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A la mémoire de Jacques Tuloup , Pierre-Jean Hormière ___________

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Academic year: 2022

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(1)

Intégration sur un segment

__________

1. Les fonctions en escaliers et leur intégrale.

2. Les fonctions réglées et leur intégrale.

3. Notions sur l’intégrale de Riemann-Darboux.

4. Intégration sur un sous-segment.

5. Théorèmes de convergences uniforme et dominée.

6. Sommes de Riemann et valeurs moyennes.

7. Espaces fonctionnels et modes de convergence.

8. Primitives et intégrales.

9. Changement de variables, intégration par parties.

10. Fonctions définies comme intégrales.

11. Concentration de masse, diffusion de masse.

A la mémoire de Jacques Tuloup ,

Pierre-Jean Hormière

___________

Introduction

Intégrer une fonction f sur un segment I = [a, b] à valeurs réelles, c’est mesurer l’aire algébrique du domaine plan défini par { (x, y) ∈ [a, b]×R ; 0 ≤ y ≤ f(x) }. Si l’on veut mesurer l’aire arithmétique, il suffit d’intégrer | f(x) |. Pour mesurer le volume d’un domaine de R3 limité par les plans de cotes a et b, et tel que la section par le plan de cote z ait pour aire S(z), on intègre S(z) entre a et b.

Ces mesures d’aires et de volumes ont été conduits dès l’antiquité, par Eudoxe de Cnide (406- 355 av. J.C.) et Archimède (287-212 av. J.C.), qui formalisa le principe d’exhaustion d’Eudoxe et réussit la quadrature de la parabole. Après la Renaissance, ils furent poursuivis par Kepler (1571- 1630), Guldin (1577-1643), Cavalieri (1598-1647), Descartes (1596-1650), Fermat (1601-1665), Wallis (1616-1703) et Pascal (1623-1662), mais il fallut attendre l’invention par Newton et Leibniz du calcul différentiel et intégral, à la fin du XVIIème siècle, pour que ces calculs soient mécanisés, grâce au lien alors découvert entre intégration et dérivation.1

Nous développons dans ce chapitre trois théories de l’intégration, de généralité croissante : − Tout d’abord, l’intégrale des fonctions en escaliers. Elle constitue l’étage le plus élémentaire de la théorie. Cette intégrale est de nature essentiellement algébrique.

Ensuite, l’intégrale des fonctions réglées, dite parfois intégrale de Cauchy, ou Cauchy-Dini.

La fonction f : I R est dite réglée si, pour tout ε > 0, existent deux fonctions en escaliers ϕ et ψ sur I, telles que : (∀x ∈ I) ϕ(x) f(x) ≤ψ(x) et ψ(x) −ϕ(x) ≤ε .

Il revient au même de dire que f est limite uniforme d’une suite (ϕn) de fonctions en escaliers.

1 Le terme intégrale apparaît pour la première fois en mai 1690, sous la plume de Jakob Bernoulli (1654- 1705) dans les Acta eruditorum : « Ergo et horum Integralia aequantur ». Cependant Johann Bernoulli (1667-1748) revendiqua aussi ce mot (on sait qu’à partir de 1695 les deux frères s’accusèrent mutuellement de plagiat). Johann semble avoir introduit le mot calcul intégral, au sens technique du terme ; auparavant, Leibniz utilisait le terme calculus summatorium (1684).

(2)

On définit alors l’intégrale de f sur I comme la limite de la suite d’intégrales , après avoir montré que cette limite est indépendante de la suite (ϕn) choisie. Cette intégrale est aussi la borne supérieure des intégrales des fonctions en escaliers minorant f, et la borne inférieure des intégrales des fonctions en escaliers majorant f.

Les fonctions réglées ont une caractérisation topologique simple, et contiennent toutes les fonctions usuelles : continues, continues par morceaux, monotones, à variation bornée, etc.

Enfin, l’intégrale de Riemann-Darboux, théorie déjà plus fine. Une fonction f :I → R est dite Riemann-intégrable si, pour tout ε > 0, existent deux fonctions en escaliers ϕ et ψ sur I telles que : (∀x ∈ I) ϕ(x) f(x) ≤ψ(x) et

ab

( ψ ( x )

ϕ ( x )). dx

ε .

On montre alors que :

sup {

ab

ϕ ( x). dx

; ϕ ∈ Esc(I, R) et ϕ ≤ f } = inf {

ab

ψ ( x). dx

; ψ ∈ Esc(I, R) et ψ ≥ f }.

Cette valeur commune est, par définition, l’intégrale de Riemann de f.

Voici une présentation équivalente, et plus conforme à l’approche d’Eudoxe et Archimède : la fonction f est Riemann–intégrable si ses « sommes de Riemann »

=1 +

0

1 )

).(

(

n

i

i i

i x x

f ξ , où σ = (x0 = a

< x1 < … < xn = b) est une subdivision de I, et ξ = (ξi)0in1 une suite de points de I vérifiant (∀i) xi≤ ξi xi+1, tendent vers une limite lorsque le pas de la subdivision tend vers 0. Cette limite est l’intégrale de f.

Toute fonction réglée est Riemann-intégrable et son intégrale est la même. En revanche, il y a des fonctions Riemann-intégrables non réglées. Autrement dit, l’intégrale de Riemann prolonge l’inté- grale des fonctions réglées.

Cette intégrale fut définie et étudiée très sommairement par Bernhard Riemann (1826-1866) dans la deuxième partie de son Mémoire sur les séries trigonométriques, publié en 1867 par R.

Dedekind ; elle fut développée systématiquement par le français Gaston Darboux (1842-1917).

De 1901 à 1905, Henri Lebesgue (1875-1941) a étendu l’intégrale de Riemann à des fonctions plus générales. L’idée de Lebesgue est de calculer l’aire en la découpant en tranches horizontales, et non plus verticales, mais cela présuppose que l’on sache mesurer des parties compliquées de R.

