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ECOLOGIE FONDAMENTALEEAU ET MILIEUX HUMIDES

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“Semaine Européenne ATHENS” : MP7

19 au 23 mars 2007

ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES

Texte principal du CD-ROM, hors illustrations et annexes

Bernard SOULARD

bernard.soulard@agriculture.gouv.fr

Direction départementale de l’agriculture et de la forêt du Morbihan

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I - ECOLOGIE FONDAMENTALE II - EAU ET MILIEUX HUMIDES

______________________________________________________

SOMMAIRE I - ECOLOGIE FONDAMENTALE

1. DOMAINE ET DEFINITIONS

2. DYNAMIQUE DES POPULATIONS

3. LE BIOTOPE : LES FACTEURS ECOLOGIQUES 4. RELATIONS ALIMENTAIRES ET ENERGETIQUES

5. RECYCLAGE DES ELEMENTS ET CYCLES BIOGEOCHIMIQUES 6. EVOLUTION DES ECOSYSTEMES, DIVERSITE ET STABILITE 7. LES PRINCIPAUX MACROSYSTEMES

8. LA BIOSPHERE- 9. PERTURBATIONS MAJEURES DE LA BIOSPHERE II - EAU ET MILIEUX AQUATIQUES

1 - LE CYCLE DE L'EAU

(11. LE CYCLE HYDROLOGIQUE) 1.2. - LE CYCLE HYDROECOLOGIQUE 2 - HYDRO-ECOLOGIE

(21 - FAUNE ET FLORE : LES ETRES VIVANTS DANS LES EAUX DOUCES) 22 - ECOLOGIE DES EAUX COURANTES

23 - ECOLOGIE DES EAUX STAGNANTES 24 - ZONES HUMIDES ET ESTUAIRES 3 - POLLUTIONS

31 - POLLUTION ORGANIQUE DES COURS D'EAU 32 - EUTROPHISATIONS

33 - POLLUTIONS AGRICOLES

34 - POLLUTIONS CHIMIQUES ET BIOCONTAMINATION 4 - PROTECTION DE LA NATURE

41 - PROTECTION DES ESPECES 42 - PROTECTION DES MILIEUX

(5 - REGLEMENTATION ET GESTION DE L'EAU)

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I - ECOLOGIE FONDAMENTALE

1. DOMAINE ET DEFINITIONS

L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel en 1886, est étymologiquement la science de l'habitat, de la "maison", du "ménage". Discipline de la biologie, elle étudie les interactions déterminant la distribution et l'abondance des organismes vivants. C'est la science de la structure et des fonctions de la Nature.

Ses principales orientations sont les suivantes :

* la démoécologie ou dynamique des populations : l'étude des variations dans l'abondance et la structure des populations ;

* l'autoécologie, étude d'une espèce dans ses rapports avec le milieu vivant (facteurs biotiques) ou non vivant (facteurs abiotiques);

* la synécologie, étude des relations fonctionnelles des diverses espèces, prises dans leur ensemble, entre elles et avec leur milieu.

Parmi les sciences de la vie, l'écologie étudie les niveaux d'organisation les plus vastes et dont les règles peuvent sensiblement s'écarter des champs plus restreints. De la cellule vivante à la biosphère dans son ensemble, elle s'intéresse à l'écophysiologie, à la biologie des populations, aux "écosystèmes"

et à leur évolution, même globale à l'échelle de la biosphère terrestre.

Aux considérations strictement scientifiques s'ajoutent des préoccupations plus appliquées telles que la contamination de l'environnement et la lutte contre la pollution, la dégradation des milieux, la

disparition des espèces, la protection des écosystèmes et la conservation de leur biodiversité, les impacts des aménagements, le développement « durable » des activités humaines, l'avenir général de la biosphère, etc.

Les êtres vivants habitent un milieu avec lequel ils sont en relations obligées. Les êtres vivants, y compris l'homme, et le milieu non-vivant sont inséparables et en interaction réciproque. Un écosystème, ou système écologique, est l'unité fonctionnelle constituée:

- par un milieu donné ou biotope,

- et par les organismes qui l'habitent ou biocénoses.

Une biocénose est un groupement d'êtres vivants rassemblés par l'attraction qu'exercent sur eux les facteurs du milieu. Ce groupement est caractérisé par une composition spécifique que détermine l'existence de phénomènes d'interdépendance, et il occupe un espace appelé le biotope. Par biotope ou

"milieu de vie", on entend l'ensemble des facteurs écologiques abiotiques et biotiques qui caractérisent le milieu où vit une biocénose.

On réserve en général le nom d'habitat au milieu de vie d'une ou de quelques espèces. L'habitat se distingue de la niche écologique qui est :

- au sens strict, l'ensemble des caractère fonctionnels permettant à une espèce donnée de s'intégrer à une biocénose. En ce sens, "l'habitat est l'adresse, la niche écologique est la profession";

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- au sens large, l'ensemble des caractères fonctionnels mais aussi abiotiques.

Parmi les termes voisins de biocénose, on peut citer :

- les associations : ensemble de populations d'une biocénose appartenant à un même groupe systématique ou trophique (d'ordre alimentaire). Ce terme est surtout utilisé en écologie végétale;

- les biomes : principales biocénoses prises à une échelle très vaste.

2. DYNAMIQUE DES POPULATIONS

2.1. Caractéristiques d'une population 2.1.1. Population et peuplement

Unité fondamentale de toute biocénose, la population est constituée par l'ensemble des individus appartenant à une même espèce dans un biotope donné, c'est-à-dire des individus potentiellement interféconds (survie des chromosomes dans la reproduction sexuée), ou encore "participant du même club de chromosomes".

Le terme de peuplement désigne l'effectif de plusieurs espèces à la fois.

Les populations peuvent rarement être dénombrées de façon exhaustive. On procède généralement par dénombrements partiels à vue ou "à l'oreille", etc. : ainsi par quadrats ou plots, ou par transects (par exemple pour des oiseaux dans une forêt), par prélèvements d'échantillons (notamment invertébrés des sols ou des arbres, plancton pris par des filets), par piégeages, par captures et recaptures (pêche électrique de poissons en rivière par exemple) et par toutes sortes de méthodes basées sur les caractéristiques des espèces (traces, terrieurs, fecès, rejecta, etc...).

Les comptages et les évaluations butent fréquemment sur deux difficultés:

- l'identification de chaque espèces, principalement pour les invertébrés ;

- l'évaluation statistique, qui doit notamment être adaptée à la biologie des populations et en particulier tenir compte de leur occupation de l'espace.

2.1.2. Occupation de l'espace

Une population peut être uniformément distribuée dans un biotope donné. D'autres fois, elle peut être distribuée au hasard, ou encore en groupes, ces groupes se retrouvant eux-mêmes répartis soit au hasard, soit de façon uniforme.

Chaque espèce occupe le territoire de façon propre : espèces avec territoires constants ou temporaires, établis avec certaines caractéristiques par rapport aux points d'eau, en superficie ou disposition etc.;

espèces sans territoires, pouvant vivre en groupes diversement structurés ; migrations.

Une même espèce, dans un biotope donné, peut fluctuer avec par exemple des effectifs variables d'individus résidents ou temporaires.

2.1.3. Critères démographiques

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Comme en démographie de l'espèce humaine, on recense les effectifs d'une espèce par classes d'âge.

Ainsi s'établit la pyramide des âges, le sex ratio, les taux de natalité et de mortalité, les espérances de vie, les tableaux et les courbes de survie.

Critères démographiques du Cerf- Mulet

Les courbes de survie sont extrêmement variables. Elles ressortent des divers types selon que la mortalité est assez uniforme avec l'âge, ou bien très forte dans les premiers stades, ce qui est très fréquent, ou encore dans les derniers.

Types de courbes de survie

2.1.4. Loi de croissance d'une population - Modèle simple de croissance

L'effectif N d'une population peut s'écrire : Nt = Nt-1 + naissances + immigrants - morts - émigrants Rapporté à l'individu, le taux d'accroissement, R ou r, s'exprime ainsi : R = N/NT

et, si t tend vers 0 : r = dN/Ndt , r est le taux intrinsèque d'accroissement naturel.

