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DE LA MONDIALISATION

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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NUMÉRO

57

FOOTBALL

NOUS SOMMES

DE LA MONDIALISATION

CHAMPIONS

POLITIQUE

Ils peuvent resservir, alors pourquoi disparaître ? 16-21

GÉOSCIENCES

Un minuscule cristal raconte l’histoire de la Terre 22-26

BIOLOGIE

Nos cimetières peuvent sauver les papillons 50-55

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Mai 2014 | Gratuit

!

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ÉDITO

ISSN 1422-5220

IMPRESSUM Magazine de l’Université de Lausanne

No 57, mai 2014 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel

Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Création de la maquette Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Sonia Arnal Elisabeth Gordon Cynthia Khattar Virginie Jobé Alberto Montesissa Nadine Richon Anne-Sylvie Sprenger Muriel Sudano Correcteur Albert Grun Direction artistique Secteur B Sàrl www.secteurb.ch Photographie Nicole Chuard Illustration

Eric Pitteloud (pp. 3, 27) Couverture

© Thinkstock – Andrey Kuzmin Impression

IRL plus SA

Traitement de la couverture KMC, Le Mont-sur-Lausanne Tirage

17 000 exemplaires Parution

Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 4) 021 692 22 80

LE FUTUR S’ÉCRIRA, AUSSI, AU PASSÉ

À

quoi ressemblera la Suisse de 2024, et quels bouleversements marque- ront la décennie à venir ? La vota- tion du 9 février sur « l’immigra- tion de masse » va-t-elle remettre en cause le modèle qui nous a assuré une prospérité et une stabilité très enviées ? Et comment allons-nous relever les défis dé- mographiques et climatiques qui se pose- ront inévitablement ?

Autant de questions qui seront posées aux participants du prochain Forum des 100 qui se tiendra à l’UNIL, le jeudi 15 mai, puisque le magazine L’Hebdo a choisi de célébrer les 10 ans de sa manifestation- phare en se projetant dans la décennie à venir. Dix nouvelles années qui demande- ront encore à la Suisse de clarifier ses rap- ports avec l’Union européenne, et, plus lar- gement, avec le reste de la planète.

Ces défis colossaux, nous allons peut- être les résoudre en faisant du neuf avec du vieux. Car, comme vous le vérifierez dans ce magazine (lire en p. 16), dans les dix ans qui viennent, nous allons aussi ap- prendre à écrire le futur au passé. Rien à voir avec une quelconque réforme gram- maticale qui vous aurait échappé: on parle ici de politique.

Parce qu’il se produit dans nos contrées un changement significatif dans les habi- tudes des ministres qui ont quitté le pou- voir. Alors que, depuis 150 ans, nos ex- conseillers fédéraux s’offraient le plus souvent des retraites discrètes et /ou lu- cratives, en prenant garde de ne plus ja- mais intervenir frontalement dans les affaires du pays, un changement de ten- dance s’amorce.

Christoph Blocher, Micheline Calmy-Rey, Ruth Dreifuss, et, dans une moindre me- sure, Pascal Couchepin, se sont inventés un nouveau rôle d’aînés hyperactifs. Ils font sauter des tabous et lancent des débats, sti- mulants, futuristes ou carrément embar- rassants. Et pas question de les ignorer.

Car ces initiatives sont désormais relayées en boucle par les hypermédias contempo- rains, qu’ils soient sociaux ou plus clas- siques, permettant ainsi aux seniors de la politique suisse d’agiter la blogosphère, comme on l’écrit au XXIe siècle ;-)

Libérés des règles strictes qui leur étaient imposées quand ils siégeaient au gouvernement, ces « nouveaux » retraités échangent le pouvoir contre l’influence.

Libérés de la collégialité, donc moins tai- seux, ils retrouvent leur liberté de parler, et en jouent avec plaisir et habileté. A l’image, finalement, de ce qui se produit un peu partout dans le reste du monde, où l’on ne cesse de se tourner vers ceux qui ont servi.

Par exemple au prochain Forum des 100, où l’un des invités vedette s’appelle Josch- ka Fischer, qui fut un brillant ministre des Affaires étrangères avant de devenir un sage écouté.

A ce stade, on ne sait pas encore si cette troisième vie des retraités du pouvoir va changer la politique. Ce qui est sûr, en re- vanche, c’est que ces nouveaux seniors ont commencé à réinventer la société. Ces pion- niers de la retraite active nous proposent une piste intéressante pour les dix ans qui viennent, où nous serons de plus en plus nombreux à quitter le monde du travail en pleine forme, et à nous demander comment utiliser cette énergie. 

CHRISTOPH BLOCHER, MICHELINE CALMY-REY, RUTH DREIFUSS, ET, DANS UNE MOINDRE MESURE, PASCAL COUCHEPIN, SE SONT INVENTÉS UN NOUVEAU RÔLE D’AÎNÉS HYPERACTIFS.

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

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Allez savoir ! et l'uniscope (le magazine du campus) peuvent être consultés partout, grâce à leurs versions pour tablettes et smartphones. Leur contenu est enrichi de vidéos, de sons, de galeries photographiques et de liens.

Disponible via Google Play et App Store.

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sur vos tablettes et smartphones

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SOMMAIRE

!

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Mai 2014 | Gratuit BRÈVES

L’actualité du campus : distinctions, formation, international, publications.

PORTFOLIO Fréquence Banane,

histoire de l’art, Dorigny.

GÉOSCIENCES Un minuscule cristal raconte l’histoire de la Terre.

RÉFLEXION Les métamorphoses du couple lecteur-auteur. Par Raphaël Baroni, professeur associé à la Faculté des lettres.

UNIVERSITÉ Comment l’UNIL

mesure-t-elle sa qualité ?

SPORT La mondialisation sublime le football suisse.

HISTOIRE DES RELIGIONS Le « Notre Père » ne nous soumet plus à la tentation.

C’ÉTAIT DANS « ALLEZ SAVOIR ! » Les chercheurs ont-ils un avenir sur Internet ? Article paru en 1995.

IDENTITÉ Qui suis-je sur Internet ? Mystères de l'UNIL.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL Ariane Baehni pleine de grâce.

BIOLOGIE Nos cimetières peuvent sauver les papillons.

MOT COMPTE TRIPLE Que sont les humanités digitales. Avec Claire Clivaz et Dominique Vinck.

ÉDITION Le livre n’a pas dit son dernier mot.

Avec François Vallotton.

LIVRES Histoire, justice,

pauvreté, roman, écologie, cinéma et évangéliques.

FORMATION CONTINUE La formation continue en 7 mots. Statistiques de la criminalité.

MÉMENTO

Evènements, conférences, musique, sorties

et expositions.

CAFÉ GOURMAND Un aventurier de la langue italienne.

Avec Lorenzo Tomasin.

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POLITIQUE Ils peuvent resservir, alors pourquoi disparaître ?

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EN DIRECT SUR FRÉQUENCE BANANE

Le 27 mars dernier, entre 17h et 19h, dans les sous-sols de l’EPFL.

Etudiante en Lettres à l’UNIL, Najia s’exprime en direct sur les ondes de Fréquence Banane, la radio associative qui fête ses 20 ans cette année. Sous le titre La Suisse dans l’espace, l’émission Micropolis Jeudi était ce soir-là consacrée aux suites de la votation du 9 février 2014, et au décollage du pays – dans son entier – pour les confins intersidéraux, histoire de couper physiquement les liens avec l’Europe.

Au micro, dans un studio à l’encombrement joyeux, plusieurs animateurs incarnaient les

différents personnages embarqués, de l’UDC alémanique à la socialiste romande en passant par le capitaine Burkhalter. Périlleux, l’exercice a été réussi, ce qui n’est pas évident si l’on considère que l’équipe d’étudiants est aussi enthousiaste que débutante.

