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L'herméneutique théologique de Vatican II sur le thème de la pastoralité : de 1988 à 2009

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L'HERMÉNEUTIQUE THÉOLOGIQUE DE VATICAN II

SUR LE THÈME DE LA PASTORALITÉ :

DE 1988 À 2009

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en théologie

*

pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.)

FACULTÉ DE THÉOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2010

Sylvain Lavoie, 2010

(2)

RÉSUMÉ

Cette recherche s'intéresse à l'herméneutique théologique de Vatican II sur le thème de la pastoralité. En effet, les vingt dernières années ont été marquées par un débat sur la manière d'interpréter les textes conciliaires. De la recherche de l'intention de l'auteur au moyen d'une histoire de la rédaction des textes, nous en sommes aujourd'hui arrivés à des herméneutiques qui font appel à plusieurs ressources : utilisation des méthodes synchroniques, Uttéraires ou linguistiques, historiques, etc. L'observation du débat nous permet de constater que les auteurs qui ont réfléchi à la question ont proposé différents critères pour penser le rapport aux textes conciliaires, l'acte d'interprétation qui est dégagé par la lecture des textes, la lecture des textes conciliaires eux-mêmes, etc. Parmi ces auteurs, un certain nombre exprime que ce qu'il faut retenir du concile Vatican H, c'est qu'il s'agit d'un concile «pastoral». Dans notre recherche, nous essaierons de définir ce que l'on entend par ce qualificatif «pastoral ». Nous le ferons d'abord à partir d'une analyse des études sur l'herméneutique théologique du concile Vatican II et ensuite par une étude du lexique pastoral dans les textes conciliaires eux-mêmes. Nous analyserons également le discours inaugural de Jean XXEQ qui constitue un moment-clé qui sera repris par les pères dans les débats de Y aula conciliaire et par plusieurs auteurs par la suite. Nous étudierons aussi le lexique pastoral des conciles Vatican I et Trente, ce qui nous permettra de mieux saisir la nouveauté du langage de Vatican IL

(3)

AVANT-PROPOS

Un merci sincère à Linda pour sa confiance, sa compréhension, son écoute et ses encouragements. Jamais ce mémoire ne serait arrivé à son terme sans sa présence et son aide. Merci à mes parents pour leur soutien. Leur confiance m'a encouragé à aller au bout de ce projet. Merci à Daniel pour son amitié et ses encouragements. Sa présence m'a aidé à poursuivre malgré les difficultés.

Merci à mes collègues assistants (tes) au projet de recherche « Vatican II et le Québec des années 1960 » qui m'ont offert un soutien intellectuel et fraternel durant ces deux années. Nos échanges quotidiens m'ont donné un support qui m'a permis d'avancer dans ma recherche.

Enfin, un merci spécial à mon directeur de recherche, le professeur Gilles Routhier, pour sa rigueur, sa confiance et son professionnalisme.

(4)

À Linda, Daniel, Ghislaine et Real. À Camille, Laurence et Philippe.

(5)

RÉSUMÉ n AVANT-PROPOS m

DÉDICACE IV TABLE DES MATIÈRES V

LISTE DES TABLEAUX DC TABLE DES SIGLES XI INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

1. L'HERMÉNEUTIQUE THÉOLOGIQUE DE VATICAN II

COMME OBJET DE RECHERCHE 2 2 . ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES 3 3. OBJECTIF DE LA RECHERCHE 4

4 . PLANDU MÉMOIRE 5

CHAPITRE 1

L'HERMÉNEUTIQUE THÉOLOGIQUE DE VATICAN II :

L'ÉMERGENCE D'UN DÉBAT 7

1. PROBLÉMATIQUE 7 2 . D E LA RÉCEPTION À L'HERMÉNEUTIQUE THÉOLOGIQUE DE VATICAN II 1 2

2.1 La prise en compte du caractère disparate des textes 12

2.2 Des essais de périodisation 14 2.3 Une réception difficile 15 2.4 Le concile comme « événement » 18

2.5 L'apport des méthodes littéraires 20

2.6 Un débat en tension 22 2.7 Une interprétation synchronique des textes 26

2.8 Différentes manières d'interpréter 27 3. PRÉSENTATION DES AUTEURS ET DÉLIMITATION DU CORPUS 28

3.1 Giuseppe Alberigo 27 3.2 Christoph Theobald 29 3.3 Peter Hunermann 29 3.4 Giuseppe Ruggieri 29 3.5 John W. O'Malley 29 3.6 Walter Kasper 30 3.7 Joseph Ratzinger 30 3.8 H.J. Pottmeyer 30 3.9 OrmondRush 30

(6)

CHAPITRE 2 : LA PASTORALITE, UNE CLE POUR

L'HERMÉNEUTIQUE THÉOLOGIQUE DE VATICAN II 32

1. GIUSEPPE ALBERIGO 32

1.1 Unepastoralité de l'événement conciliaire 32 1.2 Une manière de définir la nature du concile 34 1.3 Une différence entre la nature et le caractère de Vatican II 36

1.4 Conclusions théologiques 38

2. CHRISTOPH THEOBALD 39

2.1 La « forme pastorale » de la doctrine 39 2.2 La fonction pastorale du magistère ecclésial 42

2.3 Conclusions théologiques 45

3. PETER HUNERMANN 46

3.1 Le but pastoral de Vatican II 46 3.2 Conclusions théologiques 48

4. GIUSEPPE RUGGIERI 50

4.1 La pastoralité dans les débats conciliaires :

l'exemple du « De Fontibus » 50 4.2 Conclusions théologiques 52

5. J O H N O ' M A L L E Y 53

5.1 Le « style pastoral » de Vatican II 53

5.2 Conclusions théologiques 56

6. WALTER KASPER 57

6.1 Une herméneutique des.« affirmations » du concile 57

6.2 Affirmations pastorales et doctrinales 58

6.3 Conclusions théologiques 61

7. JOSEPH RATZINGER 63

7.1 La consitution Gaudium et spes 63 7.2 Herméneutique de la discontinuité et de la réforme 65

(7)

8. H.J. POTTMEYER 67

8.1 Un lexique pastoral 67 8.2 Conclusions théologiques 69

CONCLUSION 71

___ V

CHAPITRE 3 : LA PASTORALITE A VATICAN n : NOUVEAUTÉ ET CONTINUITÉ

1. LE DISCOURS INAUGURAL DE JEAN XXm 73

2. UN CONCILE QUI A UN VOCABULAIRE PROPRE 79

2.1 Le terme « pastoral » dans Christus Dominus 83 2.1.1 Analyse théologique du terme « pastoral »

dans Christus Dominus 85 2.2 Le terme «pastoral » dans Ad gentes 88

2.2.1 Analyse théologique du terme « pastoral »

dans Ad gentes 90 2.3 Le terme « pastoral » dans Presbyterorum Ordinis 93

2.3.1 /analyse théologique du terme « pastoral»

dans Presbyterorum Ordinis 94 2.4 Le terme « pastoral » dans Optatam Totius 99

2.4.1 Analyse théologique du terme «pastoral»

dans Otatam Totius 100 3. REGARD SUR LES CONCILES PRÉCÉDENTS 102

3.1 LE CONCILE VATICAN I (1869-1870) 103

3.1.1 Analyse théologique du terme «pastoral»

dans les textes de Vatican 1 104

3.2 LE CONCILE DE TRENTE (1545-1563) 106

3.2.1 Analyse théologique du terme « pastoral »

dans les textes du concile de Trente...'. 107

(8)

_ *_

CONCLUSION GENERALE 110

1. TROIS COMPOSANTES HERMÉNEUTIQUES I l l

1.1 Herméneutique des auteurs 112 1.2 Herméneutique des textes 113 1.3 Herméneutique des destinataires 115

2. PISTES DE RÉPONSE À LA QUESTION DE DÉPART 116 2.1 Les auteurs et la pastoralité à Vatican II. 117 2.2 Les textes de Vatican II et la pastoralité.. 112 2.3 La pastoralité : un nouveau rapport entre l'Église et le monde 119

3 . RÉFLEXIONS PRATIQUES 121

4. LIMITES ET FIN 122 BIBLIOGRAPHIE 124

(9)

LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU 1 :

Définition du terme « pastoral » dans le texte de

Giuseppe Alberigo « Critères herméneutiques pour une histoire de Vatican II » 32

TABLEAU 2 :

Différence entre «nature pastorale» et «caractère pastoral» dans le texte de

Giuseppe Alberigo « Critères herméneutiques pour une histoire de Vatican II » 35 TABLEAU 3 :

Définition du terme « pastoral » dans le texte de

Peter Hunermann « Redécouvrir le texte passé inaperçu... » 44 TABLEAU 4 :

Définition du terme « pastoral » dans le texte de

John W. O'Malley « Vatican II : Did anything happen ? » 51 TABLEAU 5 :

Définition du terme « pastoral » dans le texte de

Walter Kasper « Le défi qui demeure. À propos des affirmations du concile » 54 TABLEAU 6 :

