A la recherche des multipˆ oles
Romain Joly ,Yacine Dolivet 12 octobre 2005
”Chose promise, chose due”
vieux proverbe chinois R´esum´e
L’origine de ce texte est une boutade de Jean-Michel Raimond lors de son cours´electromagn´etisme et relativit´e : si on est capable d’exhiber un 32-pˆole, il nous donnera un point suppl´ementaire `a son examen. Le d´efi m´eritait d’ˆetre relev´e.
1 Probl` eme et notations
On recherche une distribution de chargesρdansRN qui annule les premiers moments, c’est-`a-dire que pour tout multi-indice α de poids strictement plus petit quen,
Z
rαρ(r)dNr= 0 , et il existe un multi-indiceαde poids ntel que
Z
rαρ(r)dNr6= 0 .
Une telle distributionρest dite d’ordre n ou encore 2n-pˆole.
Remarque : • Rappelons que pour un multi-indice α = (α1, ..., αN) et r = (r1, ..., rN), on note rα = r1α1...rNαN et on appelle poids de α la valeur
|α|=α1+...+αN.
•grce au processus d’orthonormalisation de Schmidt, on sait qu’il existeρdans R[X1, ..., Xn] qui est un 2n-pˆole. Mais bon, ce n’est pas unρtr`es ”physique”
2 Multiplication et augmentation de dimension
Propri´et´e 2.1 Soientρ1d’ordren1dansRN1 etρ2d’ordren2 dansRN2. Alors ρd´efinie par :
ρ(x) =ρ1(x1, ..., xN1)ρ2(xN1+1, ..., xN1+N2)est d’ordre n1+n2 dansRN1+N2 D´emonstration : Soit un multi-indice α tel que |α| < N1+N2, on pose β= (α1, ..., αN1) etγ= (αN1+1, ..., αN1+N2). N´ecessairement, ou bien|β|< n1, ou bien|γ|< n2et donc par Fubini :
Z
rαρ(r)dN1+N2r= Z
rβρ1(r)dN1r Z
rγρ2(r)dN2r= 0. De plus il existeβ etγ tels que|β|=n1et |γ|=n2 et
Z
rβρ1(r)dN1r6= 0 et Z
rγρ2(r)dN2r6= 0. Donc,α= (β, γ) v´erifie
Z
rαρ(r)dN1+N2r6= 0
2.1 Plongement
La fonction de Diracδ0(x) est un multipˆole d’ordre 0. Donc, siρest d’ordre n sur RN , ρ⊗δ0 est d’ordre n sur RN+1, ce qui justifie qu’un 2n-ple de RN plong´e dans n’importe quel espace plus grand reste un 2n-pˆole.
2.2 G´ en´ eration des 2
n-pˆ oles fondamentaux
Nous connaissons le dipˆole ρdipˆole = δ1−δ−1 qui est d’ordre 1 sur R. On peut donc cr´eer ce que nous appellerons le 2n-pˆole fondamental
ρ(x1, ..., xn) =ρdipˆole(x1)...ρdipˆole(xn),
qui est d’ordre n sur Rn (et donc sur tout Rn+p pour p ≥ 0). Ce n’est rien d’autre qu’un hypercube de dimensionndont les sommets portent des charges +1 et -1 alternativement r´eparties.
Exemples :
Quadripole Octopole
Dipole
3 G´ en´ eration de multipˆ oles lin´ eaires
En s’inspirant des points de Gauss ((x1, ω1), ...,(xn, ωn)) qui v´erifient X
i
ωixip= Z
xpdxpour toutp < n ,
nous allons chercher des pointsxi et des poidsωi tels que :
∀p < nX
i
ωixip= 0 .
On aura alors un multipˆoleρ=P
iωiδxi d’ordre n.
En cherchant un peu, on voit que :
x1=−1 x2= 1
ω1=−1 ω2= 1 est d’ordre 1.
x1=−1 x2= 0 x3= 1
ω1= 1 ω2=−2 ω3= 1 est d’ordre 2.
x1=−2 x2=−1 x3= 0 x4= 1 x5= 2
ω1= 1 ω2=−4 ω3= 6 ω4=−4 ω5= 1 est d’ordre 3...
Cela donne graphiquement :
Nota Bene : la suite de cet expos´e n’aurait pu se faire sans la judicieuse remarque de Thierry Lahaye, le soutien de Francois Court`es et l’agr´ement de la cour aux Ernests.
Judicieuse remarque :le mot distribution vient justement de l’´electromagn´etisme, et les distributions pr´esent´ees semblent li´ees `a∂xδ0,∂x22δ0et∂x44δ0. Orh∂kxkδ0;xpi= (∂xkkxp)(0) d’o le rapport clair avec l’annulation des k premiers moments.
Cela a aussi un lien avec la discr´etisation des deriv´ees : u′ =ui+1−ui
δx , u′′= ui+1−2ui+ui−1
δx2 etc...
On peut alors intuiter la formule g´en´erale.
Propri´et´e 3.1 Soientδx etλdeux nombres strictements positifs et aun r´eel.