Cette théorie est donc plus profonde et plus ardue que les précédentes, car, que l’on parte des fonctions en escaliers ou des fonctions continues, on atteint l’intégrabilité au sens de Lebesgue en deux étapes au lieu d’une seule. Elle relève donc logiquement d’un cours de deuxième cycle. Elle a le double avantage :

• d’intégrer certaines fonctions non Riemann-intégrables : la plus célèbre est la fonction carac- téristique de Q∩[a, b], qui n’a pas d’intégrale de Riemann, mais une intégrale de Lebesgue nulle.

• de démontrer de manière satisfaisante les théorèmes de passage à la limite sous l’intégrale, théorèmes difficiles à établir, et d’énoncés malcommodes, dans le cadre restreint des intégrales élémentaires.

Pédagogiquement, il n’est pas nécessaire d’étudier à fond les intégrales de Cauchy et de Riemann avant d’aborder celle de Lebesgue (il suffit d’en étudier une), mais il me paraît déraisonnable de définir directement celle-ci à partir de l’intégrale des fonctions en escaliers. Le parti-pris de Bourbaki me semble le meilleur : dans ses fascicules relatifs aux fonctions de variable réelle, il se limite à l’intégrale des fonctions réglées et rejette l’intégrale de Riemann en exercice ; dans ses fascicules d’intégration, il étudie l’intégrale de Lebesgue et ses généralisations.2

2 « Quelqu’un croît-il que la différence entre les intégrales de Lebesgue et de Riemann puisse avoir une signification physique, autrement dit qu’un avion puisse voler ou ne pas voler pourrait dépendre de cette différence ? Si cela était, j’éviterais de voler dans cet avion. » Cette boutade de Richard Hamming montre que les mathématiciens appliqués ne voient pas toujours l’intérêt des spéculations abstraites des mathéma- ticiens purs.

(3)

− Les intégrales précédentes, toutes notées

ab

f ). ( x dx

, rentrent en effet dans la classe plus générale des intégrales de Stieltjes, notées

ab

f ( x ). d α ( x )

, où l’on intègre la fonction f relativement à une fonction croissante ou à variation bornée α. Par exemple, si c ∈ I, la « masse de Dirac » εc : f → f(c) est une intégrale de Stieltjes, et l’on note f(c) =

ab

f ( x ). d ε

c

( x )

. Ce point de vue amène à considérer comme " intégrales " sur C([a, b], R) toutes les formes linéaires µ : f C([a, b], R) → µ(f) ≡

ab

f ( x ). d µ ( x )

continues pour la norme uniforme, appelées aussi mesures de Radon sur [a, b].

Il en résulte que la convergence des sommes de Riemann vers l’intégrale usuelle n’est qu’une convergence simple de mesures de Radon vers une autre. En 1909, F. Riesz (1880-1956) a montré que les mesures de Radon sur [a, b] ne sont autres que les intégrales de Stieltjes relativement aux fonctions à variation bornée.

− Enfin, la théorie générale de la mesure se propose de mesurer certaines parties d’un espace compact, ou localement compact, voire plus général encore. Cette théorie a reçu un prolongement important lorsqu’en 1933, A. N. Kolmogorov (1903-1987) a axiomatisé grâce à elle la théorie des probabilités. La théorie moderne des probabilités n’est plus qu’un chapitre de la théorie de la mesure, tout en conservant son vocabulaire et sa problématique propres.

* * *

P

ourquoi tant de théories de l’intégration ? Intégrer une fonction, c’est mesurer l’aire du domaine situé « sous » la fonction. La théorie de l’intégration est donc une partie de la théorie de la mesure.

Or voici la grande idée qui sous-tend la théorie de la mesure :

ON NE PEUT MESURER QUE CE QUI EST MESURABLE .

Il faut donc définir au préalable les ensembles et les fonctions que l’on veut mesurer, puis expliquer comment les mesurer.

Si l’on veut pouvoir mesurer toutes les parties d’un ensemble X (R ou Rn par exemple), on obtiendra une théorie générale, certes, mais pauvre en résultats et conduisant à des paradoxes (du genre : faut-il admettre l’axiome du choix ou pas, etc.).

Une « bonne » théorie de la mesure doit donc concilier ces deux impératifs contradictoires :

• La classe des ensembles et des fonctions mesurables doit être suffisamment vaste.

• La mesure de ces ensembles et de ces fonctions doit posséder suffisamment de propriétés.

Depuis un siècle, la communauté mathématique s’accorde pour considérer que l’intégrale de Lebesgue réalise cet optimum. Mais elle n’est pas sans défauts, et les spécialistes de la mesure ont été amenés à la généraliser (Perron, Kurzweil, Henstock, etc.).

En conclusion, je laisse le lecteur méditer ce passage de Jean-Paul Pier, Histoire de l’intégration (p.

250). Ce faisant, je prends le risque de le dégoûter à tout jamais de la recherche en mathématiques :

« Toute fonction intégrable au sens de Bochner l’est au sens de Talagrand. Considérant des fonctions définies sur [0, 1] et à valeurs dans un espace de Banach X, Fremlin et Mendoza prouvent que l’intégrabilité au sens de Mc Shane implique l’intégrabilité au sens de Pettis.(…) Si X est séparable, toute fonction intégrable au sens de Talagrand [resp. de Pettis] admet la même intégrale au sens de Bochner [resp. de Mc Shane]. »

_____________

(4)

Dans ce chapitre, I désigne le segment [a, b] (a < b), E un K-espace de Banach ( K = R ou C ).

1. Les fonctions en escaliers et leur intégrale.

1.1. Fonctions en escaliers.

Définition 1 : On appelle subdivision du segment I = [a, b] une partie finie de I contenant a et b. On la note σ = (x0 = a < x1 < … < xn = b) ; |σ| = max | xi+1 − xi | s’appelle pas ou module de la subdivision. La subdivision σ’ = (y0 = a < y1 < … < yp = b) est dite plus fine que σ si σ’ ⊃ σ, autrement dit s’il existe une application ϕ strictement croissante : [0, n] [0, p] telle que :

ϕ(0) = 0 , ϕ(n) = p et (∀i) xi = yϕ(i) .

