lévaluation éventuelle dun « traitement dépreuve » ne se conçoit quavec les variations de critères objectifs tels que : fréquence respiratoire, poids, PaO2, protidémieet pas uniquement sur la diurèse. ECG : électrocardiogramme ; GdS : mesure des gaz du sang artériel ; ICA : insuffisance cardiaque aiguë

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