La distribution de charge ((xi, ωi))0≤i≤n, o`u xi =iδx+a et ωi =λ(−1)iCni, d´ecrit une densit´e ρ=P
iωiδxi qui est d’ordre n surR
D´emonstration :Il faut montrer queP
iωixipest nulle pour tout 0≤p≤ n−1 et non nulle pourp=n(le cas n=0 est trivial1). Or, une r´ecurrence simple fait apparaˆıtre que :
X
i
ωixip= (−1)pλδxp(∂xpp(x−1)n)(1) pour 0≤p≤n ,
d’o le r´esultat
Exemples : dipˆole 1 -1 quadripˆole 1 -2 1 octopˆole 1 -3 3 -1 hexadecapˆole 1 -4 6 -4 1 128-pˆole 1 -7 21 -35 35 21 7 -1
Remarque :Comme Pn
i=0Cni = 2n, on retrouve une justification de l’ap- pellation physique de 2n-pˆole. De plus, quandδxtend vers 0, la distributionρ tend vers une des d´eriv´ees de la fonction de Dirac.
4 Et c’est parti !
Nous avons maintenant tous les outils n´ecessaires `a la cr´eations de multipˆoles.
4.1 32-pˆ oles
Pour trouver ρ d’ordre 5, il suffit de trouver des d´ecompositions de 5 en somme d’entiers.
5=1+1+1+1+1 le 32-pˆole fondamental (dansR5) 5=2+1+1+1 un 32-pˆole dansR4
Les suivants sont repr´esentables dansR3:
1non...vous croyez ?
1
1
1 1 3
3 3 3 -1
-1
-1
-1 -3
-3
-3 -3
1
1 1
1
2
2
2 2
4 -2
-2 -2
-2
-1 -1
-1 -1 -4
1
1
4
6
4 -1
-4
-4
-6
-1
1 1
-1 -1
3
-3 -3
3
2 -2
6
-6
1 -5 10 -10 5 -1
5=5+0+0 5=3+2+0
5=4+1+0 5=2+2+1
5=3+1+1
Remarque :la question qui peut ˆetre alors pos´ee est : est-ce un point par 32-pˆole, ou a-t-on le droit `a un prix de gros ?
message subliminal :la g´en´erosit´e est la beaut´e du cœur
4.2 64-pˆ oles
Pour le plaisir, trois petits 64-pˆoles :
1 1
1 1
1 1
1 1 -2
-2 -2
-2
-2 -2
-2
-2
-2
-2 -2 -2
4
4
4 4
4
4 -8
1 1
1 1
-4
-4 -4
-4
-4
-4 -4
-4
6
6
6
6
16 16
16 16
-24 -24
-24
-24 36
1 -6 15 -20 15 -6 1
6=6
6=3+3 6=2+2+2
5 Projections
En observant les exemples :
1 -2
1
1 -3
3 -1
on trouve le th´eor`eme suivant :
Propri´et´e 5.1 Le 2n-pˆole lin´eaire est la projection selon la grande diagonale de l’hypercube fondamental d’ordre n.
D´emonstration : On se place dans le rep`ere d´efini par l’hypercube. La grande diagonale a pour ´equation :x1=...=xn. La projectionP du sommet S= (s1;...;sn) (si=0 ou 1), v´erifie :
(S−P).P = 0 i.e.x1(s1−x1) +...+xn(sn−xn) = 0 Orx1=...=xn d’ox1=s1+...+sn n.
Au site de projection num´ero p, on trouve donc la projection de Cnp sommets (tous les sommets tels ques1+...+sn=p). De plus le signe des charges vaut (−1)s1+...+sn. Donc, au site p, on a la charge (−1)pCnp. Corollaire :Tous les multipˆoles fabriqu´es par notre m´ethode sont des pro- jections de l’hypercube fondamental suivant un espace d´efini par des grandes
diagonales de faces. Ceci expliquant aussi pourquoi `a chaque fois, le nombre total de charges (la ”masse” du multipˆole) vaut 2n.
On a aussi des projections plus amusantes :
1 1
-1 -1
2 -2
De mˆeme, sur nos 32-pˆoles on a :
•4+1 est la projection de 2+2+1 suivant le plan diagonal `a la grande face.
•5 est la projection de 3+1+1 suivant une grande diagonale d’un cube.
Etc...
Plus surprenant, on peut annihiler des charges :
L’hexagone ´etant bien un octopˆole d’apr`es les souvenirs de taupins de Chris- tophe MADEC.
Il est alors tout naturel d’essayer d’extrapoler : Conjectures :
•Tous les 2n-pˆoles sont des projections du multipˆole fondamental d’ordren.
• Toute projection du multipˆole fondamental d’ordre n sur un espace “ca- ract´eristique de la dimension”, c’est `a dire perpendiculaire `a aucune ar`ete, reste un 2n-pˆole.
Conclusion :
Nous avons donc atteint le but que nous nous ´etions fix´es, `a savoir la g´en´eration syst´ematique (mais non exhaustive) de multipˆoles ´electrostatiques d’ordre ar- bitrairement ´elev´e. Nous pensons qu’en faisant osciller toutes les charges d’un multipˆole avec une pulsationωet des amplitudes ´egales, on obtient un multipˆole rayonnant d’ordren+ 1.