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À quoi rêvent les femmes ?

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À quoi rêvent les femmes ?

Partir de nos rêves pour construire nos revendications, c’est ce qui se pose encore à nous en 2010, année des cent ans du 8 mars. Nos aspirations d’hier ont-elles été comblées, ont-elles abouti ?

Il s’agit non pas de parler de nos illusions mais de nos rêves, de nos besoins d’égalité, d’émancipation. D’abord ceux des jeunes filles d’aujourd’hui, nos élèves pour la plupart, ce qu’elles peuvent exprimer comme doutes mais aussi comme espoirs, comment les mouvements pour les droits des femmes percutent aujourd’hui encore leurs aspirations pour leur vie future.

Le rapport au corps des femmes, son instrumentalisation par la société, en le cachant ou l’exhibant, est au cœur de ces questions. Il en est de même pour la sexualité, dont la construction sociale, dans laquelle notre école influe manifestement, ne peut être détachée de la ques- tion de l’égalité femmes/hommes. Pour (re)construire nos revendications, déconstruire les schémas qui irriguent notre société, nous devons reprendre le chemin parcouru, et donc comprendre ce qu’il reste à conquérir.

Nos métiers, majoritairement féminisés, n’échappent pas à toutes ces questions, qu’il s’agisse du travail concret ou de la carrière. Pourquoi être enseignante aujourd’hui, comment les femmes sont-elles devenues majoritaires dans le second degré et pourquoi, cependant, il n’est pas toujours facile d’exercer nos métiers en tant que femmes ? Pourquoi les carrières sont-elles si diffé- rentes selon le sexe du/de la salarié-e ?

Les reculs sociaux actuels touchent sans aucun doute frontalement les femmes, pourtant il ne peut être ques- tion de reculer sur nos revendications. Mais si les valeurs d’égalité sont immuables, les combats sont différents.

C’est avec les femmes et les hommes d’aujourd’hui que nous ferons aboutir ces nouvelles aspirations, que nous permettrons que ces rêves deviennent réalité.

C’est ce que propose ce 8 pages de manière non exhaus- tive ; des pistes, un regard d’aujourd’hui sur l’actualité de ces questions. ■

Pour le « secteur femmes », Ingrid Darroman

ÉDITO

Dossier réalisé par : C. Cauvy, I. Darroman, V. Gaillard, M. Guigonnet, F.Ligonnière, M. Migneau, F. Montagnac, C. Moulain, S. Rojtman

femmes

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Quels étaient vos rêves quand vous aviez 14 ans, l’âge de vos filles ? Sarah, 35 ans, mère au foyer, mariée,

cinq enfants : J’aurais voulu être maî- tresse, ou coiffeuse. Je voulais avoir un mari, un foyer, être bien, ce rêve-là s’est réalisé et je suis heureuse.

Katia, 34 ans, mère au foyer, mariée, deux enfants

: Travailler, dehors ! Avoir un métier. Je voulais travailler dans une banque ! Mais à 16 ans, j’ai arrêté l’école. C’est notre coutume, on dirait que nos parents ont voulu nous couver, nous garder...

Angélina, 29 ans, séparée, trois enfants

: Oui, avant de tout arrêter, de me marier, je faisais quinze jours d’école, quinze jours de stage en crèche. Je voulais continuer... Si c’était à refaire, j’aurais d’abord, un travail, après un foyer.

Votre rêve professionnel?

Sarah

: Chez nous, les filles ne travaillent pas, c’est juste maintenant qu’elles commencent... Je suis de l’époque d’avant, je reste à la maison.

Angélina

: Je cherche du travail, je pose des CV partout mais on ne m’appelle pas. Je voudrais me former mais avec trois enfants, toute seule, je n’ai pas beaucoup de temps.

C’est un peu difficile de parler de tout ça...

Qu’aimeriez-vous pour l’avenir de vos enfants ? Sarah

: Je suis de l’époque ancienne, si les filles ne travaillent

Quel avenir ? Quels rêves ? Quelle réalité ?

Nombre d’entre nous travaillent dans leurs établissements avec des élèves issu-e-s de la communauté tzigane ou gitane. Il nous est apparu pertinent d’échanger avec cinq femmes de la communauté gitane d’Ayguelongue de Montpellier

à propos de leurs rêves et donc de la condition des femmes dans leur communauté.

À quoi rêvent les jeunes filles ?

Dans la perspective de la Journée des Femmes du 8 mars 2009, le ministère chargé de la thématique femmes/égalité a souhaité sonder les attentes des jeunes filles, leurs préoccupations, leurs aspirations.

Ce sondage a été réalisé par l’institut OpinionWay auprès d’un échantillon de 565 jeunes filles âgées de 15 à 18 ans, en février 2009.

De ce sondage, il ressort que les principales inquiétudes des jeunes filles âgées de 15 à 18 ans portent sur le choix de leurs études (62 %) et leur futur accès au marché de l’emploi (48 %).

Quand elles se projettent en position d’agir en faveur des femmes, c’est la lutte contre les violences faites aux femmes (33 %), à égalité avec la suppression des écarts salariaux entre les femmes et les hommes, qu’elles citent en premier. Mais elles se préoccupent également de la conciliation vie privée/vie professionnelle (20 %) et du respect de l’image de la femme dans les publicités (11 %). Interrogées sur leurs aspirations professionnelles, les jeunes filles d’aujourd’hui expriment des envies de liberté et d’indépendance. La « femme chef d’entreprise », la « femme artiste » et la « femme exerçant une profession libérale » cumulent à elles trois 82 % de citations.

À l’opposé, le statut de « femme au foyer » n’attire guère les jeunes filles interrogées qui ne sont que 5 % à le plébisciter.

PAROLES DE FILLES...

Nous avons interviewé quelques filles âgées de 13 à 15 ans : incontestablement, la première place revient au désir d’« un ave- nir professionnel radieux... ».

mon fils au collège car s’il reste comme ça, son avenir est perdu ! Je l’encourage pour que plus tard, il n’ait besoin de per- sonne, je voudrais qu’il n’ait pas besoin de mendier des aides.

