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D'autres auteurs ont utilisé le terme « pastoral » pour désigner les textes du concile. Dans

son texte intitulé « Vers une nouvelle phase de réception de Vatican H121 », H.J Pottmeyer ne

retient pas explicitement le critère pastoral pour penser l'herméneutique théologique de Vatican H. Par contre, l'auteur utilise un lexique pastoral dans son texte. Avant de nous attarder 117 Benoît XVI, « Discours à la curie romaine », p. 4.

118 Ibidem n 9lbid,p.5. 120 Ibidem

121 Pottmeyer, H.J., « Vers une nouvelle phase de réception de Vatican n. Vingt ans d'herméneutique conciliaire », dans G. Alberigo et J.-P. Jossuas, J. Komonchak (dirs), La réception de Vatican ll, p. 43-64. Tout comme le texte de Ratzinger, même si le texte de Pottmeyer a été écrit avant la période que nous étudions (1988 à aujourd'hui), nous l'intégrons à notre corpus puisqu'il s'agit d'un texte significatif de l'auteur sur l'herméneutique théologique de Vatican H.

directement à son utilisation, nous indiquons dans quel cadre il est employé. Pour Pottmeyer, ce qui caractérise le mieux le concile est qu'il fut un concile de transition122. « C'est le but que le pape en le convoquant et la majorité des pères conciliaires ont fixé au Concile et c'est ce qui marque le choix de ses thèmes et son discours . » Cette caractéristique traverse l'ensemble du texte et n'est pas sans effet sur la réception de Vatican IL Ce concept de transition marque le caractère du concile et mène à la prise en compte critique du facteur temps dans la manière de penser le geste herméneutique de Vatican IL Pour le théologien, « étant donné le temps qui nous sépare et l'évolution de la situation historique, nous avons aujourd'hui la possibilité de reconnaître que Vatican II également est conditionné par son époque et d'en tenir compte dans une interprétation du concile qui soit conforme à sa lettre comme à son esprit124. » C'est à partir de cette prise en compte critique du facteur temps que Pottmeyer établit son essai de périodisation

125 et ses trois phases du processus de réception .

À la suite de ces remarques, nous pouvons nous attarder plus spécifiquement à l'utilisation du lexique pastoral dans le texte de Pottmeyer. Le théologien utilise à 10 reprises le terme dans son texte. Une mention du terme «pasteur» est également faite pour parler du ministère ordonné. Notre analyse nous permet d'établir le tableau suivant:

Tableau 6 : Définition du terme « pastoral » dans le texte de H.J. Pottmeyer "Vers un nouvelle phase de réception de Vatican I I "

Qualification Nombre de mentions

Texte conciliaire (Gaudium et Spes) 2

Événement 2

Lettre des évêques Pratique

Problème dans l'Église Caractère

Situations (liées aux Églises particulières) But du Concile

Total 10

122 Ibid, p. 43.

123 Ibidem

124

Nous remarquons qu'il n'y a pas de qualification qui ressort du lot et se démarque des autres. Le terme « pastoral » est utilisé par l'auteur pour désigner des composantes différentes du concile. Cependant, celui-ci est utilisé davantage pour parler de l'événement du concile et de la constitution Gaudium et spes, bien que nous ne pouvons pas les isoler des autres. La qualification donnée à l'événement est d'abord décrite par Pottmeyer à partir d'un élément statistique. Celui-ci analyse la production textuelle des conciles en nombre de lignes écrites et, à ce chapitre, Vatican II occupe une position particulière dans l'ensemble des conciles. Des 12 179 lignes de Vatican H, 5646 concernent « les problèmes de pastorale et de société126. » Cela justifie son appellation de « concile pastoral » bien que ses textes dogmatiques au sens strict totalisent tout de même 3148 lignes. Cette analyse statistique, bien qu'intéressante, permet cependant à l'auteur de ne pas attribuer à Vatican II une qualification uniquement pastorale : « Du point de vue statistique, dire que Vatican II est un concile uniquement "pastoral" n'est donc pas exact. En tous cas, une telle masse de textes pose quant à leur transmission, leur réception et leur interprétation, des problèmes spécifiques . » Pour Pottmeyer, le rapport à l'événement est donc à construire à partir d'un élément statistique qui concerne les textes eux-mêmes. Nous voyons ainsi une manière de parler de la pastoralité à partir du contenu des textes, que l'auteur situe dans l'ensemble de la production des textes conciliaires.

