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Constat d'une hiérarchie entre les droits de préemption

175. Double hiérarchie.

Dans les fait s, il ne s'agit pas d'étudier

la

mais

les

hiér ar chies entr e les dr oit s de pr éemption. En effet , les dr oits de pr éemption r ur aux sont cer tes

susceptibles d'êtr e en concour s entr e eux (

I

), mais peuvent également l'êtr e avec un cer tain nombr e d'autr es droits « pér iphér iques » (

II

) .

I – Constat d'une hiérarchie entre les droits de préemption ruraux

176. Primauté du droit de préemption du preneur.

L'inter pr étation

a contrario

des di spositions de l'ar ticle L. 143-6 du Code r ur al et de la pêche mar itime laisse appar aîtr e une pr imauté du dr oit de pr éemption du pr eneur sur celui de la SAFER. Cette pr imauté vaut que la pr éemption soit exer cée par le pr eneur lui-même (V.

supra

, n°15 et s.) ou par autr ui (V.

supra

, n°20 et s.) .

177. Primauté soumise à conditions

. L'ar ticl e L. 143-6 du Code r ur al et de la pêche mar itime dispose que le dr oit de pr éemption de la SAFER «

ne peut s'exercer contre le preneur

en place, son conjoint ou son descendant régulièrement subrogé dans les conditions prévues à

l'article L. 412-5 que si ce preneur exploite le bien concerné depuis moins de trois ans

», et pr écise ensuite que la condit ion de dur ée d'exploitation «

peut avoir été remplie par son

conjoint ou par un ascendant de lui-même ou de son conjoint

».

Par conséquent , deux conditions sont posées à la pr imauté du dr oit de pr éemption du pr eneur. D'une par t , le pr eneur doit sati sfair e aux exigences de l'ar ticle L. 412-5 du Code r ur al et de la pêche mar i time concer nant l'exer cice de la pr ofession agr icole (V.

supra

, n°18 et 18bis) et la super ficie déjà acqui se (V.

supra

, n°19 et 19bis). D'autr e par t , le pr eneur doit exploiter le bien vendu depuis au moins tr oi s ans pour exer cer son droit de pr éemption pr ior itair ement . En somme, le pr eneur en place doit êtr e titulair e d'un droit de pr éemption, et exploiter le bi en vendu depuis au moins tr ois ans. En outr e, le pr eneur doit êtr e «

en place

», ce qui suppose non seul ement l'existence d'un bail soumis au st atut du fer mage (V.

supra

, n° 54 et 55), mais encor e une exploitation du fonds au jour de la vent e (V.

supra

, n°16 et s.)

Malgr é la clar té des dispositions légales, la jur ispr udence a du r appeler les conditions posées. Ainsi a t-elle jugé, censur ant la cour d'appel de Toulouse, que l'ar ticle L. 143-6 du Code r ur al et de l a pêche mar itime ne peut s'appliquer qu'au profit d'un pr eneur en place r emplissant les conditions pr évues à l'ar ticle L. 412-5 du même code230

.

Un ar r êt nous sembl e r elativement impor tant en matièr e de char ge de la pr euve. Celui- ci concer ne la pr euve de l'exploitation depui s au moins tr ois ans. Par cet ar r êt , la Cour de

cassation a jugé que la char ge de la pr euve en la matièr e incombe au pr eneur231

. La solution est évidemment à l'avantage des SAFER.

178. Attribution et droit de préemption du preneur

. L'attr ibution (ou r étr ocession) à laquelle pr ocède la SAFER lor squ'elle a pr éempté un bien constitue une aliénation à titr e onér eux. Par conséquent , en pr ésence d'un pr eneur en place, le dr oit de pr éemption de ce der nier doit êtr e pur gé. Il est par ailleur s tout à fait envisageabl e que cette pur ge soit en r éalité une seconde pur ge du dr oit de pr éemption du pr eneur. En effet , lor s d'une pr emièr e ali énation, il est possible que le pr eneur ait r enoncé à exer cer ses pr ér ogatives, lai ssant ainsi le bien libr e d'êtr e pr éempté par la SAFER. Cette der nièr e ét ant tenue de r étr océder le bien, le pr eneur ser a à nouveau pr ior itair e pour acquér ir le bi en qu'il loue.

