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Audience publique du 22 octobre 2020

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Texte intégral

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1 GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

COUR ADMINISTRATIVE

Numéro 44828C du rôle Inscrit le 13 août 2020

___________________________________________________________________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Appel formé par Madame ..., ...,

contre un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2020 (n° 43059 du rôle) en matière de protection internationale

Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 44828C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 13 août 2020 par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ..., née le ... à ... (Rwanda), de nationalité rwandaise, demeurant actuellement à L-..., dirigée contre le jugement rendu le 13 juillet 2020 (n° 43059 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a déboutée de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 avril 2019 portant refus de faire droit à sa demande en reconnaissance d’une mesure de protection internationale et ordre de quitter le territoire;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 7 septembre 2020;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport et Maître Marie MALDAGUE, en remplacement de Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick MULLER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 octobre 2020.

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Le 13 mars 2018, Madame ... introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le

« ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame ... sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

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2 Le 13 mars 2018, elle passa un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit le « règlement Dublin III ».

Les 19 et 22 octobre 2018, elle fut encore entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 29 avril 2019, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le 30 avril 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », résuma les déclarations de Madame ... auprès du service de Police judiciaire et de la direction de l’Immigration comme suit : « (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 13 mars 2018, le rapport d’entretien Dublin III du 13 mars 2018 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 19 et 22 octobre 2018 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez née le ... à ... au Rwanda et que vous seriez d’ethnie Hutu. Après le décès de vos parents, vous auriez été élevée par votre tante et son mari.

Après avoir terminé vos études secondaires et universitaires au Rwanda et en Inde, vous auriez quitté votre pays d’origine en direction de Dubaï où vous auriez travaillé dans le domaine de la parfumerie de 2014 à 2017.

Quant aux raisons de votre fuite vous évoquez des problèmes suite à la confiscation des biens immobiliers appartenant à votre famille. Vous expliquez que vos parents seraient décédés durant le génocide de 1994 et que votre maison familiale aurait été confisquée par les militaires. En 2010, vous auriez, d’après vos dires, reçu une première menace téléphonique pour avoir réclamé la restitution de vos biens immobiliers « dans les administrations » (page 6/24 de votre rapport d’entretien). Pour éviter davantage de problèmes, vous auriez en 2011 quitté votre pays d’origine pour poursuivre vos études en Inde. En 2014, à votre retour au Rwanda, vous auriez tenté de renouer le dialogue avec les autorités locales afin de récupérer votre maison. Quelques jours plus tard, des militaires armés auraient fait irruption chez votre tante où vous auriez habité et vous auraient insulté et frappé pour vous dissuader à continuer vos démarches.

Suite à ces évènements, vous auriez quitté le Rwanda en direction de Dubaï, où vous auriez vécu et travaillé jusqu’à votre premier retour au Rwanda en mai 2017. Vous y seriez retournée pour « un peu plus de trois semaines » (page 2/24 de votre rapport d’entretien) afin de préparer votre mariage avec .... Votre fiancé vous aurait alors parlé de Diane RWIGARA ainsi que de son rôle de « coordinateur » pour la collecte des signatures nécessaires au dépôt de la candidature de cette dernière pour les élections présidentielles. Par la suite, vous auriez sensibilisé des amis et les membres de votre famille aux idées de Diane RWIGARA, tout en soulignant que « Je n’avais pas un grand rôle dans son organisation. » (page 13/24 de votre rapport d’entretien).

Le 25 septembre 2017, jour de l’arrestation de Diane RWIGARA vous seriez retournée de Dubaï à ... pour les derniers préparatifs de votre mariage. D’après vos dires, votre fiancé aurait été enlevé et tué quelques jours après votre retour au Rwanda, car il aurait soutenu Diane RWIGARA. Vous poursuivez votre récit, en indiquant que vous auriez par la suite été

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3 interpellée le 10 octobre 2017, à la sortie d’un magasin par deux hommes en civil qui se seraient présentés comme « des gens qui assurent la sécurité du pays » (page 8/24 de votre rapport d’entretien). Ces derniers vous auraient alors bandé les yeux et emmenée en voiture dans un endroit inconnu. Là, les deux hommes vous auraient maltraitée et violée afin de vous soutirer les noms des gens qui collaborent avec Diane RWIGARA. Après avoir donné sous la contrainte le nom de votre défunt fiancé, ils vous auraient alors informée « qu’ils n’ont plus besoin de ce nom car ils en ont déjà fini avec lui. » (page 8/24 de votre rapport d’entretien).

