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ETUDE DE PETITS PERIMETRES MRRRîCHERS DANS UN UILLRGE DU NORD DE LA CÔTE-D’IUOIRE.

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(1)

*

Mémoire de maîtrise de géographie. Université Paris X Nanterre.

ETUDE DE PETITS PERIMETRES MRRRîCHERS DANS UN UILLRGE

DU NORD DE LA CÔTE-D’IUOIRE.

Audrey FROMAGEOT

Sous la direction de Monsieur le professeur Jean Pierre RAISON.

Juillet 1996.

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Mémoire de maîtrise de géographie. Université Paris X Nanterre.

ETUDE DE PETITS PERIMETRES MRRRîCHERS DANS UN UILLRGE

DU NORD DE LA CÔTE-WIUOIRE.

Audrey FROMAGEOT

Sous la direction de Monsieur le professeur Jean Pierre RAISON.

Juillet 1996.

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“L ‘étranger a de gros yeux mais il ne voit pas”

(proverbe africain) En souvenir des villageois de Korokara.

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Je tiens à remercier chaleureusement tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire, et en tout premier lieu mes professeurs de géographie : Monsieur le professeur Jean-Pierre RAISON à qui je témoigne toute ma reconnaissance pour avoir accepté de diriger cette maîtrise et pour m'avoir prodigué ses conseils éclairés; M. Jean-Louis CHALEARD qui a inspiré le sujet de ce mémoire et guidé mon travail (jusqu'à Bouaké!) avec une grande bienveillance; M. Philippe PIERCY en témoignage de mon admiration profonde pour ses cours en Première Supérieure, et qui a su développer mon goût pour sa discipline et les travaux de géographie rurale tropicale.

Cette maîtrise s'inscrit dans le double cadre de l'université Paris X et de F'ORSTOM. Je remercie à leur tour ceux sans qui mon stage n'aurait pu se faire ni être aussi enrichissant : Mme Catherine AUBERTIN, inspiratrice du travail de recherche, et qui, avant comme après mon séjour en Côte- d'ivoire, m'a toujours offert de précieuses pistes de réflexion; M. Philippe CECCHI, qu'il trouve ici le témoignage de mon attachement et de ma reconnaissance pour l'accueil qu'il m'a réservé au sein du programme de recherche "Petits Barrages"

qu'il dirige à Bouaké, pour les possibilités de travail et de formation qu'il a mises à ma disposition, et pour sa grande ouverture d'esprit, notamment dans la conception d'un programme pluridisciplinaire engagé à accueillir les sciences humaines;

ceux de 1'ORSTOM de Bouaké qui ont bien voulu m'apporter leur aide inestimable; Anne et Luis TITO de MORAES : la première pour avoir travaillé à la saisie et à l'analyse des données récoltées au village (l'ampleur de ce travail rend vaines mes tentatives pour lui exprimer toute ma reconnaissance), et le

second pour avoir accepté de "partager" son irremplaçable collaboratrice de travail; Daniel CORBIN pour sa patience dans

l'apprentissage de l'utilisation d'un topo-fil et pour la

réalisation des cartes des terrains maraîchers: M. et Mme

HERVOUËT pour leurs précieux conseils; MM. André KONE et Etienne 3

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PACA pour leur amitié et pour leur aide; M. François RIVIERE, directeur du centre ORSTOM de Bouaké, et M. Serge THOMAS qui par

leur gentillesse m'ont toujours soutenue dans mon travail, et ont fait preuve d'une grande tolérance face à ma conception du rangement.

Je ne peux terminer sans souligner l'aide et la bienveillance que m'ont témoignées les habitants de Korokara, l'hospitalité de Bazouména et Béma DAGNOGO, mes tuteurs, et enfin l'amitié de ceux qui m'ont accompagnée dans mon travail :

Laurent SORO et Siaka OUATTARA, sans lesquels je n'aurais pu mener mes enquêtes avec le même bonheur.

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INTRODUCTION GENERALE

Définition du sujet :

L’étude de la valOriSatiOn des petits barrages par la culture marchande de l’oignon dans un village du nord de la Côte-d’Ivoire, s’inscrit au sein d’un programme de recherches pluridisciplinaires entrepris par I’ORSTOM. Ce programme s’est mis en place en 1994 à partir de Bouaké, dans le cadre du Département des Eaux continentales de I’ORSTOM, et SOUS la

direction de M. Philippe CECCHI en partenariat avec des instituts de recherches locaux :

IDESSA, CRO, CEMV 1 En 1994, l’équipe de recherche a défini un échantillonnage de barrages à partir de l’inventaire en 1992 par la DCGTx2 des ouvrages hydrauliques construits par des sociétés d’Etat depuis les années 70, et à partir de missions effectuées sur le terrain. Une quinzaine de barrages ont été retenus et classés en deux catégories : les petits barrages construits par la SODEPRA à vocation originale pastorale, et les barrages de plus grande envergure aménagés par la SODERIZ pour la culture irnguée.

L’engagement du programme à s’ouvrir sur les disciplines des sciences humaines, avec la participation de Mme Catherine AUBERTIN (Département SUD de I’ORSTOM), a pour objectif d’appréhender la gestion et les utilisations de ces écosystèmes, alors que les petits barrages sont l’objet des redéfinitions des stratégies de développement mises en oeuvre par les institutions internationales. Actuellement, I’Etat ivoirien, qui avait été I’aménageur de ces retenues et avait encadré leur gestion par l’intermédiaire des sociétés d’Etat, se désengage des activités de production qui y sont liées. En revanche, à l’échelle locale, les petits barrages sont les lieux de développement de multiples activités (halieutiques, pastorales, agricoles, domestiques) et de rencontre des différents utilisateurs :

éleveurs peuls (sédentarisés, transhumants riverains ou étrangers), pêcheurs maliens

“bozos”, cultivateurs locaux... Les questions de l’accès et des usages de la ressource que représentent les petits barrages (notamment pendant la saison sèche) confrontent espaces, acteurs, et groupes sociaux multiples. Le volet socio-économique du programme de recherche vise à mieux appréhender ces réalités complexes, notamment autour des thèmes de l’appropriation, de l’accès et de la valorisation des petits barrages.

1 IDESSA : Institut des savanes, CRO : Centre de recherche océanographique, CEMV : Centre universitaire de formation en entomologie médicale et vétérinaire.

2 DCGTx : Direction des grands travaux.

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Le stage proposé s’interesse, dans cette problématique, à une activité récente, celle de la culture de l’oignon de contre-saison, qui s’est particulièrement développée sur le pourtour de certains barrages. Le site identifié par le responsable du programme correspond au village de Korokara (à 52km au nord de Korhogo), où s’est développée depuis 1992 une colonisation maraîchère autour de trois petits barrages. L’orientation monographique du travail se comprend au regard de l’importance locale de cette nouvelle production, et de l’existence de plusieurs aménagements hydrauliques sur le terroir du village. Enfin l’échelle locale de l’étude tente de saisir en profondeur une composante des activités productives des petits barrages, les modalités de gestion et d’appropriation de la ressource terre-eau autour des retenues, et leurs résonances sur la société et l’espace villageois.

