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La vente d'un bien rural au regard des droits de préemption

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Academic year: 2021

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(1)

HAL Id: dumas-01096303

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Submitted on 17 Dec 2014

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La vente d’un bien rural au regard des droits de

préemption

Benjamin Celle

To cite this version:

Benjamin Celle. La vente d’un bien rural au regard des droits de préemption. Droit. 2014. �dumas-01096303�

(2)

Mémoire dans le cadre du Master 2 « droit du vin et des spiritueux »

Année universitaire 2013 – 2014

LA VENTE D'UN BIEN RURAL AU REGARD DES DROITS DE PRÉEMPTION

sous la direction de Maître P. DEVARENNE

(3)

REMERCIEMENTS

Je r emer cie mon dir ecteur de mémoir e, Maîtr e Pier r e DEVARENNE, pour son sout ien et son encadr ement .

Je souhaite également r emer cier Monsieur Théodor e GEORGOPOULOS et l'ensembl e de l'équipe pédagogique du Master 2 dr oit du vin et des spir itueux, sans qui ce mémoir e n'aur ait jamai s vu le jour.

De manièr e génér ale, je r emer ci e l'ensemble des per sonnes qui ont contr ibué à l'élabor ation de ce mémoir e, tout par t iculièr ement Messieur s Thier r y CHAMBRE, r esponsable du ser vice de publicité foncièr e Bor deaux 1, et Luc REBEYROL, r esponsabl e du pôle enr egistr ement de Bor deaux centr e, qui se sont intér essés à ce sujet et ont pr is l'ini tiative de me documenter.

Je tiens enfin à r emer cier ma compagne pour son tr avail de r electur e et sa capacité d'analyse jur idi que.

(4)

SOMMAIRE

Page

INTRODUCTION... 5

PARTIE 1 – ENJEUX LIÉS AUX CHAMPS D'APPLICATION RESPECTIFS DES DROITS DE

PRÉEMPTION DANS LE DOMAINE RURAL... 14

Chapitre 1 – De l'imprécision des textes relatifs aux titulaires du droit

de préemption... 15

Chapitre 2 – Considérations tenant au domaine de la préemption quant

aux biens... 28

Chapitre 3 – Enjeux liés au domaine de la préemption quant aux actes... 50

PARTIE 2 – ENJEUX LIÉS À LA MISE EN OEUVRE DES DROITS DE PRÉEMPTION

DANS LE DOMAINE RURAL... 65

Chapitre 1 - Procédure de mise en œuvre des droits de préemption ruraux... 66

Chapitre 2 – Analyse des droits de préemption ruraux au regard

de leurs finalités... 88

Chapitre 3 – Réflexion sur la hiérarchie des droits de préemption... 97

CONCLUSION GÉNÉRALE... 107

BIBLIOGRAPHIE... 112

(5)

TABLE DES ABRÉVIATIONS

Art.

Ar ticle(s)

Ass. inter. dr. comp.

Association inter national e de droit compar é

Bull. AP

Bulletin des ar r êt s de l'assemblée pléni èr e de la Cour de cassation

Bull. civ.

Bulletin civil des ar r êt s de la Cour de cassation

Bull. Joly

Bulletin mensuel d’infor mation des sociétés

CA

Cour d'appel

Cass. 1re, 2e ou 3e civ.

Cour de cassation (1èr e, 2ème ou 3ème chambr e civile)

Cass. ass. plén.

Cour de cassation, assemblée pléni èr e

Cass. ch. réunies

Cour de cassation, chambr es r éuni es

Cass. soc.

Cour de cassation, chambr e sociale

Cass. com

Cour de cassation, chambr e commer ciale

C. comptes

Cour des comptes

Comm.

Commentair e

Cons. Const.

Conseil constitutionnel

Déb. A.N

Débat s à l'Assemblée National e

Éd.

Edition

Fasc.

Fascicule(s)

Ibid.

Ibidem

, dans la r éfér ence pr écédente

In

Dans

Infra

Ci-dessous

Jcl. Rural

Jur isclasseur de dr oit r ur al

JCP N

Semaine Jur idique Notar iale et Immobilièr e

JOAN

Jour nal officiel de l'Assemblée Nationale

JO Sénat

Jour nal officiel du Sénat

Numér o(s)

Op. cit.

Opus citatum

, œuvr e déjà citée

P. 108

Page 108

Pp. 108-110

De la page 108 à la page 110

Q

Question

RD rur.

Revue de Droit Rur al

Rép. Min

Réponse mini st ér ielle

Supra

Ci-dessus

t.

Tome( s)

TGI

Tr ibunal de Gr ande Instance

T. par. baux rur.

Tr ibunal Par itair e des Baux Rur aux

V.

Voir

(6)
(7)

« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la

manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage

prohibé par les lois ou par les règlements »

Ar ticle 544 du Code civil

1. Un droit limitatif du droit de propriété

. Si l'ar ticle 544 du Code civil est pr obablement l'un des plus impor t ant s en dr oit fr ançai s, for ce est de const at er qu'il est également l'un de ceux dont une r éécr itur e semble nécessair e. En effet , en dépit de la valeur constitutionnelle du droit de pr opr iété1

et de l'utilisation du ter me « absolue » , les limit ations au droit de pr opr iété sont aujour d'hui nombr euses. Par mi celles-ci sont r égulièr ement cités l'expropr iation, les tr oubles anor maux du voisinage ou encor e les dr oits de pr éempt ion2

. Ces der nier s atteignent en effet le dr oi t de disposer au pr ofit d'un acquér eur libr ement choi si (tout en r espectant la liber té de ne pas disposer ), mais également le droit de propr i été de l'acquér eur initial. Pr i s en leur volet r ur al, les dr oits de pr éemption intér esser ont la pr ésente étude.

1bis. Un droit au service du droit de propriété.

A contrario

,il est également possible d'affir mer que le dr oit de pr éemption est au ser vice du dr oit de propr iété, en ce sens que son exer cice est nécessair ement justifié par la satisfaction d'un intér êt supér ieur à celui des contr actant s lésés. En effet , le dr oit de pr éemption opèr e une cer taine r edistr ibution des biens, dans le but de satisfair e l'int ér êt génér al. Ceci explique sa pr imauté ainsi que l'int erdiction de dér oger à ce dr oit par simple convention contr air e. Par ce que le droit de pr éemption est finalisé, les atteintes appor tées au libr e exer cice du droit de pr opr iété sont légitimées. Il peut êtr e admis que, de façon génér ale, les dr oits de pr éemption visent à satisfair e deux objectifs : sanctionner ou pr évenir la fr aude, et r éaliser l'aménagement foncier ur bain ou r ur al. En somme, satisfair e l'intér êt génér al.

2. Définition du droit de préemption

. Tr aiter des dr oits de pr éemption dans le cadr e r ur al r equier t une pr éci sion d'or dr e ter minologique qui n'est pas des moindr es : définir la

1 Cons. Const., 16 janv. 1982, décision n°81-132 DC, V. Considérant n°16

2 TGI Lyon, 5 mars 1975, « (…) contraire aux dispositions très générales de l'article 544 du Code civil », à propos du droit de préemption. Pour une position plus nuancée, V. Cass. 3e civ., 3 avr. 2014, n°14-40.006 : JurisData n°2014-006542

(8)

notion de dr oit de pr éemption. Dans la mesur e où la loi n'y procède pas, c'est à la doctr ine qu'est r evenue cette épineuse tâche. L'une des contr ibut ions majeur es en la matièr e est tr ès cer tainement l'ouvr age du Pr ofesseur SAINT-ALARY-HOUIN3

, qui a tenté de définir le dr oit de pr éemption en analysant le moment d'inter vent ion du pr éempteur dans la for mation du r appor t contr actuel. En tout état de cause, le droit de pr éemption se définit comme ét ant le dr oit r econnu par la loi à cer taines per sonnes publiques ou pr ivées de se por ter pr ior itair ement acquér eur s d'un bien4

. D'un point de vue étymologique, le ter me « pr éemption » est composé du pr éfixe «

pré

», avant , et du substantif «

emptio

» , achat .

3. Notions proches.

Vér itable « faculté d'acquisition pr éfér entielle »5

, le droit de pr éemption est pr oche mais se distingue de plusieur s notions influant sur le choix du cocontr actant .