Petit stress supplémentaire, l’émission était diffusée sur la bande FM, pendant un mois. Le reste du temps, Fréquence Banane est accessible via le net

(www.frequencebanane.ch) ou le câble (94.55 MHz). DS

Reportage photographique et informations supplémentaires sur www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

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UN AIR DE MADONE

« La fille Jayet et son enfant ».

Réalisée au début des années 1760, cette œuvre fait partie d’un ensemble de boiseries installées aujourd’hui au Château de Mézery, non loin de Lausanne. Ces pièces charmantes, où figurent une soixantaine de personnages identifiés en partie, ont été commanditées par David-Louis Constant d’Hermenches. « Elles mettent en scène ses intérêts, comme la danse, la musique, le théâtre ou la peinture, ainsi que sa vie familiale, sans oublier sa propre personne », explique Béatrice Lovis, doctorante au Centre des sciences historiques de la culture.

Amateur d’art, ami de Voltaire, acteur et claveciniste en prime, cet officier haut en couleur a été une figure importante de la vie culturelle et sociale à Lausanne au milieu du XVIIIe siècle. Son salon peint constitue un signe tangible de l’influence des Lumières dans le Pays de Vaud. DS

Entretien avec Béatrice Lovis et images supplémentaires sur

www.unil.ch/allezsavoir. Le site Lumières.

Lausanne contient beaucoup d’informations sur ces boiseries et la famille Constant.

https ://lumieres.unil.ch

PHOTO DALBERG

(ATTRIBUTION), VERS 1760, HUILE SUR BOIS.

© COLLECTION PRIVÉE. PHOTO MUSÉE HISTORIQUE DE LAUSANNE / ARNAUD CONNE

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10 Allez savoir ! N° 57 Mai 2014 UNIL | Université de Lausanne

DORIGNY AVANT L'UNIL

Collaborateur à Unibat – Service des bâtiments et travaux, Serge Treboux a découvert cette photographie aérienne du site occupé aujourd’hui par l’université et l’EPFL. A gauche, la route cantonale file vers Morges. Sur la droite, on reconnaît le Château, qui accueille aujourd’hui plusieurs services centraux de l’institution.

Juste à côté se trouvent la Ferme (la Fondation Jean Monnet pour l’Europe) et la Grange (le théâtre).

Ce document ne comporte aucune légende. Mais Gérard Bagnoud, responsable du Service des archives de l’UNIL, et Eloi Contesse, archiviste aux Archives cantonales vaudoises, ont trouvé une piste. Ce cliché pourrait dater de 1953 et faire partie du fonds

« Photo Aéroport Lausanne », constitué par Alphonse et Gilbert Kammacher. Cet ensemble, où se trouvent plusieurs images aériennes similaires, comporte 3068 négatifs noir-blanc sur plaque de verre et 56 tirages positifs. Ils datent des années 1930 à 1961 et couvrent presque l’ensemble du territoire vaudois, vu du ciel, ainsi que de nombreux évènements. Les lecteurs d’Allez savoir ! qui posséderaient des informations supplémentaires sont invités à contacter le magazine via allezsavoir@unil.ch. DS

Davantage d’informations sur

« Photo Aéroport Lausanne » :

www.davel.vd.ch/detail.aspx ?ID=488041

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12 Allez savoir ! N° 57 Mai 2014 UNIL | Université de Lausanne

La Fédération internationale du sport universi- taire (FISU), le Service des sports universitaires UNIL-EPFL et l’Institut des sciences du sport de l’UNIL (ISSUL) inviteront la population à se bou- ger dans le cadre du premier Festival internatio- nal du sport universitaire : « Lausanne in motion » – c’est le nom choisi par les étudiants de l’ISSUL qui ont réfléchi à ce projet – aura lieu le 20 sep- tembre 2014 sur la Place de la Navigation. Festif, l’évènement proposera des activités participatives, telles que zumba, capoeira ou power yoga, mais également éducationnelles autour du sport santé,

et culturelles avec une soirée de clôture en mu- sique. La FISU a également souhaité promouvoir les capacités des étudiants et organise pour cela un talent show artistique et sportif, ainsi que trois concours pour les étudiants (création de nouveaux sports ou pédagogies sportives, sciences & tech- nologies, art & culture). Une édition nationale de ce festival aura lieu en 2015, à la même période, et marquera le lancement officiel de la première journée internationale du sport universitaire en collaboration avec l’Unesco. MS

www.fisu.net

LA CITÉ VA BOUGER!

LE LABORATOIRE DU FÉDÉRALISME FISCAL

Un site internet présente les re- cherches en cours sur le fédé- ralisme fiscal, dans le cadre du projet Sinergia The Swiss Confe- deration : A Natural Laboratory for Research on Fiscal and Political Decentralization. Les différences cantonales en matière d'imposi- tion ou encore l'impact des poli- tiques sociales sur les revenus des contribuables y sont approfondis.

Des vidéos, animations et articles scientifiques sont à disposition.

Soutenu par le Fonds National Suisse (FNS), le projet s'effec- tue en collaboration avec les pro- fesseurs Marius Brülhart (Univer- sité de Lausanne), Monika Bütler (Université de St-Gall), Mario Ja- metti (Université de la Suisse Ita- lienne) et Kurt Schmidheiny (Université de Bâle). (RÉD.) www.fiscalfederalism.ch RECHERCHE

SPORT UNIVERSITAIRE

BRÈVES

ARCHIVES

TOUT ALLEZ SAVOIR!

EN UN CLIC

Les magazines de l’Université de Lausanne sont acces- sibles sur la pla- teforme Scrip- torium, créée par la Biblio- thèque cantonale et universitaire - Lausanne. Désormais, les éditions complètes d'UNI-Lausanne (1971- 1993), L'uniscope (1988-2012) et Allez savoir ! (1995-2012) sont dis- ponibles sous forme numérique.

Des recherches poussées par mots clés peuvent être faites dans plus de 13 000 pages d'archives. La plateforme Scriptorium propose un très large choix de documents (livres, journaux, revues et livres) publiés dans le canton de Vaud ou écrits par des Vaudois. (RÉD.) http ://scriptorium.bcu-lausanne.ch

Les deux-tiers des étudiants prennent des notes principalement sur papier

La proportion des étudiants qui déclarent travailler en groupe

49,5 % 66,3 %

Lors des cours, une courte moitié des étudiants ose poser des questions

50,7 %

ENQUÊTE

COMMENT

TRAVAILLEZ-VOUS?

Avec le concours de la Fédération des associations d’étudiant-e-s (FAE), et depuis 2006, l’UNIL mène chaque hiver l’enquête téléphonique « Comment al- lez-vous ? » auprès des étudiants qui se sont ins- crits pour la première fois. L’occasion de voir com- ment se déroulent leurs premières semaines.Pour la dernière édition, un accent a été placé sur les méthodes de travail. Une minorité des personnes interrogées (16,4%) déclare rencontrer des diffi- cultés dans ce domaine. Lesquelles ? Dans l’ordre décroissant d’importance : la gestion du temps et l’organisation, le manque de motivation (dû au dé- calage entre l’image que l’on se fait des études et la réalité des premiers mois de mise à niveau), la concentration pendant les cours ou la mémorisation.

Pour répondre à ces soucis, le Service d’orientation et conseil de l’UNIL a mis sur pied des « ateliers

réussite » réguliers (www.unil.ch/reussir), des- tinés justement à fournir les outils nécessaires à l’apprentissage du métier d’étudiant. Lors des cours, la jeune génération prend des notes princi- palement... sur papier (66,3%), ou sur ordinateur portable (25,9%). Une infime minorité a choisi la tablette et les autres n’ont pas de préférence affir- mée. Les champions du clavier se trouvent en psy- chologie et en droit. 41,6% des personnes interro- gées relisent leurs notes après les cours, ce qui constitue une bonne pratique. En médecine, ils sont 87,2% à indiquer le faire ! Enfin, un mythe s’ef- fondre. 36,9% des étudiants estiment que le matin est le meilleur moment pour réviser. Les oiseaux de nuit ne représentent que 2,3%. DS

Résultats complets de l’enquête 2013 : www.unil.ch/soc/page79295.html

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Le 19 février dernier à Singapour, le HEC Lausanne Fi- nance Forum était placé sous le thème : « Cinq ans après la crise financière : qu’avons-nous appris ? ». Un événe- ment organisé par Swissnex Singapour, la Faculté des HEC et son club des Alumni.