Méthodoloqie, collecte des données :1

Pratiquement, le stage s’est organisé sur une durée de cinq mois en Côte-d’Ivoire (d’octobre 1995 à mars 1996) avec un partage du temps entre le centre de Bouaké et le village de Korokara. Des séjours répétés au village et de durée variant entre 4 et 2 semaines, ont permis de réaliser une série d’enquêtes auprès de la population. Ces enquêtes ont été mises au point progressivement à mesure des discussions avec les paysans. Cependant il ne faut pas négliger en marge de ces enquêtes la richesse des informations obtenues lors de discussions “informelles”, telles les “causeries” sous le manguier à midi, et le soir autour du thé.

les enquêtes au niveau des parcelles et des individus :

Une première série d’enquêtes a visé l’identification des cultivateurs d’oignons et de leurs parcelles en 1995/96. Ces enquêtes se sont réalisées sur les parcelles mêmes, auprès des cultivateurs. II s’agissait de repérer les attributaires des parcelles, d’identifier les sites de culture, de délimiter les portions de terre en fonction des exploitants. C’est à mesure des discussions avec les maraîchers que s’est établie une série de questions qui purent être posées à chaque exploitant recensé. Les questions ont fourni des renseignements quant à l’itinéraire de l’exploitant (quand s’est-il lancé dans la culture de l’oignon, sur quel site...), I’historique de sa parcelle actuelle (depuis quand la parcelle existe-t-elle, en est-il le seul attributaire, à qui a-t-il demandé la terre, pourquoi...), l’évolution de sa production (quantités semées, lieux, époques et montants de la vente de la production, enquêtes rétrospectives...), et l’organisation de son exploitation (moyens, intrants, force de travail...)

Par souci de ne pas isoler la communauté des maraîchers de l’ensemble de la

1 Voir annexe I : Reproduction d’une enquète menée auprès d’une exploitante d’oignons en décembre 1995. et annexe II : reproduction d’une enquète menée auprès d’un chef de famille en janvier 1996.

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population villageoise, une seconde série d’enquêtes a été menée aux mois de janvier et février au niveau du village.

les

enquêtes au niveau du village :

L’enquête menée au village a permis de dresser un recensement de la population. Ce recensement s’est réalisé par le passage dans chaque “cour”1 et par la rencontre avec le chef de famille de chacune de ces “cours”. Malgré son inévitable marge d’erreur, le recensement de la population du village permet de mieux saisir la place et la portée de la culture de l’oignon. A la suite du recensement, les entretiens avec les chefs de familles et les autres membres adultes des cours, ont permis de connaître les formes d’organisation et de projection dans l’espace du système de production agricole. (localisation des champs, répartition et juxtaposition des champs collectifs et personnels, calendrier agricole, budgets, contrôle foncier et de la force de travail...).

Cartes et relevés de terrain :

Repérage et délimitation du terroir de Korokara :

L’absence de cartes délimitant l’espace sous l’autorité coutumière du chef du village, le relevé du terroir s’est réalisé en trois jours avec le concours du fils aîné du chef du village. Lors de “tournées” aux limites du terroir, ce dernier a bien voulu nous en indiquer les bornes précises. Certaines limites qui s’appuient sur des éléments marquants du relief ont été aisées à localiser sur la carte topographique IGN au 1/200.000eme de Korhogo, d’autres ont du être localisées à l’aide d’un appareil GPS indiquant les coordonnées longitudinales et latitudinales (dans un rayon de 60 à 100 mètres environ) des points de repère rencontrés sur le terrain.

La carte des densités de la population rurale de la région de Korhogo :

Cette carte a été réalisée grâce aux indications de M. JP. HERVOUËT de l’Institut Pierre Richet (I.P.R.) à Bouaké. Elle s’est appuyée sur des cartes ivoiriennes au

1/200.000~ des départements de Korhogo et de Ferké. Ces cartes ont été établies après le recensement national de 1988. Chaque localité recensée y est représentée ainsi que l’effectif de sa population (population des campements comprise). Un calque quadrillé régulièrement 1 Nous avons décidé d’employer le terme de cour , malgré son utilisation fréquente en ce qui concerne la société Baoulé. Le terme revêt ici, dans le cadre du village de Korokara. une réalité différente, dans la mesure ou la cour baoulé ne correspond pas à une unité de résidence de ses membres. En revanche, il existe à Korokara une projection de la cour dans l’espace habité. A l’unité de production et de consommation qu’elle représente, correspond également une unité de résidence. Cette coïncidence a bien entendu facilité la tâche du recensement et le repérage des cadres sociaux et économiques de base.

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(chaque segment représentant 5 kilomètres à l’échelle des cartes) a été superposé à ces cartes. Enfin, à chaque intersection, a été reportée la valeur de la densité rurale calculée pour un cercle de 3 cm (soit 6 km dans la réalité) de rayon. Les villes de plus de 10.000 habitants n’ont pas été prises en considération (Korhogo, Sinématiali, Ferké, Ouangolodougou, Diawala...). Le tracé des isolignes a privilégié le détail des zones de faibles densités : 5 catégories de 0 à 40 habitants au km? contre 3 catégories de 40 à 100 habitants au km2.

Toutefois cette carte comporte certains défauts. S’appuyant sur les données du recensement national de 1988, la carte néglige la répartition de la population dans les campements. Aussi les zones de très faibles densités (de 0 à 5 habs/ km2) doivent être reconsidérées dans la mesure où il s’agit d’espaces ponctués de campements dont les effectifs ont été rapportés à ceux des villages “centres” lors du recensement.

Relevé topographique des sites maraîchers :

Le relevé des parcelles maraîchères a été réalisé sous les conseils de M. Daniel CORBIN, à l’aide d’un topo-fil et d’une boussole, la deuxième semaine du mois de février 1996. Seul le relevé du plan d’eau du petit barrage Terniibère date du mois d’avril 1995, et son niveau de ce fait ne peut être comparé à celui des barrages Nord et Sud.

Présentation des chapitres et problématiques :

A partir de l’entrée du sujet (les petits barrages d’un village et leur valorisation maraîchère), le travail de terrain a donné lieu à une étude non de type “filière”, mais de type monographique. Sans faire du cadre villageois une entité fermée, homogène, l’approche des formes d’appropiations individuelles des nouvelles terres maraîchères autour des petits barrages, renvoie aux systèmes de gestion coutumiers et en partie collectifs de la terre, des rapports sociaux, et de la production. Le niveau des exploitations maraîchères se comprend par ses rapports avec les niveaux englobants. Les enquêtes successives au niveau des individus et des parcelles, puis au niveau du village, permettent de mieux saisir la production d’oignons autour des retenues d’eau. II s’agit d’organisations économiques et sociales ouvertes : la valorisation agricole des petits barrages ne se réduit pas à un lieu de production isolé, indépendant de l’ensemble de la vie rurale villageoise, et ses enjeux renvoient à ceux de la société locale, ainsi qu’ à ses rapports avec les politiques de développement.

