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Les investissemet fonciers à grande échelle : quelles réalités ? Quelles conséquences pour l'agriculture familiale et quels choix en termes de politiques de développement ? : Synthèse de la journée sur le foncier

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Synthèse de la journée sur le foncier CIRAD, Montpellier, 3 septembre 2009

Les investissements fonciers à grande échelle :

Quelles réalités ?

Quelles conséquences pour l’agriculture familiale et quels choix en termes

de politiques de développement ?

L’agriculture des pays du Sud est depuis ces derniers mois à la une des médias du fait des projets d’acquisition foncière à grande échelle, orchestrés par des Etats ou des entreprises cherchant à contrôler des espaces pour maîtriser des filières alimentaires ou énergétiques. Moins médiatisés, de tels processus sont également à l’œuvre dans les pays issus de l’ex-Union soviétique. Plusieurs organisations militantes se sont élevées contre ces projets d’investissement, notamment à Madagascar, où l’affaire Daewoo, devenue emblématique, a contribué aux troubles qu'a connus le pays.

Traduisant concrètement le renouveau économique et stratégique accordé au secteur agricole et les anticipations de profits possibles liés à l’absence de régulation globale des marchés agricoles, les projets d’investissement agro-industriel à grande échelle, présents et influents depuis des décennies, semblent se multiplier.

L’ampleur de ces projets d’investissement, souvent initiés dans une certaine opacité, leurs lignes stratégiques, leur impact en termes environnemental, économique, social et territorial sont mal connus et ce, tant par la population que par la majorité de leurs représentants politiques. Plus encore, les informations ou les faits empiriques nécessaires à la construction d’une connaissance minimale sur ces évolutions sont très rarement documentés. Ainsi, l’écart est grand entre l’écho médiatique de ces supposés mouvements de prise de contrôle du foncier et le niveau et la qualité des informations disponibles. La priorité actuelle est donc de produire des connaissances validées par la rigueur des méthodes scientifiques, afin de mieux cerner la réalité de ces projets et d’analyser leurs effets au niveau local comme au niveau national.

La journée « foncier » du 3 septembre et l’atelier du 4 septembre 2009, organisés par le Centre de

coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), avaient pour objectif :

- de partager des informations sur ces projets et leurs enjeux en termes de développement ; - d’impulser une réflexion sur l’articulation des différentes recherches sur ce thème ;

- de favoriser la construction de programmes communs d’analyse, afin de fournir à la communauté internationale, aux sociétés concernées et aux décideurs publics une information et des connaissances validées scientifiquement.

La présente note propose une synthèse des différentes interventions et discussions tenues lors du séminaire1.

1Rédacteurs : Burnod P. (coord.) , Anseeuw W., Bosc P.-M., Caron P., Karsenty A., Mendez P., Teyssier A., Tonneau J.-P.

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Plan de la synthèse

PLAN DE LA SYNTHESE... 2

1. QUELQUES ELEMENTS DE PRECISION PREALABLES... 2

2. PREMIERS CONSTATS SUR LES MOUVEMENTS D’APPROPRIATION RECENTS ET A GRANDE ECHELLE ... 3

2.1. UNE TENDANCE A L’ACCROISSEMENT DU NOMBRE DE PROJETS ET DES SUPERFICIES CONCERNEES... 3

2.2. UNE DIFFERENCE CLAIRE ENTRE LES PROJETS ANNONCES ET LES PROJETS AYANT EFFECTIVEMENT OBTENU UN CONTRAT FONCIER RECONNU PAR LES AUTORITES COMPETENTES... 4

2.3. DES SUPERFICIES CONVOITEES A PRIORI FAIBLES AU REGARD DES POTENTIELS DE TERRES CULTIVABLES… MAIS DES POTENTIELS DISCUTABLES... 4

2.4. UN LARGE PANEL D’INVESTISSEURS : OPERATEURS PRIVES OU PUBLICS, NATIONAUX OU ETRANGERS... 5

2.5. LA DIVERSITE DES MOTIFS SOUS-TENDANT LES INVESTISSEMENTS : SECURITE ALIMENTAIRE OU ENERGETIQUE, OPPORTUNITES COMMERCIALES, CONSERVATION DES RESSOURCES NATURELLES, SPECULATION FONCIERE…... 6

