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Géographie Économie Société : Article pp.429-449 du Vol.10 n°4 (2008)

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Géographie, économie, Société 10 (2008) 429-449

géographie économie société géographie économie société

Les centres d’artistes autogérés

et leur rôle dans l’attraction de la classe créative Artist run centres:

their role in the attraction of the creative class

Diane-Gabrielle Tremblay

*

et Thomas Pilati

1*

Télé-université, UQAM,

100 Sherbrooke ouest, Montréal, Québec, Canada H2X3P2

Résumé

Les centres d’artistes autogérés constituent un modèle fort original d’organisation de la pro- duction et de la diffusion artistiques. Ce sont des collectifs d’artistes qui sont devenus des com- municateurs, gestionnaires, producteurs, diffuseurs et ce, sans abandonner leur raison d’être première : la création d’œuvres. Nous avons étudié les facteurs qui favorisent leur développe- ment, ainsi que la contribution de ces organismes au développement de la cité créative (Landry, 2000 ; Landry et Bianchini 1995 ; Florida, 2002) et dans le développement d’initiatives locales axées sur l’art et la culture. Enfin, nous nous sommes aussi intéressés à la contribution des organismes gouvernementaux ou des initiatives subventionnées par le gouvernement puisque celles-ci peuvent soutenir les centres d’artistes et, ainsi, influer sur le dynamisme artistique- culturel et la création d’initiatives artistiques locales.

© 2008 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

1Diane-Gabrielle Tremblay est titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organi- sationnels de l’économie du savoir (www.teluq.uquebec.ca/chaireecosavoir). Thomas Pilati est architecte et assistant de recherche à la Télé-université de UQAM.

*Adresses email : thomaspilati@gmail.com ; dgtrembl@teluq.uqam.ca

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Summary

Artist run centres constitute an original model of production and diffusion of artistic products. They are composed of artists, who take on activities of communication, management, as well as produc- tion and distribution of artistic products, without abandoning their initial reason for being, that is the creation of art. We studied the factors which favour their development, as well as the contri- bution of these organizations to the development of the “creative city” (Landry, 2000 ; Landry et Bianchini 1995 ; Florida, 2002), and the development of local initiatives centered on art and culture.

We also looked into the contribution of the State departments or State-supported initiatives, since they can also contribute to support these centers, and thus the local artistic dynamism.

© 2008 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots-clés : Centres d’artistes autogérés, district culturel, classe créative, artistes, cité créative, initiatives locales.

Keywords: artist run centres, cultural district, creative class, artists, creative city, local initiatives.

Introduction

Les arts et la culture sont, selon plusieurs auteurs (Landry, 2000 ; Landry et Bianchini 1995, Florida, 2002 ; Florida et al. 2005 etc.), les ingrédients fondamentaux pour un niveau élevé de qualité de vie. En particulier, on attribue souvent cette caractéristique au Québec et à Montréal. Les emplois du milieu culturel sont de plus en plus en mesure de se distinguer par leur inspiration créative ; ils contribuent largement au soutien et au développement socioéconomique ainsi qu’à la vitalité culturelle de la ville.

Dans ce contexte, les chercheurs s’intéressent à la « société créative » et au rôle essen- tiel de la créativité comme ressource majeure pour nos activités, professionnelles et ludi- ques. Ces activités permettraient aussi de développer des nouvelles formes sociales et de favoriser un processus social d’accumulation du savoir.

Jane Jacobs (1984), Charles Landry (2000 et Landry et Bianchini 1995) et Richard Florida (2002) exposent, dans divers documents, leurs thèses sur les corrélations pos- sibles entre le dynamisme artistique et culturel et le développement urbain d’une ville- région (Pilati et Tremblay, 2007a).

Le présent article repose sur l’hypothèse que les idées, le savoir et les échanges d’in- formations sont les outils de production des nouvelles innovations et sont aussi indis- pensables à la prospérité économique que les ressources naturelles et le capital financier.

Ainsi, la ressource critique devient le bassin de travailleurs créatifs, disposant d’un haut niveau de qualification et qui ont non seulement le potentiel pour attirer et fixer l’investis- sement, mais également pour stimuler le développement de l’innovation au niveau local.

La ville devient créative et compétitive et les plus importants centres créatifs transfor- ment l’image et l’aspect physique du lieu pour se donner un pouvoir d’attraction destiné à une nouvelle catégorie sociale composée de créatifs, soit la « classe créative » identifiée par Florida (2002). Cependant, le succès avec lequel une région urbaine peut générer et retenir une activité de création dépend aussi de la qualité du lieu et du niveau de promo- tion du bon voisinage et de la cohésion sociale au sein de sa communauté. À l’instar de nombreux auteurs, Jean-François Bouchard (Tremblay, J., 2006) ajoute qu’il faut être non

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seulement les meilleurs dans ce que l’on fait, mais il faut aussi être les seuls à le faire.

Cela exige de la créativité.

Dans cet article, nous nous pencherons sur les centres d’artistes autogérés, un modèle original et concret de groupe de créatifs en Amérique du Nord qui apportent un soutien fondamental à la créativité de Montréal et contribuent aussi, par leurs actions et influen- ces, à l’attraction de nouveaux talents et d’individus hautement qualifiés. Notre but est de comprendre le point de vue des artistes/gestionnaires des centres d’artistes autogérées et des individus clés qui sont actifs dans le milieu des arts visuels en ce qui concerne le rôle des arts et de la créativité dans le développement.

Les centres d’artistes autogérés constituent un modèle fort original d’organisation de la production et de la diffusion artistique ; ils constituent en quelque sorte un modèle d’écosystème créatif, composé d’artistes qui se regroupent dans des secteurs géographi- ques spécifiques de la ville. Ces centres sont des collectifs d’artistes qui sont d’ailleurs devenus des communicateurs, gestionnaires, producteurs, diffuseurs et ce, sans abandon- ner leur raison d’être première : la création d’œuvres.

Nous allons aussi analyser le réseau et les interactions que les centres instaurent avec les autres organismes ou associations à l’échelle locale, ainsi que les avantages associés à la collaboration avec les universités et les acteurs du territoire à Montréal, puisque nous nous intéressons à l’incidence de ces organismes sur le développement local et sur le réseautage lié au développement d’autres types d’initiatives locales. Pour ce faire, nous nous sommes intéressés aux avantages et à la participation des centres d’artistes au sein des associations sociales. La présence et l’accroissement de la classe créative, associée à ces développements, se base sur la création de réseaux et de synergies au sein des associa- tions qui jouent un rôle de développement de la ville, que ce soit sur le plan économique, social ou culturel. Enfin, nous nous sommes aussi intéressés à la responsabilité des orga- nismes gouvernementaux ou des initiatives subventionnées par le gouvernement puisque celles-ci peuvent influer sur le dynamisme artistique-culturel et nous avons voulu évaluer leur contribution aux initiatives artistiques locales.

1. Méthodologie

Cet article se base sur une recherche exploratoire que nous avons réalisée entre septembre 2005 et février 2006 et qui repose sur une recherche documentaire, mais surtout sur une série d’entrevues (15). Afin de guider les entrevues semi structurées, nous avons construit un guide d’entretien pour explorer les différentes dimensions liées aux thèses explorées ici.

Ce guide se compose de quatre parties : les 17 premières questions s’intéressent au par- cours des travailleurs hautement qualifiées et/ou créatifs (les antécédents, les attraits de la région montréalaise pour les artistes et sa capacité de retenir les individus talentueux) ; la deuxième partie propose sept questions qui traitent des forces et faiblesses de la ville, des aspects qui facilitent la créativité et des attraits de la ville qui favorisent la rétention.