D'une par t , il diffèr e du

pacte de préférence

qui se définit comme la convention par laquelle une per sonne – le promettant – s'engage, s'il vend, à vendr e en pr ior ité à une autr e – le bénéficiair e. En effet , le droit de pr éemption est d'or igine légal e, à l'inver se du pacte de pr éfér ence, qui est le fr uit de la volonté des par ties. Il ne s'agit donc pas de l'exer cice d'un dr oit de pr éemption, mais bien de l'application du dr oit commun des contr ats. De plus, le pacte de pr éfér ence est systématiquement conclu dans l'intér êt d'un par ticulier, alor s que le dr oit de pr éemption vise à satisfair e l'intér êt génér al.

D'autr e par t , le dr oit de pr éemption se distingue du

droit au retrait litigieux

, r égi par les ar ticles 1699 et suivants du Code civil. Ce mécanisme per met au débiteur d'une cr éance contestée (d'où l'utilisation du ter me

litigieux

) de se substituer à l'acquér eur lor sque le cr éancier cède son dr oit , moyennant r embour sement du pr ix de cession et paiement des fr ais et intér êt s. En d'autr es ter mes, ce dr oit per met à la par tie défender esse à un pr ocès d'offr ir à celui ayant r achet é le dr oit litigieux de son adver sair e de mettr e un ter me à l'instance en lui r embour sant le pr i x qu'il a payé au cédant . Le mécanisme per met ainsi au débiteur d'acquér ir le dr oit qui lui était opposé en justice et , devenant son pr opr e cr éancier, d'éteindr e ce droit par confusion. Notons que la notion ne doit pas êt r e confondue avec l'ancien r etr ait successor al, lequel est à l'or igine d'un droit de pr éemption institué au pr ofit des indivisair es par l'ar ticle 815-14 du Code civil (V.

infra

, n°9).

Enfin, le droit de pr éemption voisine avec les

clauses d'agrément et de préemption

, qui

3 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Le droit de préemption, préface de Pierre RAYNAUD, LGDJ, Paris, 1979, t. CLXIV 4 C. SAINT-ALARY-HOUIN, Approche conceptuelle du droit de préemption, JCP N 2011, n°40

5 P. RAYNAUD, Les droits d'acquisition préférentielle en droit civil et en droit rural français, Ass. inter. dr. comp. 1967

(9)

ont pour but d'éviter l'entr ée d'associés indésir ables dans une soci ét é. Par le bi ais de ces clauses, «

les actionnaires se donnent ou donnent à certains d'entre eux ou encore à la société

elle-même la faculté ou l'obligation de se rendre acquéreurs de toutes actions par préférence à

tout autre

»6

. Une nouvelle fois, la sour ce de telles clauses est nécessair ement conventionnelle, à l'inver se du droit de pr éemption, d'or igine légal e.

Si la définition du dr oit de pr éemption ne jouit d'aucune contestation, et cela quelque soit le type de pr éemption évoqué (

II

), ce n'est pas le cas de sa natur e jur idique (

I

).

I – Nature juridique du droit de préemption

4. Droit pré-contractuel d'acquisition ?

L'ét ymologie du ter me pr éemption (V.

supra,

n°2) commande d'affir mer que le dr oit de pr éemption est le dr oit d'acquér ir en pr ior ité. En d'autr es ter mes, il s'agir ait d'un dr oit exer cé

ante rem venditam

, c'est -à-dir e avant la vente. Le dr oit de pr éemption s'analyser ait donc en l'acceptation d'une offr e de vent e. Au-delà de considér ations d'or dr e pur ement étymologique, le législateur lui-même semble commander une telle affir mation. En effet , l'ar ticle L. 213-2 du Code de l'ur banisme impose, à peine de nullité, au pr opr iétair e désir eux de vendr e son bien de fair e par venir au titulair e du dr oit de pr éemption une déclar ation d'intention d'ali éner pr écisant les conditions de la vente. Dans cette hypothèse, on compr end aisément que l'éventuelle inter vention du pr éempteur se situer ait antér ieur ement à la conclusion de la vente, dans la mesur e où celui-ci est aver ti de l'int ention de vendr e du pr opr i étair e, et non pas de la vente elle-même. La vente n'est donc pas conclue au moment où le pr éempteur est mis en capacité d'exer cer son droit .

Cette analyse se r etr ouve également dans l'étude des droits de pr éemption en cas de vente de locaux à usage d'habitat ion. Ainsi, l'ar ticle 10 de la loi n°75-1351 du 31 décembr e 1975 énonce que «

préalablement à la conclusion de toute vente (…) le bailleur doit, à peine de

nullité de la vente, faire connaître (…) à chacun des locataires (…) l'indication du prix et des

conditions de la vente projetée (…). Cette notification vaut offre de vente au profit de son

destinataire

». Sur ce point , le texte susvisé est par ticulièr ement clair : la notification inter vient pr éalablement à la vente et vaut offr e de vente. Le pr éempteur, en l'occur r ence le ou les locatair es, exer ce donc son droit alor s que le tr ansfer t de pr opr iété de la vente pr ojet ée n'a pas encor e eu lieu (dans l'hypothèse d'une pr éemption, ce tr ansfer t initialement pr évu n'aur a

6 LE SUEUR, La clause de préemption dans les sociétés anonymes, la théorie du juste prix, Inf. Chef. Entr. 1961, p. 981

(10)

donc jamais lieu, selon les par tisans de cette théor ie) . L'acceptation de l'offr e par le titulair e du dr oit de pr éemption équivaut donc à la for mation de la vente. En d'autr es ter mes, une per sonne X souhaitant aliéner un bien à une per sonne Y doit en pr ior ité émettr e une offr e, for cée, à une per sonne Z. Y, bien qu'en accord avec X sur l'intégr alité des condi tions de la vente, se devr ait donc de pati enter jusqu'à la r éponse de Z. L'atteinte à la liber té de disposer, et donc au dr oit de pr opr iété, se per çoit ainsi aisément . Toutefois, cette analyse du droit de pr éemption en un droit pr é-contr actuel d'acquisition n'empor te pas la conviction de l'int égr alité de la doctr ine.

5

.

Droit post-contractuel d'acquisition.

Plusieur s auteur s ont affir mé que le dr oit de pr éemption était davantage un droit de substitution à un acquér eur qu'un dr oit pr é-contr actuel d'acquisition. Le dr oit de pr éempt ion s'analyser ait ainsi en un dr oit de substitution à un acquér eur, exer cé

post rem venditam

. Littér alement , il ne s'agir ait donc pas d'un dr oit de pr éemption, mai s d'un droit de « postemption ». Sur ce point , compar ant le r etr ait et la pr éemption, un auteur fr anchit le pas et va jusqu'à qualifier la substitution de « postemption »7

. A notr e sens, les fondement s de cette seconde théor ie appar ai ssent plus cohér ent s. En effet , lor sque l'on s'intér esse au mécanisme même de la pr éemption, on const at e que ce der nier n'a de r aison d'êtr e que du fait de l'existence d'un accor d entr e un pr opr iétair e vendeur et un acquér eur pr essenti. En effet , le propr iét air e vendeur notifie au titulair e du dr oit de pr éemption qu'il a tr ouvé un accor d avec un acquér eur. Sans accor d entr e les par ti es à la vent e pr ojetée, la pr éemption n'exi st e pas et n'a pas li eu d'exi ster. Dès lor s, le dr oit de pr éemption ne peut êtr e exer cé que postér ieur ement à cet accord. Affir mer la solution inver se reviendr ait à admettr e que le droit de pr éemption utili se le processus classi que de la vente amiable : un vendeur et un acquér eur se mettent d'accord pour tr ansfér er la pr opr iété d'un bien et aucun tier s n'inter vient .

