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Charlevoix tributaire d’une « force constructrice destructrice »

Félix-Antoine Savard, la dépossession du territoire dans un contexte marqué par de profondes transformations

Au début du 20ème siècle, la région de Charlevoix était bel et bien intégrée dans la

dynamique du capitalisme industriel qui touchait l’ensemble de la province. Le territoire de Charlevoix devient un objet de spéculation de la part de capitaux, principalement d’origine anglophone, en provenance des milieux urbains qui recherchent l’accumulation pour l’accumulation (Wallerstein, 1983). Comme le souligne Aurélien Boivin dans sa préface à

Menaud, maître-draveur, roman écrit par Félix-Antoine Savard (1937) dont l’action se

déroule dans Charlevoix (Saint-Aimé-des-Lacs), dès le début du 20ème siècle, l’élite

cléricale canadienne-française, dont Félix-Antoine Savard est un fidèle représentant, était consternée par les changements ayant profondément transformé l’ordre ancien, ce que Des Gagniers nomme « la mutation profonde et irréversible » :

Comme d’autres intellectuels et représentants de l’élite traditionnelle de sa génération, le romancier a été effrayé par les progrès rapides de l’industrialisation et de l’urbanisation qui menacent, du moins le croit-on alors, la stabilité et l’équilibre des Canadiens-Français, jusque-là fidèles au passé et à la tradition (Savard, 1990 : 9).

Menaud, maître draveur relate ce sentiment, qui habite l’élite cléricale de l’époque,

d’un présent qui leur échappe, d’un monde qui change trop rapidement. Tout au long du livre, on ressent une vive colère face à une « dépossession » du territoire par les « étrangers », empêchant la poursuite du projet laissé en héritage par les ancêtres. Ainsi, Félix-Antoine-Savard dénonce ce qu’il appelle une « usurpation » du territoire, lequel est maintenant contrôlé par les anglophones.

La « dépossession » du territoire, thème central de Menaud, maître-draveur, n’est que l’aboutissement d’un long processus qui, dans Charlevoix, trouve ses origines au début du 19ème siècle. Cependant, la marginalisation économique de Charlevoix, tout au long de

son histoire, oblige à relativiser l’importance de cette « dépossession du territoire ». À cet égard, l’évolution de l’industrie forestière dans la région du Saguenay, aux 19ème et 20ème

siècles, semble beaucoup plus représentative du message véhiculé par le roman. Pour Yvan G. Lepage (2004), spécialiste de l’œuvre de Savard, le terme « étranger » ne désigne nul autre que les Price. Dans la préface de la réédition de la parution originale de Menaud, Gauthier affirme clairement que la trame du roman s’inscrit au Saguenay puisque la région de Charlevoix n’est pas considérée intéressante « faute de rentabilité » au début du 20ème

siècle :

Donc, la mise en situation de Menaud maître-draveur est surtout saguenéenne et non charlevoisienne, car les enjeux évoqués se réfèrent au cadre industriel déjà fort actif de cette région et ne sont pas du tout présents de la même manière dans Charlevoix. En fait, dans le Charlevoix du début du 20ème siècle,

l’industrialisation ne s’est pas vraiment imposée (Savard, 2009 : 13).

Charlevoix reste donc assez en marge face à ce processus d’« usurpation » du territoire, passant même, pour certains villégiateurs tels que Jori Smith (peintre de Montréal ayant résidé à Petite-Rivière-Saint-François dans les années 1930), pour un lieu complètement extérieur au « progrès » :

It is not about my life, it’s about what I witnessed in Charlevoix County in those very important years from 1930 to 1940. I’ll tell you why they were important. They (the residents) were living exactly as in the eighteenth, seventeenth centuries, like their parents and like their grandparents […] away, isolated up in the mountains, where we spent two winters just with the people, living as they lived…we were the only ones who did this. The war and the advent of radio abruptly and drastically changed this way of life forever (Smith, 1998: 7).