2.6. LE ROLE CLE DES GOUVERNEMENTS DES PAYS HOTES DANS LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS FONCIERS... 6

2.7. UNE MAJORITE DE LOCATIONS ETABLIES PAR LES GOUVERNEMENTS DES PAYS HOTES SUR LES TERRES RELEVANT DU DOMAINE DE L’ETAT... 6

2.8. LES CLAUSES DES CONTRATSET LEURS CONDITIONS DE RESPECT... 7

2.9. DES PROJETS SOUVENT DANS LEUR PHASE INITIALE ET AUX CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE FLOUES, VOIRE PEU REALISTES, ET NON DURABLES... 7

2.10. DES PROCESSUS D’ACCES A LA TERRE PEU TRANSPARENTS... 8

3. OPPORTUNITES ET RISQUES ASSOCIES AUX DYNAMIQUES D’INVESTISSEMENTS FONCIERS A GRANDE ECHELLE... 8

3.1. DES LISTES D’OPPORTUNITES ET DE RISQUES A ETABLIR AU REGARD D’EXPERIENCES PASSEES... 8

3.2. LES DISPOSITIFS INSTITUTIONNELS ET ORGANISATIONNELS POUR LIMITER LES RISQUES... 10

3.3. LES ALTERNATIVES POUR LES ETATS ET LES POPULATIONS POUR TIRER PARTIE DE CETTE DYNAMIQUE D’INVESTISSEMENT 11 4. PISTES DE RECHERCHE ET DE DEVELOPPEMENT ... 14

4.1. PISTES DE RECHERCHE... 14

a. Les préalables en termes de méthodologie... 14

b. Analyser les processus en cours ... 14

c. Comment réguler les dynamiques d’appropriation foncière ? ... 15

d. Les modèles de développement en question... 16

4.2. PISTES EN TERMES DE DEVELOPPEMENT... 16

1.

Quelques éléments de précision préalables

Les dynamiques d’appropriation foncière à grande échelle ne sont ni nouvelles ni homogènes. Lors de la journée, l’attention s’est concentrée sur les dynamiques d’investissement foncier récentes (annoncées ou engagées lors de la période 2004-2009), portant sur quelques centaines à des milliers d’hectares et visant les pays du Sud. Ces projets peuvent viser l’appropriation de foncier mais également des ressources qui y sont associées, telles que la forêt, et engagent une diversité importante d’investisseurs. Ils ont ainsi des objectifs variés, allant de la production de biens alimentaires à la conservation des ressources forestières, en passant par des stratégies de spéculation.

Concernant un sujet sensible, les articles de presse sur les appropriations foncières ont généré un large débat dans les sphères de la société civile, des institutions publiques et de la recherche. Les

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ONG et les médias ont joué un rôle majeur dans la mise en forme et la diffusion de ces informations. Les premières informations ont souvent été délivrées par des organisations non gouvernementales (ONG)2 et accompagnées d’une analyse militante, reflétant légitimement leurs points de vue. Ces informations ont ensuite été reformulées, voire complétées, et largement diffusées par la presse. ONG et médias ont ainsi permis d’activer les débats, de les relayer et d’impulser des réflexions plus approfondies au sein d’organisations nationales et internationales (ONG, gouvernements, bailleurs, institutions de recherche).

Toutefois ces informations doivent être traitées avec précaution. Les termes utilisés sont parfois erronés (ex. : achat au lieu de location) et, surtout, la qualité de l’information s’est souvent révélée incertaine (projet en négociation ou ayant donné lieu à la signature d’un contrat foncier, type de contrat foncier, superficie concernée, parties prenantes). Le préalable à toute analyse et recherche future sur ce thème est la production de données de qualité, basée sur des entretiens auprès des différentes parties impliquées3. Les différents points de vue doivent être croisés et l’information

recoupée. Le rôle de la recherche est non seulement de produire de l’information mais également de resituer et d’analyser les discours des différentes parties prenantes. Les mots étant le reflet de prises de position a priori ou implicites, une attention particulière doit être également portée aux choix des termes : appropriation/accaparement ; accord/contrat ; expulsion/expropriation ; achat/location ; droits d’usage/ droits de propriété (cf. intervention de E. Leroy4).

2.

