FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1899-1900 N° 101
QUELQUES RECHERCHES
SUR LA
FRÉQUENCE DE LA RÉCIDIVE
DANS LE ZONA
AU POINT DE VUE DE SES RAPPORTS
AVEC L'ÉTIOLOGIE DE CETTE AFFECTION
THÈSE
POUR LE DOCTORAT ENMÉDECINE
Présentée et soutenue publiquement le 27 juillet 1900
PAR
^
Henri-Jean-Baptiste CAZÈREs|& ^
Né à Bours(Hautes-Pyrénées),legseptembre 1873.
/ MM.PITRES,professeur Président.
BHmi.at.ur. U 1. Thé..: ')
VS°DS' !>roresseur
AUCHE,agrege )Juges, HOBBS,agrégé 'Le Candidat répondra aux questions quilui seront faites sur les diverses partie»
de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
G. GOUNOU1LHOU, IMPRIMEUR DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
II, RUE GUIRAUDE, II
I900
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | AI. PITRES Doyen honoraire.
PROFESSEURS:
MM. MIGÉ
DUPUY (] Professeurs honoraires.
MOUSSOUS
Clinique interne . . .
j
Clinique externe. . .
Pathologieetthérapeu¬
tique générales. . .
Thérapeutique. . . .
Médecineopératoire .
Clinique d'accouchements.
Anatomiepathologique. .
Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie ...
Hygiène
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
COYNE.
CANNIEU.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
Médecine légale . Physique ....
Chimie
Histoire naturelle Pharmacie . . .
Matière médicale.
Médecine expérimentale .
Clinique ophtalmologique.
Clinique des maladies chi¬
rurgicales des enfants.
Clinique gynécologique Clinique médicale des maladies des enfants Chimie biologique . .
MM.
MORAGHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIÉGHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
AGREGES EN EXERCICE:
section de médecine(Pathologieinterne etMédecinelégale.) MM.CASSAET.
AUCHÉ.
SABRAZÈS.
MM. Le DANTEG.
HOBBS.
section de chirurgie et accouchements
Pathologieexterne.
MM.DENUCÉ.
| VILLAR.
| BRAQUEHAYE CHAVANNAZ.
. , , )MM. CHAMBRELENT.
Accouchements.<
FIEUX
Anatomie
section des sciences anatomiques et physiologiques
IMM.PRINCETEAU. 1 Physiologie . . . MM.PACHON.
' 'I N... Histoire naturelle. BEILLE.
Physique.
section des sciences physiques
MM. SIGALAS.— Pharmacie . . M. BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES:
Cliniquedes maladiescutanées et syphilitiques MM.DUBREUILH.
Cliniquedes maladies des voies urinaires POUSSON.
Maladies dularynx, des oreillesetdu nez. . MOURE.
Maladies mentales RÉGIS.
Pathologie externe DENUGÉ.^
Pathologie interne RONDOT.
Accouchements CHAMBRELENT.
Chimie . DÙPOÙY.
Physiologie PACHON.
Embryologie N...
Ophtalmologie LAGRANGb.
Hydrologieetminéralogie CARLES. _
Pathologie exotique . . LE DAÎsTbG.
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1679, la faculté a arrêté que les opinions émises dans les
Thèses<pii luisont présentéesdoivent être considérées comme propresà leursauteurs, qu'ellenentend leur donnerni approbation niimprobation.
A MON
PÈRE
ET A MAMÈRE
A MA SOEUR ET A MON
BEAU-FRÈRE
A MES PARENTS
A MES AMIS
:
MONSIEUR
LE
DOCTEUR W.DUBREUILH
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
CHARGÉ DU COURS COMPLEMENTAIRE
DES MALADIES CUTANÉES ET SYPHILITIQUES MÉDECIN DES HOPITAUX
A MON PRÉSIDENT DE THÈSE
MONSIEUR LE
DOCTEUR PITRES
DOYEN HONORAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
MEMBRE CORRESPONDANTDELA SOCIETE DEBIOLOGIE
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
INTRODUCTION
Un théorie relativement récente fait du zona une maladie générale, de nature infectieuse, ayant
quelque analogie
avecles fièvres éruptives, et conférant, comme
elles, l'immunité.
Cette théorie, qui a rallié aujourd'hui un
grand nombre de
suffrages, repose en partie sur
la non-existence,
ou,tout
au moins, l'extrême rareté de la récidivedans le
zona.Ayant
eu l'occasion, il y a peu de temps,d'observer
un casoù cette
récidive était nettement caractérisée et indiscutable, il nous
a paru intéressant de grouper les cas
similaires dans
une monographie qui constituera notretravail inaugural.