Par ailleur s, la pr ati que illustr e par faitement cette théor ie, notamment dans l'hypothèse d'une vente par adjudication. En effet , le titulair e du dr oit de pr éemption est infor mé de la date des enchèr es afin de se substituer à l'adjudicat air e dans un cer t ain délai . Dès lor s, on compr end aisément que le dr oit de pr éemption doit êtr e analysé en un vér itable dr oit de substitution à un acquér eur. En tout état de cause, et ainsi que l'affir me le Pr ofesseur SAINT-ALARY-HOUIN8

, «

cette approche post-contractuelle du droit de préemption s'appuie sur

le tripartisme de l'opération et conduit à analyser le droit de préemption en un droit potestatif

7 H. LE NABASQUE in Bull. Joly 2006, p. 1072 8 C. SAINT-ALARY-HOUIN, op. cit., JCP N 2011, n°40

(11)

permettant une substitution de contractant

». Un pr opr iétair e vendeur, un acquér eur et un pr éempteur sont donc nécessair es à l'exer cice de tout dr oit de pr éemption. L'absence de l'une de ces par ties dénue de tout intér êt le mécanisme. Par conséquent , et en dépit des ar guments avancés (V.

supra

, n°4), le dr oit de pr éemption ne peut ni ne doit êtr e analysé comme un dr oit pr é-contr actuel d'acquisition. Le pr éempteur n'accepte pas une offr e mais se substitue à l'acquér eur pr essenti – qui, lui, avait accept é une offr e. La Cour de cassation a consacr é cett e théor ie en affir mant , au sujet de la commi ssion due à l'agent immobilier, que les juges du fond avaient «

décidé à bon droit que par l'effet de la préemption la SAFER était substituée à

l'acquéreur primitif

»9

. Le mécanisme de la pr éemption r epose donc sur une éviction de l'acquér eur, et cela quelque soit le type de droit de pr éemption mis en œuvr e.

II – Typologie des droits de préemption

6. Intérêt : illustration du mécanisme

. Si seuls les droits de pr éemption dans le cadr e de la vente d'un bien r ur al intér essent la pr ésente étude, il n'appar aît pas inutile de citer br ièvement les différ ent s droits de pr éemption existant en dr oit fr ançais. Une telle démar che est justifi ée par le besoin d'illustr er les pr opos pr écédent s. En effet , le pr ésent par agr aphe per met de r endr e compte de ce qu'est la natur e jur idique d'un dr oit de pr éemption, au tr aver s de ses applications dans les différ entes br anches du dr oit.

7. En matière d'urbanisme

. Le Code de l'ur bani sme pr évoit l'existence de plusieur s dr oits de pr éemption. Par mi ceux-ci, il convient tout d'abor d de citer le dr oit de pr éemption ur bain, institué par l'ar ticle L. 211-1 du Code de l'ur banisme. Sa mise en œuvr e doit per mettr e à une per sonne publique (collectivité ter r itor iale, etc) d'acquér ir en pr ior ité, dans cer taines zones pr éalablement définies par elle, un bien immobili er mis en vente par une per sonne pr ivée (par ticulier ) ou mor ale (entr epr ise), dans le but de r éaliser des opér ations d'aménagement ur bain.

Un dr oit de pr éemption est également prévu dans les zones d'aménagement différ é. Celui-ci est institué par l'ar ticle L. 212-2 du Code de l'ur banisme. Lesdites zones constituent un pér imètr e à l'intér ieur duquel une collectivité locale, un établissement public ou une société d'économie mixte titulair e d'une convention d'aménagement dispose d'un dr oit de pr éemption sur les biens immobilier s et droits soci aux vendus. Ce droit pr ime le droit de

(12)

pr éemption ur bai n en cas de concour s, et la cr éation de telles zones doit per mettr e la r éalisation d'un cer tain nombr e de projet s ur bains (r éali sation d'équipements collectifs par exemple).

Aussi, l'ar ticle L. 142-3 du Code de l'ur banisme institue un droit de pr éemption au pr ofit des dépar tement s dans les espaces natur el s sensi bles. La mise en œuvr e de ce dr oit doit notamment per mettr e la pr éser vation de la qualité des sites, des paysages, des milieux natur el s et des champs natur els d’expansion des cr ues, la sauvegar de des habitats natur els et l’ouver tur e de ces espaces au public.

Enfin, notons que le nouvel ar ticle L.213-1-3° du code de l’ur bani sme institue un droit de pr éemption ur bain systématique en cas de cession de la major ité des par t s d’une Soci été Civil e Immobilièr e (SCI) dont le patr imoine est constitué d’immeubles bâtis ou non. De plus, la loi n° 2014-366 du 24 mar s 2014 pour l'accès au logement et un ur bani sme r énové, dite loi ALUR, soumet désor mais les immeubles achevés depuis plus de quatr e ans (dix ans aupar avant) au droit de pr éemption ur bain. Le point de dépar t de ce délai est la date de la déclar ation attestant de l’achèvement et la confor mité des tr avaux.

8. En cas de vente de locaux à usage d'habitation

. Tr ois droits de pr éemption légaux sont susceptibles de s'appliquer en cas de vente de locaux à usage d'habitation.

Le droit de préemption de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975

est le plus ancien d'entr e eux, et aussi celui qui r eçoit l'application la moins fr équente. Il s'applique dans l'hypothèse où le propr iétair e d'un immeuble divise celui-ci en lots de copropr iété, pour ensuite les vendr e. Ce droit de pr éemption per met donc au locatair e ou occupant de bonne foi de l'un de ces futur s lots de se por t er acquér eur en pr ior ité.

Le droit de préemption de l'article 10-1 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975

, intr oduit en 2006 par le législateur, est en fait la conséquence du droit de pr éemption de l'ar ticle 10 de la loi du 31 décembr e 1975 et le r ésultat de cir constances par ticulièr es10

. Ce dr oit de pr éemption inter vient en amont du pr écédent , et exige la r éunion de différ entes conditions : êtr e en pr ésence de la vente de la totalité d'un immeuble à usage d'habitation ou à

10 En effet, en région parisienne, les bailleurs institutionnels vendaient souvent des immeubles collectifs à des investisseurs professionnels de l'immobilier, à des prix relativement bas. Les investisseurs les revendaient ensuite par appartement, et étaient alors soumis au droit de préemption de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, étant entendu que le prix de vente de chaque appartement était beaucoup plus important que celui que représentait l'appartement rapporté au prix de vente global. Par conséquent, les locataires ont fait valoir que le droit de préemption de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 était détourné et qu'il fallait lutter contre cette « vente à la découpe » en faisant bénéficier les locataires d'un droit de préemption lors de la première vente (c'est-à-dire la vente de l'ensemble).

(13)

usage mixte ; ledit immeuble devant compor ter plus de 10 logements. Ce seuil de 10 logements s'explique par la volonté de ne pas por ter pr éjudice aux « petit s » investisseur s, qui souvent acquièr ent des immeubles pour s'assur er des r evenus complémentair es. Enfin, ce dr oit de pr éemption ne concer ne pas les locaux affectés à un usage commer cial ou pr ofessionnel.

Le droit de préemption de l'article 15-II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989

est différ ent des pr écédents en ce sens que le non-exer cice de celui-ci entr aîne r uptur e du r appor t locatif. Le bailleur qui souhaite vendr e son immeubl e peut donner congé au locatair e six mois à l'avance. Ce n'est ici qu'une possi bilité qui lui est offer te, il peut donc vendr e sans donner congé à son locatair e. Dans ce cas, il vend alor s l'immeubl e occupé et le pr eneur continuer a à jouir des lieux.

Enfin, notons que la loi ALUR a mis en place un vér itabl e dr oit de « postemption »11 . Selon Sandr ine MAZETIER, députée de Par is et vice-pr ésidente de l'Assembl ée national e, ce der nier vi se à «

permettre à une collectivité de se porter acquéreur bien après la déclaration

d'intention d'aliéner, après que les locataires occupants qui voulaient se porter acquéreurs ont

pu le faire, et d'obliger le vendeur à signaler les lots restant en vente, de sorte que les collectivités

puissent se porter acquéreurs

».

9. En cas de cession de droits indivis

. Régi par les ar ticles 815-14 à 815-16 du Code civil, le droit de pr éempt ion de l'indivisair e en cas de cession de dr oits indivis r emplace l'ancien r etr ait successor al de l'ar ticle 841 anci en du Code Napoléon12

. Ce der nier per mettait aux indivisair es de se substituer au ti er s acquér eur en lui r embour sant le pr ix qu'il avait payé. Rétr oactif, ne s'appliquant qu'aux indivisions successor ales et pouvant êtr e exer cé jusqu'au par t age (soit , pour cer taines successions, dans un laps de temps r elativement long), il a été r emplacé par un dr oit de pr éemption par la loi n°76-1286 du 31 décembr e 1976.