Les troisième et quatrième parties comportent 13 questions et visent à préciser le rôle qu’assument les centres d’artistes autogérés dans le réseau des acteurs du territoire et le dialogue avec les différents organismes liés au développement de la ville. Enfin, les der- nières questions concernent la cohésion sociale, les normes régionales et les valeurs pour les nouveaux résidents et arrivants et visent à tester l’importance de ces valeurs et normes,

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en lien avec le bohemian index de Florida, soit l’importance de ces valeurs et normes plus

« ouvertes » sur l’attraction et la rétention de main-d’œuvre.

2. Les centres d’artistes autogérés : de quoi s’agit-il ?

Les centres d’artistes autogérés sont des organismes artistiques-culturels qui semblent représenter une configuration propre au Canada et au Québec. Les centres d’artistes auto- gérés constituent un modèle qui favorise le soutien de l’imagination, de l’expérimenta- tion créative et qui touche l’action sociale et communautaire, dans un contexte flexible, dynamique, multidisciplinaire et ouvert à la création d’un réseau stable de collaboration.

Ils assurent une présence active dans le milieu de l’art et ils sont une porte d’entrée privi- légiée pour beaucoup d’artistes qui débutent dans le circuit des lieux d’exposition profes- sionnels (Gilbert et al. 2005). Ce modèle est reconnu comme très innovateur et peut sans doute inspirer d’autres villes qui s’intéressent au développement de la cité ou de la classe créative, et en particulier à sa composante artistique, comme cela semble être le cas de plus en plus de villes (Markusen 2006 ; Markusen et King, 2003).

Ces centres autogérés voient le jour dans les années 60, dans le contexte de ce qui fut appelé la Révolution tranquille, une époque qui a apporté au Québec de profonds change- ments politiques et sociaux. Il y a alors un vaste mouvement de libéralisation qui se fait sentir aussi bien dans le monde des arts, lettres, théâtre, cinéma, que dans l’ensemble de la société québécoise. Ces facteurs, accompagnés par l’apparition de nouvelles technologies réorientent la notion même d’arts visuels autant que les moyens de diffusion de la créa- tion contemporaine, et contribuent à créer au Québec un terrain particulièrement propice pour l’émergence et la diffusion d’un mouvement dont on aurait difficilement pu prévoir le succès (Pilati et Tremblay, 2007a).

À cette époque, la création contemporaine, souvent représentée par des pratiques que peu de galeries privées ou de musées étaient intéressés à soutenir (Gilbert, 2005 : 65), a forcé le développement de structures communautaires conçues par des artistes du milieu des arts visuels. Quelques-uns de ces artistes se sont vus forcés de développer des alter- natives et de mettre en places des structures parallèles pour diffuser leur art.

Au fil des ans, d’autres mouvements d’artistes de même nature se forment spontanément et s’installent principalement à Montréal, sous forme de grappes d’artistes, dans certains secteurs de la ville. En 1986, les responsables des organismes culturels du Québec décident de les qualifier de centres d’artistes autogérés, un nom qui tire son origine de celui qui cir- culait dans les milieux anglophones au Canada et aux États-Unis et qui est encore en usage aujourd’hui, soit les artist-run-centers (Gilbert 1992 ; 2005). La même année, dans une école d’art de Vancouver, les représentants de dix-sept centres d’artistes discutent de la création d’une association québécoise de galeries d‘art contemporain. Ce réseau se formalise dans un organisme de services et de gouvernance représentatif, qui tente d’améliorer le regroupe- ment au sein du réseau, en opérant un rapprochement entre les centres des régions et ceux de Montréal. Il s’agit aussi d’un instrument de promotion et de ralliement, qui sera connu sous le nom de Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec, RCAAQ.

Lorsque les centres d’artistes autogérés ont décidé de former ce regroupement, c’était d’abord pour se doter d’une voix auprès des instances gouvernementales provinciales et muni- cipales. À ce moment-la, explique Gilbert, directeur depuis 1990 et l’un des membres fonda-

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teurs du RCAAQ, « les centres d’artistes autogérés n’étaient aucunement représentés auprès du gouvernement du Québec et des autorités municipales. » Il faut attendre près de vingt ans après l’émergence des premiers mouvements et la construction d’un réseau solide à travers le territoire pour que les centres d’artistes autogérés soient reconnus officiellement par le gou- vernement. Aujourd’hui, il existe une soixantaine de ces centres dans 15 régions et 25 villes du Québec, dont une vingtaine qui se sont installés sur le territoire métropolitain de Montréal.

Zanasi et al. (2000 :E1) ainsi que Tayler (2005) indiquent que les centres d’artistes autogérés sont l’axe majeur soutenant la pratique en art visuel au Canada. De la même manière, Myer (2002 : 203) considère les centres comme des incubateurs pour l’art du futur et, selon Joy (2000 : 91), ces organismes sont au moins « cinq ou dix année en avance en termes de style et de technique par rapport aux galeries privées » (citation de Byrne et al., 2006).

Ces mouvements émergent grâce à des actions auto-organisées, ainsi créés par la volonté explicite d’un groupe d’individus créatifs qui désirent améliorer leur potentiel d’innovation. Il a été observé que dans un contexte qui n’est pas trop réglementé et pla- nifié, l’interaction des individus créatifs peut devenir un caractère émergent de la ville (Jacobs, 1961 ; Florida 2004a,b 2005 ; Pilati et Tremblay, 2007a, 2008). Subséquemment, la Ville peut répondre aux demandes, notamment avec une aide financière et des investis- sements en capital physique.

Mais quels sont les objectifs des centres d’artistes autogérés ? D’abord, ce sont des organismes à but non lucratif, formés et dirigés par un collectif d’artistes professionnels du domaine des arts visuels qui ont pour objectif de réaliser des projets en commun, de partager et de soutenir un lieu de production et de diffusion pour les arts, ainsi que de sti- muler la recherche, l’expérimentation et la croissance de la communauté artistique locale.

L’organisation de ces centres est caractérisée par l’autogestion, c’est-à-dire « la prise en charge de leurs moyens de diffusion et de production par des groupes d’artistes qui, traditionnellement, s’en remettaient à d’autres pour diffuser leur travaux et à leur propres moyens pour ce qui touchait à la production. » (Gilbert, 2005 : 64).

Voyons maintenant les facteurs qui favorisent ou nuisent au développement des cen- tres autogérés à Montréal, puisque nous avons voulu connaître ce qui favorisait leur développement à Montréal.

3. Forces et faiblesses de la ville de Montréal pour les centres d’artistes autogérés Avec le temps et les 60 centres dispersés à travers le Québec, les centres d’artistes sont devenus un modèle pour plusieurs, avec une bonne stabilité et une bonne réputation dans le milieu artistique, surtout pour la qualité des leurs activités. À l’extérieur du Canada toutefois, les centres d’artistes autogérés sont peu connus parce qu’ils manquent souvent de visibilité, d’où l’intérêt de faire connaître ce modèle.

L’historique, la visibilité physique, l’expertise et la qualité des activités sont des don- nées non négligeable, mais « le développement du public n’est pas le même pour le centre qui a pignon sur rue que pour celui qui est situé dans un édifice, à tel étage, au but du cou- loir » affirme Annie Gauthier (Lambert-Chan, 2006 : 7), coordinatrice du développement professionnel du RCAAQ.