8.2 Conclusions théologiques

Pour Pottmeyer, le caractère de transition du concile a un effet sur la réception et l'interprétation de Vatican H. En fait, le concile « n'a pas été uniquement un organe de décisions, mais un événement, une ouverture, un mouvement, au cours duquel l'Église a donné d'elle-même

une nouvelle interprétation128. » Ce constat permet à Pottmeyer de définir deux dimensions à

Vatican H. D'une part, il s'agit d'un événement religieux et spirituel. D'autre part, le concile a été l'événement d'une critique globale. Ces deux dimensions donnent en quelque sorte les bases d'une réflexion sur le concept même d'Église. Cette nouvelle interprétation de l'Église et son caractère pastoral mène Pottmeyer à poser une question centrale de la réception de Vatican II :

126 Ibid, p. 44. 111 Ibidem 128 Ibid, p. 47.

« Faut-il lire Vatican II à la lumière de Vatican I, ou le contraire ?129 » Pour l'auteur la question est de savoir si la nouvelle conception de l'Église développée à Vatican II s'inscrit dans une continuité avec la Tradition ou si elle marque une coupure dans l'histoire de celle-ci. Jusqu'ici, deux herméneutiques se sont confrontées sur cette question. Pour Pottmeyer, une interprétation « progressiste » a souvent oublié que le concile n'est pas revenu sur les dogmes de Trente et de Vatican I. Une interprétation « conservatrice » a parfois oublié que les pères conciliaires ont apprécié très différemment les thèses en présence. L'enjeu est donc de développer une herméneutique qui sera conforme au caractère de transition de Vatican II et qui sera attentive à l'évolution du concile, l'histoire des textes et leur orientation.

Comme nous l'avons vu, plusieurs manières ont été proposées pour aborder le style des documents conciliaires. La proposition statistique de H.J. Pottmeyer, bien qu'elle permette de démontrer que l'originalité du concile n'est pas seulement d'ordre thématique, mais aussi d'ordre stylistique ou linguistique, reste cependant un peu trop superficielle. Ce type d'approche, même si elle permet de mettre en valeur des thèmes récurrents et des répétitions, réduit le concile à de simples énoncés, sans tenir compte de la manière dont ces énoncés sont mis en discours dans les textes conciliaires. Du même coup, la proposition de Pottmeyer réduit la pastoralié à des contenus thématiques ou linguistiques. Ce type de proposition demande d'être complété par d'autres types d'approches. Aussi, le caractère de «transition » développé par l'auteur, même s'il permet de caractériser une nouvelle phase de la réception de Vatican H, recentre les débats herméneutiques autour de la question de l'Église. Cette thèse sera critiquée par plusieurs auteurs par la suite. Écrit en 1985, la même année que l'Assemblée extraordinaire du synode des évêques sur Vatican H, le texte de Pottmeyer rend compte de la difficulté d'en arriver à un concensus à propos de l'herméneutique théologique du concile. En effet, il nommait déjà la nécessité de prendre en compte diverses composantes de Vatican II dans l'interprétation du concile. Selon lui, une herméneutique doit être attentive à l'évolution du concile, l'histoire des textes et leur orientation. Il s'agit de composantes qui seront développées par d'autres auteurs par la suite.