Le bonheur de mon fils, c’est mon rêve d’aujourd’hui. Que par- tout, avec les autres, il se sente respecté. Ce rêve peut se réali- ser si les gens comprennent que nous, les gitans, nous avons des coutumes mais ne sommes pas à part.

Johanna, 25 ans, célibataire, sans enfant

: Si j’avais une fille, je ne l’élèverais pas selon la coutume. Ah non ! Je voudrais qu’elle travaille, qu’elle réussisse... la tête sur les épaules...

Jessica, 27 ans, mère célibataire, deux enfants

: Qu’ils devien- nent autonomes pour se débrouiller dans la vie sans avoir besoin de la famille, qu’ils aient un niveau d’études pour tra- vailler. C’est important, surtout pour une fille !

Quels sont vos projets ?

Johanna

: Le travail ! D’abord le travail et le permis de conduire, c’est prioritaire. Mais ils ne veulent pas, c’est dur...

À 16 ans, je suis rentrée chez moi. Je n’ai pas de formation et à l’école, j’étais dans un coin... Comme je n’allais pas souvent en classe, alors, je ne comptais pas et je m’ennuyais. J’aidais ma mère à la maison, c’est la coutume : les filles aident leurs mères. Je pense au mariage mais je veux choisir... Maintenant on a plus de liberté. Je pourrais même choisir en dehors de la communauté gitane. Avec le travail on connaît des gens et on peut faire des rencontres mais sans diplôme toutes les En effet, Camille, Garance, Clémentine, Angèle, Mélissa, Mathilde, Arlène, rêvent toutes d’avoir un « Bon Job ». Le bon job, c’est sur- tout travailler dans la mode (journaliste de mode, créatrice...) ou dans le milieu artistique. Toutefois elles sont pragmatiques car elles disent « vouloir simplement bien gagner leur vie » pour être à l’abri, car toutes ont peur « d’être au chômage ».

Un des objectifs qu’elles assignent au « bon job », c’est également leur permettre d’être indépendantes vis-à-vis de leur compagnon et d’être « libres ». Elles pensent bien « au prince charmant » mais disent vouloir « éviter quelque chose de banal, sinon c’est trop ennuyeux ».

Pour Clémentine, « des enfants un mari, une maison et un chien. C’est tellement déprimant ».

Camille « ne se voit pas avoir un enfant » ou peut-être plus tard.

Garance voudrait bien en avoir mais pas se marier, Arlène se voit bien avoir quatre enfants. Fonder une famille traditionnelle n’est pas leur priorité !

Quand elles se projettent dans leur avenir, elles souhaitent voyager ou s’engager dans des associations humanitaires.

Elles pensent aussi à l’avenir de la planète, pour cela, elles sont prêtes à faire quelque chose pour que ça change « faire de petits gestes pour que la Planète aille mieux ».

Un bel avenir en perspective... ■

© D.R.

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Groupe de parole de filles au collège

L’ÉCOLE AU CŒUR DU TERRITOIRE SOCIAL

Les groupes de parole de filles au collège Nerval (REP de Pierrelatte, 26) ont été créés pour répondre à une urgence : permettre aux filles de s’exprimer librement dans un envi- ronnement où les comportements sexistes, la violence sociale – dont les femmes sont les premières victimes – font partie du quotidien. Vivre dans un ghetto a une incidence sur la vie au collège, la place des apprentissages, et par conséquent sur la politique éducative envisagée. Ce dispositif est une consé- quence de cette ségrégation sociale.

UN ESPACE, UN PROJET

Cet espace d’expression hebdomadaire, hors temps scolaire de l’élève, animé par la documentaliste, est un lieu d’expéri- mentation. Il s’est transformé en lieu d’écoute. Au cœur du tumulte, restaurer une parole vraie et personnelle, formuler sa souffrance, construire son intériorité, protégée, pour faire face, remettre en cause les comportements d’assujettissement à une personne, un groupe ou à un discours idéologique, éla- borer sa pensée, envisager une issue, investir ses études, échapper au déterminisme. Ensuite seulement, une démarche collective de projet peut s’élaborer pour réaliser une sortie cul- turelle, créer ensemble, publier.

L’ÉCOLE OU L’ENJEU DE LA PAROLE

La mixité dans la classe est essentielle et fonde le rôle de l’école dans la construction des relations garçon-fille. C’est aussi devenu le seul lieu où garçons et filles dialoguent encore, grâce à notre médiation. Ces relations dans et hors l’école se sont

considérablement dégradées ces dernières années. Une situa- tion d’oppression s’est installée et s’aggrave. On ne peut l’im- puter aux origines culturelles des élèves, car force est de constater que ces relations garçon-fille ont évolué positivement dans leurs pays d’origine (Maroc par exemple) quand elles ne cessent de se dégrader dans nos quartiers. Ici, les jeunes d’origines étrangères et françaises véhiculent les mêmes lois de réglementation des mouvements, habillement, circulation des filles. La problématique de la poursuite d’étude, du rôle de l’école dans cet espoir d’émancipation, reste au cœur de ces groupes de parole. C’est un lieu d’écoute où la parole est prise en compte, donc aussi un refuge où révéler un danger (vio- lences, abus sexuels, menace de mariage forcé...) et être aidée à s’y soustraire. Pour ces raisons mêmes, c’est un lieu où il est dangereux d’être vue.

Cette conjugaison d’espoir et de menace a conduit certaines à surmonter tant de contraintes et de peur qu’elles en sont devenues militantes. Aujourd’hui elles continuent de conqué- rir chaque jour leur dignité, trop souvent dans la souffrance.

L’isolement reste fort. La solidarité et le collectif sont difficiles à élaborer.

