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33 - POLLUTIONS AGRICOLES

Dans le document ECOLOGIE FONDAMENTALEEAU ET MILIEUX HUMIDES (Page 52-58)

3.3.1 - Modes

* Les pollutions agricoles sont diverses :

- selon les activités agricoles : cultures (grandes cultures, cultures maraîchères, vergers, vignes, etc.) et élevages (prairies, cultures fourragères, bâtiments d'élevage, etc.)

- selon les conditions d'implantation : montagne, substrat géologique, etc.

- selon les cibles touchées : sols, eau et atmosphère, chaîne alimentaire

- selon la nature des agents de pollution : produits organiques, germes bactériens, phosphates, azote ammoniacal, substances pesticides minérales ou organiques, ...

* Dans le cas des cours d'eau sur socle, on doit distinguer plusieurs modes de pollution de l'eau en polyculture-élevage

Les pollutions agricoles sont mises en évidence par des analyses physico-chimiques dans les eaux : oxygène dissous, azote ammoniacal et nitrique, phosphates, ....

Les bâtiments d’élevage émettent des pollutions par les matières organiques, l'azote ammoniacal, les phosphates et les germes bactériens emportés par les fuites d'effluents et par les entrainements avec les eaux pluviales. Sur les champs, des pollutions sans doute de même nature sont dus à certains épandages de déjections animales, qui peuvent même atteindre les eaux souterraines dans un contexte karstique.

Les phosphates ont trois origines qui sont superficielles : bâtiments d'élevage, certains épandages, entraînement des particules fines de surface (érosion dénudante de surface).

En revanche, les pollutions par les nitrates proviennent de la percolation des nitrates à travers les sols (lixiviation) : les nitrates dépendent de la fertilisation des terres.

* Dans ce cas précis, il faut ajouter les pollutions de l'atmosphère, en particulier les nuisances de proximité : les odeurs liées à l'élevage, ses stockages, ses épandages.

* Il faut aussi ajouter les pollutions agricoles par les pesticides, par exemple celles de l'eau par les produits utilisés sur les cultures ou le long des chemins.

* Les pollutions de l'agriculture sont variées, tout comme ses autres incidences écologiques, mais il faut identifier les plus graves pour retenir des priorités d'action.

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3.3.2 - Pollutions organique, ammoniacale et bactérienne 3321 - Conséquences sur les milieux aquatiques et leurs usages

Les matières organiques et l'azote ammoniacal perturbent l’écologie des ruisseaux et gênent la production d'eau potable, comme le font sur des cours d'eau, généralement plus importants, les rejets des agglomérations et de certaines industries comme les industries agro-alimentaires :

- baisse d'oxygénation, voire déoxygénations totales ;

- toxicité de l'azote ammoniacal non ionisé et d'autres composés de

dégradation ;

- perturbation de la faune d'invertébrés aquatique ;

- gêne aux poissons salmonidés, parfois mortalités accidentelles ; - gêne aux usages de l'eau, en premier lieu l'alimentation en eau sensible à l'azote ammoniacal.

La présence de germes bactériens venant des élevages peut contaminer les coquillages littoraux, parfois aussi les prises d'eau potable, notamment par les cryptosporidies.

Ces altérations, souvent le fait des élevages bovins dont les déjections et les eaux pluviales sont moins maîtrisables, sont dispersées et généralement d'importance seconde par rapport aux rejets des agglomérations et des industries. Cependant les contaminations microbiennes de coquillages d’origine agricole sont quelquefois discutées.

3322 - Remèdes possibles

Il s'agit de maîtriser les écoulements d'effluents d'élevage et d'eaux pluviales contaminées :

- en augmentant les capacités de stockage des effluents liquides ; - en évacuant les eaux pluviales séparément (ex. gouttières) ; - en couvrant les fumières ou les aires d'exercices ;

etc.

Coûteux, ces travaux ont un impact sur les pollutions autres que celle des nitrates, notamment sur les phosphates.

3.3.3 - Phosphates agricoles et eutrophisation

3331 - Origine des apports de phosphore d'origine agricole Les pertes de phosphates agricoles sont diverses.

Les élevages peuvent perdre du phosphore entraîné par défaut de stockage des "jus"

divers, jus d'ensilage, eaux de lavage des salles de traite, "eaux vertes" des élevages de bovins, et surtout déjections animales liquides (lisiers, purin) mal stockées.

Les phosphates peuvent aussi provenir des cultures. Le phosphore est "énergiquement"

retenu par le sol. C'est, en pratique, avec le sol que partent les phosphates des cultures, c'est-à-dire avec les fines entraînées par l'érosion dénudante de surface, qui deviennent des "matières en suspension" dans l'eau ou décantent plus ou moins provisoirement sur le chemin de l'eau. Dans l'eau, ce phosphore particulaire est en équilibre dynamique avec le phosphore dissous. Le phosphore apatitique provenant de l'érosion des roches naturelles est considéré comme non disponible pour la production primaire en eau douce, et va sédimenter sans passer en solution. Le phosphore des sols agricoles reste en partie stockée avec les sédiments et demeure donc moins accessible que le phosphore soluble, en particulier celui "des villes".