CONCLUSION

L'étude des débats sur l'herméneutique théologique du concile Vatican II nous permet de dégager des types d'interprétation qui ont émergé dans les vingt dernières années. Au cœur de ces débats, des critères ont été proposés par les auteurs qui ont permis de penser le rapport à l'événement du concile, les textes conciliaires, leur histoire, etc130. Parmi ces critères, plusieurs ont retenu la pastoralité comme clé herméneutique pour penser l'interprétation théologique de Vatican TL. Cela constitue une nouveauté dans l'histoire des conciles et nous n'avons pas terminé d'en saisir les portées et les implications. Ceci dit, une étude plus approfondie de cette proposition nous permet de dégager des manières différentes de définir la pastoralité ; c'est ce que nous avons voulu démontrer dans ce chapitre. En effet, plusieurs auteurs utilisent ce critère mais selon des perspectives et cadres théoriques très différents. Parler de la pastoralité du concile, c'est donc parler de l'événement conciliaire lui-même, de ses débats, d'une manière nouvelle de s'adresser au monde et, de ce fait, d'un renouvellement du langage présent au concile, des buts visés, etc. Aussi, même si la pastoralité constitue un enjeu majeur de Vatican H, les questionnements la concernant sont complexes et c'est le concile dans toutes ces composantes qui en est imprégné. Cette ambiguïté est certainement le reflet d'un changement important dans la manière de penser le rapport au monde, les pratiques ecclésiales, le type de langage à utiliser, etc.

Le critère de pastoralité apparaît comme une clé de lecture pour penser la manière d'interpréter Vatican II et il faudra poursuivre les recherches dans ce sens. Entre autres, il serait intéressant de reprendre l'ensemble des débats conciliaires pour voir comment cette question s'y est posée, quels en ont été les enjeux, la manière dont cela s'est reflété dans l'élaboration des

130 Bien qu'il soit intéressant d'étudier chacune de ces composantes de manière individuelle, l'herméneutique théologique de Vatican II nous apparaît davantage comme un réseau complexe dans lequel le sens est à trouver dans les liens à établir entre ces composantes, les différentes méthodes, etc. Cette position est exprimée par Gilles Routhier dans Vatican 11. Herméneutique et réception, coll. «Héritage et projet», no 69, Montréal, Fides, 2006, p. 399-400. Aussi, la mise en relation de ces composantes dans la manière de penser l'herméneutique théologique du concile était déjà présente dans les trois termes qui définissaient le programme du symposium de Bologne de 1996 sur la question : événement, expérience et documents finaux. Pour un aperçu global des actes de ce symposium: Cf., M.T. Fattori et A. Melloni (ed), Experience, organisations and bodies at Vatican II : proceedings of the Bologna Conference, December 1996, Leuven : Bibliotheek van de Faculteit Godgeleerdheid, 1999. Une analyse de ces composantes du concile est faite par Joseph Komonchak dans «Vatican II as an event», dans Theology Digest, no 46,

textes, etc. Évidemment, compte tenu de la nature de notre travail, il est impossible de traiter de toutes ces questions. Cependant, cela pourrait faire l'objet d'une thèse de doctorat dans le futur.

CHAPITRE 3

L A PASTORALITÉ À VATICAN II : NOUVEAUTÉ ET CONTINUITÉ

Après avoir établi l'historique des débats sur l'herméneutique théologique de Vatican II des vingt dernières années, nous avons constaté que plusieurs auteurs utilisent le critère pastoral pour interpréter le concile, sans toutefois le définir. Dans le deuxième chapitre de ce mémoire, nous avons défini plus précisément, à partir des auteurs, ce que l'on entend par ce critère. Cela nous a permis de dégager des manières d'interpréter la pastoralité. En effet, les auteurs qui ont utilisés le critère pastoral l'on fait pour parler de l'événement du concile, des textes, de son style, etc. Dans ce chapitre, nous analyserons le lexique pastoral des textes de Vatican U pour voir comment est défini le critère pastoral. Cela nous permettra de comparer les résultats de notre analyse avec les auteurs. Les textes qui seront étudiés sont ceux qui contiennent le plus grand nombre d'utilisation du terme « pastoral », c'est-à-dire Christus Dominus (la charge pastorale des évêques), Ad gentes (l'activité missionnaire de l'Église), Presbyterorum Ordinis (le ministère et la vie des prêtres) et Optatam Totius (la formation des prêtres). Avant d'en arriver à ce point, nous reviendrons d'abord sur le discours inaugural de Jean XXDI, qui constitue un moment-clé qui a été repris par les pères conciliaires durant tout le concile, mais aussi étudié par plusieurs auteurs par la suite. Enfin, nous étudierons le lexique pastoral des deux conciles précédents Vatican H, soit Vatican I et Trente, ce qui nous permettra de saisir l'originalité et la nouveauté du discours de Vatican H.