Définition du terme « pastoral » dans le texte de

H.J. Pottmeyer « Vers une nouvelle phase de réception de Vatican 13 » 65 TABLEAU 7 :

Utilisation du terme « pastoral » dans les textes de Vatican II 76 TABLEAU 8 :

Utilisation du terme « pasteur » dans les textes de Vatican II 77 T A B L E A U 9 :

Définition du terme « pastoral » dans

Christus Dominus (la charge pastorale des évêques) 79 TABLEAU 10 :

Analyse des définitions du terme « pastoral »

dans Christus Dominus (la charge pastorale des évêques) 80 TABLEAU 11 :

Définition du terme « pastoral »

(10)

TABLEAU 12 :

Analyse des définitions du terme « pastoral »

dans Ad gentes (l'activité missionnaire de l'Église) 84 TABLEAU 13 :

Définition du terme « pastoral »

dans Presbyterorum Ordinis (Le ministère et la vie des prêtres) 89 TABLEAU 14 :

Analyse des définitions du terme « pastoral »

dans Presbyterorum Ordinis (Le ministère et la vie des prêtres) 89 TABLEAU 15 :

Définition du terme « pastoral »

dans Optatam Totius (La formation des prêtres) 94 TABLEAU 16 :

Analyse des définitions du terme « pastoral »

(11)

TABLE DES SIGLES

LG : Lumen gentium AA : Apostolicam actuositatem GS : Gaudium et spes DV : Dei verbum SC : Sacrosanctum concilium AG: Ad gentes CD: Christus dominus PO: Presbyterorum ordinis DH: Dignitatis humanae OT: Optatam totius

UR: Unitatis redintegratio PC: Perfectae caritatis OE: Orientalium ecclesiarum IM: /nter mirifica

NAE: Nostra aetate

(12)

Les vingt dernières années ont été marquées par un débat sur la manière d'interpréter les textes conciliaires. Alors que les années d'après-concile ont laissé place à un certain emballement, l'herméneutique du concile ne fait plus l'unanimité aujourd'hui, ce qui permet l'émergence de plusieurs propositions et critères d'interprétations. Cet état de fait est verifiable depuis 1988, date marquée par le début des travaux du groupe de recherche international de

Bologne dirigé par Giuseppe Alberigo sur l'Histoire du concile1. Bien que cette recherche ait

donné un nouveau souffle aux débats sur l'herméneutique théologique de Vatican H, cela n'a pas suffi à l'interprétation des textes conciliaires. Plusieurs propositions herméneutiques ont alors émergé, bénéficiant entre autres des avancées dans les domaines littéraires et linguistiques. Aujourd'hui, alors que plusieurs tentent de fonder leur propre interprétation à partir des textes conciliaires, d'autres se demandent comment « le concile Vatican II peut nous aider à répondre aux interrogations qui surgissent aujourd'hui dans les Églises chrétiennes ?2 » Pour répondre à cette interrogation, nous constatons qu'un travail herméneutique s'impose.

C'est sur le thème de l'utilisation du critère pastoral dans les débats sur l'herméneutique théologique de Vatican II que nous allons entreprendre cette recherche. En effet, un certain nombre d'auteurs expriment que ce qu'il faut retenir de Vatican H, c'est qu'il s'agit d'un concile « pastoral ». Cela est mentionné par une grande majorité, malgré le fait que peu se soit attardé à définir ce critère d'interprétation . D nous semble donc essentiel de définir plus précisément ce que l'on entend par ce critère « pastoral ». Évidemment, plusieurs perspectives s'offrent à nous

pour aborder ce thème4. Interpellé par la nouveauté de cette appellation dans l'histoire des

conciles, la question qui nous intéressera tout au long de ce mémoire est la suivante : « Dans les vingt dernières années, est-ce que les propositions herméneutiques qui ont été faites par les 1 Giuseppe Alberigo (dir.), Histoire du concile Vatican II, Bologne, Paris, Cerf, 1995-2005, (cinq volumes).

2 Giuseppe Ruggieri, « Pour une herméneutique de Vatican H ; Questions en suspens. », Concilium, no 279, 1999, p.

14.

3 Sur le terme « pastoral », nous mentionnons le premier essai d'analyse réalisé par Giuseppe Alberigo, dans

«Critères herméneutiques pour une histoire de Vatican II », dans M. Lamberigts et Cl. Soetens (éd.), À la veille du Concile Vatican II. Vota et réactions en Europe et dans le catholicisme oriental, Leuven, Leuven Bibliotheek van de Faculteit der Godgeleerdheid, 1992, p. 12-23; repris dans Jean-Pierre Jossua et Nicolas-Jean Séd (dirs), Interpréter. Hommage amical à Claude Geffré, Paris, Cerf, 1992, p. 261-271.

4 On peut penser ici à faire l'histoire de l'utilisation du terme dans les débats de Y aula conciliaire, à sa réception dans

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sur cette question et ce que les textes conciliaires enseignent. Nous analyserons précisément la période qui s'étend de 1988 à 2009. Évidemment, nous ne pourrons faire abstraction de la période qui suit la fin du concile. L'herméneutique consistait alors davantage à reproduire l'histoire de la rédaction des textes et à des commentaires théologiques plutôt qu'à un débat sur la manière d'interpréter les textes du concile. D eut été irréaliste de faire, dans le cadre d'un mémoire de maîtrise, une analyse complète de l'histoire de l'interprétation des textes depuis la fin du concile, il y a plus de 40 ans. C'est pourquoi nous avons choisi de nous intéresser aux vingt dernières années, qui sont marquées par l'émergence d'une pluralité de propositions herméneutiques. À notre connaissance, l'émergence de tant de propositions constitue une nouveauté dans l'histoire des conciles, qui demande à être synthétisée et analysée. C'est ce que nous nous proposons de faire ,dans ce mémoire, en plus de dégager quelques conclusions théologiques qui poursuivront les discussions amorcées par les auteurs.

1. L'HERMÉNEUTIQUE THÉOLOGIQUE DE VATICAN II COMME OBJET DE RECHERCHE

L'herméneutique théologique de Vatican II est l'objet d'étude d'un projet de recherche international et interdisciplinaire, mené conjointement avec l'Institut catholique de Paris et l'Université catholique de Louvain depuis 2003. Notre mémoire de maîtrise s'inscrit à l'intérieur de ce projet. Aussi, l'histoire et la réception de Vatican II au Québec sont l'objet d'un autre projet de recherche intitulé « Vatican II et la Québec des années 1960. » J'ai travaillé à ce projet durant deux années, soit du mois de septembre 2007 au mois d'août 2009. Mon principal champ de recherche a été la réception de Vatican n dans les revues diocésaines du Québec, du mois de janvier 1959 au mois d'août 1966. Ce travail sur la réception a été complémentaire à ma

recherche sur l'herméneutique théologique du concile qui est l'objet de ce mémoire.

La question de l'herméneutique théologique de Vatican II est arrivée à un point tournant aujourd'hui. En effet, la diversité des propositions herméneutiques qui ont émergé dans les dernières années a fait ressortir la difficulté de trouver des règles qui permettraient d'en délimiter les contours. À cet égard, même si ce mémoire s'inscrit dans le champ de l'herméneutique

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qui a occupé l'avant-scène des préoccupations. À ce moment, les législations postconciliaires et les déclarations pastorales et/ou doctrinales ont eu un effet sur sa réception puisqu'elles étaient des lieux d'interprétations. Par la suite, de nombreux « agents» ont influencé sa réception tels les médias, les théologiens, les pasteurs, les communautés de fidèles, etc. C'est dans ce contexte que Jean-Paul U a convoqué en 1985 une Assemblée extraordinaire du synode des évêques, pour commémorer le vingtième anniversaire de la clôture du concile. Lors de cette Assemblée, plusieurs sont demeurés déçus, entre autre à propos des questions touchant au statut des conférences épiscopales, la création d'un catéchisme, la fonction d'enseignement des évêques. La même année, le cardinal Ratzinger suggérait de « revenir aux textes authentiques de l'authentique Vatican H6. » Cet appel allait relancer le débat à sayoir si Vatican n constitue une rupture avec la figure historique du catholicisme ou une continuité de la tradition. À partir de ce moment, il fallait préciser les critères d'interprétations pour rendre compte de l'héritage laissé par Vatican II et ses textes. Ce trop bref détour permet de montrer qu'herméneutique et réception ne peuvent être séparées l'une de l'autre puisqu'elles entretiennent des liens étroits. Ce mémoire portera davantage attention au travail d'interprétation de l'enseignement conciliaire sur la question de la pastoralité. Mais Vatican II est avant tout un événement et une expérience que nous continuons de recevoir aujourd'hui.

2. ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES

Pour réaliser notre étude sur l'utilisation du critère « pastoral » dans les débats sur l'herméneutique théologique de Vatican H, il nous faut en premier lieu établir une méthodologie. D'abord, nous ferons une revue de la littérature de la période étudiée. Cela nous permettra d'évaluer les différentes postures herméneutiques mises en œuvre durant cette période. Ensuite, nous établirons une typologie de ces postures, basée sur les critères et méthodes herméneutiques. Nous préciserons également la composition de notre corpus. En d'autres mots, cette étape nous permettra de répondre aux questions suivantes: comment les auteurs abordent-ils les textes

5 Voir : Gilles Routhier, Vatican II. Herméneutique et réception, Montréal, Fides, 2006,430 pages. 6 Joseph Ratzinger, Entretien sur la foi, Paris, Fayard, 1985, p. 32.

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utilisés dans leur acte de lecture ? Une analyse des propositions herméneutiques de ces auteurs nous permettra de faire ressortir des conclusions théologiques qui se dégagent de leur interprétation de la pastoralité dans l'enseignement conciliaire.

Après avoir réalisé ce parcours, nous analyserons le discours inaugural de Jean XXIII. Ce discours est un moment important puisqu'il sera repris par les pères conciliaires dans les débats de Y aula conciliaire et par plusieurs auteurs. Ensuite, nous nous pencherons plus spécifiquement sur l'utilisation du lexique pastoral dans les textes conciliaires eux-mêmes. Comme le thème de la pastoralité est récurrent dans l'ensemble des textes de Vatican H, c'est par une approche transversale que nous allons appréhender cette question. Pour chacun des textes conciliaires étudiés, nous commencerons par établir un tableau qui démontrera de manière quantitative l'utilisation du terme « pastoral » dans les documents de Vatican H. Comme nous ne pouvons étudier l'ensemble des textes de Vatican H, nous nous attarderons à l'analyse de ce terme dans les quatre documents qui comptiennent le plus grand nombre de mentions : Christus Dominus (la charge pastorale des évêques), Ad Gentes (l'activité missionnaire de l'Église), Presbyterorum Ordinis (le ministère et la vie des prêtres), et Optatam Totius (la formation des prêtres). Nous constatons que les documents qui contiennent le plus grand nombre d'utilisations du terme « pastoral » concernent les évêques et les prêtres. Cela aura des conséquences lors de notre analyse théologique, ainsi que dans nos conclusions. Cette analyse transversale nous permettra de faire une étude comparative entre ce que les théologiens ont dit sur la question de la pastoralité et ce que les textes enseignent. Nous pourrons alors analyser les écarts, ou non, entre ce qui est dit dans les textes et les interprétations faites par les théologiens. Une analyse du lexique pastoral des conciles Vatican I et Trente sera également faite, ce qui nous permettra de faire ressortir la nouveauté du langage employé à Vatican H.

3. OBJECTIF DE LA RECHERCHE

L'objectif principal de la recherche est de comparer l'utilisation du terme «pastoral» dans les documents de Vatican II avec l'interprétation qu'en font les théologiens depuis les vingt

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période. Cela nous permettra de définir des critères et des types d'interprétations. Bien que la pastoralité soit récurrente à l'ensemble des auteurs que nous allons étudier, chacun utilise ses propres critères et cadres théoriques. Ce sont ces critères que nous allons faire ressortir dans la première partie de notre recherche, ce qui nous permettra d'analyser comment les auteurs interprètent la pastoralité dans l'enseignement conciliaire.

4. PLAN DU MÉMOIRE

Dans le premier chapitre de ce mémoire, nous ferons une revue de la littérature des débats sur l'herméneutique théologique de Vatican II depuis 1988. Ce chemin aura un double effet, c'est-à-dire qu'il nous permettra de rendre compte de la réflexion actuelle des débats sur ce sujet et aussi de poser les critères herméneutiques généralement admis par les auteurs. Cela nous permettra de situer notre propos dans l'ensemble des recherches faites jusqu'ici et d'approfondir les différentes propositions herméneutiques. Une typologie de ces propositions sera ensuite présentée, ce qui permettra de regrouper les propositions selon des critères que nous exposerons, en plus de fournir un cadre théorique opératoire pour l'ensemble de notre recherche. Enfin, nous délimiterons un corpus de recherche qui nous servira de balise tout au long du mémoire. Ce corpus sera composé en majorité de théologiens qui ont écrit sur la question de l'herméneutique théologique de Vatican E.

Le deuxième chapitre constituera une analyse détaillée des propositions herméneutiques faites par les auteurs sur la question de la pastoralité. Nous le ferons à partir des études réalisées par les auteurs de notre corpus, en analysant ce que chacun veut dire lorsqu'il utilise ce critère. Cela nous permettra de dégager quelques conclusions théologiques qui suivront l'analyse des propositions des auteurs.

Dans le troisième chapitre, nous analyserons les textes mêmes du concile, pour voir comment ils parlent et définissent ce critère pastoral. Pour ce faire, nous étudierons le lexique pastoral dans les textes conciliaires eux-mêmes. Cela nous permettra de comparer les résultats de

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discours inaugural de Jean XXHI qui marque une évolution significative de l'Église catholique, entre autre dans la manière de concevoir l'exercice du magistère et le statut de la doctrine. Enfin, nous analyserons le lexique pastoral des conciles Vatican I et Trente. Cette étude posera un cadre historique qui nous aidera dans notre compréhension de la pastoralité à Vatican H.

La conclusion nous permettra de synthétiser les grandes tendances que nous avons observées dans les différentes propositions sur l'herméneutique théologique de Vatican IL Nous en ferons état dans cette partie, de même que nous dégagerons quelques conclusions théologiques qui poursuivront les discussions amorcées par les auteurs. Une étude des travaux d'Ormond Rush, qui décrit chacune des composantes de l'herméneutique théologique de Vatican H, nous servira de balise pour cette partie. Aussi, nous reviendrons à notre questionnement de départ sur l'utilisation du critère de pastoralité. Même s'il est impossible de conclure par une définition précise de ce qu'est la pastoralité et la manière dont elle est utilisée dans les textes conciliaires, nous proposerons quelques conclusions et pistes de réflexion pour penser son interprétation théologique.

(18)

L'HERMÉNEUTIQUE THÉOLOGIQUE DE VATICAN II : L'ÉMERGENCE D'UN DÉBAT

1- PROBLÉMATIQUE

Les vingt dernières années qui se sont écoulées ont été marquées par un débat sur la manière d'interpréter les textes conciliaires. Dans les années qui ont suivi le Concile, l'interprétation générale des textes conciliaires consistait davantage à reproduire l'histoire de leur rédaction plutôt qu'à se poser directement la question du rapport à l'événement du Concile1.

Durant cette période, certains auteurs ont perçu un optimisme nouveau qui laisse entrevoir le début d'une ère nouvelle pour l'Église2. Ce moment qui a duré environ une dizaine d'années a pu

se constater entre autre dans le mouvement du renouveau liturgique qui en constituait l'élément le

Voir Gilles Routhier, « L'Assemblée extraordinaire de 1985 du synode des évêques : moment charnière de relecture de Vatican H dans l'Église catholique », dans Vatican II et la théologie, coll. « Cogitatio fidei », no 254, sous la direction de Philippe Bordeyne et Laurent Villemin, Paris, Cerf, 2006, p. 62.

2 Cette idée est proposée par Joseph Ratzinger dans Les Principes de la théologie catholique : Esquisse et matériaux,

coll. « Croire et savoir », Paris, Téqui, 1985, p. 423-440. Cela reprend ce qu'il affirmait en 1975 dans « Der Weltdienst de Kirche. Auswirkungen von "Gaudium et Spes" im letzten Jahzehnt », Communio, no 4, 1975, p. 439-454. Dans son texte, le théologien propose trois phases de réception du concile : Une première d' « euphorie réformatrice », marquée par la deuxième conférence générale de l'épiscopat d'Amérique latine à Medellin en 1968, la parution du catéchisme hollandais en 1966 et la fondation de la revue Concilium en 1965. Une deuxième phase de « désillusion et de crise » dans la décennie de 1970, marquée au début par les événements de mai 1968 en France, le Congrès de Concilium à Bruxelles en 1970 et les critiques faites au catéchisme hollandais comme « expression d'un christianisme bourgeois ». Enfin, une période de stabilisation que représentait le début des années 1980. Voir aussi HJ. Pottmeyer, « Continuité et innovation dans l'ecclésiologie de Vatican II » dans G. Alberigo (dir.), « Les Églises après Vatican II », Paris, Beauchesne, 1980, p. 91-116. L'auteur poursuivra sa réflexion quelques années plus tard de manière plus élaborée dans H.J. Pottmeyer, « Vers une nouvelle phase de réception de Vatican II » dans G. Alberigo et J-P. Jossua, J.A. Komonchak (dirs), « La réception de Vatican II », coll. « Cogitatio Fidei », no 254, Cerf, Paris, 1985 p. 48-52. Dans cet ouvrage, l'auteur situe le processus de réception d'une manière dialectique en y intégrant une troisième phase: d'abord une phase d'éclosion qui comprend le concile comme << événement libérateur », ensuite une deuxième phase de réaction marquée par les forces d'inertie face à l'institution et à sa condition historique, enfin une troisième phase, celle de la synthèse qui est une reprise des phases antérieures et qui demande une herméneutique conforme au « caractère de transition du concile ». Un essai de périodisation des « phases du développement conciliaire » est aussi proposé par Walter Kasper dans La théologie et l'Église, coll. « Cogitatio Fidei », no 158, Paris, Les Éditions du Cerf, 1990, p. 411-423. L'auteur attribue à H.J. Pottmeyer la première phase de la réception qu'il considère comme celle de « l'exubérance ». S'en suit une phase de déception marquée par des raisons multiples : insatisfaction dans la compréhension de l'Église comme communio et pour la collégialité, modification de la société à la fin des années 1960 et au début des années 1970, crise qui s'est manifestée à travers la baisse des vocations sacerdotales, de la pratique religieuse, crise d'identité, des interprétations contradictoires sur les réformes proposées, etc. Enfin, une troisième phase, décisive pour l'avenir, marquée par les discussions déclenchées par la convocation du synode extraordinaire des évêques de 1985 consacré au thème de la réception et de l'interprétation du dernier Concile.