Au moment où vous auriez accepté de témoigner contre Diane RWIGARA, vos malfaiteurs vous auraient libérée.

Vous auriez quitté votre pays d’origine en direction de l’Uganda. Après un séjour de sept mois à ..., vous auriez finalement embarqué à bord d’un avion en direction d’Amsterdam, avant de poursuivre votre trajet au Luxembourg en voiture. (…) ».

Le ministre informa ensuite Madame ... que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2019, Madame ... fit déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 29 avril 2019 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 13 juillet 2020, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta la demanderesse, tout en la condamnant aux frais de l’instance.

Pour rejeter le recours de la demanderesse, les premiers juges retinrent que ses craintes de persécutions en rapport avec son soutien à Madame RWIGARA dans le cadre des élections présidentielles en août 2017, ne seraient que purement hypothétiques, au motif que même si les agissements dont elle déclare avoir été victime sont hautement condamnables, ils devraient être placés dans un contexte politique très spécifique qui serait révolu depuis la fin des élections, sinon au plus tard depuis l’acquittement de Madame RWIGARA en décembre 2018, de sorte que ses craintes afférentes auraient nécessairement perdu leur raison d’être depuis.

Le même constat s’imposerait en ce qui concerne l’assassinat du fiancé de la demanderesse, étant donné que même à admettre que la mort de celui-ci soit liée au fait qu’il a collaboré étroitement avec Madame RWIGARA, la demanderesse ne saurait s’appuyer sur cet incident pour justifier dans son chef l’existence d’une crainte réelle et sérieuse d’être victime d’actes similaires, faute d’apporter des éléments, liés à sa personne, dont il se dégage qu’eu égard à sa situation particulière, elle risquerait de subir le même sort, elle-même ayant reconnu ne pas avoir été en contact personnel avec Madame RWIGARA, ni n’avoir joué un rôle actif dans le mouvement créé par celle-ci.

Au-delà, admettant que la situation politique générale au Rwanda resterait délicate, elle ne justifierait cependant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire, les craintes de l’intéressée s’analysant davantage en un sentiment général d’insécurité.

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4 Concernant l’agression en 2014, lorsque la demanderesse aurait tenté d’obtenir justice et de récupérer les biens immobiliers confisqués en 1994, le tribunal retint que le fait d’avoir été frappée par trois hommes pour la dissuader d’aller réclamer les biens ayant appartenu à ses parents seraient certes condamnable, mais que les intentions des agresseurs inconnus resteraient incertaines faute du moindre élément de preuve concret et qu’il ne se serait agi que d’un incident isolé, qui plus est resterait sans aucun lien avec la motivation principalement à l’origine de sa fuite de son pays d’origine.

Au-delà, comme les auteurs des agissements invoqués constitueraient des personnes privées, la demanderesse omettrait d’établir que les autorités rwandaises ne veulent pas ou ne peuvent pas lui fournir une protection effective.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 13 août 2020, Madame ... a régulièrement fait entreprendre le jugement du 13 juillet 2020.

Au titre des faits à la base de sa demande de protection internationale, l’appelante, née le ... à ... au Rwanda et appartenant à l'ethnie Hutu, réitère en premier lieu son vécu marqué par l’assassinat de ses parents en décembre 1994 par les soldats du Front Patriotique Rwandais