Dans une première partie, nous nous consacrons à l’analyse de l’espace et du système agricole locaux, avec leurs structures sociales, économiques. Le second chapitre, montre l’intégration d’une nouvelle culture de rapport, l’oignon de contre-saison, dans cet

“environnement”, et l’articulation entre le projet de développement de la culture de l’oignon 8

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organisé par I’Etat, et son application locale. Enfin, la dernière partie s’intéresse aux évolutions et aux réactions de la société villageoise face à la nouvelle culture et aux nouveaux espaces qu’elle a développés.

Le déroulement de ces chapitres tente finalement de mettre en place une vision plus globale, et de tenter, au-delà de l’approche descriptive ou de remarques parfois “pointillistes”

de rendre compte des redéfinitions des droits d’usage, de propriété, des rapports sociaux et des formes d’exploitations à partir de la valorisation maraîchère des petits barrages et des incitations extérieures qui lui sont liées. Le paradoxe de l’étude monographique, est peut-être de ne pas faire apparaître le village comme un tout homogène, mais comme un espace complexe, traversé de pouvoirs et de rapports internes et externes dynamiques.

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PREMIER CHAPITRE

Le village de Korokara

:

organisations dans l’espace et dans le temps, cadres sociaux et systèmes de production.

10

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A : SITUATION DU VILLAGE DE KOROKARA : DU CONTEXTE REGIONAL A LA REPRÉSENTATION LOCALE

1: KOROKARA DANS L’ESPACE NORD IVOIRIEN1

1 .l Cadre naturel et terroir: 2_

Le terroir de Korokara se situe au nord de Korhogo, dans les hauts bassins du Bandama, du Badéni, du Badénou et du Lokpoho (Cf : Le terroir de Korokara Carte de situation ) .Entre Korokara et les villages environnants (Katiali, Kofiplé...) il n’existe pas d’espace juridiquement libre du point de vue des droits coutumiers, même si certaines limites du terroir sont parfois sources de litiges, comme au nord-est entre Korokara et Dabrikro.

Cependant les limites territoriales de Korokara sont bien connues des chefs de terre du village.

Elles s’appuient essentiellement sur des éléments marquants du paysage : marigots (Tadjologalo, Loukpoho), rivière et fleuve (Badéni, Bandama blanc), le pied d’un bowal au nord-est (butte cuirassée ferrugineuse). Entre ces points de repère, quelques limites moins balisées prennent appui sur des pistes, des carrefours en brousse, des îlots forestiers. Ainsi relevé, le terroir de Korokara occupe un vaste espace d’une altitude moyenne de 350 m, qui culmine au centre-ouest à 388 m. II s’agit de la colline sacrée de Kounkodiougou à 3 km à l’ouest-nord-ouest du village (à proximité du petit barrage nord).

Dans ces hauts bassins le relief essentiellement tabulaire, est faiblement différencié par quelques croupes, collines de petite taille, ainsi que des bas-fonds (Cf : Le terroir de Korokara, Carte des principaux éléments du relief ). Le relief est donc peu marqué, les commandements entre interfluves et talweg sont faibles. Le terroir est bien drainé par de multiples cours d’eau tributaires du Badéni et du Bandama. Leurs lits présentent souvent l’aspect de bas-fonds larges de 100 à 200 m aux versants tendus d’une vingtaine de mètres de dénivellation. Leur écoulement est temporaire et concentré pendant la saison des pluies. II s’agit de régimes hydriques de type “tropical de transition”, c’est-à-dire ayant un débit nul ou très faible d’octobre à mai, puis un débit croissant avec des ruissellements intenses de juin à octobre. L’axe de hauteurs que suit largement le tracé de la piste reliant Korokara à Diawala, constitue une ligne de partage des eaux entre les marigots tributaires du Badéni et de direction nord sud-ouest, et les marigots tributaires du Bandama de direction nord sud-est.

Les interfluves se caractérisent par des sols ferralitises rouges, développés (comme

1 pour l’ensemble de cette partie, se reporter à la carte pliante p. 14.

2 Voir l’annexe III : cartes de situation de Korokara dans l’espace naturel ivoirien.

11

(13)

LE TERROIR DE KOROKAFIA CARTE DE SITUATION

MALI

vers Sikasso

, . .

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-hà ERKESSEDO OU

0 10 20 km

Route principale bitumée Route secondaire bitumée

Piste Limite dEtat

Limite de Département Limite de sousprhfecture FERKESSEDOUGOU Diawala

Kotokara village centre Fleuve Ritihe

Ptifectuw Sous-Prhfecture Village enqu&

. . . :.:.

0

. . Temirde ::::: Konikara

12

(14)

Limite du terroir

LE TERROIR DE KOROKAFIA LES PRINCIPAUX ELEMENTS DU RELIEF

13 n

Piste principale

Cours d’eau permanents hhigots temporaires

388 A

Limites de bas-fonds K

Limite de la forêt classée du Badhxi

Bois saa-4 de Korokara

Bowal,croupe indude

Altitude en m.

Point culminant : colline 0 4km

sacrhe de thnkodiougou 1 1

Site du villqe

de Korokata Nord

13

(15)

l’indique la carte géologique mise au point par I’ORSTOM en 1971) 1 sur des roches métamorphiques schisteuses et sur des granites. Le terroir de Korokara, peu diversifié du point de vue du modelé, est composé principalement de surfaces d’interfluves gravillonaires, ponctuellement indurées, mais rarement occupées par de vastes cuirasses résiduelles incultes.

Sur ces espaces , en dehors des forêts galeries, la végétation se caractérise par une savane arborée. Les arbres sont sans doute le produit d’une sélection anthropique ancienne en faveur d’espéces utiles, principalement le karité et le néré.

1.2. Contexte démographique :

Le terroir de Korokara s’individualise moins par son cadre naturel, conforme en cela au cadre régional du nord de la Côte-d’Ivoire, que par son étendue et son organisation spatiale.

