FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNEE 1900-1901 22
ESSAI SUR LES FORMES ET LES CAUSES
DE
étatn-PËaiii
DU GROS ORTEIL
THESE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 19
Décembre 1900
F
rançois-Anatole DO INFINI" ET
Né à Vallauris (Alpes-Maritimes), le8 Novembre 1876
Élève du Service de Santé dela Marine
Examinateurs de la Thèse:
MM. VERGELY professeur.... Président PICOT professeur. .A
RONDOT agrégé
\
JuOesHOBBS agrégé
)
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront
laites
surles
diverses parties de l'Enseignement
médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI —
PAUL CASSIGNOL.
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
1900
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DENABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
■»IIOFES8EIJE8 MM. M1GE
DURIJY MOUSSOUS.
Professeurs honoraires.
Clinique interne
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
MM.
\ PICOT.
} PITRES.
_.. .
, \ DEMONS,
clinique externe
j
LANELONGOÈ Pathologie et théra¬peutique générales.
Thérapeutique Médecine opératoire. Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie CANNIEU
Anatomie générale et
histologie V1AULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
AGII JEGÉS
SECTION I)E MÉDECINE(PatholoO MM. CASSAET.
AUCHu,.
SABRAZÈS
SECTIONDE CHinUKGIEET ACCOUCHEMENTS /MM. DENUCÉ.
\ VILLAR
Pathologieexterne] BRAQUEHAYE 1 ( CHAYANNAZ.
SECTIONDES SCIENCES ANATOMIQUESET PHYSIOl.OGIQUES
|MM. PR1NCETEAU
|Physiologie
i N. Histoire naturelle..
MM.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
DE NABIAS FERRÉ.
BADAL.
Médecine légale Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique des maladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique Cliniquemédicaledes maladiesdesenfants Chimie biologique...
EXEHCÏCI3 :
ie interneetMédecinelégale.) MM. LE DANTEC. '
HOBBS.
, (MM.
CHAMBREL1#!
Accouchements.^ FIEUX P1ECHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS DENIGr.S.
Anatomie. MM. PACHO N,
BEILUE.
Physique.
SECTION DES SCIENCESPHYSIQUES
T>tup
MM. SIGALAS. | Pharmacie M. BAH 1 HE.
& r ai« c ©m ï» rÉsi a a t a i ss ms :
Clinique des maladies cutanées etsyphilitiques MM Clinique des maladies des voiesurinaires
Maladies dularynx, des oreilles etdunez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologieexterne Accouchements Chimie
Physiologie.
Embryologie Ophtalmologie
Hydrologie etMinéralogie Pathologie exotique
Le Secrétaire dela Faculté: LEMAIRE.
DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RpiGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
N.
LAGRANGE.
CARRES.
LE DANTEC.
août1879, la Facultéaarrêté que les opinions émises
dans les
nt.P.AS(InivAiiI. St.rA fnnsiiléréps p.nmmaDl'ODreS aleUl'SaUtCUIn, Pardélibération du 5
,
, / -
Thèsesqui luisont présentéesdoivent être considérées commepropres qu'elle n'entendleur donnerniapprobation niimprobation.
A LA
MÉMOIRE
DESMIENS
A MON
PÈRE
ET A MAMÈRE
Pour les remercier dm fond demon cœur
de toutcequ'ilsontfaitpourmoi.
Pour lesassurerdemaprofonde affection tiliale et de mon éternelle reconnais¬
sance.
A MON
ERÈRE
■
I
HSr.,.
1
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR VERGELY
PROFESSEUR DE PATHOLOGIE ET DE THÉRAPEUTIQUE GÉNÉRALES A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
AVANT-PROPOS
Le but de ce travail est des plus modestes. Frappé de la
fréquence
et de la localisation particulièrede l'arthrite gout¬teuse franche à l'articulation du gros orteil, nous avons voulu rechercher s'il n'y avait point d'autres états pathologi¬
quescapables de produire des manifestations articulaires semblables, et quelles en seraient les différences (troubles nutritifs, maladies infectieuses,
tabès).
Aussi, après quelques considérations sur
Tanatomie
et laphysiologie
de cette articulation , nous avons exposé la symptomatologie de l'arthrite goutteuse qui doit nous ser¬vir de point de comparaison. Les
manifestations goutteuses
du saturnisme et du diabète font l'objet des deux cha¬
pitres suivants. Le rhumatisme, les
pseudo-rhumatismes (blennorragie,
syphilis ettuberculose), le tabès et l'albumi¬
nurie ont été successivement étudiés dans deschapitres dis¬
tincts.
Nous nous sommestoujours
borné à faire
uneétude exacte
des symptômes de ces différentes arthrites et
à tâcher d'en
tirerun moyen dediagnostic
étiologique. Tout
enrestant
au¬tant quepossible dans les limites
fixées
parle titre même de
notre travail, notrebut a simplement
consisté à établir
undiagnostic
différentiel avec l'arthrite goutteusebasé particu¬
lièrement surla
symptomatologie.
Nous prions nosjuges d'excuser
les défaillances et les im¬
perfections qu'ils ne manqueront pas
de trouver dons notre
travail. Ils songerontque ce
sont là les premiers
pas quenous faisons hors des bancs de l'Ecole et ne nous en vou-
— 8 —
dront pas si,par moments, se trahit par trop notre inexpé¬
rience des choses de la médecine.