Lorsque r est constant (r = rmax ou rm), c'est-à-dire quand les facteurs du milieu ne sont pas limitants, la relation devient :

N = N0e-rm(t-t0), où N0 est l'effectif à l'origine , N = N0e-rmt si on prend t0=0

La population croît alors selon une exponentielle appelée courbe du potentiel biotique ou "courbe en j". En fait, r n'est pas constant. Selon l'hypothèse la plus admise (Verhulst, 1938), R diminue

linéairement selon N : R = r [1-(N/K)]

Dans ce cas : N = K /[1 + e-rt(K-N0)/N0] ; dN/dt = rN [(K-N)/K]

L'effectif suit ainsi une courbe en "S" qui tend vers K, "capacité limite du milieu": la population est ici régulée par sa densité. La vitesse de croissance est maximale pour K/2.

Courbes de croissance théoriques d'une population

Le calcul montre que si le système est écarté de sa position d'équilibre K, il tend à y revenir pour r < 2, mais au contraire à s'en écarter par des oscillations de plus en plus grandes (jusqu'à N = 0) pour des taux plus élevés.

Dans d'autres cas, r diminue dans les faibles comme dans les fortes densités. Il peut y avoir aussi un délai entre une densité et son effet sur le taux d'accroissement, ce qui entraîne des fluctuations

cycliques, stables ou instables, de la densité. Bien entendu, r est affecté par les changements du milieu (température par exemple) ou par des variations dans la composition génétique, etc.

- Stratégie r et stratégie K

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Dans un contexte donné, chaque espèce établit une stratégie adaptative, résultante des interactions et contraintes relatives à la morphologie, la physiologie, les comportements, etc. Mais on peut distinguer deux types principaux:

- la stratégie r à caractère "pionnier", expansif et productif, à fort coefficient rm et courbe en J,

- la stratégie K des populations plus stationnaires, avec population dépendante de la densité, favorisant les génotypes les plus efficients, avec courbe en S, souvent dominantes dans les milieux saturés.

Stratégies r et K

2.1.5. Exemples de fluctuations de population

Si certaines populations sont stables, la plupart présentent des fluctuations importantes.

Exemples de fluctuations de populations

Celles-ci peuvent être périodiques, souvent avec un cycle annuel (en particulier pour des invertébrés des eaux ou des sols, des oiseaux), mais aussi pluriannuel (hannetons, lemmings, certaines chenilles défoliatrices, lièvres variables en Amérique du Nord). Si l'influence du milieu est fréquente, les fluctuations peuvent être dues à la compétition : expérimentalement, on a ainsi pu créer un cycle périodique en agissant sur la compétition intraspécifique dans des populations de mouches à viande.

Les fluctuations peuvent aussi être apériodiques et dépendre notamment des conditions du milieu comme l'évolution des conditions climatiques ou, pour les producteurs, de la teneur en sels minéraux.

Un cas particulier est celui des espèces nouvellement introduites dans le milieu. Parmi les nombreux exemples d'espèces en voie d'extension, ou de régression au contraire, il existe des cas fréquents où une espèce nouvellement introduite montre une forte expansion parallèlement à la disparition d'espèces concurrentes ou des hôtes s'il s'agit de parasites.

2.2. Relations entre deux populations 2.2.1. Types de relations

Elles sont extrêmement variées et souvent non dépourvues d'ambiguïtés. Mais on peut classer les principaux types d'interactions :

- Neutralisme :pas d'influence réciproque.

- Compétition interspécifique (par différence avec la compétition intraspécifique, entre les individus à l'intérieur d'une même espèce) : lutte active ou passive pour un même bien tel que la lumière (végétaux surtout), l'alimentation, les abris, etc. Exclusive ou non - une espèce exclut une autre ou non - elle influence la croissance, la physiologie, la forme (arbres), la densité, la répartition des individus dans les divers habitats d'une même aire, la répartition géographique des espèces, l'évolution des

biocénoses, etc. Elle modifie les limites de tolérance et souvent réduit la niche écologique (voir 2.4.2).

- Commensalisme : une espèce commensale tire bénéfice d'une autre qui n'en subit ni avantage, ni dommage. Les espèces sont souvent en contact : par exemple, lichens, orchidées et toutes épiphytes sur les arbres, balanes sur les baleines ou autres cas d'épizoaires.

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- Symbiose : deux espèces ne peuvent vivre qu'ensemble : par exemple, les lichens (algues et champignons qu'on a séparés toutefois au laboratoire), bactéries ou protozoaires de tubes digestif d'invertébrés ou de vertébrés, bactéries azotofixatrices de plantes souvent pionnières comme l'aulne ou les légumineuses (genêt, trèfle,...), mycorhizes (champignons en symbiose avec les racines des arbres), zooxanthelles (algue endocellulaire) et cnidaires dont l'association augmente la productivité des massifs coralliens, symbioses diverses et souvent très curieuses entre animaux et végétaux (notamment des insectes pollinisateurs parfois très spécialisés).

Exemples de symbioses

- Coopération : association non indispensable de deux espèces, ce cas est souvent difficile à distinguer du précédent. Il s'agit par exemple, des relations entre les plantes et les bactéries au niveau des racines, dans la "rhizosphère".

- Amensalisme : une espèce est inhibée dans sa croissance par une autre, souvent par la sécrétion de substances par des microorganismes (antibiotiques produits par les champignons, par exemple), des algues planctoniques (toxines aux fonctions mal élucidées), des plantes entre elles (noyer par exemple), ou vis à vis d'herbivores et de parasites (par production de terpénoïdes, alcaloïdes, polyphénols comme les tannins, etc.) Ou encore vis à vis de carnassiers.

- Parasitisme : un parasite est un organisme lié à la surface (ectoparasite) ou à l'intérieur

(endoparasite) d'un être vivant dont il se nourrit sans le tuer, du moins en principe. Un parasite peut infester de nombreuses espèces, ou quelques-unes voisines, ou une seule, et même parfois d'autres parasites (hyperparasitisme). L'ensemble constitué par une espèce, ses parasites et hyperparasites, est appelé complexe parasitaire. On qualifie aussi de parasites les bactéries, champignons et virus pathogènes. Ceux qui tuent leur hôte sont parfois appelés parasitoïdes. Le cycle biologique des

parasites, surtout celui des invertébrés, peut être d'une grande complexité (cf. Ecologie des eaux). Leur dynamique des populations, et donc les effets sur les hôtes, est marquée par de grandes fluctuations.

- Prédation : au sens large, un prédateur est un organisme qui recherche une nourriture vivante, animale ou végétale. Au sens courant, il s'agit d'espèces se nourrissant d'espèces animales. La prédation n'est pas toujours facile à distinguer du parasitisme.

2.2.2. Etude de deux types d'interaction - La compétition interspécifique

De l'équation logistique dN/dt = rN [(K-N)/K], Lokta et Voltora ont tiré, pour deux espèces en compétition :

dN1/dt = r1N1 [(K1-N1-1N2)/K1] et dN2/dt = r2 N2 [(K2-N2-2N1)/K2]

1 et 2 étant les coefficients de compétition. La survie de l'une ou l'autre, ou des deux espèces, dépend de 1 et 2 vis-à-vis du rapport K1/K2. On constate ainsi que les deux espèces peuvent vivre ensemble, en compétition non exclusive, si la pression de concurrence interspécifique ne dépasse pas la compétition intraspécifique, à l'intérieur de l'espèce elle-même.

Compétition exclusive ou non exclusive

Dans la nature, la survie d'une espèce est donc conditionnée à une différenciation dans l'exploitation du milieu vis à vis des espèces concurrentesdiminuant la compétition interspécifique, et donc à une

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Schéma et exemple de ségrégation de niches écologiques

L'expérimentation au laboratoire a confirmé ces déductions. Elle a montré aussi que la présence de prédateurs, une baisse de compétition en-deça d'une certaine densité, ou une sélection pendant l'expérience, ou enfin une diversification du milieu permettent le maintien de deux espèces.

Dans la nature, les exclusions sont rares, surtout dans les écosystèmes de grande dimension, au contraire des îles. Le partage des ressources s'opère par "ségrégation écologique": des espèces exploitant des niches écologiques semblables ou très voisines lorsqu'elles vivent séparées, se différencient lorsqu'elles vivent ensemble, en déplaçant et réduisant les limites de tolérance (Figure 1.8) et les niches écologiques. Cette différenciation peut d'ailleurs s'accompagner d'une différenciation de la morphologie, par exemple chez les oiseaux. La concurrence permet ainsi d'exploiter au mieux les capacités d'accueil du milieu.

- La relation "mangeur-mangé", prédateur-proie

Largement débattues, les relations entre les populations de prédateurs et celles des proies s'avèrent très variables.