Afin deprocéder parordre,
il
nousparaît bon d'en
exposertout d'abord leplan. Dans une
première partie,
nousétudie¬
ronsl'étiologie du zona etla
distinction qu'il faut établir entre
le zona vrai ou idiopathique et les zonas
symptomatiques
d'une autre affection ; la deuxième partie sera
consacrée
auxobservations de récidives uniques ou
multiples
que nousavons pu recueillir; enfin, le
troisième chapitre comprendra
la discussion et l'interprétation de ces
faits cliniques, et
serasuivi des conclusions qui en découlent.
Avant d'aborder notre sujet, qu'il nous
soit ici permis de
remercier M. le professeur agrégé
W. Dubreuilh de la
bienveillance aveclaquelle il nous a guidédans ce travail, dont
l'idée lui appartient.
Que M. le professeur Pitresveuille bien agréernosmeilleurs
sentiments de gratitude pour l'honneur qu'il nous fait en
acceptantla présidence de cette thèse.
QUELQUES RECHERCHES
SUR LA
FRÉQUENCE DE LA RÉCIDIVE
DANS LE ZONA
AU POINT DE VUE DE SES RAPPORTS
AVEC L'ÉTIOLOGIE DE CETTE AFFECTION
CHAPITRE
PREMIER
Étiologie du
zona.Lorsqu'on se trouve en
présence d'un
casde zona qu'on
vient de diagnostiquer, on a
tout d'abord l'idée d'en recher¬
cher les causes étiologiques, de remonter
à la
sourcedu mal,
pour essayer d'en
connaître la nature. Il arrive souvent, en
effet, que le malade présente, en
même temps que son érup¬
tion, soit une lésion
pulmonaire tuberculeuse
ouautre, soit
une lésion de la colonne vertébrale, soit une
lésion médul¬
laire, soit une intoxication,
soit
untraumatisme quelconque.
Danstous ces cas, on admet
facilement
quele zona est causé
par l'affection concomitante que
l'on constate, qu'il n'est, en
somme, qu'un symptôme de
la maladie générale qui l'accom¬
pagne. On a alors affaireau zona
symptomatique.
Dans d'autres cas, au contraire,
les recherches précédentes
sont infructueuses : on ne trouve rien qui
puisse expliquer
l'éruption cutanée. On dit
alors
que cezona, qui survient
brusquement chez un sujet
bien portant auparavant, constitue
à lui seul toute la maladie; qu'il forme une
entité morbide : le
zona idiopathique.
— 12 —
C'est surtout cette dernière variété que nous nous propo¬
sons d'étudier dans ce chapitre; mais, afin de le bien diffé¬
rencier du premier, passons rapidement en revue l'étiologie
du zona symptomatique.
1° Zona symptomatique.
Que l'ondonne àcette variété le nom de zona symptomati¬
que ou, mieux, celui que lui a donné Landouzy d'« éruptions
zostériformes », il n'en est pas moins vrai qu'elle peut relever
de causes nombreuses, dont les principalessontles suivantes: A. Lésions nerveuses (centrales et périphériques).
B. Intoxications.
C. Infections.
D. Traumatismes.
A. Lésions nerveuses. — Il est rare d'observer le zona à la suite des maladies cérébrales; mais les maladies chroniques
de la moelle en sont une cause beaucoup plus fréquente, etles tabétiques, en particulier, sont assez souvent atteints de zona;
il est vrai que la fréquence des névrites périphériques chez
eux permet de faire rentrer un certain nombre de ces cas
dans le groupe suivant.
Un grand nombre des cas de zona symptomatique sont
causés par des lésions nerveuses périphériques : compression
d'un nerf par un cal vicieux, une esquille osseuse, une exos- tose, etc.; névrites déterminées elles-mêmes par une cause plus générale : tuberculose pulmonaire, tuberculose osseuse;
cancer des vertèbres, traumatismes, tabès.
B. Intoxications. — On a signalé des éruptions de zona
à la suite d'intoxications causées par l'oxyde de carbone,
comme l'a bien démontré Leudet; par l'arsenic, parle
plomb,
parle sulfate de quinine et même par les moules. On a vu
une injection intra-musculaire de salicylate de mercure
être
suivie de zona, soit qu'il y ait eu, dans ce cas,
véritable
intoxication mercurielle, soit qu'il faille abuser une
simple
irritation locale.
On peut y rattacherpar
analogie les
casde
zonasurvenant
chez les diabétiques. Et il faut remarquer que toutes
les
causes étiologiques énumérées
dans
ceparagraphe sont
connues comme susceptibles de provoquer
des névrites
etdes paralysies; le zona ne
serait qu'une manifestation de
ces névrites, comme l'est laparalysie qu'on observe dans les
mêmes conditions.