A cette occasion, le vice-doyen Jean-Philippe Bonardi  est revenu sur le lien entre l’organisation du Finance Forum et la recherche scientifique. Lorenz Goette, pro- fesseur et directeur du Département d’économétrie et d’économie politique, a abordé les recherches qu’il mène. Elles portent notamment sur les comportements communs à l’origine des défauts de paiement hypo- thécaires et la crise financière. Le professeur Philippe Bacchetta a présenté les résultats de ses recherches sur le rééquilibrage mondial et l’épargne des entre- prises. (RÉD.)

UN FORUM SUR LA CRISE EN ASIE

ALIMENTATION INTERNATIONAL

UNE SOUPE CONTRE LE GASPILLAGE

Le 10 avril dernier, sur la place de l’Europe à Lausanne, l’association UniPoly et Slow Food organisaient une Disco Soupe festive. Le prin- cipe, qui se répand un peu partout en Europe:

éplucher des légumes destinés à la poubelle sur fond musical.

Attablés au soleil, passants et étudiants ont préparé patates, poireaux ou carottes – prin- cipalement des invendus offerts par des marchands locaux – pendant que plusieurs

groupes se produisaient sur une scène voisine.

La soupe, concoctée dans un grand chaudron, a ensuite été offerte au public.

En Suisse, chaque ménage de quatre per- sonnes jette en moyenne et par an pour 219 francs de légumes et 209 francs de fruits. Sans parler de ce que les commerces bazardent au quotidien. Un gâchis auquel les opérations comme la Disco Soupe sensibilisent. DS https://unipoly.epfl.ch

© swissnex Singapour

lix Imhof © UNIL

Autrefois chapeauté par la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration pu- blique, le Centre Walras-Pareto a rejoint l’Insti- tut d’études politiques et internationales (IEPI) de la Faculté des sciences sociales et politiques, le 1er janvier 2014. Il s’est mêlé au Centre d’his- toire des idées politiques et des institutions pour former le Centre Walras-Pareto d'études interdis- ciplinaires de la pensée économique et politique.

« Il est opportun de regrouper les chercheurs qui partagent des méthodes de travail semblables et qui travaillent sur des thématiques voisines », souligne Fabien Ohl, doyen de la Faculté des SSP.

Mené dans un souci de cohérence, ce rapproche- ment renforce aussi l’encadrement des étudiants, dont l’effectif croît d’année en année. A la rentrée de septembre 2013, ils étaient ainsi 2754. (RÉD.) www.unil.ch/cwp

LE CENTRE WALRAS-PARETO CHANGE DE NOM ET DE FACULTÉ

HISTOIRE DES IDÉES

« IL EST OPPORTUN DE REGROUPER LES CHERCHEURS QUI TRAVAILLENT SUR DES THÉMATIQUES VOISINES. »

FABIEN OHL, DOYEN DE LA FACULTÉ DES SSP

ERASMUS, C'EST LE SUPPLICE DE TANTALE. VOUS TENDEZ LA MAIN VERS LA GRAPPE, ET LE VENT L'ÉLOIGNE. VOUS VOUS BAISSEZ POUR BOIRE, ET L'EAU SE RETIRE.

Dans Le Temps du 3 mars 2014, Antoinette Charon Wauters, responsable des Relations internationales, parle des suites de la votation du 9 février.

© Céline Brichet, FRC Vaud

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14 Allez savoir ! N° 57 Mai 2014 UNIL | Université de Lausanne

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C’est le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques en 2014 (d’après Serval, au 17 avril 2014). C’est à une intéressante passe d’armes que convie la California Management Review (vol.

56, numéro 2), éditée par l’Université de Californie à Ber- keley. Titré Contesting the value of « Creating Shared Value », un article co-écrit par Guido Palazzo, directeur du Dépar- tement de stratégie de la Faculté des HEC, s’en prend à un concept popularisé par deux autres chercheurs, Michael Porter et Mark Kramer.

En une phrase, la notion récente de Creating Shared Value(CSV) consiste, pour une société, à réaliser des pro- fits en intégrant les problèmes sociaux et environnemen- taux qui la touchent. Un modèle dans lequel toutes les par- ties seraient gagnantes. En une

vingtaine de pages, Guido Pa- lazzo et ses collègues se livrent à un réquisitoire sévère d’une idée « sans originalité ». « Le dan- ger de la CSV, c’est qu’elle incite l’entreprise à se concentrer sur les petites difficultés faciles à résoudre, ce qui lui fait perdre de vue la vision d’ensemble des

problèmes », explique le professeur. Il faut de plus être naïf pour penser que les crises se résolvent de manière win- win, alors qu’en réalité, il s’agit souvent de compromis, voire de dilemmes pour le management.

Si Guido Palazzo soutient, comme Michael Porter, que le capitalisme connaît une crise de légitimité, ce n’est cer- tainement pas la CSV qui va l’en sortir. Avec l’affaiblis- sement des Etats-nations, « les entreprises deviennent des acteurs politiques dans les régions où les gouverne- ments ne veulent ou ne peuvent agir », note le chercheur de l’UNIL. Pour elles, au XXe siècle, créer des postes de travail, payer des impôts et être un peu philanthropes suf- fisaient. « Aujourd’hui, on attend des multinationales – no- tamment – qu’elles analysent l’ensemble de leur chaîne de production, qu’elles repèrent les problèmes sociaux et environnementaux et qu’elles jouent un rôle dans leur ré- solution. » Par exemple, en s’attaquant à l’abolition de l’es- clavage ou du travail des enfants, des luttes qui devraient être assurées par les Etats.

Optimiste, Guido Palazzo note que cette responsabilisa- tion, et le changement de mentalité qu’elle implique chez les managers, se répand dans les entreprises. DS http ://cmr.berkeley.edu/

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Le nombre de références faites à l’Uni- versité de Lausanne et au CHUV dans les médias en 2014, selon la revue de presse Argus, au 17 avril 2014. En janvier, la sortie (et les critiques) de L’amour est un crime parfait, des frères Larrieu, a pro- pulsé l’UNIL dans les pages culturelles des journaux. En effet, Mathieu Amalric y incarne un professeur de litté- rature. Sur le plan politique, la votation du 9 février der- nier et ses conséquences sur la recherche et la mobilité des étudiants, ont bien entendu mis l’institution à contri- bution, et notamment sa direction et son service des Re- lations internationales. Les médias ont en effet régulière- ment relayé leurs inquiétudes. A la mi-février, l’entrée de Philippe Jaccottet dans La Pléiade, de son vivant, a été sa- luée. Sur Twitter et sur son blog très suivi, Pierre Assou- line a par exemple traité de cet évènement. La responsa- bilité de l’édition de l’œuvre du poète a été assurée par José-Flore Tappy, collaboratrice scientifique au Centre de recherches sur les lettres romandes.