Les modèles de Lotka et Voltora (1925 et 1926), en supposant que le taux d'accroissement des proies diminue proportionnellement à l'effectif des prédateurs et que le taux d'accroissement des prédateurs dépend linéairement de l'effectif des proies, prévoient des oscillations périodiques.

Au laboratoire, la réalisation de cycles d'oscillations nombreuses est assez difficile. Ils ne s'observent que lorsque les proies peuvent avoir des abris et qu'elles ne sont pas limitées seulement par la

prédation.

Dans la nature, il arrive souvent que les prédateurs n'éliminent que les individus placés dans des conditions défavorables et en surnombre, s'assurant ainsi une disponibilité continuelle. C'est d'ailleurs la justification des plans de chasse.

Ainsi, les herbivores ne consomment globalement qu'environ 15% de la production primaire nette : "la terre est toujours verte".

L'expérience dans certaines réserves biologiques, a même parfois montré que les prédateurs peuvent être indispensables au maintien, à long terme et à une densité assez élevée, des populations

d'herbivores. Car les herbivores en densité excessive peuvent détériorer le milieu et diminuer la production primaire disponible.

Cependant l'introduction de brouteurs, de prédateurs et de parasites a montré souvent que le mangeur peut réduire la population des proies, même de plusieursordres de grandeur. Cette observation est d'ailleurs le fondement des méthodes de lutte biologique ou de lutte intégrée contre les ravageurs de récolte.

Populations des prédateurs et des proies

Pour la proie, la relation entre sa densité et celle d'un prédateur dépend de l'importance de la prédation comme facteur de mortalité. Pour le prédateur, elle dépend de la diversité des proies capturées et des possibilités de remplacer par d'autres une proie devenue trop rare.

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3. LE BIOTOPE : LES FACTEURS ECOLOGIQUES

Les relations des espèces avec leur milieu sont marquées par l'influence de certains paramètres: les facteurs écologiques, limité ici aux facteurs abiotiques (non vivants).

3.1. Mode d'influence des facteurs écologiques 3.1.1 - Facteur limitant

En 1840, Justus Liebig a énoncé le principe de la loi du minimum : la croissance des végétaux est limitée par l'élément dont la concentration est limitée, quelle que soit l'abondance des autres éléments (N, P, K, mais aussi Mo, etc...). Au-delà d'une certaine abondance, ces éléments deviennent toxiques.

Un facteur est limitant lorsqu'il se trouve en-deçà d'un seuil minimal, ou bien au-delà d'une limite tolérable. Toutefois, il arrive que ces limites puissent être influencées par d'autres facteurs et certaines compensations peuvent se manifester.

3.1.2 - Limites de tolérance

Tolérance écologique, gradients, zonations

- Vis-à-vis d'un seul facteur abiotique

L'abondance d'une espèce varie en fonction d'un facteur du milieu, d'une façon souvent non symétrique : c'est la loi de tolérance de Shelford (1913).

La valence ou amplitude écologique est la capacité pour un organisme de supporter l'action d'un facteur écologique entre certaines limites.

On distingue les espèces sténoèces, à valence écologique restreinte, et les euryèces, à valence écologique large. Par exemple on distingue pour la température, les sténothermes "froids" ou

"chauds", et les eurythermes ; pour l'oxygène dans l'eau, les sténoxybiontes et les euryoxybiontes, etc...

- Tolérances multifactorielles

Chaque espèce réagit à des combinaisons de facteurs. On peut ainsi décrire des "ellipsoïdes" pour deux facteurs conjugués ; ou des "patatoïdes" pour trois dimensions, par exemple dans l'eau : la

température, l'oxygène dissous et la salinité ; ou décrire l'action de n facteurs sur la répartition et la croissance des espèces.

- Gradients, zonations, successions

Pour un même facteur, prises isolément, les espèces n'ont pas les mêmes exigences.

Fréquemment, un facteur (ou plusieurs associés) varie de façon continuelle le long d'une certaine direction ou au cours du temps. Il en résulte des zonations et des successions : pour les milieux aquatiques, il s'agit de succession des flores algales, de zonations d'amont vers l'aval dans les cours d'eau, d'évolution en aval d'un rejet de pollution organique, etc.

Zonations de formations végétales

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Toutefois, les exigences écologiques des espèces prises isolément sont plus larges que celles observées sur le terrain, en raison de la compétition principalement.

- Ecotones

Lorsqu'un ou plusieurs facteurs varient brutalement, les zonations sont très serrées. C'est le cas, entre les écosystèmes, au niveau des écotones. Ceux-ci sont des écosystèmes de transition comme les estuaires, les marais, les lisières, ceintures de végétation sur le bord des lacs ou les étagements sur le littoral. Ils ont souvent une biodiversité et une importance particulières.

La grande variabilité de ces milieux permet l'installation d'un large éventail d'espèces spécialisées, ou le développement d'espèces particulièrement tolérantes. Par ailleurs, les écotones peuvent être un lieu de passage entre deux écosystèmes différents, ou bien servir de milieu de vie à des phases particulières pour les espèces qui vivent dans les milieux adjacents.

3.2. Principaux facteurs écologiques - La température

Elle a un effet général sur le métabolisme, tout particulièrement sur les poïkilothermes, animaux à température variable - animaux « à sang froid », par différence avec les homéothermes que sont oiseaux et mammifères. Chez les invertébrés, les insectes par exemple, l'influence porte sur le nombre de générations par an, la durée du cycle de vie, la densité de la population. Souvent, c'est la

température minimale ou maximale qui est limitante, agissant en particulier sur la répartition géographique des espèces.

On distingue les limites létales ou sublétales. Les premières sont mortelles, les secondes exercent un effet défavorable sur la croissance, la reproduction, la sensibilité aux maladies, les relations avec les autres espèces, la concurrence, etc.

On distingue aussi les sténothermes froids ou chauds et les eurythermes : les variations de température ont aussi une influence par leur amplitude.

-L'éclairement

La lumière est d'abord source d'énergie pour la photosynthèse. Elle est limitante par ses faibles valeurs (énergie) autant que par ses fortes valeurs (photolyse de la chlorophylle par exemple) et même par sa qualité (longueur d'onde, tout particulièrement dans l'eau).

Les variations de la photopériode, durée de la phase lumineuse, constituent un signal qui rythme et règle la biologie des végétaux et des animaux : rythmes circadiens ou nycthéméraux, diapauses d'arthropode, induction des comportements reproducteurs ou territoriaux chez les vertébrés, etc.

- L'eau, l'humidité

Chaque organisme a un "bilan" de l'eau où les fuites sont compensées par les absorptions, souvent sous l'influence de mécanismes physiologiques et comportementaux complexes. Selon leurs besoins en eau et leurs adaptations aux diverses conditions relatives à l'eau, on peut classer les organismes vivants en aquatiques, hydrophiles, mésophiles, xérophiles.

Pour les végétaux, les échanges gazeux nécessaires à la photosynthèse s'accompagnent d'une perte d'eau, essentiellement par les stomates. La photosynthèse avec cycle en C4, et surtout celle de plantes

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grasses, est cependant plus économe en eau que les plantes à cycle en C3. Globalement, la production primaire d'écosystèmes continentaux est très souvent limitée par la disponibilité en eau; c'est ainsi que l'on observe la corrélation suivante pour des écosystèmes très divers :

Log10Pn = (1,66G0,27)log10ETR-(1,66G0,07)

Pn = production primaire nette au-dessus du sol en g/m2/an,

ETR : évapotranspiration réelle en mm (exprimant en même temps l'action de l'énergie solaire et la disponibilité en eau) .

Parmi d'autres facteurs d'importance, il faut citer la distribution saisonnière de l'eau, le pouvoir évaporateur de l'air et l'humidité. Humidité et température ont d'ailleurs une influence souvent combinée.

- Le climat en général

Son incidence est souvent décrite par des indices climatiques intégrant divers paramètres du climat comme la pluie, la température, l'ensoleillement, le vent, etc.

Climat et conifères méditerranéens

A diverses échelles, on distingue :

* les macroclimats, à l'échelle d'un pays par exemple;

* les mésoclimats, à l'échelle d'un massif montagneux par exemple;

* les microclimats : à l'intérieur d'une forêt, dans les herbes, dans les sols, etc., qui sont souvent en relation avec les conditions topographiques comme en montagne avec l'adret et l'ubac ou encore la zonation selon l'altitude.

- Divers facteurs chimiques

Parmi d'autres facteurs d'importance, il faut citer la distribution saisonnière de l'eau, le pouvoir évaporateur de l'air et l'humidité. Humidité et température ont d'ailleurs une influence souvent combinée.

