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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Spectacle terrifiant de monstres marins prédateurs de goélettes

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Texte intégral

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SPECTACLE TERRIFIANT DE MONSTRES MARINS

PRÉDATEURS DE GOÉLETTES

Bernard LANGELLIER

LU.F.M. de Basse-Normandie, Centre d'Alençon

MOTS.CLÉS : MONSTRES - IMAGINAIRE - OCÉAN - ABYSSES

RÉSUMÉ : Les monstres sont étymologiquement des êtres àmontrer.Un spectacle, donc ... de monstres marins, tout àla fois terrifiants et merveilleux, malfaisants et envoûtants. Des animaux imparfaitement connus, parce que sub-aquatiques et lointains. Des animaux étranges parce que étrangers aux terriens; souvent composites, mais guère plus surprenants que l'ornithorynque auquel nous croyons sans jamais l'avoir vu. La psychologie des terriens, la géologie de la planète Océan et les morphologies serpentiformes expliquent les monstres marins. Des monstres qui reviennent souvent dans la presse ... serpent de mer.

SUMMARy :From an etymologicaI point of view, monsters should be regarded as creatures worth showing. A show, let us say of sea-monsters, which are both terrifying and marvellous, evil-doing and bewitehing. Imperlectly known animaIs, because living underwater and far away. Strange animaIs, because they are strangers to land-dwellers ; they often have a composite structure, but they are not much more surprising than the duck-bill in the existence of which we believe without having ever seen him. The psychology of landspeople, the geology of the planet Ocean and the snake-shaped morphologies account for sea-monsters. Monsters, which often hit the headlines ... sea-snake.

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1. INTRODUCTION

Considéré comme défoulement de l'imaginaire, ''vacance de la raison", "pêché contre l'esprit" (1), le monstremarinest assez peu traité dans la littérature scientifique et particulièrement dans les manuels. Ça n'a pas été le cas, notamment, dans la littérature zoologique du XYlème siècle. Les ouvrages de Belon, de Rondelet, d'Ambroise Paré... sont de fabuleux spectacles animaliers sur papier. Faut-il jeter ces sirènes, ces tritons et autres monstres marins dans la poubelle de l'histoire? Ne détiendraient-ils pas une parcelle de vérité? La Bruyère (cité ici par Berger de Xivrey, 1836) s'y intéressait: "Les admettre tous ou les nier tous paraît un égal inconvénient(00 .).Il y a un parti à trouver entre les âmes crédules et les esprits fons" (2). M. Adanson (1772), les rejetait, les considérant comme "le fruit d'une imagination aussi vive que peu philosophique (... ). C'est à la honte des écrivains modernes que nous citons ici le prétendu polype, qu'ils appellent Kraken, et qu'ils disent avoir le corps long d'une demi-lieue." R. Delon (1984) comprend les méprises et les crédulités : "Vérifions-nous nous-mêmes que l'Ornithorynque ou le Cachalot existent bien?" (3) Ces monstres marins sont-ils l'exclusivité des temps anciens, dénués de scientificité, ont-ils une quelconque modernité? Sont-ils en voie de disparition?

Nous allons essayer de comprendre les amateurs de la monstruosité (psychologie), de comprendre les visions monstrueuses dans l'espace Océan (géologie) et de comprendre la place du monstre dans la classification (zoologie).

2. PSYCHOLOGIE

La mythologie et la cryptozoologie (la science des animaux cachés) font apparaître que le monstre peut être terrifiant ou merveilleux, horrible ou admirable, réel ou imaginaire; il est toujours étrange et imparfaitement connu. Pour Le Grand Larousse Encyclopédique (GLE), un monstre est un être "différent", et par conséquent considéré comme étant "contre nature", il peut être "fantastique, malfaisant, laid, gigantesque", suffisamment pour être "montré" (rrwnstrare en latin). D'après les dictionnaires Latin-Français,monstrumveut dire: 1) présage (signe envoyé des dieux), chose étrange (qui son de l'ordre naturel), 2) monstre, objet hideux, 3) calamité, fléau, malheur, crime, 4) prodige, merveille.