Les témoignages qu’elles ont choisi de publier tentent de faire prendre conscience, au sein du quartier, des familles, des institutions, d’une souffrance sociale qui cherche une issue, des enjeux de la construction individuelle et citoyenne des jeunes pour l’avenir de cette société, de l’importance de la parole et du partage que l’école permet.

Consultation en ligne des publications témoignages sur le site www.ac-grenoble.fr/rep.pierrelatte

Nombre de recherches , tant sur les personnels de l’ensei- gnement que sur les élèves, affirment que « l’Éducation natio- nale n’est pas un havre d’égalité pour les relations hommes/femmes ». Et pourtant, enseigner reste un métier qui attire les femmes, un métier qui se féminise. Pourquoi ? Quelle est l’histoire des femmes dans l’enseignement ? Si le métier est plus féminisé, est-ce parce qu’il est plus facile d’être enseignante qu’enseignant ? Le métier d’enseignante est-il émancipateur ?

UN PEU D’HISTOIRE LAÏQUE...

Dès 1848, les mouvements des femmes revendiquent une éducation – au sens large – plus égalitaire, plus libérale. En 1871, les femmes de la Commune de Paris proposent un enseignement laïc pour chasser les congrégationnistes. En 1879, la formation d’une école normale de filles dans chaque département est rendue obligatoire. En 1882 est créé un concours spécial d’aptitude à l’enseignement secondaire dans les lycées et collèges de jeunes filles, et l’agrégation pour un enseignement secondaire des jeunes filles en 1883. La mixité s’est imposée par la loi et, pour des raisons morales – la pré- sence d’hommes auprès de classes de jeunes filles déran- geait –, les femmes sont entrées en enseignement.

Le métier d’enseignante a été un des rares métiers proposés rapidement aux femmes, et permis dans certains milieux dans

lesquels le travail des femmes n’était pourtant pas autorisé ou rendu nécessaire par la pauvreté. Ce métier s’est donc imposé comme celui qui

émanciperait le mieux les femmes, elles se le sont appropriées, vivant souvent, à la fin du

XIXe

et début du

XXe

, exclusivement pour leur métier. Le célibat était ainsi majoritaire chez les ins- titutrices et les professeures.

C’est seulement en 1919 que les institutrices obtiennent les mêmes salaires que les instituteurs et, dans les années 60, que la revendication de la mixité est aboutie au niveau législatif.

Aujourd’hui

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, les femmes représentent 65 % des enseignant- e-s en collège, 63 % des certifié-e-s, 49,6 % des agrégé-e-s, 56,7 % des non-titulaires, avec une plus grande proportion de femmes pour les disciplines littéraires.

ENSEIGNANTE, POURQUOI, COMMENT ?

Les femmes enseignantes exercent leur métier d’abord par attrait pour leur discipline. Rarement, l’organisation temporelle plus personnelle permise par le métier d’enseignant-e est évoquée comme une des raisons du choix de leur profession

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. Cette particularité est pourtant bien souvent opposée aux femmes professeures quand il s’agit de parler de temps de tra- vail ou de garde d’enfants : être prof, c’est être plus disponible.

Enseigner , métier rêvé des femmes ?

Le métier d’enseignant-e (premier ou second degré) est un des plus féminisés de la fonction publique. Enseigner se conjugue au féminin, mais se

conjugue-t-il au féminisme ?

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En termes professionnels, les femmes enseignantes font d’ailleurs face à des préjugés et des a priori concernant leur capacité à exercer avec autorité, en tous cas à induire le res- pect de la part des élèves. Bien sûr, cela n’est jamais explicité, exprimé mais existe réellement dans le ressenti quotidien des femmes enseignantes.

Les carrières des professeures sont, comme dans tous les métiers, confrontées au plafond de verre : plus on monte dans la hiérarchie, dans les grades, moins elles sont présentes : « par opposition aux progrès enregistrés au niveau des établisse- ments d’enseignement, le nombre de femmes occupant des postes plus élevés au sein des administrations régionales et cen- trales de l’enseignement primaire et secondaire (responsables ministériels, responsables en chef de l’éducation, inspecteurs et autres fonctions) reste très bas »

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. Le métier d’enseignante n’est donc pas hors des schémas propres au monde du travail, loin de là, et la féminisation accrue n’a pas renversé la donne.

En termes de carrières, une réelle inégalité existe entre les hommes et les femmes, tant au niveau des salaires que des pensions.

De plus, il n’est pas si facile d’être mère et enseignante. Du fait des périodes de vacances imposées, les femmes enseignantes n’ont pas eu les mêmes droits que les autres : jusqu’en 2007, elles n’avaient pas la possibilité de reporter une partie de leur congé prénatal sur leur congé postnatal quand leur congé de maternité commençait pendant les vacances scolaires, périodes de congé pourtant imposées. Sans compter que les contraintes d’emploi du temps, le fait d’être devant élèves empêche d’exercer certains droits : les abattements horaires pendant la grossesse, les heures pour allaitement...

À RÊVES DIFFÉRENTS, POSTURES DIFFÉRENTES

En ce qui concerne leur vie privée : le métier d’enseignant permettant une « flexibilité temporelle » plus importante que d’autres est-il facteur d’égalité ? L’étude en cours de Julie Jarty qu’elle présente dans Temporalités tend à démontrer le contraire : « le caractère flexible du métier vient légitimer la faible participation des conjoints à la vie domestique et fami- liale, surtout lorsque ces derniers ont un emploi du temps qui apparaît plus exigeant que celui de l’enseignante ». Julie Jarty tente de présenter une « typologie des expériences temporelles des enseignantes du secondaire » basée sur « une typologie des expériences de genre »

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.

• Celui de la féminitude « faisant apparaître l’expérience de la conciliation des temps de vie comme une prérogative fémi- nine », les femmes choisissant d’abord d’être disponibles à leur vie familiale, organisant leur métier afin qu’il « perturbe le moins possible l’organisation de la vie privée ». Les femmes remet- tent souvent à plus tard le passage de l’agrégation par exemple.