- Le sol

Formation du sol Les sols sont tout à la fois milieu de vie et facteur écologique. Ils résultent des actions climatiques et biologiques au contact de la roche-mère. Ils sont caractérisés en particulier par leur topographie, la texture et la porosité, l'humidité, leurs horizons, l'abondance des matières humiques, la capacité d'échange et le caractère lessivé... Ils peuvent varier à une échelle très fine, mais de grands types de sols peuvent également être cartographiés à une échelle très vaste.

- Le feu

Le feu dans une lande de Bretagne

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C'est un important agent naturel de minéralisation de la matière organique, de sélection des espèces résistances, etc. Son occurence, renforcée par l'homme, peut devenir dégradante et destructrice pour les espèces et les milieux.

4. RELATIONS ALIMENTAIRES ET ENERGETIQUES

Elles sont caractérisées par un flux d'énergie et par la recirculation des éléments que réalisent divers groupes fonctionnels de la biocénose qui vivent de façon solidaire : producteurs, consommateurs et décomposeurs.

4.1. Production primaire

Transformation d'une énergie physique ou chimique en énergie directement utilisable dansles réactions du métabolisme des êtres vivants, elle assure la fourniture d'énergie et l'essentiel de la fabrication de matière organique qui sont nécessaires au monde vivant.

Le flux d'énergie a pour source presqu'unique le rayonnement solaire. Celui-ci est évalué à 2 cal/cm2/mn à l'arrivée sur la planète. La moitié de cette constante solaire est portée par le spectre visible, de 0,4 à 0,8 µm. Après réflexion, réfraction, absorption atmosphérique, etc., 10% environ sont reçus par les plantes vertes qui en convertissent en général 1% en énergie biochimique. Cependant, une partie des radiations solaires qui n'entrent pas dans le processus de la photosynthèse est utile à la biosphère : par le réchauffement jusqu'à une température "vivable", par les mouvements

atmosphériques, par le cycle de l'eau sur les terres, par les courants océaniques, etc.

Cette assimilation ou production primaire photosynthétique est effectuée pour l'essentiel par les végétaux chlorophylliens planctoniques (algues) ou terrestres (plantes), selon la réaction d'oxydo- réduction schématique :

CO2 + 2 H20 -> (CH20) + H20 + O2

La réaction de photosynthèse est initiée par les photons de la lumière excitant des pigments et finissant par libérer un électron d'une chlorophylle. Le transport d'électrons aboutit à la production de NADPH + H+ et d'ATP. Ces molécules servent ensuite à synthétiser des glucides en consommant du dioxyde de carbone. Le cycle de synthèse le plus général, découvert par Calvin, utilise des molécules à trois atomes de carbone, d'où le nom de cycle en C3. Dans les régions plus ensoleillées existe un cycle en C4, chez le maïs par exemple, avec plusieurs variantes dont l'une, chez des plantes grasses, est plus adaptée aux régions désertiques. Le cycle en C4 occasionne moins de pertes en eau que le cycle en C3.

La production primaire brute sert d'abord à la respiration de la plante. Le supplément, soit 50 % habituellement mais parfois jusqu'à 90 %, constitue la production primaire nette stockée dans

l'accroissement de la biomasse (c'est-à-dire la masse vivante) végétale, à raison souvent de 4 à 5 kcal/g de matière sèche.

La respiration est un terme général exprimant globalement la décomposition oxydative des matières carbonées dans les êtres vivants, laquelle aboutit à l'oxydation du carbone en CO2, terme des

décompositions oxydatives le plus général. Mais il existe bien des voies d'évolution du carbone, avec le cycle du méthane tout particulièrement. Par ailleurs, d'autres éléments quantitativement secondaires comme le soufre ou le fer peuvent être oxydés. La respiration transfère l'énergie sur des composés et des liaisons "riches en énergie" utilisés directement dans les réactions biochimiques. La respiration apparaît ainsi comme le pendant, presque symétrique, de la photosynthèse.

La production primaire est exprimée en poids frais ou en poids sec, mais le plus souvent en carbone assimilé ou Kcal. La productivité est le taux de production par unité de surface et de temps.

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4.2. Production secondaire

Il s'agit de la production de matière organique vivante à partir de matière vivante ou morte, et non sur la base de réactions chimiques d'éléments minéraux, ni à partir d'énergie lumineuse.

4.2.1. Chaînes et réseaux tropiques (= alimentaires)

Ils assurent dans les biocénoses la circulation de la matière, et donc le transfert d'énergie biochimique.

Le producteur primaire est le premier niveau trophique, c'est-à-dire d'ordre alimentaire; puis c'est l'herbivore ; ensuite le carnivore dit de premier ordre, le carnivore de second ordre, et ainsi de suite.

Schéma de l'énergie dans une chaîne alimentaire

Comme exemples de telles chaînes alimentaires, on peut citer : herbe -> vache (viande, lait) - > homme

chêne -> chenille -> mésange -> épervier

phytoplancton marin -> zooplancton -> poisson microphage -> poisson macrophage -> oiseau ->

ichthyophage

végétation terrestre et rivulaire -> feuilles mortes -> gammares -> truites

4.2.2. La production secondaire des consommateurs

De façon schématique, la production nette est en partie mangée par les consommateurs de premier ordre ou herbivores, sauf ce qui tombe en débris, déchets, cadavres ; les herbivores produisent des excrétions et des déchets et respirent ; le reste constitue la production secondaire nette stockée en biomasse ; une partie meurt et donne des cadavres, une autre est dévorée par les consommateurs de second ordre qui sont en même temps les carnivores de premier ordre, et ainsi de suite.

Cette chaîne repose sur la consommation de matière végétale vivante par les herbivores.

4.2.3. La production secondaire des Transformeurs ou Décomposeurs

Le débits, déchets excrétions, cadavres, etc., représentent un stock de matière non-vivante qui sert de nourriture à des consommateurs qualifiés de décomposeurs. Parmi les plus importants, les

champignons et les bactéries assurent l'essentiel de la minéralisation des éléments, leur retour sous forme minérale qui permet leur recyclage et leur disponibilité pour la production primaire. Ils assurent une production secondaire à base de décomposition.

Deux types de chaînes selon les productions secondaires

Ces décomposeurs peuvent, eux aussi, être la proie des consommateurs, y compris des herbivores, formant ainsi un second type de chaîne alimentaire plus ou moins croisée avec la précédente.

4.3. Reseau trophique et pyramides écologiques

4.3.1. Réseau trophique d'ensemble

(14)

Les deux types de production secondaire coexistent dans les écosystèmes sous la forme de chaînes alimentaires complexes, ou plutôt de réseaux alimentaires. D'ailleurs, cette complexité permet un meilleur rendement d'un niveau trophique à l'autre.

5. RECYCLAGE DES ELEMENTS ET CYCLES BIOGEOCHIMIQUES

5.1. Notion de cycle

Le fonctionnement des écosystèmes entraîne des échanges de matière entre le monde vivant et le monde minéral. Des éléments ou des molécules passent de l'un à l'autre souvent avec des étapes intermédiaires (adsorption, matières humiques,...) où ils sont plus ou moins disponibles. Ces allers et retours avec recyclages sont appelés d'une façon globale des cycles biogéochimiques.

Schéma d'un cycle biogéochimique

C'est le cas en particulier:

- des éléments chimiques appelés macronutriments : C, H, O, N, K, Ca, Mg, S et P;

- des micronutriments ou oligoéléments : Fe, Cu, Mn, Co, Zn, Na, Cl,...;

- d'éléments chimiques apparemment neutres ou au contraire directement toxiques : strontium, mercure ;

- de molécules comme l'eau, les pesticides, etc.

La sortie du milieu vivant se fait par sécrétions, excrétions, fèces et surtout par la minéralisation à la mort des organismes, sous l'influence des transformeurs. A noter aussi l'influence du feu, puissant agent de minéralisation.

Le retour au milieu vivant se fait par les bactéries libres ou symbiotiques, par des décomposeurs, etc., et surtout par la production primaire photosynthétique.

Les pertes de matière sont souvent très limitées dans les écosystèmes à l'équilibre, une forêt primaire par exemple. Mais ils peuvent augmenter fortement après perturbation. C'est le cas de la destruction de la forêt tropicale suivie de pertes par ruissellement.