Chez Pline, les monstres marins sont grands : "Les animaux les plus nombreux et les plus grands se trouvent dans la mer des Indes, entre autres les baleines de 4 arpents, des scies de 200 coudées, (... )." Les monstres de Pline ressemblent parfois à des hommes: "De brillants personnages appanenant à l'ordre équestre m'ont certifié qu'ils ont vu dans l'océan de Cadix un animal marin absolument semblableàun être humain par tout le corps; qu'il montaitàborddes navires pendant la nuit."

Le caractère humanoïde de cenains monstres marins sera repris au XYlème siècle par Belon : "S'il fault adiouster foy aux escriptures et memoires de Pline, il recite que plusieurs chevaliers et nobles de son temps ont veu sur la mer Oceane un homme marin, marcher la nuit sur les navires, et en enfondrer quelques unes, puis se jeter dans la mer. N'ha pas long temps qu'en Norvage fut veu par un nombre infini de peuples, un homme marin armé d'escailles de poisson, se promenant sur la greve de la mer, et prenant le soleilà son aise. (... ) En Norvage fut trouvé un aultre monstre, ou poisson marin ponant la figure d'un moyne(00')'Ce monstre (... ) je t'en puis bien asseurer, par le

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recit et escripture de gens dignes de foy" (4). Quoi de plus impressionnant qu'un monstremarinqui renvoieà l'observateur sa propre image!

Chez Ambroise Paré (XYlème), comme chez bien d'autres auteurs, le monstre est souvent composite: "Les uns sont hommes depuis la ceinture en haut, nommez tritons, les autres femmes, nommez serenes, qui sont couvertes d'écailles, ainsi que décrit Pline" (5). Chez Olaus Magnus, Évêque norvégien (XYlème), le monstre est terrifiant: le serpent de mer "a une masse de poils d'une coudée de long, qui lui pendent du cou, des écailles aiguës de couleur noire et des yeux rutilants comme une flamme (flammeos oculos rutilantes) (...). On estime encepays là que c'estunmauvais présage, et que cela signifie mort de prince" (6).

Dans la mythologie grecque, les sirènes sont tout à la fois envoûtantes et dangereuses et par conséquent d'autant plus redoutables : "Mi-femmes, mi-oiseaux, elles ressemblent aux harpies (femmes rapaces) dans leur forme et leur comportement (... ). On les nommevoix de jeune fille, voix douce, discours enchanteur", ou encore "discours agréable, persuasive, chanson." La mythologie nous apprend aussi qu'elles "ressemblaient àde grands oiseaux àtêtes de femmes. Demeurantà l'ouest de Sicile, elles passaient pour des musiciennes incomparables, dont le chant magique attirait sur des récifs les navigateurs dont elles faisaient leur pâture."

Le même monstre marin peut donc réunir l'horreur et l'attrait. Sa malfaisance est d'autant plus grande qu'il est attirant. L'homme d'aujourd'hui aime à se faire peur... sans danger, par le biais d'expositions de requins par exemple : "Ce qui le caractérise surtout, c'est sa gueule terrifiante ( ...). Rassurez-vous,àOrnexpo, celui qui vous est présenté dans l'aquarium géant est momifié!" (Ouest-France, 28/02/1986, page Orne).

Latête des naturalistes du XYlème siècle est pleine d'un océan de merveilleux, d'envoûtement et de terreur, toutà la fois. Terreur accentuée par l'immensité de l'Océan... dangereusement parcouru par les marins, merveilleusement raconté aux terriens. Océan qui restera "sans fond" jusqu'aux expéditions scientifiques du XIXème siècle.(abysses et abîme,U~1)(Jcroçet abismus=sans fond).

2. GÉOLOGIE

Les monstres sont plus fréquents dans les zones peu humanisées. Ainsi, le yéti dans l'Himalaya et le Serpent de mer dans la zone pélagique. Par ailleurs les dorsales médio-océaniques sont ponctuées d'oasis constituant un écosystème "extra-ordinaire" puisque indépendant du soleil et qui tire son énergie des sulfures(7).Écosystème monstrueux, pour ne pasdire"extra-terrestre". Les monstres ont, ainsi, quelque chose à voir avec le mouvement des plaques. Les biotopes des monstres sont notamment les zones de subduction (abysses), de collision (montagnes élevées) et les dorsales; autrement dit, les endroits inaccessibles par leur altitude excessivement négatives ou positives, ou par leur éloignement des marges continentales, endroits inaccessibles et donc difficiles à connaître. Arthur Mangin (1868) déplorait que "nous ne connaiss(i)ons de visu que la surface et les bords" de l'Océan, "des aperçus si restreints (qui) nous font présumer, d'après le peu que nous voyons, la magnificence de ce que nous ne voyons pas" (8).

