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Le rôle des institutions financières dans la lutte contre la maltraitance financière et matérielle envers les personnes aînées en situation de vulnérabilité : élaboration d'un protocole respectueux du droit à l'autonomie

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Texte intégral

(1)

Le rôle des institutions financières dans la lutte contre

la maltraitance financière et matérielle envers les

personnes aînées en situation de vulnérabilité.

Élaboration d'un protocole respectueux du droit à

l'autonomie

Mémoire

Anne Kamateros

Maîtrise en droit - avec mémoire

Maître en droit (LL. M.)

(2)

Résumé

La gestion des cas de maltraitance envers des personnes âgées en situation de vulnérabilité a beaucoup évolué au Québec, surtout avec l’adoption de la Loi visant à lutter contre la maltraitance

envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité qui prévoit la

dénonciation obligatoire au commissaire local aux plaintes et à la qualité des services, lorsque la victime est hébergée dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée. De plus, la maltraitance financière a été identifiée comme l’une des orientations prioritaires du deuxième plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées. Depuis son entrée en vigueur, plusieurs initiatives ont été prises, notamment par l’Autorité des marchés financiers et l’Association des banquiers canadiens, afin d’encadrer davantage le secteur financier.

Les institutions financières sont souvent identifiées comme étant des actrices de première ligne dans la lutte contre la maltraitance financière, mais contrairement à la lutte contre le blanchiment d’argent, les banques ne sont pas réglementées pour gérer des cas de maltraitance financière et matérielle sur des personnes aînées en situation de vulnérabilité.

Les représentants des institutions financières au Québec ont montré leur volonté de participer à la lutte contre la maltraitance des personnes aînées en situation de vulnérabilité, notamment par leur participation au forum qui a eu lieu à Québec en 2018. Une intervention législative est-elle nécessaire pour atteindre ce but ? La dénonciation devrait-elle être obligatoire ? Les institutions financières peuvent-elles adopter certaines pratiques et protocoles, selon les lois actuelles en vigueur, afin de leur permettre de mieux prévenir et repérer les cas de maltraitance financière des personnes en situation de vulnérabilité et de connaître comment et quand intervenir ?

Nous souhaitons apporter des réponses à ces questions dans ce mémoire. Pour y parvenir, nous exposerons d’abord le cadre législatif en vigueur au Québec, au fédéral et dans deux provinces : la

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Saskatchewan et la Colombie-Britannique. Nous ferons également une étude du cadre juridique en vigueur aux États-Unis et en Australie, à des fins comparatives. Nous explorerons ensuite les pratiques et les procédures mises en place par certaines institutions financières aux États-Unis et au Royaume-Uni. Nous croyons que notre étude permettra de démontrer qu’une intervention législative serait souhaitable pour encadrer les institutions financières canadiennes, mais qu’une dénonciation obligatoire serait contraire au principe de la bientraitance et au droit à l’autodétermination. Enfin, en nous inspirant des façons de faire dans les autres provinces et à l’international, nous proposerons certains protocoles et pratiques aux institutions financières québécoises.

Mots clés : personne aînée, personne âgée, personne en situation de vulnérabilité, maltraitance

financière et matérielle, dénonciation, institutions financières, banques, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Charte des droits et libertés de la personne, Charte québécoise,

Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, protocoles.

(4)

Abstract

The management of elder mistreatment cases has greatly evolved in Quebec, especially since the adoption of the Act to combat maltreatment of seniors and other persons of full age in vulnerable

situations. In virtue of this law, certain people are obligated to report elder mistreatment cases to the

Services Quality and Complaints Commission. In the most recent government action plan, known as the “Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées

2017-2022”, financial elder mistreatment is identified as one of its seven key elements. There have been

some considerable steps taken to combat elder financial mistreatment, particularly by the Autorité des

marches financiers who recently published a guide to help those working in the financial sector better

serve their elderly and vulnerable clients. The Canadian Bankers Association also recently adopted a new Code of Conduct for the Delivery of Banking Services to Seniors (2019), although adherence to said Code is on a purely voluntary basis. While these initiatives remain voluntary, they provide a model framework from which financial institutions can build upon, if they wish to help combat elder financial mistreatment.

The employees of financial institutions are often identified as a potential first-line of defense to help combat elder financial mistreatment, but there exists no federal legal framework, to regulate the financial sector. This absence of legislation is particularly evident when compared to the regulations imposed on banks to prevent and report situations of money laundering.

During a roundtable discussion having taken place in Quebec City, certain bank representatives expressed the need for a framework that would better guide their interactions with vulnerable elderly clients, but does this framework necessarily need to be legal? Is legislative intervention required or can financial institutions use the current laws in force to adopt appropriate protocols that would help them better prevent and detect cases of elder mistreatment and intervene when necessary?

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In the first part of this thesis, we will present the current legal framework existing in Quebec, on a Federal level and in Saskatchewan and British Columbia. We will then present the regulation of the financial sector in the United States and in Australia, for comparative purposes. We believe that our presentation of the regulation of financial institutions in these countries and provinces will support our conclusion that a legislative intervention is highly advisable, while an obligation to report would go against the concepts of well-treatment (“bientraitance”) and of self-determination (“autodétermination”). In the second part of our thesis, we will present certain practices and protocols already enforced by certain financial institutions in the United States and in Great Britain and then demonstrate how they an be transposed and used in Quebec, in accordance with the current legal framework in force.

Key words: « elder mistreatment », « financial mistreatment », « vulnerable adult », « duty to report »,

« financial institutions », « banks », « Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse », « article 48 Charter of Human Rights and Liberties », « Act to combat maltreatment of

(6)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iv

Table des matières ... vi

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Définition de certains concepts fondamentaux... 6

La « maltraitance financière et matérielle » ... 6

La « personne en situation de vulnérabilité » ... 8

Le « droit à l’autodétermination » ou le « droit à l’autonomie de la personne » ... 12

Méthodologie et plan détaillé ... 14

Première partie : le cadre juridique et politique de la lutte contre la maltraitance financière et matérielle ... 18

1.1. Le cadre juridique et politique en vigueur au Québec ... 18

i. L’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne ... 19

ii. La Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne en situation de vulnérabilité ... 24

iii. L’Entente-cadre nationale pour lutter contre la maltraitance envers les personnes âgées ... 29

iv. Les deux plans d’action gouvernementaux ... 33

v. Le Guide pratique développé par l’Autorité des marchés financiers ... 37

1.2. Étude de la législation en vigueur dans d’autres provinces canadiennes – Colombie-Britannique et Saskatchewan ... 42

i. Le Public Guardianship and Trustee Act à Colombie-Britannique et les pouvoirs accordés au Public Guardian and Trustee ... 42

ii. Le Private Guardian and Trustee Act à Saskatchewan et les pouvoirs accordés aux institutions financières ... 43

1.3. Le cadre juridique et politique en vigueur au fédéral ... 45

i. Le devoir de prudence et de diligence des institutions financières ... 46

ii. L’article 7 (d.3) (ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques ... 48

iii. Le Code de conduite pour la prestation de produits et services bancaires aux aînés ... 50 iv. La loi modifiant le Code criminel (maltraitance des aînés) – Loi sur la protection des personnes

(7)

………

……..55

1.4. Aux États-Unis ... 57

i. Le Senior Safe Act 2017 ... 58

ii. Les FINRA Rules ... 60

a. La FINRA Rule 4512 : Trusted Contact Person ... 61

b. La FINRA Rule 2165... 62

iii. Le NASAA Model Act ... 62

iv. Le Gramm-Leach-Bliley Act ... 64

1.5. En Australie ... 66

i. L’Australian Law Reform Commission et la stratégie nationale de lutte contre la maltraitance financière et matérielle ... 66