Dans les océans comme dans les lacs, une bonne part des matériaux sont minéralisés au niveau des sédiments et sont peu disponibles pour la production primaire photosynthétique qu'ils limitent. C'est le cas principalement du phosphore, au cycle principalement sédimentaire. Dans les océans, il remonte en particulier grâce aux courants "d'upwelling".

Les sorties du monde vivant sont parfois excédentaires, avec un stockage extérieur à la biomasse. A l'inverse de ce mouvement, certains toxiques tendent à rester et à se concentrer dans les êtres vivants par rapport au milieu : par exemple le lindane ou d'autres organochlorés liposolubles.

Certains éléments changent de degré d'oxydo-réduction au cours de leur cycle et sont à l'origine d'une production "primaire" chimiosynthétique : outre le carbone, c'est le cas du fer, du soufre et de l'azote principalement.

5.2. Cycle du soufre en milieu aquatique

Cycle du soufre en milieu

(15)

aquatique

Le soufre est transformé et change de degré d'oxydo-réduction lors des échanges entre le milieu et la biomasse vivant dans l'eau, à l'interface eau-sédiments, et à l'intérieur des sédiments. Ces réactions dépendent des conditions physico-chimiques et sont effectuées en grande partie sous l'influence de divers types de bactéries associées au cycle du soufre :

- les producteurs primaires utilisent le sulfate (SO4) pour leurs synthèses d'acides aminés soufrés, le soufre est libéré par excrétion sous forme de sulfate ou par les décomposeurs sous forme de H2S ; - diverses bactéries spécialisées transforment H2S en S puis SO4 (bactéries incolores, pourpres ou vertes), ou directement H2S en SO4 (Thiobacillus) ;

- il peut y avoir réduction anaérobie des sulfates en sulfures, lesquels forment des précipités noirs avec le fer.

On remarque en particulier que le fer piège les sulgfures, sous forme de précipités noirs, et que la disponibilité du phosphore est liée à sa liaison avec le fer. A noter aussi que l'oxydation du soufre peut se faire par photosynthèse sous l'action des bactéries vertes qui utilisent H2S au lieu de H2O et excrètent S.

5.3. Cycle du carbone

Le cycle du carbone est gazeux (CO2, CH4, CO), mais aussi liquide et même sédimentaire avec les roches carbonatées. Il est dominé par deux processus inverses, liés à l'oxygène:

- la photosynthèse : CO2 Y C organique + O2 (mais en fait, O2 dégagé vient de l'eau qui est photolysée),

- la respiration : C organique + O2 Y CO2.

Productivité primaire biomasses, cycle du carbone dans divers écosystèmes

Cependant, il existe des voies métaboliques variées, en particulier les fermentations. Elles conduisent au méthane, à l'oxyde de carbone, aux matières humiques, à la tourbe, etc. Il faut signaler également l'immobilisation du CO2 dans les roches carbonatées.

Le stock atmosphérique est celui avec lequel communiquent immédiatement la faune et la flore continentale. La biomasse en contient un tonnage important et le stock dans l'humus lui est au moins équivalent.

La productivité et les stocks de carbone terrestre sont variables selon les biomes. Pour une biomasse globale terrestre entre 400 et 800 GT et une productivité nette estimée à 50 GT, le stock dans les sols est évalués à 700-1500 GT.

En mer, la biomasse est très faible et largement inférieure au carbone contenu dans les matières organiques mortes, et surtout au carbone dissous dans les eaux sous la forme de CO2 , carbonates et bicarbonates.

Enfin, les matières organiques fossilisées constituent des stocks plus ou moins définitifs, constitués au cours de l'histoire de la biosphère : principalement le charbon, avec environ 1013 t de réserves

utilisables ultimes, le kérogène et les hydrocarbures; les roches carbonatées, principalement les calcaires.

(16)

6. EVOLUTION DES ECOSYSTEMES, DIVERSITE ET STABILITE

6.1. Notion de série et de climax

Si l'on met de l'eau et un peu de sédiments dans un récipient placé à la lumière, on constate une évolution caractérisée par une croissance de la production brute, suivie ensuite de celle de la respiration, les deux finissant par s'équilibrer.

Evolution d'écosystèmes On peut aussi décrire l'évolution des biocénoses associées à un tronc d'arbre mort, une infusion de foin, un cadavre animal, etc. Un terrain laissé nu par défrichement ou par abandon des cultures, évolue vers la prairie puis, si le climat le permet, vers la forêt :

terrain nu >> végétation pionnière >> prairie >> arbustes >> forêt

On appelle sère ou série l'ensemble de la succession, et "climax" l'état d'équilibre qui apparaît au bout d'un certain temps par une certaine "homéostasie" de l'écosystème. Dans nos régions tempérées, la végétation climacique est généralement la chênaie, la hêtraie, ou la chênaie-hêtraie.

6.2. Ecosystèmes juvéniles et écosystèmes mûrs

Les écosystèmes juvéniles sont caractérisés par une forte production avec des espèces pionnières, dites de type r, pouvant se développer rapidement dans un milieu laissant de grandes possibilités et aux niches écologiques souvent larges. Ce sont des écosystèmes à biomasse en croissance, avec une faible diversité, aux relations simples entre les espèces.

Les écosystèmes mûrs ont une production primaire souvent plus faible, mais plus stable dans le temps.

La biomasse est constante, les recyclages sont bien fermés - et peut-être trop ? Ils présentent une diversité très marquée et une grande complexité dans les relations entre espèces, souvent curieuses : mutualisme, parasitisme, symbioses et coopérations, etc. Les espèces sont souvent de type K, à croissance lente, mais avec des réserves importantes, et occupant des niches plus étroites et spécialisées. Elles sont aptes à se maintenir dans un milieu aux ressources très partagées. La

production primaire n'est pas maximale, mais l'efficacité semble maximale pour maintenir en vie une biomasse élevée avec une biocénose diverse et stable.

6.3. Diversité et stabilité

La diversité en espèces apparaît comme une dimension écologique essentielle qui peut être appréciée:

- par le nombre d'espèces ou richesse spécifique;

- par des indices de diversité découlant de considérations mathématiques et biologiques. Parmi les très nombreux indices de diversité, les deux plus employés sont :

. l'indice de Simpson: D = 3(ni/N)² ; (on utilise souvent 1 - D) . l'indice de Shannon: H = - 3(ni/N)²log(ni/N)

(17)

Pour un même nombre d'espèces, H est maximal quand tous les effectifs sont égaux : on dit que l'équitabilité est maximale (Hm). L'équitabilité s'écrit: E = Hm/H

Assez fréquemment, la biomasse est représentée en majorité par quelques espèces comptant un grand nombre d'individus, tandis que de nombreuses espèces n'ont que quelques représentants.

Les courbes de distribution d'abondance des effectifs ont des allures caractéristiques qui font l'objet de divers modèles mathématiques.

La diversité des écosystèmes dépend tout particulièrement de leur surface et de leur isolement géographique : île =/= continent). Elle augmente avec leur ancienneté et la stabilité des conditions : forêt tropicale & récifs coralliens =/= estuaires.

D'une façon générale, les perturbations diminuent la diversité. Toutefois, certains écosystèmes présentent un "subclimax" stabilisé par des changements périodiques : par exemple les estuaires, les rivières, le chapparal.

7. LES PRINCIPAUX MACROSYSTEMES

Seuls quelques traits schématiques peuvent être donnés ici.

7.1. En milieu marin

7.1.1. Caractéristiques générales

La mer est immense (360.106 km2), profonde avec 4000 m de profondeur moyenne (75% à plus de 3000 m), continue et sans frontière, en circulation continuelle par des courants de toutes sortes, agitée par vents et marées, celles-ci ayant une grande importance près des côtes. Les sels en font un milieu physiologiquement particulier, où sont aussi présents des oligoéléments. Sa température est

relativement stable.

Les éléments fertilisants sont en quantité limitée, plus particulièrement lorsqu'il y a stratification thermique. Par exemple dans l'Atlantique Nord, à des latitudes moyennes, on distingue une première couche convective superficielle jusqu'à 400 m environ, avec des thermoclines saisonnières; une thermocline stable de 400 à 1200 m de profondeur explique pour partie la faible productivité.

7.1.2. Principaux domaines

Schéma des principaux domaines marins

- Province néritique

Il s'agit du domaine littoral, avec ses étages supralittoral, médiolittoral ou intertidal et infralittoral, puis le plateau continental où l'étage infralittoral est continué par le niveau circalittoral. Il représente environ 10 % de l'océan, avec des fonds inférieurs à 200 m, mais procure 90% des pêches. Dans des eaux de couleur verte, la productivité est forte et la diversité spécifique élevée.