Si σ et σ’ sont deux subdivisions de I, leur réunion et leur intersection sont aussi des subdivisions.

Définition 2 : La fonction f : I E est dite en escaliers s’il existe une subdivision σ = (x0 = a < x1

< … < xn = b) de I telle que f soit constante sur chacun des intervalles ]xi , xi+1[ , 0 ≤ i ≤ n−1.

La subdivision σ dépend de f : on dit qu’elle est adaptée à f.

Toute subdivision plus fine que σ est adaptée à f. Parmi les subdivisions adaptées à f il en existe une moins fine que toutes les autres : elle est formée de a, b et des points de discontinuité de f.

Exemples de fonctions en escaliers.

− La fonction partie entière (ou plancher) est en escaliers sur tout segment.

− La fonction plafond (plus petit entier ≥ x) est en escaliers sur tout segment.

La fonction qui à x associe l’entier le plus proche (et x + 1/2 si x 1/2 + Z) idem.

− La fonction qui à x associe sa n-ième décimale, ou le n-ième chiffre de son développement propre en base b, est en escaliers sur tout segment.

Proposition 1 : L’ensemble Esc(I, E) des fonctions en escaliers de I dans E est un sous-espace vectoriel de l’espace BBBB(I, E) des fonctions bornées. C’est le sous-espace vectoriel engendré par les fonctions α.1J , où α ∈ E et J est un sous-segment de I.

Proposition 2 : Esc(I, K) est une sous-algèbre de BBBB(I, K) ; et Esc(I, R) est un sous-espace de Riesz de BBBB(I, R), en ce sens que : f, g Esc(I, R) sup(f, g) et inf(f, g) Esc(I, R).

Proposition 3 : Pour qu’une fonction f soit en escaliers il faut et il suffit qu’elle vérifie les deux conditions : i) f ne prend qu’une nombre fini de valeurs dans E ;

ii) Pour tout α∈ E , { x I ; f(x) = α } est réunion finie d’intervalles de I.

Remarque : la condition ii) est indispensable : penser à la fonction 1Q∩[a,b] . 1.2. Intégrale des fonctions en escaliers.

Théorème et définition : Soit f ∈ Esc(I, E), σ = (x0 = a < x1 < … < xn = b) une subdivision adpatée à f ; on suppose que f prend la valeur

A

i sur ]xi , xi+1[, 0 ≤ i n−1. La somme

=1 +

0

1 )

(

n

i

i xi

x .

A

i ne dépend pas de la subdivision adaptée. On l’appelle intégrale de f sur I et on la note

ab

f ). ( x dx

=

=1 +

0

1 )

(

n

i

i xi

x .

A

i.

Preuve : Notons I(f, σ) la somme du second membre. Il s’agit de montrer que si σ’ est une autre subdivision adaptée à f, I(f, σ) = I(f, σ’). Pour cela, il suffit de montrer que I( f, σ) = I( f, σ’’), où σ’’

(5)

= σ∪σ’, c’est-à-dire que I( f, σ) = I( f, σ’’) pour toute subdivision σ’’ plus fine que σ. Cela se fait par regroupement des termes.

Remarque : Dans le symbole

ab

f ). ( x dx

, x est une variable muette, et dx désigne le type d’intégrale utilisé. Le grand Leibniz, qui inventa la notation

f ).(x dx, insistait à juste titre sur la nécessité de ne pas oublier le dx.3

Propriétés de l’intégrale des fonctions en escaliers :

1) L’application µ : f ∈ Esc(I, E) →

ab

f ). ( x dx

∈ E est linéaire et continue, de norme triple b − a, si l’on munit Esc(I, E) de la norme uniforme.

2) µ est l’unique application linéaire Esc(I, E) → E telle que µ(

A

.1J) =

A

.long(J) pour tout α∈E et tout intervalle J ⊂ I.

3) Si f ∈ Esc(I, E), t → || f(t) || est élément de Esc(I, R), et ||

ab

f ). ( x dx

|| ≤

ab

f ( x ) . dx

.

4) Si L ∈ LLLLc(E, F) est linéaire continue et f ∈ Esc(I, E), alors L o f ∈ Esc(I, F) et : L(

ab

f ). ( x dx

) =

ab

( Lof )( x ). dx

.

5) Si E est un K-ev de dim finie rapporté à une base BBBB = (ε1 , …, εn), et si l’on pose f = fii , alors f ∈ Esc(I, E) ⇔ (∀i) fi Esc(I, K) et

ab

f ). ( x dx

=

(

ab

f

i

( x ). dx

).εi .

En particulier, f ∈ Esc(I, C) ⇔ Re f et Im f ∈ Esc(I, R) et :

ab

f ). ( x dx

=

abRef ).(x dx + i

abImf ).(x dx.

6) Invariance par translation. Si f Esc(I, E), sa translatée g : x f(x h) est en escaliers sur J = [a + h, b + h], et vérifie :

ab

f ). ( x dx

=

ab++hh

g ). ( x dx

.

7)

ab

f ). ( x dx

ne dépend que des valeurs prises par f sur les sous-intervalles de longueur > 0 de I, non des valeurs ponctuelles. Si f est nulle sauf en un nombre fini de points,

ab

f ). ( x dx

= 0, et si l’on modifie les valeurs prises par f en un nombre fini de points, on ne modifie pas son intégrale.

8) Si E = R, µ : f Esc(I, R)

ab

f ). ( x dx

R est une forme linéaire positive : f ≥ 0

ab

f ). ( x dx

≥ 0 , donc croissante : f ≤ g ⇒

ab

f ). ( x dx

ab

g ). ( x dx

.

9) Si f Esc(I, R) est positive,

ab

f ). ( x dx

= 0 f = 0 sauf en un nombre fini de points, la réciproque étant toujours vraie.

