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Soient f : I = [a, b] R une fonction bornée, m et M deux réels tels que m < inf f sup f < M, et σ = (y0 = m < y1 < … < yn = M) une subdivision de [m, M]. Pour tout k, soit Jk = [yk , yk+1[ et

Ak = { x ∈ I ; f(x) ∈ Jk } son image réciproque par f.

En général, les images réciproques par f des intervalles de R ne sont pas des intervalles, mais plutôt des réunions d’intervalles, voire des parties de I plus compliquées (même si f est continue).

Nous supposons ici ces images réciproques toutes Riemann-mesurables, et f Riemann-intégrable.

Appelons somme de Lebesgue de f : L(f, σ, ζ) =

= 1

0

) ( .

n

k

k

kmes A

z , où (∀k) yk ≤ zk ≤ yk+1 . 1) Interpréter géométriquement L(f, σ, ζ). De quelle fonction est-elle l’intégrale ? (cette fonction est appelée approximante de Lebesgue de f).

2) Montrer que L(f, σ, ζ) →

ab

f ). ( x dx

lorsque le pas de σ tend vers 0.

3) Montrer que si f est monotone par morceaux, les hypothèses sont remplies.

4) Montrer que L(f, σ, ζ) est une somme de Riemann-Stieltjes sur [m, M] relativement à une fonction décroissante à préciser.

Ce renversement de point de vue, qui consiste à calculer l’aire de f en la tranchant horizontalement plutôt que verticalement, permettrait, une fois définie la mesure de certaines parties de I, de définir l’intégrale de Lebesgue en toute généralité. Dans une conférence donnée en 1926 à Copenhague, Lebesgue résumait sa méthode en ces termes :

« Avec le procédé de Riemann, on sommait les indivisibles dans l’ordre où ils étaient fournis par la variation de x. On opérait donc comme le ferait un commerçant sans méthode qui compterait pièces et billets au hasard dans l’ordre où ils lui tomberaient sous la main ; tandis que nous opérons comme le commerçant méthodique qui dit :

j’ai m(E1) pièces de une couronne, valant 1.m(E1) j’ai m(E2) pièces de deux couronnes, valant 2.m(E2) j’ai m(E5) pièces de cinq couronnes, valant 5.m(E5) etc… donc j’ai en tout S = 1.m(E1) + 2.m(E2) + 5.m(E5) + … » .

Qui eût cru que la motivation principale de Lebesgue était de compter plus vite son traitement de prof de taupe ? A cette époque reculée, les profs de taupe devaient être payés en pièces d’or. Ils sont aujourd’hui payés en monnaie de singe…

7. Espaces fonctionnels et modes de convergence.

Proposition 1 : Une fonction continue positive d’intégrale nulle sur I = [a, b] (a < b) est nulle.

Preuve par absurde : Si f(x0) > 0 pour a < x0 < b, alors par continuité de f en x0, il est sûr que f(x) ≥ 2

) (x0

f sur [x0 − α, x0 + α], d’où

ab

f ). ( x dx

≥ α.f(x0) > 0 ; impossible. Donc f est nulle sur ]a, b[ ; idem en a et b.

Autre preuve, via le th du § 8. La fonction F(x) =

ax

f ). ( t dt

croit de 0 à 0 sur [a, b], donc F ≡ 0. Sa dérivée f, est identiquement nulle.

Exercice 1 : 1) Soit f une fonction réglée positive sur I. Montrer que :

ab

f ). ( x dx

= 0 D = { x [a, b] ; f(x) ≠ 0 } est dénombrable.

2) En déduire que si f et g sont réglées et égales sauf sur un ensemble dénombrable,

ab

f ). ( x dx

=

ab

g ). ( x dx

.

3) Montrer cependant que si l’on modifie une fonction réglée sur un ensemble dénombrable, elle n’est pas toujours réglée.

Exercice 2 : Quelles sont les fonctions continues f : [a, b] R telles que

| ∫

ab

f ). ( x dx |

=

ab

f ( x ) . dx

?

Exercice 3 : Quelles sont les fonctions continues f : [a, b] C telles que

| ∫

ab

f ). ( x dx |

=

ab

f ( x ) . dx

?