Une recherche en biologie a connu un écho mondial. Jessica Purcell et l'équipe de Michel Chapuisat, au Département d'écologie et évolution (DEE), ont découvert que certaines fourmis habitant les plaines alluviales du Rhône s'ac- crochent les unes aux autres pour former un radeau vivant, lorsqu’elles sont confrontées à une inondation. Les larves et les pupes, qui flottent mieux, servent même de bouée ! Comme nombre d’autres médias, The Economist a traité de travaux menés par Sébastien Jacquemont, professeur assis- tant et médecin associé au Service de génétique médicale du CHUV, en collaboration avec l'Institut suisse de bioin- formatique (SIB) et une équipe de l'Université de Wash- ington à Seattle. Il s’avère que les filles résistent mieux que les garçons aux troubles neuropsychiatriques de l'en- fant, dont l’autisme fait partie. DS

LES ENTREPRISES COMME ACTEURS POLITIQUES

JACCOTTET, FOURMIS ET GÉNÉTIQUE

SCIENCE-FICTION

BRÈVES

L’UNIL DANS LES MÉDIAS PASSAGE EN REVUE

DES TEXTES QUI ONT DU SOUFFLE

La Horde du Contrevent raconte le voyage de 23 personnages partis à la recherche de la source des vents qui balaient leur planète. Ce roman d’Alain Damasio, paru en 2004, fait l’objet de deux excellents essais publiés chez Archipel. Il s’agit de condensés des mémoires de master de Colin Pah- lisch et Stéphane Mar- tin. Ce dernier a eu un vrai coup de foudre pour le texte de l’écrivain fran- çais. « Jean-Michel Adam, aujourd’hui professeur honoraire, a très bien ac- cueilli l’idée de s’attaquer à cette œuvre avec les outils de la linguistique. »

« Il faut lire La Horde du Contrevent à haute voix, ajoute Stéphane Martin.

La puissance du style se

ressent physiquement dans le corps du lecteur et le rend vivant. » Colin Pahlisch s’est penché sur l’analyse de la commu- nauté que forment les 23 narrateurs du roman. « Le texte, c'est sa force, se donne tout autant à lire comme un récit d'aven- ture que comme un ré- servoir d'idées, de pers- pectives, pour interroger notre époque. C'est fasci- nant ! » souligne-t-il. Une autre manière d’appro- cher la sensualité qui ca- ractérise le roman. DS www.unil.ch/archipelessais

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QUATRE CHERCHEURS À L’HONNEUR

NOMINATIONS ET RÉCOMPENSES

Professeure en systèmes d'infor- mation à la Faculté des HEC, Solange Ghernaouti est entrée le 1er janvier 2014 dans l'Ordre de la Légion d'honneur fran- çaise. Pionnière en matière d'ap- proche interdisciplinaire concer- nant la maîtrise des risques, la sécurité informatique et la crimi- nalité des technologies du numé- rique, elle est reconnue en tant qu'experte internationale en cyber- sécurité. Première femme nom- mée professeure à la Faculté des HEC en 1987, Solange Ghernaouti préside la Fondation Erna Ham- burger, qui apporte une aide ma- térielle à des femmes qui effec- tuent des études postgrades dans le Canton de Vaud. (RÉD.)

Le Prix Friedrich Miescher de la So- ciété suisse de biosciences molé- culaires et cellulaires est remis tous les ans à un-e jeune scientifique suisse ou ayant effectué ses re- cherches en Suisse. Il vient récom- penser cette année le travail ex- traordinaire de Sophie Martin, professeure associée à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL, sur l'organisation spatiale de la cellule. Comment ces dernières acquièrent-elles leur forme ? Com- ment cette forme contribue-t-elle à leur prolifération ? La chercheuse utilise la levure fissipare comme système modèle pour chercher à répondre à ces questions. Avec son équipe, elle a publié plusieurs études dans Cell et Nature. (RÉD.)

Le Prix de l’Université de Lausanne 2014 est remis à Doris   Jakubec, professeure honoraire de l’UNIL, directrice du Centre de recherches sur les lettres ro- mandes de 1981 à 2003. Elle a, par exemple, dirigé l’édition des ro- mans de Ramuz dans La Pléiade.

Mais il faudrait parler aussi de ses travaux et contributions sur Jean- Jacques Rousseau, Charles-Al- bert Cingria ou Guy de Pourta- lès, parmi tant d’autres écrivains.

Quatre doctorats honoris causa sont également décernés cette an- née, lors de la cérémonie du Dies academicus. Les récipiendaires sont Susan Gasser, Donatella della Porta, James Arthur Beck- ford et Geert Bouckaert. (RÉD.)

lix Imhof © UNIL

lix Imhof © UNIL lix Imhof © UNIL

BIOLOGIE ET MÉDECINE INTERNATIONAL

L’OMC, UN JEU TRÈS SÉRIEUX

En mars dernier, quatre étudiants de master en Science politique à l’UNIL ont parti- cipé à la 11e édition de la simulation de l’Organisation Mondiale du Commerce, qui s’est tenue à HEC Montréal. Aux côtés de plus de 100 étudiants canadiens, fran- çais et libanais, Gwendoline Bessot, Arnaud Wicky, Pierre-Alain Blanc et Fabienne Tiambo ont participé à quatre jours de débats intenses. Par groupes de deux, ils ont incarné la délégation de l’Afrique du Sud et de la Banque mondiale. Un exer- cice pratique qui permet de mieux comprendre le fonctionnement de l’institution, de s’exprimer en public à la tribune et de se mettre dans la peau de lobbyistes. DS Article complet sur www.unil.ch/allezsavoir

Le 27 mars dernier, la Fondation Leenaards a attribué deux Prix à des projets de recherche biomédicale dite trans- lationnelle, pour un montant total de 1 750 000 francs.

Le premier projet, présenté par Nicolas Vuillemier (HUG), Oliver Hartley (UNIGE), Fabrizio Montecucco (UNIGE), Pedro Marques-Vidal (UNIL-CHUV), Martin Preisig (UNIL-CHUV) et Peter Vollenweider (UNIL-CHUV), a pour but d'identifier des biomarqueurs de l'athérosclé- rose pour prévenir l'apparition des maladies cardiovas- culaires qui restent une cause de mortalité prépondé- rante dans nos sociétés.

Le second projet combine l'expertise en biologie du cancer d’Anita Wolfer (UNIL-CHUV), à celle en chimie bio-organique d'Elena Dubikovskaya (EPFL) et de Yann Seimbille (UNIGE-HUG), en imagerie moléculaire. Il propose une approche innovante pour amener des agents chimiothérapeutiques directement en contact de cellules malignes, tout en préservant les cellules saines. (RÉD.)

LA FONDATION LEENAARDS SOUTIENT LA RECHERCHE

© DR

Ruud B. van Heeswijk, postdoc- torant au Centre de recherche en résonance magnétique cardio- vasculaire, a été récompensé par la Fondation du Prix Pfizer de la Recherche pour son travail inti- tulé « Détection plus précoce de la myocardite ». Grâce à la résonance magnétique cardiaque, les méde- cins sont capables de déceler des lésions infimes du myocarde. En revanche, ils ne savent pas pour autant quel est le stade d'évolu- tion de l'inflammation et quelles sont les cellules qui sont concer- nées. Chez la souris, le chercheur a développé une méthode d'exa- men qui lui a permis de mettre en évidence très tôt certaines cellules inflammatoires. (RÉD.)

© Fondation du Prix Pfizer de la recherche

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POLITIQUE

MICHELINE CALMY-REY

Peu avant la votation du 9 février, la Genevoise a publié La Suisse que je souhaite. Ici, elle est photographiée au Forum des 100 édition 2007, alors qu’elle était présidente de la Confédération.

© Bertrand Cottet - Strates

Le Forum des 100 www.forumdes100.com

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Calmy-Rey, Dreifuss, Blocher ou Couchepin, ces ex-conseillers fédéraux ne se contentent plus d’avoir été. Ils monopolisent la scène médiatique et annoncent l’émergence de nouveaux seniors hyperactifs, qui vont compter dans la prochaine décennie.

TEXTE JOCELYN ROCHAT

ILS PEUVENT

RESSERVIR

DISPARAITRE ? ALORS POUR UOI

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18 Allez savoir ! N° 57 Mai 2014 UNIL | Université de Lausanne

L’énergie des francs-tireurs

Disparaître après avoir servi, voilà bien une idée qui n’a pas traversé les esprits des francs-tireurs Blocher et Cal- my-Rey. Depuis 2007, et son éjection du Conseil fédéral, le tribun alémanique n’a cessé de rebondir. Le Zurichois est revenu en politique. Il s’est fait réélire au Conseil na- tional en 2011, et le voilà, à la télévision, âgé de 74 ans, qui savoure le succès de l’initiative « Contre l’immigration de masse » dont il a été l’un des plus ardents défenseurs.