10) (Daniell) Si (fn) est une suite de fonctions en escaliers tendant simplement vers 0 en décroissant, alors :

ab

f

n

( x ). dx

↓ 0.

3 « J’avertis qu’on prenne garde de ne pas omettre dx… faute fréquemment commise, et qui empêche d’aller de l’avant, du fait qu’on ôte par là à ces indivisibles, comme ici dx, leur généralité (…) de laquelle naissent d’innombrables transfigurations et équipollences de figures. » Le symbole d’intégration

ab

f ). ( x dx

sur un

segment fut introduit plus tard par Joseph Fourier : on l’appelle aussi intégrale définie de f, par opposition à l’intégrale indéfinie, notée f(x).dx, qui désigne une primitive de f.

(6)

11) Si (gn) est une suite croissante de fonctions en escaliers tendant simplement vers une fonction en escaliers g, alors :

ab

f

n

( x ). dx

ab

g ). ( x dx

.

Exercice 1 : 1) Pour chacune des fonctions en escaliers données en exemple en 1.1., calculer

dt

t f . ( )

1

0 et F(x) =

0x

f ( t ). dt

pour tout x. Représenter sur un même graphe f et F.

2) Plus généralement, lorsque f Esc(I, E), quelles propriétés possède F(x) =

ax

f ). ( t dt

sur I ?

Exercice 2 : On note AAAA l’ensemble des réunions finies de sous-intervalles de I = [a, b].

1) Montrer que AAAA est une algèbre de Boole de parties de I, et que : (∀A ⊂ I) 1A Esc(I, R) ⇔ A est élément de A.

2) Montrer que l’application A → mes(A) =

ab

1

A

( x). dx

est croissante deA dans R+, et vérifie : i) ∀(A, B) ∈ AAAA2 mes(A B) = mes(A) + mes(B) − mes(A ∩ B)

ii) Pour toute suite (An) décroissante d’éléments de A telle que ∩ An = ∅, on a mes(An) ↓ 0.

[ Indication : Soit ε > 0. Construire une suite décroissante (Cn) de parties compactes appartenant à A

A A

A, telles que (∀n) Cn ⊂ An et mes(An − Cn) < ε.]

3) Montrer la propriété de Daniell ci-dessus ; en déduire 10).

[ Ind. : Soient ε > 0, An(ε) = { x ∈ I ; fn(x) ≥ ε }, M = sup( f0 ) ; noter que 0 ≤ fn ≤ ε + M.1An(ε) .] Remarque : La propriété de Daniell découle du théorème de convergence dominée que l’on énoncera dans le § 5. Mais ce théorème sera admis, et la propriété de Daniell est un des lemmes qui permettent de l’établir rigoureusement.

2. Les fonctions réglées et leur intégrale.

2.1. Fonctions réglées.

Définition 1 : Une fonction f : I E est dite réglée si elle vérifie l’une des propriétés équivalentes suivantes :

(R1) (∀ε > 0) ∃ϕ∈ Esc(I, E) (∀x I) || f(x) −ϕ(x) || ≤ε ;

(R2) Il existe une suite (ϕn) de fonctions en escaliers convergeant uniformément vers f sur I.

Lorsque f est à valeurs réelles, ces conditions sont équivalentes à celle-ci :

(R3) (∀ε > 0) ∃ϕ, ψ∈ Esc(I, R) (x ∈ I) ϕ(x) f(x) ≤ψ(x) et ψ(x) −ϕ(x) ≤ε.

Proposition 1 : L’ensemble RRRR(I, E) des fonctions réglées est un sous-espace vectoriel de BBBB(I, E) fermé pour la norme uniforme ; RRRR(I, K) est une sous-algèbre de BBBB(I, K) ; RRRR(I, R) est un sous-espace de Riesz de BBBB(I, R).

Corollaire : Une suite uniformément convergente de fonctions réglées a pour limite une fonction réglée. Une série uniformément convergente de fonctions réglées a pour somme une fonction réglée.

Ce corollaire n’a rien de surprenant : RRRR(I, E) n’est autre que l’adhérence de Esc(I, E) dans BBBB(I, E) pour la norme uniforme : c’est donc un ensemble fermé !

Théorème 2 : La fonction f : I → E est réglée si et seulement si elle admet une limite à droite et à gauche en tout point x de I.

Autrement dit, f est réglée ssi elle n’admet que des discontinuités « de première espèce », c’est-à- dire de l’espèce la plus simple.

Preuve : a) Soit f une fonction réglée sur I, (ϕn) une suite de fonctions en escaliers convergeant uniformément vers f. Chacune des fonctions a une limite à droite et à gauche en tout point.

(7)

En vertu du théorème d’interversion de limites, l’espace d’arrivée étant complet, f aura une limite à droite et à gauche en tout point x0, donnée par :

limx→x0± f(x) = limn→+ ∞ limx→x0± ϕn(x).

b) Réciproquement, supposons que f ait une limite à droite et à gauche en tout point.

Pour tout x ∈ I, il existe un intervalle ouvert Vx = ]cx , dx[ contenant x et tel que l’on ait : ∀z’, z’’∈ I ∩ ]cx , x[ || f(z’) f(z’’) || ≤ε et ∀z’, z’’∈ I ∩ ]x , dx[ || f(z’) f(z’’) || ≤ε. Comme I est compact, il existe un nombre fini de points xi ∈ I tels que les Vxi forment un recou- vrement de I ; soit (ak)0kn la suite obtenue en rangeant dans l’ordre croissant les points de l’ensemble fini formé de a, b et des points xi, cxi et dxi qui appartiennent à I. Dans chaque intervalle ]ak , ak+1[ choisissons une valeur wk prise par f, et définissons la fonction en escaliers ϕ par : (∀k) ϕ(ak) = f(ak) et ϕ(x) = wk si x ]ak , ak+1[ .

