• Aucun résultat trouvé

Marchandisation du rural : le cas de Petite-Rivière-Saint-François dans la région de Charlevoix

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Marchandisation du rural : le cas de Petite-Rivière-Saint-François dans la région de Charlevoix"

Copied!
112
0
0

Texte intégral

(1)

Marchandisation du rural : le cas de Petite-Rivière-Saint-François dans

la région de Charlevoix

Mémoire

Alex Brassard

Maîtrise en sciences géographiques

Maître en sciences géographiques (M.Sc.Géogr.)

Québec, Canada

(2)

Marchandisation du rural : le cas de Petite-Rivière-Saint-François dans

la région de Charlevoix

Mémoire

Alex Brassard

Sous la direction de :

(3)

Résumé

Ce mémoire examine les impacts socioéconomiques et politiques de l’avènement d’un important projet touristique à Petite-Rivière-Saint-François, petite municipalité rurale d’environ 750 habitants située dans la région de Charlevoix à 100 km au nord-est de la ville de Québec. Depuis le début des années 2000, PRSF est au cœur d’un important développement immobilier qui évolue dans le sillage du projet récréotouristique du Groupe le Massif, lequel vise à développer un centre de ski de portée internationale à PRSF. Cette recherche se divise en deux parties. La première a pour ambition principale de replacer ce phénomène dans son contexte géo-historique. Cette perspective a pour objectif de démontrer comment l’évolution des conditions matérielles d’une société influence les représentations de l’espace et, par conséquent, sa relation à l’espace. À partir d’une étude de cas sur le secteur immobilier à Petite-Rivière-Saint-François, la seconde partie utilise les outils des sciences géographiques afin de rendre compte des dynamiques propres au développement de la villégiature concentrée dans cette municipalité, notamment celles qui touchent les propriétaires non résidents et la perte de

(4)
(5)

Abstract

This thesis examines the socioeconomic and political impacts of a massive recreation tourism project on the territory and habitants of Petite-Rivière-Saint-François (PRSF), a rural municipality of 750 people located in the Charlevoix region, 100 km northeast of Quebec City. Since the early 2000s, PRSF has been at the heart of an important real estate development project engendering important investments in the municipality by Le Groupe le Massif, which hopes to make PRSF a world-renowned ski destination. This research is divided in two parts: the first aims to situate this phenomenon in its broader geohistorical context. In doing so, it is possible to see how the material conditions of a society determine the representations of its territory and, by doing so, influence its relations to space. The second part is a case study of PRSF that uses tools derived from geographical sciences to illustrate the different socioeconomic dynamics that underlie massive recreational tourism development in a rural municipality and the problem of “absentee landlordism” and loss of local control that has come to dominate life in contemporary PRSF.

(6)
(7)

Table des matières

Résumé ... III Abstract ... V Liste des tableaux ... IX Liste des figures ... XI Liste des abréviations ... XIII Remerciements ... XV

Introduction ... 1

La villégiature concentrée, un phénomène qui prend de l’ampleur ... 1

Territoire d’étude : la « géostructure » ... 3

Période d’analyse et contextualisation historique ... 4

Le « géogramme » : problématique, hypothèse et objectifs. ... 6

Revue de la littérature : le langage ... 10

Cadre théorique : perspective critique du paradigme de la renaissance du rural, marchandisation et territorialité ... 12

Méthodologie ... 19

Chapitre 1 : Charlevoix, un lent commencement ... 22

Une région de contraste ... 22

Les débuts de Charlevoix ... 23

Charlevoix, vers une crise malthusienne ... 27

Chapitre 2 : Charlevoix, vers une « mutation profonde et irréversible » ... 31

L’industrie forestière et les goélettes ... 32

Le tourisme ... 35

Chapitre 3 : Charlevoix tributaire d’une « force constructrice destructrice » ... 43

Félix-Antoine Savard, la dépossession du territoire dans un contexte marqué par de profondes transformations ... 43

Agriculture, vers un déclin ... 46

Déclin de l’industrie forestière et disparition du cabotage... 50

Le tourisme dans Charlevoix : une banlieue pour les nantis de Québec ? ... 52

Chapitre 4 : Le cas de Petite-Rivière-Saint-François, vers une « urbanisation du rural » ... 55

Brève histoire du projet du Massif ... 55

Analyse empirique, paysage immobilier ... 60

Analyse statistique, qui sont les propriétaires ? ... 73

Conséquences de ces développements pour les résidents permanents ... 77

Conclusion ... 80

Bibliographie ... 87

Annexe 1 Évolution du tourisme dans Charlevoix ... 92

Annexe 2 Étude statistique des non-résidents de PRSF ... 93

Annexe 3 Revenu médian de la population âgée de 15 ans et plus en 2010 ... 95

(8)
(9)

Liste des tableaux

Tableau 1 Les premiers établissements humains dans Charlevoix ... 26

Tableau 2 Non-résidents et Résidents à PRSF pour l’année 2014 ... 60

Tableau 3 Propriétaires non résidents sur le territoire de la MRC de Charlevoix en 2009 ... 61

Tableau 4 Synthèse des six projets de villégiature concentrée sur le territoire de PRSF ... 62

Tableau 5 Portrait des résidences de tourisme (à usage commercial) en 2008, sur le territoire de la MRC de Charlevoix (réajusté selon le rapport PLANAM) ... 68

(10)
(11)

Liste des figures

Figure 1 Localisation de la région de Charlevoix ________________________________________________________________ 4 Figure 2 Les grands contextes de civilisation au Québec ________________________________________________________ 5 Figure 3 Conditions matérielles et représentations ______________________________________________________________ 8 Figure 4 Urbanité et territorialité ______________________________________________________________________________ 17 Figure 5 Courbes hypsométriques dans Charlevoix démontrant les trois grands ensembles naturels ________ 23 Figure 6 Évolution de la population dans Charlevoix__________________________________________________________ 28 Figure 7 Division administrative de Charlevoix superposée à la carte de Charlevoix, datant de 1815,

effectuée par l’arpenteur canadien-français Joseph Bouchette ________________________________________________ 30 Figure 8 Distribution de la population de Charlevoix par micro-région, 1790-1901 _________________________ 30 Figure 9 Importations de pin et sapin en Angleterre 1799-1815 _______________________________________________ 33 Figure 10 Réseau des chemins de fer en 1899 dans la province de Québec ___________________________________ 40 Figure 11 Évolution du nombre et de la superficie moyenne des fermes de 1921 à 2011 dans la province de Québec __________________________________________________________________________________________________________ 47 Figure 12 Répartition géographique des « zones d’expansion-intensification marquée » dans la province de Québec __________________________________________________________________________________________________________ 47 Figure 13 Importance de l’agriculture et qualité du milieu dans Charlevoix _________________________________ 48 Figure 14 Maison abandonnée, chemin Sainte-Catherine (sur le plateau intermédiaire) _____________________ 49 Figure 15 Ancien bateau à voile abandonné dans Charlevoix _________________________________________________ 51 Figure 16 Évolution de la population de PRSF : 1713-2011___________________________________________________ 56 Figure 17 Jours/ski au Massif entre 1982 et 2002 _____________________________________________________________ 58 Figure 18 Date d’inscription au rôle des non-résidents, PRSF ________________________________________________ 59 Figure 19 Utilisation prédominante du sol pour l’année 2014 à PRSF ________________________________________ 61 Figure 20 Répartitition des six projets de villégiature concentrée à PRSF en fonction de l’altitude _________ 63 Figure 21 Répartition des non-résidents de statut physique qui possèdent un terrain à PRSF dans la province de Québec, vers une ère de la mobilité ? _____________________________________________________________ 64 Figure 22 Réparition des non-résidents (statuts physique et moral) des RMR de Québec et de Montréal dans les nouveaux développements présents sur le territoire de PRSF _______________________________________ 65 Figure 23 Projet du Fief du Massif, répartition spatiale des différentes variables ___________________________ 66 Figure 24 Le Versant de Charlevoix, Chagnon et Cooke Immobilier Inc. _____________________________________ 70 Figure 25 Le projet du Versant du Massif ______________________________________________________________________ 71 Figure 26 Date d’inscription au rôle, projet du Fief, Petite-Rivière-Saint-François __________________________ 73 Figure 27 Distribution des non-résidents de statut physique en fonction du taux de bachelier (haut) et du revenu médian total par ménage privé. _________________________________________________________________________ 76 Figure 28 Répartition des bâtiments sur le territoire de PRSF ________________________________________________ 78 Figure 29 Modèle de Holmes, adapté à la région de Charlevoix ______________________________________________ 84