Désor mai s, bénéficient d'un dr oit de pr éemption les indivisair es de toute indivision, quelle que soit son or igine, dans le cas d'une cession faite à une per sonne tier ce à ladite indivision. Dès lor s, le dr oit de pr éemption per met aux indivi sair es, s'ils le souhaitent et le peuvent , de fai r e obst acle à l'entr ée d'un tier s dans l'indivision.

10. En cas de vente d’œuvres d'art ou d'archives privées

. Les ar ticles L. 212-30 et suivants du Code du patr imoine instituent au pr ofit de l'État un droit de pr éemption sur « tout

11 V. art. 5, II, a) de la loi ALUR

(14)

document d'ar chives pr ivées mi s en vente publique ou vendu de gr é à gr é »13

, lor sque celui-ci estime que l'exer cice de ce dr oit est nécessair e à la pr otection du patr imoine d'ar chives. Ainsi, l'État se tr ouve subr ogé dans les dr oit s de l'adjudicat air e ou de l'acheteur.

De la même façon, les ar ticles L. 123-1 à L. 123-3 du Code du patr imoine pr évoient que l'État peut également exer cer « sur toute vente publique d'œuvr es d'ar t ou sur toute vente de gr é à gr é d'œuvr es d'ar t r éalisée dans les conditions pr évues par l'ar ticle L. 321-9 du Code de commer ce, un dr oit de pr éemption par l'effet duquel il se trouve subr ogé à l'adjudicatair e ou à l'acheteur »14

.

11. En cas de vente d'un bien rural

.

Délimitation du champ d'étude

. Deux types de dr oit de pr éemption sont spécifiques à la vente d'un bi en r ur al : celui de la SAFER (Société d'Aménagement Fonci er et d’Établi ssement Rur al)15

et celui du pr eneur en place. Bien qu'anciens16

, ces droits ne sont pas exempts de toutes cr itiques et contr over ses. En effet , ils font aujour d'hui encor e l'objet de vifs débats. A juste titr e, cer tains auteur s considèr ent d'ailleur s que «

l'exercice par la SAFER de son droit de préemption constitue le cœur des

questions juridiques pratiques

»17 .

La pr ésente étude propose ainsi une r éflexion quant aux enjeux actuel s liés à la pr éemption dans le cadr e r ur al.

Avant toute chose, une impor t ante pr écision doit êtr e por tée à la connaissance du lecteur : la mat ièr e est mouvante. En effet , à l'heur e où ces lignes sont r édigées, le projet de loi d'avenir pour l'agr icultur e, l'alimentation et la for êt est en discussion au Par lement18

. Ce pr ojet a not amment tr ait à la délimit ation du champ d'application des dr oits de pr éemption r ur aux.

Si cette question semble de pr ime abor d êtr e le pr inci pal enjeu lié à la matièr e (

Première partie

), celle de la mi se en œuvr e des dr oits de pr éemption dans le cadr e de la vente d'un bien r ur al mér ite également , à notr e sens, d'êtr e étudiée (

Seconde partie

).

13 Article L. 212-32 du Code du patrimoine 14 Article L. 123-1 du Code du patrimoine

15 La France métropolitaine et les DOM sont couverts par l'action de vingt six SAFER. L'étude évoquera tantôt le droit de préemption de la SAFER et le droit de préemption des SAFER, ces deux expressions renvoyant à une même idée : la préemption par une SAFER, quelle qu'elle soit.

16 Le droit de préemption du preneur en place est issu de la loi du 13 avril 1946 instituant le statut du fermage et du métayage. Le droit de préemption de la SAFER est issu de la loi n°62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole.

17 H. BOSSE-PLATIERE, F. COLLARD, B. GRIMONPREZ, T. TAURAN, B. TRAVELY, Droit rural, entreprise

agricole, espace rural, marché agricole, LexisNexis, Paris, 2013, p. 533, n°1512

(15)

PARTIE 1 – ENJEUX LIÉS AUX CHAMPS

D'APPLICATION RESPECTIFS DES DROITS DE

(16)

12. Annonce

. Tr aiter du champ d'application des dr oits de pr éempt ion objets de l'étude implique de s'intér esser à des considér ations tenant aux per sonnes concer nées (

Chapitre 1

) , aux biens aliénés (

Chapitre 2

) mais encor e à la natur e des opér ations conclues (

Chapitre 3

). Une telle appr oche per mettr a d'obtenir une vue d'ensemble des enjeux liés à la délimitation du champ d'applicat ion des dr oit s de pr éemption r ur aux.

Chapitre 1 – De l'imprécision des textes relatifs aux titulaires du droit de

préemption

13. Diversité des titulaires

. La définition du droit de pr éemption (V.

supra

, n°2) illustr e par faitement la diver sité des possibles titulair es de ce dr oit dans le cadr e de la vent e d'un bien r ur al. En effet , ladite définition pr écise que ce dr oit est suscept ibl e d'êtr e exer cé tant par une per sonne physique que par une per sonne mor ale. En matièr e r ur ale, cette dualité se r etr ouve puisque le titulai r e du droit de pr éemption peut êtr e le pr eneur (

Section 1

) ou la SAFER (

Section 2

).

Section 1 – La préemption du preneur rural

14. Dualité de possibilités offertes au preneur

. Le pr eneur r ur al peut exer cer le dr oit de pr éemption lui-même (

I

) ou subr oger quel qu'un dans ce dr oit (

II

). Aussi, plusieur s cas par ticuli er s li és à la qualité du pr eneur mér itent d'êt r e tr aités (

III

).

I – La préemption exercée par le preneur lui-même

15. Conditions pour bénéficier du droit de préemption

. Afin d'exer cer le dr oit de pr éemption que lui confèr e la loi, le pr eneur doit satisfair e deux sér ies de conditions imposées conjointement par les ar ticles L. 412-1 (

A

) et L.412-5 (

B

) du Code r ur al et de la pêche mar itime.

A – Condition imposée par l'article L.412-1 du Code rural et de la pêche maritime

16. Notion d'exploitant preneur en place

. L'ar ticle L.412-1 du Code r ur al et de la pêche mar itime confèr e un droit de pr éemption à «

l'exploitant preneur en place

». Cette

(17)

condition se r évèle êtr e en r éalit é une double condition. En effet , la qualité d'exploitant pr eneur en place suppose non seulement l'existence d'un bail soumis au statut du fer mage (V.

infra

, n° 54 et 55), mais encor e une exploitation du fonds au jour de la vente.

16bis. Bail soumis au statut du fermage

. Alor s que la SAFER peut pr éempter un bi en r ur al libr e de toute occupation, ce n'est pas le cas du pr eneur en place, qui est nécessair ement par ti e à un bail soumis au st atut du fer mage. Il peut donc s'agir d'un bail à fer me, d'un bail à métayage, d'un bail à longue dur ée ou encor e d'un bail annuel r enouvelable19

. Plus lar gement , il s'agit de toute convention entr ant dans le champ d'appli cation de l'ar ticle L.411-1 du Code r ur al et de la pêche mar itime, peu impor tant que le bail soit ver bal ou écr it20

. Notons également que la lettr e de l'ar ticle L. 412-1 du même Code ne distingue pas selon qu'il s'agisse d'un exploitant pr eneur en place per sonne physi que ou d'un exploit ant pr eneur en place per sonne mor ale. Nous r eviendr ons sur ce point (V.

infra

, n°25), mais il appar aît d'or es et déjà impor tant de pr éciser que la qualité du pr eneur est indiffér ente à l'exer cice ou non du droit de pr éemption –

ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus

.

Imposant la qualité de pr eneur en place, le législat eur n'a toutefois pas pr is le soin de définir cette notion. A l'évidence, celle-ci ne doit pas s'entendr e du «

preneur habitant sur

place

», mais bien dans le sens de «

preneur ayant un titre régulier d'occupation et exploitant le

fonds

»21

. Encor e faut-il que cette exploitation soit effective.