Premiers constats sur les mouvements d’appropriation récents et à

grande échelle

Les mouvements d’appropriation foncière sont difficiles à quantifier et à qualifier du fait de leurs formes plurielles, du manque de transparence de certaines transactions et de l’investissement important à fournir pour obtenir des informations exactes. Quelques chiffres à prendre avec précaution et des premiers éléments d’analyse issus d’études localisées peuvent, à défaut d’être représentatifs, être significatifs de ces dynamiques en cours.

2.1. Une tendance à l’accroissement du nombre de projets et des superficies concernées Lors de ces cinq dernières années, les études de l’IIED/FAO/IFAD5 et de la Banque mondiale6 attestent d’une multiplication du nombre de contrats fonciers établis au bénéfice de grands

2

Des ONG tels que Grain ou le Collectif de défense des terres à Madagascar.

3

Des entretiens doivent être conduits auprès des porteurs de projets, des cadres et techniciens des services publics et des ministères, des élus à différentes échelles territoriales, des organisations paysannes, des résidents, agriculteurs et pasteurs de la zone concernée par les investissements, des prestataires de services impliqués dans l’élaboration des projets, des experts.

4

Tout au long de la synthèse, sont mentionnés entre parenthèses les présentations des conférenciers dont sont issues les informations. Ces présentations (support power point et vidéo) sont disponibles sur le site de Tetis (http://tetis.teledetection.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=521&Itemid=1), et à partir de mi-novembre, sur le site du Cirad (www.cirad.fr).

5

L’étude menée en 2009 par l’International Institute for Environment and Development (IEED), la Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO) et le Fonds international de développement agricole (FIDA) est basée sur 4 pays d’Afrique : le Mali, Madagascar, l’Ethiopie et le Ghana. Seuls les projets d’appropriation de plus de 1 000 ha et ayant effectivement acquis un contrat foncier ont été comptabilisés. La référence de cette étude, accessible sur le site de l’IIED, est la suivante : Cotula, L., Vermeulen, S., Leonard, R. and Keeley, J., 2009, Land Grab or Development Opportunity ? Agricultural Investment and Internation Land Deals In Africa, IIED/FAO/IFAD, London/Rome.

6

L’étude opérée par la Banque mondiale, en cours, concerne 20 pays (en Amérique centrale, Afrique, Asie et en Europe de l’Est).

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opérateurs et d’une augmentation des superficies convoitées, ces dernières pouvant atteindre plus de 100 000 ha (voir respectivement les présentations de L. Cotula et H. Selod). La superficie totale concernée par ces projets varie selon les pays. Depuis 2004, 600 000 ha ont fait l’objet d’appropriation en Ethiopie contre un peu plus de 150 000 ha au Mali (étude IIED/FAO/IFAD). Le rythme de création des projets est également irrégulier selon les pays : les contrats ont été principalement accordés en 2004 et 2006 en Ethiopie, en 2009 au Mali (étude IIED/FAO/IFAD). L’étude de la Banque mondiale observerait même sur les 20 pays étudiés un ralentissement du rythme d’annonce de projets en 2009. Le mouvement n’est pas pour autant mis en suspens. De nombreux projets seraient encore en négociation entre les Etats et les opérateurs privés. L’Ethiopie aurait même étendu en juillet 2009 les aires susceptibles d’être allouées aux investisseurs : une superficie de 1,6 millions d’hectares pouvant être étendue à 2,7 millions d’hectares (étude Banque mondiale).

2.2. Une différence claire entre les projets annoncés et les projets ayant effectivement obtenu un contrat foncier reconnu par les autorités compétentes

L’ampleur du phénomène d’appropriation est largement diminuée dès lors que sont connus : • les décalages entre les souhaits des opérateurs économiques et les demandes effectivement

acceptées. En Tanzanie, l’ensemble des demandes des opérateurs auraient porté sur 4,4 millions d’hectares et seuls 1,5 % de celles-ci auraient été acceptées (étude Banque mondiale). • les étapes à valider avant d’obtenir un contrat foncier approuvé par l’ensemble des autorités

compétentes. Dans les régions de Ségou et Mopti au Mali, les terres sont en partie aménagées et irriguées par le fleuve Niger. Elles sont clairement définies comme propriété de l’Etat et sont gérées par un office public (l’Office du Niger). Les opérateurs économiques obtiennent de l’Office une première autorisation pour bénéficier de terres non encore aménagées et irrigables. Cependant, le bail n’est effectivement cédé qu’à l’issue de l’acceptation d’une étude de faisabilité — plus technique qu’économique — et d’une étude d’impact environnemental. • les niveaux de validité des contrats fonciers. Selon l’histoire foncière du pays et le niveau de