De plus, il est tout à fait concevable que le pr eneur se soit r efusé à pr éempter lor s d'une pr emièr e cession, et souhaite pr éempter lor s de l'attr ibution du bien par la SAFER. En quelque sor te, cel a const itue une « seconde chance » pour le pr eneur de devenir propr iétair e du bien qu'il exploite.

179. Inopposabilité de certains baux

. Deux types de baux sont susceptibles d'êtr e inopposables à la SAFER, et donc de r emettr e en cause la pr imauté du dr oit de pr éemption du pr eneur.

Tout d'abor d, afin de r appor ter la pr euve de l'exploitation du bien depuis au moins tr ois ans, le bail ne doit pas êtr e dépour vu de date cer taine. En effet , le cas échéant , le bail demeur e inopposable à la SAFER.

Ensuit e, les baux fictifs sont inopposables à la SAFER. Afin de fair e obstacle au dr oit de pr éemption de la SAFER, cer tains pr opr iétair es pensent utile de fair e pr écéder la vente de leur bien d'un bail. Tout l'enjeu en la matièr e est de déter miner si l'opér ation est ou non fr auduleuse. Dans la mesur e où la fr aude cor r ompt tout , le bail fictif est donc inopposable à la SAFER, ce qui per met à cette der nièr e d'acquér ir un bien libr e de toute location.

Dans la mesur e où l'ar ticle L. 143-6 du Code r ur al et de la pêche mar itime n'évoque pas seulement le conflit entr e les dr oit s de pr éemption r ur aux, il convient à pr ésent de tr aiter des conflits existant entr e droits de pr éemption r ur aux et autr es dr oit s « pér iphér i ques ».

II – Constat d'une hiérarchie entre les droits de préemption ruraux et d'autres

droits « périphériques »

180. Annonce.

Apr ès avoir étudié la hiér ar chie des droits de pr éemption r ur aux entr e eux, il convient à pr ésent de s'inter roger sur d'éventuels conflits ent r e ces mêmes dr oits et d'autr es droits dits « pér iphér iques ». Ces der nier s peuvent êtr e ét ablis au pr ofit de per sonnes publiques (

A

) ou pr ivées (

B

). En tout état de cause, lor sque l'un ou plusieur s de ces droits pr ime celui de la SAFER, le vendeur se doit d'infor mer cette der nièr e de l'aliénation par le biais d'une déclar ation pr éalable232

.

A – Conflits entre droits de préemption ruraux et droit de préemption de

certaines personnes publiques

181. Primauté légale.

L'ar ticle L. 143-6 du Code r ur al et de la pêche mar itime dispose que «

le droit de préemption de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural ne

peut primer les droits de préemption établis par les textes en vigueur au profit de l’État, des

collectivités publiques, des établissements publics (...)

». S'agissant du dr oit de pr éemption du pr eneur, une solution identi que est posée par l'ar ticle L. 412-4 du même code. Par conséquent , plusieur s dr oits de pr éemption institués au profit de per sonnes publiques pr iment celui de la SAFER et du pr eneur. Quels sont-ils ?

– Tout d'abor d, il s'agit du droit de pr éemption ur bain institué au pr ofit des communes par l'ar ticle L. 211-1 du Code de l'ur banisme233

.