G. Infections— Le zona
intercostal est fréquent dans la
tuberculose pulmonaire à la
période d'état. Leudet prétend
même que sur 86casde zona,
il
aobservé 20 fois la pleurésie
chronique, cause
présumée de la maladie. Certains auteurs,
Potain entre autres, pensent même que
le
zonapeut être
dans quelques cas un
symptôme prémonitoire de la phtisie;
mais il est peut-être
difficile d'affirmer
quechez les malades
en questionla
tuberculose n'était
pasdéjà
enétat d'évolution
plus ou moins latente.
Les tuberculoses locales peuvent aussi s'accompagner d'éruptions zostériformes
siégeant dans le voisinage du foyer.
D'autres maladies infectieuses, la pneumonie,
la grippe, la
rougeole ontétéincriminées
comme causesde
zona.D. Traumatismes. —Certains cas paraissent se
rattacher
plus ou moins directement
à
untraumatisme antérieur. On
peuten voir quelques
exemples dans les observations de zona
récidivant citées plus loin. Le processus
qui détermine ces
zonas se résume sans doute en la névrite
consécutive
au traumatisme; dans quelques cas,peut-être, n'y a-t-il qu'une
simple coïncidence entre
la
causesupposée et l'effet.
On peut rapprocher
de
ces zonastraumatiques ceux que
l'on observe à la suite d'un refroidissement,
et plus parti¬
culièrement sous l'action du froid humide
chez les sujets
rhumatisants. Peut-être même le coup
de froid est-il
suscep¬tible de favoriser la pénétration
dans l'organisme du germe
— 14 —
infectieux que l'on suppose nécessaire à la production duzona
idiopathique.
On voit, en somme, que toutes les causes de zona sympto- matique que nous citons, ainsi que quelques autres plus
rares, agissent par le même mécanisme et le même intermé¬
diaire : la névrite qu'elles déterminent, l'éruption étant la conséquence secondaire de la lésion nerveuse. On peut prévoir aussi que cette éruption sera susceptible de récidiver
si la névrite se reproduit, la cause primitive agissant de
nouveau; et en fait, nous verrons qu'il n'est pas très rare d'observer une série d'éruptions zostériformes se produisant
toutes au même point, ce qui semblerait bien indiquer que la lésion originelle non encore éteinte agit de nouveau pour
produire les mêmes effets. Il n'en est peut-être pas de même
dans le zona idiopathique, que nous allons maintenant étudier.
2° Zona idiopathique.
La nature du zona idiopathique semble être restée fort
obscurejusqu'à une époquepeu éloignée de nous. Cependant
Batemansemblaitdéjà pressentirsonorigine infectieuse
quand
il disait: « Cette maladie suit une marche semblable à celle de la petite vérole et d'autres exanthèmes fébriles. Elle est
précédée ordinairement pendant deux ou trois jours d'un état
de langueur, d'anorexie, de frissons, de céphalalgie,
de
nausées, de fréquence du pouls; et ces symptômes sontsuivis d'une chaleur brûlante, d'un sentiment de fourmille¬
ment à la peau et de douleurs lancinantes dans la poitrine et l'épigastre. Quelquefois, la fièvre qui précède cette
éruption
est si légère qu'on y fait à peine attention. »
Hardy considérait le zona comme une affection cutanée accidentelle à laquelle l'existence d'une névralgie
compliquant
l'éruption donne un caractère spécial, mais qui ne peutêtre
rangée ni dans la classe des fièvres ni dans celle des névral¬gies. On voit que son opinion est en quelque sorte
mixte,
bienqu'il eût remarqué la rareté de la récidive.
Trousseau et Borsieri se rapprochentbeaucoup
de l'opinion
qui tend àprévaloir actuellement et assimilent le zona aux
fièvres éruptives.
L'opinion de Moriz
Kaposi est à
peuprès identique : il
remarque que le zoster se
montre plus fréquemment
encer¬
taines saisons, à l'époque où
surviennent très souvent des
inflammations pulmonaires et
certaines variétés d'érythèmes,
tandis que dansd'autres
périodes de l'année
onn'en observe
point: «Pour ces zosters
qui,
engénéral, sont fréquents à cer¬
taines périodes, presque
épidémiques,
onpourrait admettre
qu'ils sont occasionnés par un
contage miasmatique.