décentralisation, différents régimes fonciers coexistent et plusieurs institutions peuvent, à des échelles territoriales diverses, avoir une compétence dans la gestion du foncier. Les opérateurs sont ainsi susceptibles d’obtenir un contrat foncier auprès d’institutions7 n’ayant pas

systématiquement, ou ne détenant pas seules, le pouvoir d’allouer et de gérer le foncier. Le contrat peut ainsi être sans valeur ou insuffisant lorsqu’il est uniquement signé par une administration centrale sans consultation au niveau local, par un chef de région sans l’aval du Ministère de l’agriculture ou, encore, par un représentant non légitime d’une organisation paysanne8.

2.3. Des superficies convoitées a priori faibles au regard des potentiels de terres cultivables… mais des potentiels discutables

Les superficies convoitées au regard des superficies annoncées comme potentiellement cultivables peuvent apparaître faibles. Ces potentiels sont toutefois discutables. Au niveau mondial, un grand nombre de travaux scientifiques estiment que des millions d’hectares sont disponibles pour la production agricole (production végétale et biomasse), notamment dans les pays du Sud. Les terres qualifiées de disponibles incluent les parcelles situées dans des zones

7

Telles que les institutions coutumières, les collectivités locales, les ministères, services des domaines, agences spécifiques.

8

Ceci est le cas de l’entreprise indienne Varun à Madagascar, qui a fait signer hâtivement des individus au nom de centaines d’agriculteurs censés être organisés en association, cf. présentation de A. Teyssier

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agroclimatiques favorables et, généralement, qui ne sont pas dédiées aux cultures alimentaires, aux forêts9 ou aux zones urbaines.

La pertinence de ces estimations est cependant largement dépendante :

- de la fiabilité des données chiffrées disponibles, notamment sur les superficies cultivées et les jachères ;

- de l’échelle d’analyse ;

- des paramètres utilisés. Par exemple, la qualité des sols est rarement prise en compte et les données manquent pour la qualifier ;

- des hypothèses retenues concernant le rythme d’évolution de la demande alimentaire ou le taux d’accroissement des rendements agricoles10.

De plus, la disponibilité effective de ces terres doit être questionnée. Les bases de données utilisées ne recensent pas systématiquement l’ensemble des usages des sols tels que les réserves en bois énergie ou les pâtures. Elles ne prennent jamais en compte les droits d’usage et d’occupation, individuels ou collectifs. Dans de nombreuses situations, il existe en effet des droits d’usage et de propriété sur la majorité des terres, mais ces derniers ne sont pas forcément recensés ni respectés par l’Etat.

Enfin, même s’il y a effectivement des terres non valorisées localement, le critère de disponibilité n’est pas forcément le critère prioritaire dans la logique économique des investisseurs et les terres déjà valorisées et propices à la production alimentaire peuvent être convoitées.

2.4. Un large panel d’investisseurs : opérateurs privés ou publics, nationaux ou étrangers Les études de l’IIED/FAO/IFAD et de la Banque mondiale confirment la diversité des opérateurs économiques :

• en terme de nationalité. L’origine des investisseurs varie selon le montant engagé et la taille des superficies convoitées ou acquises. Ainsi, les investisseurs d’origine étrangère dominent largement lorsque les niveaux d’investissement sont importants et les superficies convoitées de plus de 1 000 ha. C’est le cas pour le Mali, Madagascar, l’Ethiopie et le Ghana, pour lesquels les investisseurs sont originaires, entre autres, de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie du Sud ou du Sud-Est et des pays du Golfe. En général, il s’agit de pays largement dotés en capital et ayant d’ores et déjà exploité leurs ressources naturelles. Les investisseurs nationaux sont également présents, mais les terres convoitées ou acquises sont de plus petite taille et les projets visent la production agricole, le tourisme, l’obtention de rente ou la spéculation. C’est le cas par exemple du Kenya.