En terminant cet avant-propos, nous voulons, au moment definir nosétudes médicales nous acquitter du plus
agréa¬
ble des devoirs en remerciant ceux qui ont guidé nos pre¬
miers pas et ceuxqui nous ont
enseigné depuis.
De notre année deToulon, nous gardons le plussympathi¬
que souvenir des leçons
de
MM. les Drs Esclangon, Bousquet,Boutin et Girard.
A Bordeaux,nous avons suivi avecle plusgrand intérêt le
service de MM. les Prof. Lanelongue, Picot et Piéchaud. C'est à euxque nous sommes redevable du peu que nous savons, et nous regrettons
infiniment le
temps trop courtqu'a duré
chez eux notre stage hospitalier. Leurs leçons
magistrales
forment le meilleur de notrebagage médical: puissions-nous
les mettre en œuvre, ce sera le meilleur témoignage de notre reconnaissance que nous pourrons leur offrir.
M. le Prof. Vergely nous fait l'honneur d'accepter la
prési¬
dence de notre thèse. Durant tout le temps que nous avons travaillésous sa bienveillante direction, il ne nous a ménagé ni son temps, ni sesencouragements, ni ses bons
conseils.
Nous n'oublierons jamais le sympathique accueil que nous
avons reçu de lui. Qu'il nous permette de vouloir bien
lui
offriraujourd'hui nos sincères remerciements et l'hommage de nos respectueux sentiments.
Enfin, à tous ceux qui se sont intéressés à nous et nous ont aidé, à tous ceux qui nous aiment et que nous aimons,
et à nos camarades du Corps de santé de la Marine et
du
Corps de santé des Colonies, nous adressons biencordiale¬
ment nos remerciments et les assurons de notre entier dévouement.
I
Anatomie de l'articulation
métatarso-phalangienne
du gros
orteil.
La voûte plantaire repose normalement sur le talon, les saillies métatarsiennes et le bord externe du pied. Dans les
mouvements dupied, cesontcesmêmes saillies toutd'abord, puis l'articulation du gros orteil presque seule, qui soutien¬
nentle poids ducorps. Cette dernière constitue donc le point
d'appui
le plus important de la surface plantaire, vu son double rôle dans la statique et la dynamique du membre in¬férieur. Aussise présente-t-elle à nous avec des
caractères
nettement spéciaux La tête du premier
métatarsien,
volu¬mineuse etaplatietransversalement, estreçue dans
les
deuxcinquièmes
desa surfacearticulaire,étendue surtout du côté de la région plantaire, par lacavité glénoïde de la phalange
del'orteil.En bas etarrière,l'articulation est
complétée
parle flb.ro-cartilage
glénoïdien, dansl'épaisseurduquel
se rencon¬trent les deux os sésamoïdes si bien décrits par
Gillette.
Les surfaces articulaires sont maintenues par deuxligaments,
l'interne plus fort que l'externe,solidement implantés
aux tubercules latéraux,et par unligament transverse allant du
premier aucinquième métatarsien et se
fusionnant
avecle
bord postérieur ducartilage
glénoïdien.
Sans entrer dans tous les détails de l'anatomie de cette condylarthrose, bien connus de tout le
monde,
nousdevons
insister surquelques pointsparticuliers bien
propresà met¬
tre en relief son rôle important.
Toutautour de l'articulationsemontre unabondant
réseau
d'artérioles dû auxanastomoses des collatéralesdorsales et
Plantaires du gros orteil. Aceniveau, eneffet, les artères in-
— 10 —
ter-osseuse dorsale et inter-osseuse plantaire du premier espace, branches de la pédieuse et de la plantaire externe, anastomosées par la perforante antérieure, se divisent et donnent naissance aux collatérales. La plantaire interne,
quoique
plus superficielle, apporte aussi son concours,soit qu'elle vienne simplement se terminer dans la collatérale plantaire interne, soit même qu'elle la forme à elle seule.Aces artérioles font suite des capillaires. En vertu delà loi deproportionnalité entre l'activitéfonctionnelle des tissus et la richesse du réseau capillaire à eux attribué, ceux-ci ne sont pas extrêmement abondants, destinés qu'ils sont
â
un tissu de substance conjonctive, tissus tendineux, cellulaire etosseux. Seule, la synoviale présenteun assez riche réseau, à mailles serrées et irrégulières, d'artérioles très grêles qui,dans les franges se terminent par des anses contournées.
De ce réseau partent des veinules volumineuses, très sou¬
vent anastomosées, flexueuses et variqueuses.
Les veines qui les continuent deviennent assez grosses et accompagnent alors les artères en nombre double nt lesen¬
laçant d'anastomoses transversales. Il y a une
double plan¬
taire interne et une double plantaire externe; seules,
les
veines collatérales profondes du grosorteil sont unique,
et
grêles. Toutes ces veines profondes de la plante dupied
com¬muniquent avecleurs correspondantesdelà face
dorsale
par les veines perforantes antérieure et postérieure;elles
com¬muniquent aussi avec les veines .superficielles
du dos du
pied pard'assez nombreuses branches. Toutes sont à
parois
épaisses, valvulées, très anastomosées entre elles etpassent
à travers de nombreux orifices fibreux, dont quelques-uns
sont intra-musculaires.