(12)
(13)

Liste des abréviations

Aire de diffusion AD

Municipalité régionale de comté MRC

Petite-Rivière-Saint-François PRSF

Région métropolitaine de recensement RMR

Schéma d'aménagement et de

développement SAD

(14)
(15)

Remerciements

Dans son livre How to write a Thesis, Umberto Eco affirme que le processus d’élaboration d’une recherche, avec toutes les difficultés que cela comporte, est encore plus important pour l’étudiant que le résultat de celle-ci. La culture savante nécessite un travail continu et ardu de celui qui désire y participer. Dans ce processus, il est déterminant de pouvoir compter sur un milieu enrichissant qui suscite et oriente la curiosité intellectuelle, laquelle peut alors prendre toutes les directions.

Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur, professeur Matthew Hatvany, pour toute la confiance qu’il m’a accordée. Celle-ci a constitué pour moi une réelle force qui m’a donné le courage nécessaire à l’élaboration de mes réflexions. Je suis aussi redevable au professeur Étienne Berthold pour son aide inestimable et sa grande générosité à mon égard. Par son énergie et sa perspicacité, il a su m’aider à jalonner ma pensée. Je remercie aussi professeur Guy Mercier qui, par sa grande érudition, m’a appris à mieux me mouvoir dans le monde des idées. De plus, je dois souligner l’appui de Serge Gauthier et de Christian Harvey de la Société d’Histoire de Charlevoix. Par leur travail acharné sur la région, ils m’ont aidé à découvrir le précieux héritage de mes ancêtres. Finalement, je suis redevable au Centre interuniversitaire d'études québécoises (CIEQ) de m’avoir accordé une bourse de séjour de terrain, laquelle a été très utile lors de mes recherches dans Charlevoix.

L’appropriation de la culture savante serait impossible sans l’aide, le soutien et l’amour inconditionnel des gens qui m’entourent. L’amitié, les liens familiaux et l’amour nourrissent l’âme et insèrent l’homme dans une expérience inestimable. Je tiens à remercier toutes ces personnes du plus profond de mon cœur.

(16)
(17)

Introduction

La villégiature concentrée, un phénomène qui prend de l’ampleur

Nous venions donc par la voie ferrée, Berthe et moi, ce soir-là, causant gaiement, car nous nous sentons toujours libérées et joyeuses quand nous quittons gens et maisons pour prendre du côté de la nature sauvage; comme, du reste nous nous sentons heureuses ainsi, au retour, de revenir vers gens et maisons (Gabrielle Roy, 1993 : 12) La pratique de la villégiature a une longue histoire dans la région de Charlevoix. En 1957, Gabrielle Roy, importante auteure franco-manitobaine du 20ème siècle, fait

l’acquisition d’une propriété à Petite-Rivière-Saint-François (PRSF) où elle passe plusieurs de ses étés (Roy, 1993). Dans l’extrait cité ci-dessus, tiré de son roman Cet été qui chantait, rédigé à Petite-Rivière-Saint-François durant la saison estivale de 1972, elle exprime en une simple phrase la vision romantique de la nature qui « libère » l’Homme et le ramène à une forme d’« authenticité » perdue. Pour Gabrielle Roy, la « nature sauvage » semble être un objet paradoxal : d’un côté, elle libère l’Homme et le rend joyeux; de l’autre, elle rend son monde plus acceptable à son retour.

Plusieurs ont associé l’origine de cette quête de la nature au mouvement romantique, considéré comme la contrepartie de l’industrialisation et de la modernité. En fait, le romantisme porte l’héritage d’une riche tradition philosophique dont Jean-Jacques Rousseau est l’un des plus influents auteurs. Dans son discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, paru en 1755, le philosophe considère que la civilisation, entendue comme le « progrès », a corrompu l’Homme au point de l’aliéner à sa véritable « nature ». Cette vision de l’Homme, révolutionnaire au siècle des Lumières dominé par un optimisme infaillible pour la science et le « progrès », considérait « supérieur » tout ce qui n’avait pas encore été « contaminé » par la civilisation. Les mythes d’une « nature sauvage » et du « bon sauvage » qui transcendent l’œuvre de Rousseau découlent d’une philosophie construite sur une vision idyllique de la nature, symbole d’une origine perdue. Toutefois, Berque (Berque et al., 2006) a démontré que cette « quête de la nature » est antérieure à la modernité et dépasse le contexte géographique européen pour s’étendre à d’autres civilisations.

(18)

Dans l’histoire récente, l’évolution du capitalisme a transformé les conditions matérielles d’existence de la société au point d’avoir rendu cette « quête de la nature » accessible à un nombre toujours plus important d’individus. Ce changement d’échelle entraîne le paradoxe suivant, tel que formulé par Berque :

La quête de « la nature » (en termes de paysage) détruit son objet même : la nature (en termes d’écosystèmes et de biosphère). Associée à l’automobile, la maison individuelle est effectivement devenue le motif directeur d’un genre de vie dont l’empreinte écologique démesurée entraîne une surconsommation insoutenable à long terme des ressources de la nature (Berque et al., 2006 : 4).

Berque n’est pas le premier à avoir formulé ce paradoxe. Déjà, à la fin du 19ème

siècle, Élisée Reclus proposait une lecture similaire selon laquelle l’Homme, en s’appropriant la nature pour sa beauté, finissait par la profaner :

Dans les régions de montagnes fréquemment visitées, la même rage d’appropriation s’empare des habitants : les paysages sont découpés en carrés et vendus au plus fort enchérisseur…Puisque la nature est profanée par tant de spéculateurs précisément à cause de sa beauté, il n’est pas étonnant que dans leurs travaux d’exploitation les agriculteurs et les industriels négligent de se demander s’ils ne contribuent pas à l’enlaidissement de la terre (Brun, 2014 : 169).

Depuis les années 2000 au Québec, avec le phénomène de la villégiature concentrée, cette « quête de la nature » se matérialise dans la région de Charlevoix au point de devenir un objet d’inquiétude pour les administrations municipales. Dans l’extrait ci-dessous, tiré du Schéma d’aménagement et de développement (SAD), adopté en juillet 2012, la MRC de Charlevoix expose le paradoxe tel qu’avancé par Berque et Reclus :

La villégiature concentrée représente un phénomène qui a pris beaucoup d’ampleur depuis le tournant des années 2000. Il s’avère nécessaire aujourd’hui d’identifier, de caractériser et de planifier le développement de certaines zones qui subissent de fortes pressions immobilières pour le développement de résidences de villégiature et de résidences de tourisme (locatives) afin d’orienter l’aménagement de ces espaces de façon à mieux conjuguer les opportunités de développement économique que ce phénomène représente avec les impératifs de protection des attraits du territoire à l’origine de ce mouvement (Chapitre 8 :1).

