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Charlevoix, vers une « mutation profonde et irréversible »

Pour comprendre l’ampleur des transformations survenues dans la région de Charlevoix au 19ème siècle, il suffit de revenir à la Figure 6. Un paradoxe s’impose

d’emblée : si en 1830, avec une population d’environ 8 000 âmes, le territoire de Charlevoix ne pouvait subvenir aux besoins de la totalité de ses habitants pratiquant une agriculture familiale, basée sur la reproduction et l’expansion de la cellule familiale (Bouchard, 1994), comment la région est-elle arrivée à une population de presque 20 000 habitants au début du 20ème siècle ? Le livre Charlevoix pays enchanté écrit par Des

Gagniers permet d’éclaircir cette question :

Si le champ du présent ouvrage ne s’étend guère au-delà de la quatrième décennie du XXe siècle, c’est que le mouvement, depuis longtemps amorcé, de la mutation profonde et irréversible qui marque la fin de la société traditionnelle, parvient alors à son terme. Car on peut dire que la parution de

Menaud, maître-draveur, en 1937, annonce un changement d’époque (1994 :

12).

Quelle est donc cette « mutation profonde et irréversible », depuis longtemps amorcée, « qui marque la fin de la société traditionnelle dans Charlevoix » et qui ouvre sur une autre époque, celle annoncée par Félix-Antoine Savard en 1937 dans son célèbre roman

Menaud, maître-draveur ? Les lignes qui suivent tentent de rendre compte des importants

changements survenus dans Charlevoix au 19ème siècle à la lumière des tendances générales

qui se déployaient alors à l’échelle de la province. Il importe tout d’abord de revenir sur le troisième contexte de civilisation (Figure2) proposé par Courville pour décrire la période « industrielle » analysée dans cette section :

Le troisième contexte va du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe et se signale par une forte croissance de la population, une importante poussée urbaine et villageoise, une expansion de l’industrie et une révolution des transports et de la technologie, qui stimulent la montée des échanges. Le territoire initial s’agrandit, l’aire d’approvisionnement en ressources s’élargit et de nouvelles concentrations humaines apparaissent, qui transforment en profondeur le paysage économique et social du Québec (2000 : 23).

par le développement commercial, industriel et urbain qui prenait son envol dans la province de Québec (Gossage et Little, 2015 : 160). Au sujet de l’expansion de l’industrie, Houle explique comment la province de Québec à partir du milieu du 19ème siècle voit sa

structure socio-économique être modifiée alors que le capitalisme industriel est en voie de consolidation :

En effet, le Québec a pu amorcer son industrialisation dès le début de la deuxième moitié du XIXe siècle, grâce aux liens privilégiés qu’il entretenait avec la métropole britannique, berceau de la première révolution industrielle au monde. C’est donc une bourgeoisie majoritairement d’origine anglo-saxonne qui dispose des capitaux et du savoir-faire technologique pour enclencher le processus d’industrialisation québécoise (2014 : 25).

Les lignes qui suivent permettent de voir concrètement comment cette élite, majoritairement anglo-saxonne, qui dispose de la technologie et des capitaux, a marqué deux secteurs qui s’avèreront cruciaux dans l’histoire de Charlevoix : les secteurs forestier et touristique. De plus, la révolution des transports et de la technologie, mentionnée par Courville, est déterminante à cette époque pour assurer l’intégration relative de Charlevoix dans le système capitaliste industriel de l’axe Saint-Laurent. Finalement, cette section s’intéresse aux liens étroits qui relient l’avènement véritable de l’industrie touristique dans la région à la montée de l’urbanisation et de l’industrialisation, laquelle s’accompagne d’une classe d’affaires disposant de temps libre : la bourgeoisie. Bref, cette section démontre comment les nouvelles conditions matérielles d’existence au 19ème siècle ont profondément marqué les regards posés sur

Charlevoix, lesquels ont modifié sa matérialité.