De nombreux muscles, en effet, se rencontrent au
voisi¬
nage de cette articulation, et quelques-uns même
l'environ¬
nent de leur tendon : extenseur propre, chef
interne du pe-
dieux, long fléchisseur propre, court fléchisseur,abducteur,
adducteur oblique et adducteur transverse du gros
orteil. A
son niveau, le tendon du long fléchisseur passe
dans une
— 11 —
coulisse
synoviale;
entre les tendons des deux muscles ex¬tenseursce trouve assez souvent une bourse séreuse, et au niveau de la tête du premier métatarsien se rencontre tou¬
jours une bourse séreuse volumineuse.
Ces diverses insertions musculaires constituent pour l'ar¬
ticulation un système de renforcement très puissant, soit par le passage des tendons autour d'elle, soit par les nom¬
breusesexpansions tendineuses qu'elles lui envoient.
A la face supérieure, nous voyons la capsule articulaire se doubler de la gaine fibreuse dans laquelle glisse le tendon de l'extenseur. Et du point de jonction dece tendon avec le chef interne du
pédieux
partent deux languettes fibreuses quivont s'attacher dechaquecôté del'articulation, en se con¬fondantet s'entremêlant avec les attaches fibreuses de l'ar¬
cade plantaire interne.
A la face inférieure,la solide gaine fibreuse dans laquelle
passent les tendons du court et du long fléchisseur, dès leur sortie dumilieu des deuxsésamoïdes,formecomme unesangle qui soutient et fortifie la capsule articulaire. Deplus, le ten¬
don ducourt fléchisseur, en s'insérantsur la face inférieure de la phalange, vient par l'étalement de ses fibres se juxta¬
poser au ligament glénoïdien et renforcer ainsi l'insertion antérieure de ce ligament si important. De même, les nom¬
breux muscles, qui semblent s'insérer sur les sésamoïdes,
vont en réalité par des expansions fibreuses chercher un autre point d'attache plus solide sur le ligament glénoïdien et la
phalange
de l'orteil.L'articulation est doublée d'un enchevêtrement de fibres
tendineuses dans cette même partie
où
les mouvements répétés eténergiques
des divers modes de locomotion seferont le plus sentir et menaceront son intégrité fonction¬
nelle. En nous rappelant les deuxligaments
latéraux
résis¬tants etsolidement insérés, nous comprendrons comment cette articulation,doublée de tissusfibreuxàplusieurs plans,
pourraplus facilement sauvegardersonbon fonctionnement,
si
important
et si nécessaire à l'activité de l'homme.— 12 —
A ces moyens de renforcement vient s'ajouter un
système
de protection, non moins précieux à cette région plantaire
où le poids du corps tendà peser sur l'articulation et lacom¬
primer contre la résistance du sol. Nous trouvons, en effet, dépassant largement ses limites, un coussinet graisseux, analogue à celui qui double toute la face plantairedu pied et
des orteils, situé au-dessous d'un derme très épais et
relié
aux parties profondes par de nombreux tractus
fibreux.
Limité en avant parle pli digito-plantaire qui
correspond
au milieu de la phalange, il décrit un arcde cercle àconvexité
externe pourvenir aboutir derrière la tête
métatarsienne.Tout
ce trajet est indiqué à la plante du pied par une
dépression
des téguments qui lui donne des limites très nettes et
bien
spéciales. Cette loge, ainsi disposée au-dessous
de l'articula¬
tion, est comblée par une masse graisseuse
considérable
que les trabécules fibreux signalés plus haut
divisent
en alvéoles nombreux, enserrantchacun une partiedu tissu
adipeux. Ce cloisonnement semble avoir pour butd'éviter,
sous l'influence des mouvements énergiques et
répétés cle
l'article, la formation d'une vaste bourse séreuse par
décol¬
lement. Celle-ci, en effet, ne tarderait pas à
s'enflammer
età menacer la vitalité et le fonctionnement de l'articula¬
tion. De plus,
ainsi
divisée en pelotonscomprimés dans des
loges fibreuses multiples, la graisse ne pourra pas
s'étaler
en masse sousle poids du corps et, par suite,
mettre directe¬
ment en contact le sol et l'articulation. Au contraire, cette disposition lui donne une certaine
élasticité qui contre¬
balanceefficacementce poids et lui permet
de remplir ses
fonctions de coussinet protecteur.
Ainsi constituée, l'articulation du gros
orteil est bien
propreà servir de point d'appui le plus
important à la voûte
plantaire. Le talon, reléguéau second plan
à
causede son
rôle presqueentièrement statique, se
présente comme un
peu
atrophié,
mince, allongé, etlégèrement effacé dans sa
partie interneparla voussurede la plante
du pied.
C'est ceque nous montre d'ailleurs
l'anatomie comparé®
- 13 —
de certaines races humaines. Le nègre a legros orteil court, dépassant rarement le niveau des orteils, en même temps quelégèrement écarté. En revanche, son talon est large et saillant. Son pied, long et plat, s'appuie principalement sur ce dernier du poids de tout lecorpset ne fait aucune distin¬
ction entre les divers orteils comme point d'appui antérieur.