• L’expérience de la « virilitude des enseignantes » : « un surin-

vestissement temporel dans le travail professionnel et par un désengagement plus ou moins volontaire et assumé de la sphère privée ».

• Le dépassement du genre

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: les femmes dont l’« investisse- ment professionnel est placé au même niveau d’importance que celui de leur partenaire », qui accordent plus de temps à leur vie personnelle et qui ont « des aspirations égalitaires en termes de répartition des tâches domestiques et éducatives ».

Le métier d’enseignante, un rêve pour les femmes ? Du chemin reste à parcourir, la mixité, la parité voire la surreprésentation des femmes dans les corps d’enseignement n’ont pas permis à cette profession d’être plus égalitaire que d’autres quant aux questions de genre.

Culturellement pourtant, ce métier apparaît comme l’un de ceux ayant permis à de nombreuses femmes de s’émanciper de leur famille, d’accéder à l’autonomie, de gravir les échelons sociaux.

C’est en s’emparant au niveau syndical de ces questions, en permettant que cette dimension du genre soit prise en compte dans nos revendications, que nous ferons reculer ces inéga- lités auxquelles les femmes enseignantes sont confrontées. ■

1. Étude « Les enseignants à l’aube de l’An 2000 » Éducation &

formations, n° 56, avril-juin 2000.

2. Julie Jarty in « Les usages de la flexibilité temporelle chez les enseignantes du secondaire »Temporalités [En Ligne], 9 2009.

3. Résolution sur la féminisation de la profession enseignante du deuxième congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation réuni à Washington D.C. (États-Unis) du 25 au 29 juillet 1998

4. Le Feuvre, 2001.

5. Le Feuvre, 2001.

Quarante ans depuis ce 26 août 1970 où dix femmes ont déposé une gerbe à l’Arc de Triomphe à Paris pour la femme du soldat inconnu. Elles brandissaient les banderoles : « Il y a

L’enjeu était de taille : réaliser l’éga- lité femmes/hommes après des siècles d’inégalités, de violences, de

Sources

« Le professeur a-t-il un sexe ? Les débats autour de la présence d’hommes dans l’enseignement secondaire féminin, 1840-1880 »Rebecca Rogers, CLIO, n°4-1996.

« Les usages de la flexibilité temporelle chez les enseignantes du secondaire »Julie Jarty, Temporalités [En Ligne], 9 2009

http://www.temporalites.revues.org/index1057.html

« La féminisation de l’enseignement, une histoire de femmes ? », Rebecca Rogers, Histoire de l’éducation [En ligne], 93 | 2002, mis en ligne le 15 jan- vier 2009 URL : http://histoire-education.revues.org/index320.html

« Professeurs... mais femmes. Carrières et vies privées des enseignantes du secondaire au XXesiècle, 2007 »Marlaine Cacouault-Bitaud.

Chemin parcouru et à parcourir...

2010, c’est maintenant. Et cela fait quarante ans qu’a émergé le Mouvement de Libération des Femmes, deuxième vague du féminisme contemporain.

© MMF Nelly Trumel

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mari requise pour travailler, pour ouvrir un compte en banque, divorce supprimé, adultère puni de façon plus sévère pour les femmes que pour les hommes...

Pour lutter contre ces inégalités, le MLF intervint dans tous les domaines. Cependant, la lutte première du mouvement des femmes fut la lutte pour l’avortement. Celle-ci passa par la médiation du MLAC : Mouvement pour la liberté de l’avorte- ment et de la contraception. Il organisa la lutte qui fut massive et protéiforme : de procès exemplaires en manifestations, en passant par une pratique illégale de l’avortement en France à des voyages en Angleterre et aux Pays Bas où l’avortement est déjà autorisé. Les résultats se concrétisèrent en 1975 où l’As- semblée nationale vota la loi dite Veil mais à l’essai pour cinq ans. Celle-ci fut votée définitivement en 1979 à l’issue de manifestations monstres !

Les luttes contre les violences embrayè- rent immédiatement après celles pour l’avortement en 1975. Une thématique émergea : « Le viol est un crime ». Dans la loi française, qui datait de 1832, le viol était déjà considéré comme un crime. Mais en l’absence d’une défini- tion du viol, toute agression sexuelle était « déqualifiée » en « attentat à la pudeur » qui est un délit, donc une infraction moins grave. Les luttes repri- rent sur le même mode que sur l’avor- tement : manifestations, procès exem-

plaires, ripostes extra-judiciaires. Elles aboutirent au vote d’une nouvelle loi sur le viol le 23 décembre 1980. Cette loi était aussi une loi de compromis et elle fut votée après quatre ans de débats parlementaires !

Une des thématiques essentielles du Mouvement de Libération des Femmes fut de considérer que le « privé est politique ». Ce mot d’ordre visait à briser l’isolement que ressentaient les femmes dans leurs cuisines, face à d’éventuelles violences, confrontées parfois à la nécessité d’avorter.

Contrairement à ce que pensent certaines, le Mouvement de Libération des Femmes n’a jamais laissé de côté les rapports au travail. Des féministes soutiennent des ouvrières en grève comme aux Nouvelles Galeries de Thionville, rencontrent en 1973 les femmes de Lip. Dès 1971, il existe au sein du Mou- vement une tendance dite « lutte de classe ». Celle-ci était com- posée de militantes souvent membres d’organisations d’extrême gauche (qu’elles remirent fortement en cause d’ailleurs) et qui

Corps rêvé, rêve de corps

Le corps, sa libération mais aussi sa protection, a été une des problématiques importantes de Mai 68.

Le droit à la contraception , la liberté sexuelle et la lutte contre les violences faites aux femmes constituent un triptyque qui n’a pas toujours été simple à articuler et qui continue à ali- menter des débats entre les féministes elles-mêmes.