Par conséquent, ce phénomène, dont l’origine repose sur les attraits du territoire, peut comporter des conséquences néfastes sur ces derniers dans un mouvement encore très

(19)

peu connu et documenté. Devant la complexité de chaque phénomène social et l’infinité des perspectives pouvant être employées, chaque étude dans un domaine donné se doit d’apporter quelques éclaircissements sur différentes considérations. Pour Raffestin (1977), la fonction du géographe dans la société est essentiellement de rendre intelligible un territoire, c’est-à-dire de transformer la « géostructure » (le territoire à rendre intelligible) en « géogramme » (le territoire rendu intelligible). L’intelligibilité de la « géostructure » doit se faire par l’intermédiaire du « langage » (concepts, notions et paradigmes), lequel est déterminé par la société dont il est le produit. À notre avis, ces considérations épistémologiques posent les principales balises qui permettent de positionner cette étude dans l’architecture du savoir. Les lignes qui suivent serviront à délimiter notre territoire d’étude (la « géostructure »), la problématique (le « géogramme », la question qui structure et oriente la recherche afin de rendre une dimension de la totalité (réalité) intelligible) et finalement, le langage (la méthodologie et les principaux concepts employés afin de répondre à la question posée).

Territoire d’étude : la « géostructure »

Le territoire à l’étude est la région de Charlevoix, située au nord-est de la ville de Québec. Celle-ci est délimitée au sud par le fleuve Saint-Laurent, au nord par la chaîne de montagnes des Laurentides qui la sépare du Saguenay, à l’est par la rivière Saguenay et à l’ouest par le secteur des Caps. Ces « frontières naturelles » ont longtemps tenu Charlevoix dans un « isolement relatif », lequel a permis l’émergence de traits culturels particuliers et d’un devenir propre à la région (Gauthier et Perron, 2002 : 37).

Plus spécifiquement, ce mémoire est une étude de cas de la municipalité de Petite-Rivière-Saint-François, située à l’extrémité ouest de la région (Figure 1). Ce choix du lieu d’étude découle du fait que cette municipalité est la plus touchée par le phénomène de la villégiature concentrée comme l’affirme le Schéma d’aménagement et de développement de la MRC de Charlevoix cité plus haut : « Les principaux constats : une proportion importante de résidences de tourisme et de propriétaires non résidents se dégage pour la municipalité de Petite-Rivière-Saint-François » (Chapitre 8 : 6). Depuis le début des années 2000, PRSF a connu un essor important des activités immobilières sur son territoire, lesquelles découlent principalement des investissements effectués par le groupe le Massif

(20)

montagne (la station de ski le Massif), un projet immobilier (« Vision 2020 »), un train touristique et un hôtel à Baie-Saint-Paul (La Ferme). Sur ces quatre volets, deux touchent directement PRSF, c’est-à-dire la station de ski et les importants projets immobiliers qui lui sont associés.

Figure 1 Localisation de la région de Charlevoix

Comme nous allons le voir plus loin, la proximité de la ville de Québec, dont témoigne cette carte, est un facteur déterminant dans le « devenir » de la région

Période d’analyse et contextualisation historique

La période d’analyse s’étend du début de la colonisation de Charlevoix, survenue à la fin du 17ème siècle, jusqu’à l’époque contemporaine, afin de rendre compte de l’évolution

des conditions matérielles d’existence au fil du temps à l’échelle de la région, mais aussi à celle de la province de Québec. Afin de structurer et de simplifier la complexité d’une aussi grande période de temps, une périodisation par « grands contextes de civilisation », comme proposée par Courville (2000), est utilisée comme « toile de fond » de cette étude (Figure 2). Courville définit celle-ci de la manière suivante :

(21)

Appliquée à l’étude du territoire québécois, cette succession laisse voir quatre grands cycles de développement, entrecoupés, chacun d’une période de transition marquée par les soubresauts de l’âge nouveau qui s’annonce. À chacun de ces cycles correspondent un rapport population-ressources particulier et des formes d’habitat également originales (Courville, 2000 : 22).

Chaque périodisation est imparfaite et repose nécessairement sur les choix arbitraires de son auteur. Néanmoins, lorsque les précautions sont prises avec suffisamment de diligence, la périodisation peut être heuristique dans la mesure où elle balise les moments-clés de l’histoire. Il importe de mentionner que cette dernière correspond en grande partie à celles construites par Dickinson et Young (2009) et Gossage et Little (2014) dans leur synthèse respective de l’histoire de la province de Québec.

Figure 2 Les grands contextes de civilisation au Québec

Tirée de Courville (2000 : 23)

Toutefois, dans le cadre de notre recherche, les dates exactes de cette périodisation ne sont pas entièrement respectées afin de s’en tenir aux évènements marquants de l’histoire particulière de Charlevoix. Nous utilisons la périodisation tirée de Courville (2000) puisqu’elle permet de mettre en relation les dynamiques qui se déploient à l’échelle de la province, à différentes périodes avec celles qui se produisent dans Charlevoix. Par

(22)

conséquent, ce mémoire a pour volonté sous-jacente d’enrichir l’histoire de Charlevoix en la situant dans un contexte plus large.

Ainsi, cette recherche a pour objectif de réaffirmer, à l’instar de Lacoste (2012), l’importance de superposer différents niveaux d’analyse spatiale à l’étude d’un phénomène. Ce jeu d’échelle, représenté par le concept de « diatope », avancé par Lacoste, trouve sa pertinence lorsqu’on considère qu’un lieu n’est jamais imperméable aux évènements qui se déploient à d’autres échelles géographiques :

Les caractéristiques globalement géographiques d’un lieu précis, c’est-à-dire les diverses intersections dont il faut tenir compte pour agir en ce lieu efficacement, dépendent de l’articulation d’ensembles de différents ordres de grandeur. Cependant, ce principe d’articulation du local au planétaire et réciproquement, ou par différents plans intermédiaires, ne s’applique pas selon des règles générales, mais de façons multiples selon les cas et les circonstances (Lacoste, 2012 : 235).

Cette étude s’inspire de ce principe général d’articulation des échelles tel que proposé par Lacoste, tout en conservant la flexibilité qui le caractérise et le rend heuristique. Tout au long de ce travail, des références explicites ou implicites à ces grands contextes de civilisation au Québec jalonnent le texte afin de ne pas oblitérer que les évènements à une échelle supérieure (Province de Québec) se répercutent à l’échelle inférieure (région de Charlevoix) et vice versa.

Le « géogramme » : problématique, hypothèse et objectifs.

Après avoir abordé succinctement le phénomène de la villégiature concentrée, le territoire et la période d’analyse, il faut aborder la perspective privilégiée qui oriente et structure notre étude. Dans les pays développés, les espaces ruraux ont connu d’importantes transformations avec l’avènement de la société industrielle au 19ème siècle (Courville, 1996

; Domon et Ruiz, 2014). Le capitalisme, entendu comme une « force destructrice créatrice » (Schumpeter, 1954), a profondément reconfiguré ces espaces dans un contexte d’accélération des changements. Celui-ci est devenu possible grâce à la disponibilité d’une source d’énergie fiable en quantité suffisante, depuis l’invention de la machine au 18ème

siècle. Pour Lovelock (2014 : 6), cette invention marque le début d’une véritable révolution, soit l’Anthropocène, cette nouvelle époque géologique où il est considéré que l’homme a un impact sur le système terrestre.

(23)

Le modèle de Holmes (Domon et Ruiz, 2014 : 24) est heuristique dans la mesure où il permet d’illustrer de manière schématique comment, au cours du 20ème siècle, les

campagnes des pays développés ont subi de profonds bouleversements passant de fonctions axées sur la production à des fonctions orientées vers la consommation et la conservation. Ce processus témoigne de la puissance de cette « force destructrice constructrice » qu’est le capitalisme, où la société est soumise à une « révolution permanente » (Ferry, 2014).

Prenant une approche matérialiste influencée par le marxisme, cette étude vise à comprendre comment les transformations matérielles survenues dans la société québécoise au fil des époques ont modifié les regards posés sur l’espace charlevoisien, conditionnant par le fait même son aménagement. Berque souligne l’importance de s’attarder aux représentations pour comprendre l’aménagement que les sociétés font de leur territoire : « Les sociétés aménagent leur environnement en fonction de l’interprétation qu’elles en font, et réciproquement elles l’interprètent en fonction de l’aménagement qu’elles en font (Berque, 1995 :15) ».