II
Considérations
physiologiques
etpathologiques
sur l'articulation du gros orteil.Après avoir t'aitcette rapide étude anatomique bien néces¬
saire pour ce qui suit, nous allons entrer plus à fond dans notresujet en abordant l'étude de la question suivante:
Pourquoi voit-on les premières apparitions de certaines manifestations
dyscrasiques
se faire de préférence à l'arti¬culation du gros orteil?
Al'époque de la viede l'homme oùellesse montrentd'habi¬
tude, au moment de l'âge mûr en général,ily a dans lecorps humain de grosses articulations, celles du genouet du cou¬
de-pied, qui ont été d'une grande activitéet ont pas mal
fati¬
gué. Pourquoidonc certaines modifications de la crase san¬
guine semblent-ellespréférer le locus minoris resistentiœ de l'articulation du gros orteil? La réponse nous semble se trouver dans l'étude de son état
physiologique
etpatholo¬
gique.
Des articulations
métatarso-phalangiennes,
celle du gros orteil est à la fois la plus volumineuse et la plusimportante.
C'est en elle que se passe, en effet, la plus grande partie
des
mouvements de locomotion, tandis que repose sur le gros orteil lapartie du corpsqui yprend un solide appui pour se détacher du sol et se porter en avant. Aussi voyons-nous, autresigne de son importance, un réseau considérable d'ar- térioles venues des artères du dos et de la plante du
pied,
de deux sourcesbien distinctes, l'environner étroitement de toutes parts : tout comme nous rencontrons des réseaux artériels périarticulaires entourant les articulations de la hanche, du genou et du cou-de-pied.
— 15 —
Cependant, considérons à quelle distance du cœur, le centre propulseur du sang, setrouvecettearticulation située à l'extrémité même du membre inférieur. Celui-ci siège, en effet, non pas au centre mêmedu corps, mais à l'union des deux tiers inférieurs et du tiers supérieur. Aussi, dans cette partie du corps, y a-t-il à présumer que la cir¬
culation sanguine subit un certain
affaiblissement
dont la conséquence, à la longue, sera de mettre les tissus en étatd'hyponutrition
; d'ailleurs le sang, parti du cœur,ne se rend à notre articulation que par un trajet fort
long-
et fort compliqué. Considérons-le seulement à lajambeetau pied. Nous voyons le tronc tibio-péronier se diviseret donner deux artères, l'une pour la partie antérieureet l'au¬
trepourla partie postérieure delajambe,qui, aprèsdenom¬
breuses branches laissées çà etlà, viendront par leurs divi¬
sions ultérieures s'anastomoser au-tour du grosorteil. L'on¬
dée sanguine, venuede loin, aidée d'ailleurs parl'action de lapesanteur, arrive donc dans des canaux d'autant plus étroits qu'ilssont plus nombreuxetreliés les uns auxautres par de nombreuses anastomoses. Elle s'étale donc de plus
en plus, et forme comme une véritable nappe sanguine.
Aussi,
à ce moment, la circulation locale de l'articulation est-elle 011 ne peutplus apte à se ressentir de toutes les in¬fluences
qui pourrontfairevarier et sapression etsa vitesse.Lefroid, par exemple, si
fréquent
en cette région, en ame¬nant la constriction de ces artérioles produira une augmen¬
tation de pression etune diminution de la vitesse peu favo¬
rablesà sa nutrition. La constriction des capillaires,sous
nettemême influence et sous tant d'autres, sera tout aussi
défavorable,
vu leur rôle de cœurpériphérique,
enprodui¬
santdesischémieslocalesplus ou moins
prolongées.
Ces mêmes conditions défectueuses de circulation se ren¬
contrent par le fait de la constriction due à la chaussure, soitqu'elle porte sur le bas de lajambe et, par conséquent,
SUrles deux artèresprincipales,
soit qu'elle porte plus parti¬
culièrement
sur le gros orteil si souventcompriméetdéjeté
— 16 -
en dehors, et, par
conséquent,
surle réseau circulatoire péri-articulaire.
A ces sortes d'obstacles au courant sanguin
vient s'en
ajouter untroisième dont l'action s'exerce
pourainsi dire
constamment. MalgréPéloignement
du
cœur,l'ondée arté¬
rielle n'en est pas moins
soumise à l'action favorable de la
pesanteur,
les phénomènes de constriction physiologique et
matérielle ne sont pas
constants
:la circulation de retour,
au contraire, esttoujours
là, pesant
parl'intermédiaire de
ses veinules sur l'ondée artérielle et la nappe
capillaire.
Ayant
à lutter contre la pesanteur, cette circulation se fait
avec assezde difficulté dans lemembre inférieuret son
effet
doit surtout se faire sentir à l'extrémité même
de
ce mem¬bre, à l'articulation du gros
orteil
parconséquent. L'action
exercée à ceniveau, l'entrave
apportée
aucourant veineux
de retour, peutêtre
représentée,
eneffet,
parunecolonne de
liquide ayant pour
hauteur la distance qui sépare l'articula¬
tiondu cœur :et le poids de cette
colonne serait celui d'une
colonneayant cette
hauteur et ayant
pourbase la surface
qui nous occupe.
Quelle
quesoit la vitesse de la circulation,
la distance restetoujours la
même, les effets de la pesanteur
sont donc toujours aussi
efficaces. Si même l'impulsion
venue d'en bas était par trop
énergique, rien ne serait
changé à l'action de la
pesanteur, seule, la veine tendrait à
se dilater.