Il faut néanmoins être prudent avec ce genre de discours, Vézina (1977), Villeneuve (1999) et Gauthier (2014) ont démontré comment, tout au long du 19ème et début 20ème

siècles, les élites urbaines ayant visité Charlevoix ont représenté ce qu’il voulait y trouver, en fonction d’idéologies anti-urbaine et anti-moderne, plutôt que la véritable territorialité charlevoisienne de l’époque (matérialité). Il n’en demeure pas moins que les propos de Smith invitent à relativiser l’ampleur de la modernisation de Charlevoix au 19ème et au

début du 20ème siècles. Mis à part l’industrie touristique, la région de Charlevoix semble

importante barrière à cette industrialisation : à côté de l’« industrieuse » rivière Saguenay, la rivière Malbaie et la rivière du Gouffre passent pour de petits ruisseaux.

Bref, ce sentiment de dépossession véhiculé par Félix-Antoine Savard rappelle la notion d’« accumulation par dépossession », proposée par David Harvey (2013 : 103-111). Une fois passé aux mains des étrangers, c’est-à-dire le capital anglophone, le contrôle des ressources du territoire deviendra un enjeu important sur lequel se construira le nationalisme québécois montant du milieu du 20ème siècle (Tremblay-Pepin et al., 2015).

Les lignes qui suivent démontrent comment Charlevoix, tout au long du 20ème

siècle, témoigne de ce que Schumpeter (1954), Beaud (2010), Harvey (2014) et Ferry (2014) considèrent être la nature du capitalisme : « une force destructrice constructrice » qui implique une révolution permanente. Pour le territoire charlevoisien, il est aussi question des implications du nouveau contexte de civilisation posturbain et postindustriel que Courville (2000 : 22) synthétise en ces termes : « Ce contexte sera suivi, à partir de la fin des années 1950, d’un nouveau contexte de développement caractérisé cette fois par l’expansion spatiale des villes, le renouvellement des infrastructures de transport et de communication, la suburbanisation et la migration extra urbaine de l’industrie » (22).

Comme l’expliquent Gauthier et Perron (2002), la région de Charlevoix a connu au cours du 20ème siècle une déstructuration importante de son infrastructure économique basée

sur la mer (cabotage), la terre (agriculture) et la forêt (exploitation forestière). De cette déstructuration n’est restée que l’industrie touristique qui a connu un important essor à partir du milieu du 19ème siècle (Perron, 2003 ; Villeneuve, 1999 ; Gauthier et Perron, 2002

; Dubé, 1986 ; Gauthier, 2006).

Pour mieux analyser les transformations qui ont touché la région au 20ème siècle, il

est utile de se référer à trois documents mandatés par le Gouvernement de la province de Québec au cours du 20ème siècle : Inventaire des ressources naturelles et industrielles, 1942,

Comté municipal de Charlevoix (Angers, 1942), La mission technique d’aménagement de

Charlevoix (1972-1975) produite par l’Office de Planification et de Développement du

Québec (OPDQ, 1975) et finalement le projet « PAISAGE », produit en 1977 par les professeurs Jean Raveneau et Luc Bureau du Département de géographie de l’Université Laval.

Agriculture, vers un déclin

Dans le cadre de ce travail, il importe de retenir du document produit par Angers en 1942 que déjà à cette époque, l’agriculture était considérée comme une activité secondaire. Gauthier et Perron résument les conclusions de cette étude : « Déjà à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, il (François-Albert-Angers) suggérait de faire de l’industrie touristique la deuxième activité en importance dans l’économie du comté, après la forêt, mais bien avant l’agriculture » (2002 : 102).

Plus récemment, Normand Perron (2014), dans l’introduction du dossier spécial produit par la Société d’histoire de Charlevoix sur La Mission technique d’aménagement

(1972-1975), a synthétisé l’étude menée par Angers en 1942 :

Les principales propositions concernent le bois et le tourisme qui deviennent les ressources principales du comté et l’agriculture dont le statut en devient un de ressource secondaire […]. En ce qui concerne les activités agricoles, on reconnaît d’emblée l’importance de l’agriculture traditionnelle dans ce comté. Mais on cerne aussi vite les problèmes (méthode de culture) et les limites (qualités des terres). Avec bien peu de ménagement, on ne la priorise aucunement comme facteur de développement, si ce n’est que dans les meilleures zones qui se résument aux terres des vallées de La Malbaie et du Gouffre (SHC, 2014 : 6).