Lefebvre va dans le même sens lorsqu’il soutient qu’une société produit son espace en le dominant et en se l’appropriant, l’espace contenant ses représentations et celles-ci agissant sur l’espace. Il ajoute : « Il conviendrait, non pas seulement d’étudier l’histoire de l’espace, mais celle des représentations, ainsi que celle de leurs liens entre elles, avec la pratique, avec l’idéologie » (Lefebvre, 2000 : 52). Mercier a aussi souligné l’importance de l’image pour un territoire, cette « union de la chose et de son reflet » (Mercier, 2010 : 24). Un lien causal s’opère donc entre la structure économique, entendue comme la base matérielle de la vie sociale (Debord, 1992 : 39), et la représentation d’un territoire. Par conséquent, plutôt que de les penser comme deux dimensions distinctes qui s’opposent entre matérialité et immatérialité, il faut les concevoir dans leur unité.

Cette recherche démontre comment évoluent, au fil des transformations matérielles qui secouent la province de Québec, les représentations de l’espace charlevoisien avec toutes les conséquences que ces « regards » différenciés impliquent sur son territoire (Figure 3). Lorsque replacés dans leur contexte économique et social, ces regards nous informent donc sur le positionnement relatif de la région de Charlevoix dans les processus plus larges qui se déploient dans l’ensemble de la province.

(24)

Figure 3 Conditions matérielles et représentations

L’économie, cette base matérielle de la vie sociale (Debord, 1992 : 32) est la matrice dans laquelle se créent les perceptions, lesquelles conditionnent l’aménagement du territoire.

Ainsi, les transformations économiques qui touchent la province de Québec et qui modifient la base matérielle de sa vie sociale ont pour effet de modifier les perceptions posées sur la région de Charlevoix, lesquelles influencent à leur tour la matérialité du territoire (Figure 3). Notre hypothèse est que l’ampleur observée du phénomène de la villégiature concentrée dans la région découle du mouvement (voir la section abordant la méthodologie) de cette unité entre la structure économique (matérialité) et les représentations (immatériel). Ainsi, cette perspective permet de ne pas tomber dans un matérialisme absolu qui oblitère l’importance des idées (représentations) dans la « production de l’espace » :

Les rapports sociaux sont expliqués par des histoires, des mythes, des récits et des symboles qui sont, au bout du compte, des éléments déterminants de notre vivre ensemble, de ce qui fonde une société. La construction imaginaire qu’une société particulière bâtit autour, en deçà et au-delà des rapports matériels, est ce qui fait son histoire et lui donne sens (Tremblay-Pepin et al., 2015 : 13)

Pour le moment, il est important de retenir que l’unité prétendue de l’immatérialité (image) et de la matérialité (la chose) permet de saisir que les idées s’inscrivent dans un substrat (le territoire) et que ce dernier est influencé par celles-ci. Par conséquent, bien qu’il

(25)

soit heuristique de les séparer à des fins d’analyse, il ne faut pas oublier que ces deux dimensions participent de la même réalité. Charlevoix, pays mythique par excellence (voir la revue de littérature), est un terrain d’étude particulièrement fertile pour comprendre l’importance des idées dans la « production de l’espace ».

Un des objectifs principaux de cette recherche est de documenter empiriquement le phénomène de la villégiature concentrée à PRSF afin de mieux saisir son ampleur et ses principales caractéristiques. Qui sont les propriétaires ? Sont-ils des non-résidents ? D’où viennent-ils ? Qu’achètent-ils ? Combien de terrains possèdent-ils ? Voilà le genre de questions auxquelles cette étude apporte des réponses précises. C’est à partir de cette connaissance empirique du phénomène et après avoir démontré comment ce dernier se superpose à la « sédimentation historique » de Charlevoix qu’il est possible d’aborder les préoccupations plus abstraites qui sous-tendent cette étude. Quelle est la signification de ces projets immobiliers sur la territorialité, c’est-à-dire le vécu, des Charlevoisiens ? Lorsqu’un territoire est sous l’emprise d’une poussée spéculative en provenance de l’extérieur, que nous révèle cet évènement au sujet de notre époque et quels sont les impacts sur la territorialité (le vécu) des populations qui y habitent ? Ce mémoire vise à apporter des réponses à un phénomène qui a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années, lequel est encore très peu connu sur le plan empirique. Il y a une volonté sous-jacente à cette étude d’aborder l’universel à partir du particulier afin de ne pas réduire la pensée savante à une simple collecte de données sur une réalité parcellaire qui aurait pour conséquence de détacher le phénomène étudié de son contexte plus large.

Certes, ces préoccupations théoriques structurent et orientent les questions posées dans cette étude. Toutefois, le souci accordé à l’histoire de Charlevoix et l’importance des données empiriques colligées dans le secteur immobilier à PRSF pallient aux dangers d’une approche qui serait trop éloignée par rapport à la « réalité » du terrain, pour favoriser des considérations a priori. Il ne fait point de doute qu’il ressort une forme d’incongruité entre les informations recueillies sur le terrain et les idées abstraites formulées préalablement. Cette « incongruité », cette rencontre entre la matérialité et idéalité, nous apparaît comme la nature même des sciences sociales où l’objet est à la fois un donné et un construit. En ce sens, Berque, lors d’une conférence publique en 2014, affirmait que la science n’est pas l’étude objective de l’objet par un sujet, mais bien « la relation » irréductible qui existe

(26)

entre l’objet et le sujet. Cette rencontre, voire cette « relation », entre l’objet et le sujet, ouvre sur une tragédie où le chercheur, devant la complexité de tout phénomène, ressent une certaine angoisse qui le force à remettre sans cesse en question ses a priori théoriques.

Revue de la littérature : le langage

Foucault (1971 : 12) souligne que le pouvoir et le désir sont inextricablement liés à la notion de discours. Tout au long de son histoire, la région de Charlevoix a été un objet sur lequel différents acteurs ont projeté des discours, en fonction d’intérêts et d’idéologies opposés, ce qui témoigne du désir que la région suscite, particulièrement auprès de l’élite urbaine. Puisque le discours est un pouvoir, la concrétisation de ce dernier se répercute nécessairement sur l’espace. Dans cette perspective, il devient important de s’attarder aux différents discours (artistique, intellectuel, politique, etc.) présents dans l’arène publique puisque ceux-ci délimitent les jeux de pouvoir qui sous-tendent tout territoire.

Blouin, dans un livre consacré à l’œuvre du photographe Gabor Szalasi dans la région de Charlevoix en 1970, note :

Avec l’attrait grandissant pour Charlevoix au cours des années 1960 et 1970, nous assistons à la construction d’un mythe. Pour plusieurs, nous sommes séduits par l’« effet de Charlevoix », comme si, au contact de cette région, nous avions un accès direct aux véritables origines rurales, insulaires et maritimes des francophones en terre d’Amérique (Blouin et al., 2012 : 8).

La construction d’un « Charlevoix mythique » est le résultat des différentes couches successivement ajoutées par des artistes, des cinéastes (Pierre Perreault), des folkloristes (Savard, Lacourcière et Barbeau), des photographes (Gabor), des écrivains (Gabrielle Roy, Jori Smith), des amateurs de la nature (William Blake) et des acteurs de l’industrie touristique et de l’immobilier qui n’ont cessé de représenter la région de Charlevoix en fonction de divers discours. Dans l’introduction de leur histoire régionale de Charlevoix, Gauthier et Perron (2002) mentionnent explicitement vouloir offrir un autre discours sur la région, l’un qui émane de cette dernière (histoire par le bas) plutôt que de provenir de l’extérieur (histoire par le haut).