1.6. Conclusion de la première partie ... 69

Deuxième partie : éléments essentiels du protocole proposé ... 71

2.1. Travailler avec les clients (et non pour les clients) – prioriser la bientraitance des personnes aînées en situation de vulnérabilité ... 72

2.2. Promouvoir la littératie financière ... 74

2.3. Utiliser les technologies disponibles ... 84

2.4. Former obligatoirement les employés aux situations de maltraitance financière et matérielle . 88 2.5. Former des partenariats et encourager le travail en équipes interdisciplinaires ... 95

i. Le role pivot de la LAAA ... 103

ii. L’apport de la Commission des droits de la personne ... 106

iii. L’exemple des États-Unis : les Elder Abuse Forensic Centers, les déclarations d’opérations douteuses et les Adult Protective Services ... 110

2.6. Désigner une personne-ressource ou une équipe spécialisée dans chaque institution financière et établir des procédures pour encadrer les dénonciations ... 114

2.7. Conclusion de la deuxième partie ... 117

Conclusion ... 119 Table de la législation ... 122 Textes constitutionnels ... 122 Textes fédéraux ... 122 Textes québécois ... 122 Textes de la Saskatchewan ... 123 Textes de la Colombie-Britannique ... 123

(8)

Textes américains ... 123 Table de la jurisprudence ... 124 Jurisprudence québécoise ... 124 Jurisprudence de la Saskatchewan ... 125 Jurisprudence de la Colombie-Britannique ... 126 Bibliographie ... 127

Monographies et ouvrages collectifs ... 127

Articles de revues et études d’ouvrages collectifs ... 127

Documents gouvernementaux ... 132

Documents gouvernementaux des États-Unis ... 133

Documents gouvernementaux de l’Australie ... 134

Documents ou rapports d’organismes publics ... 135

Visionnement ... 137

Autres documents : sources électroniques ... 137

Annexe A ... 142

Annexe B ... 143

(9)
(10)

Remerciements

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à ma directrice de recherche, la professeure Christine Morin, pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter ma réflexion. J’ai eu la chance de travailler sur ce projet de recherche avec une éducatrice qui est aussi passionnée que moi par la protection des personnes aînées en situation de vulnérabilité. Je tiens également à remercier Sarita Israel qui a été une de mes superviseures de stage au Centre local de service communautaire (CLSC) René Cassin pendant que j’étais étudiante en travail social à l’Université McGill. Cette dernière m’a invitée à faire partie de l’équipe de consultation multisectorielle provinciale de lutte contre la maltraitance des aînés du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal et elle m’a aidée à découvrir le sujet qui a guidé ce mémoire.

Un grand merci également à Me Ann Soden, Ad. E., pour m’avoir toujours inspirée à accorder la plus

grande importance au droit à l’autodétermination de la personne.

Enfin, je remercie toutes les personnes aînées qui ont aidé à bâtir notre société et qui méritent d’être traitées avec soin et respect.

(11)

Introduction

La maltraitance des personnes aînées est fréquente1. D’après l’Organisation mondiale de la santé

(OMS), environ « 1 personne âgée sur 6 est victime de maltraitance sous une forme ou une autre »2.

Selon une étude publiée dans la revue The Lancet Global Health, 11,6 % des personnes âgées de 60 ans et plus ont déjà été victimes de maltraitance financière3. Dans un rapport datant de 2016, les

intervenants de la Ligne Aide Abus Aînés (LAAA) ont observé que les cas de maltraitance financière et psychologique étaient les plus fréquents4. Dans le but d’enrayer le phénomène de la maltraitance

des personnes aînées, le Secrétariat aux aînés s’est engagé à porter une attention particulière à la maltraitance financière dans son Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les

personnes aînées 2017-2022 (PAM 2017-2022)5. À cette fin, un forum a eu lieu en février 2018 à

Québec6 au cours duquel le représentant de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a confirmé son

engagement dans l’élaboration d’un guide des meilleures pratiques destinées aux employés des institutions financières, afin de les aider à gérer des situations de maltraitance financière et matérielle7.

Ce guide a été publié en juin 20198. En juillet 2019, l’Association des banquiers canadiens (ABC) a

1 Prudence SMITH et Tarik JASAREVIC, Augmentation de la maltraitance des personnes âgées: 1 personne sur 6 est touchée, Communiqué de presse, Genève, ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ, 2017, en ligne :

https://www.who.int/fr/news-room/detail/14-06-2017-abuse-of-older-people-on-the-rise-1-in-6-affected (consulté le 10 septembre 2018).

2 Id.

3 Yongjie YON, Christopher R. MIKTON, Zachary D GASSOUMIS et Kathleen H WILBER, « Elder abuse prevalence in community settings: a systematic review and meta-analysis », (2017) 5-2 The Lancet Global Health, en ligne:

https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(17)30006-2/fulltext (consulté le 10 septembre 2018). 4 Alexandre TOURIGNY et Ourdia NAIDJI, Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2010-2015 (Mesure 3) - Évaluation de l’efficacité de la ligne téléphonique Aide Abus Aînés, Ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS), 2016, en ligne :

https://www.aideabusaines.ca/wp-content/uploads/2018/12/Rapport-evaluation-LAAA-MSSS.pdf (consulté le 20 janvier 2018) p. 6 (PDF).

5 MINISTÈRE DE LA FAMILLE - SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, Québec, 2017, en ligne :

https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/ainee/F-5212-MSSS-17.pdf (consulté le 10 janvier 2018) p. 21 (PDF). 6 MINISTÈRE DE LA FAMILLE (2018, février) Forum maltraitance matérielle et financière envers les personnes aînées [Vidéo en ligne]. Repéré à https://www.facebook.com/FamilleQuebec/videos/1220267358103740/.

7 Id.; Infra, p. 38.

8 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Protéger un client en situation de vulnérabilité - guide pratique pour l’industrie des services financiers, 2019, en ligne :

(12)

adopté un Code de conduite pour la prestation des services bancaires aux aînés9, afin d’encadrer les

agissements des employés des institutions financières envers les clients âgés de 65 ans et plus10.

Les banques jouent un rôle important dans la lutte contre la maltraitance financière et matérielle. En juin 2018, la directrice générale de la National Adult Protective Services Association11 a indiqué que la

collaboration des institutions financières était indispensable pour lutter contre la maltraitance des personnes âgées : « With the rise of elder financial abuse, cooperation with banks is not just helpful,

but vital to ensuring the well-being of older adults »12. Au Québec, le Comité national d’éthique sur le

vieillissement (CNEV) a indiqué qu’il fallait mettre en place « un cadre engageant permettant aux acteurs du secteur financier de se poser en sentinelles de prévention de la maltraitance financière »13.

Actuellement, certains établissements financiers sont sensibilisés à la maltraitance et ont adopté des protocoles internes14. Toutefois, lors du forum de février 201815, les représentants de la Banque de

Montréal et de la Banque nationale ont indiqué à plusieurs reprises qu’il était nécessaire de créer

https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/grand_public/publications/professionnels/tous-les-pros/guide-bonnes-pratiques-personnes-vulnerables_fr.pdf (consulté le 15 juin 2019); Infra, p. 38.