Ainsi, déjà en 1942, l’agriculture ne figure pas comme la voie de développement à privilégier pour assurer la stabilité économique du comté de Charlevoix. Wynn résume en ces termes les mutations qui ont eu lieu au 20ème siècle dans le secteur agricole à l’échelle

du Canada : « In the most general terms, small farms, using mainly animal power, with uncertain yields and low and variable incomes yielded ground to larger, highly capitalized and mechanized operations, dependent upon external financing and price-support mechanisms, as well as fertilizers and pesticides to return relatively reliable profit » (Wynn, 2007 : 195).

Les Figures 11 et 12 permettent de mieux comprendre les conséquences sur l’agriculture québécoise des processus décrits par Wynn (2007). Alors que le nombre de fermes diminue à partir des années 1940, la superficie moyenne de celles-ci ne cesse d’augmenter durant la même période (Figure 11). Il y a un processus d’intensification (augmentation de la technologie), de consolidation (augmentation de la superficie des fermes) et de concentration dans les zones d’expansion-intensification, situées dans les

basses terres du Saint-Laurent, où une agriculture productiviste tournée vers l’exportation est pratiquée (Figure 12).

Figure 11 Évolution du nombre et de la superficie moyenne des fermes de 1921 à 2011 dans la province de Québec

Tirée du site internet officiel de la Financière Agricole Québec, Gouvernement du Québec 2014. Ces deux courbes opposées témoignent des importants bouleversements survenus dans le secteur agricole au Québec depuis plus d’un siècle. Cette figure témoigne de l’industrialisation de l’agriculture qui a emporté l’ancienne agriculture paysanne. Le secteur agricole n’a pas été épargné par cette force destructrice créatrice qu’est le capitalisme. Figure 12 Répartition géographique des « zones d’expansion-intensification marquée » dans la province de Québec

Tirée de Ruiz et Domon (2005 : 64) On peut voir que la région de Charlevoix est périphérique à ce processus et qu’elle appartient aux zones en déprise. Une agriculture à deux vitesses caractérise maintenant la province : l’une en croissance dans les basses terres du Saint-Laurent et l’autre en déprise dans les régions périphériques aux

L’agriculture dans les régions périphériques aux basses terres est quant à elle en déprise. En effet, sa situation géographique ne lui permet pas d’être compétitive dans ce nouveau contexte caractérisé par une agriculture productiviste (Domon et Ruiz, 2005 : 64). La province de Québec est maintenant caractérisée par une agriculture à deux vitesses : l’une intensive et spécialisée, présente dans les basses terres, et l’autre en déprise, située dans les zones périphériques caractérisées par des altitudes élevées, des sols de qualité inférieure et un éloignement par rapport aux marchés. Les conclusions de l’étude produite par Angers démontrent que ces tendances étaient déjà présentes dans la région de Charlevoix dans les années 1940.

Ensuite, dans son étude sur la caractérisation des paysages dans Charlevoix, Bureau (1977 : 199) a présenté la Figure 13 ci-dessous qui résume comment au fur et à mesure que le contexte économique changeait, les problèmes reliés à l’agriculture dans Charlevoix (relief accidenté, éloignement des marchés, température, etc.) devenaient de plus en plus importants.

Ce déclin est aujourd’hui perceptible dans le paysage de Charlevoix (Figure 14) où l’on voit que les terres moins fertiles des plateaux intermédiaires sont abandonnées et retournent en friche. On assiste à une situation similaire à ce qui se déroule dans la province : alors que l’agriculture dans les basses terres connaît une certaine intensification, l’agriculture des plateaux intermédiaires est en déprise.

Figure 13 Importance de l’agriculture et qualité du milieu dans Charlevoix

Tirée du projet « PAISAGE », Bureau (1977 : 199). À l’échelle de Charlevoix, l’industrialisation de l’agriculture, c’est-à-dire l’idée que l’agriculture doit être orientée vers les marchés d’exportation dans le but de faire du profit, n’a fait qu’accentuer les problèmes du cadre géographique de celle-ci dans Charlevoix. Ainsi, le relief n’était pas propice à la mécanisation, la température n’était pas optimale comme dans le sud de la province, etc.

Figure 14 Maison abandonnée, chemin Sainte-Catherine (sur le plateau intermédiaire)

Cliché pris par Matthew Hatvany lors de l’été 2009. Aujourd’hui, le paysage de Charlevoix témoigne d’un monde révolu que la « mutation profonde et irréversible » a rendu obsolète, mais néanmoins charmant pour les touristes. Le défi est aujourd’hui de trouver de nouvelles fonctions à ces bâtiments afin de préserver leur héritage, mais aussi de rendre la région plus attrayante pour les visiteurs (tourisme).