De fait, en vue de s’assurer un loyer à bas coût, les centres s’installent généralement dans des logements abordables en location ou dans des espaces de type lofts. Dès le

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début des années 80, les centres ont contribué à sauver des lieux industriels et com- merciaux menacés de disparition, comme sur le boulevard Saint-Laurent ou sur la rue Sainte-Catherine, où ils ont créé des axes culturels. Aujourd’hui, ces secteurs se sont étendus et ont monté le long du boulevard Saint-Laurent, en passant par les édifices du Balfour, du Cooper Building et du 4060. Sur Sainte-Catherine, entre le Belgo, le 460, ou le Blumenthal, on trouve plusieurs centres d’artistes. Ces parcours ou circuits d’art contemporain, les centres d’artistes en ont été les instigateurs (Gilbert et al. 2005 :6).

Entre 1997 et 2001, les plans mettent en évidence les secteurs de la ville qui ont accueilli une augmentation d’ateliers d’artistes dans la zone métropolitaine de Montréal : il s’agit de l’axe de la rue Sainte-Catherine et du boulevard Saint-Laurent, en passant par le Plateau Mont-Royal et le Mile-End. Les centres ont tendance à privilégier des espaces de travail et d’exposition qui donnent directement sur la rue, comme dans le cas des cen- tres Articule, Clark2 et Pavillon3, puisque les gens peuvent alors jeter un coup d’œil à l’in- térieur du centre et, éventuellement entrer. Par rapports aux autres villes en Amérique du Nord, Montréal se caractérise par un marché immobilier encore abordable, ce qui permet aux centres d’artistes d’avoir accès à de tels espaces. Selon les entrevues effectuées, une bonne partie des travailleurs hautement qualifiés ou créatifs vivent dans les quartiers de Montréal qui sont dits « créatifs4 », en particulier le Plateau Mont-Royal et le Mile-End.

Ainsi, une artiste (MJL) soutient que « Montréal a quand même une qualité de vie qui est abordable, ne serait-ce que pour le logement, on peut quand même trouver, on n’est pas quand même obligé d’être égorgé pour payer un logement, un loyer dans une ville nord- américaine ». Un autre artiste, E.G., ajoute que « se retrouvent des ateliers d’artistes et des galeries dans ces mêmes lieux où opéraient il y a quelques années encore des industries manufacturières du textile. Il subsiste de ces industries concentrées en périphérie comme la zone de Chabanel, mais il y en a aussi au milieu des zones résidentielles comme c’est le cas sur la rue de Gaspé entre les rues Maguire et Saint-Viateur. Ces énormes buildings en béton demanderaient de trop gros investissements pour être transformés en résidentiel.

Ce sont les créateurs qui reprennent ces espaces car les loyers sont les moins chers et l’accessibilité est adéquate. Il s’agit de la première phase classique de gentrification par l’activité culturelle plus ou moins alternative ».

Enfin, M.B., artiste et coordonnateur général du centre d’art et de diffusion Clark sou- tient que le quartier Mile-End où son centre est installé, « est en train de vivre un chan- gement radical : juste l’apport de nouveaux centres d’artistes depuis qu’on est installé ici dans le quartier, Dare-dare, Articule, l’Espace circulaire, ça dynamise beaucoup et les gens savent qu’ils peuvent se trouver un atelier dans ce quartier ci. C’est encore indus- triel, mais pour combien de temps, on ne le sait pas… Ça c’est sûr. On ne sait pas si dans 20 ans on sera encore là, moi ça j’en doute ».

2 Le centre Clark à Montréal est un centre d’artiste autogéré basé sur le multidisciplinaire. Le centre est composé des ateliers individuels d’artistes spécialisés pour le travail du bois.

3 Pavillon est le nom de la compagnie de production crée par les artistes Maryse Larivière et Robin Simpson.

Depuis 2003 il produit des événements artistiques, des expositions, des concerts et des œuvres artistiques.

4 Selon les rapports de Hill Stratégies Recherche (2005 ; 2006), Montréal renferme 5 des 10 quartiers les plus créatifs au Canada. Le Plateau Mont-Royal compte 605 artistes parmi une population active totale de 7 560, soit une concentration d’artistes de 8,0 %. Il s’agit du « quartier le plus créatif » au Canada, avec une concentration dix fois supérieure à la moyenne canadienne de 0,8 %.

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Source : Ville de Montréal, 2003. Direction du développement urbain. Division des politiques et du plan d’urbanisme.

Figure 1. Localisation des centres d’artistes à Montréal, 1997-2001

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Dans les centres d’artistes autogérés, le recrutement des artistes ou des travailleurs hautement qualifiés et créatifs est davantage fait au niveau local. En conséquence, on y trouve très peu de travailleurs créatifs qui sont nés en dehors du Canada. Ils proviennent surtout de la province et de Montréal. Le recrutement de gens qui proviennent de l’étran- ger et qui sont intéressés à travailler dans ce milieu, exige que le modèle de fonctionne- ment du centre soit connu de ces personnes.

La multidisciplinarité des centres facilite la création et le développement de nouveaux projets. Ensuite, ceci facilite les liens et l’attraction des individus d’autres horizons cultu- rels, ouvre davantage des portes aux réseaux de contact et aussi l’occasion d’échanges d’opinions. Les artistes apprécient d’avoir ainsi la possibilité de se confronter avec diffé- rentes écoles de pensée ou techniques en art.

Par contre, selon les artistes, il est difficile de lancer de nouvelles avenues d’expérimen- tation, alors que ceci est important puisque les centres soutiennent souvent le démarrage de carrière de jeunes artistes. De plus, le grand public n’est pas nécessairement très ouvert à l’art contemporain, ce qui rend plus complexe l’intervention des centres d’artistes dans leur quartier. En effet, cette forme artistique paraît moins accessible au grand public que ne le sont le théâtre, le cinéma ou la littérature. Ce sont là les principales difficultés auxquelles ils sont confrontés, mais la présence des centres d’artistes dans divers quartiers les aide tout de même à faire connaître leur forme d’art et à la rendre plus accessible, du moins lorsque le centre est situé dans un quartier commercial et directement accessible de la rue.

Ainsi, plusieurs artistes et créatifs sont régulièrement invités par les centres à faire une contribution active à la programmation du centre et, souvent, à tenter de faire connaître leur art au-delà du milieu artistique immédiat, soit auprès de la population du quartier et des écoles. L’attraction des talents et des créatifs et l’ouverture internationale sont des objectifs importants pour les centres. Catherine Bodmer, une artiste suisse installée au Québec qui a été séduite dès le début par le modèle des centres d’artistes autogérés, sou- tient que ce système « nous distingue vraiment des autres pays. D’ailleurs, c’est connu, si vous voulez être un artiste, mieux vaut l’être au Québec ! » (Lambert-Chan, 2006 : 7).

4. Les centres et la classe créative

Les artistes des centres d’artistes autogérés regroupent des individus ayant un certain ethos créatif, de sorte qu’on peut penser qu’ils appartiennent à la « classe créative », si celle-ci existe bien. Florida (2002) remarque que cette classe est une communauté consti- tuée d’une clusterisation de professionnels dans certains domaines, c’est-à-dire des grap- pes professionnelles qui se regroupent dans des lieux qui se distinguent par une grande ouverture et tolérance, comme dans les centres urbains, où la population est ouverte au multiculturalisme, tout comme aux gais, par exemple (Tremblay et Tremblay, 2006, dir.).

Selon Florida (2005) « la théorie du capital créatif stipule que les stratégies de croissance économique régionale ne peuvent reposer uniquement sur l’analyse traditionnelle des grappes industrielles : elles doivent aussi intégrer l’analyse des grappes occupationnelles ou professionnelles. Ces dernières sont définies à partir de ce que font les individus dans le cadre de leur travail et du lieu où ils choisissent d’habiter ».