16ter. Exploitation effective

. Sous r éser ve de l'hypothèse dans laquelle il se voit «

empêché d'exploiter par des circonstances constituant un cas de force majeure

»22

, le pr eneur doit exploiter effectivement le fonds qu'il loue – et en r appor ter la pr euve – pour se pr évaloir de son dr oit de pr éemption au jour de la vente dudit fonds. Ainsi, la jur i spr udence a pr éci sé que «

n'est plus exploitant le preneur qui au jour de la vente avait abandonné le domaine de

façon définitive pour occuper une situation de chef de culture puis d'associé gérant

»23

, ou encor e que «

perd la qualité d'exploitant et donc le bénéfice du droit de préemption le preneur qui

sous-loue la plus grande partie ou une partie essentielle des biens loués

»24

. L'existence de la condition d'exploitation effective tr ouve une justification dans le fait qu'il appar aît logique

19 V. notamment sur ce point : A. LASSAUBATJEU-ANDRE, Aménagements apportés au statut du fermage par la loi

d'orientation agricole, Defrénois 1980, art. 32500, pp. 1498-1506

20 Cass. soc. 26 oct. 1960, Bull. Civ. IV, n°947 21 Cass. soc. 16 nov. 1950, Bull. Civ. IV, n°846 22 Cass. soc. 11 janv. 1951, Bull. Civ. III, n°15 23 Cass. soc. 2 déc. 1965, Bull. Civ. IV, n°862 24 Cass. soc. 6 juin 1958, Bull. Civ. IV, n°687

(18)

«

d'écarter du bénéfice de la préemption ceux qui ont conservé leur titre de preneur mais n'ont

cependant pas trouvé dans le fonds loué suffisamment d'intérêt pour en conserver la culture

»25. En d'autr es ter mes, « pas d'exploitation, pas de pr éemption ! »26

. Enfin, la pr éemption suppose la continuation de l'exploitation. Ainsi, le pr eneur doit , à compter de la pr éemption, «

se

consacrer à l'exploitation du bien (…) pendant au moins neuf ans

», aux ter mes de l'ar ticle L. 411-59 du Code r ur al et de la pêche mar itime.

16quater. Exploitation par la famille du preneur

. L'ar ticl e L. 412-5 alinéa pr emier du Code r ur al et de la pêche mar itime dispose que «

bénéficie du droit de préemption le

preneur (…) exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente

». Le texte semble donc en contr adiction même avec la lettr e de l'ar ticle L. 412-1 du même Code. En effet , l'un pose une condition d'exploitation par le pr eneur et lui seul, alor s que l'autr e semble indiquer que le fonds peut êtr e exploité par la famille de celui-ci . De ce fait , deux inter pr étations sont possibles : soit , d'une par t , le dr oit de pr éemption pour r ait êtr e exer cé uniquement en cas d'exploitation conjointe entr e le pr eneur et sa famille. Soit , d'autr e par t , le droit de pr éemption pour r ait êtr e exer cé alor s même que seul e la famille exploite le fonds. Cette seconde appr oche est celle que r etient la Cour de cassation en affir mant que la loi vise l'hypothèse dans laquelle le pr eneur, tout en r estant titulair e du bail, abandonne en fait la

25 BARBIERI, DUPEYRON, THERON, in Droit agraire, Economica, 1er vol., 2è éd., n°487

26 S. CREVEL, Pas d'exploitation, pas de préemption !, RD rur. Avril 2014, n°422, comm. 62, sous Cass. 3e civ. 4 févr. 2014

Actualité jurisprudentielle n°1

Cass. 3e civ., 4 févr. 2014, n°12-22.538 et 12-23.066 : JurisData n°2014-002160

« Attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments

de preuve qui lui étaient soumis, que M. X. ne rapportait pas la preuve lui

incombant de l'exploitation effective du fonds loué à la date de la vente, la cour

d'appel a pu, de ces seuls motifs et sans violer l'article 455 du Code de procédure

civile, en déduire que le locataire ne jouissait pas du droit de préempter les

parcelles objet du litige ».

Cass. 3e civ., 4 juin 2014, n°13-14.143

« L'appréciation de l'exploitation effective par le preneur doit se faire en

prenant en compte l'ensemble des terres affermées et non la seule parcelle

vendue ».

(19)

dir ection de l'exploitation à un membr e de sa famille27 .

Cette conception n'empor te pas notr e conviction. A notr e sens, il est en r éalité nécessair e d'appr écier cette condition au r egar d de l'ar ticle L. 411-59 du Code r ur al et de la pêche mar itime, lequel indi que que le pr eneur «

ne peut se limiter à la direction et à la

surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et

permanente (...)

». Dès lor s, de deux choses l'une : soit le pr eneur r especte la lettr e de l'ar ticle L. 411-59 et voit son fonds exploité en par ti e par un membr e de sa famille ; soit il ne r especte pas la lettr e de l'ar ticle L. 411-59 et sa famille exploite en r éalité le fonds à sa place. Dans cette situation, il sembler ait que la pr emièr e hypothèse ouvr e droit à la pr éemption en cas de vente, à l'inver se de la seconde.

17. Changement de destination du fonds

. Qu'advient-il du dr oit de pr éemption du fer mier en cas de changement de dest ination du fonds ? En d'autr es ter mes, un fonds agr icole exploité dont la destination est modifiée mais dont l'exploitation par le pr eneur n'a pas cessé peut-il fair e obstacle à l'exer cice du dr oit de pr éemption du fer mier ? Bi en que les tr i bunaux ne se soient pas, à notr e connaissance, prononcés sur la question, il semble qu'il faille y r épondr e par l'affir mat ive. La solution nous par aît fr appée au coin du bon sens et en adéquation avec la lettr e de l'ar ticle L. 411-1 du Code r ur al et de la pêche mar itime, lequel définit le statut du fer mage comme «

toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à

usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1

(...)

».

B – Conditions imposées par l'article L. 412-5 du Code rural et de la pêche

maritime

18. Exercice de la profession agricole

. L'alinéa pr emier de l'ar ticle L. 412-5 du Code r ur al et de la pêche mar itime impose au pr eneur en place souhaitant bénéficier d'un droit de pr éemption en cas de vente du fonds loué d'avoir exer cé la profession agr icole pendant au moins trois ans. La pr ofession agr icole pouvant êtr e exer cée sous différ entes « casquettes », la pr éemption est donc ouver te au pr eneur ayant exer cé celle-ci en tant que chef d'exploitation, en tant que salar ié ou encor e en tant qu'aide famili al. Il sembler ait que le cr itèr e r etenu par la jur ispr udence soit celui de la mise en valeur d'un fonds agr icole par la per sonne concer née.

(20)

Par conséquent , lor squ'il s'agit d'un salar ié, les juges du fond se r éfér eront au contenu du contr at de tr avail. De cette façon, la Cour de cassation a r efusé l'exer cice du dr oit de pr éemption à un technicien agr icole28

ou encor e, logiquement , à un fils d'agr iculteur29 . A l'inver se, un stagiair e ayant par ticipé à la mise en valeur d'un fonds peut voir cette pér iode de stage pr ise en compte dans le calcul de l'ancienneté r equise par la loi30

. En l'espèce, tout laisse à penser que le stage était conventionné et mentionnait la mise en valeur du fonds.

Quid

d'un stage non conventionné compr enant toutefois une mise en valeur du fonds par le stagiair e ? A notr e connaissance, la doctr ine ne s'est pas pr éoccupée de cette hypothèse. Le débat , qui se situe sur le ter r ain de la pr euve, r este donc ouver t .

18Bis. Critique

. Enfin, et à défaut de pr écisions de la loi, notons que l'exer cice de la pr ofession agr icole n'est pas exigé à titr e pr incipal. Le dr oit de pr éemption est donc ouver t à un agr iculteur exer çant également l'activité commer ci ale de mar chand de volailles31

ou encor e l'activité de gér ant d'une station ser vice32

. La solution, ancr ée en jur i spr udence, peut toutefois êtr e cr itiquée. En effet , la SAFER peut y voir une for me d'injustice en ce sens que cer tains pr eneur s peuvent pr éempter en pr ior ité alor s même que l'activit é agr icole qu'ils exer cent ne r epr ésente qu'une infime par tie de leur quotidi en. C'est toute la question de la hiér ar chie des dr oits de pr éemption qui pr end ici son sens. En tout état de cause, il est possi ble de se demander si la hiér ar chi e des droits de pr éemption est ici just ifi ée. La SAFER n'a t-elle pas plus d'intér êt à pr éempter qu'un pr eneur qui n'exer ce son activité agr icole que quel ques jour s par an ? A notr e sens, la r éponse doit êtr e positive toutes les foi s où la pr éemption par la SAFER est r égulièr e (nous entendons ici par r égulièr e une pr éemption exer cée par r éfér ence aux object ifs légaux de l'ar ticle L. 143-2 du Code r ur al et de la pêche mar itime – V.

infra

, n° 28).