»Les idées qui régnent
aujourd'hui
surl'étiologie et la nature
du zona, et qui sont à peu
près généralement admises, nous
viennent en grandepartie de
Landouzy. Qu'on
nouspermette
de citer ici quelques passages
de
cetauteur qui montrent bien
quelle conception il sefait du zona :
«Le zona, dit-il, en dépitde ses
allures qui semblent jurer
le type de maladie locale, en
dépit de
soncantonnement en
unerégion limitée du corps, peut
être invoqué
sansparadoxe
pourdéfendre la thèse des maladies
générales.
»Et il cite le
cas d'une femme de cinquante ans
atteinte d'un
zonadorso-
pectoral gauche. En dehors
de l'éruption typique, ni l'examen,
nil'interrogatoire de la
malade
nerévélaient rien
:ni douleur
spontanée niprovoquée, pas
d'éruption à la
gorge,à la vulve
ou à l'anus. Malgré cela, il y a une
température de 38°8, de
l'inappétence et une langue
saburrale. Par conséquent, le
zona semble constituer ici à lui seul toute la
maladie. Plus
loin, il ajoute : «ce zona,la malade observée ne le refera
jamais, pas plus sur le tronc
qu'ailleurs, dans les conditions
exposées,c'est-à-dire d'unefaçon
spontanée et aiguë. Peut-être
fera-t-elle certaineséruptions
zostériformes ayant l'aspect exté¬
rieurdu zona, mais ces éruptions auront une
évolution toute
différente. Quant àrefaire une
maladie caractérisée par l'appa¬
rition spontanée, aiguë,
cyclique d'un exanthème vésiculeux
se terminant spontanémentpar
la guérison, notre malade en
devient à partir d'aujourd hui
incapable.
»— 16 —
Il établitune démarcation très nette entre la fièvre-zona ou zonaidiopathique et les éruptions zostériformes: « Les érup¬
tions zostériformes sont à la fièvre zoster ce que les éruptions
scarlatiniformes sont à la scarlatine : ce sont des zonas symp-
tomatiques; elles ont objectivement un aspect identique, mais
la différence apparaît à l'évolution de la maladie. Dans le zona
idiopathique, l'éruption se fait spontanément, d'une façon aiguë, avec fièvre, et se termine en quelques jours. Les érup¬
tions zostériformes, au contraire, s'échelonnent, sans fièvre personnelle, le long d'un nerf douloureux, depuis qu'il aura été enserré dans un cal vicieux; elles récidiveront le long
d'un nerf comprimé par une esquille ou une exostose; elles apparaîtront de temps en temps le long d'un membre tabéti-
que, consécutivement à des blessures de la cuisse ou du bras.
La cause duzoster est une, toujours la même : l'infection; la
cause des éruptions zostériformes est variable. L'évolution du
zoster se faitd'une manière presque cyclique, suivant un type
presque invariable; l'évolution des éruptions zostériformes est
aussiimprévue que celle du zoster estréglée : elle reste subor¬
donnée tout entière à la durée, à l'intensité, à la persistance, à l'extinction, à la récidive de la lésion nerveuse. »
Cette hypothèse du zona maladie aiguë, infectieuse, attei¬
gnant le système nerveux et secondairement la peau, confé¬
rant l'immunité, a été émisepar Landouzy vers 1883;
depuis
lors, elle a rallié un grand nombre de suffrages. Iln'en estpasmoins vrai que la preuve directe nous manque. L'agent
infec¬
tieuxou parasitaire, causeimmédiate de lamaladie, n'a
jamais
été isolé, et son existence n'est même pas prouvée.
Pfeiffer
avait bien cru découvrir dessporozoaires dans les lésions zoste- riennes; mais, depuis, on est revenu sur cette idée et on a
reconnu que ce n'étaient que les grandes cellules à noyaux multiples qu'on retrouve toujours dans ce que Unna a
décrit
sous le nom de «dégénération ballonisante », état
qui s'ob¬
serve aussi dans d'autres fièvres éruptives, telles que la vari¬
celle, mais à un moindre degré que dans l'herpès zoster.
Nous ne verrons pourtant pas là une raison suffisante pour
mettre en doute la théorie de Landouzy: 011 admet bien la
natureinfectieuse de certaines maladies, telles que la variole,
larougeole, la scarlatine, la varicelle, les oreillons, la syphilis,
sansqu'on ait jamais isolé un microbe spécifique de chacune
de ces affections; pour d'autres, on discute encore sur la spécificité des agents qui en sont considérés comme la cause
première, sans qu'on doute pour cela en aucune façon de la
nature infectieuse de ces maladies.
Ilnous sera donc permis aussi, en ce qui concerne le zona, de chercher ailleurs que dans l'existence d'un agent spécifique
des éléments de conviction. Nous les trouverons assurément dans les caractères généraux que présente toute maladie
infectieuse : les prodromes et l'état fébrile, l'épidémicité, la contagiosité, et enfin la non-récidive ou immunité dont nous nous occuperons particulièrement.