L’industrie forestière et les goélettes

Villeneuve (1999) a démontré comment, tout au long du 19ème siècle, la petite

industrie de la région de Charlevoix s’est consolidée et a continué sa diversification. L’industrie forestière a poursuivi son ascension, particulièrement dans les paroisses de l’arrière-pays, et le tourisme, stimulé par le mouvement romantique, s’est accentué considérablement. Il y eut un passage progressif d’une économie basée sur une agriculture de subsistance, comme c’était le cas au début du 19ème siècle, à une économie de plus en

liens étroits entre l’essor de l’industrie du bois et la multiplication des goélettes dans Charlevoix, au début du 19ème siècle :

La multiplication des goélettes à voiles sur la côte de Charlevoix est causée par le développement considérable de l’industrie forestière. Ainsi, le transport du bois de construction usiné dans les moulins à scie situés à l’embouchure des rivières de la côte de Charlevoix et du Saguenay est effectué par goélette jusqu’à la grosse Île ou jusqu’à l’Anse aux foulons à Québec, d’où il sera ensuite transbordé dans les grands voiliers océaniques à destination de l’Angleterre (2014 : 62).

Comme le démontre Ouellet (1966 : 37), la conquête par les Anglais de la Nouvelle- France a modifié considérablement la structure des exportations en faveur du bois : « En 1770, les fourrures représentaient 76 % des exportations du Québec, en 1778, 55,4 %. En 1810, grâce en partie aux guerres napoléoniennes, le bois accapare 74 % des envois à l’extérieur, les fourrures n’en retiennent plus que 9,2 % et les produits agricoles, 14,7 %.»

Figure 9 Importations de pin et sapin en Angleterre 1799-1815

Tirée de Dechêne (1964 : 99) Alors que les importations de pin et de sapin en provenance du Canada augmentent à partir de 1806, les importations en provenance de la Baltique diminuent. Cette situation va pousser des marchands, comme William Price, à vouloir tirer profit de ce nouveau contexte.

Le blocus continental (1806-1815) imposé à l’Angleterre par Napoléon Ier est venu accentuer cette prédominance du bois dans les exportations de la colonie et stimulera considérablement le secteur forestier dans la région de Charlevoix (Dechêne, 1964 : 99 ; Figure 9). Toutefois, comme le souligne Gauthier la faible présence des capitaux locaux ne permet pas aux Charlevoisiens de prendre réellement contrôle de ces nouvelles opportunités d’affaires :

d’écouler le bois vers les marchés extérieurs. Alexis Tremblay, associé à Thomas Simard de Baie-Saint-Paul, devient bientôt l’agent régulier de William Price (1832), un important marchand de bois (madriers et bois équarri) de la ville de Québec (Gauthier et al., 2004 : 74).

Ainsi, l’urbanité, sous la forme du marché (force extrinsèque), lequel est contrôlé par des capitaux anglais, se consolide dans la région au détriment d’une territorialité qui peine à s’adapter au nouveau contexte économique. Toutefois, Dechêne a démontré que Price s’intéressait davantage au Saguenay qu’à Charlevoix :

Il semble que le but premier des gens de La Malbaie ait été d’accaparer le plus grand nombre de terres possible, mettant ainsi la Compagnie de la Baie d’Hudson et le gouvernement devant un fait de colonisation accompli. D’autre part, il est peu probable que Price aurait obtenu, en son nom, un permis d’exploitation du bois sur les Postes du Roi. Il était dans son intérêt de favoriser la mainmise des habitants de La Malbaie sur les terres du Saguenay. En échange de ses services, ceux-ci consentent à bâtir une scierie partout où il y a une rivière de quelque importance. Monopolisant ainsi tous les cours d’eau de la région, Price n’aura rien à redouter de la concurrence. Nous formulons l’hypothèse que les Vingt-et-un n’ont jamais été autre chose qu’une création de William Price (Dechêne, 1964 : 58).

Ainsi, pour Price, la région de Charlevoix n’apparaît être qu’une porte d’entrée vers le Saguenay. Deux facteurs centraux peuvent expliquer ce désintéressement de Price : la faible disponibilité de la ressource en bois et l’hydrographie de Charlevoix. Comme il a été vu plus haut, à l’échelle du Québec, Charlevoix est une ancienne région de peuplement (1675) et la ressource en bois est exploitée depuis le tout début de la colonisation. Il faut donc aller plus loin à l’intérieur des terres pour accéder aux ressources, ce qui rend son exploitation plus difficile (Gauthier et al., 2004 : 77).