Vézina (1979), Villeneuve (1999) et Gauthier (2000) ont démontré, dans les domaines du folklore (Gauthier) et de la peinture (Vézina, Villeneuve), le fossé qui sépare les représentations des urbains et la territorialité, c’est-à-dire le vécu réel des

(27)

Charlevoisiens. La région de Charlevoix a été un objet de désir sur lequel des élites urbaines, influencées par différentes idéologies (le romantisme et le conservatisme canadien-français, etc.) ont traditionnellement projeté leur vision du monde. Il est important de s’attarder à ces représentations puisque, comme Lefebvre (2000 : 52) l’affirme, la production de l’espace, c’est-à-dire la matérialité, est à la fois le produit de l’idéologie et de la pratique.

Ensuite, dans les conclusions du projet « PAISAGE », effectué dans la région de Charlevoix, Raveneau et Lebeau (1979) insistaient sur l’importance qu’émerge un véritable « projet de paysages » où les critères de conservation et de valorisation seraient déterminés par la population locale plutôt que par une minorité qui détient le pouvoir économique. Ces préoccupations sont aussi présentes dans une étude de Gauthier (2014) sur le concept de territorialité dans la région de Charlevoix, lequel est étroitement lié à la notion de pouvoir, afin de différencier une « territorialité du bas du boulevard des Falaises », celle de la population locale, et une « territorialité du haut du Boulevard des Falaises », celle des riches urbains qui séjournent temporairement dans Charlevoix. Pour ce dernier, la territorialité des urbains prédominerait dans Charlevoix alors que la population locale, dont le discours est inondé par les discours extérieurs, ne serait pas en mesure de formuler ses besoins et ses désirs. Dans cette perspective, la matérialité de Charlevoix est soumise à une image, c’est-à-dire une représentation qui provient de l’extérieur et qui répond à des attentes étrangères au milieu.

Par son importance dans la région, voire son omniprésence, l’industrie touristique, particulièrement dans le secteur de La Malbaie-Pointe-au-Pic, contribue fortement à générer une représentation qui vise à répondre avant tout aux attentes particulières d’une clientèle urbaine. À cet égard, les thèses de Dubé, Deux cents ans de villégiature dans

Charlevoix. L’histoire du pays visité (2001) et de Gagnon, Le tourisme et la villégiature au Québec, une étude de géographie régionale structural Québec (2002) ainsi que les travaux

de Des Gagniers (1999), Roy et Lambert (2001) et Cimon (2014) sont riches en information. À la lumière de ces travaux, il apparaît indubitable que le tourisme, loin d’occuper une position périphérique, est une activité centrale et structurante, tant sur les plans culturel qu’économique. En ce qui concerne l’économie de la région, il est utile de se référer à différents documents commandés par le Gouvernement du Québec (Angers, 1942 ;

(28)

OPDQ, 1975) ainsi qu’à l’histoire régionale écrite par Gauthier et Perron (2002) qui permettent d’avoir un portrait de la structure économique à différentes périodes de son histoire.

Cadre théorique : perspective critique du paradigme de la renaissance du rural, marchandisation et territorialité

Avant d’aborder le cadre théorique de cette étude, il est utile de revenir aux propos de Raffestin (1977) et de Chandivert (2006) sur la dépendance du « langage » par rapport à la société. Selon Chandivert : « La “science” n’est jamais libre de déterminations proprement politiques, même quand elle prétend le plus à son indépendance » (Chandivert, 2006 : 465). Pour analyser cette dépendance entre science et société, il est utile de se référer au concept de paradigme que Bavoux et Chapelon définissent comme l’: « Ensemble de principes et d’orientations auxquels adhère globalement une communauté scientifique, pour un temps donné » (2014, 420). Le paradigme est ce que Foucault appelle « une grille », voire une « matrice disciplinaire », qui oriente et structure les travaux d’une communauté scientifique dans un domaine donné (cité dans Cloutier, 2015 : 18). L’économiste Jean-Claude Cloutier (2015) a lui aussi réfléchi sur les liens entre science et société en analysant les trois principaux paradigmes de la « science économique » : la croissance, le marché et l’homo oeconomicus (la rationalité présumée de l’agent économique). Il pose la question à savoir si ces derniers, supposément « objectifs », n’ont pas plutôt comme fonction de légitimer un système basé sur l’accumulation pour l’accumulation du capital (paradigme de croissance) par des entités privées ?

C’est dans cette perspective critique qu’il faut apprécier le paradigme actuellement dominant dans les études rurales : « La renaissance rurale » (Kayser, 1997). Dans la décennie 1970, on observe dans les pays industrialisés un « revirement » de la courbe démographique des campagnes, lesquelles semblaient alors aux prises à un déclin inexorable depuis un siècle. Pour représenter cette nouvelle situation, le géographe américain Brian Berry avait inventé le concept de counter-urbanisation, dont l’objectif était de rendre compte des migrations en provenance de la ville vers les milieux ruraux à proximité (Halfacree, 2012 : 209). Plus tard, Kayser (1997) formula cette expression de « la renaissance rurale » qui allait constituer un véritable paradigme dans les études rurales. Une

(29)

nouvelle grille analytique allait permettre une relecture du rural de manière à profiter des nouvelles opportunités que rendait possible ce nouveau contexte démographique.

Essentiellement, la renaissance du rural insiste sur le fait que le développement des espaces ruraux passe par les fonctions de consommation et de conservation. Chandivert (2006) replace l’émergence de ce paradigme dans son contexte économique, social et politique et conclut que celui-ci n’est pas que la représentation objective de la réalité : « Bref, la renaissance rurale n’est pas qu’une réalité, pas plus qu’un pur produit analytique, elle est aussi un produit politique » (Chandivert, 2006). Il a démontré comment ce paradigme est venu répondre aux besoins de la classe politique française de l’époque qui, devant l’effondrement des fonctions productives des espaces ruraux au 20ème siècle,

cherchait désespérément des solutions devant permettre de les réinsérer dans une dynamique de croissance dans un contexte de compétition exacerbé par l’extension du capitalisme à l’échelle de la planète.

Cette nouvelle lecture conçoit le rural essentiellement comme un espace de consommation pour les urbains. Depuis la dernière décennie au Québec, le concept de paysage a beaucoup été formulé au sein de cette nouvelle grille analytique du rural. Gérald Domon (2011), auteur important dans les études québécoises sur le paysage, définit celui-ci comme la « ressource » du 21ème siècle à valoriser et à conserver afin de rendre les espaces

ruraux plus attirants à une clientèle urbaine.

Plusieurs auteurs (Woods, 2010; Halfacree, 2012; Harvey, 2014) ont abordé de manière critique ce nouveau paradigme en mettant en lumière ses présupposés idéologiques et les conséquences matérielles négatives qui en résultent. Ils dénoncent le fait que la « renaissance du rural » est plutôt une réorganisation de l’espace rural à des fins d’accumulation du capital. C’est en prenant une certaine distance par rapport au paradigme dominant et ses présupposés théoriques que cette étude emploie deux concepts : la marchandisation et la territorialité.

Le premier s’inscrit dans une position critique par rapport à cette « consommation du rural », souvent présentée comme une fatalité. Woods (2010) définit essentiellement la marchandisation du rural comme un processus d’extension de la sphère économique à des domaines qui en étaient autrefois exclus (ex : marchandisation des paysages). Celle-ci doit être comprise comme un phénomène qui participe à une dynamique plus large, soit le

(30)

système capitaliste. Beaucoup de choses ont été écrites sur ce thème, toutefois, pour les fins de ce mémoire, nous retenons que le capitalisme est un système social complexe (Beaud, 2010) dont la particularité repose sur sa finalité : l’accumulation pour l’accumulation du capital (Wallerstein, 1983). Serge Latouche (2007), économiste et défenseur de la théorie de la décroissance, remet en question la durabilité d’un système qui repose sur cette finalité puisqu’il soumet les sociétés humaines à la croissance infinie (paradigme de la croissance) dans un monde où les ressources sont finies. En ce sens, Graeber (2014) affirme que le capitalisme pose le paradoxe suivant : il est rationnel dans les moyens qu’il utilise pour atteindre une fin irrationnelle. De plus, le capitalisme est dans sa nature une force « destructrice créatrice » (Schumpeter, 1954 ; Ferry, 2014) qui soumet les sociétés humaines à une « révolution permanente » dans un contexte de compétition généralisée. Le capitalisme peut se résumer comme un processus de renouvellement perpétuel où de nouvelles formes d’accumulation (création et innovation), lesquelles engendrent un nouveau cycle de croissance, détruisent les anciennes structures qui étaient autrefois à la base des périodes de croissance du passé.