Korokara occupe une situation géographique particuliére dans le nord ivoirien en pays sénoufo. Ce pays se caractérise en effet par une grande hétérogénéité ethnique, mais aussi par la répartition de sa population, marquée par de vigoureux contrastes de densités. Ainsi le pays sénoufo se subdivise tout d’abord en plusieurs sous-groupes culturels, comme les Nafara, les Fodonon, les Kiembara. Selon la carte de la répartition géographique de ces sous- groupes sénoufo, Korokara se situe en pays Kiembara (Cf carte ethnique de la région de Korhogo). Or cette partition ethnique recouvre en partie des inégalités démographiques, particulièrement en ce qui concerne les densités de population. En 1965, dans un rapport de la SEDES 2 il est établi dans le volume de synthèse une carte des différentes zones de densité de population depuis le secteur “inhabité” autour de la forêt classée du Badénou, jusqu’aux secteurs denses et “super-denses” à la périphérie de Korhogo. Un autre rapport, rédigé en 1977 par le ministère de la production animale de Côte-d’Ivoire 3 distingue 5 “zones de peuplement” au sein d’un espace délimité au sud par le Bandama, à l’ouest et au nord par la route Korhogo-Niellé- Ouangolodougou, et à l’est par la piste Nambingué-Tiegbé puis par la limite administrative des préfectures de Korhogo et de Ferké. Ces 5 espaces Sont définis en tenant compte de deux principales variables : la répartition ethnique et la densité démographique. Ainsi établi, ce découpage fait apparaître, suivant en Cela le EippOfl de la SEDES, une zone dite “vide” d’une superficie d’environ 300 km2 centrée sur la forêt Classée du Badénou, et une zone dite Malinké, correspondant à la sous-zone “Mil-Nord” dans le 1 Le milieu naturel de /a Côtezl’lvoire Mémoires ORSTOM VSO, Paris, 1971.

2 Région de Korhogo. Etude de développement socio-économique. 9 vol, SEDES, Paris, 1965.

3 Zone agro-pastorale du lokpoho. Enquête socio-économique. Ministère de la production animale République de Côte-d’Ivoire, mars 1977.

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CARTE ETHNIQUE ADAPTÉE DE LA CARTE ETHNIQUE DU RAPPORT SOCIOLOGIQUE, REGION DE KORHOGO, SEDES 1965.

.

KORHOGO

CARTE ETHNIOUE

VOL 1 A

16

(17)

17

(18)

Nord \

0 6

lZkm \

m 40-60 habitants/km*

m 30-40 habiiants/km*

20-30 habiiants/km*

@$j 10-20 habitants/h2 0 5-10 habitants/km*

L El

O-5 habiiants/km*

* DENSITE DE IA POPULATION~R”RALE, REGION DE KORHOGO*

d’après le recensement national de 1988; les villes comptant plus del 0000 habitants n’ont pas été prises en compte.

18

Qj&F

P

4

- - frontières nationales - limites

v fleuve Bandama - routes goudronnées

- - pistes principales . KomogO

B village de Korokara

n

80-l 00 habitants/km2

n

60-80 habiiants/km2

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rapport de la SEDES, au nord de la forêt du Badénou et de faible densité de population (inférieure à 5 habitants au km2). Les recensements nationaux sur lesquels s’appuient ces rapports sont ceux de 1965 pour la SEDES et de 1975 pour le ministère de la production animale. La constitution d’une carte des densités de population rurale pour les départements de Ferké et de Korhogo d’après le recensement national de 1988 fait apparâitre quelques nuances et évolutions par rapport aux précédentes. Korokara présente localement une densité de population comprise entre 20 et 30 habitants au km2, et le village se situe également sur un axe dynamique du point de vue du peuplement, reliant Korokara, Diawala, Ouangolodougou. Cependant, si Korokara n’est plus aux confins d’une zone “vide” et d’une autre très faiblement peuplée, le village appartient toujours à un espace en creux du point de vue de la pression démographique (au regard des espaces densément peuplés autour de Korhogo, avec 60 à 70 habitants au km2).

Sans être un angle mort démographique, la situation du village de Korokara dans une zone ancienne de faible pression démographique rend compte de la taille et de la morphologie de son terroir.

1.3. Un vaste terroir à I’orqanisation rayonnante :

Le terroir de Korokara présente une structure et une organisation spatiale typique des villages des régions de faible densité de population du pays sénoufo. Le pays sénoufo dans le nord ivoirien oppose effectivement d’une part des zones densément peuplées ou de multiples villages proches les uns des autres sont reliés entre eux par un lacis de pistes, et d’autre part des zones faiblement peuplées où l’habitat est lâche, à la fois groupé en gros villages et dispersé en hameaux ou campements (vogo) desservis par des réseaux de pistes rayonnantes depuis les noyaux villageois (CF: carte Semis du peuplement et du réseau des pistes ). Korokara est donc un village groupé, approximativement centré sur son territoire, relié aux champs par un réseau étoilé de pistes. L’espace cultivé ainsi desservi constitue une auréole comprise entre 2 et 12 km du village. L’espace villageois s’organise alors a partir du noyau construit et groupé, selon trois couronnes successives.

La première couronne cernant le village, est occupée par la savane arborée non cultivée jusqu’à une distance de 2 à 3 km, et incluant la colline et le bois sacré au nord-ouest du village, et les deux marigots au pied et à l’est de la butte, site du village (marigots ouoyoni et Manyéné ). II s’agit de l’aire de parcours du bétail villageois, d’une aire collective de cueillette et de ramassage du bois de chauffe. Sans être cultivée, cette zone est Civilisée au sens où elle annonce l’entrée dans le village ainsi que son unité sociale et spatiale.

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(20)

SEMIS DU PEUPLEMENT RESEAU :ES PISTES

Nord

a

0 5km

- Piste principale

- Pistes, sentiers dessetwnts les champs et les campements

l

Village centre

D’après la carte topographique au 1 : 200 000 de Korhogo Feuille NC 3tWll

IGN-Paris , 1979.

20

(21)

Cependant, On peut Souligner l’originalité de Korokara qui ne présente pas de ceinture de jardins potagers autour des cases. Ce schéma classique d’organisation spatiale se rencontre dans tes Villages voisins Comme celui de Kofiplé, où les femmes pratiquent des cultures de légumes intensives dans de petits jardins clôturés où la terre est enrichie par le fumier animal du petit élevage.

La seconde couronne est celle de la brousse, espace de culture et de chasse. Le document, tableau et histogramme intitulé L ‘espace cultivé villageois, distance à /‘habitat rend compte précisément des enquêtes menées auprès des 106 chefs de famille possesseurs de champs, c’est-à-dire des chefs des unités de production et de consommation familiales. Leurs réponses, et la distribution en fréquence de ces réponses selon la distance de l’habitat aux champs font bien apparaître l’existence d’une couronne de culture discontinue principalement comprise entre 2 et 12 km. Un chef de famille s’individualise par la situation de ses champs à une vingtaine de km du village. II s’agit en réalité d’un cas particulier, celui d’un cultivateur -36noufo résidant dans un campement au sud à proximité de la forêt du Badénou

(Mamadouvogo) et qui passe la saison sèche au village. Etendue de façon rayonnante de 2 à 12 km depuis le village, cette seconde auréole est donc l’aire de production de la communauté villageoise. Chaque unité sociale y dispose d’un site de culture, défriché et mis en valeur, qui évolue selon une direction de culture centrifuge. Ainsi, le système de production qui suppose une avancée des champs par défrichements successsifs tous les 6 à 10 ans, contribue à la dispersion et à l’éloignement progressifs des champs de chaque unité du lieu de résidence villageois. L’avancée de ces fronts de défrichement impose à certaines unités de production d’établir un campement de culture (vogo) à proximité de leurs champs lorsque ceux-ci deviennent trop éloignés du village (généralement à partir de 6 à 7 km). Le tableau et I’histogramme décrivant le type d’habitat (simple ou double) selon la distance des champs au village (CF le document L’espace cultivé villageois) illustrent ce phénomène. Entre 4 et 5 km se rencontrent les premiers campements de culture villageois; ils se généralisent pour les exploitations possédant leurs champs a plus de 8 km du village.