1°Prodromes et état fébrile. — Voici, en effet, comment débute, dans la majorité des cas, un zona : Unsujet, jusque-là
bienportant, estatteint de malaise, de courbature, de frissons, quelquefois de céphalalgie et de vomissements, avant qu'on puisse se douter qu'il sera atteint de zona. A cette période
s'observe aussi une adénopathie à peu près constante, analo¬
gue à celle que l'on observe dans d'autres maladies infectieuses
etque l'on nepeut expliquer à ce moment par une infection
secondaire qui, du reste, estrare dans le zona.
La fièvre manque rarement dans cette période prodromique qui ressemble singulièrement à la période d'invasion d'une
fièvre éruptive ou d'uneautre maladie infectieuse; et on com¬
prend facilement que certains auteurs aient comparé le zona
aux oreillons, à l'érysipèle de la face, et même à la fièvre typhoïde. Notons quelques cas plus nets :
Landouzy
constate chez la femme dont nous avons parlé ci-dessus une température de 38°8, de l'inappétence et unelangue
saburrale; chez une jeune fille, 38° pendant sept jours.Dans l'observation XXII, Jos. Grindon note 112 pulsations
Cazkres 8
- 48 —
et38°9; dans l'observation suivante,
Behrend trouve chez
sonmalade un pouls à 100, sans
élévation de température. En
généra], lorsqu'on rencontrede pareilles températures,
onsonge aussitôt àl'invasion
d'une maladié infectieuse; l'analogie
peutêtre, dans certains cas,
de nature à déterminer
uneerreur
de diagnostic. C'est ce que l'on
voit dans l'observation, relatée
dans la thèse de Debray, d'un malade
qui présentait, avant
l'éruption de zona, absolumentl'aspect d'un typhique, avec
fièvre intense, température de
39°5, langue sèche et fuligi¬
neuse, haleine fétide, constipation
suivie de diarrhée, tous
symptômes qui expliquent
le diagnostic de dothiénentérie
porté jusqu'au moment où apparut
l'éruption caractéristique.
Il nous semble que ces faits plaident
éloquemment
enfaveur
de la théorie du zonamaladie infectieuse
2°
Épicléhiicité
du zona. —Comme
nousl'avons
vuplus
haut, Kaposi avait observé que
le
zoster semontrait plus
fréquemment eh. certaines
saisons
età certaines époques de
l'année, précisément celles où
surviennent aussi les inflam¬
mations pulmonaires. Landouzy est
du même avis. Cependant
une statistique dressée à
l'hôpital Saint-Louis n'est
pasfavo¬
rable à cette assertion; elle indique la
répartition suivante
des cas de zonas observés dans une année : 49 0/0 en
hiver;
270/0au printemps; 28 0/0 en
été; 24 0/0
enautomne.
11 n'en est pas moins vrai qu'on voit
souvent le zona se
présenter par séries de
plusieurs
casdont la réunion n'est
sûrement pas une simple coïncidence;
aussi Hardy disait-il:
«Unzona n'entrejamais seul àl'hôpital.»
Comment pourrait-on
admettre que, dans une localité où
l'on
neconstate pas un
seul cas de zona pendant une année entière, on
puisse voir
brusquement plusieurs personnes atteintes
dans l'espace de
quelques jours? Commentexpliquerque
certaines de
cesséries
sont forméesde cas bénins et sans complications,
tandis que
d'autres sont constituées parfois par des zonas
gangreneux ou
hémorragiques, si ce n'est par la variation
de malignité que
nous sommes habitués à constater dans les épidémies,
suivant
la constitution médicale régnante? Et les exemples de zona
épidémiquene sontpas rares :
G. Fischer note une épidémie de six cas de zona en cin¬
quante jours.
Walther raconte l'aventure de trois étudiants qui sont atteints, l'un après l'autre, de zona pour avoir habité suc¬
cessivement la même chambre.
Weiss soigne à la clinique de Prague quinze cas de zona en deux mois, pendant l'automne, alors que dans le courant de
l'année il n'en voyait que deux ou trois cas.
Ronzier-Joly décrit dans sa thèse inaugurale une épidémie
très curieuse de zona dans un village de 2,000 habitants, où,
en deux mois et demi (août etseptembre 1894), il soigne huit
cas classiques de zona. Le premier survient chez un malade
arrivant de Paris; le second concerne la tante de celui-ci, qui
est atteinte dans la même habitation au moment de la gué-
rison de son neveu; parmi les six autres cas, il y en a aussi
trois concernant le mari, la femme etla belle-sœur, qui habi¬
taient ensemble. D'ailleurs, dans ces huit cas, Ronzier-Joly ne
retrouve aucune cause étiologique, si ce n'est l'épidémicité, qu'il admet.