– Ensuite, il peut s'agir du dr oit de pr éemption pr évu dans les zones d'aménagement différ é, institué par l'ar ticle L. 212-2 du Code de l'ur bani sme. Lesdites zones constituent un pér imètr e à l'intér ieur duquel une collectivité locale, un établissement public ou une société d'économie mixte titulair e d'une convention d'aménagement dispose d'un droit de pr éemption sur les biens immobilier s et dr oits sociaux vendus. Ce dr oit pr ime le droit de pr éemption ur bain en cas de concour s. La cr éation de telles zones doit per mettr e la r éalisation d'un cer tain nombr e de pr ojets ur bains (r éali sation d'équipements collectifs par exemple) . – De plus, les droits de pr éemption r ur aux sont supplantés par le dr oit de pr éemption

pr évu à l'ar ticle L. 214-1 du Code de l'ur bani sme. Celui-ci est institué au pr ofit des

232 Article R. 143-9 du Code rural et de la pêche maritime

communes en cas d'aliénations à titr e onér eux de fonds ar t isanaux, de fonds de commer ce ou de baux commer ciaux, et a pour but la sauvegar de du commer ce et de l'ar tisanat de pr oximité.

– Enfin, l'ar ticle L. 143-6 du Code r ur al et de la pêche mar itime fait implicitement r éfér ence au dr oit de pr éemption institué au pr ofit des dépar tement s dans les espaces natur els sensibles par l'ar ticle L. 142-3 du Code de l'ur banisme.

182. Relativité de l'enjeu

. En pr ati que, les tr ois pr emi er s droits de pr éemption pr écités sont peu susceptibles d'entr er en conflit avec celui de la SAFER ou celui du pr eneur r ur al. En effet , les objectifs pour suivis ainsi que les zones au sein desquelles ces différ ents dr oits sont applicabl es diffèr ent . Alor s que les dr oits de pr éemption r ur aux ont , comme leur nom l'indique, vocation à s'appliquer en milieu r ur al, les dr oit s pr écités sont davantage liés au milieu ur bain. D'ailleur s, ils sont r égi s par les dispositions du Code de l'ur banisme.

Cependant , une hypothèse semble pouvoir r évéler un conflit entr e dr oit de pr éemption de la SAFER et dr oit de pr éemption ur bain. Il s'agit du cas dans lequel une commune souhaiter ait acquér ir des ter r es agr icoles afin de r éali ser sur celles-ci un par c paysager. Dans la mesur e où les ter r es sont agr icoles, la SAFER a bi en vocation a pr éempter234

, mais est r eléguée à un r ang infér ieur du fait de la pr imauté légale du droit de pr éemption ur bain.

B – Conflits entre droits de préemption ruraux et droit de préemption de

certaines personnes privées

183. Attribution préférentielle.

L'ar ticle L. 143-6 du Code r ur al et de la pêche mar itime dispose égal ement que «

le droit de préemption de la société d'aménagement foncier

et d'établissement rural ne peut primer

[le dr oit de pr éemption]

des cohéritiers bénéficiaires de

l'attribution préférentielle prévue à l'article 832-1 du code civil ».

En r éalit é, cett e disposition est aujour d'hui sans intér êt dans la mesur e où ce dr oit de pr éemption a été suppr imé par la loi n°80-502 du 4 juillet 1980 d'or ientat ion agr icole, et r emplacé par une attr ibution pr éfér entielle en joui ssance afin de constituer un GFA. Dans la mesur e où cette opér ation n'ouvr e pas dr oit à pr éemption, la pr érogative offer t e à la SAFER n'est pas de natur e à pr imer ou non cette attr ibution. La même solution s'applique logiquement au droit de pr éemption du pr eneur. Notons qu'une « mise à jour » de l'ar ticle L. 143-6 du Code r ur al et de la pêche

mar itime sembl e s'imposer afin de palier à toute confusion.

184. Droit de préemption des indivisaires

. Le dr oit de pr éemption pr évu à l'ar t icle 815-14 du Code civil pr ime celui de la SAFER et du pr eneur. S'agi ssant de la SAFER, la solution r ésulte de l'ar ticle L. 143-4 3° du Code r ur al et de la pêche mar itime. S'agissant du pr eneur, le silence des textes a poussé la jur ispr udence à adopter une solution identi que235

.