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plus symptomatique. À la fin des années soixante-dix, marquées par le conclave et l'élection du cardinal Wojtyla à la tête de l'Église, le sens du Concile n'apparait cependant plus aussi clairement et nous assistons à la confrontation d'une pluralité de tendances qui marque une pluralité de sens possible des textes conciliaires. Certains y voyaient un événement qu'il ne fallait pas dépasser alors que pour d'autres, Vatican II représentait le début d'une période nouvelle et prospère pour l'Église. La difficulté d'établir des règles d'interprétation s'est alors faite de plus en plus pressante et l'on a souvent cherché à lire les textes selon un ordre de priorité ou de manière hiérarchique. Face à cette confusion, il fallait donc admettre que l'Église n'était plus le lieu d'une seule parole et cela provoquait des oppositions à l'intérieur de celle-ci.

Cette période, marquée par la prise de conscience de la diversité3, a mené en 1985 à

l'Assemblée du synode extraordinaire sur Vatican E4. À la suite de celui-ci, plusieurs sont

demeurés déçus des propositions et cela se vérifie entre autres à propos des questions touchant au statut des conférences épiscopales, la création d'un catéchisme, la fonction d'enseignement des évêques, etc. À ce moment, la manière de lire les textes conciliaires était souvent de les considérer comme des solutions à appliquer face à des situations et difficultés particulières. Déjà au début des années 1980, des chercheurs avaient tenté de dépasser cette manière d'interpréter le concile. Cela a mené, entre autre, à la parution de Y Histoire du Concile Vatican //publiée sous la direction de Giuseppe Alberigo, dont le tome original écrit en italien paru en 1995. Cette phénoménologie des travaux conciliaires donnait un nouveau souffle au débat sur l'herméneutique et mettait de l'avant une compréhension du concile à partir de la notion d'« événement » qui influencera considérablement la suite des discussions6. Le concile n'était

Je crois que cette prise de conscience est bien antérieure mais à partir de ce moment, on la tolère moins.

4 Dans son annonce du 25 janvier 1985, Jean-Paul JJ énumère ainsi les buts du synode extraordinaire: « Le but de

cette initiative est non seulement de commémorer le Concile Vatican II vingt ans après sa clôture, mais aussi et surtout de : Revivre en quelque manière cette atmosphère extraordinaire de communion ecclésiale qui caractérisa les Assises œcuméniques, dans le partage réciproque des souffrances et des joies, des luttes et des espérances, qui sont propres au Corps du Christ dans les diverses parties de la terre; Échanger et approfondir des expériences et des nouvelles sur l'application du Concile au niveau de l'Église universelle et des Églises particulières; Favoriser l'approfondissement ultérieur et l'insertion constante de Vatican II dans la vie de l'Église, à la lumière aussi des exigences nouvelles. » Voir Jean-Paul JJ, « Annonce du synode extraordinaire » dans « Synode extraordinaire. Célébration de Vatican II. », Paris, Édition du Cerf, 2006, p. 35-37.

5 Voir entre autre l'évaluation du synode de J.A. Komonchak dans l'introduction au volume Synode

extraordinaire..., p. 9-32.

6 Voir Giuseppe Alberigo, « Critères herméneutiques pour une histoire de Vatican II », dans M. Lamberigts et Cl.

Soetens (éd.), A la veille du Concile Vatican IL Vota et réactions en Europe et dans le catholicisme oriental, Leuven, Leuven Bibliotheek van de Faculteit der Godgeleerdheid, 1992, p. 12-23; repris dans Jean-Pierre Jossua et

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Nicolas-pas à déNicolas-passer l'idée que les documents de Vatican II constituaient des textes de compromis, critique qui était déjà présente dans les premiers travaux sur la question7. Cela ouvrait donc la porte à l'utilisation d'autres méthodes herméneutiques qui tenteront de dépasser cette hypothèse.

La fin des années 1990 est marquée par des propositions d'interprétation qui s'intéressent à une approche synchronique des textes plutôt qu'à l'histoire de leur rédaction8. Ces approches ont pour objectif de permettre une lecture qui favorise la prise en compte des idées transversales, au lieu de voir les documents de Vatican II comme des textes de compromis. L'arrivée dans le débat de ces approches constitue un tournant important dans la manière d'interpréter le concile. On analyse alors les textes dans leur globalité en mettant en évidence leur style, caractère, genre,

etc9. Ce déplacement a des conséquences majeures puisque l'on cherche à comprendre les textes

à partir de leur consensus de base et à en saisir l'unité foncière. Plusieurs contestent cependant la difficulté d'encadrer les textes conciliaires dans un genre littéraire unique et ces approches

Jean Séd (dirs), Interpréter. Hommage amical à Claude Geffré, Paris, 1992, p. 261-275. L'historien bolonais propose quatre critères herméneutiques pour construire une histoire du concile Vatican II : le concile-événement comme canon herméneutique, l'intention de Jean XXIII, la nature pastorale du concile, l'aggiornamento comme but de Vatican II et la pratique du compromis et de la recherche de l'unanimité.

7 Cette critique était déjà présente dans la thèse d'Antonio Acerbi : Due ecclesiologie. Ecclesiologia giuridica ed

ecclesiologia di communione nella Lumen Gentium, Bologne, Dehoniane, 1975. Dans son travail, Acerbi démontre clairement le caractère composite des textes conciliaires, voire le caractère contradictoire de certains énoncés. Cela sera repris quelques années plus tard par Gustave Thils dans « .. .En pleine fidélité au Concile Vatican II », La foi et le temps, no 10, 1980, p. 274-309. Pour le théologien louvainiste, « Une constitution, un décret de Vatican II ne sont pas des constructions élaborées de façon systématique et bien ordonnée par un seul homme ou un seul groupe homogène, [...] Chaque constitution, chaque décret est une mosaïque, un ensemble divers, mais ordonné au mieux des possibilités, grâce notamment au travail des secrétaires. Ceux-ci ont fait de leur mieux pour agencer les matériaux. » Voir « .. .En plein fidélité... », p. 274.

8 Parmi ces propositions, nous mentionnons celle assez originale de Peter Hunermann dans « Redécouvrir le « texte »

passé inaperçu. À propos de l'herméneutique du concile », dans A. Melloni et C. Theobald, Vatican II. Un avenir oublié, Paris, Bayard, 2005, p. 229-258. On verra aussi « Il concilio Vaticano II come evento », dans M. T. Fattori et A. Melloni (dir.) L'Evento e le decisioni. Studi suite dinamiche del concilio Vaticano II, Bologne, Il Mulino, 1998, p. 63-92. Le professeur de Tiibingen propose que l'enseignement de Vatican II devienne cohérent si l'on considère qu'il répond aux attentes et questions de son époque. C'est ce qu'il appelle la pragmatique, c'est-à-dire la branche de la linguistique qui étudie le rapport entre le langage et son usage dans un contexte donné.

Voir entre autre John W. O'Malley, «Erasmus and Vatican H : interpreting the Council», dans A. Melloni, D. Menozzi, G. Ruggieri et M. Toschi, Cristianesimo nella storia. Saggi in onore di Giuseppe Alberigo, Bologna, Il Mulino, 1996, p. 195-212. On verra aussi : «Vatican II : historical perspectives on its uniqueness and interpretation », dans L. Richard, D. Harrington, J. O'Malley (dir.), Vatican II. The Unfinished Agenda. A Look to the Future, New-York, Paulist Press, 1987, p. 22-32. Dans son travail, O'Malley cherche à trouver la cohérence d'ensemble et le caractère spécifique du texte. Pour lui, ce qui contribue cette cohérence, c'est avant tout le style du discours adopté par le concile.