3332 - Quantification du phosphore d'origine agricole

Dans de nombreux bassins versants, l'agriculture est - de loin - l'activité qui utilise le plus de phosphore. En revanche, les fuites sont minimes habituellement, paraissant même insignifiantes du seul point de vue de l'agronome ou de l'éleveur. Les pertes sont de l'ordre du Kg de P et par ha.

La quantification du phosphore agricole est très malaisée, car le phosphore avance avec les matières en suspension, par saltation, par épisodes de crues avec des "pointes"

de concentration ou de flux très fugaces. Les rivières transportent alors non seulement le phosphore venu des cultures, mais aussi le phosphore d'origine urbaine qui a sédimenté et repart avec la reprise des débits. Il règne donc une large marge d'incertitudes dans les appréciations du phosphore agricole pour les divers bassins versants.

En région de polyculture comme la Bretagne, le phosphore des sièges d’élevage est rarement quantifié. Pourtant les mesures le révèlent nettement prédominant sur le phosphore d’érosion, contrairement à certaines idées reçues.

3333 - Prévention des pertes de phosphore agricole

Les pertes de phosphore agricole peuvent être diminuées de diverses façons : - d’abord réduction des pertes aux sièges d’exploitation, principalement les

élevages bovins.

- réduction des consommations du cheptel, récupération et traitement des effluents. C'est surtout le cas dans les régions spécialisées dans l'élevage intensif, la Bretagne par exemple - rappelons que le phosphore des déjections animales est principalement produit par l'élevage bovin . L'effort alimentaire s'est traduit par une meilleure disgestibilité des fournitures ; il implique aussi l'incorporation, dans l'alimentation, d'enzymes particulières (des

phosphatases, précisément des phytases) qui rendent assimilable l'inositol-phosphate (phytine) et permettent de diminuer la complémentation en phosphates minéraux nécessaires ; certains pays réfléchissent à des porcs OGM disposant de ces enzymes. Les traitements de déjections animales dans les zones en excédent ne peuvent que viser l'exportation du phosphore récupéré vers d'autres zones agricoles. A noter que peu de données sont

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disponibles sur les tonnages de produits phosphatés employés dans la litière, le lavage des salles de traite, etc.

- diminutions de l'érosion dénudante de surface dans les cultures. Cependant, si l'on met à part des zones où cette action a fait l'objet de promotions

vigoureuses pour diminuer les entraînements de pesticides comme l'atrazine (dont l'emploi va désormais cesser), les agriculteurs ne paraissent guère motivés ! La création de bandes enherbées le long des cours d'eau pour diminuer les départs de produits phytosanitaires et le maintien d'un couvert végétal en hiver pour diminuer la percolation des nitrates, l'encouragement des prairies au détriment des cultures, vont "dans le sens" d'une réduction de l'érosion et donc d'une diminution des entraînements de phosphore érosif.

- diminution des apports aux cultures. Depuis quelques décennies, la

commercialisation des engrais phosphatés a diminué, pour se stabiliser vers 20 kg/ha de P (environ le double en P205). Les méthodes d'analyses permettent assez facilement de faire le point sur l'abondance du phosphore dans le sol et sur sa disponibilité. Mais beaucoup d'agriculteurs ont gardé l'habitude de pourvoir les sols à l'excès, y compris par des engrais "starters".

A noter que les méthodes d'analyse habituellement pratiquées ne portent pas sur le stock total du phosphore dans le sol, mais sur sa fraction

"grossièrement" disponible.

La logique voudrait que l’on fonde les priorités d’action sur une hiérarchisation des apports et le coût des mesures à mettre en œuvre…

3.3.4 - Nitrates

3341 - Situation dans les eaux

Les nitrates dans les eaux de surface ont fortement augmenté depuis plusieurs décennies, avec l’intensification de la fertilisation des cultures avec des engrais minéraux ou des « engrais de ferme ».

En Bretagne par exemple, région de polyculture-élevage sur la plus grande partie de la sole agricole, les concentrations ont en général augmenté de près de 1 mg/l par an (exprimé en NO3) pour la moyenne, et davantage pour les concentrations maximales, jusque vers 1993 et parfois jusqu’en 2000. Modulées par les conditions climatiques, elles sont aussi très irrégulières dans les bassins schisteux, plus constantes en domaine granitique, aussi bien en fluctuations rapides qu’en évolution saisonnière ou d’une année sur l’autre. La comparaison des bassins versants révèle des taux minimums dans les bassins d'agriculture peu intensive (landes et forêts, Belle-Île), et des taux

maximums en secteurs légumiers (dépassant 100 mg/l dans la « ceinture dorée » du Finistère Nord).