Gauthier (de Charolles) observe onze cas dans les mois de février et de mars 1889, pendant lesquels il y a eu des
variations atmosphériques très marquées. Il admet que l'épi¬
démie atteint surtout les sujets prédisposés ou diathésiques,
niais quele refroidissement favorise l'infection zostérienne.
Moriz Kaposi observe quarante cas en six mois.
Debray constate en 4892 cinq cas en quinze jours, et l'année suivante, sept cas aussi en quinze jours.
Ces faits, relativement nombreux et indiscutables, nous conduisent à admettre sans conteste l'épidémicité du zona, au moins dans certaines circonstances.
3° Contagiositédu zona.—■ Plus rare et moins bien prouvé
lue
l'épidémicité,
la contagiosité duzona nepossède pasmoins quelques faits à son actif.— 20 —
Trousseau admettait la contagion dans le zoster, et il cite
le cas d'un malade qui fut pris de zona au moment où sa
mère, atteinte de la môme affection, entrait en convalescence.
Besnier eut un de ses élèves qui, en soignant un zona
ophtalmique dans son service, contracta un zona
suivi de
paralysie faciale grave.Debray donne l'observation d'un domestique de
ferme
ayantcontracté un zona pour avoir couché dans le lit d'un de ses camarades qui avait eu la même affection huit jours aupa¬
ravant.
Erb cite aussi deux cas : dans l'un,unedemoiselle de trente- cinq ans, atteinte de zona intercostal, voit, six jours
après,
sa mère âgée de soixante-deux ans, atteinte d'un zosterlombo-
abdominal; dans l'autre, une vieille dame de
soixante-treize
ans, souffrant d'un zona intercostal gauche, le
communiqua
sans aucun doute à sa fille, qui eut aussi un zona intercos¬
tal. Dans les cas de zona épidémique de
Ronzier-Joly, cités
ci-dessus, 011 pourrait peut-êtreaussi faire
unepart à la
contagion.
llagopoff observe chez un garçon de quatorze ans un zona
à la fois lombo-fémoral, sacro-génital et
sacro-ischiatique. Au
moment où ce zona touche à sa fin, un autre malade
de la
même salle, atteint de mal de Pott
dorso-lombaire et de
tuberculose pulmonaire, fait à son tour un zona
lombo-
abdominal. Ce malade occupait le lit situé en face
de celui du
précédent, mais n'avait jamais été en contact avec
lui. Hago-
poff admet que le deuxième malade a
été contagionné
parle
premier, mais que la contagion
s'est limitée à lui et l'a choisi
de préférence, parce qu'il offrait un
terrain tout préparé par
son mal de Pott et sa tuberculose pulmonaire.
En somme, on peut conclure que, s'il existe
des
casde
contagion dans le zona, ces cas sont assez rares
et que la
contagiosité esttrès faible, bien que
parfois indéniable.
4° Immunité conféréepar le zona. — Remarquons
d'abord
que l'immunité est l'apanage des seules
maladies générales,
21
ou plutôt des maladies infectieuses. Elle est le résultat de
cette modification particulière de l'organisme au contact de l'agent infectieux ou des produits qu'il sécrète; c'est cette modification,inconnue du reste dans son essence, qui rendra
cet organisme inapte à une nouvelle infection. On comprend
facilement qu'une maladie locale, portant exclusivement son action sur un point limité du corps, soit incapable de réaliser
cet état d'immunité. Le zona, si on le considère comme un
trouble troplnque survenant chez un sujet diathésique, sera clans le même cas que la maladie locale dont nous parlons
et devra fatalement récidiver chaque fois que les causes qui
l'ont produit une première fois agiront de nouveau. Or, la majorité des dermatologistes pensent que la récidive est exceptionnelle dans cetteaffection. Le professeur Hardy disait
n'en avoir vu que deux ou trois cas dans sa longue carrière.
Neumann est du même avis : « Les[récidives de l'herpès zoster, dit-il, nous paraissent exceptionnelles. » Landouzy,
pour se convaincre, a observé et suivi seize malades atteints
de zona et n'a jamais vu chez eux se produire une nouvelle
atteinte. Cette expérience, il est vrai, nous semble peu con¬
cluante; elle porte sur un nombre beaucoup trop restreint
desujets et probablement aussi sur untemps trop court.