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recentrent souvent les discussions autour de l'acteur Église. Face à ce renouveau des méthodes herméneutiques, le conclave de 2005 a certainement constitué un moment charnière. Suite à son élection, Benoit XVI critique en particulier l'approche sur le genre textuel des documents conciliaires proposée par le professeur Peter Hûnermann10 qui, disait-il, laissait la porte ouverte à plusieurs «fantaisies11 ». Le pape propose alors de penser l'interprétation des textes conciliaires en fonction de catégories qui allaient ramener le débat sur le terrain de l'herméneutique dogmatique et doctrinale du concile. Récemment, des chercheurs ont poursuivi la réflexion en proposant des méthodes synchroniques qui permettent de penser l'herméneutique conciliaire en

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tenant compte des destinataires des textes. De plus, plusieurs cherchent à lire le concile en fonction des thèmes transversaux, ce qui permet de préciser le principe d'interprétation du corpus conciliaire. L'observation du débat nous permet donc de constater que la pluralité des propositions est le reflet d'oppositions importantes sur la manière de penser l'interprétation du concile et les méthodes à utiliser.

Ce parcours trop rapide nous indique la nécessité d'analyser plus précisément les différentes propositions faites sur l'herméneutique théologique du Concile Vatican IL En effet, le 10 Pour Hiinermann, seul le genre littéraire permet de situer les auteurs et leurs intentions par rapport aux textes. De

ce fait découle le lien et la manière dont les lecteurs sont liés aux textes et à leurs orientations. Ce n'est pas seulement le rapport entre l'unité du concile et de son œuvre qui est enjeu, mais surtout l'aspect constitutionnel qu'il reconnaît aux textes de Vatican H. « On peut donc caractériser le genre textuel de Vatican II comme « constitution de la vie croyante au sein de l'Église » ou plus brièvement comme « constitution de la foi ». Voir : P. Hiinermann, «Redécouvrir le « texte » passé inaperçu... », p. 229-258. Dans son discours à la curie romaine à l'occasion des vœux de Noël du 22 décembre 2005, Benoît XVI critique cette position car elle « se méprend sur la nature du Concile en tant que tel. Il est alors considéré comme une sorte de Constituante, qui élimine une vieille constitution et en crée une nouvelle. Mais la Constitution a besoin d'un promoteur, puis d'une confirmation de la part du promoteur, c'est-à-dire du peuple auquel la constitution doit servir. » Voir Benoît XVI, Discours à la curie romaine à l'occasion de la présentation des voeux de Noël (22 décembre 2005),

www.vatican.va/holy_father/Denedict_xvi/speeche_72005/december/documents/bf3en_xv_spe_20051222_rom__n-curia_fr.html

Voir Benoît XVI, Discours à la curie romaine...

12 Cf., Christoph Theobald, « Enjeux herméneutiques des débats sur l'histoire du concile Vatican H », dans

Cristianessimo nella storia, vol. 28, no 2, 2007, p. 359-380. Dans son interprétation synthétique de l'originalité de Vatican II, Theobald propose une approche qui permet de lire les textes conciliaires de façon unifiée et de dépasser les interprétations qui décomposent l'ensemble en énoncés particuliers. Sa proposition cherche la normativité de Vatican II à partir de ses destinataires, en analysant son enjeu théologal à partir du rapport entre le corpus et l'histoire du processus conciliaire.

13 Nous retiendrons la proposition faite par Gilles Routhier dans Vatican IL Herméneutique et réception, coll.

«Héritage et projet», no 69, Montréal, Fides, 2006, 430 pages. Cf., «Un concile à interpréter», Études, no 4065, 2007, p. 627-638; «El Concilio Vaticano II como estilo», Estudios, no 27, 2006, p. 3-23. Le théologien canadien propose de considérer les thèmes qui traversent l'ensemble du corpus conciliaire plutôt que de s'attarder à une analyse qui prendrait les articles de manière isolée. « Cette approche synthétique et globale qui s'attache d'abord à l'ensemble de l'œuvre plutôt qu'aux énoncés particuliers, ne s'intéresse pas en premier lieu aux propositions contradictoires, mais aux constantes, aux thèmes récurrents ou à la perspective sans cesse reprise. » Ibid, p. 391

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premier survol nous permet de constater que de la recherche de l'intention de l'auteur au moyen d'une histoire de la rédaction des textes, nous en sommes aujourd'hui arrivés à des herméneutiques qui font appel à plusieurs ressources : utilisation des méthodes synchroniques, littéraires ou linguistique, historique, etc. De la prise en compte d'un énoncé particulier, nous en sommes venus à l'examen d'un corpus. Aussi, le travail d'interprétation des documents conciliaires a certainement bénéficié des avancées dans le domaine de l'interprétation des textes. Cependant, malgré la confrontation et les divergences de ces propositions dans les débats des dernières années, bien peu d'auteurs ont entrepris une synthèse sur la question afin d'en dégager les principaux enjeux. C'est ce programme que nous proposerons de suivre tout au long de notre recherche, particulièrement sur la question de la pastoralité.

Comme nous l'avons mentionné dans l'introduction, la question à laquelle nous voudrons répondre tout au long de ce mémoire est : « Dans les vingt dernières années, est-ce que les propositions herméneutiques qui ont été faites par les théologiens sur la question de la pastoralité à Vatican II sont cohérentes avec l'enseignement conciliaire lui-même ? » Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord analyser les débats sur l'herméneutique théologique de Vatican II durant cette période, soit de 1988, marquée par le début des travaux de l'équipe internationale de recherche sur YHistoire du concile dirigés par Alberigo, jusqu'à aujourd'hui. Nous laisserons de côté la période d'après concile marquée par un travail sur l'histoire de la rédaction des textes et des commentaires théologiques, pour nous concentrer davantage sur les débats herméneutiques. En effet, le premier contact établi avec les textes des auteurs nous montre des manières différentes de penser le rapport au texte, l'acte d'interprétation qui est dégagé par la lecture des textes conciliaires, la lecture des textes conciliaires eux-mêmes, etc. Ce sont ces rapports que nous allons analyser plus précisément dans ce chapitre. Nous le ferons par le biais d'une revue de la littérature, ce qui nous permettra de mieux comprendre comment ont émergé les questionnements liés à l'herméneutique depuis la fin du concile Vatican H. Cela servira de base à notre étude. Nous pourrons ensuite délimiter notre corpus de recherche, ce qui nous permettra d'analyser comment chacun des auteurs interprète la pastoralité à Vatican H.

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2- DE LA RÉCEPTION À L'HERMÉNEUTIQUE THÉOLOGIQUE DE VATICAN n

2.1 La prise en compte du caractère disparate des textes

Les quinze années qui ont suivi la fin du concile n'ont pas donné heu à une réflexion systématique sur l'interprétation de celui-ci. « La première génération de commentateurs, qui avaient souvent été engagés dans la rédaction des textes eux-mêmes, ne se posait pas la question de son rapport aux textes et à l'événement conciliaire. Il ne s'agissait pas tout à fait d'un rapport naif, car ces premiers commentateurs s'attachent à reconstruire minutieusement l'histoire du texte, développant ainsi une herméneutique des textes et de l'intention du concile14. » Comme le faisait remarquer Walter Kasper15, les règles classiques d'interprétation en matière de concile étaient de bien peu de secours, puisque l'herméneutique dogmatique en vigueur jusque là consistait à comprendre les énoncés en fonction des erreurs condamnées par ceux-ci. Dans le cas de Vatican H, ce principe ne pouvait s'appliquer puisque celui-ci n'a pas voulu condamner d'erreurs. « La réflexion sur l'herméneutique de Vatican n commence pour de bon au moment où le sens du concile n'apparaît plus aussi clairement et que les circonstances permettent la confrontation d'une pluralité de tendances, révélatrices d'une pluralité de sens possible des textes conciliaires16. » Cette situation nouvelle, qui sera le terrain sur lequel se jouera l'ensemble des réflexions herméneutiques, se manifestera dès les premières années du débat à propos de la prise en compte de la diversité des thèses présentées à l'intérieur même des documents. Face à cette situation, le conclave de 1978 a été un moment-clé du débat17. Selon les observateurs, celui-ci s'en allait vers une impasse à propos de l'interprétation de Vatican H. Comme nous l'avons dit précédemment, certains y voyaient une frontière qu'il ne fallait pas franchir alors que, pour d'autres, le concile était le moment initial d'une ère nouvelle qui commençait.- Devant l'incapacité de rassembler une majorité, le conclave s'est donc orienté vers une voie de médiation, celle que représentait le cardinal Wojtyla.