« FPR » et la confiscation de leurs biens familiaux, confiscation contre laquelle sa demi-sœur dans un premier temps, et elle-même par la suite, en 2010, auraient essayé d’agir. Dans ce contexte, elle soutient que sa demi-sœur aurait disparu sans nouvelles et qu’elle-même, après s’être rendue devant différentes administrations, aurait reçu des appels téléphoniques menaçants. De peur, elle aurait mis fin à ses études universitaires à ..., pour les poursuivre en Inde, où elle se serait inscrite à la « ... » à ... (Inde) en 2011 pour y rester jusqu'en 2014. Après son retour au Rwanda en janvier 2014, elle aurait réitéré sa demande de récupérer les biens confisqués et cherché justice pour ses parents, suite à quoi sa tante et elle-même auraient été brutalisées et insultées au domicile de ses oncle et tante par trois hommes armés, en tenue militaire, la menaçant de mettre fin à ses actions. Elle précise avoir pris refuge chez son cousin à ..., pour ensuite partir à Dubaï, où elle aurait vécu et travaillé de 2014 à 2017.

Dans un deuxième ordre d’idées, elle expose avoir rencontré, lors d’un voyage de visite de sa famille au Rwanda, Monsieur ..., vivant à ... et également Hutu, et décidé de se marier avec lui en décembre 2017. Elle précise que son fiancé aurait été un sympathisant actif de l’opposante au président Paul KAGAME, Madame Diane RWIGARA, candidate aux élections présidentielles du 4 août 2017 et qu’il aurait œuvré pour la collecte des signatures nécessaires pour sa participation auxdites élections. Ayant été écartée desdites élections, Madame RWIGARA aurait été poursuivie en justice, suite à la réélection, le 4 août 2017 de Monsieur KAGAME, ses sympathisants auraient subi des harcèlements et des intimidations. L’appelante précise que son fiancé aurait été porté disparu en septembre 2017 et que le 10 octobre 2017, elle aurait été appréhendée par des hommes, qui se seraient présentés comme assurant la sécurité du pays, qui l’auraient enlevée et emmenée à bord d’une « voiture de police aux vitres teintées » dans un bâtiment isolé, où ils l’auraient torturée violemment, pendant un jour et une nuit, et interrogée sur ses activités en faveur de Madame RWIGARA et les autres sympathisants. Elle précise que les actes de torture auraient impliqué des menaces de morts et des coups graves, notamment des coups de pieds lui faisant perdre conscience et que deux hommes l’auraient violée. Ils ne l’auraient libérée que le lendemain matin, après qu’elle avait promis d’aider à discréditer publiquement Madame RWIGARA et de témoigner en justice contre elle. Comme ses agresseurs auraient menacé de la tuer tout comme son fiancé, elle aurait alors compris qu’elle ne le reverrait plus.

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5 Elle indique ne pas avoir pu porter plainte, « puisqu'à chaque fois qu'elle a été voir les autorités, elle s'est retrouvée harcelée ou battue par des hommes militaires ou policiers ».

Sur ce, l’appelante soutient remplir les conditions nécessaires pour se voir reconnaitre le statut de réfugié, sinon une mesure de protection subsidiaire.

En effet, les persécutions subies par elle seraient liées à son appartenance à l'ethnie Hutu et ses opinions politiques, de sorte à rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié et que les auteurs des diverses persécutions seraient des représentants de l'Etat, sinon des auteurs contre lesquels l’Etat ne voudrait ou ne pourrait pas la protéger effectivement.

Par ailleurs, la situation politique qui aurait existé en 2017 au Rwanda resterait inchangée au jour d’aujourd’hui, de sorte que ses craintes resteraient d’actualité. Ainsi, au regard des menaces reçues et de son histoire et de celle de ses proches, ainsi que de la politique de disparitions forcées et de détentions arbitraires au Rwanda, elle serait nécessairement fondée en sa crainte d'être à nouveau persécutée en cas de retour au Rwanda.

Sur ce, l’appelante conclut à voir réformer le jugement entrepris et à se voir reconnaître une mesure de protection internationale, principale ou subsidiaire.

Elle conclut en outre à voir réformer l’ordre de quitter le territoire en conséquence de l’octroi d’une protection internationale, sinon pour violation de l'article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l'immigration, étant donné qu’en raison de la situation actuelle au Rwanda, elle serait exposée à la torture et à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel.

Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

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6 Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine.

Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

L’analyse du juge administratif devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur de protection internationale avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Il y a, par ailleurs, lieu de rappeler que le juge administratif, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.