Du reste, il faut distinguer, comme il l'a fait, le zona
idiopathique du zona symptomatique au point de vue de la récidive, carsi la nature de la maladie est différente dans les
deuxcas, il n'y a pas lieu de s'étonner que la
récidive s'ob¬
serve dans l'un et non dans l'autre. L'éruption zostériforme symptomatique d'une lésion nerveuse,
d'une intoxication,
d'une infectioiij d'un traumatisme, récidivera chaque fois
que se reproduira la cause occasionnelle,
tandis
quele
zona idiopathique constituant à lui
seul
uneentité morbide,
une maladie de nature infectieuse devra théoriquement
conférer par cela môme l'immunité et ne
jamais récidiver.
En somme, nous venons de retrouver dans le zona les prin¬
cipaux caractères des maladies infectieuses qui l'assimilent à
elles: les prodromes et l'état fébrile,
l'épidémicité, la
conta-— 22 —
giosité y sontles mêmes dans un certain nombre de cas. Mais
il nous semble que le quatrième, c'est-à-dire la non-récidive,
faitparfois exception. En effet, malgré l'opinion générale qui fait
duzona une maladie conférant l'immunité,il nous aété possible
de nous convaincre qu'il existe des cas dans lesquels le zona s'estreprésenté une ou plusieurs fois chez le même malade.
Ces cas, bien que peu nombreux, nous ont paru par cela
même intéressants, ne serait-ce qu'à titre d'anomalies, et nous avons cru bon de réunir ici tous ceux que nous signalent les
auteurs qui se sont occupés de cette question ou qui les ont
observés parhasard.
Les observations de ces zonas récidivants feront l'objet du chapitre suivant. Il nous a paru utile de les diviser en deux
groupes : le premier renfermant les cas de zona à récidive unique; le deuxième consacré aux zonas à récidives multi¬
ples, ces deux variétés ayant probablement, ainsi que nous le
verrons, une étiologie différente.
CHAPITRE II
Observations.
PREMIER GROUPE : Zonas à récidive unique.
Observation I.
(W.Dubreuilh.)
Mme M..., âgée de cinquante-deux ans, se
présente à la clinique,
le 11 avril 1900, pour un zonaintercostal
gauche qui date de trois jours
etqui aété précédé, pendant
cinq
àsix jours, de fièvre et de déman¬
geaisons dansle territoiredel'éruption.
Ce
zonaest tout à fait classique;
il est constitué par six groupes vésiculeux
disposés
endemi-ceinture.
En examinantl'éruption actuelle, on remarque
dans la même région
une série de cicatrices dont l'aspect et le groupement sont tout à
fait
caractéristiques du zona. On
apprend,
eneffet, qu'il
y aseize ans, la
maladea euuneéruption de tout point
semblable
àl'actuelle, qui est
survenuesubitement, d'une seulepoussée,accompagnée
de douleurs et
constituée par des cloches pleines
d'eau qui furent percées par le
médecin.Cette éruptionguérit peuà peu en
laissant les cicatrices
quenous remarquons, et dont le caractère est encore
accusé par l'hypoes-
thésie trèsnettede certaines d'entreelles.
On trouve àgauchede l'ombilic un groupe
d'une quinzaine de cica¬
trices, de la grandeur d'une
lentille
àcelle d'un haricot, blanches,
planes, lisses, nettement hypoesthésiques.
Le
groupelatéral est repré¬
sentépardeux outrois petites
cicatrices. Le
groupepostérieur, large de
5 centimètres transversalement sur 3 centimètres de hauteur,
est
formé de cicatrices plus ou moins confluentes,
dont les
unesont
unesensibiliténormale, et lesautres sontanesthésiques.
Il est à
remarquerqueles cicatrices anciennessontcomplètement
respectées
parl'éruption
nouvelle. On remarquemêmesur le ventre un groupe
de quatre vési¬
cules,reposantsur unebase rouge,
qui s'arrête juste à la limite d'une
cicatrice.
- 24 —
La malade s'est mariée à dix-huit ans; à dix-neuf, elle a fait une fausse couche de trois mois; à trente-six ans, elle a eu son premier
zona; à trente-huit ans, une deuxième grossesse, terminéeheureuse¬
ment par la naissance d'un enfant qui vit encore; pendant qu'elle
nourrissaitcetenfant, est apparu, surle front, un groupede syphilides tertiaires, qui a continué à évoluer lentement jusqu'à ce jour. A qua¬
rante-cinq ans, troisième grossesse; avortement à trois mois, par suite
d'un accident.
Mme M... estbien portante. Elle fait desménages; elle n'a jamais pris d'arsenic, n'est pas exposée à des émanations d'oxyde de carbone, ne
présente aucunsigne de tuberculose. Elleest peut-être suspecte d'alcoo*
lisme. On ne peutdonc trouverlà l'étiologie deson doublezona.