9 ASSOCIATION DES BANQUIERS CANADIENS, 2020, en ligne : https://cnpea.ca/fr/outils/outils-strategiques/1006-code-de-conduite-pour-la-prestation-de-services-bancaires-aux-a%C3%AEn%C3%A9s; Infra, p. 51.

10 Id.

11 Voir : NATIONAL ADULT PROTECTIVE SERVICES ASSOCIATION (NAPSA), « About NAPSA », en ligne :

https://www.napsa-now.org/about-napsa/overview/ (consulté le 22 janvier 2020) : l’APS est un organisme sans but lucratif national avec des membres dans chacun des états aux États-Unis qui a pour mission d’offrir un soutien aux Adult Protective Services et pour assurer une amélioration des services pour les cas de maltraitance envers les aînés et les personnes en situation de vulnérabilité.

12 AMERICAN BANKERS ASSOCIATION, « ABA Foundation Releases Bank Guide for Preventing Elder Financial Abuse » (juin 2018), en ligne : https://www.aba.com/about-us/press-room/press-releases/foundation-releases-guide-prevent-elder-financial-abuse (consulté le 10 septembre 2018).

13 COMITÉ NATIONAL D’ÉTHIQUE SUR LE VIEILLISSEMENT, Pour lutter contre la maltraitance financière: accompagner l’autonomie de la personne âgée, Québec, 2018, en ligne :

https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2018/CNEV-2018_avis_maltraitance.pdf (PDF) (consulté le 30 juillet 2018, p. 69.

14 Voir : « Exploitation financière des aînés » https://www.desjardins.com/particuliers/projets-evenements/retraite/je-profite/premunir-contre-fraude/exploitation-financiere/index.jsp (consulté le 10 septembre 2018) : à titre d’exemple, le Mouvement Desjardins a un programme dédié à la prévention de l’exploitation financière des aînés.

(13)

un guichet unique, afin de permettre aux employés des institutions financières d’être guidés et d’être aptes à intervenir auprès de clients âgés en situation de vulnérabilité, soupçonnés d’être victimes d’exploitation financière16.

Les employés des institutions financières sont souvent les premiers à constater des cas de maltraitance financière sur des personnes en situation de vulnérabilité, mais ils ne savent pas toujours comment intervenir, ni à qui s’adresser17. Ce manque de connaissance, de formation et de soutien au

sein de leur propre institution risque de créer un sentiment d’impuissance chez ces employés et, par conséquent, d’entraîner un abandon des personnes âgées victimes de maltraitance financière18. À titre

d’exemple, dans une affaire récemment jugée par le Tribunal des droits de la personne (TDP), la directrice et la caissière d’une succursale ont pu identifier un cas de maltraitance financière concernant l’une de leurs clientes en situation de vulnérabilité. Leur cliente a néanmoins été victime d’une fraude de plus de 300 000 $ sur une période de 18 mois, car la directrice et la caissière ne savaient pas comment intervenir, ni à qui elles devaient faire appel19.

En revanche, le désir que pourraient avoir des employés de protéger et d’aider leurs clients âgés serait susceptible de les amener à adopter des comportements relevant de l’âgisme, car ils risqueraient d’infantiliser ces personnes et de leur retirer leurs droits. Ainsi, afin de lutter efficacement contre la

16 Id.; Infra, p. 104.

17 Catherine ROSSI, Jennifer GRENIER, Raymonde CRÊTE et Alexandre STYLIOS, « L’exploitation financière des personnes aînées au Québec: le point de vue des professionnels », (2016), p. 134-135; Marian PASSMORE et Laura TAMBLYN WATTS, Report on Vulnerable Investors: Elder Abuse, Financial Exploitation, Undue Influence and Diminished Mental Capacity (Report on Vulnerable Investors), Ontario, novembre 2017, en ligne :

http://faircanada.ca/wp-content/uploads/2017/11/171115-Vulnerable-Investor-Paper-FINAL.pdf (consulté le 14 janvier 2018). 18 COMITÉ NATIONAL D’ÉTHIQUE SUR LE VIEILLISSEMENT, préc., note 13 p. 31, 72.

19 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Even) c. Lessard (Calfeutrage Multi-Scellant), 2020 QCTDP 3; Jesse FEITH, « Vulnerable and isolated senior preyed on by construction company, tribunal rules », Montreal Gazette, en ligne :

(14)

maltraitance financière, les employés des établissements financiers devraient d’une part, savoir identifier une personne âgée « en situation de vulnérabilité »20 et d’autre part, respecter le droit à

l’autonomie de la personne.

Suite aux constats exposés précédemment, notre objectif général de recherche consiste à réfléchir au rôle des établissements financiers dans la lutte contre la maltraitance financière et à participer à la mise en place des principes directeurs indiqués dans le PAM 2017-2022, tels que la promotion de la bientraitance, la facilitation du repérage et la divulgation21. Nous souhaitons identifier les protocoles

et/ou les pratiques que pourraient adopter les institutions financières, afin de prévenir et repérer un cas de maltraitance et d’intervenir auprès de personnes âgées en situation de vulnérabilité, en respectant leur droit à l’autodétermination. Ainsi, nous souhaitons répondre à la question suivante : une intervention législative est-elle nécessaire pour que les banques participent à la lutte contre la maltraitance financière des personnes âgées en situation de vulnérabilité ? Nous formulons l’hypothèse qu’une intervention législative serait souhaitable pour encadrer davantage les institutions financières au Québec.

En nous inspirant des initiatives, des pratiques et des outils existants, nous pensons pouvoir proposer une procédure aux employés du secteur bancaire qui les aiderait à protéger des personnes âgées en situation de vulnérabilité et à intervenir en cas de besoin. Nous pensons qu’une telle démarche est possible si les institutions financières adoptent certaines pratiques internes, incluant la formation

20 COMITÉ NATIONAL D’ÉTHIQUE SUR LE VIEILLISSEMENT, préc., note 13, p. 49.

(15)

obligatoire de leurs employés, et si elles se familiarisent avec les ressources communautaires et gouvernementales22.

Pour y parvenir, ce mémoire comprend deux parties. Dans un premier temps, nous réaliserons une étude du cadre juridique en vigueur au niveau fédéral, au Québec et dans deux autres provinces canadiennes. Nous comparerons également ces cadres juridiques avec ceux en vigueur aux États-Unis et en Australie de manière à pouvoir déterminer si une intervention législative serait souhaitable, afin d’encadrer davantage les institutions financières au Québec. Dans un deuxième temps, nous présenterons les outils, les pratiques et de procédures mis en place par certaines institutions financières aux États-Unis et au Royaume-Uni dans l’objectif de pouvoir proposer des pratiques et un protocole qui seraient transposables aux institutions financières québécoises.

(16)

Définition de certains concepts fondamentaux

Avant de débuter notre exposé, il est important de définir certains concepts clés, tels que la « maltraitance financière et matérielle », la « personne en situation de vulnérabilité » et le « droit à l’autodétermination ».

La « maltraitance financière et matérielle »

Au sens large, la maltraitance est définie par la loi comme étant « un geste singulier ou répétitif, ou une absence d’action appropriée, intentionnel ou non, qui se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée. »23 Sept

formes de maltraitance sont identifiées et définies dans le PAM 2017-202224 et dans le Guide de

référence pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées (Guide de référence)25 : la

maltraitance psychologique, physique, sexuelle, organisationnelle, matérielle ou financière, la violation des droits et l’âgisme26. La maltraitance financière et matérielle est définie dans le PAM 2017-2022 et

dans le Guide de référence comme étant « l’obtention ou l’utilisation frauduleuse, illégale, non

23 Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, L.R.Q., c. L-6.3, par. 2(3o); MINISTÈRE DE LA FAMILLE - SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, note 5, p. 15; ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ, The Toronto Declaration on the Global Prevention of Elder Abuse, 2002, en ligne :

http://www.who.int/ageing/projects/elder_abuse/alc_toronto_declaration_en.pdf (consulté le 10 janvier 2017). 24 MINISTÈRE DE LA FAMILLE - SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, préc., note 5.