L’étude de Bureau visait à dresser les grandes lignes du « projet collectif charlevoisien », autour duquel orienter les politiques de préservation des paysages. Il importe de mentionner que dans les conclusions de son étude, Bureau (1977) ne mentionne pas l’agriculture dans les trois principaux axes à privilégier :

1) la forêt a été et continue d’être une partie intégrante du projet collectif; 2) la mer, en particulier pour la population de la côte, occupe une position

éminente dans l’échelle de valorisation et définit une autre constante de ce projet;

3) l’activité́ touristique, par sa continuité et sa progression dans le temps, esquisse une dernière dimension de ce projet.

Toutefois, comme le souligne Gaston Ouellet, ancien directeur de L’OPDQ durant

La Mission technique d’aménagement de Charlevoix (1972-1975), l’agriculture dans

Charlevoix n’a pas dit son dernier mot :

Mais ce qui m’apparaît le plus intéressant, c’est ce virage axé sur les productions spécialisées que connaît depuis quelques années l’agriculture, grâce à l’audace et l’imagination de jeunes producteurs qui ont décidé de se prendre en main et de créer de nouvelles productions, à partir de produits régionaux et de nouveaux élevages.

Barham (2005) a montré comment les habitants, par l’entremise de la Table Agro- Touristique de Charlevoix, ont été en mesure de prendre en main le développement économique de leur région dans un long processus qui allait mener jusqu’à la mise sur pied d’une Appellation d’Origine Contrôlée pour l’agneau de Charlevoix. Néanmoins, malgré des exemples intéressants, il ne fait pas de doute que l’agriculture dans Charlevoix a connu, tout au long du 20ème siècle, un inexorable déclin qui se poursuit encore aujourd’hui.

Déclin de l’industrie forestière et disparition du cabotage

En ce qui concerne l’industrie de cabotage, on peut lire dans La Mission technique

d’aménagement de Charlevoix (1975), comment l’avènement du capitalisme, cette « force

destructrice constructrice », a bouleversé les anciennes structures de l’économie régionale : Au fur et à mesure du développement du pays et de la modernisation des équipements, le transport maritime intérieur par goélette de bois, sur le Saint- Laurent, s’en est trouvé affecté considérablement et l’économie de Charlevoix en subissait le contrecoup. L’arrivée du chemin de fer dans la région en 1914, l’inauguration du pont de Québec en 1918, le développement de la route et du camionnage, la mise en service de navires plus gros à coque d’acier et l’éventuelle mise en service du transbordeur ferroviaire entre Matane, Baie- Comeau et Sept-Îles sont donc les grandes étapes qui ont marqué et qui finiront d’affecter l’industrie des transports maritimes de Charlevoix (Mission Charlevoix, 1975 :18).

La dernière goélette qui a été construite en 1959 dans la municipalité de PRSF marque la fin d’une époque qui aura duré un siècle (1860-1960) (Gauthier et Perron, 2002 : 96). Le développement du réseau routier et de l’automobile s’est avéré fatal pour cette industrie dont les traces s’effacent tranquillement au point de devenir imperceptibles dans le paysage (Figure 15).

Figure 15 Ancien bateau à voile abandonné dans Charlevoix

Cliché pris par Hatvany lors de l’été 2009. Entre 1860 et 1960, les transports maritimes sont très importants en ce qui a trait au réseau de communication de la région. L’apparition de l’automobile et des camions constituera l’innovation qui viendra sonner le glas du cabotage dans Charlevoix. Ce paysage qui met de l’avant le bateau appelé « l’accalmie » témoigne de cette force « destructrice constructrice » qu’est le capitalisme. Depuis, ce vestige du passé est retourné en cendres après avoir été incendié à l’hiver 2015.

L’industrie forestière connaîtra un meilleur sort, notamment en raison de l’usine de pulpe et de papier de Clermont qui exerce une emprise déterminante sur l’industrie forestière de Charlevoix :

La forêt de Charlevoix a contribué au développement de l’usine de pulpe et de papier de Clermont, depuis son implantation en 1909. C’est seulement en 1963 cependant que l’usine de la compagnie Donohue Limitée prend son véritable essor : la production du papier-journal passe de 107,000 tonnes à 243,000 tonnes durant cette même période et de plus en 1973 la compagnie la production de pâte au bisulfite (Mission Charlevoix, 1975 : 16).