En 1968, les filles voulaient disposer librement de leur corps : pour la première fois, on parlait de plaisir féminin mais aussi de viol des corps. L’enquête du ministère chargé de la thé- matique femmes/égalité publiée en février 2009 met en avant à la fois les rêves des filles de 15 à 18 ans qui ont été inter- viewées et leurs craintes de femmes. À la question « Si vous aviez le moyen d’agir en faveur des femmes, parmi les mesures suivantes, laquelle mettriez-vous en œuvre en premier ? », 33 % demandent des mesures contre les violences faites aux femmes

(elles sont aussi 33 % à souhaiter l’égalité salariale), et 11 % voudraient un meilleur contrôle de la publicité pour que des images dégradantes de la femme ne soient plus présentées.

L’intégrité du corps et sa représentation restent donc des enjeux majeurs pour les filles d’aujourd’hui.

NOTRE CORPS, NOUS-MÊMES

La « révolution sexuelle » a largement été à l’origine de la contestation étudiante. Dès 1965, des étudiants contestent les règlements intérieurs qui interdisent aux filles et aux garçons de se rencontrer dans les chambres universitaires ; on retrouve cette problématique à la faculté de Nanterre en 67/68. La liberté d’aimer tout comme la question de l’orientation sexuelle avaient à cœur de montrer la combinaison entre oppression des femmes et capitalisme, mais sans subordonner leur libé- ration à l’avènement d’un socialisme mythique. Elles créèrent en 1974 la « Coordination des groupes femmes d’entreprise » et en 1982 se tinrent au grand amphi de la Sorbonne les États généraux du Travail des Femmes. On y dénonçait déjà le travail à temps partiel...

Enfin, le Mouvement de Libération des Femmes n’a jamais cessé de soutenir les luttes internationales : Portugal, Espagne, Chili. De nombreux collectifs de femmes immigrées se forment en France. En 1977 par exemple, le Mouvement des femmes noires organise une journée de lutte contre les mutilations sexuelles. Est créé aussi à la Maison des Femmes de Paris, un Collectif féministe contre le racisme dans les années 80.

ET APRÈS CE DÉBUT, OÙ EN SOMMES-NOUS MAINTENANT ? On peut dire, sans risquer de se tromper, que le MLF a bouleversé la société fran- çaise. Il a réussi à imposer l’égalité femmes/hommes sur le plan des droits.

Mais dans les faits, la situation est autre.

D’autant plus que dans une période de régression sociale, il faut toujours veiller à la préservation des acquis. Concer- nant l’avortement, si la loi a été amélio- rée en 2001, on assiste aujourd’hui à sa remise en cause insidieuse. Sous pré- texte de restructuration hospitalière, des CIVG ferment. Les médecins militants qui pratiquaient les IVG partent progres- sivement à la retraite. Il y a peu de jeunes pour les remplacer car l’acte d’IVG n’est pas attractif financièrement.

On a vu la remise en cause, sous prétexte d’égalité, des boni- fications dont bénéficient encore les femmes du privé sur leur retraite pour avoir élevé des enfants.

La parité est menacée par la réforme des élections locales.

L’égalité salariale et professionnelle n’est toujours pas réalisée.

Sur les violences, tout le pan de la prévention, déterminant, est laissé aux bonnes volontés...

C’est pour affirmer ces évidences que le Collectif national pour les Droits des Femmes et Femmes solidaires ont organisé une manifestation nationale le 17 octobre dernier. Celle-ci a réuni 15 000 personnes, ce qui n’est pas négligeable dans la période actuelle. Mais même après quarante ans de lutte, la tâche, d’une autre nature, est toujours immense. ■

© ARCL Éditions

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ont fortement marqué la généra- tion de 68 et les suivantes qui se sont battues simultanément contre les violences infligées au corps.

Notre corps, nous-mêmes, ouvrage vendu à des millions d’exemplaires dans le monde, est emblématique de la lutte des femmes pour la libre disposition du corps. Ce livre publié en 1977 en France résume le com- bat des féministes : contrôle de la fécondité, la maternité et l’ac- couchement, le plaisir sexuel, le viol, la prostitution. Tout tourne autour du corps car sa libération est perçue comme un des enjeux majeurs par les féministes.

Ce combat sera long : lors de la manifestation du 20 novembre 1971 pour la contraception et l’avortement libre et gratuit, la foule est nombreuse et mixte ; pourtant, il faudra attendre décembre 1974 et la loi sur la contraception, puis janvier 1975 et la loi sur l’IVG, enfin 1982 et le remboursement de l’IVG.

DÉFENSE CONTRE LES AGRESSIONS ET DÉBAT SUR LA PROSTITUTION

Les féministes ont mis en avant la question du viol dans les années 70. En 1975, à la suite d’une plainte de deux jeunes femmes belges violées par trois hommes, les manifestations et les rassemblements se multiplient : les féministes se battent pour la criminalisation du viol (alors simplement considéré comme un délit), les avocats de la défense soulignent l’ho- mosexualité des deux femmes et leur « liberté d’allure ». Le débat sur le viol est vif, les lourdes peines demandées par cer- taines et la reconnaissance du viol conjugal divisent.

Une deuxième tension se crée : entre le désir de liberté totale du corps et celui de défendre son intégrité se pose la ques- tion de la prostitution ou encore celui de la pornographie. Est- on face à des exemples de l’appropriation des corps des femmes par les hommes ou devant une liberté sexuelle totale ? Il ne faut pas négliger l’impact des mouvements de prostituées de juin 1975 pendant lesquels des centaines de femmes exerçant la prostitution occupent l’église de Saint- Nizier à Lyon. Simone de Beauvoir soutient alors ce mou- vement qui s’étendra à Paris, Marseille, Grenoble contre une police trop sévère et corrompue. Bien que la France ait ratifié, dès 1949, la convention de l’ONU « pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploita- tion de la prostitution », le débat sur ce sujet a été souvent relancé. Aujourd’hui la très grande majorité des féministes en France sont abolitionnistes mais elles se confrontent aux féministes réglementaristes qui, comme les Hollandaises, ont créé en 1984 une association de défenses des intérêts des

« travailleuses du sexe ». La libéralisation du corps divise après avoir rassemblé sous sa bannière toutes les sensibilités fémi- nistes lors des manifestations pour l’avortement.