Dans les centres d’artistes, la créativité des individus s’exprime d’abord dans le tra- vail créatif, mais aussi à travers l’autogestion. Dans ce contexte, l’autogestion apparaît

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comme une notion très large, adaptée aux besoins d’un groupe d’individus qui a pensé à l’adopter comme outil de développement et stratégie d’action pour le développement du secteur des arts et de la carrière des artistes.

Dans le cadre de notre recherche, nous nous sommes notamment intéressés à la manière dont se manifeste cette autogestion. Bien sûr, ces individus créatifs cherchent d’abord une certaine autonomie créative. Elle se manifeste par l’expérimentation, les échanges de connaissances et de techniques avec d’autres, mais surtout par le projet personnel qui guide l’artiste. L’avantage de développer sa carrière dans le cadre d’un centre d’artiste autogéré, c’est que cette démarche personnelle peut être alimentée par l’action sociale, le dynamisme du milieu, la création d’un réseau et la multidisciplinarité.

L’autogestion du centre constitue en soi une action sociale puisqu’elle s’exerce dans le contexte d’un collectif au statut à but non lucratif, soit un organisme dit OBNL. Ce statut d’autonomie peut se conjuguer à l’esprit de solidarité, comme le soutient Gilles Arteau (1992), président du conseil d’administration du RCAAQ.

Une fonction prioritaire des centres s’artistes est que la valeur commerciale de la production d’artiste ne doit pas être prioritaire. Les centres doivent favoriser d’autres dimensions, soit la recherche et l’expérimentation ; ils doivent susciter la réflexion et le développement des pratiques artistiques actuelles.

Un autre aspect important de l’autogestion a trait à son rôle indispensable pour la crois- sance du milieu artistique dans la région de Montréal. L’autogestion des centres joue un rôle déterminant dans le dynamisme, l’avancement et la diffusion de nouvelles pratiques émergentes en arts visuels. En effet, les centres d’artistes autogérés sont des organismes d’avant-garde qui offrent des espaces de créativité, mais aussi des emplois aux individus de la classe créative, soit les individus talentueux, hautement qualifiées et/ou créatifs du milieu artistique. Les centres ne se définissent pas par une gestion conservatrice, puisque l’autogestion doit viser le mandat de l’expérimentation et de la création. Plusieurs centres d’artistes offrent au public des activités et événements qui ne sont pas habituellement proposés dans les musées ou les galeries privées. À l’exclusion de quelques lieux qui se consacrent à ces activités, le centre d’artiste est l’endroit par excellence pour développer une recherche approfondie en art contemporain et actuel.

Les centres inscrivent une présence artistique dans le milieu et tissent des liens, ce qui permet la création de performances et d’événements d’envergure. Pour n’en citer que quelques-uns, mentionnons que Dazibao est un organisme qui soutient des pratiques artis- tiques et des réflexions théoriques offrant un point de vue novateur sur la photographie, en proposant des liens singuliers avec d’autres disciplines. Dazibao a ainsi conçu l’évé- nement « Des Photographes », une démarche innovatrice qui proposait une lecture côte à côte de l’évolution de diverses formes qui ne sont pas habituellement associées : le texte avec l’image, l’art et la littérature. Le centre Studio XX vise à favoriser la création et la diffusion des œuvres technologiques, numériques et audionumériques créées par les fem- mes. La Centrale Gallerie Powerhouse, un des plus anciens centres d’artistes au Québec, se distingue également par la diffusion de l’art actuel produit par des femmes.

Les artistes des centres sont aussi des gestionnaires, et doivent donc acquérir des connaissances dans le domaine du marketing et de l’administration, afin de pouvoir assu- rer l’autogestion quotidienne du centre. En effet, le centre comporte une application pra- tique indispensable et indiscutable, celle de « fournir des services professionnels à des

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professionnels » (Gilbert, 2005 :69). Il arrive même que les artistes qui travaillent dans les centres soient condamnés à laisser tomber leur pratique artistique pour s’occuper davan- tage des questions de financement et de programmation.

La grande diversité des spécialisations est une caractéristique prégnante des centres d’artistes et la plurivalence des pratiques se présente sous différents angles. Le centre de diffusion Dare-Dare a le mandat de diffuser le travail des jeunes artistes, en privilégiant le métissage de différents domaines. Le centre est spécialisé en projets hors les murs et sen- sibles aux pratiques hybrides qui s’insèrent directement dans la trame physique et sociale du paysage urbain. D’autres organismes proposent une ouverture aux problématiques sociales : ainsi, Articule vise l’appui stratégique à des pratiques engagées sur des ques- tions politiques et sociales et se préoccupe aussi des subjectivités inhérentes aux discours artistiques. Né grâce à la contribution du curateur artistique et écrivain canadien William Ewing, Optica est l’un des premiers mouvements de créatifs à voir le jour au Québec au début des années 1970. Le centre se consacrait initialement à la diffusion de la photogra- phie. Au fil des ans, et à partir de 1975 s’ajoutent la peinture, la sculpture, la vidéo, la musique et la performance. D’autres établissements proposent des visages multiples de la photographie : les centres Vox5 et Dazibao. Ce dernier s’engage aussi dans une réflexion sur la notion de la photographie et il tente d’explorer les usages parfois imprévus, en pro- posant des liens singuliers avec d’autres disciplines.

Une caractéristique marquante de ces individus créatifs est représentée par la création d’un réseau, qui exprime en quelque sorte la « force des liens faibles ». Cette notion de « force d’un lien » est une combinaison de qualité de temps, d’intensité émotionnelle, d’intimité et de ser- vice réciproques (Granovetter, 1995). Selon Granovetter, les liens faibles sont importants pour le pouvoir social, car les individus peuvent y trouver des sources de puissance ou de richesse.

Ensuite, ils sont toujours plus importants que les liens forts lorsqu’il est question de trouver de l’emploi, de l’information ou des idées. Ils sont nombreux et forment des « ponts locaux » qui créent des chemins plus courts et plus nombreux entre les individus dans le réseau » (idem).

C’est sous cet angle que les centres d’artistes nous paraissent intéressants pour étudier le sec- teur artistique ou culturel et son rôle dans le développement socio-économique.

Les centres s’inscrivent dans un modèle d’organisation sociale qui se caractérise par une micro « communauté », c’est-à-dire un ensemble d’individus qui vivent et travaillent dans un secteur spécifique de la ville et qui partagent un espace urbain en commun et, pour paraphraser le philosophe et sociologue Tönnies (1887), ayant aussi des intérêts, des aspirations et des sen- timents en commun. Une telle définition nous conduit à dire que la dimension du groupe, dans un même espace géographique, renforce l’esprit de solidarité, de cohésion et de protection6.

Certains phénomènes ont conduit à attirer ces individus dans le même espace (à Montréal par exemple l’édifice Belgo et l’établissement sur la Rue Berri), surtout le sentiment d’appartenance au même mouvement social dans une modalité d’organisa-

5 Vox est un centre qui se consacre exclusivement à la photographie. Il a présenté la première édition du

« Mois de la Photo » à Montréal, l’unique biennale de ce domaine au Canada

6 Selon le sociologue Tönnies (1887) la communauté est caractérisée par un sens d’appartenance et de col- lectivité commune qui est lié à un groupe naturel. L’organisation sociale était basée sur la propriété commune et la solidarité, le partage de la même activité travail et du style de vie. Puis, l’anthropologue Cohen (1985) élargit la notion même de communauté et la relation avec sa valeur symbolique, c’est-à-dire d’ensemble d’individus partageant des valeurs et ayant un fort sens d’identité commune.