Exercice 4 : Soit f réelle continue sur I, telle que (∀n ∈ N)

ab

f ( x ). x

n

. dx

= 0. Montrer que f ≡ 0.

Exercice 5 : Soit f : [−1, 1] → R continue. Montrer que (n N)

+11

f ( x ). x

2n+1

. dx

= 0 f est paire.

Caractériser de même les fonctions impaires.

Exercice 6 : Soit f réelle continue sur I = [a, b], telle que k [0, n]

ab

f ( x ). x

k

. dx

= 0.

Montrer que f a au moins n + 1 zéros dans I.

Remarque : Il découle de l’ex 4 que l’application µ qui à f associe la suite (µn(f)) de ses moments est injective. Le « problème des moments » consiste à déterminer les propriétés de cette suite, l’image exacte de µ, et remonter de la suite des moments à la fonction.

Proposition 2 : L’application f || f ||1 = b

f x dx

a

( ) .

est une semi-norme sur RRRR(I, E), et une norme sur C(I, E). C’est la semi-norme, resp. la norme de la convergence en moyenne. La convergence uniforme implique la convergence en moyenne, la réciproque étant fausse.

Lorsque f et g sont réelles, || f g ||1 est l’aire de la différence symétrique des épigraphes de f et g.

Proposition 3 : Soit K = R ou C. Dans RRRR(I, K), l’application (f, g) → (f | g) = b

f x g x dx

a

( ) . ( ).

est

une forme bilinéaire symétrique si K = R, sesquilinéaire hermitienne si K = C, positive, et un produit scalaire sur CCCC(I, K). En particulier, on a les inégalités :

|( f | g )|2 ( f | f ).( g | g ) (Cauchy-Buniakowski-Schwarz) || f + g ||2 || f ||2 + || g ||2 (Minkowski)

Il en découle que f → || f ||2 =

( f f )

=

ab

f ( x ) ². dx

est une semi-norme sur RRRR(I, K), et une vraie norme sur C(I, K), dites de la convergence en moyenne quadratique. Si f et g sont continues, il y a

égalité en (CBS) ssi f et g sont liées, et en (M) ssi f et g sont positivement liées. Enfin, la convergence uniforme implique la convergence en moyenne quadratique, la réciproque étant fausse.

Exercice 7 : Comparer les normes || f ||1 et || f ||2 .

Exercice 8 : On munit E = C([a, b], K) des trois normes || f || , || f ||1 et || f ||2 . Soit g ∈ E.

Montrer que la forme linéaire Φ : f

ab

f ( x ). g ( x ). dx

est continue pour chacune des trois normes.

Calculer dans chaque cas ||| Φ |||.

Exercice 9 : On munit E = C([0, 1], R) de la norme ||f|| . On considère les formes linéaires Tn : f

= n

k n

f k n 1 ( )

1 et µ : f

01

f ( x ). dx

.

Montrer que (∀n) ||| Tn ||| = ||| µ ||| = 1 , ||| Tn − µ ||| = 2, et que (∀f) Tn(f) → µ(f).

Expliquer ce paradoxe.

Exercice 10 : Soit f ∈ C1([a, b], E), E Banach.

Vérifier que ∀x ∈ [a, b] f(x) =

b− 1 a

ab

f ). ( x dx

+

axbtaa.f'(t).dt +

xbbtba.f'(t).dt.

En déduire || f(x) ||

b− 1 a

ab

f ( x ) . dx

+

ab

f '( x ) . dx

,

puis une majoration de || f || à l’aide de || f ||1 et || f’ ||1 . Commentaire ?

Exercice 11 : Soit E = C([0, 1], K) muni des trois normes || f || , || f ||1 et || f ||2 , F = { f E ; f(0) = f(1) = 0 }. Déterminer l’adhérence et l’intérieur de F dans E pour chacune des trois normes.

Exercice 12 : Montrer que E = C([a, b], K) est complet pour || f || , mais pas pour || f ||1 et || f ||2 . Exercice 13 : Soient σ = (x0 = a < x1 < … < xn = b) une subdivision du segment I = [a, b], et f une fonction réglée sur I. Parmi les fonctions en escaliers ϕ adaptées à σ, quelles sont celles qui minimisent

ab

( f ( x )

ϕ ( x ))². dx

?