La découverte de l'existence des abysses et de la dorsale est concomitante de celle de leur faune. Ce fut l'objet du navireChal/enger, parti d'Angleterre en 1874. Les naturalistes qui embarquèrent espérèrent "découvrir toutes les formes fossiles à l'état vivant" (9) et des monstres marins. Ils

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trouvèrent le monstre Bathybius, "être protoplasmique amorphe que l'on rencontrait, selon Huxley sur le fond de la mer (GLE)" et qui s'avéra être "un vulgaire dépôt de sulfate, formé au fond des échantillons par l'action de l'eau de mer sur l'alcool utilisé pour préserver les spécimens" (9). Artefact!

Les zones proches des pôles sont aussi peu connues: il fallut attendre 1741 pour que "l'Allemand Georg Wilhelm Ste11er, découvre toute une population d'énormes vaches marines, indolentes et pacifiques, qui passaient leur temps à brouter les algues côtières et les crambes ou choux marins. Steller reconnut dans ces mammifères moustachus et à queue de poisson, pouvant atteindre 7 à 9 m de long et peser dans les 4 tonnes, des parents démesurés du Lamantin des eaux tropicales de l'Atlantique et du Dugong des eaux tropicales de l'océan Indien" (10). Cette Rhytine de Steller disparut, d'ailleurs peu de temps après sa découverte : elle constituait une "manne céleste pour les naufragés" de ces zones inhospitalières.

Pour le terrien, c'est-à-dire l'homme des terres émergées, les êtres marins sont "extra-terrestres". "Un poisson théologien prouverait que l'Univers est liquide" disait Alain. Un terrien oublie que l'Océan est l'essentiel de notre planète. En fait, "les continents que nous habitons sont de simples îles émergeant de la surface de ce qu'il conviendrait d'appeler la planète Océan, plutôt que la planète Terre" (11).

Tout comme les profondeurs des temps géologiques sont remplies de terribles lézards ou "dinosaures" (un temps à remplir), la profondeur noire de l'Océan est remplie de monstres marins (un espace à remplir). Au demeurant, ces profondeurs (du temps et de l'espace) sont bel et bien habitées par des espèces qui ont réellement existé pour les premiers et qui existent réellement pour les seconds. Il y a un siècle, "en pénétrant les profondeurs océaniques, les savants avaient découvert un monde étrange(H .).Lavieille question de l'existence de monstres fabuleux de la merredevenait à l'ordre du jour. Si par monstre on entend bizarrerie extrême (...) et exagérations grotesques, ils existent en effet dans les grands fonds. Mais les créatures fantastiques remontées des profondeurs sont, à l'exception du calmar, des monstres en miniature" (9).

Pour les cryptozoologistes, "rien ne s'oppose à ce que les dinosaures aient survécu dans les régions reculées de la planète. Le fameux cœlacanthe a bien été considéré comme disparu depuis 65 millions d'années" (12). Pour le terrien, les animaux marins sont étranges (étrangers au monde terrestre), et les marins qui affrontent l'immensité océane sont eux aussiextra-te"estres: "Au Moyen Âge, le terrien ne pouvait pas considérer le marin comme un homme tout à fait ordinaire. Osant se mesurer à l'enfer, il avait incontestablement un côté magique ou blasphématoire."

Lafaune étrange de l'Océan a souvent été décrite par référence à celle, mieux connue, de la terre ferme. Tout comme les mammifères placentaires ont leurs doubles aplacentaires en Australie, les animaux terrestres ont leurs doubles parmi la faune océane: ours de mer et lion de mer (otaries), éléphant de mer et veau marin, vaches marines (siréniens), hérisson de mer (oursin), puce de mer (talitre), lièvre de mer (aplysie), loup de mer.H La peur du loup a son double maritime (ou

inversement) : "C'est le loup, qui pour l'imagination occidentale, est l'animal féroce par excellence. Craint de toute l'antiquité et du Moyen Âge, il revient aux temps modernes périodiquement se réincarner dans une quelconque bête du Gévaudan et dans les colonnes de nos journauxilconstitue le pendant mythique et hivernal des serpents de mer estivaux" (1). Ces références terrestres de la faune océane sont le signe d'une centration sur la terre ferme, centration toute naturelle pour un terrien, fut-ce de la planète Océan. Océan étranger et dangereux, donc peu connu:"Lacrainte de tels monstres a

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retenu la plupart des marins à proximité des côtes jusqu'à l'époque de Christophe Colomb" (13).