DES IMAGES CONTRE LESQUELLES IL FAUT SE BATTRE ?

Les féministes ont promu la libération des corps mais pas au prix de leur dégradation. La limite entre libération sexuelle et pornographie n’est pas toujours si simple à poser entre le rêve d’un corps libéré et l’exposition à caractère marchand du corps fantasmé. Les féministes sont ainsi traitées tour à tour de dévergondées ou de pudibondes.

Les stars des années 50 ont introduit une liberté sexuelle saluée par des féministes comme Simone de Beauvoir, parti- culièrement intéressée par le personnage de Bardot qui dans Et Dieu créa la femme de Vadim apparaît comme le symbole de la liberté. Déjà on considère que Bardot mêle « gaminerie et animalité », Sagan la voit comme une « anarchiste »... Le vocabulaire a son importance : à l’époque on mêle des mots se rapportant à une idéologie libertaire et des expressions qui renvoient à la réification ou/et à l’animalité. Ce discours ne serait plus admis aujourd’hui par les féministes.

Pour autant, si aujourd’hui, il y a une unanimité pour dénon- cer le diktat de la mode, les publicités sexistes, si les journaux féministes auparavant symbole de liberté féminine sont par- fois brocardés, le désir de beauté est toujours aussi grand et il s’est démocratisé (Georges Vigarello in Histoire de la beauté).

La progression du secteur marchand des produits de beauté est impressionnante : toutes les classes sociales et toutes les tranches d’âge adhérent à cette recherche de la beauté du corps.

Certes, on parle de plus en plus de « beauté intérieure », de

« charme » mais la norme corporelle reste présente et fait des dégâts chez les jeunes filles (anorexie, suicide...). Les images diffusées par les médias n’expliquent pas tout. Aujourd’hui, les magazines de santé ou de beauté parlent d’individualisation des corps et de retour sur soi : il faudrait se « retrouver », se

« ressourcer » pour se « réconcilier » avec son corps. Finale- ment on dit aux femmes et aux hommes que leur apparence physique est le signe d’un choix de mode de vie : si vous êtes trop gros c’est que vous vous laissez aller, il faut se reprendre, être plus responsable par rapport à son corps et sa santé ! Chacun-e est considéré-e comme comptable de son état phy- sique et de sa beauté.

Le corps libéré/ le corps agressé/ le corps marchand : on fabrique de l’épanouissement ou de l’enfermement à partir du même discours. La beauté du corps qui ne doit pas être avili par des mises en scènes dégradantes et la protection de son intégrité restent des préoccupations majeures.

La libération des corps a été une conquête pour la généra- tion de 68 ; aujourd’hui le corps sexué fait de plus en plus peur, certaines le cachent, la mode androgyne est aussi un phénomène à étudier... Le malaise semble bien réel quoique diffus.

Femmes en résistance

Exister, Résister, Survivre, Reconstruire, Militer : ainsi se déploie l’extraordinaire livre du photo- journaliste Pierre-Yves Ginet sur les résistances de femmes dans le monde, fruit d’un long travail de reportages dont l’approche singulière boule- verse et transporte. Les constats sont rudes, mais le regard pénètre, dans les deux sens. Au-delà

des violences, l’humanité sourde, brûlante, inextinguible. Bien que pre- mières victimes des conflits contemporains, d’oppressions politiques ou religieuses, ces femmes sont ici évoquées dans leurs luttes et le rôle qu’elles jouent pour la société tout entière. Ce témoignage de leurs souffrances et de leurs combats est bien plus qu’une entreprise de reconnaissance, il nous donne du souffle. Puissant.

Des expositions de ces reportages à destination des établissements scolaires sont mises à disposition gratuitement par les Régions ou départements qui en ont fait l’acquisition, notamment :Respect : la marche des femmes contre les ghettos et pour l’égalité et Grandes

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féministes sont attaquées sur leur sexualité, présentées systé- matiquement comme des castratrices

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ou des homosexuelles.

Ainsi, à la fin de son article sur la place de la sexualité dans les luttes féministes, Y. Ripa

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ne peut que constater : « muettes sur la

sexualité, les féministes du long

XIXesiècle sont accusées de nym- phomanie ; prolixes sur le plaisir féminin, celles de la fin du XXesiècle sont étiquetées frigides ! Le disposi- tif est efficace : il conduit des jeunes filles d’aujourd’hui à ne pas oser se dire féministes. Et des historiens à se demander si les féministes aiment le sexe ! ».

Dans le secret des alcôves, la libé- ration sexuelle de tous, hommes et femmes, a-t-elle vraiment eu lieu ? Comment les pratiques se sont- elles redistribuées ? La très sérieuse enquête sur la sexualité des Fran- çais

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réalisée en 2006 permet d’ap- préhender les changements surve- nus entre 1972 et 2006. Certaines statistiques révèlent une tendance à l’homogénéisation des pratiques sexuelles : ainsi, l’écart entre les deux sexes pour l’âge du premier rapport sexuel n’est plus que de quelques mois ; la part des femmes déclarant n’avoir eu qu’un seul par- tenaire au cours de leur vie a été divisée par deux (68 % en 1972) et le premier partenaire ne devient plus forcément le conjoint ; l’homosexualité féminine semble aujourd’hui mieux assumée : 4 % des femmes entrées dans la vie sexuelle décla- rent avoir déjà eu des rapports avec une femme (contre 2,6 % À la croisée de la morale , de la loi, de l’organisation sociale

et de la vie privée, la sexualité est un sujet foisonnant ; si l’on ne retient que la notion essentielle d’égalité sexuelle, quelques questions se posent aujourd’hui :

quelle place les revendications concernant la sexualité ont-elles eu dans les luttes féministes ? Les pra- tiques et les représentations des Français ont-elles évolué depuis les années 70 ? Quel rôle l’École peut- elle jouer dans l’éducation sexuelle des jeunes ?