(18)

Les peuplements du littoral se succèdent en fonction de l'étagement et des conditions hydrodynamiques, avec des espèces très différentes sur une côte rocheuse ou sableuse

- Province océanique

De la surface jusqu'aux grands fonds, le domaine de pleine eau ou pélagique commence par la zone épipélagique, couche éclairée, jusqu'à une profondeur de 50 m, parfois jusqu'à 150 m. La zone

mésopélagique est ensuite caractérisée par des changements saisonniers de température, jusqu'à 200 m environ. La zone infrapélagique va jusqu'à 500-600m de profondeur, niveau atteint par les migrations diurnes du plancton et affecté par le brassage thermique. Au-delà s'étend la zone bathypélagique, jusqu'à 2000-2500 m, puis abyssopélagique jusqu'à 6000 m, et enfin les eaux les plus profondes avec le domaine hadopélagique.

Sur le fond, après l'étage bathyal du talus continental, s'étendent les grandes plaines abyssales, de 2000 à 6000 m. Enfin la zone hadale des grands fonds présente divers accidents comme des fosses, des canyons, des rifts, etc.

Des "oasis" écologiques très particuliers ont été observés autour des sources hydrominérales. La production primaire chimiosynthétique y assure une chaîne alimentaire originale.

7.1.3. Productivité et écosystèmes océaniques

La productivité des écosystèmes océaniques, très variable, dépend notamment des teneurs en fertilisants : les vastes "eaux bleues" océaniques sont souvent comparables à des déserts par manque de sels fertilisants. Par contre, les zones dites d'upwelling, les hautes latitudes, de nombreuses zones péricontinentales et les récifs coralliens sont très riches et très productifs. En particulier, le long des côtes du Pérou, région qualifiée parfois de "pisciculture naturelle la plus productive au monde", la production secondaire atteint 300 kcal/m2.

Carte schématique de la productivité de l'océan

La productivité en poissons utilisables par l'homme est évaluée à 200.106 t/an seulement (en poids frais), soit 4 fois environ les prises actuelles. En effet, les chaînes trophiques sont souvent longues et peu efficaces telles que celle-ci :

Production primaire -> Herbivore -> Carnivore I -> Carnivore II -> YCarnivore III

phytoplancton -> zooplancton -> zooplancton -> necton (poisson ou céphalopode) -> odontocère En outre, la biomasse récoltable est souvent faible. Les techniques et l'effort de pêche actuels

conduisent depuis plusieurs années à une surpêche qui n'est pas "durable", y compris du strict point de vue économique, et qui devra être profondément modifiée.

7.2. Biomes continentaux

Les principaux biomes ont une répartition géographique étagée de l'équateur aux pôles car ils dépendent des facteurs climatiques, en premier lieu température et précipitations.

Biomes continentaux, pluie et température

(19)

- Forêts

C'est le climax notamment de l'Europe de l'Ouest. Les forêts sont en régression générale sous l'effet de l'extension de l'espèce humaine depuis le néolithique jusqu'à la période actuelle. Actuellement, elles occupent 30 à 50. 106 km2 pour 1012 tonnes de biomasse (en matières sèches) et 50. 109 t/an de productivité (en m.s.).

Forêts tropicales : très anciennes, s'étant notamment maintenues pendant les glaciations, elles offrent une étonnante diversité. Il s'y trouve davantage d'espèces dans quelques hectares que dans toutes les forêts d'Europe réunies. La plus forte biomasse, jusqu'à 500 t/an et même 1000 t/an, coïncide avec la plus forte productivité : 20 à 30 t m.s./ha/an. C'est une forêt sempervirente, toujours productive et arrosée par les pluies, avec plusieurs centaines à plusieurs milliers d'espèces d'arbres, et une densité de peuplement importante à tous les niveaux verticaux, sauf en strate herbacée.

Il est important de signaler le faible développement des racines, la maigreur des sols et pratiquement l'absence d'humus en raison de la température élevée et du lessivage. Le recyclage des sels minéraux est très rapide et s'effectue pratiquement au-dessus du sol. Après déforestation, les sols sont très fragiles et la régénération très difficile.

Forêts sèches tropicales : leurs espèces caducifoliées perdent leurs feuilles en saison sèche. Leur superficie est très réduite, en grande partie sous l'influence de l'homme.

Forêts méditerranéennes et formations apparentées : leur diversité se montre assez élevée, mais la biomasse est faible, sauf exception puisqu'on a pu trouver 300 t/ha, et la productivité est réduite par manque d'eau. La forêt climacique à chênes verts de la région méditerranéenne a souvent laissé la place à des peuplements de conifères et à des formes de régression comme le maquis ou la garrigue (chapparal aux USA), sur des sols souvent dégradés. Le feu, qui a des rôles naturels de

reminéralisation, a sélectionné certaines espèces dites pyrrophytes et il a pris une importance exagérée sous l'influence humaine, contribuant à la destruction de ces forêts.

Forêts tempérées : ces massifs boisés sont essentiellement caducifoliés, rarement constitués de conifères seulement sauf par suite de l'intervention humaine, et parfois mixtes. On y distingue trois strates : arborée, arbustive, herbacée. La biomasse va jusqu'à 400 t/ha, la productivité est élevée, moins cependant qu'en forêt tropicale. Dans un exemple donné par Duvigneaud (4), pour une chênaie à charmes en Haute-Belgique, la biomasse végétale atteint 260 t/ha (en matières sèches, m.s.), et la production primaire nette de 15 t, dont 2 t dans les racines des arbres. La pédofaune représente 120 kg (m.s.) dont 900 kg de lombrics alors que la biomasse de mammifères n'est que de 7 kg pour les mammifères et de 3 kg pour les oiseaux. En divers pays comme la France, sa surface est en

augmentation. Mais il s'agit d'écosystèmes artificiels, peu variés, gérés en fonction d'une exploitation qui rendent ces forêts très différentes de la forêt "primaire". En certains pays, une fraction des forêts est désormais maintenue, voire recréée, dans un état proche des situations originelles.

Flux d'énergie dans une forêt tempérée Taïga : sur des sols d'origine glaciaire et lessivés, la taïga de conifères se développe dans les climats froids avec une productivité (4 à 20 t/ha, 8 en moyenne) et une diversité spécifique faibles. De l'ordre de 250 t/ha, la biomasse est assez importante.

- Prairies

La végétation est seulement herbacée, avec quelques arbres et arbustes. Elle comprend surtout des graminées présentant un développement de racines important. Sa superficie couvre 30.106 km2, surtout en Amérique du Nord et en Afrique. Parfois, elle n'est pas climacique mais due à l'intervention humaine. La productivité primaire est en général plus faible qu'en forêt, et la biomasse est bien plus réduite. Mais la productivité secondaire est plus intéressante pour l'homme avec les nombreux grands ongulés, au lieu des insectes phyllophages ou saprophages des forêts tempérées. Les arbres

(20)

augmentent la productivité et la diversité.

Savane tropicale : elle représente 15.106 km² de prairies avec des arbres et des arbustes plus ou moins fournis. On y trouve une grande variété d'herbivores comme les bovidés, les antilopes, les zèbres, les kangourous, etc., et des carnassiers. Ceci leur donne la biomasse de mammifères la plus importante.

L'utilisation de la production primaire est très poussée, plus que dans les pâturages, grâce aux niches écologiques diversifiées. Les incendies saisonniers ont des impacts à la fois positifs et négatifs.

Steppes tempérées : la croissance brève donne une litière qui engendre un humus peu minéralisé, et donc des sols très riches, par exemple les "tchernozem". Les espèces sont vivaces avec un grand développement de racines, ou annuelles. La diversité est également élevée en animaux, principalement les rongeurs terricoles et de grands troupeaux d'ongulés aujourd'hui disparus. Le feu y a un rôle de minéralisation important.

Toundra : au-delà de la taïga, dans les zones subarctiques (Nord pour l'essentiel), c'est une mosaïque de biocénoses limitées par le froid. Le sol est gelé en profondeur (permafrost), souvent humide. La végétation, arbustive au Sud avec surtout des bouleaux, devient ensuite strictement herbacée avec par exemple des graminées, des carex, et des lichens. La biomasse est faible jusqu'à 30 t/ha, et en grande partie enfouie. La productivité primaire annuelle est très modérée, mais vive au printemps. Aux quelques grands mammifères spécialisés comme le rennes se joignent de nombreux petits mammifères, des oiseaux et des insectes très divers.