Ensuite, Wallerstein affirme que la marchandisation est constitutive au capitalisme : « That is why we may say that the historical development of capitalism has involved the thrust towards the commodification of everything » (1983 : 16). Harvey fait sensiblement le même constat :

Capital cannot help but privatise, commodify, monetise and commercialise all those aspects of nature that it possibly can. Only in this way can it increasingly absorb nature into itself to become a form of capital- an accumulation strategy- all the way down into our DNA. This metabolic relation necessarily expands and deepens in response to capital’s exponential growth (Harvey, 2014 : 262).

Karl Polanyi (1983), dans La grande transformation, publiée en 1944, critiquait déjà cette marchandisation de la nature évoquant son caractère destructif sur la capacité d’être humain dans d’autres formes que celles imposées par le capital et ses dictats. Ce processus de marchandisation se déploie dans de multiples domaines qui influencent considérablement notre manière d’être au monde. Harvey (2014) a abordé cette marchandisation dans le secteur immobilier à partir d’une des contradictions fondamentales du capitalisme, soit la valeur d’usage (usufruit) et la valeur d’échange (valeur marchande sur le marché) que possède toute marchandise. Il écrit : « In much of the advanced

(31)

Capitalist world, housing is built speculatively as a commodity to be sold on the market to whoever can afford it and whoever needs it » (Harvey, 2014 : 20). Nous verrons plus loin dans ce mémoire (Chapitre 4) les impacts pour le territoire lorsque la valeur d’usage (l’habitation) est obtenue par le mécanisme du marché (la valeur d’échange). Le philosophe français Guy Debord avait perçu cette dynamique lorsqu’il affirmait que l’économie capitaliste implique nécessairement la baisse tendancielle de la valeur d’usage :

La valeur d’échange n’a pu se former qu’en tant qu’agent de la valeur d’usage, mais sa victoire par ses propres armes a créé les conditions de sa domination autonome. Mobilisant tout usage humain et saisissant le monopole de sa satisfaction, elle a fini par diriger l’usage. Le processus de l’échange s’est identifié à tout usage possible, et l’a réduit à sa merci (Debord, 1992 : 43).

Dans La société du spectacle, Debord (1992) affirme que l’homme est maintenant aliéné au statut de spectateur contemplant le spectacle du « monde de la marchandise ». L’importance que prend la valeur d’échange, soit la marchandisation inhérente au système capitaliste, dans la vie de tous les jours a des conséquences importantes pour les territoires :

Espaces à conquérir pour permettre d’accroître l’accumulation, les besoins vitaux des humains — la vie ou le savoir — deviennent ainsi de simples véhicules pour faire du profit. Milieu de vie, symbole de l’appartenance, espace pour grandir, le territoire se transforme en amas de ressources à exploiter. Si un jour la dystopie se réalise pleinement, nous serons alors dépossédés, au sens le plus fort, car nous aurons perdu ce qui fait de nous des êtres humains (Tremblay-Pepin et al., 2015 : 25).

La marchandisation comporte ainsi une importante dimension qualitative qui n’est pas toujours facile de saisir puisqu’elle implique nécessairement des rapports sociaux basés sur de nouveaux principes et un rapport à la nature radicalement différent de ce qui prévaut dans une société basée sur une économie où domine la valeur d’usage. Ce mémoire cherche donc à rendre compte empiriquement des propos de Michel Beaud (2010) lorsqu’il affirme que le marché, voire le monde des marchandises, est devenu la principale force transformatrice des sociétés humaines.

Ensuite, le concept de territorialité proposé par Raffestin (1980) permet d’aborder cette dimension qualitative que recèle la marchandisation de l’espace. La territorialité est un concept qui s’inspire beaucoup du marxisme dans la mesure où le travail y occupe une place centrale. Le travail, activité qui sépare l’Homme du règne animal selon Marx (Smith,

(32)

2008), met en relation directe l’Homme et la nature puisque pour se procurer les ressources dont il a besoin pour vivre, le premier doit transformer la seconde en ressource. Cette « transformation » s’effectue par le travail où l’Homme emploie son intelligence (information) et ses efforts (énergie) pour se procurer ce dont il a besoin dans la nature. Raffestin, à l’instar de Marx, affirme que le capitalisme a aliéné le travail et par conséquent l’Homme en séparant l’information (les cadres) et l’énergie (les prolétaires) dans le processus de production.

Ensuite, une autre notion centrale à la territorialité, telle que conçue par Raffestin, est le pouvoir, défini comme la capacité d’un groupe humain à agir son territoire en fonction de ses besoins. La territorialité est donc un processus par lequel l’espace est transformé en territoire par la relation concrète qui s’établit entre les habitants d’un territoire et la nature dans un contexte où celui-ci possède la capacité d’agir (pouvoir) sur son quotidien (vécu). Courville, dans une étude portant sur la territorialité en Nouvelle-France, a beaucoup contribué à rendre ce concept de territorialité plus opératoire en le mettant en relation avec le concept d’urbanité. Il écrit :

La géographie d’avant 1760, c’est donc une géographie complexe, faite d’au moins deux grandes échelles territoriales distinctes qui reflètent la distance qui sépare déjà la Nouvelle-France de l’Ancienne. Partagée entre la volonté politique du colonisateur de subordonner le développement de la colonie aux impératifs métropolitains et l’ambition même de l’immigrant d’articuler à son profit les possibilités du Nouveau-Monde, la vallée du Saint-Laurent vit de deux logiques issues, l’une de l’urbanité française d’origine, qui sera source de macro-formes et de macro-structures, l’autre de la territorialité propre de l’habitant, qui transformera en aires référentielles originales l’espace structuré par l’État français au cours du 17e et du 18e siècle. Il en naîtra un phénomène d’aire culturelle qui survivra non seulement à la conquête britannique de 1760, mais encore à toutes les formes ultérieures de colonisation que connaîtra le Québec (Courville, 1983 : 417).

Cette dialectique entre territorialité d’un côté et urbanité de l’autre est heuristique dans la mesure où elle permet de saisir que la matérialité d’un territoire est la résultante d’un jeu de pouvoir qui s’effectue à différentes échelles géographiques. Pour Courville, la différence entre l’urbanité et la territorialité découle essentiellement de deux relations différenciées à l’espace. Alors que la territorialité représente le vécu et la quotidienneté de la population qui habite le territoire, l’urbanité désigne une conception abstraite de ce dernier qui s’insère dans des modèles qui proviennent de l’extérieur (ex : l’État et le

(33)

marché). Bref, on peut définir l’urbanité comme une forme de pouvoir extrinsèque qui est projetée sur un territoire et ses habitants via différents mécanismes et institutions (lois, art, gouvernance, etc.).

La Figure 4 représente schématiquement la matérialisation du régime seigneurial au temps de la colonie laurentienne, elle illustre la différence entre l’urbanité (gauche) et la territorialité (droite). Le fait que l’image de droite (territorialité) ne soit pas identique à celle de gauche (urbanité) laisse sous-entendre que la métropole française était incapable de complètement imposer sa volonté aux colons, lesquels avaient une capacité, bien que relative, de réorganiser l’espace en fonction de leurs intérêts.