Une émergence tardive des reven- dications en matière de sexualité. Si en 1912, le tabou de la sexualité est brisé par Madeleine Pelletier (« Il a des droits. Elle a des devoirs », dénonce-t-elle)

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, l’urgence est alors dans le combat pour le droit de vote et ses revendications restent lettre morte. Quelques-unes dénon- ceront les lois de 1920 qui réduisent la sexualité féminine à la procréa- tion. En 1949, le choc provoqué par Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, qui veut sortir la femme de son « destin anatomique », ne suffit pas encore. La philosophe a touché juste, mais il faut attendre l’après 1968 pour que la fin de la domination sexuelle masculine

devienne un mot d’ordre féministe. Le droit à la contraception conquis, d’autres revendications vont suivre : droit à l’orgasme, à la sexualité avant et hors mariage, à l’homosexualité. Frigi- dité et passivité sont dénoncées comme des constructions sexistes. Alors, comme Simone de Beauvoir en son temps, les

Sexualité : rêve d’égalité ?

« En vérité, l’homme est comme la femme une chair, donc une passivité, jouet de ses hormones et de l’espèce, proie inquiète de son désir ; et elle est comme lui au sein de la fièvre charnelle consentement, don volontaire, activité ; ils vivent chacun à sa manière l’étrange équivoque de l’existence faite corps. »

Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, 1949

Elles rêvent...

La réforme de la retraite des mères ne va pas dans leur sens, Leur temps alloué aux tâches ménagères dans la sphère familiale

[n’a pas baissé sensiblement depuis des années Elles subissent toujours le temps partiel imposé Elles ne peuvent pas avorter quand elles le souhaitent Et encore, et encore...

Le chemin sera long...

Et pourtant ...

Elles rêvent...

De passer du temps à lire tous les bouquins dont Télérama [et les Inrocks font de bonnes critiques...

De prendre enfin le temps de trier les cours de collège dont elles n’auront plus besoin.

De regarder la banderole de tête d’une manifestation éducation [et d’y retrouver autant de femmes que d’hommes...

De prendre le temps de rêver...

De travailler sans devoir toujours regarder leur montre, d’arrêter de recevoir

des yeux noirs quand elles demandent leurs mercredis sur leurs fiches de vœux

des remarques désapprobatrices quant à leur maternité quand elles ne le demandent pas

des regards interrogatifs quand elles n’ont pas d’enfants.

De pouvoir passer dans un couloir sans entendre une blague sexiste entre deux élèves voire envers elle.

Que les équipes de direction soient à l’image de la profession...

Elles rêvent...

De ne rien faire

De l’égalité non plus rêvée mais aboutie

La libération sexuelle en quelques dates

1810: le devoir conjugal est une obligation : il n’y a donc pas de viol entre époux.

1920: interdiction de l’avortement et de la pro- pagande anticonceptionnelle.

1939: la maternité est proclamée « devoir civique ». Mise en place du code de la famille qui incite les femmes à rester au foyer et à pro- créer.

1942: l’avortement, « crime contre la sûreté de l’État », est puni de la peine de mort.

1944: loi Marthe Richard qui ordonne la ferme- ture des maisons closes.

1955: autorisation de l’avortement thérapeu- tique.

1961: ouverture du premier centre de planning familial à Grenoble.

1967: loi Neuwirth autorisant la contraception.

1971: parution du Manifeste dit des

« 343 salopes » dans Le Nouvel Observateur(des

femmes plus ou moins célèbres déclarent avoir avorté illégalement).

1972: procès de Bobigny (une jeune fille violée ayant avorté clandestinement est acquittée).

1973: fondation du Mouvement de Libération de l’Avortement et de la Contraception.

1974: la contraception est autorisée pour les mineures et remboursée par la Sécurité sociale.

1975: la loi Veil légalise l’avortement (pour cinq ans) au terme de débats houleux et insultants pour la ministre, première manifestation de prostituées à Lyon.

1977: création du « Collectif Femmes contre le viol ».

1979: Marche des femmes pour le renouvelle- ment de la loi Veil et le remboursement de l’IVG.

Adoption définitive de la loi.

1980: durcissement de la loi contre le viol : il est désormais un crime.

1981: dépénalisation de l’homosexualité.

1982: remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale.

1983: campagne féministe dénonçant les vio- lences sexuelles par inceste.

1990: autorisation de la pilule abortive RU 486, après des débats houleux.

1992: loi sur le harcèlement sexuel sur les lieux de travail.

1993: création d’un délit d’entrave à l’IVG.

2000: la pilule du lendemain est en vente libre dans les pharmacies.

2001: allongement du délai de l’IVG.

2009: attaque de l’État contre les plannings familiaux. Dans le cadre de la restructuration hospitalière, fermeture de centres d’IVG, dont trois en région parisienne.

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L’Université Syndicaliste, suppl. au n°692 du 25 février 2010, hebdomadaire du Syndicat national des enseignements de second degré (FSU), 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13 Directeur de la publication: Roland Hubert - Compogravure: C.A.G., Paris - Imprimerie: RPN, Livry-Gargan (93) - N°CP 0113 S 06386- ISSN n°0751-5839

en 1992, et alors que ce chiffre (4 %) est stable chez les hommes) ; si en 1970, 53 % des femmes de plus de cinquante ans vivant en couple déclaraient avoir encore une activité sexuelle, elles sont 90 % en 2006. Enfin, les pratiques de sexualité orale, fellation et cunnilingus, se sont diffusées et sont autant déclarées par les hommes que par les femmes. La pénétration anale reste occasionnelle.