4. ZOOLOGIE

Aussi, ne faut-il pas s'étonner que certaines espèces aient pendant longtemps une position systématique incertaine et fluctuante. Ainsi, la come unique de la Licorne a navigué entre les Ongulés (Antilope) et les Cétacés (Narval). SelonF.-A.Pouchet (1853), "Les Scandinaves ont confondu le morseà cause de sa grande taille avec les baleines; ils le regardaient comme l'un des cétacés à corps velu et munis de pieds; de là le nom qu'ils lui donnaient et qui a été traduit parCerus equinus" (14). Les morses ont donc navigué entre l'ordre des Cétacés et celui des Pinnipèdes. Curieusement, ce pinnipède a été nomméCetus equinus, expression qui est à l'origine du mot Cétacé.

La Sirène a été un oiseau avant d'être un poisson à buste de femme. Cette ambiguïté zoologique se retrouve dans l'étymologie où sirène (le sirènien) et serin (l'oiseau) proviennent tous les deux du grecO'EtPTlV(Seirèn) qui veut dire chanter ( comme une sirène ou comme un serin!).

Le céphalopode géant de la littérature romanesque a été d'abord un Poulpe (Octopode) avant d'être identifié scientifiquement comme un Calmar (Décapode) (15) . Le Céphalopode géant en se "scientificisant" a gagné deux tentacules... et une plume! Malgré tout, le Calmar Géant n'a pas été ignoré des naturalistes du XYlème siècle. Ainsi Rondelet, écrit en 1558 (16) : "Du grand calmar.En Languedoccalamar, pour la similitude qu'il ha avec un escritoire, parce que l'on trouve au dedans ce qui est nécessaire pour escrire, l'ancre é un petit couteau lequel, d'une part ressemble à un trencheplume, de l'autre au bout d'une plume pour escrire (...)". Par contre, Denys de Montfort s'est trompé en décrivant un poulpe colossal : "Parvenus à l'histoire des animaux les plus énormes qui existent sur le globe, nous en reconnoîtrons 2 espèces, en les séparant sous les noms de Poulpe colossal et de Poulpe Kraken" (17).

Les erreurs de classification peuvent s'expliquer, pour la Licome, par les fraudes de la pharmacopée ; pour le Morse, par la convergence hydrodynamique entre les Poissons, les Cétacés, les Siréniens et les Pinnipèdes. Mais comment expliquer les exagérations de la taille? Roper et Boss (1982) donnent une explication du gigantisme exagéré du Calmar géant : "Des cicatrices dues aux ventouses d'un calmar géant s'observent parfois sur la peau des cachalots, les principaux prédateurs d'Architeuthis (Calmar géant). Ces cicatrices sont les traces d'un combat livré par un calmar pour tenter d'échapper au Cétacé; on les a souvent prises comme preuves de la taille monstrueuse de certains calmars, mais il ne faut pas oublier qu'une cicatrice croît en taille en même temps que le Cétacé qui les porte" (15).

D'autres erreurs d'ordre anatomique ou physiologique méritent d'être signalées. Ainsi, une gravure du XVlème siècle dessine le membre-nageoire du Cachalotà la façon d'une oreille. Dans de nombreux ouvrages et manuels du XVIIIème et du XIXème, les baleines sont des Cétacés "souffleurs d'eau" : "Les cétacés ont sur la tête des évents au moyen desquels ils rejettent avec force l'eau qu'ils ont avalée" (18). "Les cétacés souffleurs se distinguent par l'existence d'un singulier appareil, à l'aide duquel ces animaux produisent, au-dessus de leur tête, des jets d' eau. Avec leur proie, ils engloutissent dans leur vaste gueule de grands volumes d'eau, et pour s'en débarrasser, sans se désaisir de leurs alimens, ils font passer cette eau dans les fosses nasales (... ), des contractions musculaires la chassent avec violence par les narines, qui sont percées au-dessus de la

