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Résultats rapportés par les patients pour un service de soutien téléphonique pour le cancer du sein

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Academic year: 2022

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RÉSUMÉ

La mesure des résultats rapportés par les patients suscite un intérêt croissant dans les centres de cancérologie. Les organismes communautaires cherchent notamment à relever les résultats rapportés par les patients appropriés en vue de les intégrer dans l’évaluation de leurs programmes.

L’organisme canadien Willow Soutien pour le cancer du sein ou héréditaire a ainsi mené une série d’entrevues auprès de son personnel, de pairs bénévoles et de clients pour faire ressortir les résultats rap- portés par les patients les plus pertinents concernant son service de soutien télépho- nique offert par des pairs. Des variables relatives tant aux processus et qu’aux résultats ont ainsi pu être cernées en vue d’être mesurées ultérieurement. L’approche retenue et les résultats mis en lumière pourraient servir de modèle à des organisa- tions similaires.

L

e cancer et les traitements contre le cancer ont d’importantes consé- quences émotionnelles, psychosociales, spirituelles et pratiques sur la personne (Fitch, Porter et Page, 2008). D’après des survivants du cancer, disposer d’un bon soutien et d’information perti- nente et significative a été extrêmement

important pour les aider à composer avec ces conséquences (Fitch, Porter et Page, 2008). L’aide des pairs, plus parti- culièrement, est vue comme une source clé d’information utile et de soutien émotionnel aidant pour les survivantes du cancer du sein (Fitch, Nicoll et Keller-Olaman, 2007; Raupach et Hiller, 2002).

L’organisme pancanadien Willow Soutien pour le cancer du sein ou héré- ditaire offre aux personnes vivant des inquiétudes liées au cancer du sein de l’information et des services de sou- tien par des pairs. Son service phare  : le soutien téléphonique offert par son personnel et des bénévoles qualifiés pour répondre aux préoccupations qui jalonnent les étapes du cancer (prédia- gnostic, diagnostic, traitement, soins aux survivants du cancer et soins pal- liatifs). En activité depuis 1994, Willow a pour vision de fournir au moment opportun de l’information neutre et de l’aide compatissante à tous les Canadiens et Canadiennes atteintes de cancer du sein.

Les organismes de soins en cancé- rologie cherchent de plus en plus à éva- luer s’ils offrent leurs services comme prévu et s’ils répondent aux attentes des patients. Les résultats rapportés par les patients  (RRP), conceptualisés en tant que changements dans l’état de santé ou la condition d’une personne, sont consi- dérés comme importants pour répondre à ces questions (Given et Sherwood, 2005). L’organisme canadien Willow Soutien pour le cancer du sein ou héré- ditaire a donc entrepris de répertorier les résultats rapportés par les patients les plus pertinents concernant son ser- vice de soutien téléphonique par des pairs. Cette initiative unique de soutien communautaire fourni par du person- nel et des bénévoles pourrait ainsi servir de modèle pour d’autres services com- munautaires de soutien aux personnes atteintes de cancer.

CONTEXTE

Willow et son service de soutien téléphonique offert par des pairs

Le service de soutien téléphonique offert par les pairs de Willow dessert tous les appelants préoccupés par la santé des seins. Quiconque appelant chez Willow se verra répondre par un survivant du cancer du sein (membre du personnel ou bénévole qualifié).

L’équipe de soutien collabore en outre avec un documentaliste profession- nel pour offrir des services intégrés aux clients, qui peuvent ainsi accéder à de l’information par téléphone ou par écrit (courriel ou courrier). Le ser- vice reçoit en moyenne 60  appels par mois (excluant les demandes par cour- riel), chaque appel durant entre 5 et 60 minutes.

Pendant un téléphone, le membre du personnel ou bénévole de Willow cherche d’abord à comprendre la rai- son de l’appel et le problème précis de l’appelant. Ce pair peut ensuite, selon les besoins de son interlocuteur, parler de son expérience personnelle (diagnos- tic, effets secondaires, soins de suivi, stratégies d’adaptation, suggestions pratiques, conseils pour échanger avec les professionnels de la santé,  etc.) ou encore donner de l’information sur la santé des seins et le cancer du sein (ne remplace pas un avis médical).

Si le pair ne peut répondre aux demandes d’information de l’appelant, il l’aiguillera vers une autre personne dans l’organisation (documentaliste, autre bénévole ayant un vécu semblable à celui de l’appelant), vers un autre organisme (Wellspring, Gilda’s, Société canadienne du cancer) ou vers des res- sources Internet (sites Web ou com- munautés en ligne, par exemple). On s’attend des pairs qu’ils se mettent à la place de l’appelant pour comprendre et évaluer ses inquiétudes et ainsi bien doser le soutien émotionnel offert avec l’information à fournir pour répondre aux besoins ressentis.

Résultats rapportés par les patients pour un service de soutien téléphonique pour le cancer du sein

par Margaret I. Fitch, Kittie Pang et Danielle VandeZande

AU SUJET DES AUTEURES

Margaret I. Fitch, inf. aut., Ph.D., Professeure, Faculté des études infirmières, Université de Toronto, Toronto, ON

Marg.i.fitch@gmail.com Kittie Pang, B.Sc. (distinction), Coordonnatrice de recherche, Centre des sciences de la santé Sunnybrook, Toronto, ON

Kittie.pang@sunnybrook.ca Danielle VandeZande, Directrice principale, Services de soutien et de l’engagement communautaire, Fondation canadienne du cancer du sein, Toronto, ON

Dvandezande@cbcf.org

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Les mesures pour évaluer des programmes

Auparavant, les mesures pour éva- luer les programmes de services de santé s’attardaient surtout à la structure et aux mesures ou indicateurs de processus, et peu à la satisfaction du client. Or, les résultats rapportés par les patients (RRP) sont de plus en plus prisés désormais pour comprendre le point de vue des patients au moyen de mesures norma- lisées. Les résultats cliniques les plus fréquemment considérés sont les indi- cateurs physiques (douleur, nausée, fatigue, etc.), mais on tient aussi de plus en plus souvent compte des résultats psychosociaux rapportés par les patients (anxiété, dépression, etc.). Au cours des dix dernières années, les centres de can- cérologie ont commencé à utiliser des outils  RRP pour mesurer et suivre la détresse psychosociale et la détresse liée aux symptômes dans l’idée de stimuler la prestation de soins contre le cancer cen- trés sur la personne (Partenariat cana- dien contre le cancer, 2009).