9

L’exclusion des forêts dans le calcul des potentiels n’est pas systématique. Dans de nombreux cas, seules les forêts légalement protégées sont exclues ce qui, dans les faits, ne couvre qu’une fraction des espaces forestiers ; la plupart des forêts — dont la définition varie selon les pays — n’étant pas définies comme espaces naturels protégés (cas du Brésil et de nombreux pays africains).

10

Voir par exemple l’étude Agrimonde menée par le Cirad et l’Inra, qui est basée sur deux scénarios (http://www.paris.inra.fr/prospective/projets/agrimonde). Un premier (AG0) est positif et tendanciel et correspond à la prolongation des évolutions historiques des productions et des utilisations de biomasses alimentaires dans un monde totalement libéralisé. Le second (AG1) est un scénario normatif et de rupture. Il vise la durabilité de systèmes agricoles et agroalimentaires et explore des trajectoires régionales d’évolution susceptibles de satisfaire cette ambition. Les deux retiennent le même horizon temporel (2050) et les mêmes hypothèses de croissance démographique. Les surfaces mondiales en forêts sont pratiquement identiques dans les deux scénarios, stables au niveau de 2003. Les surfaces cultivées augmentent dans les deux scénarios, davantage dans AG1 (+ 575 millions d’hectares, soit + 38 %) que dans AG0 (+ 327 millions d’hectares, soit + 21 %). Les surfaces pâturées diminuent substantiellement dans le scénario AG1 (- 481 millions d’hectares, soit – 14 %), mais augmentent dans le scénario AG0 (+ 258 millions d’hectares, soit + 8 %). Les évolutions de ces trois usages des terres sont contrastées selon les régions.

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• en terme de statut. Les opérateurs privés apparaissent majoritaires mais les Etats sont également parties prenantes via des fonds souverains, des accords intergouvernementaux, l’appui d’entreprises issues de leur pays. La limite entre investisseurs étrangers et nationaux est cependant floue. Les opérateurs étrangers peuvent créer une société au niveau national, des nationaux peuvent servir de prête-nom ou apporter des appuis à des entreprises privées étrangères.

2.5. La diversité des motifs sous-tendant les investissements : sécurité alimentaire ou énergétique, opportunités commerciales, conservation des ressources naturelles, spéculation foncière…

Bien que l’attention des médias concernant les acquisitions foncières se soit renforcée avec la crise des prix des denrées alimentaires, les motifs d’investissement sont divers. Les projets s’inscrivent dans différentes logiques :

- production de denrées végétales ou animales afin d’assurer la sécurité alimentaire des pays d’origine des investisseurs — pays généralement dépendants des marchés internationaux et caractérisés par une raréfaction du foncier agricole et des ressources en eau ;

- production de denrées végétales ou animales afin de saisir des opportunités commerciales futures ;

- production de biomasse pour l’énergie ;

- conservation des ressources naturelles et, en particulier, des ressources forestières ; - captation de crédits carbone ;

- aménagement touristique ou ludique (game farms) ;

- accumulation foncière, liée à la rente et à la spéculation foncière ;

- stratégies de contrôle de terres à long terme par anticipation d’une raréfaction de ressources alimentaires ;

- voire blanchiment des capitaux.

2.6. Le rôle clé des gouvernements des pays hôtes dans la promotion des investissements fonciers

Les gouvernements des pays hôtes jouent dans de nombreux cas un rôle clé dans la promotion et l’accueil des investisseurs : mise en place d’agences d’investissement, définition de zones spécifiques d’investissement, simplification des démarches d’accès au foncier, avantages fiscaux, voire amendements de la Constitution. De ces investissements, ils espèrent tirer des retombées en termes de développement du secteur agricole, de créations d’infrastructures, de développement de l’emploi et de rééquilibrage de la balance commerciale. Ces gouvernements tiennent par conséquent à conserver la maîtrise foncière en réactivant le principe de domanialité érigé à l’époque coloniale, souvent au détriment de la reconnaissance et de la garantie des droits fonciers des exploitations familiales.