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tion territoriale qui est marquée par une concentration géographique du type des grap- pes (clusters)7. L’économiste Michael Porter (1999) souligne que la proximité apporte des avantages importants en matière d’innovation. En effet, la proximité, associée à la concurrence et à la coopération, agirait sur le caractère innovateur de la communauté.

Les centres d’artistes autogérés jouent un rôle important dans le processus de grappes ou de développement d’un cluster dans le domaine des arts et la culture et peuvent donc créer cette proximité essentielle à l’innovation et à la créativité artistique8 (Rosenfeld, 2004 ; Torres, 2002). Cette dimension est aussi indispensable pour la réalisation de projets conjoints, d’échange d’une grande quantité d’informations spécialisées de diverses natu- res, artistique autant que technique, qui s’accumulent et circulent au sein de cette grappe et favorisent le développement de nouveaux projets innovateurs, notamment en matière d’art contemporain et d’installations par exemple.

Pendant les années 80 et 90, un point nodal créatif important se situait autour du Boulevard Saint-Laurent et de la Rue Duluth. Dans ce district industriel, les bâtiments désaffectés laissent la place à une vingtaine de galeries, de centres d’artistes autogérés, d’entreprises d’édition et de danse9. Une situation toutefois temporaire, puisque comme nous le rappelle Gilbert, la majorité des centres d’artistes sont locataires10, donc « soumis aux déménage- ments et évictions qu’entraînent dans leur sillage les nombreux promoteurs immobiliers qui convoitent les lieux que les artistes et les centres ont mis à la mode. » (Gilbert, 2005 :71).

Tableau 1. Structure des espaces de travail des centres d’artistes

ORGANISATION Type d’espace occupé Type de propriété Coût

Occurence locatif Privé moyen

Studio XX locatif entreprise privée faible

Champ Libre pas d’espace défini - -

Centre Optica locatif Privé faible

La Centrale locatif Privé moyen

Atelier Graff locatif Privé faible

Articule locatif Privé moyen

Dazibao locatif Privé moyen

Vox locatif entreprise privée élevé

Galerie B - 312 locatif Privé faible

Circa locatif entreprise privée moyen

Oboro locatif entreprise privée moyen

DareDare propriétaire - -

Clark locatif privé faible

Skol locatif privé moyen

7 Voir Tremblay et Pilati, 2008. The Tohu and Artist-run Centers : Contributions to the Creative City ? In Canadian Journal of Regional Science. Vol. 30, (2) et Chantelot (2006).

8 La « clusterisation » représente une concentration des éléments de clusters d’activité qui se forment et se stabilisent. Selon Porter, « s’implanter au sein d’une grappe peut assurer un accès meilleur et moins couteux à des intrants (inputs) spécialisés tels que composants, machines, services professionnels et travailleurs. [...]» La complémentarité est un aspect important, aussi bien que les stimulations et mesures de performance. Ainsi, « les grappes aident à résoudre ou atténuer certains problèmes rencontrés dans des endroits plus isolés. » Voir Porter, 1999 . La concurrence selon Porter. p. 223-232.

9 À ce sujet, voir Pilati et Tremblay (2007). Cité créative et district culturel ; une analyse des thèses en présence. Paris : GES et Tremblay et Pilati (2008).

10 Pour plus de détails, voir Sacco, Blessi et Pilati (2006).

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5. L’interaction avec les acteurs du territoire.

La participation des centres au sein des associations sociales et leur collaboration avec les universités

Nous nous intéressons à la contribution des centres à la dynamique de dévelop- pement d’initiatives locales. Ainsi, dans un rapport d’interaction avec les acteurs du territoire, les individus des centres d’artistes s’appuient sur l’idée et le désir de se faire reconnaître dans leur milieu par leur identité commune. Ils tiennent aux mêmes objec- tifs, principalement ceux du soutien à la création artistique et à la diffusion des pro- duits de création à l’intention de la communauté locale (Pilati et Tremblay, 2007a).

La majorité des centres tente de collaborer avec différents acteurs du territoire ; bien que les interactions soient principalement au sein du milieu des arts visuels, certains s’impliquent dans le milieu sociocommunautaire, et travaillent en lien avec les écoles et les universités locales. Les motivations à la base des collaborations sont généralement l’apprentissage, l’expérience et l’enrichissement du milieu. Dans les centres d’artistes, les contacts avec les acteurs sociaux sont principalement informels et ils se réalisent surtout grâce au réseau de connaissances.

Ainsi, un artiste, M.B., soutient que, avec son organisme, ils ont fait beaucoup de collaboration avec d’autres centres d’artistes, ainsi qu’avec des maisons d’édition et des centres d’artistes à l’étranger. Il ajoute : « on a fait des partenariats avec des gale- ries privées, donc à l’intérieur même du milieu, on travaille beaucoup en partenariat à l’intérieur du milieu des arts visuels ; à l’extérieur des arts visuels, dernièrement depuis 2002 on est en train de développer un programme éducationnel avec les écoles du quar- tier. Ça fonctionne très bien. Donc on a un lien, on s’est implanté dans notre localité, beaucoup avec les écoles, avec les maisons de jeunes aussi. Donc des jeunes qui sont souvent à la recherche d’activités, il y a un groupe entre autre qui revient régulière- ment ; ils adorent ça, ils aiment rencontrer les artistes. Ça, c’est très important, c’est notre implication au niveau communautaire ».

Ils ont des collaborations assez régulières, souligne C.B. et, « on encourage les pro- fesseurs à venir dans les expositions avec des étudiants et puis ils amènent des groupes d’étudiants et on leur explique un peu le mandat du centre. […] En fait, là, de l’intérêt de créer des réseaux avec évidemment des artistes, des réseaux d’autres organismes artisti- ques, mais aussi des écoles puis des universités ».

Une autre artiste, C.D., coordonnatrice de l’Atelier Graff, atelier de graveurs que Pierre Ayot avait ouvert dès 1966, en tant qu’établissement d’exposition, production et d’échange, ajoute qu’avec son organisme, elle « a fait un partenariat avec la grande bibliothèque ; on a exposé là, on a exposé dans le centre, avec l’association des graveurs du Québec. On essaie de toucher toutes sortes de milieux ».

Presque tous les centres ont aussi des collaborations intéressantes avec les universi- tés présentes à Montréal. Ces interactions sont surtout basées sur l’échange d’informa- tions et de connaissances dans la réalisation de conférences et symposiums, ainsi que l’intégration d’étudiants aux activités du centre. On cherche à fidéliser le public et à faire connaître le processus requis pour devenir un artiste professionnel. Les échanges et les interactions sont principalement faites par le coordonnateur artistique du centre.

Les bénéfices sont principalement en termes de visibilité, mais parfois aussi d’avanta-

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ges financiers. Ainsi, pour les centres, l’important est d’avoir un point de vue critique vaste de la diffusion artistique, mais on accorde aussi de l’importance au modèle de diffusion qu’est le centre d’artiste, un modèle plutôt atypique par rapport aux autres organismes similaires comme les galeries d’art. Le centre d’artiste autogéré se distin- gue, par rapport à la galerie d’art privée, principalement par son statut d’organisme à but non lucratif. De ce fait, le centre obtient rarement des revenus par la vente des œuvres d’art. En revanche, s’il obtient ce type de revenu autonome, il touche habituel- lement autour de 50 % du prix de l’œuvre. De manière générale, cette source de revenu est faible (10-20 %) par rapport au total des revenus perçus pendant l’année (Sacco, Blessi et Pilati, 2006). Dans la majorité des cas, donc, le centre devient le médiateur entre l’acheteur et l’artiste.