Les centres communautaires cherchent actuellement à cibler les  RRP les mieux adaptés à l’évaluation des pro- grammes dans leur contexte de presta- tion de soins. Les programmes de ces centres peuvent être offerts par des pro- fessionnels de la santé ou des bénévoles qualifiés, ce qui signifie qu’il faut cerner des RRP convenant à chaque type de pres- tation. Les résultats devraient être liés aux objectifs spécifiques des programmes, aux résultats attendus, aux ressources dispo- nibles et au mode de prestation. À ce jour, aucun RRP n’a encore été signalé pour les services d’information et de soutien télé- phonique offerts par des pairs bénévoles.

BUT ET OBJECTIFS

L’objectif final de l’organisme est de surveiller à intervalles réguliers son ser- vice de soutien téléphonique offert par des pairs. Toutefois, avant de mettre en place une approche pour la collecte de données, il fallait relever les variables les plus pertinentes pour mesurer ce service particulier. Les travaux décrits dans le présent article ont été menés pour reconnaître les RRP pertinents pour évaluer l’information et le service de soutien téléphonique offert par des pairs pour le cancer du sein.

MÉTHODOLOGIE

Nous avons eu recours à une méthod- ologie qualitative descriptive (Thorne, 2007) pour chercher à comprendre com- ment se déroulait le soutien télépho- nique par des pairs offert par Willow et arriver à isoler les résultats pertin- ents pour ce service. Des entrevues de fond ont été menées auprès du person- nel, de bénévoles qualifiés et de per- sonnes ou clients ayant utilisé ce service.

Comprendre comment la prestation du programme se passait pour le personnel, les bénévoles et les appelants a permis de cibler les résultats atteints par ce mode de prestation particulier. Cette recherche a été approuvée par le comité d’éthique de la recherche du Centre des sciences de la santé Sunnybrook.

Recrutement  : Les membres du per- sonnel de l’organisme ont aidé à la con- ception et au déroulement du projet. Ils ont aussi participé en étant interviewés quant à leur expérience lorsqu’ils répon- dent aux appels faits à Willow.

La directrice générale de l’organisme a transmis une lettre d’invitation aux pairs bénévoles. L’assistante de recherche a fait le suivi auprès des bénévoles pour leur expliquer l’étude, répondre à leurs ques- tions et obtenir leur consentement à y participer. Le cas échéant, l’adjointe fixait le moment pour une entrevue en per- sonne ou par téléphone. Les entrevues avec le personnel et les bénévoles ont été réalisées et analysées avant les entrevues avec les clients.

Le recrutement de clients pour l’étude a quant à lui été fait par le per- sonnel de Willow, qui présentait le pro- jet à la fin des appels téléphoniques.

Tous les clients étaient jugés admis- sibles, sauf si le membre du personnel ayant pris l’appel jugeait la demande inappropriée parce que l’appelant vivait trop de détresse, se débrouillait diffi- cilement en anglais ou avait déjà été approché précédemment à ce sujet.

Deux membres du personnel gérai- ent chaque appel durant la période de collecte des données. Les clients se faisaient dire que l’étude visait à com- prendre comment ils avaient profité du service. L’assistante de recherche recevait ensuite, les coordonnées des clients ayant consenti à ce qu’on les joigne pour avoir en savoir plus sur

l’étude. L’assistante de recherche leur téléphonait alors pour leur expliquer tous les détails, répondre à leurs ques- tions et solliciter une entrevue. Si l’appe- lant y consentait, des dispositions pour mener cette entrevue par téléphone.

Guide d’entrevue  : Aux fins de la présente étude, un guide d’entrevue semi-structuré a été élaboré par les chercheurs et le personnel de Willow.

L’entrevue donnait l’occasion aux par- ticipants de s’exprimer sur le service téléphonique reçu en décrivant de leur point de vue comment le service fonctionnait, comme un appel se dérou- lait, et ce qui ressortait de l’intervention.

Toutes les entrevues ont été effectuées par une seule personne (l’assistante de recherche) qui avait de l’expérience en entrevues qualitatives et ne faisait pas partie du personnel organisationnel.

Les entrevues, enregistrées, ont ensuite été transcrites textuellement.

Analyse  : On a procédé à l’analyse des entrevues avec le personnel et les bénévoles avant d’interroger les clients.

Dans tous les cas, le contenu des tran- scriptions a été soumis à une analyse qualitative descriptive standard (Thorne, 2007) effectuée par deux personnes habituées à ce genre d’analyse (la cher- cheuse principale et l’assistante de recher- che). Les transcriptions des entrevues ont été revues indépendamment, et des observations ont été notées sur leur con- tenu. Puis un échange de points de vue a eu lieu sur le contenu, les idées simi- laires ont été regroupées, et les idées clés ont été ressorties par catégories. Enfin, la chercheuse principale a ensuite résumé les résultats. Cette démarche faite, les per- spectives communes aux trois groupes de personnes interrogées (personnel, bénévoles, clients) ont été regroupées pour faire ressortir les grandes idées sou- levées concernent les résultats pertinents des patients ayant utilisé le service de sou- tien téléphonique par les pairs.

RÉSULTATS

Point de vue du personnel et des bénévoles

Six membres du personnel et quatre bénévoles ont été interviewés. Les parti- cipants étaient toutes des femmes âgées de 35 à 78 ans (moyenne : 55,1 ans). Elles

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comptaient entre 1 et 18  années de ser- vice chez Willow (moyenne : 7,85 années) (voir tableau 1). Les membres du person- nel comme les bénévoles ont exprimé des idées, des expériences et des perspec- tives très similaires sur le service de sou- tien téléphonique de Willow. Les résultats seront présentés à l’ensemble des dix per- sonnes interviewées en faisant ressortir les différences les plus marquantes quant aux points de vue énoncés.

Raisons motivant les appels à Willow Willow est vu comme un organisme qui répond aux besoins d’information et de soutien de toute personne qui télé- phone, qu’il s’agisse d’un patient, d’un survivant, d’un membre de la famille, d’un ami, d’un simple citoyen ou d’un professionnel de la santé. «  C’est vrai- ment un service pour quiconque s’in- téresse au cancer du sein  », comme le résumait une personne interrogée. De vive voix ou par écrit, le service donne de l’information sûre et crédible, soit par téléphone, par courriel ou par courrier, et met en contact avec une personne formée ayant vécu la même situation et pouvant « … accueillir la personne dans son ensemble ». Les entretiens sont pri- vés, personnels, et menés dans l’anony- mat si le l’appelant le demande.