2.7. Une majorité de locations établies par les gouvernements des pays hôtes sur les terres relevant du domaine de l’Etat

Selon l’étude IIED/FAO/IFAD, les achats sont rares. La plupart des contrats sont des baux établis pour des durées pouvant atteindre 99 ans sur des terres considérées comme relevant du domaine de l’Etat. Dans de nombreux pays africains, l’Etat est effet reconnu comme le seul propriétaire légal. Ceci n’exclut pas, dans la pratique, l’existence sur ces mêmes terres de droits de propriété ou d’usage relevant d’un registre normatif autre que la loi, lié ou hérité d’organisations sociales coutumières. Les contreparties financières à l’octroi de baux sont d’un montant généralement faible, voire nul dans certains cas ; l’espoir de retombées économiques indirectes suffisant généralement à satisfaire les gouvernements des pays hôtes.

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La plupart des contrats étudiés sont établis entre d’une part les opérateurs privés et d’autre part les gouvernements des pays hôtes et leurs services techniques. Une plus faible part des contrats est passée entre des investisseurs et des représentants de communautés locales ou des organisations paysannes (avec ou sans la caution de l’Etat).

2.8. Les clauses des contrats et leurs conditions de respect

Les contrats diffèrent selon les pays et les projets. L’analyse de quelques contrats révèle que ces derniers sont relativement succincts au regard de ceux établis dans le secteur minier (étude IIED/FAO/IFAD). Les engagements des opérateurs pour des investissements relatifs au développement des infrastructures, de l’emploi, des services peuvent apparaître mais demeurent très imprécis.

La question du respect des engagements par les parties contractantes se pose de façon aiguë. En cas de remise en cause du contrat par le gouvernement hôte, l’investisseur étranger peut s’appuyer sur le droit commercial international et obtenir réparation (étude IIED/FAO/IFAD).

En cas de manquements de l’investisseur à ses engagements (création d’emploi, création d’infrastructures), l’Etat hôte dispose également de moyens de pression (rupture du bail, fiscalité, voire dans des cas extrême la menace ou la mise en œuvre d’une nationalisation). La capacité/volonté de chacune des parties à mobiliser ces différents dispositifs dépend cependant de leur poids économique et politique respectif, des arrangements officieux établis par ailleurs, et des signaux politiques et stratégiques qu’ils souhaitent envoyer sur la scène internationale.

2.9. Des projets souvent dans leur phase initiale et aux conditions de mise en œuvre floues, voire peu réalistes, et non durables

La plupart des projets ne sont que dans leur phase d’élaboration et très peu de réalisations sont concrétisées sur le terrain. Dans le secteur agricole, les schémas d’organisation de la production des opérateurs ne sont pas encore établis ou paraissent dans certains cas très ambitieux, voire non opérationnels ou non rentables (mise en culture d’immenses superficies en monoculture qui impliquent des investissements lourds en achat de matériel et en intrants ainsi que des risques phytosanitaires importants ; investissement sur des cultures dont les rendements sont trop faibles). Cela remet en cause la durabilité potentielle de ces investissements et, surtout, de leurs retombées.

Ces interrogations sur l’opérationnalité et la rentabilité de ces projets sont parfois renforcées par le constat d’un niveau faible d’investissement ramené à l’hectare. Cependant, aucune conclusion hâtive ne peut être tirée de cet indicateur. Dans le secteur agricole, l’adoption de pratiques intensives en capital est loin d’être systématiquement garante d’une rentabilité de la production. Les productions nécessitant un faible niveau d’investissement à l’hectare, telles que l’élevage extensif en Argentine, peuvent s’avérer très rentables.

La volonté des opérateurs de créer ex-nihilo d‘immenses exploitations agricoles laisse certains experts sceptiques. Les exploitations brésiliennes sont souvent citées à titre d’exemple pour leur capacité à produire sur d’immenses superficies. Produire à grande échelle est en effet possible, mais l’expérience brésilienne montre que ces grandes exploitations sont le produit d’un processus incrémental de concentration, d’injection progressive de capitaux étrangers, d’augmentation régulière de la capacité de production, de prise de contrôle du secteur aval et de politiques publiques favorisant l’accès au capital (cf. présentation de S. Leite).

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2.10. Des processus d’accès à la terre peu transparents

La négociation des contrats serait peu transparente et offrirait un terrain propice à la corruption. Les attributions sont généralement définies par le gouvernement ou ses services techniques sans forcément tenir compte de l’existence de droits de propriété ou d’usage existants au niveau local. Même lorsque la loi l’exige, les démarches de consultation des populations locales avant l’attribution de droits d’usage foncier aux opérateurs privés sont loin d’être systématiques ou sont limitées à quelques élus ou chefs locaux pas forcément soucieux de l’intérêt commun (étude IIED/FAO/IFAD).