La troisième et dernière couronne, à la périphérie du terroir constitue la transition vers I’exterieur, vers l’étranger. A partir de 6 à 11 km selon les directions, commence la brousse non exploitée par les villageois, mais zone d’accueil de populations étrangères regroupées en campements (vogo), qui eux-mêmes exploitent cet espace selon une même organisation auréolaire à I’echelle de leur population et après avoir demandé la terre au chef du village de Korokara.

La capacité d’accueil sur les terres de Korokara souligne bien sa spécificité Premiere : l’étendue de son terroir (près de 490 km2). C’est de cette situation que découlent en Partie deux caractéristiques de son organisation dans l’espace : d’une part un Certain éloignement et

21

(22)

L’ESPACE CULTIVÉ VILLAGEOIS

Distance au village et caractérisation de l’habitat (simple ou double)

distance en km nombre de cours sans campement avec campement

(1-2 ! 11 11 01.

2-3 4 4 0

3-4 29 29 0

4-5 15 14 1

5-6 16 13 3

6-7 14 10 4

7-8 20 15 5

8-9 3 0 3

110-l 1 11 OI 11

113-20 11 01 11

totaux I 1061 861 201

Répartition de l’habitat simple ou double selon la distance du village aux champs foroba

q

nombre de cours

gJ

sans campement

q

avec campement

1-2 2-3 3-4 4-5 5-6 6-7 7-8 8-9 9-10 10-1111-1212-1313-20

22

(23)

une dispersion des champs, d’autre part une implantation importante ancienne et actuelle de campements allochtones à la périphérie de son territoire.

2 : KOROKARA EN SON TERROIR, LECTURES HISTORIQUES

2.1. Mythe de la fondation et discours politique :

L’histoire de la fondation du village telle qu’elle est transmise oralement par les anciens de Korokara et telle qu’elle a été écrite récemment par le chef du village ne permet pas de constituer l’histoire des faits passés, ni des évènements historiques qui ont concourru à sa fondation au sein de l’espace sénoufo Kiembara. II est plus pertinent, dans la perspective d’étude du système rural villageois de rechercher dans sa version de son histoire, non pas les indices d’événements passés, mais la logique du discours pseudo-historique local, légitimant un ordre politique, social et spatial actuel.

Le récit de la fondation, tel qu’il est diffusé par le chef du village, rapporte une série d’évenements suivant les acteurs d’une geste dont la finalité fut la création de Korokara.

Korokara est présenté comme l’un des tout premiers villages de la région, plus précisément le troisième après Sordi et Gnoniké. II fut fondé par le clan des “grands guerriers” venus de Kong mais originaires de Sikasso : les Barroh. Ces derniers furent rejoints par un autre clan guerrier,les Dagnogo, eux-mêmes venus de Kong, mais également originaires de Sikasso, puis par le clan des Tounkara, marabouts descendus du Mali et accompagnés des Djiré qui sont leurs esclaves et leurs griots. Les derniers lignages par ordre d’arrivée et d’installation au village, sont les Sanogo, et enfin les Ouattara et’les Coulibaly. Le récit de la mise en place du peuplement se poursuit par le récit du partage des pouvoirs locaux. II est rapporté en ces termes dans le texte du chef du village actuel : Bazouména Dagnogo.

“Le partage des pouvoirs a été fait par Barroh Bakaty Bah, le fondateur, qui était en même temps chef de village, chef de terre et Imam. /I confia la chefferie à la famille Dagnogo, parce que les Dagnogo étaient de très grands chasseurs et de très grands guerriers. Les

terres sont partagées par Barroh Bakary entre les familles Barroh au nord-ouest, Dagnogo au nord-est et Tounkara au sud. Le poste d ‘Imam fut confié à /a famille Tounkara qui à son tour le céda à la famille Sanogo. Le poste de griot fut confié à la famille Djiré. Cette famille accompagnait /es Tounkara au cours de leurs différentes missions. C’est pourquoi, les chefs de village sont toujours des Dagnogo, les imams de la famille Sancgo, et les griots de la famille Djiré.

23

(24)

Le récit se termine paf le partage du contrôle de la terre :

“Un jour, lundi, le guerrier Bakary Bafroh appela Dagnogo et Tounkara pour effectuer le partage des terres. II donna le nord-est à Dagnogo, le Sud à Tounkara et enfin réserva le nord-ouest à la famille Barroh. n

Ce qui est mis en avant par ce récit de fondation et de partage des pouvoirs, ce n’est pas la succession d’évenements historiques précis, même si la trame du récit en prend les apparences, mais l’énoncé d’une “charte de cohabitation” (pour reprendre l’analyse de Christian SEIGNOBOS 1) entre les différents lignages constitutifs du peuplement de Korokara. II s’agit donc d’un texte politique qui légitime par l’histoire les pouvoirs locaux, les techniques d’encadrement aux mains de certains, afin d’empêcher toute remise en cause de la place et du rôle social attribué à chacun. C’est donc une histoire au service de ceux qui détiennent l’autorité actuelle, donc au service du présent, du partage des pouvoirs en vigueur concernant les hommes, la terre, la religion.