Mais l’écart reste important sur d'autres points : les hommes déclarent toujours plus de partenaires (11,6 contre 4,4 pour les femmes) et tromper plus leur compagne (5,3 % contre 2,8 % des femmes) ; ils déclarent majoritairement leur masturbation contre 50 % des femmes de 18 à 24 ans. Quant aux repré- sentations, elles révèlent des oppositions tenaces : les femmes de moins de cinquante ans « dissocient à peine moins que leurs aînées les enjeux sexuels des enjeux affectifs [...] traduisant la pérennité de l’injonction sociale à une inscription de la sexua- lité dans la vie conjugale », et 57 % des hommes de 18 à 24 ans considèrent que l’on peut avoir des rapports sexuels avec quel- qu’un sans l’aimer, contre 28 % des femmes du même âge ! On retrouve cette différence, dans une moindre mesure cependant, pour les besoins : la sexualité serait plus indispensable aux hommes qu’aux femmes. L’opposition entre le rêve de conju- galité et d’affectivité des unes et les besoins naturels et le plai- sir des autres semble devoir perdurer, selon les auteurs, car elle est pensée comme un fait de nature

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. L’égalité sexuelle serait donc encore à inventer...

Les jeunes sauront-ils le faire ? Même s’il existe une obligation d’éducation à la sexualité

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, rien n’est développé au niveau des programmes et les situations académiques sont très diverses.

Ainsi, le programme de SVT de Quatrième porte sur « la trans- mission de la vie chez l’Homme », celui de Troisième sur la contraception, l’IVG et les modes de procréation médicalement assistée, ceux de Première L et de Terminale S reprennent les mêmes notions, en les complexifiant. L’Éducation nationale confond sexualité et procréation, en n'abordant la sexualité que sous l'angle des risques (MST, IVG, contraception). Mais comment parler du plaisir et des pratiques à des adolescents ?

Comment ne pas se cantonner au débat sur la fréquentation des sites pornographiques, débat d’ailleurs toujours vif : la porno- graphie induirait, selon certains, un rapport de domination chez les garçons ; elle n’aurait pas d’impact direct sur la vie sexuelle des jeunes mais servirait à l’élaboration de fantasmes, selon d’autres

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. D’autres enfin, de manière plus radicale encore, comme Marcela Iacub et Philippe Maniglier pensent qu’« on pré- tend protéger [...] l’authenticité du désir sexuel, le mettre à l’abri de toutes les pressions et de toutes les “dominations” » et qu’on condamne les images pornographiques « au prétexte qu’elles imposeraient des normes sexuelles à ces esprits faibles que sont les jeunes [...] » et ils concluent : « Comme on passe vite de l’idée d’une sexualité authentique à celle d’une sexualité normale... »

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. Tout cela doit nous inviter à mener une réflexion sur ce que pourrait être une véritable information-éducation sexuelle pour les jeunes, si l’on veut lutter non seulement contre les violences sexistes et homophobes, mais aussi contre les clichés et les inéga- lités sexuels. Et si, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, l’École n’assume que très peu ce rôle, il est fondamental qu’exis- tent les espaces de paroles et de soutien que sont les plannings familiaux ! ■

1. Dans L’Émancipation sexuelle de la femme. Cité par Yannick Ripa :

« Les Féministes aiment-elles le sexe ? », p.53, L’Histoire, N° 277, juin 2003.

2. Idées reçues, les femmes, Yannick Ripa, Le Cavalier bleu, 2002.

3. Yannick Ripa, art. cit. p.55.

4. Enquête sur la Sexualité en France (Pratiques, genre et santé), sous la direction de Nathalie Bajos (Inserm) et de Michel Bozon (Ined), Édi- tions La Découverte, 2008. Il s’agit de la troisième enquête nationale sur les comportements sexuels en France, après celle de 1970 et celle de 1992.

5. La rencontre entre six étudiantes de 19 à 22 ans orchestrée par Psy- chologie Magazine confirme ce point de manière flagrante (et le conforte, bien sûr, car c’est à cela que sert cette presse féminine) : elles déclarent pouvoir faire l’amour sans être amoureuses mais pensent que cela « n’aide pas à se construire » et elles ont besoin d’être « rassurées, écoutées, complimentées «. Quant au pacte d’infidélité de Beauvoir et Sartre, il est jugé « destructeur », « malsain » et « sordide » ! « Com- ment aiment les jeunes filles », septembre 2009, p.128-133.

6. Article L.312-16 du Code de l’Éducation complété par l’article 22 de la loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse qui stipule qu’ « une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homo- gène ». Les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions sont détaillées dans la circulaire n° 2003-027 du 17 février 2003 relative à l’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées,

Quelques éléments bibliographiques et internet pour aller plus loin

« MLF textes premiers » Collectif Stock, 2009.

« Mon histoire des femmes »Michelle Perrot, Seuil France Culture, 2006.

« Pour en finir avec le sexisme » Guillaume Carnino, Éditions l’Échappée, 2005.

« Des femmes sans histoire ? »Institut de recherche de la FSU, Nouveaux Regards, Syllepses, 2005

« Mouvements de Presse des années 1970 à nos jours, luttes féministes et lesbiennes » Éditions ARCL, 2009.

« Petites filles d’aujourd’hui, l’apprentissage de la féminité »Catherine Monnot, Éditions Autrement 2009.

« L’ennemi principal, Économie politique du patriarcat »Christine Del- phy, Éditions Syllepses, Collections Nouvelles Questions Féministes, 1998.

« Service ou servitude, Essai sur les femmes toutes mains »Geneviève Fraisse, Le bord de l’eau Éditions.

« Femmes : engagements publics et vie privée »Yannick Le Quentrec, Annie Rieu, Éditions Syllepses.

Quelques sites utiles

http://www.collectifdroitsdesfemmes.org http://www.planning-familial.org

http://www.marchemondialedesfemmes.org http://www.osezlefeminisme.org

http://www.mix-cite.org/

http:www.masexualite.ca

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snes.edu

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