3.

Opportunités et risques associés aux dynamiques d’investissements

fonciers à grande échelle

Existent-ils des solutions gagnants-gagnants dans ce contexte d’investissements fonciers à grande échelle ? Pour la majorité des intervenants de la table ronde, ces solutions apparaissent plus comme un slogan qu’une option concrète. Quelles que soient les alternatives retenues relativement à la gestion foncière, celles-ci induiront forcément des mouvements d’exclusion et conféreront à certains groupes d’intérêt la position de perdants ; ces derniers pouvant être les ruraux comme les investisseurs. De plus, les parties prenantes ont généralement des intérêts divergents et des pouvoirs d’action tellement inégaux qu’il est dans la pratique difficile d’identifier des objectifs communs et de négocier un partage équitable des bénéfices.

La partie suivante qualifie les principaux risques et opportunités associés à ces dynamiques d’investissement. Elle expose les dispositifs pour limiter les risques et présente les alternatives pour tirer partie de ces investissements. Certaines options, ne permettant pas de fédérer l’ensemble des groupes d’intérêts et de répartir de façon équitable les bénéfices, peuvent toutefois offrir à quelques catégories d’acteurs — et notamment à des agriculteurs — l’opportunité d’être bénéficiaires de ces dynamiques d’investissement.

3.1. Des listes d’opportunités et de risques à établir au regard d’expériences passées Des retombées positives comme négatives peuvent accompagner ces investissements et toucher, selon les situations, des acteurs différents (Etat, populations rurales, opérateurs nationaux). Les principaux avantages pour l’Etat pourraient être : la croissance du produit intérieur brut (PIB), l’amélioration de la balance des paiements, l’accès à des technologies industrielles de transformation, le développement des infrastructures de transport et, plus largement, le développement de territoires. Les principales opportunités pour les ruraux pourraient être l’accès à l’emploi et une contribution à la sécurité alimentaire grâce à une intensification des pratiques agricoles. L’amélioration de l’accès aux marchés, aux services de santé et de scolarisation — à condition que les opérateurs investissent effectivement dans ces secteurs — pourraient également faire partie des impacts positifs. Ces retombées — en particulier l’accroissement de la productivité agricole, souvent espéré et pourtant peu observé sur le long terme dans la plupart des pays africains bénéficiaires de projets publics et privés — ne sont effectivement « positives » que si elles résultent de pratiques respectueuses de l’environnement et des droits sociaux.

Plusieurs types de risques sont également présents. Le premier risque pour les ruraux est d’assister à la spoliation des terres et des ressources qui y sont associées (pâturages, ressources forestières, eau), terres et ressources qu’ils se sont appropriées et réparties et qu’ils ont aménagées ou entretenues. Les terres convoitées par les investisseurs ou attribuées par l’Etat peuvent être

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déjà valorisées, à différents degrés11, ou occupées par les populations locales. Les terres

convoitées sont en effet rarement celles qui sont de faible qualité agronomique ou éloignées des voies de communication et qui sont, du fait de ces inconvénients, peu ou pas valorisées par les populations.

Le second risque pour les ruraux est de voir leur accès futur au foncier limité par l’emprise foncière des opérateurs privés et l’augmentation potentielle des prix de la terre due à une raréfaction de la ressource. Au Brésil, l’expansion de l’agrobusiness a largement contribué à l’augmentation des prix de la terre. En l’espace de 15 ans, le prix de la terre arable a été multiplié par 6, celui des pâtures par 2,5 (cf. présentation de S. Leite).

Le troisième risque est celui de tensions entre les usagers via des effets de déplacements en chaîne des modes de valorisation des ressources tels que le report des aires pâturées sur des espaces anciennement dédiés à la forêt, le report de zones cultivées par certaines catégories de population sur des espaces mis en valeur par d’autres catégories de population économiquement et politiquement plus faibles (étude IIED/FAO/IFAD). Ces déplacements peuvent ainsi entraîner des conflits entre agriculteurs, ou entre éleveurs et agriculteurs, entre autochtones et migrants, etc.