185. Droits de préférence conventionnels

. D'or dr e public236

, les dr oits de pr éemption du pr eneur et de la SAFER s'exer cent pr ior itair ement en cas de concour s avec un dr oit de pr éfér ence conventionnel. A titr e d'exemple, la conclusion d'un pacte de pr éfér ence n'est donc pas de natur e à par alyser le dr oit de pr éemption de la SAFER237

. En effet , il s'agit là de la str icte application de la hiér ar chie des nor mes : la loi supplant e la volonté des par ties.

En r evanche, lor sque le bénéfi ci air e d'un pacte de pr éfér ence est une per sonne qui a vocation à exer cer un dr oit de pr éemption supplantant celui de la SAFER, ce bénéficiair e pr éempter a en pr ior ité. Cependant , il ne le fer a pas en ver tu du pacte de pr éfér ence, mai s en ver tu de la hiér ar chi e légalement imposée. A titr e d'exemple, il est possible d'imaginer que le pr eneur d'un bail r ur al soit bénéfici air e d'un pacte de pr éfér ence et que la SAFER puisse pr éempter le bien. Si le pr eneur r emplit les conditions légalement imposées pour pr éempter, il pour r a exer cer cette pr érogative pr ior it air ement , mais cette pr ior ité ne lui ser a pas accor dée en ver tu du pacte de pr éfér ence dont il est bénéficiai r e.

186. Droit de préférence des propriétaires de terrains forestiers

. Enfin, l'hypothèse d'un conflit entr e dr oits de pr éemption r ur aux et droit de pr éfér ence des pr opr iétair es de ter r ains for estier s doit êtr e r elevée. Ce der nier droit a pour objectif l'agr andissement des exploitations, et est institué au pr ofit des pr opr iétair es de ter r ains for esti er s en cas de vente d'une par celle boi sée contiguë d'une super ficie de moins de quatr e hectar es.

L'ar ticle L. 331-19 alinéa 6 du Code for estier r égit la matièr e en affir mant que le dr oit de pr éemption de la SAFER ne s'efface pas devant une telle pr ér ogative. La solution ne nous semble convenable que dans la seule mesur e où la SAFER r étr ocède la par celle au pr opr iét air e

235 CA Reims, 13 mai 2009, JurisData n°2009-378415

236 L'article L. 412-4 du Code rural et de la pêche maritime dispose, à propos du droit de préemption du preneur, que celui-ci « s'exerce nonobstant toutes clauses contraires ». Le droit de préemption de la SAFER ayant été octroyé à celle-ci sur le modèle du droit offert au preneur, il convient d'en déduire que ce droit est également une prérogative d'ordre public. V. notamment en jurisprudence : Cass. 3e civ., 14 nov. 2007, n°06-19.633 : JurisData n°2007-041381 237 Cass. 3e civ., 2 déc. 1981

de la par celle contiguë.

Quid

du dr oit de pr éemption du pr eneur ? Les textes r estent silencieux mai s il nous semble r elativement logique d'écar ter ce dr oit dans la mesur e où l'objectif pour suivi par le dr oit de pr éfér ence ne ser ait pas att eint si le pr eneur pr éempt ait . En effet , ce droit a pour objectif de r éunir entr e les mains d'un seul pr opr i étair e la pr opr i été de deux par celles contiguës. Admettr e que le dr oit de pr éemption du pr eneur pr ime ce dr oit r eviendr ait à di sper ser à nouveau la pr opr iété entr e des mains différ entes. Par conséquent , l'objectif ne saur ait êtr e atteint . La hiér ar chie instituée entr e ledit dr oit de pr éfér ence et les dr oit s de pr éemption de la SAFER et du pr eneur nous appar aît donc lar gement discutable.

Qu'en est-il de la hiér ar chie qui pr édomine en matièr e de dr oit de pr éemption r ur aux ? Les sections à venir tenter ont d'appor ter des él ément s de r éponse.