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tête" (19). Anhur Mangin corrige l'erreur: "Presque tous les naturalistes de cabinet ont dit et répété dans leurs ouvrages que les souffleurs, lorsqu'ils viennent respirer à la surface de la mer, lancent par leurs évents de grands jets d'eau (... ). Or, d'après les observateurs qui ont vu des cétacés ailleurs que dans les livres et dans les musées, ce que ces animaux lancent par leurs évents n'est point de l'eau, mais bien de la vapeur d'eau, seulement cette vapeur, au contact de l'air froid se condense aussitôt" (8).

D'autres erreurs peuvent être engendrées ou amplifiées par des canulars: "Des monstres ont été fabriqués de toutes pièces par d'habiles mystificateurs comme cette momie rapportée de Chine où le corps d'un petit singe est fixé à celui d'un poisson (20). De nombreux monstres semblent avoir pour origine une illusion d'optique. Ainsi, selon Heuvelmans :"LaRhytine étaità ce point bouffie de graisse que sa peau présentait un grand nombre de replis lui encerclant le corps d'un bout à l'autre, en sorte qu'elle devait par moments laisser dépasser à fleur d'eau comme une série de bosses. Des gens peu versés en anatomie y avaient peut-être vu comme des anneaux d'un serpent". Heuvelmans signale aussi la possibilité de prendre une file de dauphins pour un serpent de mer; de prendre les tentacules du Calmar géant aussi pour des serpents de mer. Des poissons serpentiformes comme le Régalec, des Requins pèlerins échoués et en cours de décomposition (c'est ce qui s'est passé près de Cherbourg en 1934), la queue détachée d'une Pastenague (raie à aiguillon) peuvent donner la même illusion. Ainsi "des témoins peuvent être sincères et se tromper, ou malicieux et nous tromper" (10).

5. CONCLUSION

Les monstres marins ont été abondants dès l'antiquité, le développement de l'imprimerie et de la gravure les a divulgués davantage, notamment au XYlème. Maisil ne faudrait pas croire que les monstres marins soient en voie de disparition. Ainsi dans le Ouest-France des 12-13/01/85, on apprend que "la petite ville de Pillar, à 300 km au sud d'Asuncion, est en effervescence depuis que des habitants ont affirmé avoir aperçu à plusieurs reprises un énorme animal aquatique (... ). Un gigantesque serpent avec une tête ronde énorme, d'un diamètre de près d'un mètre, des yeux gros comme des phares d'automobiles, une grande bouche, une langue rouge, un petit cou, un corps rond de quelque cinq mètres de long et une queue comme une grande fourche."

Les facteurs de prolifération des monstres (autrement dit lescomment)peuvent être répartis en 3 groupes: 1) la rareté des témoins, 2) l'immensité de l'océan: il perturbe la perspective, et c'est un espace qu'il a fallu remplir avant même l'invention du bathyscaphe: "les technologies n'avaient pas donné aux esprits impatients les moyens de pénétrer les profondeurs des mers" (14), 3) la méconnaissance de la faune océane : l'absence de dessins dans la littérature de l'antiquité qui n'en demeure pas moins une autorité jusqu'à la Renaissance et enfin l'absence de matériel audio-visuel jusqu'en 1895.

Les raisons (autrement dit lespourquOi)peuvent 1) être d'origine psychologique, c'est le besoin d'imaginaire et d'étrange: "L'homme s'est toujours complu à former des êtres mythiques" (GLE), 2) inciter les terriens à rester chez eux : la peur du monstre et des naufrages, 3) servir à personnifier satan ou les puissances dumalet à caricaturer des personnalités religieuses ou politiques. Ainsi en est-il des "monstres marins ayant façon de moyne" ou "en habits d'Évêque" de Belon et de Rondelet. Aurions-nous des raisons plus scientifiques, voire pédagogiques de considérer les monstres marins ?

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Il existe souvent une parcelle de vérité derrière un monstre. Ainsi, si la Pieuvre géante était fausse, le Calmar géant existe bien. Les chimères ou animaux hybrides (comme les femmes-poissons) sont suspectes, mais le cheval-chenille (hippocampe) en milieu marin et le mammifère-canard (Ornithorynque) pour l'eau douce existent bel et bien.