- Déserts

Ce sont des zones arides où la productivité est limitée par la disponibilité en eau et souvent en relation directe avec les précipitations. La végétation est rare et spécialisée : plantes annuelles à croissance rapide, microflore algale en dormance, végétaux vivaces adaptés comme les espèces succulentes.

- Autres

On peut signaler les marais, les estuaires, les milieux cultivés, les mangroves, les lacs et les eaux courantes, les agglomérations, etc. En particulier, les zones montagneuses constituent des mésoécosystèmes où la zonation en altitude est souvent analogue à la zonation en latitude.

8. LA BIOSPHERE

8.1. Notion de biosphère

Le terme de biosphère a été introduit par Vernadski (1916) et Suess pour englober l'ensemble des écosystèmes naturels sur la terre : c'est la région de la planète qui renferme l'ensemble des êtres vivants, et dans laquelle la vie est possible en permanence.

La notion de biosphère est indispensable : les écosystèmes les plus vastes ne sont pas indépendants, mais en échanges permanents par les fluides et les déplacements des êtres vivants ; à la suite d'une longue histoire commune, ils se maintiennent par des équilibres généraux, et certaines perturbations peuvent agir sur l'ensemble des biomes.

8.2. Histoire générale de la biosphère

Sans développer cette histoire, dont les premièrs stades sont peu connus, il s'agit simplement de rappeler ici que les conditions générales de la biosphère ont beaucoup évolué.

Les premières bactéries connues ont sans doute été anoxybiontes hétérotrophes dans la "soupe primitive". Des dépôts biologiques de fer sont apparus très anciennement. Les organismes

photosynthétiques, notamment le phytoplancton à cyanophytes ("algues bleues") ont consommé du

(21)

gaz carbonique, dégagé de l'oxygène et formé un écran protecteur d'ozone. Celui-ci a permis l'apparition, il y a 1,5 milliard d'années, d'organismes plus complexes et aérobies. La rapide

diversification des métazoaires, puis la colonisation des continents (plantes vasculaires) caractérisent l'époque primaire où l'oxygène dissous a atteint la concentration atmosphérique actuelle, et où l'excédent de production par rapport à la respiration a permis les dépôts de charbon. A l'époque secondaire se sont constituées de puissantes couches biologiques de calcaires, de craie et de gypse. A plusieurs reprises de brutales et gravissimes disparitions d'espèces sont survenues, dans des conditions catastrophiques encore discutées, dont l'une paraît de plus en plus comme due à l'arrivée d'un

météorite.

Des glaciations sont connues depuis les premières ères.

Evolution de l'oxygène dans l'atmosphère

Cette brève esquisse sur l'histoire écologique de la biosphère montre qu'en plus des événements géologiques et de l'Evolution des groupes taxonomiques, souvent décrites, les conditions physico- chimiques générales de la biosphère et les grands types d'écosystèmes, avec leurs biotopes et leurs biocénoses, ont beaucoup changé eux-aussi, supportant même de brutales et graves perturbations à diverses reprises.

9. PERTURBATIONS MAJEURES DE LA BIOSPHERE

9.1. Biodiversité : disparition d'espèces et destruction d'écosystèmes, introductions d'espèces étrangères,

L'extermination d'espèces, qui remonte aux origines de l'humanité, s'est poursuivie durant les siècles avec la chasse pour la viande, les fourrures, les plumes... Si elle a contribué à la fragilisation définitive d'espèces et à leur disparition totale (notamment dans les îles), elle a sans doute eu un impact moindre que la transformation et la suppression d'écosystèmes et même de biomes - en particulier les zones humides "valorisées", les savanes mises en culture, et surtout la disparition des forêts tempérées, méditerranéennes et tropicales. Car il est extrêment difficile, sinon impossible en pratique, de faire survivre une espèce en dehors de son écosystème : "la protection des espèces passe par celle de leur milieu, il n'est pas réaliste de sauvegarder des espèces sans sauvegarder les écosystèmes".

La réduction et la disparation des forêts, qui remonte au néolithique, se poursuit actuellement en particulier dans les régions tropicales et équatoriales. La dégradation très rapide des écosystèmes de forêts humides équatoriales s'accompagne d'une perte d'espèces très importantes, car il s'agit de milieux à très grand nombre d'espèces.

L'introduction d 'espèces venues d'écosystèmes éloignés est également un facteur qui contribue à la disparition d'espèces indigènes, en particulier dans les écosystèmes petits, typiquement des îles ou de petits plans d'eau abritant des espèces endémiques. La "mondialisation" biologique est un mouvement inverse de la spéciation par isolation géographique, qui tend à faire disparaître des espèces.

9.2. Réchauffement climatique global, incidence sur la biosphère - cf texte complémentaire 9.3. Pollutions des sols, de l'atmosphère, des eaux, de la chaîne alimentaire

9.4. Nouveaux risques émergents

(22)

PERTURBATIONS DU CYCLE DU CARBONE

ET CHANGEMENT CLIMATIQUE GLOBAL

Notamment d’après les données récentes du GIEC (IPPC en anglais), dont son 4

ème

rapport (2007)

1. Perturbation du cycle du carbone : augmentation du taux de CO

2

atmosphérique

2. L'augmentation de l’effet de serre

3. Le réchauffement prévisible du climat dans la biosphère 4. Conséquences attendues

Retour

1. Perturbation du cycle du carbone : l'augmentation du taux de dioxyde de carbone atmosphérique

Mesurée depuis 1950 dans les îles Hawaii, point assez représentatif du globe, la concentration en CO2 montre une nette augmentation qui atteint actuelle la valeur, maximale jamais enregistrée, de 1,9 ppm par an pendant les dix dernières années, soit de 3 GT de C/an pour l'ensemble de l'atmosphère. D’après les analyses des carottes de glaces polaires, la concentration atmosphérique a crû de 280 ppm avant l’ère industrielle, vers 1750, à 390 en 2005, date à laquelle elle s’avère supérieure et de très loin aux valeurs durant les 650 000 dernières années (180 à 300).

Évolution de la concentration en CO2 dans l'atmosphère à l'observatoire de Mauna Loa

(iles Hawaii)

Différentes études isotopiques du carbone (C12, 13 et 14) dans les arbres, les calottes polaires et les eaux océaniques profondes permettent de conclure :

* que la déforestation et les incendies de végétation ont donné un flux net moyen de l’ordre de 1,3 GT/an. Sur la période 1850-1950, la destruction des biomasses végétales a dégagé 120 GT ;

* que sur la période 1958-1982, 60% du carbone émis par les combustions est resté dans l'atmosphère.

Dans les années 1980, la consommation de combustibles fossiles et la fabrication de la chaux ont rejeté plus de 6 GT de carbone. Elles représentaient alors 170 GT depuis 1900. Pour la période 2000- 2005, la combustion de combustibles fossiles a dégagé 7,2 GtC par an.

La différence entre l'émission et l'augmentation atmosphérique s'explique par la dissolution dans l'océan, représentant plusieurs GT/an. L'océan a un effet tampon car il absorbe le CO2 par la

photosynthèse et par la formation d'acide carbonique avec ses dissociations. Cependant, les facteurs agissant sur cette capacité sont encore mal appréciés. L'absorption semble plus forte vers les " 40ièmes

(23)

rugissants ", très ventés, alors qu'il y aurait au contraire un dégazage dans le Pacifique Nord et les zones équatoriales par manque de nutriments. L'incertitude majeure quant à la vitesse de dissolution tient surtout au manque de connaissance des échanges entre les eaux superficielles et les eaux profondes, une bonne part de celles-ci provenant des hautes latitudes.

L'absorption de CO2 par l'océan tend à diminuer son pH. Il semblerait d'ailleurs qu'un abaissement de 100 ppm de CO2 atmosphérique, survenu il y a 15.000 ans, ait coïncidé avec une montée du pH par dissolution du carbonate des sédiments. La manque de phosphore dans l'océan aurait ensuite expliqué la remontée du CO2 par baisse de production primaire.

Selon le dernier résumé du GIEC de février 2007, le taux de méthane atmosphérique est passé de 0,715 ppm à 1,732 vers 1990 et à 1,774 en 2005. Il est largement au-delà des concentrations observées sur les derniers 650 000 ans (0,320 à 0,790) connues d’après les carottes de glaces polaires. Il est « très vraisemblable » (GIEC) que cette élévation soit due à l’activité humaine, notamment l’agriculture et le dégagement de combustibles fossiles. Cependant les origines du méthane sont encore insuffisamment définies. Quant au protoxyde d’azote, il est passé de 0,27 ppm en valeur préindustrielle à 0,32 en 2005, le tiers étant anthropique, principalement lié à l’agriculture.

