MT241. Cours no 24, vendredi 20 d´ecembre 2002.
Rappel: exponentielle de matrice; on a eA+B = eAeB quand AB = BA.
Remarque. Pour tout s scalaire on a esId = es Id.
Solution deY0 = AY,Y(0) = Y0 quand la donn´ee initialeY0appartient `a un sous-espace caract´eristique de A
On suppose que (A−µId)rY0 = 0, o`u r est un entier ≥ 1, et on veut r´esoudre l’´equation Y0 = AY avec la condition initiale Y(0) = Y0. Si on pose B = A−µId on a donc BrY0 = 0; on ´ecrit tA = µtId +tB; on a etA = eµtIdetB et la solution est donn´ee par Y(t) = etAY0 c’est `a dire
Y(t) = eµt¡
Y0+tBY0+ t2
2 B2Y0+· · ·+ tr−1
(r−1)!Br−1Y0
¢.
Exemple trait´e.
A =
0 1 0
0 0 1
−1 −3 −3
On voit que χA = (−1)3(X + 1)3. Si on pose B = A + I3 on aura B3 = 0, donc etA= e−tI3+tB = e−t¡
I3+tB + t2 2 B2¢
.
Strat´egie g´en´erale pour la r´esolution
On pose K = C, on consid`ere une matrice A ∈ Md(C) dont le polynˆome carac- t´eristique est factoris´e en
χA = (−1)d(X−µ1)r1. . .(X−µk)rk
o`uµ1, . . . , µk est la liste sans r´ep´etition des racines deχA, et o`urj ≥1 est la multiplicit´e de la racine µj, pour j = 1, . . . , k.
On d´ecompose une donn´ee initiale g´en´erale Y0 ∈ Cd en somme de vecteurs des sous-espaces caract´eristiques de A, d´efinis par Fµj = ker (A−µjId)rj. On a vu dans le chapitre pr´ec´edent que
Cd = Fµ1 ⊕ · · · ⊕Fµk. On ´ecrit donc
Y0 = Xk
j=1
Y0,j
avec Y0,j ∈ Fµj. Pour chaque j on trouve t → Yj(t) telle que Yj0(t) = A Yj(t) et Yj(0) = Y0,j en utilisant la m´ethode du paragraphe pr´ec´edent, et on trouve la solution voulue en posant
Y(t) = Xk
j=1
Yj(t).
En effet, Y est solution de Y0 = AY par lin´earit´e et sa valeur pour t = 0 est bien le vecteur Y0 donn´e.
Pour pouvoir appliquer cette strat´egie il reste `a donner des moyens pour calculer la d´ecomposition d’un vecteur Y0 suivant les espaces caract´eristiques de A.
1
Utilisation de polynˆomes de matrices
On rappelle que χA(A) = 0. Dans beaucoup d’exemples il est possible de trouver des polynˆomes de degr´e plus petit que le degr´e de χA et qui annulent A, conduisant `a des calculs plus simples.
Polynˆome minimal
D´esignons par k0 le plus petit degr´e possible pour un polynˆome non nul P ∈ K[X]
tel que P(A) = 0.
Lemme. Si P∈K[X] de degr´e k0 annule A et si S(A) = 0, alors P divise S.
D´emonstration. On effectue la division euclidienne de S par P S = PQ + R
o`u deg R<deg P (en adoptant la convention deg 0 = −∞pour traiter le cas o`u le reste R de la division est nul). On a alors, compte-tenu de S(A) = P(A) = 0
0 = S(A) = P(A)Q(A) + R(A) = R(A).
Puisque R(A) = 0 et que deg R< k0 = deg P, le polynˆome R ne peut pas ˆetre non nul.
On a donc R = 0, ce qui montre que P divise S.
En particulier, si P1 et P2 sont des polynˆomes unitaires de ce degr´e minimalk0 tels que P1(A) = P2(A) = 0, on en d´eduit que P1 divise P2 et P2 divise P1, ce qui entraˆıne P1 = P2. Ceci justifie la d´efinition suivante.
D´efinition.On appelle polynˆome minimal de Alepolynˆome unitaire du plus petit degr´e possible qui annule A. On le note MA (cf. Liret-Martinais).
D’apr`es ce qui pr´ec`ede, tout polynˆome S qui annule A est multiple du polynˆome minimal MA de la matrice A.
Proposition. Toute racine complexe de χA est racine de MA.
D´emonstration. Si χA(µ) = 0, on peut trouver un vecteur Z ∈ Cd non nul tel que AZ =µZ, et il en r´esulte que P(A) Z = P(µ) Z pour tout polynˆome P. En particulier,
0 = MA(A) Z = MA(µ) Z donc MA(µ) = 0 puisque Z6= 0.