19. Superficie déjà acquise

. Aux ter mes de l'ar ticle L. 412-5 alinéa 6 du Code r ur al et de la pêche mar itime, le pr eneur, au jour où il entend pr éempter, ne doit pas êtr e propr iétair e de biens r epr ésentatifs d'une sur face supér ieur e à trois fois la sur face minimale d'install at ion

28 Cass. 3e civ. 5 juin 1969, Bull. Civ. 1969, III, n°447. A notre sens, cette décision doit être accueillie avec prudence. En effet, il est à penser que le contrat de travail du technicien agricole concerné ne permettait pas d'affirmer que celui-ci mettait en valeur le fonds agricole. Un contrat de travail différent – et tous le sont – aurait probablement conduit à une solution toute autre.

29 Cass. 3e civ., 23 avr. 1974, Bull. Civ. 1974, III, n°161. La seule qualité de fils d'agriculteur ne saurait suffire à ouvrir droit à la préemption.

30 Cass. soc. 13 mai 1955

31 Cass. soc., 4 janv. 1963, Bull. Civ. 1963, IV, n°15 32 Cass. 3e civ., 14 nov. 1968, Bull. Civ. 1968, III, n°459

(21)

(SMI) . Il est à noter que l'ar ticle susvi sé ne r envoi e qu'à la pr opr iété au sens str ict , et donc pas à l'exploitation, ni à l'usufr uit33. Par conséquent , pour appr écier la propr iété dét enue par le pr eneur, «

il y a lieu de tenir compte de toutes les parcelles dont le preneur est propriétaire,

même s'il ne les exploite pas et si elles sont situées dans d'autres départements

»34

. Par ailleur s, la super fici e à pr endr e en compte est celle que fixe l'ar r êté applicable au dépar tement où se tr ouve le bien vendu35

.

19bis. Critique

. Sur ce point , la hiér ar chi e des droits de pr éemption ne semble avoir que peu d'enjeux, en ce sens que l'on compr end aisément que le légi slat eur a voulu, par cette di sposition, pr évenir le r isque «

d'accumulation de propriété

»36

. Or, la pr évention d'un tel r isque se r etr ouve dans les objectifs légaux de l'ar ticle L. 143-2 du Code r ur al et de la pêche mar itime assignés aux SAFER en cas de pr éemption : «

L'exercice de ce droit a pour objet, dans

le cadre des objectifs définis (…) : 2° (…) l'amélioration de la répartition parcellaire des

exploitations existantes (...)

». En somme, le dr oit de pr éemption du pr eneur et le dr oit de pr éemption de la SAFER pour suivent ici un objectif commun, celui de ne pas voir une super fici e tr op impor tante appar tenir à un même propr iétair e fonci er. En matièr e viticole, la concur r ence s'en tr ouve r enfor cée pui sque le consommateur aur a davantage de choix. A titr e d'exemple, il semble pr éfér able que 10 000 hectar es de vignes appar tiennent à cinq cent viticulteur s différ ents (qui pr oduir ont donc plus de cinq cent vins différ ents), plutôt qu'à dix

33 Cass. soc. 13 nov. 1953, Bull. Civ. 1953, IV, n°712 34 Cass. 3e civ. 29 janv. 1974, Bull. Civ. III, n°38 35 Ibid.

36 H. BOSSE-PLATIERE, F. COLLARD, B. GRIMONPREZ, T. TAURAN, B. TRAVELY, op. cit., p. 129, n°320

Actualité jurisprudentielle n°2

Cass. 3e civ., 7 mai 2014, n°13-11.776 : Jur i sData n°2014-009896 « Mais a

ttendu qu'ayant constaté que, nonobstant l'achat par les deux

époux, M. Z avait exercé seul le droit de préemption et exactement retenu qu'au

jour où il a notifié sa décision d'exercer ce droit, seuls ses biens propres et la

moitié des biens communs devaient être pris en compte pour le calcul de la

surface maximale prévue par l'article L. 312-6 du code rural et de la pêche

maritime, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui

ne lui étaient pas demandées et qui a souverainement apprécié la portée des

éléments de preuve qui lui étaient soumis, a légalement justifié sa décision

».

(22)

(ce qui limiter ait clair ement le choix du consommateur, mais également la concur r ence).

II – La préemption exercée par autrui

20. Dualité d'hypothèses

. En pr atique, la pr éemption pour r a êtr e exer cée par autr ui dans deux hypothèses : soit par ce que le pr eneur est décédé (

A

) , soit par ce qu'il a subr ogé autr ui dans l'exer cice de son dr oit de pr éemption (

B

).

A – La préemption exercée par autrui en cas du décès du preneur

21. Ayants droit

. Qu'advient-il du dr oit de pr éemption du pr eneur lor sque ce der nier décède ? L'ar ticle L. 412-5 du Code r ur al et de la pêche mar itime, pr is en son alinéa 5, pr évoit cette hypothèse : «

Le conjoint ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur décédé,

ainsi que ses ascendants et ses descendants âgés d'au moins seize ans, au profit desquels le bail

continue en vertu de l'article L. 411-34, alinéa 1er, bénéficient dans l'ordre de ce même droit,

lorsqu'ils remplissent les conditions prévues à l'alinéa 2 ci-dessus et exploitent par eux-mêmes ou

par leur famille le fonds mis en vente, à la date d'exercice du droit

».

Au r egar d des dispositions de l'ar ticle L. 411-34 alinéa pr emier du Code r ur al et de la pêche mar itime (posant le pr incipe de la continuation du bail r ur al au pr ofit des ayants dr oit du pr eneur décédé) , il appar aît for t logique que le bénéfice de la pr éemption soit soumis au même sor t . Ainsi, la solution posée par l'ar ticle L. 412-5 est en adéquation avec celle de l'ar ticle L. 411-34. Toutefois, les solutions diffèr ent selon que le tr ibunal par i tair e des baux r ur aux s'est ou non pr ononcé sur l'attr ibution du dr oit au bail.

22. Enjeu de l'attribution du droit au bail

. Aucune difficulté par ticulièr e n'est à r elever lor sque le bail se pour suit au pr ofi t d'un ayant dr oit uni que ou lor sque le droit au bail a ét é attr ibué à un seul ayant droit : cet ayant droit est seul à pouvoir exer cer le droit de pr éemption.

En r evanche, lor sque le dr oit au bail est attr ibué conjointement à plusi eur s ayants dr oit , ceux-ci sont copr eneur s et des difficultés jur idiques r elatives à la pr éemption voient le jour (sur ces difficult és, V.

infra

, n°26).

Enfin, en pr ésence d'une plur alité d'ayants droit mais en l'absence d'attr ibution de dr oit au bail, l'ar ticle L. 412-5 du Code r ur al et de la pêche mar itime institue un or dr e de

(23)

pr ior ité pour l'exer cice de la pr éemption. Ainsi, dans l'ordr e, la pr éemption peut êtr e exer cée par le conjoint ou le par tenair e d'un pacs du défunt pr eneur, par ses ascendants, puis par ses descendants âgés d'au moins seize ans. Toutefois, en cas de pr éemption par l'une des per sonnes pr écédemment énumér ées, la loi n'infor me pas sur le devenir du droit au bail . En d'autr es ter mes, le dr oit au bail des ayant s dr oit n'ayant pas pu ou voulu pr éempter sur vit-il à la pr éemption ? En assemblée plénièr e, la Cour de cassation a r épondu par l'affir mative37

. Il s'en suit que les ayants dr oit n'ayant pas pr éempté pour ront le fair e en cas de r evente du bien par l'ayant dr oit ayant pr éempté lor s de la pr emièr e cession – et cela dans le même ordr e.