Le scepticisme "des esprits forts" peut aboutir au refus du serpent de mer (il y en aurait réellement une cinquantaine d'espèces), au refus de l'hippocampe, au refus de la licorne de mer ou narval. La méprise ne paraît évidente, souvent, que bien après les premières observations : pour le naturaliste du XVIème, le "monstre marin ayant façon de moyne" n'était peut-être pas plus étrange que le cheval marin.

F. -A. Pouchet (l887) s'est intéressé aux monstres marins et nous inviteàen faire autant en reprenant le récit du témoin authentique d'un Poulpe ou Calmar monstrueux: "Depuis que j'ai de mes yeux vu cet animal étrange, je n'ose plus fermer, dans mon esprit, la porte de la crédulité aux récits des navigateurs. Je soupçonne la mer de n'avoir pas dit son dernier mot et de tenir en réserve quelques rejetons de ses races éteintes, ou bien encore d'élaborer, dans son creuset toujours actif, des moules inédits pour en faire l'effroi des matelots et le sujet des mystérieuses légendes des océans."

Parmi les nombreux monstres marins, imaginaires pour la plupart, se cachent peut-être encore aujourd'hui de vraies espèces marines à découvrir. "La découverte du Cœlacanthe primitif (...) indique qu'il reste maintes créaturesàdécouvrir dans les profondeurs de la mer" (l0). Ajoutons plus récemment (en 1976) celle du Requin grande-gueule. Restons doncàl'écoute des monstres marins.

BIBLIOGRAPHIE

1) DURAND (G.), Les structures anthropologiquesdel'imaginaire, Paris : Dunod, 1992.

2) BERGER DE XIVREY(J.),Traditions tératologiques ou récits de l'antiquité et du Moyen Âge en Occident.. . d'après plusieurs manuscrits inédits, Paris: Impr. Royale, 1836.

3) DELORT(R.),Les animaux ont une histoire, Paris:Le Seuil, 1984. 4) BELON ( P.), Nature et diversité des poissons, Paris: Ch. Estienne, 1555. 5) PARÉ (A.), Les œuvres d'A Paré, Paris: Buon, 1585. 25e livre.

6)MAGNUS (O.), Historiadegentibus septentrionalibus, Romae : ViOllis, 1555. Cap.xXI. 7) MICHOT (B.), Un paradis aux portes de l'enfer, Apnéa, Hors série n"3, 1992, p.87. 8) MANGIN (A.), Les mystères de l'Océan, Tours: Mame, 1868. p.216 et 373.

9) CARTIER (R.) et GROUEFF (S.), L'homme et la mer, Paris: Larousse, 1973. pA7, 138. 10)HEUVELMANS (B.), Le grand serpentdemer, Paris: Plon, 1975.

II) JENSEN (A.-C.), Animaux des mers, Paris: Nathan, 1980. p.20.

12) PEREDA(J.)et BARDET (N.), Des dinosaures encore survivants en Amazonie ou en Afrique? Afiscience..., 1992, 197, Mai-Juin.

13) ROBINSON (D.-F.), Sur les sept mers, L'inconnu, 40 siècles d'exploration, Paris: Nathan. 1988. p.3!.

14) POUCHET (F.-A.), Histoire naturelle au Moyen Âge ou Albert Le Grand et son époque, considérés comme pointdedépart de l'École Expérim, Paris: Baillière, 1853. .

15) ROPER(C.)et BOSS(K.),Le calmar géant, PourLaScience, juin 1982, p.14-20. 16) RONDELET (G.), De l' histoire entière des poissons, Lyon: Macé Bonhomme, 1558.

(8)

17) DENYS DE MONlFORT (P.), Histoire Naturelle générale et particulière des Mollusques, Paris: Dufart, An X. T.2, p.256.

18) MILLIN(A.-L.),Élémensd'HistoireNaturelle,Paris: Levrault, 1797. p.257à261.

19) COMTE (Mme A.), Histoire naturelle àl'usage des femmes et des jeunes personnes, Paris: Gosselin, 1844. 1ère partie, p.179 .

20) BRESSOU (M.-C.), Les monstres, de la légende à la réalité, conférence faite au Palais de la Découverte, le 3 juin 1944.

Références

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