25 MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Guide de référence pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, Gouvernement du Québec, Québec, 2016, en ligne :

https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/ainee/13-830-10F.pdf (consulté le 10 septembre 2017), p. 14-16. 26 CHAIRE DE RECHERCHE SUR LA MALTRAITANCE ENVERS LES PERSONNES AÎNÉES ET LIGNE AIDE ABUS AÎNÉS, Terminologie sur la maltraitance envers les personnes aînées, Ministère de la Famille - Secrétariat aux aînés, Gouvernement du Québec, 2017, en ligne :

http://maltraitancedesaines.com/images/Terminologie_sur_la_maltraitance_envers_les_personnes_a%C3%AEn%C3%A 9es.pdf (PDF), (consulté le 10 septembre 2018).

(17)

autorisée ou malhonnête des biens ou des documents légaux de la personne, l’absence d’information ou la mésinformation financière ou légale. »27

Il est important de noter que la définition de la « maltraitance » diffère de la définition de l’« exploitation » au sens de l’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne (Charte québécoise)28. La maltraitance est généralement définie comme étant le fait de « profiter de l’état de

vulnérabilité ou de dépendance [d’une personne aînée] pour la priver de ses droits »29. En revanche,

la professeure Marie-Hélène Dufour indique que les tribunaux ont élaboré une définition plus restreinte de la notion d’exploitation qui implique la démonstration de : (1) une mise à profit, (2) une position de force et tout cela (3) au détriment des intérêts des plus vulnérables30. La notion d’exploitation fait

toutefois l’objet de discussion31. Dans l’un de leurs articles, Catherine Rossi et Raymonde Crête

proposent une définition élargie de cette notion : il s’agirait de « toute forme d’appropriation, de contrôle ou d’affectation, illicite ou indue, de biens matériels ou immatériels d’une personne vulnérable, et qui porte atteinte à ses droits et intérêts »32. Il est important de noter que la notion d’exploitation, au sens

de la Charte québécoise, n’a pas été retenue par le législateur dans la Loi visant à lutter contre la

maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité33 (Loi visant

à lutter contre la maltraitance). Selon certains juristes, le législateur aurait dû au moins inclure une liste

non limitative des différentes formes de maltraitance, comprenant l’exploitation34.

27 MINISTÈRE DE LA FAMILLE - SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, préc., note 5, p. 18; MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, préc., note 25, p. 15.

28 RLRQ c. C-12, art. 48.

29 MINISTÈRE DE LA FAMILLE - SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, préc., note 5, p. 453; Marie-Hélène DUFOUR, « Définitions et manifestations du phénomène de l’exploitation financière des personnes âgées », (2014) 2-44 R.G.D. 235, p. 253.

30 M-H DUFOUR, préc., note 29, p. 254.

31 Id. : notamment en raison de la nécessité de faire preuve d’une mise à profit. 32 Id.; C. ROSSI, J. GRENIER, R. CRÊTE et A. STYLIOS, préc., note 17, p. 103. 33 Préc., note 24; Infra, p. 25.

34 Christine MORIN, Marie-Hélène DUFOUR et Raymonde CRÊTE, Mémoire de la chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés. Projet de loi no 15 Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute

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Dans le cadre de ce mémoire, nous retiendrons la définition de la maltraitance financière et matérielle du PAM 2017-202235, car elle est plus large et elle englobe davantage de situations que la définition

de l’exploitation retenue par les tribunaux36. Nous pensons également qu’elle se rapproche davantage

de la définition de l’exploitation37 proposée par Catherine Rossi et Raymonde Crête, car elle met

l'accent sur la situation de vulnérabilité de certaines personnes âgées38.

La « personne en situation de vulnérabilité »

La Loi visant à lutter contre la maltraitance39 est le premier texte législatif définissant une « personne

en situation de vulnérabilité » :

Une personne majeure dont la capacité de demander ou d’obtenir de l’aide est limitée temporairement ou de façon permanente, en raison notamment d’une contrainte, d’une maladie, d’une blessure ou d’un handicap, lesquels peuvent être d’ordre physique, cognitif ou psychologique.40

Cette définition vise toute personne majeure et non uniquement les personnes aînées41. Elle met

l’accent sur la relation de dépendance entre la victime et la personne présumée maltraitante. Il est important de noter que les notions de vulnérabilité et de dépendance sont étroitement liées, mais qu’elles sont néanmoins distinctes et ne sont pas toujours interchangeables42. L’avocate Hélène Guay

autre personne majeure en situation de vulnérabilité, Mémoire, Québec, Université Laval, 2017, en ligne : https://www.chaire-droits-aines.ulaval.ca/sites/chaire-droits-aines.ulaval.ca/files/memoire_pl115_chaire_antoine-turmel.pdf (PDF) (consulté le 16 octobre 2017), p. 17-18.

35 En ce qui concerne la définition de la « maltraitance », qui englobe les différentes formes de maltraitance, nous souscrivons à celle dans la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, préc., note 23, art. 2(3o).

36 Infra, p. 22. 37 Supra, p. 7. 38 Supra, p. 7. 39 Préc., note 23. 40 Id., art. 2(4o).

41 Id.; Contra : MINISTÈRE DE LA FAMILLE - SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, préc., note 5, p. 47-48 : le PAM 2017-2022 ne vise que les personnes aînées.

42 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, L’exploitation des personnes âgées et handicapées au sens de la Charte québécoise et la maltraitance selon la Loi visant à lutter contre la

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explique que la vulnérabilité « vise la personne elle-même, mais la dépendance vise la relation entre deux personnes »43. Ainsi, alors que le niveau de dépendance d’une personne est considéré comme

un indicateur de vulnérabilité, il n’équivaut pas à une condition essentielle permettant de déterminer si une personne se trouve en situation de vulnérabilité44.

La vulnérabilité d’une personne âgée peut résulter de pertes cognitives et physiques. La gravité d’une situation de vulnérabilité vécue par une personne est souvent liée au degré de perte d’autonomie45.

Toutefois, une personne en situation de vulnérabilité n’est pas nécessairement considérée comme étant juridiquement inapte46. Selon la Commission des droits de la personne et des droits de la

jeunesse (Commission) :

[…] même si certaines personnes vivent jusqu’à un âge très avancé sans développer d’incapacité ni de maladie chronique, elles sont soumises à un processus de fragilisation continu. On ne peut donc nier que l’âge, du moins à partir d’un certain seuil, entraine la vulnérabilité de plus en plus accentuée de la personne, dont la capacité de défense est inévitablement affaiblie, non seulement physiquement, mais également aux niveaux affectif et psychique […] Même si la vulnérabilité s’avère découler des déficiences qui caractérisent une personne, elle acquiert son sens par rapport à deux facteurs qui interagissent : d’une part, la nature et le degré de vulnérabilité et, d’autre part, les conditions offertes à cette personne par son environnement.47

des droits de la personne, en ligne : http://www.cdpdj.qc.ca/Publications/avis_exploitation-maltraitance.pdf (PDF) (consulté le 31 janvier 2019), p. 46.