Exercice 14 : On munit E = C([a, b], K) des trois normes || f || , || f ||1 et || f ||2 .

1) Soit f ∈ E fixée. Montrer que, pour chacune des trois normes, il existe au moins une fonction polynomiale Pn de degré ≤ n rendant minimum || f − P ||k pour k ∈ {1, 2, +∞}.

2) Pourquoi y a-t-il unicité du polynôme Pn dans le cas de la norme || f ||2 ? Indiquer une ou deux méthodes pour le déterminer. Montrer que limn+ || f − Pn ||2 = 0.

3) Soit [a, b] = [0, π], f = sin. Trouver les constantes m minimisant ||f m||2 , ||f m|| et ||f m||1 . Remarque : Pour les normes || f || et || f ||1 , il y a aussi unicité de Pn, mais c’est bien plus difficile à établir. Pour la norme || f ||, ce résultat est dû à Tchebychev, Borel, Tonelli et Haar, avec un algorithme dû à Remez (1935). Pour la norme || f ||1, c’est un résultat dû à Jackson (1920).

Exercice 15 : Construire une suite (fn) de fonctions continues sur [a, b], convergeant en moyenne (resp. en moyenne quadratique) vers 0, mais ne convergeant simplement en aucun point de [a, b].

8. Primitives & intégrales.

Primitivation et intégration sont des opérations bien distinctes : la primitivation est l’opération inverse de la dérivation, l’intégration sert à calculer des longueurs, des aires, des volumes, etc. La première relève du calcul différentiel, la seconde du calcul intégral, branche de la théorie de la mesure. En ramenant l’intégration d’une fonction continue à la recherche de ses primitives, Newton et Leibniz ont révolutionné le calcul intégral : plus besoin de calculer des sommes de Riemann et de passer à la limite ! On a peine à imaginer les longs tâtonnements qui ont précédé cette découverte, les nombreux exemples qu’ils ont d’abord considérés, à une époque où la notion de dérivée venait d’être dégagée, et restait imprécise, faute d’une définition claire des limites… et des fonctions. Les mathématiciens du XVIIIème siècle ont appliqué systématiquement ce théorème de Newton-Leibniz. Cependant, ce théorème n’épuise pas le sujet : les rapports entre primitivation et intégration sont complexes, et n’ont été élucidés qu’en 1915, par Arnaud Denjoy.

8.1. Primitives.

Définition : Soient I un intervalle de R, et f une fonction : I → E. On appelle primitive (stricte) de f toute application F : I → E dérivable et telle que F’ = f.

En somme, la primitivation est l’opération inverse de la dérivation8. Nous n’aborderons pas ici la théorie des primitives au sens large (voir les Cours d’analyse de Ovaert, Godement, etc.).

Proposition : Si f admet une primitive stricte F sur I, alors toutes ses primitives sont de la forme : G = F + cte.

Démonstration : Elle découle du fait que les fonctions à dérivée nulle sur un intervalle sont les fonctions constantes. C’est une conséquence du théorème des accroissements finis (lequel est hors programme pour les fonctions à valeurs vectorielles, sauf dans le cas C1, et est mentionné dans le chapitre sur les espaces métriques, § F.3.).

8.2. Primitives et intégrales.

Isaac Newton (1642-1727) Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) Théorème fondamental du calcul différentiel et intégral ( Newton-Leibniz, 1665 ) : Soient I un intervalle de R, f une fonction continue I → E, et c ∈ I.

La fonction F(x) =

cx

f ). ( t dt

est de classe C1 sur I et vérifie F’ = f.

Démonstration : Il faut établir que

h x F h x

F( + )− ( )

f(x) = h1.

xx+h(f(t)f(x)).dt 0 quand h → 0.

En effet, par continuité de f en x, (∀ε > 0) (∃α > 0) ∀t ∈ [x − α , x + α] ∩ I || f(t) − f(x) || ≤ ε.

8 On la nommait jadis antidérivation.

Alors, pour |h| ≤α, [x , x + h] ou [x + h , x] [x −α , x + α]. D’où :

||h f(x) f(x) || ≤ h1.

xx+h f(t)f(x).dt ε. hh = ε. CQFD.

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