Face à lui, Micheline Calmy-Rey est à peine plus dis- crète. Retirée du Conseil fédéral depuis 2011, elle a pu- blié un livre quelques jours avant le scrutin du 9 février dernier. Dans cet ouvrage intitulé La Suisse que je sou- haite, la Genevoise a remis sur la table avec fracas un su- jet que les politiciens en activité évitent soigneusement d’évoquer. Elle propose aux Suisses d’adhérer à l’Union européenne, alors que la politicienne a défendu (avec succès) la voie bilatérale durant les neuf années qu’elle a passées au Gouvernement.

Les cas se multiplient

« Comme tous ces grands sujets relatifs à l’histoire poli- tique suisse, il n’y a jamais rien de nouveau, mais on voit des phénomènes marginaux prendre des dimensions plus importantes, observe Olivier Meuwly, docteur en Droit et ès Lettres à l’UNIL. Depuis 1848, on avait déjà vu des ex- conseillers fédéraux prendre la parole, mais ça restait as- sez rare. Ces derniers mois, les cas se multiplient. »

Car Blocher et Calmy-Rey ne sont pas les seuls à s’ex- primer librement dans les médias. Pascal Couchepin a profité du scrutin du 9 février pour rappeler que son is- sue allait forcer les Suisses à travailler davantage avant de bénéficier de leur retraite. Lui-même a donné l’exemple en livrant des chroniques pour Forum, sur La Première.

Et c’est encore à la Radio romande que l’ex-conseil- lère fédérale Ruth Dreifuss a choisi, elle aussi, de lancer un pavé dans la mare. Le 10 mars de cette année, la poli- ticienne retraitée est venue dans le Journal du matin pour suggérer une alternative à la politique qui a été menée en Suisse ces 30 dernières années en matière de drogue (no- tamment sous son règne). Elle a défendu « l’autre possibi- lité qui se dessine peu à peu ». Celle qui consisterait à ad- mettre que « c’est la prohibition qui pose des problèmes ».

Bien sûr, a-t-elle ajouté, « les drogues peuvent être dange- reuses… mais la politique d’interdiction est encore plus dangereuse ». Une analyse qui incite l’ex-conseillère fédé- rale à proposer que la Confédération s’octroie le monopole de la vente de certaines drogues, et enlève ce marché aux criminels et aux mafias !

Les bruits des médias

Bref, les propositions les plus originales, les plus ébou- riffantes ou les plus clivantes qui ont été lancées ces der- niers mois en Suisse ont été suggérées par des ministres

L

a télévision est allumée, comme d’habitude, mais les images qui défilent instillent un doute : en quelle année sommes-nous ? Car les deux stars qui dé- battent à l’écran, lors du grand « duel » politique or- ganisé sur Arena, l’émission-phare de la chaîne alé- manique SRF, sont la socialiste Micheline Calmy-Rey et l’UDC Christoph Blocher.

A charge pour ces deux débatteurs aguerris de dire aux téléspectateurs de 2014 si « La Suisse est divisée » ou non. Pourtant, nous ne sommes pas revenus dix ans en arrière, quand ces deux « bêtes » politiques cohabitaient au gouvernement. L’émission a été diffusée quelques jours après le scrutin coup-de-poing du 9 février 2014, qui a vu l’acceptation surprise de l’initiative « Contre l’im- migration de masse ».

Voir deux membres du gouvernement se contredire en direct était inimaginable quand Blocher et Calmy-Rey étaient tous deux conseillers fédéraux. Mais ce « duel » reste tout aussi extraordinaire de nos jours, quand on sait que, depuis 1848, la très grande majorité des conseil- lers fédéraux à la retraite a préféré suivre la règle tacite du « servir et disparaître ». Une tradition qui enjoint aux ministres de prendre leurs cliques et leur chapeau claque avant d’aller « faire des confitures de cerises », selon la boutade lancée par Pascal Couchepin dans 24 heures, quand il a annoncé son départ du Palais fédéral.

OLIVIER MEUWLY Historien. Docteur en Droit et ès Lettres à l’UNIL.

Nicole Chuard © UNIL

« DEPUIS

1848, ON AVAIT DÉJÀ VU DES EX-CONSEILLERS FÉDÉRAUX PRENDRE LA PAROLE, MAIS ÇA RESTAIT ASSEZ RARE.

CES DERNIERS MOIS, LES CAS SE MULTIPLIENT. »

OLIVIER MEUWLY

L’Institut des sciences sociales www.unil.ch/iss

POLITIQUE

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RENÉ KNÜSEL Professeur à l’Institut des sciences sociales de la Faculté des sciences sociales et politiques.

Nicole Chuard © UNIL

à la retraite. Cet activisme tardif est d’autant plus spec- taculaire qu’il n’est pas dans les habitudes des anciens gouvernants suisses. Comment expliquer ce retourne- ment de situation, qui donne l’impression, en ce début d’année, qu’on entend plus l’ancien Conseil fédéral que l’équipe actuelle ? « Les médias jouent certainement un rôle dans l’affaire, estime l’historien des partis politiques Olivier Meuwly. Parce que les anciens ont du bagout et du charisme, et qu’ils donnent la garantie d’un show facile. »

Les médias « jouent évidemment un rôle, enchaîne René Knüsel, professeur à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’UNIL. Arena n’existait pas il y a 150 ans, Internet et la Radio romande non plus. Mais ces nouvelles opportunités médiatiques n’expliquent pas tout. » Alors quoi ? Faut-il penser que les conseillers fédéraux actuels, plus fades ou plus technocratiques que leurs prédéces- seurs, ont de la peine à remplacer une génération particu- lièrement riche en « bêtes » politiques ? « C’est vrai que les animaux alphas, les Alpha-Tiere dont parlent les Aléma- niques, ne sont plus au gouvernement. On y trouve plutôt des technocrates », observe Olivier Meuwly.

Le résultat de l’expérience Blocher

« Il faut peut-être laisser le temps d’éclore à l’équipe ac- tuelle, ajoute René Knüsel. J’ai cependant l’impression qu’il y a un affadissement des conseillers fédéraux. L’ex- périence Blocher a laissé des traces. Le parlement, qui s’est fait imposer un trublion par une partie de l’Assem- blée fédérale, a été un peu effrayé par cet épisode. Il a en- tendu l’avertissement lié à l’élection de trop fortes person- nalités, et il a préféré choisir par la suite des gens un peu plus fades, plus collégiaux. »

A côté de ce gouvernement assagi, moins partisan des coups d’éclat, la génération précédente n’a rien per- du de son mordant. « Il n’y a pas d’école pour être conseil- ler fédéral, et pas non plus d’école pour être un ancien mi- nistre, ajoute Olivier Meuwly. Le monde actuel où il faut être visible n’encourage pas à la retenue. Personne ne va leur dire: taisez-vous ! » Les ex ne se gênent donc pas pour prendre la parole.

Ils ne sont d’ailleurs pas les premiers à déroger à la règle du « servir et disparaître », cette tradition qui remon- terait aux patriciens bernois de l’Ancien Régime. « Et no- tamment à Niklaus von Steiger, à qui l’on prête cette ex- pression, et qui fut le dernier avoyer de Berne (avant la Révolution de 1798), ainsi qu’un partisan de la résistance aux troupes françaises », précise Danièle Tosato-Rigo, qui enseigne à la Section d’histoire de l’UNIL.

