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Une hiérarchie entre les droits de préemption ruraux justifiée

187. Pluralités d'arguments

. A notr e sens, la hiér ar chie instituée par le Code r ur al et de la pêche mar itime peut se justifier à plusieur s égar ds. D'une par t , eu égar d à la qualité du pr eneur (

I

), d'autr e par t , eu égar d aux r isques que pr ésente la pr éemption de la SAFER (

II

), et enfin, eu égar d au nombr e de pr éemptions r éalisées chaque année (

III

) .

I – De l'importance de la qualité de preneur en place

188. Exploitation et propriété

. La qualité de pr eneur en place suppose la r éunion de plusieur s conditions (V.

supra

, n°16 et s.) . De la sati sfaction de ces conditions r ésulte une connaissance cer taine du fonds aliéné par le pr eneur. En effet , l'exploitation effective d'un bien depuis au moins trois ans est nécessair ement de natur e à cr éer un « lien » entr e la ter r e et celui qui l'exploite. Ce « lien » justifie, à notr e sens, la pr ior ité qui est accordée au pr eneur en mati èr e de pr éemption. C'est par ce qu'il est pr eneur en place que celui-ci a vocation à devenir pr opr iétair e du bien qu'il loue en pr ior ité. Qui connaît mieux une ter r e que celui ou celle qui l'exploite ?

De plus, la hiér ar chie instituée par le Code r ur al et de la pêche mar itime est en adéquation avec la volonté du législateur de 1946, lequel souhaitait «

un premier pas vers

l'application du principe qui veut que la terre appartienne avant tout à celui qui la travaill

e »238 .

189. Limite : âge du preneur

. A notr e sens, une limite pour r ait êtr e posée à la hiér ar chie telle qu'actuellement défini e. Celle-ci tient à l'âge du pr eneur. En effet , ainsi que nous l'avons déjà évoqué, le pr eneur doit , à compter de la pr éemption, «

se consacrer à

l'exploitation du bien (…) pendant au moins neuf ans

», aux ter mes de l'ar ticle L. 411-59 du Code r ur al et de la pêche mar it ime (V.

supra

, n°16ter ).

Ne ser ai t-il pas justifié que la SAFER puisse pr éempter en pr ior ité à par tir d'un cer tain âge atteint par le pr eneur ? A titr e d'exemple, nous doutons de l'intér êt de r endr e pr ior it air e un pr eneur en place âgé de 75 ans et n'ayant pas de descendant susceptible d'exer cer la pr ofession agr icole. L'hypothèse d'un décès du pr eneur pendant la pér iode d'exploitation de neuf ans ne peut êtr e exclue. Peut-êtr e ser ait-il nécessair e d'exiger en sor te de « gar antie » que l'un de ses descendants au moins soit apte à pour suivr e l'exploitation du fonds ? Cette solution per mettr ait non seulement de ne pas boulever ser la hiér ar chie actuelle qui existe entr e les dr oits de pr éemption r ur aux, mai s encor e de r épondr e aux objectifs de la pr éemption par le pr eneur.

II – Des risques liés à la préemption de la SAFER

190. Enjeu de l'entretien du fonds

. La seconde idée avancée à l'appui de la hiér ar chie actuelle est r elative à l'entr eti en du fonds. En effet , lor sque la SAFER pr éempte, elle pr ocède ensuite à une attr ibution du bien. Cependant , le bien doit êtr e entr etenu dur ant la pér iode qui s'écoule entr e la pr éemption et l'attr ibution, à défaut de quoi les ter r es sont susceptibles de tomber en fr i ches, et le bien de perdr e de sa val eur. Il existe donc un r isque cer tai n de dégr adation du bien dur ant cette pér iode « latente » ( en pr atique, les SAFER donnent bien souvent à bail le bien afin qu'il soi t exploité et entr etenu, mais r ien ne les oblige à procéder de la sor te).

Que ce soit par l'exer cice du dr oit de pr éemption du pr eneur ou par l'exer cice du droit de pr éemption de la SAFER, le r ésultat définitif r este identique : le bien change de pr opr iétair e. Dès lor s, il nous sembl e cohér ent de fair e pr imer le droit de pr éemption du pr eneur en ce sens que la mise en œuvr e de ce droit ne suppose pas une pér iode « latente » comme cell e qui exi st e en matièr e de pr éemption de la SAFER.

La pr éemption par le pr eneur nous semble donc êtr e un moyen plus r apide et moins r isqué d'atteindr e l'objecti f de la r éalisation de l'aménagement r ur al .

III – De la réalité pratique des préemptions en milieu rural

191. Approche quantitative des préemptions en milieu rural.

La r ar et é de la mise en œuvr e de son droit de pr éemption par la SAFER sembl e, à notr e sens, justifier la hiér ar chie actuelle. En effet , la majeur e par tie des biens acquis par les SAFER l'est par voie amiable. Dans son r appor t d'activité des SAFER en 2012239

, la FNSAFER r elève que 1360 pr éemptions ont été exer cées, pour une sur face de 6 900 hect ar es et une val eur de 53 millions d'eur os. Ces pr éemptions r epr ésentent : 0,7% des 204 600 notifications de vente tr ansmi ses par les notair es aux SAFER ; 14% du nombr e, 8% de la sur face et 5% de la valeur de l'ensemble des acquisitions r éalisées par les SAFER. Ces données se confir ment ai sément au niveau local : à titr e d'exempl e, la SAFER Aquitaine-Atlantique a procédé à 515 acquisitions pour l'année 2013, dont 42 par pr éemption, soit 8% des acqui sitions.

Les chiffr es par lent d'eux-mêmes : la SAFER ne met que r ar ement en œuvr e son droit de pr éemption. L'acquisition par voie amiabl e r este le moyen pr ivilégié pour r éaliser l'aménagement foncier r ur al.

A contrario

, les acquisitions r éalisées par les pr eneur s en place r epr ésent ent pr ati quement le tier s du «

marché purement agricole de biens acquis en vue de leur

exploitation

»240 .

192. Justification

. Comment expliquer de tels chiffr es ? Pour quelles r ai sons les pr eneur s en place pr éemptent davantage que les SAFER ? La pr emièr e r aison est extr êmement simple et tient justement à la hiér ar chie entr e les dr oits de pr éemption. Dans la mesur e où le pr eneur est acquér eur pr ior itair e, il est bi en souvent la pr emièr e per sonne à qui le bi en est pr oposé. Par conséquent , les pr eneur s en place peuvent appr éhender davantage de bi ens que les SAFER. La seconde r aison ti ent au car actèr e dissuasif du dr oit de pr éemption de l a SAFER. En effet , de nombr eux montages jur idiques – par foi s à la limite de la légalit é – per mettent de se soustr air e aux pr ér ogatives de la SAFER. Dès lor s, le nombr e de pr éemptions r éalisées par ces soci étés s'en tr ouve affect é.