Ladescription quefait la malade de sa première éruption, sa distri¬
bution unilatérale, l'absence de toute autre cicatrice sur le tronc, ne
permettent pas de croire que ces cicatrices pourraient être dues à des syphilides tertiaires guéries.
Observation II.
(W. Dubredilh,Archivescliniquesde Bordeaux, juillet1895.)
Mme X..., cinquante-cinq ans, vient me consulter, le 7 juin 1895,
pour un zona intercostal gauche siégeant au niveau des sixième et septième espacesintercostaux. L'éruption datait de quelquesjours etne présentait rien d'anormal; elle formait une bande presque continue,
mais les lésions étaient plus marquées en avant, où quelquesvésicules
offraientdéjà une teintehémorragique. L'éruption s'était accompagnée
de douleurstrèsvives, et je pus constater sur la bande éruptive des points anesthésiques très irrégulièrement distribués, comme il arrive
ordinairement.Je lui fis faire le traitement très simple quej'emploie
d'habitude pour le zona pendant la période d'éruption et qui consiste
simplement enpoudrages de talcet en un bandage de corps légèrement
ouaté, le toutdestinésimplementà éviter la rupture des vésicules et à
hâter leur dessiccation. Quelques jours après, elle revenait me
voir
: l'éruption avait avorté dans lesgroupespostérieurs, etles groupesanté¬
rieurs étaient en voie de dessiccation ; les douleurs et les troubles de la
sensibilitépersistaient encore.
J'avais remarqué sur le côté gauche de la poitrine de grandes cica¬
trices blanches, planes, dont la forme et la disposition étaient assez frappantes. Elles formaient deux groupes : l'un situé à gauche de
la
colonne vertébrale et correspondant aux troisième et quatrième espaces intercostaux;l'autre situéà lapartie supérieure du sein gauche.Chaque
groupe comprenait sept ou huit cicatrices
de grandeur très différente,
lesunes atteignant à peine la grosseur d'une lentille, les autres ayant
2 ou 3 centimètres. Les pètites sont arrondies; les grandes ont une
forme très irrégulière,un peuallongées dans lesens des espaces
inter¬
costaux, avec un contour net, mais déchiqueté,
géographique parfois,
formé de très petitsarcs de cercle. Elles sont toutes
blanches, souples,
assez superficielles, malgré leur décoloration
complète, et semblables
sur toute leursurface.
La forme et la disposition de ces cicatrices rappellent
absolument
celles que laisse un zona gangréneux, et cette
ressemblance est
con¬firmée parl'exploration de la sensibilité
qui montre à leur niveau
uneanesthésie presqueabsolue à la piqûre. La
sensibilité
estnormale
par¬toutailleurs etnotamment sur les cicatrices de vaccine du bras gauche
oude quelques furonclesdu dos. L'anesthésie se retrouve sur
toutes les
cicatrices des deux groupes, même les plus petites, et se
limite exacte¬
mentàleurétendue.
Eninterrogeantle malade, j'apprends que ces
cicatrices sont consé¬
cutives à une éruption survenue à l'âge de
neuf
anset constituée
par des groupes de très petits boutons;
elle s'est accompagnée de
douleurs très vives et a duré un mois.
L'auteur ajoute que, quoiqu'un zona avec processus
gangréneux,
douleur et anesthésie, soit anormal à l'âge de neufans,le
diagnostic,
dans ce cas, était imposé parla forme, la position, le
groupement des
cicatrices, l'anesthésie très nette et limitée. On ne
trouvait
pas,d'ailleurs, de cause occasionnelle à la récidive: pas
de lésion de la
colonne vertébrale; pas d'intoxication par l'arsenic ou par
Foxyde de
carbone; pas de tuberculose pulmonaire ou autre; pas
de
casde zona
dans l'entouragedela malade.
Observation III.
(Leudet, in Archivesgénér. demédecine,1887.)
Malade âgé de soixante ans,qui fut atteint
deux fois, à quatre
ansd'intervalle, d'un zona très caractéristique,
successivement
surles
deux côtés du thorax. Il souffrait depuis huit ans de
crises épilep-
tiques survenant d'abord la nuit, puis le jour.
Depuis cette époque,
il se manifesta chez luiune thrombose de la veine saphène gauche, et
peu après,des accidents cardiaques avec
impulsion sourde du cœur,
premier bruit empâté, quelquefois doublé; et
enfin,
unepleurésie
gauche. En 1887, le malade a présenté des
hématuries
sans aucunsigned'accidents vésicaux.