Figure 4 Urbanité et territorialité

Tirée de Courville (1983 : 420). L’urbanité imagine l’espace de loin et d’une manière abstraite alors que la territorialité représente le « vécu » de ceux qui sont en relation intime avec le territoire au quotidien. Pour Courville, les formes du régime seigneurial, qui relèvent de l’urbanité, n’ont jamais été en mesure de s’imposer complètement sur la territorialité des populations. L’image de gauche représente l’espace (l’urbanité), qui relève d’une intelligibilité extérieure au territoire, tandis que l’image de droite représente le territoire tel qu’il existe concrètement (la territorialité ou le « vécu »)

Bien qu’elle ne soit pas explicitement nommée, cette relation entre urbanité et territorialité fait implicitement partie des travaux de plusieurs auteurs comme Pierre Kropotkine (2001), David Graeber (2014), James C. Scott (1999) et Francis-Dupuis-Déry (2013) qui se sont penchés sur l’État. Dans ce passage, Dupuis-Déry démontre bien comment l’« urbanité » de l’État s’est tranquillement imposée sur la « territorialité » des populations locales avant la modernité :

Les communautés d’habitants et les guildes de métiers perdent peu à peu de leur autonomie politique non pas en raison d’un dysfonctionnement de leurs pratiques démocratiques, qui se poursuivent d’ailleurs dans certains cas

(34)

jusqu’au XVIIIe siècle, mais plutôt en raison de la montée en puissance de l’État, de plus en plus autoritaire et centralisateur. Vers les XVIe et XVIIe siècles, les royaumes monarchiques se transforment peu à peu en États, soit un nouveau système politique qui développe plusieurs stratégies pour accroître son pouvoir d’imposition, de taxation et de conscription, alors que la guerre coûte plus cher, en raison de développements technologiques de la marine et de l’armement (2013 : 46).

Dans le même sens, Scott (1999) affirme que pour contrôler son territoire, l’État a dû déconstruire les anciennes formes et structures des populations locales afin de leur substituer des formes qui lui sont intelligibles. L’instauration d’un cadastre intelligible pour l’État, lequel est à la base d’un système de taxation, est essentielle si ce dernier désir se maintenir et croître. Cette notion d’intelligibilité se retrouve aussi chez Harvey (2014 : 252) qui affirme que le capital doit créer son propre « écosystème » en divisant la nature en segments et en leur apposant un prix afin de la rendre intelligible à sa finalité d’accumulation pour l’accumulation. De plus, à partir du concept de paysage, Claval affirme implicitement cette perte d’intelligibilité des territoires situés en zones rurales pour les populations locales à l’époque contemporaine :

L’évolution récente a fait disparaître cette familiarité avec le paysage, qui donne à chacun le sentiment d’y être chez lui et confortait son identité. La partie de l’espace qui est dévolue à l’agriculture ou à l’élevage est organisée en fonction de logiques plus complexes (en raison de la mécanisation, de la sélection des espèces, de l’emploi d’engrais et de pesticides) et plus fluctuantes (par la suite des caprices des marchés) que ce n’était le cas hier. Pourquoi ces friches au milieu de terres riches ? À cause des mesures de contingentement de Bruxelles. Mais comment est-on passé de ces décisions lointaines à leur effet ici, sur cette pièce de terre plutôt que sur telle autre ? Nul ne peut le deviner (Claval, 2003 : 154-155).

On voit dans ce paragraphe l’augmentation du pouvoir de l’urbanité (les mesures de contingences de Bruxelles) par rapport à une « déterritorialisation », où la signification de l’espace, c’est-à-dire le sens qui lui est attribué par la population, s’étiole. Que ce soit l’État ou le marché qui impose son intelligibilité, le résultat n’est point différent puisqu’il en découle une perte de territorialité, c’est-à-dire une diminution de l’intelligibilité du territoire. L’avènement du capitalisme a entraîné l’expansion à la fois de l’État et du marché. Wallerstein (1983) a démontré comment l’État est primordial pour introduire les conditions d’accumulation du capital. D’ailleurs, dans leur histoire du Québec, Gossage et

(35)

Little (2015) démontrent comment l’accroissement de l’industrie au 19ème siècle s’est

accompagné d’une augmentation du rôle de l’État libéral dans la société et dans l’économie. Par la construction de chemins de fer et de routes, la protection de la propriété privée, la répression des travailleurs et l’instauration d’un système éducatif, l’État a contribué à mettre en œuvre les conditions propices à l’industrialisation de la province.

Bref, les concepts de marchandisation et de territorialité permettent d’aborder le phénomène de la villégiature concentrée avec des préoccupations qui découlent de l’omniprésence de la logique marchande et des conséquences que cela implique pour les territoires et ceux qui les habitent.

Méthodologie

Lefebvre (1948 : 21) résume le marxisme comme un grand effort de synthèse visant à suivre le mouvement d’ensemble de la réalité et ses principales contradictions afin d’atteindre une « réalité supérieure ». Dans la première partie de son discours de la méthode, René Descartes (1995 : 91) affirme que la totalité, pour devenir intelligible, doit être divisée en autant de parcelles que possible. Marx s’inspira de ce précepte de logique de Descartes en affirmant qu’il est possible, à partir des éléments, de procéder à la reconstitution du tout et du mouvement :

La méthode marxiste insiste beaucoup plus nettement que les méthodologies antérieures sur un fait essentiel : la réalité à atteindre par analyse et à reconstituer par exposition (synthétique) est toujours une réalité en mouvement. Bien que l’analyse commence par briser ce mouvement pour en atteindre les éléments, et qu’ainsi elle parvienne en un sens à des abstractions (exactement comme le physiologiste qui sépare un tissu pour l’étudier, ou même une celle pour examiner au microscope), la méthode marxiste affirme que la reconstitution du tout et du mouvement est possible (Lefebvre, 1948 : 27).

Par une analyse historique de la région de Charlevoix et du Québec, cette étude permet de reconstituer le mouvement général qui a mené jusqu’au phénomène étudié, soit celui de la villégiature concentrée dans Charlevoix. Cette méthode force l’observateur à considérer le phénomène étudié comme l’un des éléments qui participe à ce mouvement d’ensemble qui permet de reconstituer l’unité de la réalité. Dans une conférence, Berque (2014) a fait référence à l’importance de s’attarder à ce mouvement en affirmant que chaque phénomène était le produit de la « contingence ». Toutefois, il a

(36)

insisté sur le fait que cette contingence ne permet pas l’avènement de n’importe quel phénomène, mais seulement de ceux qui s’inscrivent dans ce mouvement de l’histoire. Ainsi, la « contingence » est ce « champ des possibles » que l’histoire « propose ».

Notre analyse de l’évolution historique de la région de Charlevoix est basée sur des sources secondaires. Ces matériaux sont constitués de différents documents : des statistiques (recensements provinciaux et fédéraux) et des cartes, des romans, des autobiographies, des histoires et des monographies locales ainsi que des mémoires, des thèses et des articles scientifiques. En fonction de différentes perspectives, par la méthode de triangulation des données qui consiste à aborder un phénomène sous plusieurs aspects, ces multiples sources nous informent au sujet de la nature des rapports et des processus qui rendent compte des organisations et du changement géographiques (Courville, 1995 : 82-84).

L’étude de cas effectuée sur le secteur immobilier à PRSF est basée sur des sources primaires, surtout le rôle d’évaluation foncière pour la municipalité. Cette partie s’organise autour de trois étapes afin de dresser le portrait actuel du secteur immobilier à PRSF. La première consiste à colliger et à analyser l’évaluation foncière de 2014, produite par la MRC de Charlevoix-Est, pour la municipalité de PRSF. Le ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT) définit l’évaluation foncière comme suit :

Le rôle d’évaluation foncière est un inventaire des immeubles situés sur le territoire d’une municipalité́, évalués sur une même base et à une même date. Il constitue un élément de base du régime fiscal municipal au Québec. En vigueur pour trois exercices financiers municipaux, le rôle d’évaluation est d’abord un instrument majeur de partage de la charge fiscale. Il sert également de base à la taxation foncière scolaire et est utilisé pour répartir les dépenses entre différents organismes (MAMOT, 2014).