Le travail des commentateurs dans les années d'après-concile, qui a mis en lumière le processus conciliaire de rédaction des textes, a favorisé l'émergence de différents points de vue

14 Gilles Routhier, « L'assemblée extraordinaire de 1985... », p. 62. 15 Walter Kasper, « Le défi de Vatican II qui demeure », p. 415. 16 Gilles Routhier, « L'assemblée extraordinaire de 1985... », p. 62. 17 Ibidem

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qui ont mené à la prise en compte de l'élément composite des textes. Parmi les études proposées, la thèse d'Antonio Acerbi est probablement celle qui démontre le mieux le caractère composite et parfois contradictoire des énoncés de l'ensemble des documents. Déjà en 1980, Gustave Thils constatait ce manque « d'harmonie foncière » :

Celui qui a sinon vécu, du moins étudié la laborieuse gestation du texte depuis les premiers schémas préconciliaires jusqu'à la promulgation officielle, n'est pas dans le même état d'esprit, car il perçoit, de paragraphe en paragraphe, et parfois de phrase en phrase, ce qui vient des anciens schémas, ce qui a été introduit facilement, ce qui a été disputé âprement, ce qui est la résultante de compromis, etc..Et il lui est impossible d'admettre tout bonnement qu' "un texte est un texte", quelqu'en ait été l'histoire19.

Ainsi se dresse une première difficulté dans l'essai de compréhension et de réception des textes : ceux-ci présentent parfois des thèses opposées qui ne sont pas toujours harmonisables entre elles. Malgré les efforts déployés pour trouver un consensus, des oppositions demeurent et celles-ci ne sont pas faciles à surmonter. Cela est amplifié par la médiatisation et l'expérience des Pères, qui contribuent à forger une nouvelle représentation de l'Église : celle d'un lieu de discussions et de diversité. À partir de l'événement du concile, l'Église fait l'expérience qu'elle n'est plus le lieu d'une seule parole mais d'une pluralité où diverses opinions peuvent s'exprimer. Cette situation se prolonge au moment de la réception du concile, où l'ensemble du corps de l'Église devient membre de cette « culture de débat20 ». Cette nouvelle réalité mettait donc en place les conditions pour qu'émergent de multiples interprétations qui ne semblent désormais plus appartenir à un seul organisme.

1 A. Acerbi, « Due ecclesiologie. Ecclesiologia giuridica... ».

19 Gustave Thils, « .. .en pleine fidélité au Concile du Vatican II », p. 275.

20 Nous reprenons ici une expression employée par Gilles Routhier dans son article « L'assemblée extraordinaire de

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2.2 Des essais de périodisation

Le début des années 1980 est aussi marqué par le fait que certains auteurs cherchent à comprendre de manière plus systématique les développements et les dynamismes post-conciliaires. Cette situation conduit parfois à proposer un essai de périodisation des années

d'après-concile. L'un des premier à le faire est H.J. Pottmeyer21 qui, dès 1981, propose deux

phases du processus de réception : d'abord, une première phase d'éclosion, pleine d'espoir pendant et immédiatement après le concile; ensuite, une deuxième phase de réactions caractérisées par des interprétations contradictoires. A ce moment, le concile apparaît souvent comme l'image positive de Vatican I, de telle sorte que la juxtaposition des ecclésiologies est la cause de nombreux conflits dans l'Église. Pour le professeur de Bochum, à côté de l'ecclésiologie de communion, les textes de Vatican II contiennent un certain nombre d'éléments essentiels que l'on a juxtaposé à des éléments contenus dans l'ecclésiologie de Vatican I. Ainsi, « à la thèse tridentine sur l'Écriture et la Tradition, on juxtapose celle de l'unité de la Révélation et de la tâche du magistère au service de la parole de Dieu.- Dans la constitution sur l'Église, à la thèse de Vatican I sur la primauté du Pape, on juxtapose l'autorité également suprême du collège episcopal.- Dans le décret sur l'œcuménisme, à la thèse de la vérité de l'Église catholique, on juxtapose celle des éléments de vérité dans les autres Église22. » Les deux phases de réception, éclosion et réaction, correspondent donc à deux manières de réagir face à la difficulté d'harmoniser les ecclésiologies entre elles : ou bien l'on conteste Vatican I à partir de l'ecclésiologie de communion, ou à l'inverse, on ne peut accepter l'ecclésiologie de communion à partir des cadres de Vatican I. Cette proposition s'inscrit parfaitement dans la lignée de celles et ceux pour qui Vatican II est une reprise de Vatican I. Le débat se resserre alors autour de questions ecclésiologiques qui mettent surtout l'accent sur l'aspect de juridiction. Cet essai de périodisation, bien que nécessaire, a donc comme effet de « figer » les moments de réception du concile, mais aussi de minimiser le débat autour de la constitution sur l'Église, en particulier sur le troisième chapitre touchant à la constitution hiérarchique de l'Église. Cela fait aussi de l'Église l'argument principal du concile, position qui sera critiquée par plusieurs observateurs par la suite. Pour Pottmeyer, la discussion sur les interprétations contradictoires ne pouvait pas se tenir sur le

21 H.J. Pottmeyer, « Continuité et innovation dans l'ecclésiologie de Vatican II », p. 91-116.

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terrain de Vatican H, puisque celui-ci cherchait plutôt à rassembler ces ecclésiologies. Mais au-delà des différentes thèses, ce qui caractérise davantage le débat est cette prise de conscience de la difficulté d'en arriver à un consensus.

Dans la même période, Joseph Ratzinger23 présente aussi de manière plus polémique une

périodisation de l'après-concile. Celui-ci identifie trois phases dans la réception de Vatican II : d'abord une phase euphorique, jusqu'à 1968, suivie d'une phase de désillusion dans la décennie de 1970 à 1980 et enfin un moment de synthèse et d'équilibre que représentait le début des années 1980. À la différence de Pottmeyer, Ratzinger ne prend pas comme point de départ le débat ecclésiologique pour établir sa périodisation. D cherche plutôt à éclairer l'histoire de l'influence du concile et de la constitution Gaudium et spes, en particulier l'avant-propos, pour voir « ce que la constitution pastorale comporte précisément de neuf et de spécial 24». Ainsi, l'inventaire critique des dix années post-conciliaires permet de constater que «ce n'est pas la Constitution pastorale qui mesure la Constitution sur l'Église, encore moins l'intention de l'avant-propos prise isolément, mais c'est l'inverse : seul l'ensemble, pris autour de son centre réel, est véritablement l'esprit du Concile25.» Pour le théologien allemand, ce qui a été présenté jusque-là comme étant le concile était le reflet d'une attitude dont la Constitution pastorale, en

particulier l'avant-propos, en représentait l'expression26. La périodisation que propose le

théologien fait donc ressortir que c'est en resituant cette constitution dans l'interprétation des Constitutions dogmatiques que sera rendue possible la réception réelle du concile. Pour Ratzinger, c'est en empruntant ce chemin que nous approfondirons la véritable volonté du concile et que l'Église pourra se situer vis-à-vis du monde et de ses besoins.

2.3 Une réception difficile

À la lumière de ces approfondissements, nous pouvons constater qu'entre 1975 et 1985, non seulement l'Église fait l'expérience qu'elle est devenue le lieu de la libre discussion et de la diversité, mais plus encore, on a affaire à des oppositions fortes, voire des contradictions dans la 23 Cf., Joseph Ratzinger, Les principes de théologie catholique... » p. 428-438. Comme nous l'avons dit

précédemment, cela reprend ce qu'il affirmait déjà en 1975 dans « Der Weltdienst der Kirche... », p. 439-454.

24 Ibid, p. 424. 25 Ibid, p. 436-437. 26 Ibid, p. 423-427

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manière d'interpréter et de recevoir le concile. Ce contexte de tensions est marqué entre autres par la création de deux revues théologiques27 qui deviennent rapidement les organes d'expression des groupes opposés. C'est dans ce contexte que le pape convoque en 1985 une Assemblée extraordinaire du synode des évêques, pour commémorer le vingtième anniversaire de la clôture du concile. La décision du pape devait conduire l'Église à entreprendre un effort sérieux d'interprétation et proposait de faire une « synthèse ouverte » dans le domaine de l'interprétation de Vatican H. Même si ce synode constitue un moment-clé dans le processus d'interprétation du concile, certains le perçoivent comme un rendez-vous manqué . « On peut faire l'hypothèse que cette Assemblée extraordinaire du synode marque le début d'un processus qui disqualifiera graduellement certains interprètes du concile et qu'il initie un processus qui, à court terme, réduira les interprétations possibles de ces documents29. » Cela se vérifie entre autres dans le

rapport final du cardinal Danneels30, dont quelques suggestions touchant au munus docendi des

évêques auront pour conséquence à long terme de réduire les sujets de la parole et les espaces d'interprétation du concile. La première de ces suggestions est liée au désir que soit rédigé un catéchisme ou compendium de toute la doctrine catholique, qui servirait de point de référence au manuel composé dans les divers pays. La deuxième suggestion concerne le statut théologique des conférences épiscopales : le synode propose que « la question de leur autorité doctrinale soit plus clairement et plus profondément explicite, compte tenu de ce qui est écrit dans le Décret conciliaire Christus Dominus, no 38 et dans le Code de droit canonique, can. 447 et 753 . » Malgré l'intervention de certains Pères favorable aux conférences épiscopales, la recommandation de l'Assemblée synodale vient en quelque sorte « casser » le mouvement d'après concile où les conférences épiscopales, s'inspirant de l'enseignement conciliaire,

27 La première revue à paraître est la revue Concilium qui, en 1965, est éditée simultanément en sept langues et est

soutenue par une équipe de direction répartie dans douze pays. Les rédacteurs veulent s'intéresser « à des problèmes posés par la condition humaine actuelle » et présenter une théologie qui s'appuie « de façon particulière sur l'œuvre de Vatican II et en prolonger les travaux » Voir K. Rahner et E. Schillebeeckx, « Une nouvelle revue internationale de théologie. Pourquoi ? À qui s'adresse t-elle ? », dans Concilium, no 1, 1965, p. 8. La deuxième revue à être publiée est Communio, qui, en 1972, est rapidement reliée à des groupes particuliers ou à des cercles. Fondée sous l'impulsion de Hans-Urs von Balthasar et par des personnalités majeures de l'après concile (Jean Daniélou, Joseph Ratzinger, Karol Wojtyla, etc.), la revue entendait réagir face à des interprétations radicales de l'époque comme le refus des réformes conciliaires. Il faut aussi noter que quelques théologiens publient dans les deux revues (Congar, Kasper, etc.)