43 Id., p. 41 qui cite : Hélène GUAY, « Abus et maltraitance envers les aînés: quel est l’apport du droit?" », (2014) 73-263 R du B 263, p. 292.

44 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Even) c. Lessard (Calfeutrage Multi-Scellant), préc., note 19, par. 63; Commission des droits de la personne c. Laviolette, 2018 QCTDP 24, par. 56 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (G.H.) c. L.G., 2018 QCTDP 14, par. 71; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. R.T., 2015 QCTDP 23, par. 61; qui citent : M-H DUFOUR, préc., note 29, p. 250 ; Voir également : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (succession Hamelin-Piccinin) c. Massicotte, 2018 QCTDP 18, par. 61-68.

45 COMITÉ NATIONAL D’ÉTHIQUE SUR LE VIEILLISSEMENT, préc., note 13, p. 25-30; MINISTÈRE DE LA FAMILLE - SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, préc., note 5, p. 27; MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, préc., note 25, p. 17.

46 M-H DUFOUR, préc., note 29, p. 246.

47 COMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DE LA JEUNESSE, L’exploitation des personnes âgées - vers un filet de protection resserré, rapport de consultation, , 2001, en ligne :

http://www.cdpdj.qc.ca/publications/exploitation_age_rapport.pdf (consulté le 10 septembre 2018), p. 8-9. Cité dans : COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, préc., note 42, p. 9.

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La jurisprudence relative à l’application de l’article 48 de la Charte québécoise48 a beaucoup aidé à

définir les critères de vulnérabilité d’une personne âgée49. Bien que le TDP n’ait jamais établi de

définition du concept50, la définition d’une « personne âgée », au sens de l’article 48 de la Charte

québécoise, est intimement liée à la situation de vulnérabilité que vit une personne, plutôt qu’à l’âge réel en années de cette dernière51. Dans l’un de ses articles, la professeure Christine Morin indique

que plusieurs critères et facteurs de vulnérabilité se dégagent de la jurisprudence52, notamment de

l’affaire Gagné, dans laquelle les juges ont indiqué qu’une personne âgée était une personne dont : […] l’âge l’a rendue vulnérable et qui peut s’inscrire dans un rapport de dépendance, qu’elle soit physique, économique, affective, psychologique.53

À des fins comparatives, aux États-Unis, la définition d’un aîné varie d’un État à l’autre, mais l’âge avancé d’une personne semble être lié à la notion de vulnérabilité. À titre d’exemple, l’Arizona a mis en place une loi sur la maltraitance des aînés54 et ces derniers sont caractérisés comme étant des

« vulnerable adults » (adultes vulnérables) si leur âge avancé constitue un handicap55. En Australie,

48 Préc., note 28.

49 Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, préc., note 23, art. 2(4o) (définition « personne en situation de vulnérabilité »); Turcotte c. Turcotte, 2012 QCCA 645; Vallée c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), [2005] RJQ 961 (CA);

Commission des droits de la personne c. Brzozowski, [1994] RJQ 1447 (TDP); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Even) c. Lessard (Calfeutrage Multi-Scellant), préc., note 19; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (succession Hamelin-Piccinin) c. Massicotte, préc., note 44; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESE, préc., note 42, p. 46.

50 Christine MORIN, « La progression de la Charte québécoise comme instrument de protection des personnes aînées », dans S.F.C.B.Q, Québec, Le Tribunal des droits de la personne: 25 ans d’expérience en matière d’égalité (2015), Éditions Yvon Blais, p. 87.

51 COMITÉ NATIONAL D’ÉTHIQUE SUR LE VIEILLISSEMENT, préc., note 13, p. 29; MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, préc., note 25, p. 17; M-H DUFOUR, préc., note 29, p. ; Vallée c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), préc., note 49; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (succession Hamelin-Piccinin) c. Massicotte, préc., note 44; Commission des droits de la personne c. Laviolette, préc., note 44; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. R.T., préc., note 44; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (G.H.) c. L.G., préc., note 44; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Monty) c. Gagné, (2003) R.J.Q. (TDP); Commission des droits de la personne c. Brzozowski, préc., note 49;.

52 C. MORIN, préc., note 50, p. 107; M-H DUFOUR, préc., note 29, p. 246.

53 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Monty) c. Gagné, préc., note 51, par. 90; Id. 54 Civil Financial Exploitation, A.R.S. § 46-451 (2016), art. 9 « Vulnerable Adult ».

55 Id.; MINISTÈRE DE LA JUSTICE, Définitions juridiques de la négligence et des mauvais traitements envers les aînés – 7.0 Les États-Unis, Gouvernement du Canada, en ligne :

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plutôt que de définir la situation de vulnérabilité, le rapport préparé par l’Australian Law Reform

Commission (l’ALRC)56, définit des « at-risk adults » (des adultes à risque) comme étant des adultes

nécessitant des « care and support needs » (besoins d’aide pour les soins et les activités de vie), « are abused or neglected, or are at risk of abuse or neglect » (présentent des risques d’être victimes de maltraitance) et « are unable to protect themselves from abuse or neglect because of their care and

support needs » (qui sont incapables de se protéger, en raison de leur dépendance pour les soins et

activités de vie quotidienne)57. Nous remarquons que la définition de l’ALRC ne fait aucunement

référence à l’âge avancé comme facteur de risque.

Finalement, les facteurs de vulnérabilité les plus fréquents sont indiqués dans le PAM 2017-2022 et dans le Guide de référence. Ils incluent l’âge avancé, l’isolement social et géographique, la dépendance pour les soins de base, la présence de problèmes de santé physique, les pertes cognitives ou les problèmes de santé mentale58. Le niveau de vulnérabilité d’une personne âgée s’évalue au cas

par cas59. Une telle évaluation devrait idéalement être réalisée par une équipe multidisciplinaire

spécialisée60.

56 Infra, p. 67 et suiv..

57 AUSTRALIAN LAW REFORM COMMISSION, Elder Abuse - A National Legal Response (Summary Report), Australie, 2017, en ligne :

https://www.alrc.gov.au/sites/default/files/pdfs/publications/elder_abuse_131_final_report_31_may_2017.pdf (PDF) (consulté le 16 octobre 2017), Recommandation. 14.1 « At-risk Adult ».

58 MINISTÈRE DE LA FAMILLE - SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, préc., note 5, p. 27; MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, préc., note 25, p. 17.

59 Voir: Marie BEAULIEU, Roxanne LEBOEUF et Daphné-Maude THIVIERGE, Mémoire sur le projet de loi no. 115 - Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînées et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, Sherbrooke, Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, 2017, en ligne :

http://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_126915&process=Default&to ken=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz (consulté le 10 septembre 2018), p. 12 : l’analphabétisme, faible réseau social et le fait de traverser un moment difficile dans la vie peuvent tous être des facteurs menant à conclure qu’une personne est en situation de vulnérabilité.

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Le « droit à l’autodétermination » ou le « droit à l’autonomie de la personne »

Le droit à l’autodétermination est protégé par le droit québécois61. Dans un article publié en 2004, la

professeureChristine Morin et l’avocate Marie-Josée Normand-Heisler ont écrit :

Parce que l’on considère que toute personne est libre et qu’elle a droit au respect de son intégrité, le droit québécois consacre l’autonomie de sa volonté. Dans la mesure où une personne est juridiquement capable et apte à donner un consentement libre et éclairé, sa volonté doit être respectée, et ce, à tout âge62.