Projecteurs sur les sous-espaces caract´eristiques
On va utiliser la d´ecomposition des fractions rationnelles. Supposons pour simplifier que χA poss`ede trois racines, et soit P un diviseur de χA qui annule A,
P = (X−µ1)t1(X−µ2)t2(X−µ3)t3.
On suppose pour j = 1,2,3 que 1 ≤ tj ≤ rj = m(µj), la multiplicit´e de µj comme racine du polynˆome caract´eristique χA. On sait, d’apr`es la th´eorie de la d´ecomposition des fractions rationnelles en ´el´ements simples, qu’on peut ´ecrire
1
P = C1
(X−µ1)t1 + C2
(X−µ2)t2 + C3 (X−µ3)t3 2
o`u C1,C2,C3 sont des polynˆomes, tels que deg Cj < tj. En multipliant par P on trouve la relation
1 = C1(X−µ2)t2(X−µ3)t3 + C2(X−µ1)t1(X−µ3)t3 + C3(X−µ1)t1(X−µ2)t2
= L1+ L2+ L3 avec
L1 = C1(X−µ2)t2(X−µ3)t3; L2 = C2(X−µ1)t1(X−µ3)t3 et L3 = C3(X−µ1)t1(X−µ2)t2. On remarque que L1(X−µ1)t1 = C1P donc
L1(A)(A−µ1Id)t1 = C1(A)P(A) = 0 et de mˆeme Lj(A)(A−µjId)tj = 0 pour j = 2,3. On voit aussi que
L1L2 = C1C2(X−µ1)t1(X−µ2)t2(X−µ3)2t3 = C1C2(X−µ3)t3P
est multiple de P, donc L1(A)L2(A) = 0 et de mˆeme Li(A)Lj(A) = 0 si i6=j. Si on pose Pi = Li(A) on aura
Id = P1+ P2+ P3
et
P1 = P1P1+ P2P1+ P3P1 = P1P1
ce qui montre que P1 est un projecteur, ainsi que P2 et P3. D´esignons par Gj le sous- espace de Cd image du projecteur Pj. Comme
X = P1X + P2X + P3X
pour tout vecteur X∈Cd on voit queCd = G1+ G2+ G3, doncd ≤dim G1+ dim G2+ dim G3.
Puisque (A−µjId)tjLj(A) = 0 pour j = 1,2,3 on voit que Gj est contenu dans l’espace caract´eristique Fµj = ker(A−µjId)rj, donc dim Gj ≤rj. Puisquer1+r2+r3 =d, on en d´eduit que dim Gj =rj, donc Gj = Fµj pour chaque j.
Exemple trait´e.
A =
2 1 1 1 1 2 0 0 0 0 0 1 0 0 1 0
.
Chercher la solution telle que Y(0) = (0,0,1,0).
Solution. On a χA = (X + 1)(X−1)2(X−3) et on v´erifie que le sous-espace propre cor- respondant `a la racine doubleµ= 1 est de dimension 1, donc A n’est pas diagonalisable.
On trouve que
1
χA = c−1
X + 1 + C1
(X−1)2 + c3
X−3 o`u c−1 =−1/16, C1 =−1/4 et c3 = 1/16; on a donc
1 =− 1
16(X−1)2(X−3)− 1
4(X + 1)(X−3) + 1
16(X + 1)(X−1)2. 3
On introduit les trois projecteurs P−1 =c−1(A−I4)2(A−3 I4), P1 =c1(A+I4)(A−3 I4), P3 =c3(A + I4)(A−I4)2. Le calcul donne
P−1 =
0 0 0 0
0 0 0 0
0 0 1/2 −1/2 0 0 −1/2 1/2
, P1 =
1/2 −1/2 −1/4 −1/4
−1/2 1/2 −1/4 −1/4
0 0 1/2 1/2
0 0 1/2 1/2
,
et
P3 =
1/2 1/2 1/4 1/4 1/2 1/2 1/4 1/4
0 0 0 0
0 0 0 0
.
On d´ecompose la donn´ee initiale Y0 en utilisant ces projections,
(0,0,1,0) = (0,0,1/2,−1/2) + (−1/4,−1/4,1/2,1/2) + (1/4,1/4,0,0) = V−1+ V1+ V3. On trouve finalement, apr`es avoir calcul´e W1 = (A−I4)V1 = (1/2,−1/2,0,0)
Y(t) = e−tV−1+ et(V1+tW1) + e3tV3
soit encore
y1(t) = et(−1/4 +t/2) + e3t/4 y2(t) = et(−1/4−t/2) + e3t/4 y3(t) = e−t/2 + et/2
y4(t) =−e−t/2 + et/2.
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