On a écrit des livres avant Micheline Calmy-Rey L’histoire a aussi gardé le souvenir de ministres retrai- tés qui sont restés très actifs. « Je pense au fameux Numa Droz, rappelle Olivier Meuwly. Le Neuchâtelois quitte le Conseil fédéral en 1892, pour prendre la direction de

l’Union des transports privés, et il ne cesse de prendre la parole à propos de la politique menée par ses successeurs au Conseil fédéral, notamment dans La Gazette de Lau- sanne ou dans La Bibliothèque universelle, une grande re- vue culturelle de l’époque, et ça énerve d’autant plus qu’il n’était que rarement d’accord avec ses anciens collègues. »

On conserve encore le souvenir de retraités du Conseil fédéral, qui, comme Micheline Calmy-Rey, ont rédi- gé des ouvrages politiques après leur passage à Berne.

« Georges-André Chevallaz a notamment écrit un livre intitulé La Suisse est-elle gouvernable ? Et Paul Chau- det, a aussi été très actif après son départ, notamment à l’Unesco. Lui aussi a livré des essais politiques. Il a no- tamment publié une analyse de Mai 68 nettement plus pertinente que les écrits de Chevallaz sur le même sujet », observe Olivier Meuwly.

L’attrait du business

On trouve enfin dans l’histoire politique suisse d’innom- brables exemples de conseiller fédéraux à la retraite qui se sont tournés vers l’économie. « Le départ d’un Moritz Leuenberger pour le conseil d’administration d’Imple- nia (le numéro 1 de la construction en Suisse) a fait jaser, rappelle Olivier Meuwly, mais c’est surtout parce que le conseiller fédéral sortant était socialiste, alors que les mi- nistres qui quittent le gouvernement pour aller dans

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20 Allez savoir ! N° 57 Mai 2014 UNIL | Université de Lausanne

RUTH DREIFUSS L’ex-conseillère fédérale a lancé cette année un pavé dans la mare en estimant que

« les drogues peuvent être dangereuses...

mais la politique d’inter- diction est encore plus dangereuse ».

Félix Imhof © UNIL

PASCAL COUCHEPIN Le Valaisan a profité du scrutin du 9 février pour rappeler que son issue allait forcer les Suisses à travailler davantage avant de béné- ficier de leur retraite.

© Sacha Bittel - Le Nouvelliste

« J’AI

L’IMPRESSION QU’IL Y A UN AFFADISSEMENT DES CONSEILLERS FÉDÉRAUX.

L’EXPÉRIENCE BLOCHER A LAISSÉ DES TRACES. »

RENÉ KNÜSEL

le business sont traditionnellement des radicaux, le der- nier exemple étant Kaspar Villiger, parti présider UBS. »

Même le cas de Christoph Blocher, revenu au Parlement après avoir siégé au gouvernement, n’est pas une nouveau- té. « En 1863, Jakob Stämpfli, l’adversaire emblématique d’Escher, a quitté le Conseil fédéral parce qu’il n’arrivait plus à nourrir ses nombreux enfants. Il est devenu le di- recteur de la Banque fédérale, un des grands établisse- ments privés qui avait pignon sur rue à Berne, raconte Oli- vier Meuwly. Après son départ du gouvernement, il est revenu au Conseil national pour y jouer un rôle en vue lors du débat constitutionnel de 1872-1874. Avec Ruchonnet et d’autres, il a cherché les compromis qui ont permis d’éta- blir la constitution de 1874. »

Reste que ce transfert des leaders de la politique vers l’économie n’est pas une garantie de succès, comme le montre l’exemple du Vaudois Constant Fornerod, le suc- cesseur de Druey au Conseil fédéral en 1855. « Lui aussi a quitté le gouvernement pour entrer dans une banque ge- nevoise, mais il a fait faillite, et il a fini garde-barrière au Jura-Simplon, un poste que lui ont trouvé ses anciens amis politiques qui avaient pitié de ses mésaventures », rappelle l’historien des partis politiques.

Qui parle ? La politicienne ou l’experte ?

Pourtant, si l’on a déjà tout vu, ou presque, dans la Berne fédérale, le nombre d’ex-ministres qui mènent une « re- traite » aussi ouvertement active que les Dreifuss, Calmy- Rey, Blocher, Couchepin, Villiger et Leuenberger, n’a ja- mais été aussi important. Comment expliquer ce début de XXIe siècle exceptionnel ? Le politologue de l’UNIL René Knüsel avance une première hypothèse : « Comme la classe politique est gênée par certains sujets, elle n’ose pas

prendre la parole de manière aussi tonitruante que les an- ciens, ce qui laisse un vide dont profitent les ex-membres du gouvernement ».

Leur omniprésence dans les médias s’expliquerait en- core par les nombreuses casquettes portées par ces per- sonnalités, qui ne sont jamais « que » des ministres à la re- traite. Quand Ruth Dreifuss vient à la Radio romande, on doit se demande qui parle ? Est-ce l’ex-conseillère fédérale responsable de la Santé publique, ou la membre de la Com- mission mondiale sur la politique des drogues ? Ou un mé- lange des deux ? Cette ambiguïté intéresse beaucoup René Knüsel : « Ruth Dreifuss ne s’exprime pas seulement en tant qu’ancienne politicienne. Elle est également reconnue internationalement sur ces questions. Elle bénéficie donc d’une aura qui n’est plus seulement celle de la conseillère fédérale, mais également de l’experte. On a la même sensa- tion avec Micheline Calmy-Rey qui a pratiqué la politique étrangère de manière un peu différente. Les deux ex-mi- nistres ne jouent plus tout à fait le même rôle, mais il y a une sorte de continuation. »

Enfin libres !

La retraite offre aussi des avantages aux ex-ministres qui ont choisi d’être après avoir été : une certaine liberté, et une prise de hauteur par rapport aux problèmes. « C’est plus difficile de prendre de la distance quand on est actif dans le monde politique, en raison de l’effet partisan, sou- ligne René Knüsel. A la retraite, ces ex-dirigeants se re- trouvent dégagés des engagements politiques. Leur avis bénéficie dès lors d’autant plus de crédit que les arcanes du pouvoir n’ont pas de secret pour eux. Le sage, au fond, c’est quelqu’un qui n’a plus les défauts de la jeunesse, qui connaît et qui est capable de prendre de la distance. Et au-

POLITIQUE

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jourd’hui, cette distance par rapport aux affaires devient un avantage. » Reste une légère ambiguïté sur les prises de parole des ex-conseillers fédéraux : « Leurs messages servent incontestablement à la réflexion politique. Main- tenant, s’agit-il de conseils ? Des propos d’un expert ou de ceux d’un vieux sage ? Ou bien avons-nous affaire à des gens qui défendent leur bilan ? Ce nouveau rôle d’ancien conseiller fédéral médiatique est complètement à inventer.

Il faudra être très attentif à ce qui va se passer dans les an- nées qui viennent », estime René Knüsel.

Ces observations, il faudra les faire en Suisse, mais aus- si à l’étranger, où l’on a davantage l’habitude de voir les an- ciens rester sous la lumière des projecteurs, en réserve de la république, au cas où. En France, on a vu le vétéran Alain Juppé, jadis conspué par les manifestants des années 90, apparaître récemment comme un sauveur possible de la droite, à 68 ans. « Il y a encore un Schröder en Alle- magne, un Bill Clinton aux Etats-Unis et un Gorbatchev qui font des apparitions remarquées, poursuit René Knüsel.