28 Voir entre autre l'évaluation du synode de J.A. Komonchak dans l'introduction au volume « Synode

extraordinaire...», p. 9-32.

29 Gilles Routhier, « L'assemblée extraordinaire de 1985... », p. 80.

30 G. Danneels, « Rapport final », dans Synode extraordinaire. Célébration de Vatican II, p. 549-567. 31 Ibid, p. 563.

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organisaient leurs actions à partir du munus docendi qui ne leur est maintenant accessible de manière assez limitée. À la suite de ce synode, nous observons donc que les propositions établissent une logique à l'intérieur de laquelle le magistère se constitue sujet interprète du concile. Cela contraste de beaucoup avec les années précédentes où les Pères conciliaires ont voulu mettre en place une ecclésiologie des Églises locales.

Cette période est aussi marquée par le point de vue de Walter Kasper32, secrétaire spécial au synode de 1985, dont les écrits auront une influence considérable dans la suite du débat. En reprenant le point de vue de Congar pour qui « on pourrait poursuivre l'histoire de tous les conciles sous l'angle de leur réception33 », le professeur de Tubingen voit dans le thème de la réception une clé pour penser la continuité des discussions.

Les énoncés du dernier Concile, aujourd'hui, vingt ans après, ne sont encore aucunement dépassés; au contraire, la réception du Concile est le début de tout (...) Ce qui fait défaut, cependant, c'est une réception de l'esprit plus profond du Concile, au-delà de l'application extérieure des dispositions du Concile, cette phase étant achevée pour l'essentiel avec le nouveau Code de droit canonique. Après la réforme extérieure, le renouvellement spirituel dans l'Église est une tâche permanente et urgente34.

Cette proposition sera reprise quelques années plus tard par le théologien, quand celui-ci affirme que ce qui est en cause pour la théologie catholique, ce n'est pas le concile comme tel mais son interprétation et sa réception . En 1990, Kasper continue sa réflexion et propose des principes herméneutiques qui sont semblables à ceux proposés par le cardinal Danneels dans son « Rapport initial » présenté à l'ouverture du synode de 1985. D invite à un élargissement nécessaire si l'on veut donner une juste interprétation des textes de Vatican IL Le professeur Kasper propose alors des balises pour une interprétation équilibrée des textes conciliaires : 32 Cf., W. Kasper, « Point de vue pour le synode extraordinaire », dans Synode extraordinaire. Célébration de

Vatican II, p. 653-659; W. Kasper, « Le défi qui demeure. À propos de l'herméneutique des affirmations du concile », p. 411-423.

33 Y. Congar, « La réception comme réalité ecclésiologique », RSPT, no 56,1972, p. 374.

34 W. Kasper, « Points de vue pour le synode extraordinaire », dans Synode extraordinaire. Célébration de Vatican

IL, p. 654.

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prendre la situation d'un texte dans un tout ou dans son intégralité, préciser l'histoire du texte nous dit l'intention du concile et resituer le texte dans l'ensemble de la tradition ou la série textuelle dans laquelle il s'inscrit. Ainsi, en même temps qu'émerge la notion de réception à l'intérieur du débat herméneutique, une autre manière de penser l'interprétation de Vatican II semble vouloir s'imposer, celle d'une lecture des textes dans leur intégralité.

Un bref aperçu de cette période nous permet donc de constater un changement important dans la manière de lire les textes de Vatican II : les auteurs qui ont réfléchi sur l'herméneutique du concile ont favorisé une approche ouverte des textes, engageant souvent les interprètes à se référer à la trajectoire que l'on peut dégager des travaux du concile, plutôt qu'à se référer à des énoncés particuliers détachés de leur contexte . Cette nouveauté ouvrira la porte à de nouvelles disciplines qui viendront enrichir le travail des théologiens. Dans ce sens, les écrits de Kasper vont permettre un rapprochement entre la théologie et les disciplines historiques qui va influencer la suite du débat sur l'herméneutique théologique du concile. Un autre chapitre pouvait alors commencer au début des années 1990, avec le début de la publication de YHistoire du concile

Vatican II sous la direction de Giuseppe Alberigo37.

2.4 Le concile comme « événement »

Cette tendance à voir dans les textes conciliaires un ensemble cohérent et à « saisir » le concile dans son unité, allait prendre un essor important avec les travaux d'Alberigo. Pour l'historien bolonais, les textes sont à aborder dans leur ensemble à partir d'une position herméneutique nous permettant de rendre compte de l'intelligence cohérente de l'enseignement de Vatican H. Le professeur propose donc quatre critères herméneutiques : le concile-événement comme canon herméneutique, l'intention de Jean XXHI, la nature pastorale du concile, Yaggiornamento comme but de Vatican II et la pratique du compromis et de la recherche de l'unanimité38. Face à différentes lectures du concile, souvent en conflit entre elles à cause de leur

36 C'est précisément à cette position herméneutique que s'est opposé le cardinal Ratzinger dans « Les principes de

théologie catholique : esquisse et matériaux », Paris, Tequi, 1985, p. 423-440.

37 G. Alberigo, Histoire du concile Vatican II, Paris, Cerf, 1995-2005, (cinq volumes).

38 Ces critères sont explicités par l'auteur dans « Critères herméneutiques pour une histoire de Vatican II », p. 12-23.

Cela est repris dans Interpréter. Hommage amical à Claude Geffré, p. 261-275. On peut voir aussi « Vatican II et son héritage », dans Études d'histoire religieuse, no 63, 1997, p. 7-24.

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caractère schématique et globalisant, Alberigo propose de construire une histoire de Vatican II qui portera attention aux grands thèmes doctrinaux dans leur évolution transversale39. Cela

marque un autre tournant important, puisque l'on pense l'herméneutique du concile à partir de la notion d'événement plutôt que de s'attarder à l'application de ses décisions. « Il est de plus en plus nécessaire de reconnaître que l'événement conciliaire en tant que tel a priorité sur les décisions du concile, lesquelles ne peuvent être lues comme des données normatives abstraites, mais comme l'expression et le prolongement de l'événement lui-même40. » Vis-à-vis de la phase

polémique de la réception du concile par l'Église, le travail d'Alberigo se concentre à reconstruire une phénoménologie des travaux conciliaires, mais aussi à rendre compte de l'esprit et des contradictions qui ont animé l'Assemblée. Ce travail d'historicisation ne se développe toutefois pas à l'extérieur de tous les critères soumis à la discussion, mais repose sur une juste connaissance de Vatican II et de sa situation dans l'histoire des conciles.

Parmi les critères proposés, la nature pastorale de Vatican II et le concile comme événement sont considérés comme des clés herméneutiques pour en arriver à une juste interprétation des décisions conciliaires. Jusqu'à présent, Vatican JJ a été connu un peu trop abstraitement comme un ensemble de textes sans aucun lien apparent les uns avec les autres. La position herméneutique qui consisterait à prendre des énoncés particuliers et à les sortir de leur contexte reviendrait à se méprendre sur ce qu'est Vatican H. Ce n'est qu'à partir de la reconstitution de l'événement que l'on pourra parvenir à une cohérence et ainsi considérer le Concile comme un point tournant de l'histoire du catholicisme. Cette position herméneutique sera critiquée sévèrement par Agostino Marchetto au début des années 199041. Malgré tout, les

critères proposés par Alberigo influenceront de façon considérable la manière de penser l'herméneutique conciliaire, si bien qu'il faudra attendre jusqu'à la fin des années 1990 avant de voir apparaître d'autres critères et cadres d'interprétations.

39 Cela est exprimé par j^lberigo dans « Critères herméneutiques... », p. 12; repris dans « Interpréter. Hommage...,

p. 261-262.

G. Alberigo, « Introduction. Vatican H, trente ans après », dans « Histoire du concile Vatican II», Tome I, Paris, Cerf, 1997, page 8.