Comme chacun des intervalles ]ak , ak+1[ (0 ≤ k n−1) est contenu dans un intervalle ]cxi , xi[ ou ]xi , dxi[ , on a (∀z ∈ I) || f(z) − ϕ(z) || ≤ ε. f est donc réglée. CQFD4.

Théorème 3 : L’ensemble des points de discontinuité d’une fonction réglée est dénombrable.

Preuve : Soit (ϕn) une suite de fonctions en escaliers convergeant uniformément vers f ; l’ensemble Dn des points de discontinuité de ϕn est fini, la réunion D = ∪ Dn est finie ou dénombrable, et f est continue en tout point de I−D comme limite uniforme de fonctions continues en tout point de I−D.

Exemples et contre-exemples de fonctions réglées : 1) Toute fonction en escaliers est réglée.

2) Toute fonction continue est réglée.

Cela découle de ce qu’elle a une limite à droite et à gauche en tout point, et du théorème 2 ci- dessus. Mais cela découle aussi de ce qu’elle est limite uniforme d’une suite de fonctions en escaliers : cela découle de sa uniforme continuité (cf chap. sur la convergence uniforme § 5 ; le théorème 2 précédent ne fait que généraliser cette preuve.)

3) Toute fonction continue par morceaux est réglée.

Définition 2 : Une fonction f : I E est dite continue par morceaux s’il existe une subdivision σ

= (x0 = a < x1 < … < xn = b) de I telle que, pour tout i, f|]xi, xi+1[ se prolonge en une fonction continue sur [xi , xi+1] , autrement dit que f soit continue en chaque point x ∈ I−σ et ait des limites à droite et à gauche en les xi .

Proposition 4 : L’ensemble CMCMCMCM(I, E) des fonctions continues par morceaux est un espace vectoriel, et en fait CMCMCMCM(I, E) = C(I, E) + Esc(I, E) (somme non directe).

Preuve : Notons σi = f(xi + 0) − f(xi − 0) le saut de f en xi, et ϕ la fonction en escaliers définie par ϕ(x) = 0 sur [a, x1[ , ϕ(x) = σ1 sur [x1, x2[ , ϕ(x) = σ1 + σ2 sur [x2, x3[ , etc.

On montrera que g = f −ϕ est prolongeable en une fonction continue sur I. Figure souhaitée…

4) Toute fonction monotone f : I R est réglée. Cela découle de ce qu’elle admet une limite à droite et à gauche en tout point (théorème de la limite monotone).

5) Toute fonction monotone par morceaux est réglée.

4 Selon Desnos, cqfd provient de « Charles Quint Faux Défunt » (10 décembre 1923). La démonstration est piochée dans Bourbaki ; je n’en connais pas de plus simple.

(8)

On nomme ainsi les fonctions f : I R telles qu’il existe une subdivision σ = (x0 = a < x1 < … < xn

= b) de I telle que f soit monotone et bornée sur chacun des intervalles ]xi , xi+1[ , 0 ≤ i n−1.

6) Toute fonction à variation bornée est réglée. (cf. chap. sur l’intégrale de Stieltjes).

7) La fonction f(x) = sin(1/x) sur ]0, 1], f(0) = c, n’est pas réglée sur [0, 1], ni a fortiori continue par morceaux, car elle n’a pas de limite à droite en 0 (nous verrons qu’elle est intégrable-Riemann).

8) La fonction 1Q[a, b] n’est pas réglée sur [a, b]. Voir citdessous

Exercice 1 : Montrer que f(x) = 1/[1/x] si x > 0, f(0) = 0, est réglée sur [0, 1]. Graphe ? Intégrale ? Exercice 2 : Montrer qu’une fonction monotone est limite uniforme de fonctions en escaliers.

Solution : Supposons f croissante. Notons c = f(a), d = f(b) et ck = c +

( d c ) n

k

− pour 0 ≤ k n.

On considérera les fonctions ϕn =

{ }

= < + 1

0 1

1 .

n

k k c f c

k k

c + cn.1

{ }

f=cn et ψn =

{ }

= < + 1

0 1

1 .

n

k k c f c

k k

c + c0.

{ }

0

1f=c , appelées approximantes de Lebesgue de f. Un dessin est souhaité…

Exercice 3 : Montrer que f(x) = 4/ [ ) 1 (1

x

x − ] est réglée sur [0, 1]. Graphe ? Intégrale ?

Exercice 4 : Soit D une partie infinie dénombrable de I, n N → rn ∈ D une bijection. Montrer que f(x) =

.1 ( )

2

1n [rn,b] x est réglée sur I et admet les points de D comme points de discontinuité.

Exercice 5 : Démontrer qu’une composée de fonctions réglées n’est pas toujours réglée, mais que la composée d’une fonction réglée et d’une fonction continue est réglée.

[ Considérer f(x) = x.sin(1/x) et g(x) = sgn f(x) , ou bien 1R* o f , f fonction de Thomae ci-dessous. ] 2.2. Intégrale des fonctions réglées.

Rappelons le théorème de prolongement des applications linéaires continues (chap. Espaces normés, § 5) :

Théorème : Soient B un espace vectoriel normé, E un espace de Banach, A un sous-espace vectoriel de B, Α son adhérence. Toute application linéaire continue u : A → E se prolonge de manière unique en une application linéaire continue

u

: A → E. De plus, u et

u

ont même norme :

||| u ||| = |||

u

|||.

Si l’on applique ce théorème au cadre suivant :

B = (BBBB(I, E), || . ||) , A = Esc(I, E) , u : ϕ→

ab

ϕ ( x). dx

,

On prolonge de manière unique l’intégrale des fonctions en escaliers en une application linéaire continue, encore notée f

ab

f ). ( x dx

, de l’espace de Banach RRRR(I, E) = A des fonctions réglées sur I, dans E. Ainsi, par définition,

ab

f ). ( x dx

est la limite de la suite

ab

ϕ

n

( x). dx

, où (ϕn) est une suite de fonctions en escaliers tendant uniformément vers f, cette limite étant indépendante de la suite n) choisie.