Les quantités perdues annuellement, très fluctuantes selon les conditions climatiques, sont actuellement de l'ordre de 100 000 tonnes comptées en azote nitrique (N-NO3).

Les concentrations « globales » annuelles, le flux divisé par le volume écoulé, s’avèrent moins sensibles aux variations de débit.

Les taux de nitrates augmentent dès lors qu’il y a intensification de la fertilisation azotée.

3342 - Conséquences sur les milieux aquatiques et leurs usages

* Les nitrates perturbent la production d’eau potable par le dépassement de la norme de 50 mg/l.

Cette limite, établie par les mêmes méthodes que pour les autres normes associées à de faibles risques, est motivée par le risque de méthéméglobinémie du nourrisson et d'une possible cancérogénicité. Le risque cancérogène, dû à la formation de composés N-Nitrosés, reste discuté.

* Les nitrates perturbent l'écologie du littoral et ses activités touristiques.

Les nitrates sont le premier facteur dont dépend l'intensité des « marées vertes » littorales, développement exagéré de grandes algues vertes, principalement Ulva armoricana. Les «marées vertes » se manifestent dans des conditions

hydrodynamiques favorables (faible dispersion), dans les grands estrans, avec des eaux peu turbides – c’est le cas des deux principaux sites (baies de Lannion et de St Brieuc).

* Dans certains cas, les nitrates ont un effet sur l'eutrophisation des rivières et des plans d'eau. Ce rôle est très secondaire par rapport à celui du phosphore, "le" facteur limitant de l'eutrophisation en eau douce.

3343 - Mécanismes généraux

Les nitrates, solubles dans l'eau et non retenus par le sol, sont entraînés par percolation (lixiviation) à travers le sol. Elle s'effectue principalement après la nitrification automnale, l'excédent hydrique lessivant les nitrates que ne consomment pratiquement pas les cultures.

L'entraînement des nitrates ne se fait donc pas par les eaux qui ruissellent à la surface

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3.3.5 - Pesticides

* Leur histoire est récente mais les problèmes de toxicité ont été importants : Les premiers pesticides utilisés après la seconde guerre mondiale, des insecticides organochlorés, ont fini par être interdits dans la plupart des cas en raison de leur toxicité pour l'environnement due en particulier à leur mauvaise biodégradabilité et à leur bioaccumulation, malgré leur efficacité en particulier vis à vis du paludisme.

Les nouvelles molécules ont reçu une "homologation"qui exclut les plus toxiques.

Très nombreuses, elles servent à des usages variés et désormais banalisés.

* La contamination, de l'eau en particulier, est fréquente sinon générale :

Dans les eaux superficielles, des traces de molécules très diverses sont trouvés au moins à certaines périodes de l'année ou par moments : atrazine, isoproturon, diuron, etc., et produits de substitution. On peut déceler parfois plusieurs dizaines de molécules, totalisant plusieurs dizaines de µg/l, surtout au printemps.

Les eaux souterraines sont habituellement moins contaminées.

* Les conséquences sur les milieux aquatiques et leurs usages sont discutées : Les molécules qui restaient les plus dangereuses pour les poissons - lindane et dinoterbe entraînaient des mortalités accidentelles - ont été récemment interdites.Aux doses trouvées de façon chronique, les conséquences sur les milieux sont discrètes.

En revanche, les normes sur l'eau potable sont dépassées par moments. Ceci pose une grave interrogation pour la santé publique, compte tenu des risques sanitaires des travces de pesticides à long terme sur les populations : risques cancérogènes, effets pseudo-hormonaux notamment.

En particulier la norme de l'UE pour les eaux potables, 0,1 µg/l, est fréquemment dépassée, pour l'atrazine par exemple. Les recommandations de l'OMS, établies pour plusieurs molécules, le sont parfois aussi. L'élimination des traces de produits au cours du traitement de l'eau potable est dans de nombreux cas très insuffisantes

actuellement.

Dans un but curatif, les prises d'eau améliorent les chaînes de traitement par l'utilisation de charbon actif, en attendant sans doute l'utilisation de membranes de nannofiltration.

Dans un but préventif, la surveillance et les actions prioritaies portent sur les molécules les plus à risque pour la production d'eau potable, àpartir d'eaux superficielles ou souterraines, et vis à vis de l'environnement. L'évaluation des molécules les plus à risque se fait avec des méthodes "Siris" qui cumulent divers facteurs : quantités utilisées, solubilité (Koc), toxicité.

* Le transfert vers l'eau est le plus souvent superficiel :

Le cheminement des diverses molécules de pesticides dépend de leur utilisation, de leurs propriétés chimiques (solubilité, volatilité, biodégradabilité surtout), de la nature des sols, des conditions hydrologiques.

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