Le personnel et les bénévoles par- ticipants ont décrit nombre de raisons amenant à appeler Willow. Les clients commencent souvent en disant qu’ils appellent pour un type de demande particulier, mais la conversation dérive ensuite fréquemment sur d’autres besoins émotionnels ou d’informa- tion. Certains pleurent ou appellent en panique, ou encore ont une question bien précise à poser.

• [nous recevons] toutes sortes d’ap- pels… des gens qui cherchent de l’in- formation sur du soutien financier, des femmes qui veulent simplement être écoutées, d’autres vraiment dépri- mées, qui ne savent pas quoi faire ou à quoi s’attendre, d’autres en colère aussi. Ce sont aussi parfois les maris de ces femmes ou un de leurs enfants devenu grand. Ça peut être n’importe quoi lié au cancer du sein de toute façon… même des gens qui n’ont pas le cancer, mais qui savent que Willow est une source réputée et qui veulent juste un lien, ou connaître les liens dans leur communauté.

Dans bien des cas, durant l’appel, la discussion inclura tant des aspects liés au soutien qu’à l’information. Un appel motivé par un besoin de soutien émo- tionnel se transformera en échange d’information, et vice versa. Il est diffi- cile pendant l’appel de séparer ces deux besoins, soutien et information, la conver- sation menant souvent à les entremêler.

• … quelqu’un téléphonera pour savoir où acheter une perruque…

mais si on creuse, on voit qu’il y a plus que ça à dire. La perruque n’est en quelque sorte qu’un prétexte pour appeler… et chaque appel est diffé- rent… Il faut écouter ce qui se dit, le ton de voix… C’est parfois plus facile de déceler la peur, la peine, la joie lorsqu’on est en seul à seul avec quelqu’un, en personne… mais c’est autre chose de les détecter au télé- phone et d’arriver à y répondre… il faut une certaine habileté.

• Chaque appel est différent…

Lorsqu’on a affaire à un nouveau diagnostic, on parle le plus souvent de peur, de la manière de compo- ser avec, on explique, on explore les possibilités : à quoi s’attendre avec le chirurgien, la chimio et la radio, à quoi sert chaque traitement, ce qui peut réduire les risques de récidive.

La majorité des appels proviennent de femmes ayant un diagnostic de cancer du sein et qui doivent décider d’un traitement ou en recevoir, ou de membres de leur famille qui appellent en leur nom.

• Ça aide les femmes de l’entendre d’une personne passée par là… il y a tant d’anxiété au moment du diagnos- tic. Le fait de parler à quelqu’un qui comprend cette anxiété, eh bien, ça valide en quelque sorte les émotions, ça les rend normales. C’est de savoir qu’on n’est pas en train de devenir cin- glé lorsqu’on pleure et que tout d’un coup, on se sent plein de bravoure...

pour ensuite refondre en larmes. Puis passer à la colère… à la peur… Willow permet de partager ce vécu en plus de fournir de l’information.

Perception des appels (sujets centraux et déroulement)

Le personnel et les bénévoles de Willow ont décrit le déroulement des appels  : comment ils écoutent avec

attention, laissent l’appelant préciser le sujet de son appel, cherchent à se mon- trer accueillants et compatissants dans leurs réactions. Il arrive souvent qu’ils évoquent leur propre vécu et ce qui les a aidées quand ils ont reçu leur diagnostic initial, et l’intègrent dans les échanges.

• Durant les appels, on parle beau- coup du manque de contrôle sur leur vie ressenti par ces femmes… attendre des nouvelles du bureau du médecin…

vivre avec un sentiment d’isolement…

il faut savoir que ça fait partie du pro- cessus… et ramener vers la normalité, pour aider à gérer la situation.

Au cours d’un appel, une grande diversité de sujets peuvent être abor- dés. Le personnel et les bénévoles qui répondent essaient de satisfaire les besoins des appelants, mais ils ne savent jamais d’emblée quelle orien- tation prendra l’appel. Ils doivent être prêts à suivre leur interlocuteur.

• Ça arrive que des gens appellent et abordent directement le vrai pro- blème, ce qui les dérange vraiment.

Mais la plupart du temps, la raison de l’appel n’est qu’en toile de fond, et il faut affirmer ce qu’ils ressentent…

écouter ce qu’ils disent et faire du reflet… C’est rare qu’un appel ne cache rien d’autre… et il faut tra- vailler pour amener au jour ce qui doit être discuté… Sans compter que l’épreuve du cancer du sein peut créer beaucoup, beaucoup de besoins.

Les discussions durant les appels peuvent porter sur des aspects phy- siques, psychosociaux, spirituels et pra- tiques, ainsi que sur des problèmes liés à la maladie et au traitement. Les

Tableau 1 : Données démographiques – personnel et bénévoles interrogés (n = 10)

Sexe 100 % de femmes

Âge Moyenne = 55,1 ans

Fourchette = 35 à 78 ans Études 70 % postsecondaires

30 % cycles supérieurs Rôle actuel 60 % = Personnel

40 % = Bénévoles Années de

service Moyenne = 7,85 ans Fourchette = 1 à 18 ans

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effets secondaires, les médicaments, la ménopause, la génétique, la chirurgie et la reconstruction sont des exemples d’aspects physiques. La peur, l’inquié- tude, la colère, la frustration, le chagrin et l’anxiété sont des aspects psychoso- ciaux. L’isolement, la solitude et la joie sont des aspects spirituels possibles. Les finances, la navigation des patients can- céreux dans le système de soins de santé ou la recherche de services (perruques, prothèses,  etc.) sont des aspects pra- tiques. Les personnes interviewées ont insisté sur le fait qu’aucun avis médi- cal n’est donné à l’appelant; on les invite plutôt à poser leurs questions d’ordre médical à leur médecin de famille, à leur oncologue ou à une infirmière en oncologie. Bien souvent, les appe- lants cherchent à avoir un autre type de conversation que celle qu’ils auraient avec des professionnels de la santé.