C'est donc là une force bien constante
dont l'effet est de
retarder la circulation du sang veineux.
Et remarquons qu'elle
estd'autant plus efficace
queles causes de constric¬
tion et d'obstacle, à l'arrivée del'ondée
artérielle, sont plus
prononcées :
à
cemoment,
eneffet, la vis à tergo, si impor¬
tante toujours dans la
circulation veineuse, perd pas mal
desa puissancepar
la diminution de pression et de vitesse.
D'ailleurs, le changement de
direction de la circulation
veineusequi, au
pied,
sefait des veines profondes aux vei¬
nes
superficielles, et, à la jambe, des veines superficielles
aux veines
profondes,
commel'ont démontré Houzé et
Le Dentu, ne peut que contribuer au ralentissement de celle-ci.
Lui viennent encore en aide les contractions musculaires,
assez rares il est vrai, qui,
énergiques
etintermittentes,
s'exerceraient en même tempssur toute l'étendue de l'arbre veineux (Le
Dentu).
Enfin, la reproduction ou la continuité de ces conditions défavorables à l'écoulement du sang noir produit l'insuffi¬
sancedes valvules. Cette
insuffisance,
manifeste déjà chez le nouveau-né (20 0/0, Poirier etLestrade),
s'accentuede plusen plus avec
l'âge
: à 25 ans 170/0,
48 ans 250/0,
54 ans 400/0, 70 ans 810/0(Klotz).
Aussi, dès l'âge mûr, lesang peut-il refluer pluslibrement,
et l'effet du reflux au niveau des embouchures des grosses veines s'ajouterà celui de la pesanteur.En définitive, de ce retard dans la circulation de retour, jointaux obstacles à l'arrivée du sangartériel et aux obsta¬
cles capillaires, il résultenécessairementun trouble dans la nutrition de l'articulation du gros orteil située pour ainsi direau centremême, au point de rencontrede tous ces fac¬
teurs
d'hyponutrition.
Que ces troubles soientlégers,
nous n'en disconviendrons pas : la nature a des ressources pour lutter contreces petits accidents. Mais il n'en est pas moinsvrai qu'à la longue, et surtout chez des individusprédisposés
héréditairement
ou accidentellement, cette articulation pourra se ressentir de ces troubles de nutrition et devenir unpointfaible, un lieu favorable à l'éclosion de certaines manifestations des troubles nutritifsgénéraux.Il faut faire en effet une part assez large,
étant admise la défectuosité
de nutrition de l'articulation du gros orteil, auxhaumatismes
fréquents dont elle est lesiège
et aux afiec- tions qui se présentent assez souvent dans son voisinage, et tenir compte aussi du rôle importantqu'elle joue dans les phénomènes
de la marche.Cette articulation est très
exposée,
vu sapropresituation à
lu partie antérieure et interne du pied, le volume
du
grosD.
— 18 —
orteil et sa position en avantde la lignedes autres. Aussi, les contusions de toutes sortes — les tractions exercées sur le gros orteil par la chute d'un poids lourd ou par suite de son engagement sous un obstacle,— les heurts de l'extrémité du pied violemment chassé contre une partie résistante, — les chutes sur le bout du pied, les mouvements forcés d'exten¬
sion et de flexion, etc., — les diverses variétés de chocs portant sur le premier métatarsien, l'orteil se trouvant im¬
mobilisé : en un mot, tousles traumatismes portant sur
les
deuxos constituantl'articulationretentiront sur celle-ci plus
ou moins fortementselon leur gravitépropre. Et
l'on
pourra y trouver soitun simple endolorissement,soit du froissement,du tiraillement, et mêmeune entorse et uneluxation.
De plus, nous rencontrons un certain nombre d'affections du gros orteil et de l'extrémité antérieure du premier
méta¬
tarsien dontl'effet estde nuire secondairement au bon fonc¬
tionnement, et quelquefois même de modifier lastructure
de
l'articulation. Ce n'est généralement pour elle qu'une
impo¬
tence momentanée, due à une immobilisation pour
ainsi dire instinctive,
sous l'influence de la lésion du voisinage ;mais
il n'en résulte pas moins parfois des troubles
nutritifs et
fonctionnels.
Parmi ces affections, les excoriations, les
ampoules,
pour- peu qu'elles se prolongent, en amenant delalymphangite et
une certainegêne des mouvements, — le
panaris, à cause de
sa localisation à la face inférieure du gros
orteil
etde
sadou¬
leur excessive, -— les fractures et lesostéites, —les
exostoses
sous-unguéales, — les synovites consécutivesàla marche, la
blennorragie, les rhumatismes ou la
syphilis,
—les inflam¬
mations des bourses séreuses normales ou
accidentelles,
etc., amènent généralement une
hyperextension du gros
orteil ayant pour but de le soustraire autant que
possible
aux pressions déterminées par la
marche.