Sans oublier Nelson Mandela, qui est resté une référence longtemps après avoir quitté le pouvoir. On se tournait vers lui, vers le sage, pour lui poser des questions. Parce qu’on a besoin d’avoir des boussoles politiques de gens qui disent :

“Attention, là, il y a l’orage.” »

Les nouveaux seniors

Ce trend mondial des vétérans de la politique qui squattent les écrans de télévision, comme Micheline Calmy-Rey et Christoph Blocher, pose enfin la question de savoir si la gé- nération qui a traversé Mai 68 n’est pas en train de réin- venter la retraite, après avoir bouleversé tant d’autres pra- tiques et traditions durant leur carrière politique. « C’est vrai qu’on attend des retraités du XXIe siècle qu’ils conti-

UNE DÉCENNIE DE FORUM DES 100

Jeudi 15 mai, l’Université de Lausanne accueille la 10e édition du Forum des 100 de L’Hebdo. Les invités se projetteront dans la décennie à venir, avec des débats centrés sur le thème : « Les dix prochaines années ». Le modèle économique et de gouvernance de la Suisse lui a assuré jusqu'ici une prospérité et une stabilité enviées dans le monde entier. Ce succès est-il remis en cause par la votation du 9 février ? La cohésion nationale est- elle mise à mal ? Comment relever les défis démogra- phiques qui nous attendent ? Et ceux de nos rapports avec l’Europe et le monde ?

www.forumdes100.com

nuent à être présents, poursuit le professeur de l’UNIL et spécialiste des fins de carrières professionnelles. Avant, les politiciens quittaient le Conseil fédéral pour des fonctions discrètes. Là, on a une génération qui pense qu’elle doit continuer à jouer un rôle dans la société, qui dans l’ensei- gnement, qui à la radio, qui en écrivant des livres. Ces po- liticiens semblent indiquer que le sens de “senior” change.

Ce n’est plus la personne qui s’affadit dans une courte re- traite. Aujourd’hui, le positionnement du senior est appelé à évoluer, et l’on se dit, en regardant ces ex-conseillers fé- déraux, qu’ils jouent peut-être un rôle de pionniers. »

A l’heure de la transparence, d’Internet, des clashes, du buzz incessant, et de la société médiatique et des vieilles images qui tournent en boucle sur YouTube ou à la télé, pas étonnant que ces vétérans fassent de la résistance. Après tout, comme il n’est plus possible de disparaître, autant ser- vir à quelque chose. 

ARENA

Le 22 février dernier, Christoph Blocher et Micheline Calmy- Rey débattaient des conséquences de la votation sur

« l'immigration de masse » dans l'émission- phare de la télévision alémanique.

© Copyright by SRF

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UN MINUSCULE

CRISTAL RACONTE L’HISTOIRE

DE LA TERRE C’est confirmé : un fragment de zircon trouvé en Australie est âgé de 4,4 milliards d’années, ce qui fait de lui le plus vieux minéral terrestre connu. Témoin de la plus tendre enfance de la Planète bleue, il prouve que notre Terre s’est refroidie plus vite qu’on le croyait. Et que les conditions favorables à la vie seraient peut-être plus anciennes que prévues.

TEXTE ÉLISABETH GORDON

GÉOSCIENCES

L’Institut des sciences de la Terre www.unil.ch/iste

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RACONTE L’HISTOIRE

DE LA TERRE

HADÉEN

Vue d’artiste de la Terre dans ses premiers millions d’années d’existence.

Recouverte d’un océan de magma, elle était bombardée de météorites.

© Keystone/Science Photo Library Mark Garlick

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24 Allez savoir ! N° 57 Mai 2014 UNIL | Université de Lausanne

DROIT

I

l a beau être microscopique puisqu’il n’est que deux fois plus gros qu’un cheveu, ce fragment de zircon d’origine australienne a fait beaucoup parler de lui.

A juste titre. Vieux de 4,4 milliards d’années, comme vient de le confirmer une équipe internationale de chercheurs, il est en effet le plus ancien minéral terrestre connu. Ce qui fait de lui un précieux témoin de notre pla- nète, telle qu’elle se présentait lorsqu’elle n’avait que quelques millions d’années.

Des zircons très âgés

L’histoire débute dans la région de Jack Hills, à l’ouest de l’Australie. C’est dans cette zone, dont le socle géolo- gique est très ancien, que, « dès le début des années 80, l’existence de zircons très âgés a été mentionnée pour la première fois », précise Pierre Vonlanthen, collaborateur scientifique à l’Institut des sciences de la Terre (ISTE) de l’UNIL. Il a toutefois fallu attendre 2001 pour qu’une équipe internationale dirigée par Simon Wilde, géologue

à l’Université technologique Curtin, en Australie, puisse dater les fragments de zircon les plus anciens.

Les chercheurs en ont conclu que ce microcristal « vio- let foncé, mesurant 220 microns sur 160 » (un micron est un millième de millimètre), selon la description que Si- mon Wilde en donne dans Nature, était vieux de 4,4 mil- liards d’années. Ce résultat, se rappelle Pierre Vonlan- then, « a créé le buzz » chez les scientifiques. Comme c’est toujours le cas en la matière, il a aussi fait débat.

Il vient toutefois d’être confirmé en mars dernier dans Nature Geoscience par une équipe internationale, menée par John Valley, géologue à l’Université du Wisconsin aux Etats-Unis. Aujourd’hui, le doute n’est donc plus permis.

« Il y a maintenant un faisceau d’évidences qui montre que l’âge de ce zircon peut difficilement être mis en cause », commente le minéralogiste de l’UNIL.

Datation : la transmutation de l’uranium en plomb La méthode utilisée pour sa datation est en effet bien ro-

SCIENCE

GÉOSCIENCES

4,54 milliards d’années.  

C’est l’âge de la Terre.

ZIRCON

Vu en cathodolumi- nescence, ce zircon d’une taille de 400 microns (0,4 mm) est le plus ancien connu, puisqu’il compte 4,4 milliards d’années.

© John Valley, University of Wisconsin

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PIERRE VONLANTHEN Collaborateur scientifique à l’Institut des sciences de la Terre (ISTE).

Nicole Chuard © UNIL

dée. Elle tire parti du fait que le zircon renferme deux iso- topes radioactifs de l’uranium, les 238 et 235 (238U et 235U), qui sont instables et qui se désintègrent successivement en divers éléments pour donner finalement naissance à des isotopes de plomb (206Pb et 207Pb). « En mesurant les quantités d’isotope-mère (l’uranium) et d’isotope-fils (le plomb) présentes dans un échantillon, ce géochronomètre permet de déterminer l’âge du minéral », explique le cher- cheur lausannois. La transmutation de l’uranium étant extrêmement lente, puisqu’il faut 4,468 milliards d’an- nées à l’238U et 0,704 milliards à l’235U pour que la moitié de leurs atomes se transforment en plomb, il est possible de remonter très loin dans le temps et de dater des maté- riaux très anciens.

Le zircon, un minéral stable et robuste

« Ce cristal de zircon, et c’est là son intérêt, poursuit Pierre Vonlanthen, s’est formé à une époque très proche, à l’échelle géologique, de celle de la naissance de la Terre » qui, elle, a eu lieu il y a 4,54 milliards d’années.

Il n’est d’ailleurs pas surprenant que le plus vieux mi- néral connu soit du zircon. Ce silicate de zirconium – qu’il ne faut pas confondre avec la zircone, l’oxyde de zir- conium très utilisé en bijouterie pour imiter le diamant – est « particulièrement stable et robuste », selon le cher- cheur de l’ISTE.

Les roches magmatiques dans lesquelles il a pris nais- sance et s'est cristallisé n’existent plus : elles ont été dé- truites par l’érosion et la tectonique des plaques. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’existe plus sur Terre de roches plus anciennes que les gneiss d’Acasta, au Ca- nada, qui n’ont « que » 4 milliards d’années.

Mais le zircon, lui, a perduré. « Il résiste très bien aux attaques physico-chimiques liées à l’érosion; il est donc bien armé pour faire face aux aléas du temps. » Lorsque sa roche mère s’est désagrégée, « il a pu être libéré et trans- porté, puis il s’est accumulé dans des roches détritiques », c’est-à-dire des roches sédimentaires formées par l’accu- mulation de débris d’autres roches.

En outre, ajoute le minéralogiste lausannois, le zircon a aussi, aux yeux des géologues, l’avantage « d’être pré- sent dans un grand nombre de roches différentes, notam- ment dans les roches magmatiques telles que le granit ».

On en retrouve donc des fragments, d’âges moins respec- tables toutefois, dans de nombreuses régions du globe, y compris en Suisse.