M.J.L. ajoute : « on le fait tout le temps quand c’est des groupes qui viennent ; il y a toujours un topo sur l’historique et tout, parce que eux, ils connaissent rien, absolument rien ».

C.B. souligne l’importance des réseaux et de l’élargissement du public, d’essayer de faire rayonner le travail des artistes plus largement. Un exemple est l’événement Viva11, dans le cadre duquel le centre Articule a collaboré avec cinq autres centres. Tous ces événements permettent des rencontres fécondes qui, au fil du temps, permettent de nouer des amitiés qui se transforment ensuite en réseautage et échanges de connaissances ou de réseaux. Les événements donnent l’occasion de connaître et d’attirer de nouveaux créa- tifs, des talents et de jeunes artistes émergents.

Les centres d’artistes autogérés ont aussi comme rôle de dynamiser le milieu socio- communautaire. Les organismes sont des intervenants locaux d’intérêt public, soutient Arteau (1992). Ils contribuent à l’équilibre et à la paix sociale, au développement de com- pétences et à la diplomatie culturelle grâce à une participation et une interaction avec les associations sociales du territoire. Les avantages sont d’avoir accès à une information de pointe et à une participation active à certains débats contemporains. M.B. affirme ainsi :

« on est comme des animateurs, je dirais pour le programme avec les jeunes, ce rôle d’ani- mateur là, il ne faut pas le cacher. C’est quand même quand on est des artistes, on ne fait pas nécessairement du spectacle. Il faut garder l’idée qu’on est là pour le public […] ».

Selon C.D., « c’est toujours de dynamiser le milieu et d’inviter les gens autant que nos membres à connaître l’organisme avec lequel on travaille et l’organisme à nous connaître nous et de contribuer à des échanges ».

M.J.L. met de l’avant l’importance de collaborer avec les grandes institutions. « On fait partie aussi de Culture Montréal pour avoir une information différente, une informa- tion plus de pointe, surtout quand ça touche des questions sur la vie culturelle montréa- laise, parce que le regroupement c’est l’ensemble du Québec, parfois il y a des questions qui sont régionales, qui traitent vraiment de politiques régionales, à ce moment là on est, c’est sûr on traite une information qui est partagée, mais comme acteur sur le terrain, je suis plus présente pour Montréal ».

11 L’initiative Viva a eu lieu en septembre 2006 à Montréal, dans le cadre du premier « Festival international du sexe ». Il a été réalisé par le soutient de cinq centres d’artistes de Montréal : Articule, Clark, Dare-Dare, Skol et La Centrale Powerhouse. L’événement a invité nombreux créatifs et artistes du Québec et d’ailleurs.

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6. Collaboration à l’échelle locale et intégration de nouveaux arrivants

Comme les thèses sur les districts culturels (Pilati et Tremblay, 2007a) mettent l’accent sur l’importance de la collaboration avec d’autres acteurs pour susciter des initiatives et du développement local, ainsi que sur l’intégration de nouveaux arrivants ou de person- nes ayant des compétences diversifiées, nous avons voulu approfondir cette dimension de la collaboration entre les centres et d’autres organismes. M.L., artiste du projet Pavillon, soutient que constamment, tous les projets sont faits en collaboration, quel que soit le niveau d’implication des organismes qui collaborent avec eux. Ce n’est jamais seul qu’on fait des projets. C.B. abonde dans le même sens : « à chaque année, on collabore avec plusieurs organismes. Puis c’est surtout d’encourager aussi, d’une part les subventionnai- res, de toute manière, mais aussi, c’est quelque chose qu’on a établi là. Parce que c’est toujours bénéfique aussi de faire ça. […] On fonctionne probablement un peu par affilia- tion puisqu’on collabore avec des centres ou des organismes où on sent, où on peut dire qu’on a des objectifs communs. On collabore plus récemment avec n’importe quel autre organisme, mais par affiliation ».

Afin de poursuivre les objectifs clefs du développement social et culturel de la ville, les centres tentent de travailler fréquemment avec les réseaux ou associations à l’échelle locale, en essaient de créer des événements les moins intimidants possibles pour attirer le public et rendre la réflexion de l’artiste la plus compréhensible au grand public.

Selon les interviewés, la capacité des nouveaux arrivants de s’intégrer facilement aux activités conçues par les centres dépend de deux facteurs : l’origine de l’immigrant ainsi que le niveau de scolarisation. Selon les artistes, les plus grands défis qui influencent l’in- tégration sont la langue et le choc culturel avec le contexte montréalais. F.D. est directeur du Centre d’information et documentation Artexte, un organisme membre du RCAAQ.

Il soutient qu’il existe encore une incroyable pression sur les nouveaux arrivants pour qu’ils adoptent la dialectique locale, entre la culture dominante qui est influencée par la dynami- que entre la communauté francophone et la communauté anglophone. Il ajoute que « ceux qui s’intègrent plus spontanément à la communauté anglophone ont probablement plus de difficultés à rejoindre la collectivité globale, régionale. Alors que ceux qui s’intègrent à la communauté française, d’après moi, ont probablement plus de facilité à aller plus loin dans l’intégration. Leurs démarches. […] Je sais que dans le milieu des arts visuels actuellement, il y a très peu de gens qui viennent des communautés, je dirais culturelles non occidentales, dans le sens où parmi ceux qui se joignent au groupe majoritaire francophone, il y a très peu d’asiatiques, il y a très peu de gens d’origine africaine ; c’est vraiment un milieu très blanc, alors qu’on n’a qu’à se promener dans le métro, moi (je le prends le métro tous les jours, je vois), on voit tout de suite la diversité qui existe à Montréal […] ».

Selon nos interviewés, un mécanisme pour influencer l’intégration et pour aider les nouveaux arrivants à s’intégrer dans la communauté locale, serait l’adoption de poli- tiques culturelles inclusives. Cependant, ce mécanisme est plus efficace s’il existe une volonté explicite et une participation active de ces gens aux activités artistiques-cultu- relles. Les organismes culturels et les acteurs locaux doivent probablement s’associer avec les organismes progressistes des communautés culturelles. Ceci serait la meilleure façon de s’assurer une réelle participation des nouveaux arrivants à la culture contem- poraine défendue par une approche ouverte.

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F.D. mise davantage, comme premier mécanisme, sur la prise de conscience, puis sur l’évaluation. Il ajoute qu’il faudrait évaluer nos politiques d’inclusion qui favorisent l’in- tégration et « une meilleure représentation de la diversité culturelle ». Toutefois « il ne faut pas non plus vendre un modèle » dit-il, « je crois qu’il faut trouver un moyen, il faut se poser des questions. Est-ce que c’est cette forme d’art là de culture que nous autres on valorise, est valorisée ? Est-ce que cette forme d’art là, de culture intéresse les gens ? Si ça n’intéresse pas les gens, il faut se demander pourquoi, c’est-à-dire il faut changer nos méthodes d’intégrer dans notre travail, des perspectives différentes, et y répondre. Il faut être conscient de notre attitude ».

Le plus grand obstacle auquel sont confrontés les nouveaux arrivants est la langue française. Ceci cause un problème d’une immigration mono linguistique qui, selon M.B., fait qu’un nouvel arrivant va souvent choisir Toronto au lieu de Montréal.