• … Le simple fait de parler à « un expert qui s’y connaît pour avoir eu le même parcours » les rassure… On peut poser ces questions à un pro- fessionnel, mais bon... tout d’abord, ils sont parfois trop occupés pour parler… ou poser la question nous embarrasse… c’est gênant de déclarer qu’en fait, on se sent vraiment dépri- mée ou seule, qu’on craint de ne plus être séduisante sans sa poitrine… On peut trouver plus facile d’en parler à une autre femme, car elle pourra comprendre. »

Bénéfices apportés par les appels et les échanges

Le personnel et les bénévoles de Willow interviewés ont parlé des diverses manières dont un appel pouvait se dérouler et aboutir, et décrit l’objec- tif visé pendant l’appel (gestion de l’en- tretien par l’intervenant de Willow), de même que le résultat souhaité au bout du compte (ce que l’appelant devrait res- sentir, penser et faire en raccrochant).

Les grandes lignes des idées exprimées figurent au tableau 2.

En majorité, le personnel et les béné- voles ont concentré leurs réflexions sur les résultats liés aux variables psychoso- ciales. On a cité la réduction du stress comme premier résultat visé par l’entre- tien téléphonique. Satisfaire le besoin d’information peut aider à réduire la détresse de l’appelant, mais souvent le

personnel et les bénévoles pensaient que la façon dont l’appel était mené était un facteur encore plus déterminant pour un appel bien mené.

• J’espère qu’ils ont eu réponse à leurs questions. S’ils veulent de l’informa- tion factuelle, je cherche à combler ce besoin… pour qu’ils se disent «  oui, d’accord, ça tombe sous le sens, c’est ce dont j’avais besoin ». J’essaie d’ar- river à créer cet état chez eux, vous savez, la satisfaction émotionnelle de voir ses besoins compris et comblés, quel qu’ait été le besoin… de sentir l’empathie, le besoin de bien-être, de soutien comblés… J’espère que c’est ce avec ça qu’ils repartent.

• J’espère que les femmes… se sentent en quelque part plus en mesure de prendre une décision quant à ce

qu’elles feront… qu’elles auront l’in- formation qui leur permettra d’aller de l’avant… de composer avec l’en- semble du problème.

• Que les femmes puissent parler, se raconter… sentir qu’elles peuvent s’ouvrir à nous à propos de leurs préoccupations, qu’elles peuvent rap- peler en cas de déprime ou d’inquié- tude… et que nous les écouterons.

• Nous pouvons les aider à puiser dans leurs propres ressources, que parfois elles ignorent, et les remettre dans une voie où leurs besoins seront comblés… en les accompagnant un peu pour qu’elles s’y retrouvent.

Point de vue des appelants

Durant les trois semaines consacrées à la collecte de données, 59  appels ont Tableau 2 : Bénéfices apportés par les entretiens, selon le personnel et les bénévoles de Willow

Finalités obtenues Durant

l’entretien téléphonique (façon dont il devrait être mené)

• Écouter et refléter les propos (miroir)

• Liberté de poser des questions

• Permettre de discuter en profondeur

• Offrir un endroit où venir vérifier des choses

• Fournir un espace de connexion/liaison; relier les patients avec les services; aiguiller vers d’autres organismes selon les besoins/questions

• Mettre à l’aise pour inciter à rappeler au besoin

• Libérer les émotions

• Soutenir dans la prise de décision

• Encourager

• Prendre les gens là où ils sont – les laisser définir leurs besoins

• Laisser parler et être à l’écoute

• Parler avec quelqu’un qui comprend ce qu’ils vivent et traversent; parler avec quelqu’un qui a le même vécu (sur le cancer)

• Fournir de l’information sur mesure et du soutien

• Indiquer les questions pouvant être posées à leur médecin

• Clarifier l’information (faits) À la fin de

l’entretien (ce qu’il devrait accomplir)

• Valider (le vécu est réel)

• Normaliser (les émotions sont normales et les réactions, saines)

• Leur faciliter la tâche [pour mieux composer/gérer]

• Donner de l’information pertinente, significative, compréhensible et à jour

• Réduire le sentiment d’impuissance; donner de l’espoir

• Les aider à s’aider eux-mêmes (habilitation)

• Les aider à se sentir en contrôle de la situation

• Créer un sentiment de communauté, pour se sentir soutenu, voir un sens à sa réalité; avoir le sentiment d’avoir partagé son expérience

• Réduire l’anxiété et l’appréhension, soulager d’un poids

• Aider à aller de l’avant

• Donner de l’information qui facilite la prise de décision

• Avoir rassuré

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été traités par le personnel de Willow, et 38 personnes ont été invitées à participer au projet. L’assistante de recherche s’est fait remettre 30  noms  : 20  personnes ont été jointes dans les 15 jours suivant leur appel à Willow, et toutes accepté de participer. Les entrevues menées au télé- phone ont duré de 10 à 40 minutes.

Sur 20  clients interrogés, 19 étaient des femmes et 16 avaient reçu un dia- gnostic de cancer du sein. Le seul homme était un membre de la famille d’une femme souffrant d’un cancer du sein.

L’âge des appelants s’étendait de 29 à 71 ans (moyenne : 54,2 ans). En présence de cancer du sein, le diagnostic avait été posé de 1 à 18  ans plus tôt (moyenne  : 2,8 ans). Onze personnes étaient mariées.

Sept avaient terminé des études secon- daires et sept autres, des études univer- sitaires. Cinquante-cinq pour cent (55 %) vivaient dans la région du Grand Toronto, tandis la balance (45 %) vivant ailleurs au Canada (voir tableau 3).

Raisons motivant les appels à Willow Selon les appelants, la raison princi- pale pour appeler est le besoin de sou- tien ou le besoin d’information. Le besoin de soutien, qui pouvait survenir à n’importe quelle étape dans le conti- nuum de soins du cancer du sein, était décrit comme le désir de parler à une autre femme ayant vécu les mêmes choses ou traversé la même situation.

Ces personnes disaient être «  stupé- faites  » par le diagnostic de cancer du sein, qu’il soit nouveau ou récurrent, et avoir été «  renversées  » en appre- nant son existence. Les sentiments d’inquiétude, de peur, de crainte ou de

« panique » ont fréquemment été cités comme motivation pour appeler Willow.

• J’étais paniquée parce que j’avais peur qu’il s’agisse d’une récidive, et elle [membre du personnel] a eu un effet très calmant sur moi.

• J’ai appelé pour obtenir du sou- tien. C’était un de ces jours où j’étais inquiète, où j’étais remplie de craintes, et je ne voulais pas appeler des amis ou ma famille. Je ne vou- lais pas les alarmer.

• J’avais peur et j’étais troublée;

j’avais toutes sortes de questions et j’étais en colère.