L’âge avancé d’une personne n’est pas, en soi, une raison suffisante pour la priver de son droit à prendre des décisions pour elle-même ; le pouvoir de prendre des décisions pour soi-même peut seulement être restreint par la loi ou par un jugement63. En matière de soins, le droit québécois prévoit

qu’il faut toujours chercher à obtenir le consentement du patient. Ainsi, dans un jugement récent de la Cour d’appel, l’honorable juge Marie-France Bich a rappelé :

En tout ce qui concerne l’intégrité de la personne, la liberté, droit fondamental par excellence, et l’inviolabilité […] constituent l’armature du régime législatif établi par la Charte des droits et libertés de la personne et le Code civil du Québec. Dans ce contexte, les articles 11 et s. C.c.Q. font de l’individu […] le pivot, la pierre angulaire, des décisions prises à son endroit en matière de soins […]64. (nous soulignons)

Par conséquent, nous pensons que le droit à l’autodétermination est important et mérite d’être protégé, non seulement en raison des protections offertes par le droit québécois65, mais aussi pour garantir le

61 Charte des droits et libertés de la personne, préc., note 28, art. 1, 4, 10 et suiv.; Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, art. 154 et 1385; Arpin c. Arpin, 2009 QCCS 6128; Laramée c. Ferron [2004] 41 RCS 391; Christine MORIN et Marie-Josée NORMAND-HEISLER, « Le respect de l’autonomie de la personne âgée - principe garanti par le droit québécois », (2015) 13-1 Vie et vieillissement, en ligne : https://www.chaire-droits-aines.ulaval.ca/sites/chaire-droits-aines.ulaval.ca/files/vv_vol13_no1_final_morin-heilser.pdf (consulté le 10 septembre 2018), p. 5.

62 C. MORIN et M-J NORMAND-HEISLER, préc., note 61, p. 5. 63 Code civil du Québec, préc., note 61 art. 4, 153, 154.

64 J.M. c. Hôpital Jean-Talon du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Nord-de-l’île de Montréal, 2018 QCCA 378, par. 102.

65 Charte des droits et libertés de la personne, préc., note 28, art. 1-10, 48; Code civil du Québec, préc., note 61 art. 1, 4, 154; Vallée c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), préc., note 49, par. 46; Turcotte c. Turcotte, préc., note 49; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.N.) c. R.N., 2016 QCTDP 4, par. 246; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (G.H.) c. L.G., préc., note 44, par. 65; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Succession Provencher) c. Riendeau, 2018 QCTDP 23, par. 96; Muriel REBOURG, « L’autonomie en matière personnelle à l’épreuve du grand âge » dans Marie-Mercat-Bruns, dir, « Vieillissement, âge et capacité : réflexions sur une notion et bilan d’une réforme », (2014) 68 :2 Retraite et Société 63, p. 65.

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respect des personnes en situation de vulnérabilité et pour s’assurer que les mesures prises ne sont pas plus préjudiciables que protectrices. Le CNEV estime que « l’autonomie de la personne doit être la règle et la protection une exception minutieusement balisée »66. Il précise qu’il est nécessaire de

trouver un équilibre entre la protection de la personne âgée en situation de vulnérabilité et le respect de son droit à l’autonomie. Lors du forum de février 2018, plusieurs intervenants ont souligné l’importance qu’il fallait accorder au respect du droit à l’autodétermination. L’avocate Audrey Turmel67

a indiqué qu’il fallait travailler « avec la personne et non pour la personne »68, même si la personne

âgée se trouve en situation de vulnérabilité. Elle a également indiqué qu’il fallait éviter d’imposer des mesures aux personnes âgées en situation de vulnérabilité, car cela risquait de les victimiser69.

Guylaine Ouimette, présidente de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ), a indiqué que le respect du droit à l’autodétermination était au cœur de toutes les interventions des travailleurs sociaux auprès des personnes âgées en situation de vulnérabilité70. Les propos de Guylaine Ouimette rejoignent la recommandation du CNEV : « en

matière de maltraitance financière des personnes aînées [il faut] promouvoir un principe d’autonomie accompagnée. »71

66 Id., p. 31.

67 Voir : CHAIRE DE RECHERCHE SUR LA MALTRAITANCE ENVERS LES PERSONNES AÎNÉES, « Le compte-rendu de la conférence de Me Turmel qui s’est tenue le 11 septembre dernier est disponible : L’échange de renseignements confidentiels lorsque la sécurité d’une personne est menacée », en ligne : https://maltraitancedesaines.com/actualites/le- compte-rendu-de-la-conference-de-me-turmel-qui-sest-tenue-le-11-septembre-dernier-est-disponible-lechange-de-renseignements-confidentiels-lorsque-la-securite-dune-person/ (consulté le 25 février 2020) : Me Turmel est une avocate à la direction des orientations et politiques (Ministère de la justice du Québec) et qui participe au Plan d’action

gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les aînés, préc., note 5. 68 MINISTÈRE DE LA FAMILLE, préc., note 6.

69 Id. 70 Id.

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Méthodologie et plan détaillé

Afin d’étayer notre hypothèse selon laquelle une intervention législative serait souhaitable pour encadrer davantage les institutions financières au Québec, la première partie de la présente étude sera consacrée à l’analyse du droit positif, autrement dit, à l’analyse de la législation, de la jurisprudence et de la doctrine. Nous présenterons le contexte législatif et nous procèderons à un examen des protections prévues dans la Charte québécoise72, notamment à l’article 4873, dans le Code

civil du Québec, dans la Loi visant à lutter contre la maltraitance74 et dans la Loi sur la protection des

renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE)75.

Dans le cadre de notre recherche, nous aurons aussi recours à certaines méthodes d’interprétation, notamment la méthode téléologique qui consiste à « interpréter la loi en fonction de son but, son objet ou sa finalité »76. Cette méthode sera employée pour déterminer si les institutions financières

pourraient être considérées comme étant des « organismes » ou des « ressources » au sens de la Loi sur la maltraitance77. Nous utiliserons également la méthode systématique, selon laquelle les

« dispositions d’une loi s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet »78, afin de déterminer si la Commission et la LAAA pourraient

72 Préc., note 28.

73 Christine MORIN, Frédéric LEVESQUE et Louis TURGEON-DORION, « L’article 48 de la Charte québécoise et le Code civil du Québec pour contrer l’exploitation de la personne âgée: pour une lecture harmonieuse », (2016) 46 Revue générale de droit 13.

74 Préc., note 23. 75 L.C. 2000, c.-5.

76 Melanie SAMSON et Catheryne BÉLANGER, « La méthode téléologique. L’interprétation finaliste ou les arguments de la finalité », Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, Faculté de Droit, Université Laval, en ligne :

https://www.redactionjuridique.chaire.ulaval.ca/sites/redactionjuridique.chaire.ulaval.ca/files/capsule_methode_teleologiq ue_ms_1_1.pdf, (consulté le 4 avril 2020), p. 1.

77 Préc., note 23; Infra, p. 28.

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correspondre à la définition d’une « une institution gouvernementale ou à une subdivision d’une telle institution » au sens de la LPRPDE79. Concernant la jurisprudence, notre étude portera sur les décisions rendues en vertu de l’article 48 de la Charte québécoise80. Les textes doctrinaux seront

également utilisés pour guider notre analyse.