Certes le récit de la fondation de Korokara laisse percevoir quelques indices qui

autorisent l’avancée d’hypothèses quant au contexte historique. II s’agit d’un peuplement mis en place par recouvrements successifs de population à une période agitée et guerrière dans la seconde moitié du XIXème siècle. Korokara, village groupé sur un site d’oppidum offre bien l’image d’un village-refuge, défensif. On peut rapprocher cette allure du village de l’hypothèse émise par Sinaly COULIBALY 2 selon laquelle avant le XIXen’Je siècle les villages Kiembara avaient une forme dispersée, et ne se sont agglomérés que dans un souci de sécurité lors des périodes de troubles et d’effervescence guerrières qui ont achevé le siècle dernier. Korokara est donc le produit d’événements où les acteurs étaient des populations organisées en clans aux rapports changeants entre des guerriers-conquérants et des esclaves. C’est cette histoire agitée, faite de conquêtes et de soumissions qu’illustre le “mythe” fondateur de Korokara. Le récit met en avant un groupe conquérant, les Dagnogo, par rapport à des premiers occupants, les Barroh. Le conquérant Dagnogo est présenté sous un jour héroïque, “très grand guerrier”

qui séduit le groupe des premiers occupants. Ces derniers cèdent la chefferie et une partie du pouvoir foncier aux seconds. C’est en fait l’occupant vaincu qui est évincé dans le récit, avec la perte des pouvoirs qui l’identifiaient : chefferie, pouvoir foncier et religieux. Si le village mémorise le groupe des Barroh comme le plus ancien, il le situe également comme un groupe absorbé par les successeurs qui se sont emparé de leurs pouvoirs, peut-être même chassé puisqu’il ne reste au village qu’une vieille femme veuve portant le patronyme Barroh, et son

1 “Du bon usage des “mythes” par le géographe” In Tropiques lieux et liens. Editions de I’ORSTOM, Paris, 1989.

2 Le Paysan sénoufo. NEA, Abidjan-Dakar, 1978.

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fils, chef de famille se préseflte tant& sous le patronyme Dagnogo et tantôt sous celui de

Barroh. Le récit de la fondation oppose donc les premiers occupants, premiers maîtres du sot, et les Conquérants, maîtres actuels des pouvoirs. La fondation de Korokara repôse sur cette

alliance imposée entre les maîtres de la terre, ceux qui les premiers ont conquis l’espace hostile de la brousse par les rituels religieux, et les maîtres du pouvoir. Seul le dernier descendant des Barroh, Mami Barroh chef de famille âgé de 60 ans, parle volontiers des sacrifices et des rituels précédants la mise en culture des terres. C’est également sur le quartier foncier relevant théoriquement du pouvoir des Barroh que se situent les lieux de culte animistes (colline et bois sacrés au nord-ouest).

La charte politique que constitue l’histoire de Korokara écrite par son chef actuel présente de manière masquée trois catégories de peuplements : les premiers occupants, les conquérants détenteurs de l’autorité, et les derniers arrivés intégrés au système d’alliance instauré entre les deux premiers. Le contrat d’alliance et de partage des rôles est né d’un rapport conflictuel. C’est ce contrat, aujourd’hui mis par écrit qui lie les habitants de Korokara entre eux, leur donne une référence spatiale, culturelle commune et dynamique.

II était donc important de rappeler le contexte historique, avec ses imprécisions, de la fondation de Korokara. Celui-ci a été concerné au XIXème siècle par les rapports gueriieis- esclavagistes. La sédentarisation de ces acteurs peut dater de la fin du siècle dernier, notamment avec l’instauration de la Paxgallica en 1898 puis la suppression de l’esclavage en 1905. Korokara a sans doute vu s’installer sur son site ces lignages guerriers, esclaves dont le fonctionnement social a évolué sous le double effet de l’adoption d’un mode de vie paysan- sédentaire, et de la diffusion de l’Islam. La mise par écrit récente de l’histoire du village illustle l’importance de la religion musulmane, culture de l’écrit, au village.

2.2. De Korokaha à Korokara, identité culturelle et unité territoriale :

Dans un contexte régional sénoufo, Korokara s’individualise par sa revendication d’appafienance à la culture dioula et à la religion musulmane. Ce qui a été mis en avant par l’analyse de l’histoire de Korokara, c’est la mise en scène des relations de pouvoir sur un espace par le village qui en a le contrôle. Or ce contrôle semble perdre de sa réalité selon un gradient allant du centre villageois aux périphéries de son terroir mises en valeur par des communautés allochtones. Face à ces populations de culture principalement sénoufo ou peule, Korokara écrit son passé également comme le refuge de son identité et de son pouvoir sur son espace. A cette échelle, on retrouve en quelque sorte la pensée de RENAN, telle qu’il l’exprimait lors d’une conférence en 1882 sur le sujet Qu’est-ce-qu’une nation? : “l’oubli, et (.. .)

même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation.“. L’histoire de 25

(26)

Korokara présente en effet l’effacement d’un arrière-fond interculturel senoufo-malinke, au profit de la mi.Se en avant et à l’eXClUSiOn de toute autre, de la culture malinké-dioula. Ce choix peut se lire comme un choix politique afin d’affirmer l’identité du village sur son terroir. La revendication de la culture dioula et de la religion musulmane est sans doute le produit d’un rapport de force dans le terroir entre les premiers arrivés (c’est-à-dire les villageois) et les immigrés accueillis sur le terroir (populations des campements).

L’installation sur le terroir de campements commence au début du XXème siècle par l’accueil de paysans sénoufo. Aujourd’hui, les trois campements les plus importants par leurs effectifs sont les campements sénoufo : Kapékaha (fondé vers 1900) Nanwavogo (fondé vers 1950) et Kawavogo, rassemblant des Sénoufo de Sinématiali venus chercher des terres à cultiver sur le terroir de Korokara dans les années 1970. Ces trois campements ont vu leurs effectifs dépasser la centaine d’habitants à la fin des années 1970. En 1979, Kapévogo au nord-est loti par la SODEPRA à l’égal de Korokara, est renommé Kapékaha, passant du statut de campement (vogo), à celui de village (kaha). Installé sur le terroir de Korokara, Kapékaha est devenu en grande partie autonome du premier. Face à l’importance croissante de certains campements, tels ces campements sénoufo, on peut émettre l’hypothèse que, pour les villageois, affirmer leur origine dioula et leur adhésion à l’Islam, est un moyen de se distinguer des immigrants sénoufo et de rétablir les hiérarchies au sein de l’espace sous leur contrôle. Ce choix est d’autant plus significatif que Korokara conserve dans le déroulement de la vie rurale des pratiques sénoufo, comme le mariage de jeunesse entre jeunes avant leur mariage réel, et surtout au sein du lignage des Dagnogo, détenteurs de la chefferie, la libération par les chefs de famille des femmes âgées (atteignant la ménopause) des travaux sur les champs familiaux.

Ce que le village livre au regard étranger, c’est l’état présent d’un pouvoir local qui se donne la capacité de se choisir une culture et de CirCOnSCrire les cultures qu’il accueille sur son

espace. Dans cet ordre de faits, le village a changé son nom, Korokaha (mentionné sur les cartes de Côte-d’Ivoire) devenant Korokara, ce qui selon l’histoire VillageOiSe vient de l’expression arabe “Koror-Karar” signifiant “Va et vient”, expression attribuée par les arabes aux premiers Imams du village : Tounkara Djamory et SanOgO Bafetegue pour leurs incessants va et vient à la Mecque. Korokara se donne donc à la fois un référent Culturel unique, mais aussi I’historicise.