Quant aux besoins d’information, les appelants ont décrit un vaste éventail de sujets qu’ils voulaient connaître (traite- ments, reconstruction, à quoi s’attendre à l’hôpital ou à la clinique, éclaircisse- ments sur les termes employés, «  véri- fier ce qui avait été dit à la clinique, ce que m’avait dit mon médecin »).

• J’ai appelé pour obtenir de l’infor- mation et du soutien… J’étais en plein traitement, vous savez, et je voulais savoir à quoi m’attendre, connaître leur vécu, sonder l’inconnu et me figurer ce qui allait se passer.

• J’ai appelé pour obtenir du soutien et de l’information… J’étais stupéfaite.

On m’avait mentionné un paquet de termes… Il fallait que quelqu’un me les explique. Je ne comprenais pas bien… Il fallait que quelqu’un m’aide à démêler les choses.

Les appelants ont souligné que, même si leur appel portait sur une demande de soutien ou d’information, les deux com- posantes finissaient souvent par appa- raître au fil de la conversation. En offrant du soutien, on donnait souvent au pas- sage des renseignements utiles, et inver- sement, les demandes d’information amenaient fréquemment à obtenir des réponses à divers soucis de nature émo- tionnelle. Les appelants ont senti que les échanges s’étendaient sur plusieurs sujets et répondaient aussi bien aux besoins d’information que de soutien.

• J’ai posé beaucoup de questions et ils ont pu y répondre. Alors, tout a bien fonctionné… on a commencé sim- plement par de l’information, mais en cours d’entretien, c’est devenu du soutien… on a parlé des détails de la reconstruction et de ce qu’impli- quait la chirurgie, du temps de réta- blissement prévu, des avantages et des inconvénients qui y étaient asso- ciés et de la raison, je suppose, pour laquelle j’aurais la chirurgie… je me sentais très positive, et j’ai senti qu’ils m’avaient très clairement et honnête- ment renseignée, et après je me suis sentie mieux.

Perception des appels (sujets centraux et déroulement)

Les clients ont dit qu’on leur avait répondu rapidement, sans être «  mis en attente  ». Si la première personne

n’était pas en mesure de répondre à une demande précise, l’appelant était rapidement redirigé à une autre per- sonne le pouvant, ou des dispositions étaient prises pour que la bonne res- source rappelle rapidement. Les clients ont dit s’être sentis « écoutés avec com- passion et compréhension  » durant l’entretien. Ils ont trouvé que le person- nel et les bénévoles de Willow répon- daient en faisant preuve de soutien, de calme et de respect, et qu’ils écoutaient leurs préoccupations sans juger. Ils ont pu, pendant l’entretien, parler de leurs inquiétudes et entendre le vécu d’autres personnes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein. Ils ne se sont pas sen- tis bousculés ou pressés de terminer la conversation, et ont constaté que le personnel et les bénévoles de Willow étaient soucieux de les aider vraiment et sensibles à leurs préoccupations.

Tableau 3 : Données démographiques – clients (n = 20)

Sexe 95 % de femmes (n = 19) 5 % d’hommes (n = 1)

Âge Moyenne = 54,2 ans

Fourchette = 29 à 71 ans

Lieu 9 = Toronto

2 = London 1 = Ajax, Hamilton, Huntsville, Kingsville, Montréal, Ottawa, Richmond Hill, Thornhill, Tofield (Alb.)

Études 30 % postsecondaire entamé, non fini (n = 7) 35 % diplôme d’études postsecondaires (n = 7) 35 % diplôme d’études supérieures (n = 7) Diagnostics 80 % cancer du sein (n = 16)

20 % sans diagnostic de cancer du sein (n = 4) Années

écoulées depuis le diagnostic

Moyenne = 2,8 ans Fourchette = 1 à 15 ans

État civil 53 % mariés (n = 10/19) 37 % célibataires (n = 7/19) 5 % conjoints de fait (n = 1/19)

5 % séparés (n = 1/19)

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Comme le relate un appelant : « J’ai eu l’impression d’avoir tout le temps néces- saire pour lui parler. »

• C’était un lieu où les gens compre- naient vraiment ce que nous tra- versions pour avoir connu le même parcours, et ils pouvaient s’adresser parfaitement à nous en se mettant à notre place… Ils ont simplement remis les choses en perspective, ce qui a procuré la plus grande paix d’es- prit possible en la situation.

• … Mais ils ont écouté et ils ont pu m’aider à évaluer divers facteurs, vous savez, comme j’avais à prendre une décision. Personne ne peut décider à ma place, mais ils m’ont soutenue en m’aidant à prendre cette décision… en se montrant compatissants.

• … Ils étaient courtois et respec- tueux, et aussi objectifs que pos- sible. La personne m’a fait part de son vécu et n’a pas cherché à m’in- fluencer de quelque façon que ce soit;

elle a simplement cherché à me four- nir de l’information… c’est un sujet qu’elle comprenait bien…

• Ils ont été compréhensifs et vrai- ment aidants, vous savez. Ils m’ont laissée parler, m’ont écoutée, donné de bonnes idées et fait des sugges- tions. Dans l’ensemble, je crois que c’était super… c’était une conversa- tion d’égal à égal… ça ne penchait pas d’un seul côté… et ils ne m’ont pas pressée.

Les clients ont rapporté que l’infor- mation fournie répondait bien à leurs besoins. Ils ont constamment décrit à quel point ça leur avait été bénéfique de parler avec quelqu’un ayant vécu la même chose.

• J’ai trouvé ça vraiment bien [la façon dont l’information m’a été fournie]. C’était informel, mais vrai- ment, hmm... elle avait une bonne écoute, elle donnait de l’informa- tion; puis, elle pouvait parler de son vécu. C’est plus intéressant qu’obte- nir simplement des faits ou de l’in- formation de quelqu’un qui ne peut comprendre réellement ce qu’on vit.

Elle, elle avait eu le même problème et relevé les mêmes défis.

• … J’étais vraiment reconnaissante de pouvoir joindre quelqu’un ayant eu une expérience semblable, mais qui n’avait plus le cancer depuis longtemps — c’était inspirant. Je me suis sentie beaucoup plus forte et je ne ressentais plus le besoin d’inquié- ter ma famille et mes amis, de leur causer du souci.

Trois appelants ont trouvé l’entre- tien utile, mais ont émis une réserve.