Lesdéviations
latérales du gros orteil sous l'influence de chaussures
trop
étroites et tropcourtes, depuis la
simple déviation de la pha¬
lange jusqu'à la luxation
métatarso-phalangienne,
—modification
imprimée
à la marche pour éviter la douleur- dansl'ongle
incarné, en faisant portersur la partie interne de l'articulation une partiedu poids du corps, — les formesassez rares de gros orteil en marteau ; etparmi celles-ci l'in¬
flexion dite de Fochier, due à la
paralysie
dulong
péronier latéral et caractérisée par la flexion de la première phalangeetl'extension de la seconde, etc., ont pour effet de déformer l'articulation en produisant une luxation plus oumoins pro¬
noncée de la
phalange,
difformité qui ne sera pas sans nuirebeaucoup
à sa résistanceet à sa force.Enfin,
indépendamment
de ces causes, qui ne sontaprèstoutqu'assez exceptionnelles, il nous reste à nous occuper du rôle de l'articulation du gros orteil dans les divers phéno¬
mènes de la locomotion (marche, course, saut). La marche est un mouvement composé de pas. Ceux-ci comprennent des
temps
successifs égaux entreeux, pendant chacun des¬quels unejambe est en contact avec le sol et sert de point
d'appui
et demoteur au tronc, pendant que l'autre oscille et seporte en avant à la rencontre du sol pour y devenir à son tour pointd'appui
et moteur. Chacun de ces deux mouve¬ments se
décompose
en plusieurs autres qui, en dernièreanalyse,
se résument en ceci. Lemembre inférieur étantenextension plus ou moins complète dans ses diverses articu¬
lations,
au moment de se porter en avant, doit prendre unpoint
d'appui
solide sur le sol pour permettre aux divers muscles de se contracter et de le soulever. Ce pointd'appui,
il le prend surtout par l'intermédiaire du gros orteil, en même
temps
qu'il basculeautour de l'articulation métatarso-Phalangienne.
Acemoment-làdonc repose surelleunebonne Partie du poids du corps.Quand la marche se faiten montant ou en descendant, le Poids du corps reposant sur l'articulation est encore aug¬
menté par le fait qu'à un moment donné elle supporte à elle seule toutle poids, alors que dans la marche ordinaire il est réparti toujours entre les deux membres.
La course se
compose d'un certain nombre depas rapides
- 20 —
pendant
lesquels tantôt le
corps repose surle sol et tantôt
le corps tout
entier
est enl'air. Le saut
secaractérise
par un détachement brusquedu corps qui,ainsi lancé,
varetomber
plus loin. Dans cesdeux
mouvements,c'est
unedouble fati¬
gue, un
double travail qui incombe à l'articulation du
grosorteil au momentoù le corpsprend sur le
sol
uneforte im¬
pulsionetau moment
où il retombe
en sefléchissant et amor¬
tissant sur elleen partie son proprepoids.
Et quel
surcroît de fatigue n'occasionnent
pasà cette arti¬
culation certains exercices violents, certaines
distractions
même ! La danse, par
exemple,
avec ses passi variés, ses
mouvements de flexion et d'extension des articulations
du
pied, et surtoutle point d'appui important qu'elle prend sur
le gros orteil pour lui
faire
supporterle poids du
corpsou
s'en servir de centre de rotation. C'est bien là un
excès d'ac¬
tivité qui à la longue
retentirait
sur sastructure même. Que
constatons-nous en effet chez les danseuses de
profession !
Le fait de la pression constante
supportée
parl'extrémité
interne du pied ne
tarde
pasà
amener unépaississement et
un étalement du gros orteil, la
formation d'une bourse
séreuse volumineuse au-dessous de lui et d'une
seconde au-
devant de la tête du métatarsien qui, lui
aussi, sert de point
d'appui et presse
fortement
surle sol.
unépaississement
consécutif de la portion
fibro-glénoïdienne de
cedernier et
unétat
d'hyperextension du
grosorteil, sinon même de sub¬
luxation en hautdesaphalange.
Quoi qu'il en
soit, les divers mouvements de locomotion, si
fréquemment
répétés dans la journée, amènent à la longue
desmodificationsnutritives del'articulation,une
sorte d'attri-
tion mécanique des
surfaces
encontact et, comme l'ont
montré les analyses
de Frerichs,
unealtération chimique de
la synoviale, en
même temps qu'une excitation exagérée des
régions dela
moelle
enrapport
avecelle. Ajoutons à cet état
intime l'affaiblissement dù aux traumatismes
si fréquents,
quoique
plus
oumoins
graves ;remarquons la tendance
qu'elle
présente à
setrouver
enhyponutrition. Par suite,
nous ne nous étonnerons pas de l'influence rapidement néfastequ'auront sur elles les
dyscrasies;
et nous aurons, ce nous semble, la raison du locus minorisresistentiœqu'est l'articulation du grosorteil vis-à-vis d'elles, vis-à-vis en par¬ticulier des dyscrasies caractérisées par le ralentissement plus ou moins général de la nutrition de l'organisme.
III
Arthrite du gros
orteil d'origine
goutteuse.Parmi les manifestations
dyscrasiques
de l'articulation métatarso-phalangienne, la plus fréquente estsans contredit l'arthrite goutteuse franche. Cette localisationdeprédilectionde la goutte est un fait d'observation bien connu de tout temps, signalé dans la littérature médicale des Anciens et confirmé par les recherches modernes. Scudamore, sur un total de 516 cas, a vucette articulationenvahie seule 314 fois.