Parallèlement, nous examinerons les politiques et les actions gouvernementales adoptées et entrées en vigueur dans le domaine de la maltraitance financière et matérielle. Nous étudierons de manière approfondie le PAM 2017-2022 et le Guide de référence81, un outil développé par le gouvernement

avec la contribution des partenaires impliqués dans la lutte contre la maltraitance82. Nous analyserons

également la législation, certaines pratiques et directives adoptées et en vigueur sur le plan international83. Cette étude portera uniquement sur certains pays et États (tels que l’Australie et

plusieurs États américains), car ils ont déjà adopté des lois et des politiques gouvernementales en la

79 Préc., note 75; Infra, p. 106.

80 Notamment : Turcotte c. Turcotte, préc., note 49; Vallée c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), préc., note 49; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (succession Hamelin-Piccinin) c. Massicotte, préc., note 44; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c.

Brzozowski,préc., note 49; C. MORIN, préc., note 50, p. 87; C. MORIN, F. LEVESQUE et L. TURGEON-DORION, préc., note 73, p. 13-50.

81 MINISTÈRE DE LA FAMILLE – SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, préc., note 5.

82 Id., p. 76 et suiv. (Annexe 3) « Liste des organisations ayant déposé un mémoire ou pris part aux journées de consultation. ».

83 M. PASSMORE et L. TAMBLYN WATTS, préc., note 17; CANADIAN CENTRE FOR ELDER LAW, Financial Abuse of Seniors Meeting Summary Report, Canada, International Federation on Ageing Global Connections, 2013, en ligne : http://www.bcli.org/sites/default/files/CCEL_Background_Paper_Financial_Elder_Abuse_2013_0.pdf (consulté le 10 septembre 2017); voir: Beverley MCLACHLIN, « Human Dignity at Any Age: The Law’s Response to an Aging Population », (2013) 6-1 Journal of International Aging Law & Policy 111-131; Elisia GATMEN KUPRIS, « Protection of Our Elderly: A Multidisciplinary Collaborative Solution for Alaska », (2013) 30-1 Alaska Law Review 47-70; Jilenne GUNTHER, « Preventing Exploitation: Five Banks Leading the Fight », (2016) 115 BankSafe, en ligne: .

https://www.aarp.org/content/dam/aarp/ppi/2016-03/Preventing-Exploitation-Five-Banks-Leading-The-Fight.pdf(consulté le 10 septembre 2018) (PDF); Stephen DEANE, Elder Financial Exploitation: Why it is a concern, what regulators are doing about it, and looking ahead, White Paper, US Securities and Exchange Commission (Office of the Investor Advocate), juin 2018, en ligne : https://www.sec.gov/files/elder-financial-exploitation.pdf (consulté le 26 octobre 2018).VEDDER PRICE, Recent Developments: Bank Responsibility for Elder Financial Exploitation, 2016, en ligne :

https://www.vedderprice.com/bank-responsibility-for-elder-financial-exploitation (consulté le 8 avril 2018); Brenda K UEKERT et Richard VAN DUIZEND, « Resources for Fighting Elder Abuse - the Hidden Crime », (2014) 24-1 Experience Magazine 24-30; Code of Banking Practice, Australian Banking Association Inc., en ligne :

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matière et ils ont mis en place des protocoles internes84. Malgré l’adoption de mesures par d’autres

États et pays85, nous avons choisi d’axer notre projet sur les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni,

notamment en raison des similarités juridiques et sociologiques avec le Canada86. Même si nous

n’effectuerons pas une observation détaillée des différents cadres juridiques87, nous recourrons au

droit comparé, afin d’étudier la législation, en vue de « mettre en évidence toute une palette de solutions en vigueur dans les différents ordres juridiques pour un même problème juridique, afin de pouvoir bénéficier des expériences qui ont été faites dans les différentes juridictions ou encore de découvrir des principes communs de droit qui existent […]88 » (nous soulignons)

Dans la seconde partie de ce mémoire, nous répertorierons les pratiques, outils et protocoles déjà mis en place par certaines institutions financières aux États-Unis et au Royaume-Uni, afin de définir ceux

84 Voir notamment Infra: p. 59 (le Senior Safe Act) et p. 67 (En Australie).

85 ORGANISATION FOR ECONOMIC COOPERATION AND DEVELOPMENT [OECD], Financial Consumer Protection and Ageing Populations, en ligne: http://www.oecd.org/financial/education/Financial-Consumer-Protection-and-Ageing-Populations.pdf (PDF) (consulté le 24 septembre 2020), p. 38 : en Hong-Kong, un Code of Banking Practice et une directive quant au traitement des clients des institutions financières oblige les employés des institutions financières à expliquer les produits financiers aux clients aînés.

86 Voir : Tarek M. AHRCHAOUI, Jimmy JEAN, Faouzi TARKHANI, Prosperity and productivity: A

Canada-Australia comparison, Statistique Canada, en ligne:

https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11f0027m/11f0027m2003018-eng.pdf (PDF) (consulté le 24 septembre 2020), p. 1; MINISTÈRE DE LA JUSTICE, Définitions juridiques de la négligence et des mauvais traitements envers les aînés – 4.0 L’Australie, Gouvernement du Canada, en ligne : https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/vf-fv/aines-elder/def/p4.html (consulté le 24 septembre 2020); MINISTÈRE DE LA JUSTICE, Définitions juridiques de la négligence et des mauvais traitements envers les aînés – 7.0 Les États-Unis, préc., note 55; CANADIAN INSTITUTE FOR HEALTH INFORMATION, How Canada Compares: Results From the

Commonwealth Fund’s 2019 International Health Policy Survey of Primary Care Physicians Accessible Report,

2020, en ligne: https://www.cihi.ca/sites/default/files/document/cmwf-2019-accessible-report-en-web.pdf (PDF) (consult/ le 24 septembre 2020); Calla WAHLQUIST, « The same story : How Australia and Canada are twinning on bad outcomes for Indigenous people », The Guardian (24 février 2016), en ligne :

https://www.theguardian.com/world/2016/feb/25/indigenous-australians-and-canadians-destroyed-by-same-colonialism (consulté le 24 septembre 2020).

87 Horatia MUIR-WATT, « La fonction subversive du droit comparé », (2000) 3 Revue internationale du droit comparé 518; Geoffrey SAMUEL, An Introduction to Comparative Law Theory and Method, (2014) Oxford, Hart Publishing; Violaine LEMAY et Michelle CUMYN, « La recherche et l’enseignement en faculté de droit: le coeur juridique et la périphérie interdisciplinaire d’une discipline éprouvée », dans Nouveaux chantiers de la doctrine juridique, Georges AZZARIA (dir.), Cowansville, Yvon Blais, 2017, p. 40-93, à la p. 79.

88 Thomas KADNER GRAZIANO, « Comment enseigner et étudier le droit comparé? Une proposition », (2013) 43 R.D.U.S. p. 70.

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qui seraient transposables aux institutions financières québécoises. Nous référerons au droit en vigueur pour assurer l’effectivité des pratiques et outils que nous proposerons. Plus précisément, il s’agira de déterminer quels protocoles et/ou quelles pratiques pourraient adopter les institutions financières, afin de prévenir et repérer des cas de maltraitance financière des personnes âgées en situation de vulnérabilité, et d’intervenir en cas de besoin.