Deux auraient aimé avoir un échange avec une personne ayant un vécu plus proche du leur (procédure de test géné- tique similaire, expérience plus proche dans le temps). Un autre appelant a trouvé l’entretien trop long.

• Il y a une chose que j’aurais aimé, c’est de trouver quelqu’un qui avait

eu cette expérience plus récem- ment… quelqu’un plus près de mon âge ayant vécu cela dans la même période… et plus récemment… vous savez, les traitements aujourd’hui ont pu changer un peu, quoi.

• À un moment donné, j’ai voulu mettre fin à l’entretien, mais elle continuait à m’inonder d’informa- tion. Elle n’a pas été très sensible à ma situation pendant qu’on parlait.

Bénéfices apportés par les appels et les échanges

En dressant le bilan de l’interaction, les appelants ont dit s’être sentis à l’aise, soutenus et compris. La manière dont l’entretien s’est déroulé et les réactions du personnel et bénévoles de Willow leur ont permis de se sentir entendus et compris (voir tableau 4).

• Elle était drôlement bien informée.

C’était une survivante du cancer depuis des années… très à jour sur les nouveaux traitements. Elle savait de quoi je parlais, elle était très ouverte sur son type de récupération, et elle a entièrement compris mes peurs et mes inquiétudes… elle était fantas- tique, respectueuse et très ouverte…

compréhensive et empathique.

Une panoplie d’indicateurs ont été relevés comme bénéfices ou finalités découlant des appels (voir tableau  4).

Les appelants ont exprimé avoir reçu l’information qu’ils recherchaient et compris ce qu’on leur a remis; ils ont dit qu’en raccrochant ils se sen- taient mieux, plus calmes, détendus et capables de composer avec leur situa- tion. Certains ont dit que l’entretien les avait aidés à retrouver la « paix d’esprit » ou sortir d’une « spirale ». L’aide recher- chée avait été reçue et ils ressortaient satisfaits de l’échange.

• L’information était vraiment très bien donnée… j’ai trouvé la façon dont l’information était regroupée, organisée, très utile parce que mon cerveau était un peu embrouillé.

Alors, organiser l’information, c’est vraiment important pour que je la comprenne sans frustrations…

• Ils m’ont encouragée à me battre et à garder une attitude positive.

Tableau 4 : Bénéfices retirés des entretiens, selon les appelants Résultats obtenus

Durant l’entretien téléphonique (façon dont il devrait être mené)

• Être mis à l’aise, se sentir soutenu

• Se sentir écouté, compris

• Sentir qu’on peut parler et poser des questions ouvertement

• Ne pas se sentir pressé de terminer l’appel

• Être en mesure de discuter et de faire la part des choses en mesurant les pour et les contre

• Se sentir accueilli, sans jugement À la fin de

l’entretien (ce qu’il devrait accomplir)

• Se sentir plus calme, moins stressé

• Avoir acquis de nouvelles idées et perspectives, une nouvelle compréhension

• Se sentir plus à même de décider et d’agir

• Détenir l’information recherchée

• Avoir de l’information pertinente, compréhensible, significative et à jour

• Avoir meilleur espoir; se sentir encouragé et rassuré

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• … Je peux gérer, je suis plus calme, et c’est grâce au soutien de Willow.

• La conversation m’a calmée…

C’était bien de pouvoir parler de ce qui me troublait… j’ai obtenu l’infor- mation requise.

Certains appelants ont dit s’être sen- tis en meilleure position pour prendre des décisions après l’appel. Ils ont pu faire la part des choses quant aux choix qui s’offraient à eux grâce à l’informa- tion et au soutien fournis. D’autres ont décrit combien l’entretien télépho- nique leur avait «  ouvert de nouvelles perspectives » ou avait « alimenté leur réflexion ». Des commentaires comme

« ça m’a apaisée », « ça l’a ouvert mes horizons  » ou «  ça m’a recentrée  » reflétaient bien les bénéfices retirés du soutien et de l’information reçus.

La conversation a pu nourrir leurs connaissances sur le cancer du sein, les choix de traitements et le traitement en cours.

• En fait, ils m’ont aidée à assumer la situation… ils m’ont donné une autre perspective pour y réfléchir, à ce qui se passait… Ils ne m’ont pas critiquée. Ils m’ont écoutée, puis ont essayé de m’aider à m’y retrouver, vous voyez?... Maintenant je peux prendre mieux soin de moi, voir réel- lement ce qui se passe et poser les bonnes questions. Je sens que je peux aller de l’avant.

Une personne a indiqué que l’appel n’a pas abouti au résultat recherché. Les échanges avec le membre du personnel ou bénévole de Willow avaient donné un certain soutien et l’information reçue avait été claire, mais la demande particulièrement qui avait motivé l’ap- pel (besoin d’aide financière) n’avait pas pu trouver réponse dans le cadre du pro- gramme offert par l’organisme.

Satisfaction à l’égard de l’entretien téléphonique

Les appelants ont évalué leur taux de satisfaction par rapport à l’entretien télé- phonique sur une échelle de 5 points, 5 indiquant «  très satisfait  ». Le résultat moyen a été de 4,8 (écart allant de 4 à 5).

À la question de savoir ce qui les avait satisfaits le plus durant l’entretien, la réponse revenant le plus fréquemment

a été «  pouvoir parler à quelqu’un qui avait vécu la même situation  ». Les appelants ont décrit avoir ressenti un sentiment de compréhension en parlant à quelqu’un qui «  était passé par là  », comme si cela créait un terrain com- mun pour mieux comprendre les senti- ments et émotions ressentis. L’appelant n’avait pas vraiment besoin de trouver les mots pour décrire ce qui lui était arrivé ou ce qu’il ressentait, l’interlocu- teur sachant déjà « c’était comment ». Et cette expérience semblable ou similaire venait ajouter à la crédibilité aux com- mentaires formulés.

• Lorsque j’ai téléphoné, elle a vrai- ment compris ma frustration dans la situation... J’ai senti que je par- lais réellement à quelqu’un qui comprenait vraiment les défis, le pro- blème, et qui pouvait comprendre les difficultés liées à la situation…

Ça m’a vraiment réconfortée. Elle a vraiment compris, et à sa façon de répondre, je me suis sentie totale- ment en confiance.

Certains appelants ont perçu comme significatif et rassurant que tous les pairs répondants étaient des survivants.

De savoir que ces femmes avaient sur- vécu à la maladie et aux traitements était porteur d’espoir et d’encourage- ment pour les nouveaux diagnostiqués.