En l’espèce, il convient de poser liminairement que non seulement la crédibilité du récit de l’appelante n’a pas été mise en doute par la partie étatique, mais l’intéressée appert claire, cohérente et précise en ses explications particulièrement exhaustives de son vécu.

Ceci dit, les persécutions vécues par l’appelante et les risques de persécutions avancés par elle, qui, considérés dans leur globalité, rentrent indubitablement dans le champ d’application de la Convention de Genève, en ce qu’ils ont trait à l’appartenance ethnique de l’intéressée, d’une part, et de ses convictions politiques effectives ou imputées, d’autre part, constituent avec l’assassinat de ses père et mère par les forces du FPR en 1994, les disparitions et mort de sa demi-sœur et de son fiancé, en 2017, les différentes menaces et insultes proférées à l’encontre de l’appelante, lorsqu’elle a tenté de rentrer dans ses droits, son enlèvement, ensemble les coups, tortures et viols perpétrés à son encontre en 2017 liés à l’engagement politique de son fiancé et du sien, respectivement des opinions politiques lui imputées, indubitablement des actes d’une gravité extrême.

A la lumière des éléments d’appréciation lui fournis, la Cour constate encore que lesdites persécutions s’insèrent dans le cadre plus général d’un régime politique au pouvoir à

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7 l’époque au Rwanda apparemment répressif et n’offrant quasiment aucune liberté d’expression.

Or, au regard de ces persécutions antérieures, il convient de présumer qu’une nouvelle persécution sera probable dans le chef de l’appelante si elle devait retourner dans son pays d’origine.

Cette conclusion s’impose spécialement au regard du fait que l’appelante n’a manifestement pas pu bénéficier d’une protection de l’État rwandais dans le passé, ses tortionnaires ayant été pour le moins des acteurs bénéficiant de la connivence du régime au pouvoir et qu’il n’est pas objectivement déraisonnable que l’intéressée n’a pas tenté de solliciter plus en avant la protection des autorités de son pays d’origine, étant donné par ailleurs que la partie étatique n’apporte quant à elle pas des éléments suffisants permettant de retenir que la situation politique générale ait évolué durablement et effectivement à tel point que le vécu de l’appelante ne risque plus de se reproduire.

Aux yeux de la Cour, le seul fait que les poursuites à l’encontre de Madame Diane RWIGARA ont pu être classées n’est à lui seul pas suffisant pour faire disparaître la crainte de persécution de l’appelante, dont la situation personnelle n’a pas connu de changement significatif.

De l’ensemble de ces éléments, la Cour est amenée à dégager dans le chef de l’appelante non pas une simple possibilité de persécution en cas de retour au Rwanda, insuffisante en tant que telle pour justifier sa demande, mais une crainte raisonnable et sérieuse d’être de nouveau en proie à des agissements semblables du fait de ses opinions politiques pour le moins lui imputées et de son appartenance ethnique ayant entraîné la mort de ses parents et de sa demi-sœur et impliqué une spoliation des biens familiaux, suivant les spécificités valablement mises en avant au niveau de son vécu par l’appelante.

La crainte subjective de l’appelante d’être persécutée si elle rentre dans son pays d’origine, analysée objectivement à la lumière de la situation qui a actuellement cours au Rwanda se révèle partant fondée.

Par réformation du jugement entrepris et de la décision ministérielle entreprise du 29 avril 2019, il y a partant lieu d’accorder le statut de réfugié à Madame ....

Par voie de conséquence, l’examen des autres volets de l’appel, y compris ceux tenant plus particulièrement à la protection subsidiaire, devient surabondant.

Dans la mesure où le statut de réfugié est accordé à l’intéressée, il y a lieu, par réformation du jugement entrepris, d’annuler l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision ministérielle entreprise.

Par ces motifs,

la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel du 13 août 2020 en la forme;

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8 au fond, le dit justifié;

réformant, accorde à l’appelante, Madame ..., le statut de réfugié et annule l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois contenu dans la décision ministérielle du 29 avril 2019;

renvoie le dossier devant le ministre de l’Immigration et de l’Asile aux fins d’exécution;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller,

et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 octobre 2020

Le greffier de la Cour administrative

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