Lesstatistiques de Braun et de Garrod sont encore plus con- firmatives : sur 40 cas, 36 localisations à l'articulation du grosorteil, d'aprèsBraun; et Garrodpose en principe
d'après
ses recherches que sur 100goutteux 5 seulementenmoyenne échappent à cette localisation. En revanche, lescasde goutte
où les orteils ont été entièrement respectés sont
excessive¬
mentrares. L'on ne peut guère citer qu'un cas de
Garrod et
deux faits publiés parCharcot, l'un personnel et l'autre
dû à
Desgranges, cas où l'autopsie etl'examen anatomique
révé¬
lèrent des incrustations d'urate de soude dans toutes les jointures, sauf précisémentaux orteils.
Cette arthrite goutteuse, connue depuis si longtemps, a
suscité depuis les premiers praticiens grecs
jusqu'à
nos jours de nombreuses recherches dans le but d'expliquer sa pathogénie. Sans remonter jusqu'auxpremières théories,
nous nous contenterons d'énumérer, parmi celles
qui ont
eucours de nosjours, les plus
célèbres,
que voici :lo Théorie des troubles nerveux (Cullen et
Braun).
--Elle
fut reprise en 1880 par sir Dyce Duckworth, qui
l'expliquait
par l'existence d'une névrose primitive, dont
la lésion porte
sur les centres médullaires trophiques des
articulations,
— 23 —
influençant
les facultés d'assimilation et de sécrétionet per¬vertissant lesrapports de l'acide urique et des sels de soude dans le sang. Plus tard, en 1892, il sacrifia aux idées cou¬
rantes et combina la théorie neurotique et la théorie humo¬
rale.
2° Théoriede Vuricémie. — Cette théorie, qui eut une si grande vogue, est due à Garrod, qui regardait commecarac¬
tères
pathognomoniques
de la goutte l'excès d'acide urique dans le sang etl'insuffisance de l'excrétion rénale.3o Théorie
gastro-hépatique de
Murchison.4° Théoriedu ralentissement de la nutrition. — Analogue
en certains points à la théorie par défaut d'oxydation de Bence Jones, la théorie de Bouchard donne le plus grand rôle à la présence d'un excès d'acides organiques dus au retard de la nutrition et rangela goutte parmi lesdyscrasies acides, dans la famille des maladies arthritiques.
5° De nosjours, les idées nouvelles tendent à faire de la goutte non pas seulement une diathèse urique, mais une altération agissant sur la vitalité des cellules, qui laissent alors apparaître l'urate de soude.
Lécorché,
qui défend enFrance la théorie de Garrod, expli¬queen outre les modifications
imprimées
àl'organisme
par le rôle des ferments.En Allemagne, de même, les recherches deKlemperer, van
Noorden,
Kolisch et Ebsteinsur lagoutte s'oriententdu côté
de l'étude de certains ferments.
Au dernierCongrès de la Bristishmédical
Association, tenu
enaoût dernier àIpswich, M. William
Kingrose Gore indique
comme pathogénie l'existence d'une toxine due
à des
germesintroduits
par la nourriture et agissant surle système
ner¬veux; l'acide urique dans le sang n'est
qu'un symptôme et
nonpas la cause de la goutte, et il est
dû à l'action de 1°.
toxine sur le foie. M. Garrett Anderson rejette
cette théorie toxique
et admet celle d'un trouble dans les échanges nutri¬tifs,
d'une insuffisante élimination desproduits et d'une
combustion imparfaite.Ainsi, le grand nombre de ces théories montre combien nous sommes loin de connaître le processus intime de la goutte. Aussi est-elle bien vraie la parole de cet auteurqui écrivait, à la fin de son étude pathogénique: « Au fond, nous ne sommes guère plus avancés qu'au temps si lointain où
Arétée deCappadoce déclaraitqueles dieux seuls connaissent la véritable nature de la-goutte. »
Symptomatologie.— L'arthrite du gros orteil symptoma- tique de la goutte se présente fort heureusementavec des caractères tout à faitparticuliers et qui ne laissent aucune
place au doute.
Dans la
p'ius
grande généralité des cas, son apparition est précédée d'un certain nombre de symptômes ditsprémoni¬
toires et qui sont dus à l'évolution même de la goutte dans l'organisme. Ce sont desmanifestations du côté de la peau
et
des muqueuses, des
névroses,
des fluxions, des.troubles
génitaux, des dyspepsies, quelquefois même descoliques
néphrétiques, de la lithiasebiliaire, etc.Puis l'accès se produit, généralementau milieu
de la nuit,
et l'articulation métatarso-phalangienne atteinte
présente les
éléments suivants, dont la description a été si
magistrale¬
ment faite par Sydenham et Trousseau.
L'accès de goutte réveille le malade par une
douleur terri¬
ble, qui augmente d'intensité et ne tarde pas à
devenir into¬
lérable : sensation de torsion ou de dislocation, de clou ou de coin enfoncé dans l'articulation, d'étau ou de
brodequin
écrasant lepied. Cettedouleuroccupelesextrémités osseuses,
surtout les parties latérales; elle est spontanée
et s'accom¬
pagne de sensations subjectives de chaud ou
de froid, sensa¬
tionsd'onglée, de plomb fondu ou d'huile
bouillante. Enfin,
toutepression, tout mouvement, tout
ébranlement de l'arti¬
culation l'exagère au plus haut degré.