Propriétés de l’intégrale des fonctions réglées :

1) L’application µ : f ∈ RRRR(I, E)

ab

f ). ( x dx

E est linéaire et continue de norme triple b − a pour la norme uniforme.

2) µ est l’unique application linéaire continue RRRR(I, E) E telle que µ(α.1J) = α.long(J) pour tout α ∈ E et tout intervalle J ⊂ I.

(9)

3) Si f ∈RRRR(I, E), la fonction t → || f(t) || est élément de RRRR(I, R), et

|| ∫

ab

f ). ( x dx ||

ab

f ( x ) . dx

.

4) Si L ∈LLLLc(E, F) est linéaire continue et f ∈ RRRR(I, E), alors L o f ∈ RRRR(I, F) et : L(

ab

f ). ( x dx

) =

ab

( Lof )( x ). dx

.

5) Si E est un K-ev de dim. finie rapporté à une base BBBB = (ε1 , …, εn), et si l’on pose f =

fii , alors f ∈ RRRR(I, E) (i) fi RRRR(I, K) et

ab

f ). ( x dx

=

(

ab

f

i

( x ). dx

).εi .

En particulier, f ∈RRRR(I, C) Re f et Im f ∈RRRR(I, R) et :

ab

f ). ( x dx

=

abRef ).(x dx + i.

abImf ).(x dx.

6) Invariance par translation. Si f ∈RRRR(I, E), sa translatée g : x f(x h) est réglée sur J = [a + h, b + h], et vérifie :

ab

f ). ( x dx

=

ab++hh

g ). ( x dx

.

7)

ab

f ). ( x dx

ne dépend que des valeurs prises par f sur les sous-intervalles de longueur > 0 de I, non des valeurs ponctuelles. Si f est nulle sauf en un nombre fini de points,

ab

f ). ( x dx

= 0, et si l’on modifie les valeurs prises par f en un nombre fini de points, on ne modifie pas son intégrale.

8) Si E = R, µ : f ∈RRRR(I, R)

ab

f ). ( x dx

R est une forme linéaire positive : f ≥ 0 ⇒

ab

f ). ( x dx

0 , donc croissante : f g

ab

f ). ( x dx

ab

g ). ( x dx

.

9) Si f ∈RRRR(I, R) alors

ab

f ). ( x dx

= sup (

ab

ϕ ( x). dx

; ϕ Esc(I, R) et ϕ≤ f } = inf(

ab

ψ ( x). dx

; ψ Esc(I, R) et f ≤ψ }

10) L’application µ : f ∈RRRR(I, R)

ab

f ). ( x dx

R est l’unique forme linéaire positive prolongeant ϕ∈ Esc(I, R)

ab

ϕ ( x). dx

R.

Exercice 6 : Soit f ∈RRRR(I, E). Démontrer que, pour toute norme N sur E, N(

ab

f ). ( x dx

)

ab

N ( f ( x )). dx

.

2.3. Deux fausses amies : les fonctions de Dirichlet et de Thomae.

Avant de poursuivre, prenons le temps d’étudier deux fonctions « pathologiques » classiques.

Certaines de leurs propriétés anticipent sur la suite du chapitre.

Définition 3 : On nomme fonction de Dirichlet la fonction indicatrice de Q dans R : 1Q(x) = 1 si x Q , 0 si x Q.

Cette fonction est périodique et paire. Le groupe additif de ses périodes est Q.

Elle est discontinue en tout point, et n’a de limite à droite ou à gauche en aucun point, car tout réel est à la fois limite d’une suite de rationnels et d’irrationnels.

Par suite, elle n’est réglée sur aucun segment [a, b] (a < b).

Elle n’est pas davantage Riemann-intégrable sur ce segment. D’ailleurs, aussi petit que soit le pas de la subdivision σ de [a, b], 0 et b – a sont des sommes de Riemann.

Exercice 7 : Démontrer que 1Q(x) = lim m→+∞ lim n→+∞ cos2n (2πxm!) mais que 1Q n’est pas limite simple d’une suite de fonctions continues sur R.

Il en résulte que la fonction de Dirichlet est une fonction de Baire de classe 2 et non de classe 1.

(10)

Définition 4 : On nomme fonction de Thomae 5 la fonction définie par : f(x) = 0 si x Q , f(x) =

q

1 si x = q

p ( p Z, q N*, p ∧∧∧∧ q = 1 ).

Cette fonction prend la valeur 1 sur Z. Elle est 1-périodique, le groupe de ses périodes est Z. De plus elle est paire.

Graphe de la fonction de Thomae

Je dis que f est continue en point irrationnel, discontinue en tout rationnel.

• Soient x un irrationnel, (xn) une suite tendant vers x. Par un argument de panachage généralisé, on peut supposer tous les xn rationnels. Si xn =

n n

q

p est une suite de rationnels tendant vers x (sous forme réduite), je dis que la suite (qn) tend vers +∞. Sans quoi, on pourrait en extraire une suite majorée, et même constante égale à c, et, du coup, la suite xn(k) =

c pn )(k

tendrait vers un rationnel.

On en déduit que f(xn) → f(x) = 0.

Si x = q

p et (xn) est une suite d’irrationnels tendant vers x, f(xn) = 0 ne tend pas vers f(x) = q 1. Je dis qu’en tout point a, f a une limite nulle en a par valeurs différentes : lim x→a, x≠a f(x) = 0 Il s’agit de démontrer que ∀ε > 0 ∃η > 0 ∀x 0 < | x − a | < η ⇒ 0 ≤ f(x) ≤ ε.

En effet f(x) > ε ⇔ x = q p et

q

1 > ε x = q

p et q < ε1.

Les rationnels de ce type sont en nombre fini sur tout segment, donc isolés. On conclut aussitôt.

Il en découle que f est réglée sur tout segment [a, b], mais cela découle aussi de :.