2. L'augmentation de l’effet de serre 21. L’effet de serre

On appelle effet de serre le rapport des températures d'émission par la terre avec ou sans atmosphère : le spectre émis par la terre dans les années 80 correspondait à celui d'un corps noir à 286°K alors qu'il serait de 253°K sans atmosphère, soit un effet de serre de 1,13.

Spectre d'émission de la terre mesuré de l'espace par le satellite Nimbus 4. E xtrait de

Midot S., Les effets du CO2 sur le climat, Pollution atmosphérique, juillet-septembre

1987

Le bilan des échanges énergétiques faisait apparaître la contribution (40%) des gaz atmosphériques dans le rayonnement vers l'espace. L'effet de serre est dû principalement à la vapeur d'eau qui est abondante. Le gaz carbonique y participe par son absorption dans l'infrarouge vers 15 nm. L'ozone, en concentration vers 10-4 à 10-5, joue aussi un rôle. D'autres gaz n'ont qu'une contribution seconde pour l'instant, en raison de leur faible concentration : CH4, oxydes d'azote, fluorocarbones. Les aérosols (éruptions volcaniques, aérosols marins, fumées) et les poussières (érosion éolienne, chantiers et mines) augmentent l'albedo, c'est-à-dire la fraction de l'énergie incidente qui est réfléchie (0 pour un corps noir ; 0,3 pour la terre) ; ceci conduit à un refroidissement. Les nuages ont un rôle ambigu : ils augmentent l'albedo, ce qui tend à refroidir ; mais au contraire ils limitent aussi le rayonnement du sol et de l'atmosphère à basse altitude, d'où une contribution au réchauffement.

Bilan des échanges énergétiques moyens de la

terre. Extrait de Midot S., Les effets du CO2

sur le climat, Pollution atmosphérique, juillet-

(24)

septembre 1987

22. Son augmentation par le forçage radiatif

L’accroissement du dioxyde de carbone, du méthane et du protoxyde d’azote conduit à un « forçage radiatif » de l’ordre de + 2,30 W/m2, et son taux d’accroissement paraît sans équivalent depuis au moins 10 000 ans. Mais le réchauffement résultant a été atténué par divers forçages négatifs. Divers aérosols dus aux activités humaines (sulfates, poussières, suies,…) entraîneraient un forçage négatif plus incertain, de l’ordre de 0,7, auquel s’ajouterait un albedo des nuages de –0,7. Il existe aussi d’autres effets dus aux changements de couvert végétal, de salissures des surfaces enneigées, de produits comme les halogénures, etc. Enfin le soleil aurait augmenté son rayonnement de + 0,12 depuis 1750.

3. Le réchauffement prévisible du climat dans la biosphère

31 – L’évolution ancienne du climat

Le climat est inconstant. La notion de climat se définit par divers paramètres, en particulier une

« certaine » température moyenne annuelle. L’évolution paléoclimatique est connue par l'observation des pollens, les carottages dans les calottes polaires, l'étude des fossiles avec, en particulier, des mesures isotopiques de l'oxygène.

Sur les dernières centaines de milliers d’années, le climat est marqué par des périodes de glaciations alternant avec des périodes interglaciaires à climat plus doux.

Il est sous la dépendance d'un grand nombre de facteurs en interaction. A court terme, les variations dépendent plus particulièrement " d'événements aléatoires " comme les éruptions volcaniques ou les fluctuations d'activité solaire. A plus long terme, les examens récents paraissent confirmer le rôle des caractéristiques de l'orbite terrestre, notamment depuis 150.000 ans : la précession des équinoxes (cycle de 25.000 ans), l’inclinaison de l'axe de rotation de la terre sur le plan de sa trajectoire (cycle de 40.000 ans), et l’excentricité de l'orbite (cycle de 100.000 ans) modifient le bilan thermique et seraient responsables des glaciations successives.

La dernière glaciation remonte à 10.000 ans et une prochaine pourrait survenir d'ici à 5 000 ans, mais

(25)

certains estiment que l’interglaciaire durerait plutôt 20 00 ans….

32 – Son évolution récente

Le réchauffement actuel est « sans équivoque » surtout dans les dernières années : la vitesse moyenne est de 0,74 °C sur le dernier siècle, elle est le double sur les 50 dernières années. Beaucoup

d’observations confirment le réchauffement : élévation de la température marine, records

régulièrement dépassés ces dernières années (par saisons, canicules…), modifications de calendriers agricoles (vendanges par exemple) ou naturels (émergences d’insectes…), fonte des glaciers et diminution de couvertures neigeuses en montagne, fonte du pergelisol (permafrost), diminution considérable de la banquise arctique en épaisseur et en surface (3 % par décennie) surtout en été (7,4

%), fonte et accélération de glaciers au Groënland et dans l’Antarctique, etc.

L’origine de cette évolution a longtemps fait débat. Cependant elle est désormais reconnue comme

« très vraisemblablement due » (GIEC) à l’augmentation de l’effet de serre. Notamment, l’utilisation de divers modèles simulent correctement l’évolution récente du climat.

33 – Les prévisions du climat futur

Les prévisions de la température dans le futur ne se fondent pas sur les courbes de l’évolution de la température dans les dernières décennies, mais sur de nombreux modèles évaluant les effets de la modification de composition atmosphérique (dioxyde de carbone en premier lieu) et les effets des autres « forçages » climatiques connus, selon des méthodologies relativement variables.

Les incertitudes sont principalement dues :

- - à l’évolution future des émissions de dioxyde de carbone, qui dépendront notamment de

la gestion des grands écosystèmes forestiers, de la combustion de charbon ou d’hydrocarbures, des politiques de limitation de dioxyde de carbone qui seront plus moins mises en œuvre par les pays.

- - aux incertitudes sur le cycle du dioxyde de carbone : vitesse de dissolution dans l’océan,

importance des rétroactions positives (minéralisations du carbone du sol selon la température, diminution de rétention par l’océan, etc.)

- - à la méconnaissance du cycle du méthanes, notamment quant à l’incidence des modes de

culture (ex. riziculture) ou d’élevage (ex. élevage bovin), de l’importance des rétroactions positives possibles par les hydrates de méthane sur les continents (suite au dégel des pergelisols) ou dans les fonds marins.

- - à l’évolution des autres gaz à effet de serre notamment le protoxyde d’azote et les

chlorofluorocarbones (CFC)

- - à l’effet d’autres rétroactions, notamment la modification de l’albedo suite à la réduction

des surfaces en neige ou en glace (effet renforçant)

- - aux méthodologies des modèles utilisés, aux aléas imprévisibles (volcans par exemple),

etc.

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Même sans augmentation des gaz à effet de serre, la température devrait s’élever de 0,1°C par décennie dans le proche avenir. Les scénarios du GIEC prévoient 0,2°C pour les toute prochaines décennies. Pour l’horizon 2100, le GIEC a retenu diverses projections dépendant des diverses famille de scénarios retenus, avec une large gamme d’augmentation de la température : de 1,1 à 6,4 °C, avec une prévision centrale de + 1,8°C à 4° C.

Figure du GIEC

Le réchauffement devait être nettement plus prononcé dans les hautes latitudes, le plus faible sans doute dans certaines zones de l’Atlantique nord ou de l’océan Indien sud.

L’horizon de 2100 ne marque pas la limite de la transition climatique due à l’augmentation

contemporaine des gaz à effet de serre : les effets devraient se prolonger, plus faiblement, jusqu’en 2200.

4. Conséquences

41 – La hausse du niveau marin

Le niveau marin s’est rehaussé depuis un siècle, d’après les relevés des marégraphes, à une vitesse estimée à 1,7 mm par an. Cette mesure est difficile notamment parce que le marégraphe est soumis aussi aux variations du niveau du quai sur lequel il est implanté ; dans les régions nordiques, le

continent se relève depuis la disparition des calottes de glaces qui s’étaient étendues pendant le dernier épisode glaciaire. Les mesures par satellites, disponibles depuis 1992, permettent d’évaluer la hausse du niveau marin à 3,3 mm par an.

Evolution du niveau marin à Brest (en haut à gauche), à Marseille (en

bas à droite), et à travers le monde (à droite)

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