Un témoin de la petite enfance de la Terre

L’affaire est donc entendue. Le fragment de zircon austra- lien provenant de Jack Hills est le doyen des matériaux ter- restres jamais datés. Mais ce n’est pas ce record digne du Guinness Book qui intéresse les géologues. Pour ces der- niers, ce cristal est avant tout un précieux document d’ar- chives, puisqu’il témoigne d’évènements qui ont marqué

la petite enfance de la Terre. Grâce à lui, les scien- tifiques ont pu confirmer la validité de certaines de leurs théories, en particulier celle dite de la « Terre primitive froide ».

Pour comprendre de quoi il s’agit, il faut remon- ter très loin dans le temps, au moment où notre globe a pris naissance. Notre planète, comme celles qui composent le système solaire, s’est formée à par- tir de la nébuleuse solaire, un nuage en forme de disque constitué de gaz, de poussières et de roches.

Sous l’effet de la gravité notamment, cette matière s’est peu à peu condensée. Les grains se sont alors agrégés en de plus gros blocs qui, en entrant en col- lision les uns avec les autres, ont créé des corps plus importants, les planétésimaux. Ceux-ci ont grossi à leur tour, donnant finalement naissance à des pla- nètes. En particulier, il y a 4,54 milliards d’années, à celle que nous habitons.

Pendant quelques millions d’années, le chaos régnait sur Terre

« Les premiers millions d’années d’existence de la Terre ont été très tourmentés », précise Pierre Von- lanthen. A cette époque, selon la description que livre John Valley dans le magazine Pour la Science,

« notre planète était d’une lueur orangée, telle une étoile refroidie. Des blocs rocheux, certains de la

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26 Allez savoir ! N° 57 Mai 2014 UNIL | Université de Lausanne

taille d’une petite planète, tournaient autour du jeune Soleil et nombre d’entre eux se fracassaient sur la Terre. En se brisant, voire en se vaporisant, ils contribuaient à créer des océans de roche fondue. »

Autant dire que le plus grand chaos régnait sur cette très jeune Terre qui était, toujours selon John Valley,

« cruellement inhospitalière ». Elle était en effet recouverte d’un océan de magma, « une véritable fournaise », précise Pierre Vonlanthen, et elle était sans cesse bombardée par des météorites. C’est d’ailleurs l’une d’entre elles, grosse comme la planète Mars, qui est venue heurter la Terre il y a plus de 4,5 milliards d’années, éjectant autour de notre planète la matière qui a donné naissance à la Lune. L’im- pact a été si violent « qu’il a en partie fait fondre et vapo- risé les deux corps célestes », écrit le géologue américain dans la revue Elements.

Ce n’est donc pas un hasard si cette période agitée, qui commence à la naissance de la Terre et se termine à l’appa- rition des premières formes de vie, a été nommée l’Hadéen, en référence à Hadès, le dieu grec de l’enfer.

Coup de froid sur la planète

Restait une question qui a longtemps préoccupé la com- munauté scientifiques : combien de temps a duré l’Hadéen ? Combien de millions d’années a-t-il fallu pour que la pla- nète se refroidisse suffisamment pour que le chaos laisse place à des conditions plus propices à la vie ?

On sait en effet que, durant ces premiers temps géo- logiques, la température a sérieusement baissé à la sur- face de la Terre. Au départ, elle « se chiffrait à plusieurs milliers de degrés Celsius, précise le chercheur de l’ISTE.

Puis elle est peu à peu descendue à des valeurs de l’ordre de 300°C. Certains scientifiques avancent qu’elle aurait été plus basse encore, puisqu’ils pensent que les océans auraient été gelés à certaines périodes. »

Quoi qu’il en soit, notre globe a bien subi un coup de froid. Il faut dire qu’alors, « le rayonnement du jeune So- leil était 30% plus faible qu’aujourd’hui. En outre, pour- suit le chercheur lausannois, pour conserver une tempé- rature élevée, il aurait fallu que l’atmosphère de la Terre renferme une très importante quantité de gaz à effet de serre, comme le CO2. Or, s’il y avait beaucoup plus de gaz de ce type que maintenant, il n’est pas certain qu’il y en ait eu suffisamment pour garantir, en permanence, un effet de serre très prononcé. Ces considérations ont donc conduit certains scientifiques à penser que la Terre avait pu se refroidir plus rapidement que ce que l’on pen- sait auparavant. »

Le zircon confirme la théorie de la Terre primitive froide C’est à ce stade qu’intervient le fragment de zircon, qui vient apporter de l’eau au moulin des partisans de cette hypothèse dite de « la Terre primitive froide ». Puisque ce cristal date de 4,4 milliards d’années, cela signifie que

dès cette époque, le magma originel avait en partie fait place à des roches et donc qu’« une croûte terrestre primi- tive était déjà en train de se différencier, explique Pierre Vonlanthen. D’autant, ajoute-t-il, que l’on a retrouvé dans ce zircon des micro-inclusions de quartz prouvant que le magma granitique duquel il était issu avait commencé à cristalliser ».

Un autre indice plaide en faveur du refroidissement précoce de la Terre. « L’étude de la signature isotopique du cristal a révélé que le zircon était enrichi en oxygène 18, ce qui est compatible avec la présence d’eau à l’état li- quide qui aurait donc coexisté avec le magma. » Cette eau aurait été amenée sur Terre par les différents planétési- maux et autres proto-comètes qui l’ont heurtée. Incorpo- rée dans les roches comme les silicates, « elle a ensuite été vaporisée libérée dans l’atmosphère lors de l’impact géant qui a créé la Lune ».

Quand la vie est-elle apparue sur Terre ?

Des températures relativement clémentes, une croûte ter- restre, de l’eau : les conditions étaient-elles réunies pour que les premières formes de vie puissent avoir fait leur apparition plus tôt que prévu ? « C’est possible, répond Pierre Vonlanthen. Mais le zircon ne prouve en rien que cela était le cas. » D’autant qu’à l’époque, « les rayonne- ments cosmiques étaient beaucoup plus importants qu’au- jourd’hui. On ne sait pas si des molécules organiques au- raient pu y résister. »

Il ne faut pas non plus oublier, souligne le minéralo- giste, que « le zircon n’apporte qu’un indice indirect de la présence d’océans à la surface de la Terre au moment où il s’est formé. Les preuves directes les plus anciennes que l’on possède à ce sujet sont constituées par les laves en coussin (coulées de laves qui se solidifient dans un milieu subaquatique) et les sédiments subaquatiques de la formation d’Isua, au Groenland, qui datent de 3,8 mil- liards d’années. »

Quant à l’apparition de la vie sur terre, les premières preuves indiscutables remontent à 3,5 milliards d’années.

C’est en effet l’âge des plus anciens stromatolithes (struc- tures calcaires stratifiées qui ont été édifiées par des mi- croorganismes) mis au jour. Par ailleurs, « il existe des bio- signatures plus anciennes encore, datées à 3,8 milliards d’années. Elles se présentent sous la forme de sédiments contenant du graphite très appauvri en carbone 13, un iso- tope dont la présence ne peut s’expliquer facilement que par l’existence d’une activité biologique. » Toutefois, note le chercheur, « personne n’a jamais exclu que la vie aurait pu apparaître plus tôt ».

Sur ce point, le mystère reste entier et il ne faut pas compter sur le fragment de zircon pour nous éclairer.

Ce minuscule cristal a toutefois beaucoup contribué à la connaissance de notre lointain passé puisqu’il a permis de réécrire les premières pages de l’histoire de la Terre. 

FOURNAISE

LA PÉRIODE AGITÉE QUI COMMENCE À LA NAISSANCE DE LA TERRE ET SE TERMINE À L’APPARITION DES PREMIÈRES FORMES DE VIE A ÉTÉ NOMMÉE L’HADÉEN, EN RÉFÉRENCE À HADÈS, LE DIEU GREC DE L’ENFER.

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