Ensuite, la géographie de Charlevoix offrait un cadre défavorable pour l’établissement d’une réelle industrie forestière de type capitaliste. Les rivières du Gouffre et de la Malbaie, contrairement à l’« industrieuse » rivière Saguenay, n’ont pas un débit d’eau suffisant pour assurer une source d’énergie abondante et fiable. Cette situation fut à la source de plusieurs problèmes lorsqu’une usine a finalement été érigée, à partir de 1912, au bord de la Chute Nairne (Clermont) sur la rivière Malbaie :

En juin 1912, la production de pâte mécanique s’amorce à l’usine de la compagnie East Canada. Rapidement, en raison du bas niveau de l’eau de la Rivière-Malbaie en période estivale, les activités se déroulent au ralenti. Ainsi,

au mois de juillet, l’usine produit de 10 à 15 tonnes de pâte mécanique par jour comparativement aux 100 tonnes du mois précédent (SHC, 2004 : 3).

Mis à part le cas de l’usine de Clermont, il n’y a pas eu de réelle industrialisation dans le secteur forestier dans la région de Charlevoix. Dans son roman Menaud, maître-

draveur, lequel critique la « dépossession » du territoire par des étrangers (les Anglais),

Félix-Antoine-Savard se réfère davantage à la situation qui prédomine au Saguenay qu’à celle de Charlevoix. Bien qu’il soit incontestable que le secteur forestier a pris de l’expansion dans Charlevoix à partir du 19ème siècle, il faut certes relativiser le phénomène.

C’est un autre secteur, encore une fois marqué par les investissements étrangers, qui s’avéra incontournable pour la région : le tourisme.

Le tourisme

Brière et Saint-Amour ont démontré le processus par lequel les transformations survenues dans le domaine des transports modifient la nature de la pratique touristique :

L’évolution des promenades et des voyages de plaisance se modela sur celle des voies de communication et des moyens de transport et s’inscrivit dans trois périodes. La première correspond à l’époque de la navigation à voile ou à rame sur le Saint-Laurent et ses tributaires ainsi que la circulation en carrioles ou en calèches sur les chemins; elle englobe tout le régime français et se poursuit jusqu’au début du XIXe siècle. La deuxième commence avec la mise en service de bateaux à vapeur en 1809 et se continue avec l’inauguration du chemin de fer plus tard; elle comprend tout le XIXe siècle et le début du XXe siècle. La troisième est la période contemporaine qui s’engage à la suite de nombreux bouleversements économiques, sociaux et techniques qui, après la guerre de 1914-1918, eurent pour conséquences la démocratisation des habitudes récréatives et l’émancipation des classes laborieuses (1967 : 83).

Dans l’histoire de Charlevoix, le tourisme s’est rapidement imposé comme une réalité dans la deuxième moitié du 19ème siècle. Lambert et Roy écrivent à ce sujet : « En

vérité, Charlevoix est le berceau du tourisme au Québec. Le tout débute avec les seigneurs Nairne et Fraser qui invitent des amis à venir à la pêche dans leurs seigneuries. Rapidement, Charlevoix devient la destination de prédilection pour ceux qui, plus fortunés, recherchent un lieu de repos et de loisir » (2001 : 30). Dans sa thèse intitulée 200 ans de

villégiature dans Charlevoix, Dubé (1984) retrace lui aussi les origines du tourisme dans la

La Société d’histoire de Charlevoix dans un numéro spécial portant sur le tourisme dans la région, n’hésite toutefois pas à faire remonter la pratique touristique dans la région au Régime français : « Déjà sous le Régime français (1608-1760), la région est parcourue par des voyageurs dont l’intérêt dépasse la simple volonté d’établissement de colons, de conversion religieuse ou le développement d’activités économiques; une forme de tourisme avant la lettre » (SHC, 2010).