• … Vous savez, quand j’entends qu’une survivante avait le même type de cancer que moi et qu’elle est toujours là après 20  ans, 15  ans, 13 ans… je sens qu’on a des choses à se dire!

D’autres appelants ont dit que c’est la compassion, la compréhension et la nature informative de l’entretien qui les avaient satisfaits le plus. Lorsque les appelants évoquaient leur expérience et leurs impressions, ou posaient des questions, ils se sentaient entendus et compris par le personnel et les béné- voles de Willow. La réaction de ces der- niers apportait aussi un grand soutien exempt de tout jugement. Les appe- lants ont senti qu’ils pouvaient parler de n’importe quel sujet et que leur interlo- cuteur était à l’écoute.

• Elle a su m’apporter un soutien émotionnel, me parler du diagnostic, du traitement et de la récupération

de manière clinique, très scienti- fique. Ça jetait des bases concrètes. Ce n’était pas simplement : « Oh, je sais ce que vous ressentez  », mais plutôt

«  Je peux vous donner des bases  ».

Elle m’a aidée à remettre les choses en perspective et à ne pas laisser mon imagination s’emballer. Elle s’est montrée très respectueuse du fait que j’étais très émotive au début de l’appel.

Des appelants ont dit qu’être

«  capables d’en parler sans barrières  » et « de faire le point » avait été l’aspect le plus satisfaisant de l’entretien télé- phonique. Pour eux, recevoir de l’in- formation et parler objectivement des avantages et des inconvénients comp- tait beaucoup. Comme l’a indiqué une femme : « Elles ne m’ont pas critiquée…

elles m’ont écoutée et ont tenté de tout m’expliquer. »

COMPILATION DES RÉSULTATS

Tout au long des entrevues avec le personnel, les bénévoles et les appe- lants, des idées concernant les résultats du programme d’aide par téléphone ont été sorties. Le tableau  5 répertorie les résultats rapportés le plus fréquemment dans les transcriptions d’interviews.

Il était aussi clair que les indicateurs de processus ont leur importance. Les personnes interrogées ont indiqué que le déroulement de l’entretien a eu une forte influence sur les bénéfices appor- tés. Il importait de répondre aux besoins des appelants, mais la façon dont les entretiens étaient gérés jouait un rôle essentiel pour le succès de l’appel. En effet, les réactions et interactions étaient cruciales pour que l’appelant se sente entendu et validé.

DISCUSSION

Ce projet qualitatif visait à rele- ver les résultats rapportés par les patients (RRP) jugés pertinents pour un service de soutien téléphonique offert par des pairs (personnel ou bénévoles).

Les entrevues menées auprès du per- sonnel, de bénévoles et d’appelants ont mis en lumière de manière très simi- laire les entretiens téléphoniques et ont permis de recenser des indicateurs rela- tifs aux processus comme aux résultats.

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Plusieurs éléments clés se révèlent très pertinents pour les futures mesures du service.

Premièrement, toutes les personnes interviewées ont perçu le service comme un lieu offrant du soutien émotionnel et de l’information, mais dans une optique distincte du soutien offert par les pro- fessionnels de la santé. En effet, avoir une conversation avec une autre per- sonne ayant aussi reçu un diagnostic de

cancer du sein est vu comme différent d’un entretien entre un professionnel de la santé et un patient. Cet angle de sou- tien par les pairs et le rôle unique qu’il joue pour les gens sont aussi recensés dans les écrits (Davison, Pennebaker et Dickson, 2000; Helgeson, Cohen, Schulz et Yasko, 2000). Pour les mesures, res- tera le défi d’arriver à déterminer quelles mesures peuvent capturer de manière appropriée ces aspects uniques.

Deuxièmement, toutes les per- sonnes interviewées ont vu la manière dont l’appel est géré (son déroulement) comme un facteur clé dans l’atteinte des résultats voulus. L’à-propos de la réponse, la délicatesse, la compassion, la connaissance du sujet et du vécu du patient, la capacité d’écoute et la com- préhension, et l’écoute sans jugement ont permis aux appelants de se sen- tir entendus et soutenus, et de faire valoir et valider leurs préoccupations.

L’aptitude à amorcer un bon appel découle de la préparation du personnel et des bénévoles. Les programmes de formation devraient les rendre aptes à répondre avec délicatesse, compassion et sans jugement.

Troisièmement, on a constaté que les appels devaient répondre à la situa- tion particulière de l’appelant. La rai- son précise de l’appel peut différer d’une personne à une autre. Le person- nel et les bénévoles doivent pouvoir suivre la direction empruntée par l’ap- pelant et répondre à toute une gamme de préoccupations. Leurs techniques d’écoute, leur capacité d’évaluation et leur souplesse dans le contexte d’un appel téléphonique ont une importance primordiale pour assurer le succès de l’échange. Ces aspects ont aussi des implications claires pour la formation des pairs répondant aux appelants.

Quoi qu’il en soit, les questions per- tinentes à la mesure des indicateurs du processus sont : 1) Est-il très utile pour un programme de mesurer régulière- ment les aspects liés aux processus?

2) Quels sont les outils particuliers à uti- liser pour mesurer ces variables dans ce type de situation? Une mesure en temps réel exigerait une surveillance en direct des appels téléphoniques. Une approche moins invasive pourrait se traduire par un suivi auprès des appe- lants au moyen d’un sondage ou d’une entrevue.

Enfin, il faut que les résultats des échanges téléphoniques soient liés au motif de l’appel. On a reconnu, dans bien des cas, que l’appelant avait une ques- tion ou une préoccupation précise en appelant, mais que l’entretien s’étendait sur d’autres sujets ou enjeux. La com- plémentarité du soutien et de l’informa- tion est un élément clé de ces échanges.

Tableau 5 : Indicateurs potentiels pour évaluer le rendement du programme : Indicateurs structuraux générés par l’équipe du projet durant le processus, et indicateurs RRP tirés des entrevues avec les clients

Indicateurs potentiels Indicateurs

structuraux • Nombre d’appels (sur une période donnée)

• Types d’appels (fréquence des motifs invoqués pour appeler)

• Qui téléphone (nombre de patients à des moments particuliers dans la trajectoire du cancer, membres de la famille, etc.)