La langue est une caractéristique importante de Montréal, mais les nouveaux arri- vants n’en sont pas toujours conscients, y compris dans le domaine des arts. C.B., agent de développement culturel de la Ville de Montréal, soutient que le nouvel arrivant « ne vient pas pour apprendre le français, mais pour vivre ici et souvent c’est l’ambiguïté de profiter d’une intégration culturelle et d’apprendre le français pour vivre ici et à ce niveau là on s’approche plus d’un lien identitaire qu’ailleurs, parce que tu apprends une culture, alors que tu apprends l’anglais, tu apprends la démocratie et le capitalisme, tu peux apprendre d’autres niveaux idéologiques avant celui-là. Tu peux être n’importe où en Amérique en parlant l’anglais ».

7. Les réseaux ou associations qui contribuent au développement sur les plans économique, social, culturel

Nous avons voulu savoir quels organismes étaient les plus importants pour les cen- tres d’artistes dans le développement de la ville. Presque tous les gens interviewées sont d’avis que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et Culture Montréal sont des organismes qui jouent un rôle déterminant dans le développement de la ville sur les plans économique, social, culturel. Ces organismes sont représentés par deux leaders : Isabelle Hudon, la présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et Simon Brault, président de Culture Montréal, vice-président du Conseil des Arts du Canada et directeur de l’École nationale de théâtre.

Selon les artistes des centres, les trois paliers du Conseil des arts, aux niveaux pro- vincial, fédéral et municipal, assument aussi un rôle important dans le développement culturel. Sur le plan du développement social, il faut aussi souligner le rôle du réseau des centres d’artistes, du RCAAQ et des établissements universitaires, dont quatre grandes universités montréalaises à vocation générale, deux francophones et deux anglophones, qui comptent un certain nombre de départements de type artistique. Un artiste et médiateur culturel, E.G., note ainsi que : « il me semble que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain s’est un peu dépoussiérée, s’est donc rajeunie, d’ailleurs c’est une ques- tion d’image, de positionnement. C’est une femme plutôt jeune qui est à la tête (Isabelle Hudon, Présidente et chef de la direction), plutôt dynamique, elle prend la parole, une vraie porte-parole, elle a une bonne dynamique. Je ne la connais pas personnellement mais, je vois dans les journaux des prises de position régulières et du networking efficace

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sur les questions de la ville créative, de la ville design, de la métropole culturelle et com- ment elle peut dynamiser les liens entre milieux d’affaire et culturels. […] Par ailleurs, Culture Montréal est un point fort, même s’il faut être un peu critique sur les modes de pression opérés vis-à-vis des bailleurs de fonds publics, mais je dirais entre autres la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et Culture Montréal ». Il ajoute que

« les quatre universités sont extrêmement importantes, car il y a des étudiants du reste du Canada anglais qui viennent étudier à Montréal, dans les universités anglophones, mais il y a aussi des étudiants étrangers qui viennent à Montréal, et ça permet aussi, entre autres, à cause du niveau démographique qui est très bas au Québec, de remplir nos universités et même de les faire agrandir, de les optimiser, de les nourrir avec des gens qui ont d’autres influences que les spécificités locales, nationales et de permettre un certain melting pot créatif. Montréal possède un vrai pouvoir d’attraction de par son image créative générée par les acteurs culturels. Reste aux pouvoirs publics à mieux nous accompagner ».

Enfin, C.G., directeur et président du CIAC12, ajoute qu’il y a aussi des intervenants au niveau économique : « l’industrie, les moyennes et grandes entreprises participent à l’occasion au financement de productions artistiques ; il y a des associations de gens d’affaires et les Chambres de commerce. Il y a enfin d’autres associations, comme des clubs privés de collectionneurs […]. Aujourd’hui, Isabelle Hudon, présidente de la Chambre de commerce de Montréal est une dame intéressée par la culture. Des liens sont en train de se tisser entre Louise Roy, présidente du Conseil des arts de Montréal, et la présidente de la Chambre de commerce de Montréal. Le but est de trouver des solutions au financement des arts, un amalgame entre art et affaires […] ».

8. Le rôle des initiatives et organismes gouvernementaux dans le soutien à la création Selon les artistes, les agences officielles du gouvernement doivent s’engager au soutien de la création. Les trois niveaux des Conseils des arts sont importants pour le développent du milieu artistique-culturel et contribuent à confirmer Montréal comme métropole cultu- relle, quoiqu’au cours des dernières années, des villes concurrentes viennent menacer la position de Montréal13.

Le premier enjeu dont les organismes gouvernementaux devraient s’occuper, selon nos interlocuteurs, concerne la démocratisation culturelle, soit l’objectif de favoriser l’acces- sibilité gratuite aux arts et à la culture. Le second enjeu concerne l’effet de la culture sur le cadre de vie des Montréalais. Enfin, le troisième, mais tout aussi important que les autres, porte sur le soutien financier qui devrait être accru pour le milieu.

Le sentiment d’inquiétude exprimé par les centres d’artistes dérive surtout de la manière dont ils sont financés. Depuis le début des centres d’artistes, plusieurs batailles ont été menées devant les menaces de coupures de budget. Bastien Gilbert nous rappelle (Letarte,

12 Le Centre international d’art contemporain de Montréal (CIAC) est un organisme à but non lucratif dirigé par une équipe de professionnels des arts en conservation, éducation, communication et administration. Fondé en 1983, le Centre a pour mandat d’organiser des expositions et des événements ayant trait à l’art contempo- rain, de produire des documents écrits et audiovisuels et d’accueillir le public lors de visites commentées et de conférences.

13 Au Canada, Calgary, par exemple, avec le boom pétrolier et le développement des sables bitumineux, qui crée beaucoup de richesse et favorise le marché de l’art contemporain (Radio-Canada, Nouvelles, le 9 février 2008).

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2006 : 3) qu’à la fin des années 1980 le monde des arts a été menacé par le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, qui souhaitait couper dans le budget du Ministère des affaires culturelles. Durant les années 1990, une autre lutte a été menée pour la modification de la Loi sur les droits d’auteur. Aujourd’hui, le réseau des centres d’artistes autogérés se bat toujours pour que le gouvernement soutienne davantage la création artistique14.

Au Canada, la politique fédérale autant que locale agit stratégiquement pour influen- cer la création d’initiatives d’ordre culturel, aussi bien que pour encourager la création de mouvements artistiques en arts visuels. Du côté fédéral, le financement s’appuie sur le Conseil des Art du Canada qui soutient et favorise un bon nombre d’initiatives, assumant ainsi la fonction de promouvoir la recherche, la diffusion et la production des œuvres d’art. Le milieu considère qu’il s’agit là d’un processus de financement le plus démocratique possible, puisqu’il se fonde sur un modèle basé sur la qualité de chaque projet et caractérisé par un contrôle accru sur les travaux de l’organisme et sur la manière dont ils sont accomplis.

À l’échelle locale, la Ville de Montréal confère au Conseil des arts de Montréal15 l’ob- jectif d’une aide aux organismes artistiques professionnels à but non lucratif (Tremblay et Pilati, 2008). Selon les centres d’artistes autogérés, ce n’est pas le gouvernement qui décide du financement, mais cela se fait toujours dans le cadre d’un jury de pairs en fonc- tion d’une évaluation de la qualité des activités ou des services.