En affirmant ainsi une spécificité culturelle légitimée par l’histoire, Korokara se donne les moyens de faire face aux dynamiques de peuplement qui concernent son espace. L’unité villageoise et l’unité de son contrôle sur l’ensemble du terroir affaibli par la dispersion des lieux d’habitat et d’identité (chaque campement sénoufo possède également son propre bois Sacré et n’a pas pour référence celui de Korokara), le village s’est en quelque sorte donné un

26

(27)

nouveau “lieu de mémoire”, unique sur le terroir : la mosquée au centre du village.

2.3. Korokara, villaoe-contact :

A la lecture de l’ouvrage de Jean-Loup AMSELLE Logiquesmétisses 1 , Korokara semble se situer au contact entre deux ensembles culturels définis par l’auteur et répartis géographiquement du sud malien et burkinabé au nord ivoirien. D’une part un modèle islamique et marchand des sociétés peules et malinké, d’autre part un modèle sénoufo-minyanka à la tête de systèmes agricoles dynamiques, notamment par l’importance du travail féminin dans le systême de production. Or à Korokara on ne trouve pas le système de production des régions et des populations islamisées notamment au nord-ouest au Mali où les femmes ne cultivent pas avec les hommes. Au contraire, à Korokara, les femmes apparaissent très dépendantes des unités de production aux mains des hommes. Toute femme est non seulement une cultivatrice à son propre compte, mais aussi une cultivatrice sur les champs familiaux et sur les champs des maris.

L’ouvrage de JL. AMSELLE propose finalement de lire dans ces régions du nord de la Côte-d’Ivoire, un continuum socioculturel où chaque société villageoise évolue en fonction de deux principaux facteurs : l’islam et le commerce. On peut alors décrire socialement et culturellement un village dans ces régions en tentant de le situer sur un axe dont ’ /‘un des pôles serait constitué par les sociétés les plus païennes et les plus paysannes, l’autre par les sociétés les plus musulmanes et les plus marchandes. ” 2

Cette lecture semble bien être validée par l’exemple de Korokara, où des populations issues d’un double fond sénoufo-malinké, en adoptant l’Islam et des pratiques commerciales appartiennent à l’univers dioula.

2.4. Les dvnamiques de peuplement récentes :

Les analyses s’appuient sur les données des recensements nationaux de 19651975 et 1988. Ces recensements sont présentés en 1988 classés géographiquement selon 7 régions, délimitées par le ministère du plan (FRAR) en 1975. II s’agit des régions : Centre, Centre-ouest, Est , Nord, Ouest, Sud et Sud-ouest. (Cf : Carte du Découpagerégional). Les commentaires de la DCGTx publié en 1991, sur les résultats nationaux du recensement de 1988, reprennent également les données des recensements précédents de 65 et 75. Ces résultats sont classés suivant un découpage géographique administratif de la Côte-d’Ivoire : 1 Logiques métisses “Anthropologie de l’identité en Afrique et ailleurs” JL. AMSELLE, Bibliothèque scientifique Payot, 1990.

2 JL. AMSELLE, Op. cité. p.226.

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DECOUPAGE REGIONAL

NORD

Le dkoupage en 7 régions ulilisé est celui du Minist&e du Plan (FRAR) de 1975 en vigueur à la date du dernier recensement (1988).

28

(29)

EVOLUTION DE LA DENSITE DE POPULATION PAR SOUS PREFECTURE DE 1965

À

1988’

v DENSI 1 E ‘?UI?Al_E DE POPULAI ION EN 1965 PAR SOUS i’RCrEC1 URE

DENSITE BRUTE DE POPULATION EN 1975 PAR SOUS PREFECTURE

En 1965, les zones les plus denses sont le centre, En 1975, en plus des quatre pôles de 1965.

l’ouest, la région d’Abidjan et la poche de Korhogo: apparaissent ceux de Daloa. Bongouanou et

moyenne nationale : 10 habs/kmz Zouan Hounien.

moyenne nationale : 21 habs/km2

w

UE”A9IlA~llANIS<KMZ OE IOA I9llABllANIS~~M 2 Fi3 DE 20 A 79 IIAEITANTSKM 2 FB CE 30 A 39 ~IAEIlANTSMM 2 DE 40 A ~JIIABITANIJKb.4 2 PLUS DE 49 lIAEITANlS<W.4 2

- DENSI TE BRUTE DE POPULATI’ON EN 19UO PA11 SOUS PI?El-ECTURE

En 1988. Abidjan et sa région font tâche d’huile ainsi que la région de Daloa, Divo, Soubré.

La disparité entre le nord et le sud persiste tout au long de la période 1965/1988.

moyenne nationale : 33 habs/km2

1 Cartes et données extraites du rapport de la DCGTx (Direction des grands travaux) de 1991 Exploitation du recensement de 1988 tome III, pp.58-59-60.

29

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de la région, au département, à la sous-préfecture et enfin aux communes. Ainsi Korokara se situe administrativement dans la région Nord, et dépend du département de Ferkéssédougou et de la sous-préfecture de Diawala. La région Nord se compose de 5 départements (ceux d’odienné, de Boundiali, de Ferké, de Korhogo et de Tingréla), et le département de Ferké de 6 sous-préfectures (celles de Diawala, Ferké, Kong, Koumbala, Niellé et Ouangolodougou). (CF

: carte du Découpage sous-préfectoral ) .

La lecture des cartes administratives confirme la position régionale de Korokara du point de vue démographique et de la répartition de la population. Les cartes des évolutions de 65, 75 à 88 des densités de population par région et par sous-préfecture rapellent la spécificité de l’espace rural autour de Korokara. La sous-préfecture de Diawala, essentiellement rurale, puisque selon les critères nationaux, on n’y compte qu’un centre urbain (c’est-à-dire une localité comprenant au moins 4000 habitants, celle de Diawala avec 4569 habitants en 1988,population des campements proches inclue), est certes dans un “creux” démographique par rapport aux sous-préfectures voisines du sud (Korhogo, Sinématiali), mais non dans un angle mort, puisque la densité de sa population augmente de 75 à 88, passant de O-9 habitants au km2, à 1 O-l 9 habitants par km2. II est alors interressant d’étudier plus finement, à I’echelle de Korokara et de sa sous-préfecture, les dynamiques récentes de population.

Neuf communes rurales de la sous-préfecture de Diawala sont recensées en 1975 et en 1988, et pour sept d’entre elles en 65. L’évolution de leur population présente une courbe générale, fléchissante de 65 à 75 et croissante de 75 à 88. (CF : tableaux et graphiques Dynamiques de peuplement de 65 à 88 ).