22Bis. Critique

. Dès lor s, la question de la hiér ar chie des droits de pr éemption peut à nouveau êtr e soulevée. En effet , la solution de la Cour de cassation peut , à l'extr ême nous en convenons, donner lieu à une pr ivation per pétuelle de l'exer cice de son droit de pr éemption par la SAFER. Nous nous expliquons : un pr opr iét air e donne à bail un bien r ur al à un pr eneur, puis le vend. Le pr eneur (mar i é(e) ou pacsé(e)) décède et le tr ibunal par itair e des baux r ur aux n'a pas pr ononcé l'attr ibution du dr oit au bail. Le conjoint ou par tenair e pr éempte le bien, pour ensuite le donner à bail à un pr eneur qui r épéter a le même schéma (à l'évidence bien involontair ement). Dans cette situation, la SAFER n'exer cer a jamais son droit de pr éemption. Cer tes, l'hypothèse par aît davantage r elever d'un cas d'école que de la r éalité pr ati que, mais for ce est de constater qu'elle existe bel et bi en.

En r éalité, il n'est même pas nécessair e de mener le r ai sonnement si loin pour par venir à une telle conclusion. En effet , dans la mesur e où le dr oit de pr éemption du pr eneur pr ime celui de la SAFER, il appar aît tr ès simple de fair e obstacle au dr oit de cette der nièr e : si le bien est loué à chaque fois qu'il fait l'objet d'une aliénation à titr e onér eux et que le pr eneur pr éempte, la SAFER ne pr éempter a jamais ce bien. Autr ement dit , un intér êt par ticulier (celui du pr eneur ) va pr imer un int ér êt , cer tes par ticulier lui aussi , mais qui a pour objectif la r éalisation d'un cer tain nombr e d'objectifs légaux, à savoir ceux de l'ar t icle L. 143-2 du Code r ur al et de la pêche mar itime.

23. Conditions à remplir par les ayants droit

. En tout état de cause, la pr éemption ne peut êtr e exer cée par les ayants droit que sous cer taines conditions. Outr e le fait que ceux-ci doivent êtr e aptes à r evêtir la qualit é de pr eneur r ur al, ils doivent avoir exer cé la pr ofession agr icole pendant au moins tr ois ans ou êtr e titulair es d'un diplôme d'enseignement agr icole38

;

37 Cass. ass. plén., 25 mai 1971

(24)

exploiter par eux-mêmes ou par leur famille le fonds mis en vente à la date de l'exer cice du dr oit ; ne pas êtr e pr opr iét air es d'une super ficie supér ieur e au maximum défini par l'ar ticl e L. 412-5 du Code r ur al et de la pêche mar itime. En somme, il existe une identité de conditions à r emplir par le pr eneur et par ses ayant s droit lor sque celui-ci est décédé, ce qui nous semble par faitement cohér ent .

B – La préemption exercée par autrui par subrogation

24. Conditions

. Sous r éser ve du r espect de cer taines conditions, l'ar t icle L. 412-5 alinéa 3 du Code r ur al et de la pêche mar itime per met au pr eneur de subr oger dans l'exer cice de son dr oit de pr éemption son conjoint , son par tenair e pacsé ou encor e un descendant majeur ou mineur émancipé. Le pr opr iét air e du fonds pr éempté ne ser a donc pas le pr eneur, mais la per sonne subr ogée dans les dr oits de ce der nier.

En opér ant un r envoi à l'ar ticle L. 412-5 alinéa 2 du Code r ur al et de la pêche mar itime, le légi sl ateur exige que la per sonne subr ogée ait exer cé la pr ofession agr icole pendant au moins trois ans, ou soit titulair e d'un diplôme d'enseignement agr icole. De plus, cette per sonne ne doit pas déjà êtr e propr iétair e de biens r epr ésentatifs d'une sur face supér ieur e à tr ois foi s la sur face minimale d'installation.

III – Cas particuliers liés à la qualité du preneur

25. Preneur personne morale

. Ainsi que nous l'évoquions (V.

supra

, n°16bis), le Code r ur al et de la pêche mar itime ne distingue pas selon que le pr eneur est une per sonne physique ou une per sonne mor ale. A défaut de di stinction, la jur ispr udence a r apidement tr anché la question en r et enant qu'une per sonne mor ale pouvait tout à fait êtr e titulair e du droit de pr éemption, sous r éser ve de satisfair e aux conditions de l'ar ticle L. 412-5 du Code r ur al et de la pêche mar itime39

. Dès lor s, la per sonne mor al e en question doit exploiter de manièr e effective le fonds loué, ne doit pas êtr e pr opr iétair e de biens r ur aux d'une super ficie excédant tr ois SMI, et exer cer la profession agr icole.

For t logiquement , le pr eneur per sonne mor al e ne jouit pas de toutes les possibilités offer tes au pr eneur per sonne physique. En effet , il appar aît impossible en pr atique qu'une

412-5 du Code rural et de la pêche maritime à propos du preneur lui-même. Le lecteur désireux d'approfondir la question pourra consulter la référence suivante : Jcl. Rural, V° Baux ruraux, fasc. 60, n°107

(25)

per sonne mor al e pr éempte «

pour faire assurer l'exploitation du fonds par son conjoint ou le

partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité

»40. La solution est identique pour ce qui est de l a pr éemption exer cée par autr ui par le biais du mécanisme de la subr ogation. Si la jur ispr udence est tout de même allée jusqu'à admettr e que les sociétés commer ciales peuvent subir un pr éjudice mor al41

, il n'y a que tr ès peu de chances pour que les disposit ions susvisées intér essent un jour le pr eneur per sonne mor ale …

26. Copreneurs

. Ri en n'impose qu'un bail r ur al soit consenti à une seule et unique per sonne. En effet , le bailleur peut tout à fait contr acter avec des copr eneur s plutôt qu'avec un pr eneur unique – sous r éser ve que ceux-ci r emplissent les conditions énoncées pr écédemment (V.

supra

, n°15 et s.) . Dans cette hypothèse,

quid

du dr oi t de pr éemption ? Par un impor tant ar r êt , la Cour de cassation a tr anché la question en affir mant le pr incipe selon lequel les copr eneur s sont titulair es individuellement ou collectivement du droit de pr éemption42

. En d'autr es ter mes, le copr eneur solidair e d'un bail r ur al a un dr oit per sonnel à exer cer le dr oit de pr éemption, mais ce droit peut également s'exer cer conjointement avec le ou les autr es copr eneur s. Ainsi, le droit de pr éemption peut êt r e exer cé par un copr eneur, si les autr es four nissent leur accor d. Le copr eneur ne peut donc se prévaloir du droit de pr éemption que lor sque les autr es y r enoncent . De fait , ce dr oit s'exer ce sur la totalit é du bien objet de la vente, et ne saur ait s'exer cer sur une par tie seulement de celui-ci43

. Enfin, lor sque plusieur s copr eneur s souhaitent exer cer le dr oit de pr éemption, l'acquisition est indivise44

.

Section 2 – La préemption de la SAFER

27. Pour son compte ou pour autrui

. Le dr oit de pr éemption de la SAFER est par ticuli er en ce sens qu'il peut êtr e exer cé par la SAFER pour elle-même (

I

) , ou pour autr ui (

II

).

I – La préemption de la SAFER pour elle-même

28. Finalités limitativement énumérées

. A l'inver se du pr eneur, la SAFER ne peut et

40 Article L. 412-5 alinéa 2 du Code rural et de la pêche maritime

41 Cass. com. 15 mai 2012, pourvoi n°11-10.278, Bull. Civ., 2012, IV, n°101 42 Cass. soc. 16 juill. 1956, Bull. Civ. IV, n°669

43 Rép. Min, JO Sénat Q 5 févr. 1967, p. 21 44 Ibid.

(26)

ne doit exer cer son dr oit de pr éemption que pour faciliter la r éalisation d'un cer tain nombr e d'objectifs. Ces objectifs, limit ativement énumér és par l'ar ticle L. 143-2 du Code r ur al et de la pêche mar itime, sont les suivants :

1° L'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs ;

2° L'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations

existantes conformément à l'article L. 331-2 ;

3° La préservation de l'équilibre des exploitations lorsqu'il est compromis par l'emprise

de travaux d'intérêt public ;

4° La sauvegarde du caractère familial de l'exploitation ;

5° La lutte contre la spéculation foncière ;

6° La conservation d'exploitations viables existantes lorsqu'elle est compromise par la

cession séparée des terres et de bâtiments d'habitation ou d'exploitation ;

7° La mise en valeur et la protection de la forêt ainsi que l'amélioration des structures

sylvicoles dans le cadre des conventions passées avec l'Etat ;

8° La réalisation des projets de mise en valeur des paysages et de protection de

l'environnement approuvés par l'Etat ou les collectivités locales et leurs établissements publics ;

9° Dans les conditions prévues par le chapitre III du titre IV du livre Ier du code de

l'urbanisme, la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains.