41 A. Marchetto, « Il concilio Vaticano II : Considerazioni su tendenze ermeneutiche dal 1990 ad oggi », Archivum

Historiae Pontificiae, no 38, 2000, p. 275-286. Plus récemment, on verra aussi: // Concilio ecumenico Vaticano IL Contrappunto per la sua storia, Roma, Libreria Editrice Vaticana, 2005,406 pages.

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2.5 L'apport des méthodes littéraires

Cette publication d'Alberigo ouvre une nouvelle période de l'herméneutique du concile qui venait de connaître un moment crucial entre 1980 et 1987. À cette époque, l'interprétation des textes conciliaires était revenue à l'avant plan avec, entre autre, la tenue du synode extraordinaire de 1985 sur cette question. Dans la suite de cet événement, l'ampleur du travail réalisé par Alberigo et ses collaborateurs allait certes donner un nouveau souffle au débat, mais, comme nous l'avons dit précédemment, il faudra attendre quelques années avant que d'autres propositions remettent la question en avant-scène. L'essai le plus original de cette période est certainement celui de Peter Hiinermann42. Le professeur de Tubingen s'appuie sur la philosophie du langage, entre autres sur les écrits de Wittgenstein, pour resituer le cadre interprétatif des textes conciliaires. Ainsi, le théologien propose une approche pragmatique des textes du concile, à l'intérieur de laquelle le sens de l'enseignement de Vatican E est à trouver à partir des attentes et des questions de son époque. Ce qu'il appelle la pragmatique est en fait la branche de la linguistique qui s'intéresse aux éléments du langage, dont la signification ne peut être comprise qu'à partir de leurs contextes. De même que les enseignements des conciles précédents peuvent être compris en fonction des hérésies que l'on voulait condamner, le concile Vatican II doit être compris à la lumière des espérances, des questions et des attentes soulevées à son époque. Pour celui qui interprète, il s'agit de reconstituer le contexte dans lequel les textes conciliaires ont été écrits pour trouver ce à quoi les Pères voulaient répondre. Il ne s'agit donc pas d'interpréter le concile à partir des énoncés détachés de leur cadre d'énonciation, mais bien plutôt de partir des attentes et espérances des chrétiens, à l'intérieur desquels les énoncés trouvent leur sens et interprétation. Cette perspective venait apporter un point de vue complémentaire à la démarche historique d'Alberigo et, du même coup, on se rendait compte de la nécessité de lire Vatican II à partir de méthodes et de points de vue diversifiés.

Parallèlement à cette approche pragmatique, le milieu des années 1990 voit apparaître une autre tentative d'interprétation qui cherche à considérer l'ensemble des textes de Vatican II

42 P. Hiinermann, «Redécouvrir le «texte» passé inaperçu... », p. 229-258. Cf., «D concilio Vaticano II come

evento», dans M. T. Fattori et A. Melloni (dir.), L'Evento e le decisioni. Studi sulle dinamiche del concilio Vaticano II, p. 63-92.

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comme unité littéraire. Cette proposition est faite par le théologien américain John W. O'Malley, pour qui ce qui contribue à la cohérence d'ensemble des textes conciliaires, c'est avant tout le style43. La « totalité » du discours est en effet à chercher par et dans le style des textes de Vatican U, qui se distingue considérablement des conciles précédents. Pour O'Malley, « le concile a une rhétorique en elle-même44 » qui s'apparente au discours utilisé par les Pères de l'Église dans leurs commentaires et sermons. Vatican II aurait en effet cherché à se détacher du langage néo-scolastique et juridique des conciles précédents pour trouver son caractère propre et cohérent. C'est donc dans le programme rhétorique que l'on doit chercher le caractère spécifique et originel du texte, davantage que dans les énoncés eux-mêmes. C'est à partir de cet élément que nous pourrons trouver la signification qui manifeste la cohérence de l'ensemble des textes du concile Vatican IL

Cette tentative de préciser le style littéraire des textes du concile pour en saisir leur unité, déjà présent dans la rédaction de l'histoire du concile sous un autre plan, a été reprise quelques

années plus tard par Ormond Rush45. Le théologien établit une distinction entre une

herméneutique des auteurs, celle du texte et celle des récepteurs, qui met davantage l'emphase sur les destinataires du texte. Ainsi, une première phase de l'herméneutique consiste à reconstruire 1' « esprit » qui se dégage des documents, à partir de la manière dont les auteurs ont posé les questions dans un contexte de rédaction précise. Ensuite, l'herméneutique du texte doit être poursuivie et réalisée à partir du style, la structure, la rhétorique et l'intertextualité, tous ces éléments permettant de reconstruire la « lettre » du concile. Enfin, ces herméneutiques doivent être complétées par une attention portée à la réception des textes. Cette approche, qui reconduit le débat entre l'unité de l'événement du concile et l'unité de son œuvre, vient toutefois contester la thèse souvent avancée (y compris par Alberigo), que Vatican El a créé des textes de « compromis ». La réflexion est reprise par Hiinemann qui poursuit la réflexion commencée par Rush sur le style littéraire du concile pour mieux comprendre son unité. Ce que note le professeur de Tubingen, c'est que « cette situation qui a indubitablement pour effet de paralyser l'Église, a

43 J. W. O'Malley, «Erasmus and Vatican II : interpreting the Council», p. 195-212; «Vatican II : historical

perspectives on its uniqueness and interpretation », p. 22-32; «Vatican II: Did Anything Happen ?», dans Theological Studies, vol. 67, no 1, 2006, p. 3-33.

44 Ibid, p. 197.

45 O. Rush, «Still Interpreting Vatican II. Some Hermeneutical Principles», New York, Paulist Press, 2004, 125

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été déclenchée dans une large mesure par une tendance interprétative qui dès le début, part d'une opposition entre majorité et minorité, et caractérise les textes conciliaires essentiellement comme textes de compromis46. » À partir des réflexions proposées par Rush, Hunermann fait le constat que la question qui est demeurée exclue du débat sur l'herméneutique conciliaire est celle du genre textuel des documents conciliaires. Seul le genre textuel permet de situer les auteurs et leurs intentions par rapport aux textes. De ce fait découle le lien et la manière dont les lecteurs sont liés aux textes et à leurs orientations. Ce n'est pas seulement le rapport entre l'unité du concile et de son œuvre qui est en jeu, mais surtout l'aspect constitutionnel qu'il reconnaît aux textes de Vatican H. « On peut donc caractériser le genre textuel de Vatican II comme "constitution de la vie croyante au sein de l'Église" ou plus brièvement comme "constitution de la foi"47 ». Cette proposition d'interpréter le concile à partir de la notion de « constitution », vient certainement du fait que le théologien de Tiibingen se fonde sur l'intention conciliaire de Paul VI48 pour justifier le choix et la nécessité de prendre en compte le genre littéraire proposé. À l'intérieur de cadre constitutionnel, la question centrale est donc la fonction critique permanente qui doit être exercée par les textes conciliaires. Suite au déplacement qui consistait à penser le concile à partir de la notion d'événement, on se rend compte de la difficulté de concilier l'unité entre le concile lui-même et les textes que les Pères ont promulgués. Dans ce sens, les propositions littéraires de Rush et Hunermann viennent ouvrir une voie nouvelle, mais recentrent

le débat de l'herméneutique du concile autour de la question de l'Église49. Cependant, avec

l'apport des sciences littéraires, le débat sur l'herméneutique du concile prend un nouvel essor, et pour la première fois, les propositions prennent en considération la question du destinataire, voie que plusieurs théologiens reprendront par la suite.

2.5 Un débat en tension

Le quarantième anniversaire de la clôture du Concile fut marqué par un événement important avec la mort de Jean-Paul JJ. Si le conclave de 1978 constituait un moment-clé du 46 P. Hunermann, « Redécouvrir le « texte » passé inaperçu...», p. 231.

47 Ibid, p. 250.

48 Voir l'allocution lors de l'ouverture de la deuxième session du concile, le 29 septembre 1963. Paul VI résume

alors la tâche du concile telle qu'elle avait été mise en œuvre par l'assemblée conciliaire : « Église, que dis-tu de toi-même ?» Jean XXHQ/Paul VI, Discours au concile, Paris, Éditions du Centurions, p. 95-125.

49 Cette critique sera reprise par Christoph Theobald dans « Enjeux herméneutiques des débats sur l'histoire du

Figure

TABLE DES SIGLES  LG : Lumen gentium  AA : Apostolicam actuositatem  GS : Gaudium et spes  DV : Dei verbum  SC : Sacrosanctum concilium  AG: Ad gentes  CD: Christus dominus  PO: Presbyterorum ordinis  DH: Dignitatis humanae  OT: Optatam totius
Tableau 1 : Définition du terme « pastoral » dans le texte de Giuseppe Alberigo
Tableau 3 : Définition du terme « pastoral »  dans le texte de Peter Hunermann
Tableau 4 : Définition du terme « pastoral » dans le texte de John W. O'Malley
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