Cependant, les artistes gestionnaires et relationnistes jugent que les subventions prove- nant des trois paliers du gouvernement ne sont pas suffisantes pour donner aux activités et expositions une visibilité appropriée. (Voir tableau 2 page suivante)

Les centres d’artistes autogérés font leur possible pour gérer les pressions dues aux financements et maintenir leur autonomie de plusieurs façons créatives. Selon l’étude conduite par Scott en 2003, une base « financière stable, de préférence indépendante, est essentielle pour maintenir la capacité actuelle de leur organisme et leur visibilité future ». Même si le financement et son mécanisme ne sont pas les seules choses qui comptent pour la capacité organisationnelle du centre, elles sont celles qui comptent plus. F.D. pense que les organismes gouvernementaux ont un rôle de soutien financier majeur. Ce rôle entrave peu le développement naturel des organismes artistiques, si les gestionnaires savent composer habilement avec leurs priorités et les contraintes gouvernementales. Il indique aussi : « il ne faut pas des mesures qui viennent et qui s’imposent par le haut, pour donner des directions ; il faut des mesures qui viennent par le bas et qui soutiennent ce qui est en émergence et qui devrait appuyer ce qui s’amorce, selon les dynamiques de la base. C’est ce qu’il faut développer davantage ». Une autre, C.B., souligne aussi l’importance de soutenir les idées qui viennent de la base, et aussi d’accueillir un certain risque, une certaine expérimentation si on veut parler d’innova- tion. Enfin, on se plaint un peu de la rigidité des programmes ou structures de soutien aux arts : « peut-être des fois les gouvernements ont tendance à construire des cadres un peu trop restreints où il faut finalement entrer, […] C’est comme si nous on servait ces

14 Le RCAAQ et le MAL, Mouvement pour les arts et les lettres, font pression sur le gouvernement provin- cial pour augmenter le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec pour le faire passer de 45 à 72 millions

$CAD de la fin des années 1990 à aujourd’hui (Letarte, 2006 : 3).

15 Depuis 1956 et avec un budget de 10 millions de dollars en 2005, le Conseil des arts de Montréal soutient la création artistique dans la région métropolitaine de Montréal. Voir : www.artsmontreal.org, accès en 2008.

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Tableau 2. Quelques exemples de financement

Centre d’art Financement de base Sources de financement Revenu annuel (05/06) Occurence Municipalité, Québec AC Municipalité 25 %

Provincial/Québec AC 75 %

Canada ACl : projects 165.000 $CAN

Studio XX Québec AC Municipalité 10 %

Québec AC 30 %

Canada AC : 60 % 290.000 $CAN Champ Libre Municipalité, Québec AC,

Canada AC projets 300.000./500.000 $CAN

Centre Optica Canada AC Municipalité 10 %

Québec AC 40 %

Canada AC : 50 % 214.000 $CAN La Centrale Donations + Canada AC

Municipalité 9 % Québec AC 52 % Canada AC : 33 % Revenus : 6 %

172.000 $CAN

Atelier Graff Canada AC

Municipalité 21 % Quebéc AC 45 % Canada AC : 4 % Revenus 30 %

166.000 $CAN

Articule Municipalité, Quebec AC, Canada AC

Municipalité 10 % Québec AC 50 % Canada AC : 30 % Revenues : 10%

157.000 $CAN

Dazibao Canada AC

Municipalité 9 % Québec AC 43 % Canada AC : 43 % Revenus : 5%

215.000 $CAN Vox Québec AC + Canada AC

Municipality 6 % Quebec AC 45 % Canada AC : 25 % Revenus : 24%

237.000 $CAN

Galerie B - 312 Municipalité + Québec AC

Municipalité 15 % Québec AC 68 % Canada AC : 2.5 %

Revenus : 13.5%

Autres : 1 %

131.000 $CAN

Circa Entreprise privée + Québec Culture

Municipalité 25 % Québec AC 65 % Canada AC : 0 % Autres : 10 %

91.000 $CAN

Oboro Canada AC

Municipality 11 % Quebec AC 32 % Canada AC : 42 % Revenus : 15 %

459.000

$CAN+244.000$CAN projets DareDare Divers organisms

gouvernementaux

Municipalité 20 % Québec AC 56 % Canada AC : 23 % Revenus : 1.8%

131.000 $CAN

Clark Municipalité

Municipalité 12.5 % Québec AC 50 % Canada AC : 12.5 %

Revenus : 25 %

230.000 $CAN

Skol Membres

Municipalité 11.5 % Québec AC 58 % Canada AC : 23 % Revenus : 7.5 %

201.000 $CAN Source : Sacco, P.L. Tavano Blessi, G. et Pilati, T. 2006. Canadian Independent Arts Centres, Art Production

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cadres-là au lieu du contraire. Il y a beaucoup de bureaucratie, puis ça va à l’encontre de la recherche de nouvelles formes, de nouvelles façons de faire ».

Une autre artiste, C.D., pense que les gouvernements doivent « soutenir la création parce que souvent ils veulent soutenir la diffusion. Pour diffuser, il faut créer et souvent pour créer il faut avoir des moyens. Souvent, on a demandé à l’artiste d’assumer totale- ment les frais de création ; nous on assume les frais de création, et on ne vend pas et quand on diffuse on dirait toujours qu’on diffuse pour que les autres fassent la promotion sur votre dos. À un moment donné, je trouve que la création, il faut la soutenir ».

Plusieurs s’entendent sur le fait que c’est la nature et le statut du centre d’artiste qu’il faudrait défendre, puisqu’il est centré sur cette « autonomie créative ». Dans ce modèle, les artistes visuels se disent en partie dégagés des contraintes du marché de l’art et de la sacralisation des espaces muséaux. L’autonomie est donc, selon Gilbert (2005 : 70),

« nécessaire aux centres comme à l’art lui-même ».

Conclusion

Les centres d’artistes autogérés représentent certes une innovation importante dans le paysage de l’art contemporain, notamment en ce qui concerne la Place des Arts ou le Quartier des spectacles à Montréal (Tremblay et Pilati, 2007a ; Pilati et Tremblay, 2008).

Nous avons constaté qu’ils contribuent, à leur échelle, au développement des quartiers, et tendent de plus en plus à s’ouvrir sur le quartier et la population locale, parfois en organisant des activités avec les établissements scolaires. Toutefois, pour pouvoir assu- mer leur mandat, les centres souhaitent une politique culturelle originale et d’ouverture internationale qui serait mise en place pour répondre aux attentes des milieux artistiques et culturels de la ville. Selon certains artistes interrogés, Montréal a peut-être besoin de nouveau d’une forte mobilisation, de grands projets concrets et sur l’identité même de la ville : l’originalité et le multiculturalisme. Les artistes reconnaissent que la Ville est à l’origine de grandes réussites dans le milieu, qu’il s’agisse du soutien aux centres ou des services culturels pour les arrondissements -maisons de la culture ou nouveaux agents culturels- (Gilbert et al. 2005).

Cependant, on considère que l’orientation générale de la Ville devrait réorienter les politiques pour favoriser l’attraction et le succès des artistes, des travailleurs hautement qualifiés et des organismes qui les soutiennent. Elle devrait prendre davantage en consi- dération les organismes à but non lucratif, producteurs et diffuseurs d’art actuel, inno- vants et très actifs dans le milieu social comme modèle pour attirer cette classe créative.

La Ville devrait s’éloigner le plus possible du modèle que certains considèrent actuel- lement dominant soit, pour citer Debord (1992), celui de la propagande, de la publicité ou de la consommation directe de divertissements. Le réseau des centres d’artistes autogérés, les créatifs et les gens du milieu culturel attendent des engagements dans cette direction : des politiques culturelles et des gestes qui seraient orientés vers encore plus d’autonomie et de créativité, puisqu’ils soutiennent que les artistes ont toujours joué un rôle capital pour le développement culturel. Comme le disait Jacobs (citée dans Pilati et Tremblay, 2007a : 398) : « Artists are not miracle workers – they’re just another alternative. »

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