Peu importe la périodisation privilégiée pour marquer l’avènement du tourisme dans la région, il n’en demeure pas moins que le phénomène est encore très marginal et qu’il a très peu d’impact sur la territorialité charlevoisienne de l’époque. Cette situation va rapidement changer au début du 19ème siècle par l’entremise d’une nouveauté qui

désenclavera considérablement la région : « Les navires propulsés à la vapeur — d’où leurs noms de vapeurs ou steamer — firent leur apparition sur le Saint-Laurent et le Sauguenay au début du XIXe siècle » (Cimon, 2014 : 91). À partir de 1849, le navire Rowland Hill commence même à offrir une liaison régulière entre Québec, La Malbaie et Rivière-du- Loup (Dubé, 2001).

Le scientifique James Lovelock (2014) stipule que l’invention de la machine à vapeur par Newcomen en 1712 a permis la production et la reproduction d’une source d’énergie abondante et abordable qui est à l’origine d’un processus d’accélération des inventions. Pour ce dernier, c’est ce nouveau contexte énergétique, au-delà du capitalisme, qui aurait créé les conditions propices à l’industrialisation, ce que Fernand Dumont (1968) associe à la modernité. Élisée Reclus, un auteur important du 19ème siècle, résume à

merveille les conséquences de cette invention pour les campagnes :

Si la vapeur apporte dans les villes des foules incessamment grandissantes, d’un autre côté elle remporte dans les campagnes un nombre de plus en plus considérable de citadins qui vont pour un temps respirer la libre atmosphère et se rafraîchir la pensée à la vue des fleurs et de la verdure. Les riches, maîtres de se créer des loisirs à leur gré, peuvent échapper aux occupations ou aux fatigants plaisirs de la ville pendant des mois entiers. Il en est même qui résident à la campagne, et ne font dans leurs maisons des grandes cités que des apparitions fugitives (Brun, 2014 : 168).

En raison de sa géographie particulière et du fait qu’elle soit devenue accessible par bateaux à vapeur, la région de Charlevoix s’est avérée un lieu taillé sur mesure pour accueillir ces visiteurs influencés par le mouvement romantique, en quête de contemplation

et de nature. C’est à partir de ce moment que le tourisme est devenu une véritable industrie dans Charlevoix avec ses importantes implications économique, sociale et culturelle. Ainsi, dans le cas de Charlevoix, l’énergie à vapeur est déterminante puisqu’elle attire non seulement les touristes bourgeois désirant fuir la pollution des villes, mais elle les transporte également par sa force motrice dans des bateaux de croisière.

L’élite anglophone de Montréal ne tardera pas à voir toutes les potentialités maintenant offertes dans ce nouveau contexte énergétique et technique. Tel que le souligne Lambert et Roy, la spéculation commence à cette époque dans le secteur de Pointe-au-Pic afin de s’assurer d’accaparer les meilleures terres propices à la consommation du rural :

En 1846, une tempête l’ayant forcé de s’arrêter à Pointe-au-Pic, William Busby Lamb, avocat montréalais, est subjugué par la beauté du lieu et sans doute conscient de la valeur future des terrains. Rapidement, les espaces du petit village agricole de Pointe-au-Pic sont convoités et font l’objet d’une vigoureuse spéculation. Les destinées touristiques de Pointe-au-Pic sont dès lors toutes tracées (2001 : 92).

Dans la seconde moitié du 19ème siècle, Élisée Reclus dénonçait cette spéculation,

« cette rage d’appropriation », qui s’« emparait » des plus beaux sites et qui profanait la nature :

Mais chose plus grave encore, la spéculation s’empare de tous les sites charmants du voisinage, elle les divise en lots rectangulaires, les enclot de murailles uniformes, puis y construit par centaines et par milliers des maisonnettes prétentieuses. Pour les promeneurs errant par les chemins boueux dans ces prétendues campagnes, la nature n’est représentée que par les arbustes taillés et les massifs de fleurs qu’on entrevoit à travers les grilles… Dans les régions de montagnes fréquemment visitées, la même rage d’appropriation s’empare des habitants : les paysages sont découpés en carrés et vendus au plus fort enchérisseur….Puisque la nature est profanée par tant de spéculateurs précisément à cause de sa beauté, il n’est pas étonnant que dans leurs travaux d’exploitation les agriculteurs et les industriels négligent de se demander s’ils ne contribuent pas à l’enlaidissement de la terre (Brun, 2014 : 169).