Deux objectifs viennent s'ajouter à ceux pr é-cités, mai s ser ont tr aités au sein du par agr aphe suivant (V.

infra

, n° 31 et 32) dans la mesur e où il s'agit d'hypothèses dans lesquelles la SAFER ne pr éempte pas pour son propr e compte.

29. Projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt

. Ce pr ojet , actuellement débattu en commission mixte par itair e, pr opose une r éécr itur e de l'ar ticle L. 143-2 du Code r ur al et de la pêche mar itime qu'il conviendr a d'étudier dans un chapitr e dédié à l'analyse des dr oits de pr éemption au r egard de leur s finalités (V.

infra

, n°154 à 173).

30. Agrément administratif

. La SAFER peut acquér ir ami ablement des bi ens r ur aux, mais tient son dr oit de pr éemption d'une habilitation administr ative. Celle-ci se manifeste par un décr et pr is sur pr oposition du ministr e de l'agr icultur e pour une dur ée limitée45. En r ègl e génér ale, ce décr et est quinquennal, et r econduit systémati quement (sous r éser ve de modifications mineur es). Le décr et d'habilitation délimite les zones au sein desquelles la SAFER va pouvoir exer cer son droit , la ou les super fici es minimales des bi ens non bâtis susceptibles de pr éemption, ainsi que les catégor ies de biens et les zones dans lesquelles les

(27)

biens vendus par adjudication volontair e devr ont êtr e pr éalablement pr oposés à la SAFER.

II – La préemption de la SAFER pour le compte d'autrui

31. Pour le compte du département

. Depuis la loi n°2005-157 du 23 févr ier 2005 r elative au développement des ter r itoir es r ur aux, la SAFER peut exer cer son droit de pr éemption pour le compte des dépar tements, dans cer taines zones (l a SAFER agit alor s en tant que mandat air e). Cette pr ér ogative constitue le moyen que la loi confèr e aux SAFER pour atteindr e l'objectif fixé à l'ar ticle L. 143-2 9°, à savoir «

la protection et la mise en valeur des

espaces agricoles et naturels périurbains

». Les zones dans lesquelles la SAFER peut pr éempter pour le compte du dépar tement sont donc les zones agr icoles et pér iur baines, alor s que le dépar tement est compétent pour les espaces natur els sensibl es.

Si l'intention est louable, nous nous inter r ogeons toutefois sur la nécessité d'un tel di spositif. En effet , pour quoi ne pas confér er dir ectement le droit de pr éemption au dépar tement ? Le gain de temps ser ait cer t ain eu égar d à la procédur e mise en œuvr e.

A

contrario

, il est à r elever que la SAFER est tr ès cer tainement plus infor mée et compétente que le dépar t ement en matièr e d'espaces agr icoles. Ceci expli que en par tie que la SAFER soit «

en

quelque sorte l'instrument

»46

du dépar tement .

32. Pour le compte de l'agence de l'eau

47

. La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 por tant engagement national pour l'envir onnement , dite Gr enelle II, offr e la possibilité à l a SAFER de pr éempter des par celles agr icoles en zones humides pour le compte de l'agence de l'eau48

– la SAFER agit donc également en tant que mandatair e. Ces zones sont définies par l'ar ticle L. 211-1 du Code de l'envir onnement49

. Si l'object if fixé par la pr éemption pour le compte de l'agence de l'eau est cl air («

une politique foncière de sauvegarde des zones

humides

» ), nous const atons en r evanche que ni les textes actuels ni le projet de loi d'avenir pour l'agr icultur e, l'alimentation et la for êt ne s'intér essent au champ d'application de la pr éemption, à sa mise en œuvr e ou encor e à la pr océdur e à suivr e. Lor sque l'on connaît l'impor t ance des zones humides pour l'agr icultur e, il appar aît r egr ettable et sur pr enant

46 H. BOSSE-PLATIERE, F. COLLARD, B. GRIMONPREZ, T. TAURAN, B. TRAVELY, op. cit., p. 581, n°1695 47 La formulation pourrait laisser penser qu'il n'existe qu'une agence de l'eau. Il apparaît donc utile de préciser dès à

présent que six agences de l'eau cohabitent sur le territoire français. 48 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, art. 133

49 « On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou

saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ».

(28)

qu'aucun cadr e jur idique ou pr esque n'ait ét é fixé. En tout état de cause, ce vér itable vide jur idique ne sembl e pas avoir attir é l'attention des par lement air es, qui ne mentionnent les ter mes « zones humides » qu'une foi s dans leur projet de loi, se contentant d'affir mer : «

la

politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tient compte des spécificités des zones

humides

». A l'évidence, cette affir mation doit êtr e nuancée50

.

33.

Appr éhender le champ d'application de tout dr oit de pr éemption ne saur ait se limiter à la seule pr ise en compte de ses titulair es, c'est la r ai son pour laquelle il convient à pr ésent de tr aiter du domaine de la pr éemption quant aux bi ens.

50 Le lecteur non convaincu pourra se reporter à l'étude rédigée par Benoît GRIMONPREZ, maître de conférences : B. GRIMONPREZ, Agriculture et zones humides : un droit entre deux eaux, RD rur. n°393, mai 2011, étude 5

(29)

Chapitre 2 – Considérations tenant au domaine de la préemption quant aux biens

34. Annonce

. La natur e des biens conditionne l'exer cice ou non des dr oits de pr éemption r ur aux. En se r éfér ant au Code r ur al et de la pêche mar itime, il est possi ble de const at er que droit de pr éemption du pr eneur r ur al et dr oit de pr éemption de la SAFER ne sont pas également tr aités en ce qui concer ne les bi ens susceptibles d'êtr e pr éemptés. En effet , si le légi sl ateur a fait pr euve d'une cer taine pr écision s'agissant du r égime applicable à la SAFER (

Section 1

), cela ne sembl e pas êtr e le cas s'agissant de la pr éemption par le pr eneur (

Section 2

). Aussi, le cas par ticulier de la vente d'un bien par tiell ement soumis au dr oit de pr éemption est génér ateur de difficultés, et donc d'enjeux (

Section 3

) .

Section 1 – La définition précise du champ d'application du droit de préemption

de la SAFER quant aux biens

35. Inclusion et exclusion explicites

. En son ar ticle L. 143-1, le Code r ur al et de la pêche mar itime pr end le soin d'énumér er de manièr e explicite les biens susceptibles de pr éemption par la SAFER (

I

) . Apr ès lectur e dudit ar ti cle, la tentation commander ait d'affir mer que tous les biens qui n'y sont pas mentionnés sont donc exclus de la pr éemption. Il n'en est r ien, dans la mesur e où le législateur énumèr e également à l'ar ticle L. 143-4 du Code r ur al et de la pêche mar itime les biens insusceptibles d'êtr e pr éemptés (

II

).

I – La préemption de biens immobiliers et mobiliers par la SAFER

36. Article L. 143-1 alinéa premier

. Aux ter mes de l'ar ticle L. 143-1 alinéa pr emier du Code r ur al et de la pêche mar it ime, «

il est institué au profit des sociétés d'aménagement foncier

et d'établissement rural un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens

immobiliers à utilisation agricole (A) et de biens mobiliers qui leur sont attachés (B)

».

A – Biens immobiliers préemptables par la SAFER

37. Immeubles bâtis ou non

. La pr éci sion de l'ar ticle susvi sé implique d'opér er une nouvelle subdivi sion par mi les bi ens pr éemptables par la SAFER. En effet , la loi distingue selon que l'immeuble est bâti (

1

) ou non bâti (

2

). Si plusieur s subdivisions peuvent de pr ime

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