Néanmoins, aujourd’hui, avec le déclin de l’industrie des journaux écrits, l’usine de pâtes et papiers Clermont, qui appartient depuis 2000 à la papetière Abitibi Consolidated, estt, selon Gauthier et Perron dans un climat d’incertitude : « Comme pour l’ensemble de l’industrie forestière de Charlevoix, l’avenir de l’usine de pâtes et papiers de Clermont reste

un sujet d’inquiétude, car sa capacité de production est limitée et les réserves de bois dans Charlevoix sont de plus en plus réduites » (2002 : 81).

L’ « âge d’or » de l’industrie forestière dans Charlevoix dans les années 1970, où la Donohue comptait un total de 620 employés, semble aujourd’hui appartenir à un passé lointain. Alors qu’en 1988, il y avait cinq machines en opération, aujourd’hui, en 2015, il n’en reste plus qu’une seule, ce qui est un signe de l’important déclin de cette industrie (Harvey, 2004).

Le tourisme dans Charlevoix : une banlieue pour les nantis de Québec ?

Un retour sur la périodisation proposée par la Société d’Histoire de Charlevoix (annexe 1) permet de comprendre que même l’industrie touristique dans Charlevoix a connu des difficultés à partir des années 1940. C’est à cette époque qu’on assiste à une diminution des constructions de résidences de villégiature et la Canada Steamship Line, compagnie qui, en 1913, avait pris la relève de la Richelieu & Ontario Navigation

Company, met définitivement fin à la célèbre croisière du Saguenay en 1966 (Lambert et

Roy, 2001). La fin de l’époque des « bateaux blancs » dans Charlevoix donna un dur coup à l’industrie touristique de la région, qui fut fortement dépendante des cohortes de touristes transportées par ces derniers (SHC, 2011).

Le document Mission Charlevoix, produit en 1975, résume la situation comme suit : « Le changement dans les habitudes et les mœurs touristiques a fait quelque peu délaisser la région, sans que celle-ci n’ait rien perdu de ses puissants atouts liés à ses paysages naturels. À son folklore, à son artisanat et au genre de vie de ses habitants » (1975). Cependant, l’amélioration du système routier à partir de la décennie 1970 et l’avènement d’un tourisme de masse vinrent donner un second souffle à l’industrie touristique (Cimon, 2014). Charlevoix passa d’un tourisme bourgeois concentré dans le temps (la saison estivale) et dans l’espace (secteur de la Malbaie-Pointe-au-Pic) à un tourisme plus « démocratique », dit de « masse », qui s’étendit de plus en plus à l’ensemble de son territoire et qui s’étala durant toute l’année. Cimon résume bien le nouveau contexte pour l’industrie touristique, rendu possible grâce à l’automobile : « La multiplication récente des automobiles a amené un tourisme de masse dans la région autrefois “isolée” de Charlevoix, laquelle se transforme déjà en une banlieue de plein air pour les nantis de Québec et de Montréal » (2014 : 94).

Au sujet des objectifs de la Mission technique d’aménagement de Charlevoix, Gauthier va dans le même sens :

Les promoteurs de la Mission technique d’aménagement de Charlevoix voient bien venir l’étalement urbain et ils lui font un nid dans Charlevoix avec la plupart des projets retenus. Les propos d’Yvon Tremblay cités plus haut montrent bien ce désir des promoteurs de la Mission d’en faire un lieu touristique pour la grande région de Québec pour l’ériger en « banlieue récréative » plutôt qu’en région spécifique. Les projets aidés financièrement dans les suites de la Mission s’adresseront de fait prioritairement à une clientèle urbaine extérieure à Charlevoix : les centres de ski, les musées de La Malbaie et éventuellement celui de Baie-Saint-Paul et le Domaine Forget (SHC, 2014 : 26).

À la lumière des concepts de territorialité et d’urbanité, on voit dans ce passage que le second s’impose de plus en plus face au premier. Les Charlevoisiens sont devenus les spectateurs plutôt que les acteurs du développement de leur région, maintenant de plus en

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