Tout au long de ce mémoire, nous adopterons une approche interdisciplinaire, de manière à présenter les difficultés inhérentes au développement des pratiques et protocoles proposés, notamment au regard du respect du droit à l’autodétermination. Ce dernier sera étudié sous l’angle du droit, mais également sous l’angle du travail social, car les travailleurs sociaux sont fréquemment confrontés aux enjeux exposés dans ce mémoire. Le domaine du travail social s’attarde sur les aspects concrets de l’intervention, et surtout, sur le respect du droit à l’autodétermination89. Ainsi, afin de déterminer

l’efficacité du droit actuel dans la lutte contre la maltraitance et, plus spécifiquement, les interventions que peuvent ou non réaliser les employés des institutions financières, nous analyserons le cadre juridique actuel sous l’angle du travail social. Cela nous permettra d’évaluer si ce cadre juridique permet aux employés des institutions financières de protéger des personnes âgées victimes de maltraitance financière et matérielle90 et d’intervenir efficacement auprès d’elles. Nous combinerons

donc nos observations sous l’angle du travail social avec nos recherches concernant la législation, la jurisprudence, les pratiques et les politiques.

89 Voir : Wendy SCHRAMA, « How to carry out interdisciplinary legal research - Some experiences with an interdisciplinary research method », 7-1 Utrecht Law Review : le droit positif s’intéresse plutôt à l’efficacité du droit (aspects internes de l’effectivité du droit) – soit la cohérence des normes et la portée de la législation.

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Première partie : le cadre juridique et politique de la lutte contre la maltraitance financière et matérielle

Avant d’examiner les pratiques et protocoles qui pourraient aider les employés des institutions financières à lutter contre la maltraitance financière et matérielle, nous ferons un examen des cadres juridiques en vigueur au Québec, dans deux provinces canadiennes, à savoir, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, et au fédéral. Nous exposerons ensuite les cadres juridiques en vigueur aux États-Unis et en Australie, à des fins comparatives. Cet examen aidera à déterminer si une intervention législative est nécessaire pour permettre aux institutions financières de participer à la lutte contre la maltraitance financière et matérielle.

1.1. Le cadre juridique et politique en vigueur au Québec

Le Québec est en avance par rapport à plusieurs autres provinces canadiennes, car il a adopté la Loi

visant à lutter contre la maltraitance, qui est une loi spécifique à la maltraitance des personnes aînées

en situation de vulnérabilité91, et ce, malgré le champ d’application limité de la loi92. Il existe également

d’autres lois, des règlements, des plans d’action et des programmes en vigueur au Québec, qui traitent de la maltraitance des personnes aînées en situation de vulnérabilité93. Dans cette sous-section, nous

ferons un examen des lois et des règlements, mais également des programmes gouvernementaux et des outils développés par le gouvernement provincial en matière de lutte contre la maltraitance financière et matérielle des personnes en situation de vulnérabilité.

91 Préc., note 23; Infra, p. 25.

92 Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne en situation de vulnérabilité, préc., note 23, art. 21; Infra, p. 27.

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i. L’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne

La Charte québécoise est entrée en vigueur en juin 1976, date à partir de laquelle les personnes âgées et handicapées ont pu bénéficier de la protection décrite dans l’article 4894. Cette protection est

considérée comme étant « hors catégorie »95, car il n’est pas nécessaire de prouver que la personne

âgée est juridiquement inapte pour qu’elle puisse en bénéficier96. Cette distinction est importante, car

les personnes considérées comme étant juridiquement inaptes sont protégées par les lois québécoises97 et il existe des organismes pour protéger et prendre en charge ces personnes98.

Souvent, lorsqu’il existe une situation d’exploitation au sens de l’article 48 de la Charte québécoise, d’autres droits fondamentaux sont également atteints, comme le droit à la vie et à l’intégrité99, le droit

à la sauvegarde de la dignité100 ou encore le droit à la jouissance paisible et à la libre disposition des

biens101. Le TDP a établi un lien entre la preuve de l’exploitation d’une personne âgée et l’atteinte au

droit à la dignité :

Ainsi, lorsqu’il y a exploitation d’une personne âgée vulnérable, il n’est pas nécessaire qu’il y a eu discrimination fondée sur l’âge en vertu de l’article 10 de la Charte. L’article 48, visant, entre autres, à assurer le

94 C. MORIN, préc., note 50, p. 87. 95 Id., p. 99-105.

96 Id., p. 100-101; Contra : CcQ, art. 154.

97 Code civil du Québec, préc., note 61, art. 256 et suiv.; Loi sur le curateur public, L.R.Q., c. C-81; Règlement d’application de la Loi sur le curateur public, c. C-81, r. 1.

98 Notamment, le Curateur public: Code civil du Québec, préc., note 61, art. 246 al. 1, art. 249, art. 251, art. 261 et suiv., art. 1338-1411; Loi sur le curateur public, préc., note 35, art. 13 et suiv., art. 22, 27, 200; le Commissaire local aux plaintes a également été confié le mandat de recevoir des signalements de maltraitance dans la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, préc., note 8.

99 Charte des droits et libertés de la personne, préc., note 28, art. 1; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, préc., note 42, p. 25.

100 Charte des droits et libertés de la personne, préc., note 28, art. 4 et art. 10; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (succession Duhaime) c. Satgé, 2016 QCTDP 12 (TDP), par. 230-238: il n’est pas nécessaire de démontrer discrimination fondée sur l’âge s’il y a eu exploitation au sens de l’art. 48 de la Charte québécoise. 101 Charte des droits et libertés de la personne, préc., note 28, art. 6; COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, préc., note 42, p. 25.

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respect de la dignité des personnes âgées, c’est donc l’exploitation de ces personnes qui est la véritable cause de l’atteinte à leur dignité.102

La Commission est habilitée à mener une enquête de sa propre initiative, en tenant compte des enjeux en cause103. Le consentement de la victime n’est pas nécessaire pour porter plainte auprès de la

Commission ni pour que celle-ci réalise une telle enquête104. Toutefois, dans le souci de respecter

l’autodétermination des victimes âgées, la Commission ne fait qu’exceptionnellement des enquêtes sans le consentement de la victime, la participation de cette dernière étant considérée comme étant cruciale pour la résolution des cas d’exploitation105. La Commission peut aussi, dans le cadre de son

enquête, demander des documents à des organismes publics, sans le consentement préalable de la victime106. Toutefois, dans un avis publié en 2019 par la Commission, les auteurs reprennent les propos

de l’avocate Audrey Turmel et indiquent que, par respect pour la vie privée et le secret professionnel, mais aussi pour le droit à l’autonomie de la personne âgée, l’enquêteur a l’obligation de tenter d’obtenir le consentement de la personne aînée avant d’échanger des informations la concernant107. La

Commission peut prendre plusieurs actions et mesures, notamment en avisant les institutions financières, en vue de protéger les actifs de la victime108 et en saisissant le TDP pour des mesures

d’urgence109. La Commission peut même proposer des mesures de redressement, afin d’éviter la

102 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Even) c. Lessard (Calfeutrage Multi-Scellant), préc., note 19, par. 109; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (succession Duhaime) c. Satgé, préc., note 100, par. 238; Repris dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (succession Hamelin-Piccinin) c. Massicotte, préc., note 44, par. 98 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (I.D.) c. C.F., 2019 QCTDP 5, par. 104; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (L.D. et un autre) c. Rankin, 2017 QCTDP 18 (TDP), par. 178.

103 Charte des droits et libertés de la personne, préc., note 28, art. 71(1); C. MORIN, préc., note 50, p. 111. 104 Charte des droits et libertés de la personne, préc., note 28, art. 71 al. 2(1).

105 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, préc., note 47, p. 36. 106 Charte des droits et libertés de la personne, préc., note 28, art. 68.

107 COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, préc., note 47, p. 36. 108 Id., p. 42.

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