Sur [0, 1] f est somme d’une série uniformément convergente de fonctions en escaliers. Notons en effet Fn = {

q

p ; 0 ≤ p ≤ q ≤ n , p ∧∧∧∧ q = 1 } la suite de Farey d’indice n et An = Fn − Fn1 = {

n

p ; 0 ≤ p ≤ n , p ∧∧∧∧ n = 1 } . Je dis que f(x) =

+∞

=1

1

n n.1 (x)

An , la série étant normalement convergente, car son reste Rn(x) =

+∞

+

= 1

1

n

k k .1 x( )

Ak est à valeurs dans [0, 1 1+

n ], les Ak étant deux à deux disjoints.

Il en résulte derechef que f est réglée, et que

ab

f ). ( x dx

= 0 pour tous a et b.

Exercice 8 : Démontrer que f est semi-continue supérieurement, i.e. que a f−1([a, +∞[) est fermé.

5 du nom du mathématicien allemand Carl Johannes Thomae (1840-1921) qui l’a découverte en 1875.

(11)

3. Notions sur l’intégrale de Riemann-Darboux.

Comme il a été dit, cette intégrale est plus sophistiquée que celle des fonctions réglées. Nous nous limitons ici aux fonctions à valeurs réelles, et nous contentons de cerner les définitions, renvoyant le lecteur intéressé au cours de taupe de Gostiaux, qui en donne un exposé complet 6

Définition 1 : La fonction f : I → R est dite Riemann-intégrable si, pour tout ε > 0, il existe deux fonctions en escaliers ϕ et ψ telles que :

(∀x ∈ I) ϕ(x) ≤ f(x) ≤ ψ(x) et

ab

( ψ ( x )

ϕ ( x )). dx

≤ ε.

Il résulte aussitôt de cette définition qu’une fonction Riemann-intégrable est bornée, et que : sup {

ab

ϕ ( x). dx

; ϕ ∈ Esc(I, R) et ϕ ≤ f } = inf {

ab

ψ ( x). dx

; ψ ∈ Esc(I, R) et ψ ≥ f }.

Cette valeur commune est, par définition, l’intégrale de Riemann de f et se note

ab

f ). ( x dx

.

Théorème 2 : L’ensemble Riem(I, R) des fonctions Riemann-intégrables I R est un sous-espace vectoriel de BBBB(I, R), fermé pour la convergence uniforme, et :

µ : f ∈ Riem(I, E) →

ab

f ). ( x dx

∈ E est linéaire et continue de norme triple b − a.

Riem(I, R) contient l’espace RRRR(I, R) et l’intégrale de Riemann prolonge celle des fonctions réglées.

Preuve : Ces propriétés, y compris celles de nature purement algébriques, ne sont pas évidentes, mais assez faciles à établir.

Remarque : La construction de l’intégrale de Riemann rentre dans un cadre voisin de celui de l’intégrale des fonctions réglées. En effet :

p(f) = inf {

ab

θ ( x). dx

; θ Esc(I, R) et (x ∈ I) θ(x) || f(x) || } est une semi-norme sur BBBB(I, R), et f est intégrable-Riemann ssi : (∀ε > 0) ∃ϕ∈ Esc(I, R) p( f −ϕ ) ≤ε ,

autrement dit ssi f est adhérente à Esc(I, E) pour cette semi-norme. Il reste à appliquer le théorème de prolongement à cette situation.

Exemples de fonctions Riemann-intégrables non réglées…

1) Soit f(x) = sin

x

1

sur ]0, 1], f(0) = 0. f n’est pas réglée, car elle n’a pas de limite à droite en 0+.

Mais elle est Riemann-intégrable. Soit en effet ε > 0 : comme f est réglée, et même continue, sur tout segment J ⊂ ]0, 1], il existe deux fonctions en escaliers ϕ et ψ sur J =

[

ε 4

, 1

]

telles que : (∀x ∈ J) ϕ(x) f(x) ≤ψ(x) et

J(x) −ϕ(x)].dx

ε 2

. Prolongeons ψ et ϕ à [0, 1] en posant ψ(x) = 1 et ϕ(x) = −1 sur

[

0,

4 ε ]

. On a alors : (∀x ∈ I) ϕ(x) ≤ f(x) ≤ ψ(x) et

I [ψ(x) − ϕ(x)].dx ≤ ε. cqfd.

Plus généralement, si f est une fonction [a, b] R, réglée sur tout segment J ⊂ [a, b], et bornée, alors f est Riemann-intégrable.

2) Soit K l’ensemble triadique de Cantor, 1Ksa fonction caractéristique.

6 En lisant entre les lignes le Cours de Gostiaux, qui fut longtemps professeur de taupe au lycée Saint-Louis, on s’aperçoit qu’il enseignait en classe l’intégrale des fonctions réglées, et qu’il n’a rédigé le chapitre sur l’intégrale de Riemann-Darboux que pour les besoins de la publication. Quant à moi, fidèle à l’enseignement de mon maître Jacques Tuloup, en 32 ans, je n’ai jamais enseigné l’intégrale de Riemann, mais seulement l’intégrale des fonctions réglées, largement suffisante pour un cours de premier cycle universitaire, et de surcroît plus esthétique.

(12)

Je dis que 1Kn’est pas réglée, mais est Riemann-intégrable d’intégrale nulle.

La fonction 1K est continue en tout point de l’ouvert [0, 1] − K, car localement constante, discon- inue en tout point de K, car tout point de K est limite d’une suite de points de [0, 1] − K. Elle n’est pas réglée, puisqu’en ces points (par exemple au point 1/3) elle n’a pas de limite à droite et à gauche.

Si Fn est la réunion des 2n segments de longueurs 1/3n obtenus après n évidements du tiers médian, la fonction caractéristique de Fn est en escalier et son intégrale (2/3)n ↓ 0. Par suite, pour tout ε > 0, la fonction 1K est comprise entre deux fonctions en escaliers, la fonction nulle et la fonction caractéristique de Fn, dont la différence des intégrales est < ε. Le résultat en découle.