Le tableau et les graphiques montrent que de 65 à 75, sur les 7 localités recensées à dix années d’intervalle, 5 voient leurs effectifs régresser, 2 seulement ont une population qui croît, dont Kassiongokoura qui stagne quasiment, passant de 347 à 373 habitants. En effet, seul Kapékaha ne présente pas un peuplement en perte de vitesse. Si à partir des chiffres de 1965 on calcule par projection l’augmentation de la population en admettant un taux d’accroissement annuel moyen1 de 1,6 %, Kassiongokoura passerait de 347 à environ 407 habitants au lieu de 373. Or l’augmentation de la population totale de la région Nord de 541.300 à 633.565 personnes en dix ans correspond à ce taux d’acroissement de 1,6% par an. L’espace administratif de Diawala est donc un espace en perte de vitesse du point de vue 1 Le taux d’acroissement annuel moyen (TA) d’une population donnée (pop) entre une année finale, f, et une année initiale, i, s’obtient par la formule :

l I

Pop. année f ‘, 11 (fi]

TA = -1 x 100

Pop.annéei ,

i

’ 1

(31)

DYNAMIQUES DE PEUPLEMENT DE 65 A 88 SOUS-PREFECTURE DE DIAWALA

Evolution démographique de Korokara

3000 -

2771F

2000 - lOOO-

0 402-24 , /

1965 1975 1988

courbes des populations-villageoises de 65 à 88

n

Population en 65

q

population en 75 a Population en 88

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du Peuplement : de 1965 à 1975 la population de la sous-préfecture de Diawala régresse de 6300 habitants à 6266 (soit -0,05%). Ce fléchissement est d’autant plus net qu’il s’inscrit dans une région nord qui a également du mal à retenir sa population, notamment par rapport aux régions du sud qui enregistrent à la même époque des taux d’accroissement de leur population de 8,2% (région Sud), 7,8% (région Sud-ouest),ou encore 6,9 % (région est). Les villages rattachés à la SOUS-préfecture de Diawala occupent donc une zone de dépeuplement dans une région qui, au niveau national, se caractérise par un faible dynamisme démographique.

Or de 1975 à 1988 les tendances s’inversent radicalement. Le tableau montre bien qu’a une exception près, celle de SOnOni, les 9 villages enregistrent une augmentation de leur population. Ceci s’accorde avec l’évolution générale de la population de la sous-préfecture de Diawala, qui passe de 6266 à 19.045 habitants, soit un taux d’accroissement annuel de +8,9% de 1975 à 1988. C’est le plus fort taux enregistré par les sous-préfectures du département de Ferké entre 75 et 88, et l’ensemble du département de rattachement affiche un taux d’accroissement annuel de +5%, dans une région Nord qui, elle, se contente de +2,75%

de 75 à 88, contre +3,70% pour l’ensemble de la population nationale. Ce qui frappe c’est non seulement l’ampleur du renversement de l’évolution démographique des villages rattachés à Diawala à partir de 75 (la sous-préfecture passe ainsi du plus faible taux d’accroissement annuel du département de Ferké de 65 à 75, au taux d’accroissement annuel le plus fort de 75 à 88) mais aussi, se pose particulièrement la question de l’explication de la flambée démographique de deux d’entre eux : Korokara et Lofelé.

Cependant la lecture des recensements nationaux de 1965, 1975 et 1988 doit être menée avec prudence. Au niveau de la région de Korhogo, l’évolution démographique des trente dernières années apparaît complexe. Certes les chiffres font cas d’une baisse de population entre 1965 et 1975. Pour autant, la compréhension des évolutions démographiques est brouillée par la diversité des mouvements de population plus ou moins bien recensés. On peut supposer qu’en l’absence de phénomènes véritablement “dépeuplants” comme le sont par exemple les conflits armés, rares sont les baisses effectives de population. La prise en compte des données des recensements, invite surtout à situer Korokara dans un ensemble régional où les migrations sont intenses et relèvent d’organisations et de circuits économiques à cette échelle ou à des échelles plus petites encore : intégration dans les villages

d’éleveurs

peuls des pays sahéliens, de pêcheurs maliens, transferts de terres entre paysans de régions de densités de population inégales...

L’analyse des données démographiques des recensements ne vaut que dans la mesure ou elle peut être nuancée par la participation de la région du nord ivoirien à des réseaux de migration plus ou moins pris en compte par les recensements, et a des Politiques nationales ou régionales de développement, d’aménagement.

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(33)

Recherche d’explications et mouvements migratoires :

De 65 à 75 dans une région où, compte tenu des densités de population, la pression

foncière est inexistante, celle-ci ne peut être un facteur d’explication ; et les soldes migratoires négatifs enregistrés par tes communes proviennent donc sans doute du départ des jeunes actifs masculins en direction des villes ou des plantations de la Basse-Côte. Cette émigration de la main-d’oeuvre du Nord vers le Sud de la Côte-d’Ivoire s’inscrit dans un mouvement général et historique, et ne touche pas spécifiquement les communes rurales de Diawala. En revanche, le renversement de l’évolution démographique de ces communes de 75 à 88 apparaît plus problématique et plus spécifique.

En effet, la sous-préfecture de Diawala présente une évolution originale dans sa région et dans son département de rattachement. Certes la population de l’une et de l’autre augmente de 75 à 88, mais selon un taux d’accroissement annuel respectivement de 2,75% et de 5,08%. Avec un taux d’accroissement annuel de 8,9% de 75 à 88, la sous-préfecture de Diawala se détache nettement par la vigueur de son peuplement. Une telle croissance ne peut pas s’expliquer simplement par le croît naturel. Seuls des mouvements migratoires peuvent rendre compte d’un tel renversement du peuplement, notamment en ce qui concerne des villages comme Korokara et Lofélé.

En fait, plusieurs facteurs peuvent être avancés. La croissance des effectifs des villages peut relever à la fois du croît naturel de la population, du retour d’émigrés, de la fixation de la population autochtone (notamment avec le développement de la culture marchande du coton par la CIDT), par le gonflement de la population des campements allochtones existants et peut-être surtout par l’accueil et la multiplication de campements allochtones sur les terroirs de ces villages. En effet, à partir des années 1970, le rôle d’accueil de ces villages bénéficiant de vastes terroirs s’est nettement renforce. Dès lors, il s’agit moins de l’accueil de paysans sénoufo des régions densément peuplées autour de Korhogo et de Sinematiali, que de l’arrivée d’étrangers, maliens, burkinabé, principalement peuls et éleveurs.

Leur fixation à Korokara et dans les villages avoisinants doit être mise en rapport avec la

politique ivoirienne de développement d’un élevage zébu national à partir de la descente vers le sud des éleveurs sahéliens dans les années 1970.

La politique ivoirienne pastorale et la SODEPRA dans le Nord :

C’est avec les sécheresses qui sévirent de 1969 à 1974 dans les régions sahéliennes au nord de la Côte-d’ivoire, que les régions’septentrionales ivoiriennes accueillirent des pasteurs peuls burkinabé et maliens avec leurs troupeaux. L’élevage zébu ouest-africain glisse ainsi du nord vers le sud, des pays sahéliens aux régions sub-soudanaises ivoiriennes agricoles, sénoufo et malinké.

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Références

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