Dans sa thèse sur la villégiature, Serge Gagnon (2001), à l’instar de Reclus, défend l’idée que le tourisme procède d’une « dynamique d’appropriation de l’espace », tant matérielle que culturelle, qui met en jeux plusieurs acteurs. Dans le cas de Charlevoix, il revient sur la colonisation du Saguenay (1837) et propose une lecture marxiste opposant

une classe bourgeoise ascendante à une classe aristocratique en déclin pour expliquer le commencement du tourisme :

Un massif de villégiature fashionable a été mis en place à Murray Bay (Pointe- au-Pic) à compter de 1853. La colonisation du Saguenay a été la condition de possibilité de cette appropriation et de cette valorisation bourgeoise. L’aristocratie seigneuriale occupait déjà la position convoitée par l’acteur bourgeois et elle contrôlait la mobilité des populations résidentes. L’espace ciblé par la bourgeoisie n’était donc pas immédiatement disponible. En organisant la colonisation du Saguenay, la bourgeoisie est ainsi parvenue à saper le pouvoir de l’acteur seigneurial. Elle a dévalué temporairement les positions convoitées sur le littoral, en offrant une avenue de remplacement aux censitaires dont la mobilité était jusque-là contrôlée par le pouvoir d’Ancien Régime, et ce grâce au verrouillage de l’arrière-pays du Saguenay décrété à Londres (103).

Cette lecture de l’avènement d’un tourisme bourgeois dans la région est discutable dans la mesure où elle semble exagérer le pouvoir de contrôle de l’élite aristocratique sur les populations locales. Courville explique que le régime seigneurial, qui relève de l’urbanité, ne s’est jamais complètement imposé à la territorialité des populations locales. Néanmoins, le processus d’appropriation de l’espace, tel que décrit par Gagnon (2001), qui visait la « mise en réserve » des parties du territoire jugées les plus attrayantes du point de vue de la culture bourgeoise, semble difficilement réfutable. Ici, l’expression formulée par David Harvey, « accumulation par dépossession » (2013 : 103-11) est heuristique dans la mesure où elle permet de comprendre un mouvement essentiel du système économique capitaliste. Lorsque celui-ci s’étend à un territoire, il implique nécessairement un « processus de dépossession » où les formes anciennes d’organisation de l’espace cèdent place à un « écosystème » intelligible pour la logique d’accumulation du capital. Ainsi, une fois la valeur des terres diminuées en raison de l’ouverture vers le Saguenay, la bourgeoise a accaparé des sites ayant les caractéristiques recherchées permettant ainsi de retirer le meilleur rendement financier :

En introduisant le panorama comme source de plaisir pour l’occupant […] les flancs de l’amphithéâtre naturel, qui relient Cap-à-l’Aigle à Pointe-au-Pic, offrent une place de choix à ceux qui veulent se livrer tout entier à la beauté du paysage, tels les premiers visiteurs venus admirer l’indéfinissable rencontre des montagnes et de la mer (cité de Gagnon, 2001 : 103).

Dans ce nouveau contexte économique du milieu du 19ème siècle, les escarpements

qui caractérisent la côte de Charlevoix, les mêmes qui étaient perçus négativement par Pierre Boucher, le Gouverneur de Trois-Rivières en 1664, constituent maintenant des lieux attrayants pour une bourgeoisie urbaine soucieuse de contempler le « spectacle » offert par l’« indéfinissable rencontre de la mer et de la montagne ». Ainsi, la révolution des conditions matérielles d’existence au 19ème siècle, marquée par l’avènement des bateaux à

vapeur, l’industrialisation naissante, l’urbanisation et la consolidation de la bourgeoisie, modifie la perception du territoire Charlevoix qui passera du « terrible au merveilleux » (Gauthier, 2014).

Ce changement de regard sur la région de Charlevoix dans la seconde moitié du 19ème siècle marque le début d’une période d’investissements importants dans le secteur de

Malbaie-Pointe-au-Pic, afin de mettre en place les infrastructures nécessaires à l’accueil des touristes : un quai sur pilotis à Pointe-au-Pic (1853), des hôtels comme le Central House

Loge (1860) et Le Charmard’s Lorne House (1872) ainsi qu’une église protestante (The

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