• Quantité de membres du personnel/bénévoles formés pour répondre aux appels

• Nombre d’appels par bénévole (en moyenne)

• Nombre d’appels selon la langue

• Nombre d’appelants rappelant plus d’une fois

• Heures d’ouverture (ligne téléphonique/appels téléphoniques par heure)

• Provenance géographique des appels (endroit où vit l’appelant)

• Accès au système de documentation des appels (utilisé) Indicateurs

pour le processus d’interaction

• Réponses délicates, empreintes de compassion, d’un grand soutien et non empreintes de jugement

• Réponses adéquates en fonction de la préoccupation ou de la question de l’appelant

• Avoir donné le sentiment de partager une expérience commune

• S’être senti écouté et compris

• S’être senti libre de poser n’importe quelle question, d’aborder n’importe quel sujet, de dire ce que l’on voulait dire

• Durée des appels (moyenne, écart)

• Délai de réponse pour un appel/Délai des retours d’appel

• Sujets couverts durant les appels

• Nombre de renvois (et à quels organismes) Indicateurs

pour les résultats rapportés par les patients

• Réception d’information pertinente, significative, compréhensible, à jour, sûre et crédible

• Réduction de l’anxiété; sentiment de calme et de soulagement; moins agité; moins de panique et de peur

• Sentiment d’encouragement/d’espoir; sentiment d’être plus puissant et rassuré; savoir qu’on peut rappeler

• Appel perçu comme utile (capable d’utiliser l’information ou l’aide reçues)

• Sentiment de pouvoir aller de l’avant (prendre une décision, savoir quoi faire)

• Ouverture à des perspectives différentes ou nouvelles

• Meilleur sentiment de contrôle (de soi/de la situation)

• Sentiment d’être lié à une communauté; se sentir moins isolé

• Satisfaction par rapport à l’appel/l’entretien (processus d’appel et motif ayant amené à appeler)

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Il est clair qu’un renseignement erroné, une fausse interprétation ou un manque d’information peuvent entraîner de la détresse. De la même façon, faire face à un diagnostic de cancer, décider des traitements à recevoir ou composer avec des effets secondaires entraîne aussi un niveau de détresse qui peut être réduit par l’apport d’information. Chercher à séparer ces deux enjeux aux fins de mesure pourrait présenter des défis.

IMPLICATIONS POUR LA CONCEPTION DE PROGRAMMES

Les entrevues donnent un aperçu de la capacité du service téléphonique de Willow à atteindre les objectifs pour lesquels il a été conçu. Les clients ont clairement attesté de l’utilité du ser- vice et de la satisfaction des échanges.

Les aspects les plus satisfaisants ont été ceux autour desquels le service a été cré : avoir au bout du fil un pair, un survivant, une personne qui peut vrai- ment comprendre ce que l’appelant vit, répondre avec compassion et délica- tesse, et fournir de l’information per- tinente et significative. Les données soutiennent l’idée que le programme atteint son but et qu’il se déroule de la manière dont il a été conçu.

IMPLICATIONS POUR LA MESURE DE PROGRAMMES

Les implications pour la mesure des résultats rapportés par les patients, but premier du projet, portent sur la déter- mination des variables de mesure les plus pertinentes, et sur la façon de les obtenir sur à intervalles réguliers. Le tableau 5 montre les indicateurs de pro- grammes (variables) pouvant être mesu- rés qui ont été établis durant l’étude.

Les indicateurs structuraux se rap- portent à la nature et à l’étendue de la demande de service conjuguée aux res- sources du service disponibles pour répondre à la demande. Les indicateurs du tableau 5 sont le fruit des conversa- tions avec l’équipe du projet. La capacité d’un service à atteindre les objectifs sou- haités est clairement liée aux ressources disponibles pour la mise en œuvre.

Les indicateurs pour le processus se rapportent aux interactions ou à l’en- tretien téléphonique en soi et à ce qui se produit entre l’appelant et le pair qui prend l’appel (personnel/bénévoles).

La formation du personnel et des béné- voles doit fournir l’occasion de dévelop- per des compétences et des habiletés pour que l’entretien avec les appelants se déroule avec délicatesse et compas- sion, et réponde adéquatement à leurs besoins. Idéalement, la mesure des habi- letés des stagiaires devrait figurer à la fin de leur programme de formation, et être surveillée régulièrement à mesure qu’ils commencent à répondre à des appels. La surveillance peut se faire en temps réel par l’observation et l’écoute des appels, et par rétroaction des appelants (écrite ou verbale, par sondage ou entrevue).

Les indicateurs pour les résultats rapportés par les patients renvoient aux résultats finaux de l’entretien télé- phonique. Les indicateurs au tableau  5 reflètent les besoins en information et en soutien atteints à court terme (le besoin qui a motivé l’appel a effectivement été comblé), de même que le potentiel de résultats à long terme (sentiments sus- cités, comportement encouragé). Le défi pour une organisation est de déter- miner les résultats (profondeur ou acti- vité en aval, par exemple) pour lesquels elle veut être tenue responsable. Par

exemple, un appelant peut signifier en fin d’appel que l’information reçue est utile sans jamais pour autant s’en ser- vir ensuite; ou un appelant peut affir- mer qu’il prévoit parler à son médecin et poser une série de questions en fonc- tion de la nouvelle compréhension qu’il a d’un sujet, sans pour autant agir le temps venu. Lorsqu’une organisation s’engage dans la voie de la mesure des résultats rapportés par les patients, il est primor- dial de discuter des raisons particulières menant à désirer cette la mesure, des plans concernant l’utilisation des don- nées et du résultat ultime pour lequel l’organisation souhaite être tenue res- ponsable (jusqu’à quel point, en aval, l’organisation peut réellement contrô- ler l’utilisation d’information et le chan- gement de comportement suscité). Une fois ces décisions prises, des instruments ou outils peuvent être ciblés pour saisir les données requises et déterminer la fré- quence de la collecte.

CONCLUSION

Ce projet a recensé une série d’in- dicateurs mesurables pour établir le rendement d’un service de soutien télé- phonique donné par des pairs. Il pro- pose des mesures précises pour la structure, le processus et les résultats rapportés par des patients. Si certaines peuvent être saisies fréquemment ou à intervalles réguliers et se trouver dans la saisie des données d’un appel précis, d’autres peuvent être plus aisément pré- levées tous les trimestres ou une fois l’an et demandent une autre méthode de col- lecte. En définitive, la décision sur les variables les plus utiles à mesurer devrait reposer sur le souhait de l’organisation de connaître, à intervalles réguliers, l’in- cidence de sa prestation de services.

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Références

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