Accompagnant constamment cettedouleur, et
quelquefois
même, mais bien rarement, la devançant,
l'on trouve du
gonflement articulaire. Il succède à une
congestion veineuse
de la jambe qui, peu de temps avant
l'accès, atteint son
maximum et se localise au niveau du gros orteil : la peau devientviolacée, degros vaisseaux variqueux la sillonnent etl'œdème se produit. C'est là, contrairement à ce que pré¬
tend Gairdner, une fluxion active, un œdème aigu localisé
sous l'influencedu travail irritatif dont l'articulation vaêtre lesiège. Ace momept, la fluxion séreuse se manifeste dans l'intérieurdel'articulationainsi quedans les bourses séreuses et lesgaines voisines,amenantla distension del'articulation, le tiraillement des ligaments et des parties environnantes et la douleur au moindre mouvement. L'orteil parait alors
énormeet déformé, surtout sur les côtés, où il n'estpas rare devoir la tuméfaction partir d'une saillie piriforme. Delà l'œdème gagne le tissu cellulaire voisin et envahit le dos du pied jusqu'au voisinage de l'articulation tibio-tarsienne, pro¬
duisant un empâtementuniforme rougeâtre.
En même temps se montre au niveau de l'articleune colo¬
ration spéciale de la peau, rougeur variant de la couleur lie
de vin à la teinte éclatante de la
pivoine.
La peaudevient
luisante etvernissée, rappelant l'aspect de la
pelure d'oignon (Trousseau).
De même que la tuméfaction,cette rougeurpart
d'un point maximum situé sur le côté de l'orteil et va en se diffusant graduellement et en diminuantd'intensité.
Elle ne va cependant pas sans une certaine
élévation de température
qui, au niveau del'articulation, commel'a
mon¬tré Lécorché, peut même dépasser 1
degré.
Lestempératures
comparées des deux orteils cheztrois malades lui ont donné les résultats suivants :Orteil sain 29°5 30° 30°
Orteil malade 31°5 31°5 32°
En même tempsque ces
phénomènes locaux
semontrent
des troubles
généraux,
queBouchard
asi bien décrits
sous le nom defièvre
goutteuse. Etatvultueux de la face
;céphalée frontale,
gravative ; agitation,modifications du caractère:
Symptômes
gastriques ; poulsentre 80 et 100
;température
généralementau-dessus de 39°avecexacerbationsvespérales; urines très rouges, laissant déposer
des sédiments d'urate
— 26 -
ou d'acide urique, et présentant quelquefois de l'albumine pendant les accès intenses.
Cet état ne tarde pas, dans les vingt-quatre ou trente-six heures,à atteindre son maximum ; l'arthrite reste ainsifixée à cette articulation pendant six à sept jours;
après
quoitous lesphénomènes s'apaisent en même temps. Fréquem¬
ment, à la suite de ces accès aigus, semontrentauvoisinage de lajointure des collections liquides qui ne tardent pas
à
s'épaissir et à se dessécher, laissant une masse crayeuse d'urate de soude, le tophus, ce signepathognomonique dela
diathèse goutteuse.
Telle est la
description
de l'arthrite goutteuse aiguë. Ajou¬tons pour terminer notre étude quelques mots d'étiologie.
C'est ordinairement chez l'hommerobuste, sanguin et cor¬
pulent que se montre la goutte franche, entre trente etcin¬
quante ans. Les statistiques de Scudamore donnent une moyenne de 204 goutteuxpour cette période de la vie, alors
que de cinquante à soixante ans l'on n'en rencontre que38.
Les excès alimentaires; une nourriture trop abondante
et
trop exclusivement azotée; l'usage de certaines boissons, vins fins et généreux, bière, porter en Hollande et en Angle¬terre ; le défaut d'exercices, les travaux intellectuels et les émotions morales sontlescausesles plus connues et les
plus
habituelles de l'accès de goutte.
IV
Arthrite
d'origine
saturnine.La diathèse goutteuse se manifeste quelquefois par son arthrite habituelle du gros orteil sousl'influence très nette¬
ment observée de l'intoxication saturnine. L'on s'accorde généralement aujourd'hui, sauf Garrodet Charcot qui hési¬
tent àse prononcer, pour regarder
le'plomb
commela cause efficiente de la goutte dans ces cas, comme jouant le rôle prépondérantdans cette manifestation. Bien rares sont les observations où les saturnins chroniques présentaient des antécédents goutteux ou bien y étaient destinés par leur régime alimentaire ou leur genre de boissons (Christinson,Bernet).
Les nombreux travaux faits depuis Musgrave, Falconer et surtoutGarrod, en AngleterreparTodd, Burrow et Begbie,et
en France par Charcot, Lancereaux, Potain, Bucquoy et
Gallard,
dont l'excellente monographie contient 55 observa¬tions
françaises,
n'ont pu, tout en fixant le rôle causal duplomb,
donner une explication suffisante de ce mécanisme.D'après
Garrod, l'intoxication plombiqueamenaitune accu¬mulation d'acide urique dans le sang, une néphrite intersti¬
tielle et, par suite, une imperméabilitéplus ou moins rapide du rein.
Boucliardat, Murchison, Haig admettent une lésion plus
ou moins prononcée du foie amenant la production en excès d'urée, d'acide urique et d'acide oxalique qui ne tardent pas àaltérer le rein et produire des troubles dans l'élimination.
L'on sait que le foie est des plus disposés à ressentir l'action nocive du plomb.
Pour Pouey, l'altération du foie, toujours atteint chez les