… et de fonctions non Riemann-intégrables.

1Q∩[a,b] n’est pas Riemann-intégrable sur [a, b], car si ϕ et ψ sont en escaliers telles que ϕ ≤ f ≤ ψ, alors

ab

ϕ ( x). dx

= 0 et

ab

ψ ( x). dx

= b a ; pourquoi ?

Exercice 1 : Soit f(x) =

x 1

− E(

x

1

) si x ∈ ]0, 1] et f(0) = 0. Montrer que f est Riemann-intégrable, et calculer

01

f ( x ). dx

.

Exercice 2 : Montrer que la fonction caractéristique de l’ensemble triadique de Cantor K est Riemann-intégrable sur [0, 1], mais non réglée. (cf chap. Espaces métriques, § H.1.)

Exercice 3 : Une partie A de I est dite Riemann-mesurable si 1A est Riemann-intégrable sur I, et l’on note mes(A) =

ab

1

A

( x). dx

. Que dire de l’ensemble des parties Riemann-mesurables de I ? Étendre à l’application mes les propriétés i) et ii) du § 1, exercice final. Montrer que si 1A est réglée ssi A est réunion finie d’intervalles disjoints de I (utiliser Bolzano-Weierstrass).

4. Intégration sur un sous-segment.

Proposition 1 : Soit J = [c, d] un sous-segment de I = [a, b]. La restriction à J d’une fonction f en escaliers, resp. continue par morceaux, resp. réglée, resp. Riemann-intégrable, possède la même propriété, et :

cd

f

J

( x ). dx

=

ab

f ( x ). 1

J

( x ). dx

.

Cette intégrale se note

cd

f ). ( x dx

.

Proposition 2 : Soit g une fonction en escaliers, resp. continue par morceaux, resp. réglée, resp.

Riemann-intégrable J → E, f son prolongement par la valeur 0 sur I−J. Alors f possède la même propriété sur I, et :

cd

g ). ( x dx

=

ab

f ). ( x dx

.

Proposition 3 (formule dite de Chasles). Si c ∈ [a, b] et si f est, disons, réglée, I → E, alors :

ab

f ). ( x dx

=

ac

f ). ( x dx

+

cb

f ). ( x dx

.

Si l’on adopte la convention

ba

f ). ( x dx

=

ab

f ). ( x dx

pour a < b, la formule précédente reste vraie quels que soient les points a, b, c du segment sur lequel f est réglée.

Corollaire : Soit f une fonction T-périodique R → E, réglée sur tout segment. Alors

aa+T

f ). ( x dx

est indépendant de a. On note parfois

(T)f(x).dxcette valeur.

(13)

Preuve :

aa+T

f ). ( x dx

=

a0

f ( x ). dx

+

0T

f ( x ). dx

+

Ta+T

f ). ( x dx

.

Or

Ta+T

f ). ( x dx

=

0a

f ( x

+

T ). dx

=

0a

f ( x ). dx

( invariance de l’intégrale par translation ).

Définition 1 : Soit f une fonction X E (X espace métrique). On appelle support de f l’ensemble fermé Supp f = Adh{ x X ; f(x) ≠ 0 }.

Définition 2 : Soit I un intervalle de R de nature quelconque ; une fonction f : I → E est dite réglée si elle est réglée sur tout segment J ⊂ I.

Une cns pour qu’il en soit ainsi est que f ait une limite à droite et à gauche en tout point de I. On définit de même les fonctions Riemann-intégrables sur tout segment.

Proposition 4 : Soient I un intervalle quelconque de R, f : I → E une fonction réglée à support compact, c’est-à-dire réglée et nulle en dehors d’un segment [a, b], dépendant de f et inclus dans I.

Alors

ba

f ). ( x dx

ne dépend pas du segment [a, b] choisi, et se note

I

f ). ( x dx

.

Cela découle aussitôt de la formule de Chasles. Les parties Riemann-mesurables sont les parties bornées de R dont la fonction caractéristique est Riemann-intégrable sur tout segment les contenant ; leur mesure est indépendante de ce segment.

Proposition 5 : L’ensemble RRRRk(I, E) des fonctions réglées à support compact de I dans E est un espace vectoriel, et l’application f

I

f ). ( x dx

est linéaire.

Attention ! Lorsque I = R (ou est non borné), RRRRk(I, E) n’est pas fermé pour la norme uniforme, et cette application n’est pas continue pour la norme uniforme : il n’existe pas de constante universelle α telle que : ∀f ∈ RRRRk(R, E) ||

R

f ). ( x dx

||α.|| f || .

Si (ϕn) est une suite de fonctions réglées sur R, à support compact, tendant uniformément vers f sur R, f est réglée mais n’est pas à support compact, et même dans ce cas, on ne peut affirmer que :

R f(x).dx = limn+

R ϕn(x).dx . Il suffit de considérer les fonctions en plateau ϕn =

n 1

1

[n,n] ou ψn =

n 1

1

[n²,n²]

5. Théorèmes de convergence uniforme et de convergence dominée.

Théorème 1 (convergence uniforme) : Si (fn) est une suite de fonctions réglées de I dans E, convergeant uniformément vers f, alors f est réglée et :

ab

f ). ( x dx

= limn+

ab

f

n

( x ). dx

.

Corollaire : Une série uniformément convergente de fonctions réglées I = [a, b] → E a pour somme une fonction réglée, et :

∫ ∑

+∞

= b an

n x dx u

0

).

( =

∑∫

+∞

=0

).

(

n b

aun x dx .

Le théorème découle immédiatement des propriétés du § 2 ; le corollaire s’en déduit aussitôt.

Remarque administrative : Le programme ne contient explicitement ni les fonctions réglées, ni les fonctions intégrables-Riemann, mais seulement les fonctions continues par morceaux, qui ne forment pas un espace fermé pour la convergence uniforme. Le seul énoncé au programme est donc celui-ci, moins satisfaisant pour l’esprit :

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