Les données sont colligées sur fichier Excel afin d’effectuer une analyse statistique et de créer une base de données permettant d’effectuer par la suite des analyses spatiales à l’aide du logiciel ArcGis 10.2. Les variables considérées sont nombreuses (date d’évaluation foncière, prix du terrain, date de construction de l’immeuble, occupation dominante, superficie, etc.) et permettent de bien connaître le paysage immobilier de PRSF. Ensuite, à l’aide de la géolocalisation des codes postaux des non-résidents situés sur le territoire de PRSF, une analyse socioéconomique est effectuée pour les Régions

(37)

métropolitaines de recensement (RMR) de Québec et de Montréal afin de dresser un profil de cette population en fonction de différentes variables (éducation, emplois, revenus, etc.). En raison de la précision suffisante des codes postaux en milieux urbains (Statistique Canada), il est alors possible d’effectuer une relation spatiale de ces codes postaux à l’échelle des aires de diffusion (AD) qui est la plus petite unité géographique recensée par Statistique Canada, comprenant entre 400 et 700 personnes. De plus, la distribution spatiale des non-résidents est simplifiée en effectuant un regroupement en classes. Cette mise en classe, ou discrétisation, se fait à partir de la méthode des quantiles, où chaque aire de diffusion appartient à une classe.

La dernière étape est basée sur une analyse discursive qui est effectuée à partir de différents documents (journaux, brochures publicitaires, etc.). Le but de cette démarche est de déceler les enjeux et les différentes intentionnalités qui sous-tendent le développement récent de la municipalité. De plus, une analyse systémique des annonces de vente et de location des résidences\condos est entreprise afin de dresser un portrait des arguments de vente et de voir quelle est la clientèle ciblée pour les différents projets immobiliers de Charlevoix. Au Chapitre 4, on retrouve des informations supplémentaires sur la méthodologie qui a présidé à l’élaboration des différentes cartes.

(38)

Chapitre 1 : Charlevoix, un lent commencement

La situation géographique et la topographie d’une région conditionnent grandement son potentiel économique, et ce, de diverses façons : par les conditions climatiques plus ou moins propices au travail et à l’agriculture, par le relief plus ou moins hospitalier, par la proximité ou l’éloignement des grands pôles de croissance économique, etc. Nous verrons dans ce chapitre comment l’évolution historique de Charlevoix a été profondément marquée par son contexte géographique tout à fait particulier.

Une région de contraste

Au premier regard, la région de Charlevoix surprend par la diversité de ses paysages qui résulte de l’amplitude importante de son relief. À ce propos, Gauthier et Perron écrivent : « L’observateur s’étonne de la diversité de la végétation de Charlevoix : alors qu’à Petite-Rivière-Saint-François poussent des pommiers et des érables, à moins d’une vingtaine de kilomètres de là, dans le parc des Grands-Jardins, on peut marcher sur un tapis de lichen » (2002 : 21). Cet important dénivelé s’explique par l’impact d’un météorite géant, il y a 350 millions d’années, au nord du village actuel des Éboulements (Cimon, 2014 : 19). Ce cratère créé à la suite de cet impact correspond aujourd’hui aux basses terres (les vallées du Gouffre et de la rivière Malbaie) et aux plateaux intermédiaires de Charlevoix que Gauthier et Perron (2002 : 17) comparent à une oasis dans le massif des Hautes-Laurentides. Par son effet d’aplanissement du relief, ce phénomène s’est avéré déterminant pour créer les conditions propices à l’établissement d’une population sédentaire basée sur l’agriculture de subsistance au 17ème siècle.

Pour simplifier (Figure 5), en prenant l’altitude comme critère, Gauthier et Perron (2002 : 21) ont divisé le territoire charlevoisien en trois grands ensembles naturels : 1) les basses terres de l’Isle-aux-Coudres et des vallées de la rivière du Gouffre et de la rivière Malbaie : 2) le deuxième, à un niveau plus élevé, entre 200 et 500 mètres, représente les plateaux intermédiaires, situés entre les deux vallées; et 3) à plus de 500 mètres d’altitude, le troisième palier est formé des hauts plateaux du bouclier canadien où la population est peu nombreuse. La répartition spatiale de la flore, de la faune et des établissements humains qu’on retrouve dans Charlevoix est fortement tributaire de cet étagement qui fait contraste avec la bande des basses terres beaucoup plus large située sur la rive sud.

(39)

Figure 5 Courbes hypsométriques dans Charlevoix démontrant les trois grands ensembles naturels

L’impact d’un météorite, il y a 350 millions d’années, a produit une géographie originale : en verts les basses terres (moins de 200 mètres d’altitude), en jaune les plateaux intermédiaires (entre 200 et 500 mètres d’altitude) et finalement en rouge les plateaux supérieurs du bouclier canadien à plus de 500 mètres.

Les débuts de Charlevoix

L’objectif des prochaines lignes est de mettre en relief la dynamique spatiale à l’œuvre dans la colonisation de Charlevoix afin de comprendre comment celle-ci s’inscrivait dans un cadre plus large se déployant à l’échelle de la vallée du Saint-Laurent dans le contexte d’une civilisation rurale préindustrielle (1608-1840). Dans la seconde moitié du 17ème siècle, la région de Charlevoix était généralement perçue de manière

négative et rien ne la destinait à devenir un foyer de colonisation. Ces propos datant de 1664, de Pierre Boucher alors gouverneur de Trois-Rivières, résument la perception négative dont Charlevoix faisait l’objet de la part des élites de l’époque :

Depuis Tadoussac, jusqu’à sept lieues proches de Québec que l’on nomme le Cap-Tourmente, le pays est tout inhabitable, estant trop haut et tout à fait escarpé; je n’y ai remarqué qu’un seul endroit qui est la Baie-Saint-Paul, sise environ sur la moitié du chemin et vis-à-vis de l’Isle-aux-Coudres, qui paraît fort belle lorsqu’on y passe, aussi bien que toutes les îles qui se trouvent depuis

Figure

Figure 1 Localisation de la région de Charlevoix ________________________________________________________________ 4 Figure 2 Les grands contextes de civilisation au Québec ________________________________________________________ 5 Figure 3 Conditions matér
Figure 1 Localisation de la région de Charlevoix
Figure 2 Les grands contextes de civilisation au Québec
Figure 4 Urbanité et territorialité
+7

Références

Documents relatifs

À la suite de plusieurs observations d’indices effectuées par le bureau d’étude Rainette sur la métropole lilloise et le groupe ornithologique

QUE le préambule ci-dessus fait partie intégrante de la présente résolution ; QUE ce Conseil désigne monsieur Pascal Théroux, maire, ou madame Guylaine Dancause,

Il est proposé par le conseiller Jean Duhaime Appuyé par le conseiller Réjean Gamelin Et résolu unanimement par le conseil : DE LEVER la séance

Et résolu unanimement par le Conseil (Monsieur le Maire n’exerce pas son droit de vote) QUE le préambule ci-dessus fait partie intégrante de la présente résolution;. D’ACCEPTER

ouvrage Des mères contre des femmes 5 où elle explique comment la femme concourt à la reproduction de la domination masculine. En 2008, son ouvrage La vaillance des

Plusieurs vestiges archéologiques ont été mis au jour à l’est et au sud du périmètre du site archéologique CgEq-13, dont ceux du premier presbytère de Saint-François

Pour préciser en quelques mots le cadre de cette étude, nous avons affaire à une langue régionale de France, autrefois majoritaire sur un territoire

Considérant que, par l'arrêt susvisé, sur le pourvoi formé par la société Texaco France, la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) a cassé et annulé