Plus largement, ces risques peuvent se traduire par une compétition accrue pour l’accès aux ressources pour la production animale et végétale et renforcer les problématiques de sécurité alimentaire. La perte de la maîtrise foncière par les communautés rurales peut provoquer une activation des phénomènes migratoires, notamment vers des villes où les secteurs parfois marginaux de l’industrie et des services ne parviennent pas à absorber ces flux de main-d’œuvre. Des risques d’ordre environnemental peuvent aussi apparaître relativement à l’usage et au renouvellement des ressources naturelles (déforestation, augmentation des émissions en CO2,

diminution des ressources en eau, pollution des nappes par l’utilisation d’intrants chimiques, introduction d’OGM).

La capacité des ruraux à s’opposer ou à négocier l’implantation de l’opérateur ainsi qu’à obtenir des contreparties dépendent fortement des situations mais s’avèrent en général très limitées et sans commune mesure avec la force de négociation de grandes sociétés privées. En cas de contestation de projets d’appropriation foncière, compte tenu de la haute sensibilité des questions foncières, le refus des populations rurales de perdre l’accès à leur terre peut non seulement entraîner la faillite de ces projets, mais également celle des gouvernements qui les ont soutenus (cas de Madagascar et de l’affaire Daewoo, présentation de A. Teyssier).

Toutes les opportunités et les risques associés à ces mouvements d’appropriation peuvent être sur ou sous-évalués selon les points de vue et les stratégies des acteurs de ces processus. Certains impacts de ces projets à grande échelle peuvent être évalués à court terme (impact social et politique de l’affaire Daewoo), d’autres ne pourront l’être que dans le long terme (impacts environnementaux). Les enseignements tirés des expériences passées d’investissement à grande échelle dans le secteur agricole ou dans d’autres secteurs d’activités (mines, concessions forestières) doivent être pour cela valorisés. De plus, les avantages et les contraintes liés aux plantations à grande échelle ou à la conservation des forêts doivent être discutés au regard d’autres modèles de développement, notamment ceux basés sur des contrats avec les acteurs du monde rural.

11

L’exploitation apparemment faible de certaines terres par des générations de cultivateurs ou d’éleveurs peut d’ailleurs être dans certains cas une pratique raisonnée tant le sol peut s’avérer fragile.

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3.2. Les dispositifs institutionnels et organisationnels pour limiter les risques

En tant que propriétaires supposés, au regard de la loi, de la majeure partie de leur territoire national et acteurs majeurs dans la cession des terres aux opérateurs privés, les Etats peuvent, s’ils en ont la volonté politique, jouer un rôle clé dans la protection des intérêts des ruraux relativement à l’usage de la terre, de l’eau et d’autres ressources naturelles. Plusieurs dispositifs institutionnels et organisationnels sont susceptibles de limiter les risques de remise en cause des droits de propriété et d’usage des ruraux. Ces dispositifs pourraient avoir comme objectifs : • de reconnaître et de sécuriser les droits fonciers locaux par des dispositifs non limités aux

titres fonciers – souvent peu accessibles et pas forcément adaptés aux régimes fonciers locaux. La reconnaissance des droits fonciers des ruraux pourra contribuer à les protéger de mouvements d’appropriation par un tiers et leur donner une meilleure base de négociation pour des accords plus équitables. Ceci renvoie aux questions de sécurisation et d’élaboration des politiques foncières. A Madagascar, grâce à la remise en cause de la présomption de domanialité, les terres du domaine privé de l’Etat ont acquis le statut de propriété non titrée relevant de la compétence communale (cf. présentation A. Teyssier). Ce changement permet aux ruraux de voir leurs droits reconnus et sécurisés par l’obtention d’un certificat foncier. Ce dernier est délivré au niveau local par un guichet foncier créé et géré par les communes. • d’expliciter les règles du jeu en matière de cession de terres aux opérateurs privés et d’en

informer les différentes parties prenantes, y compris les populations rurales.

• d’ouvrir la consultation et la négociation à toutes les parties concernées, en particulier au niveau local. Cela implique, au-delà d’informer les acteurs locaux, de leur donner les moyens de négocier. La problématique récurrente est ensuite de définir qui sont les porte-parole au niveau local, quelle est leur légitimité et dans quelle mesure ces porte-parole vont-ils défendre l’intérêt commun et non l’intérêt d’une minorité.

• de mettre en place des institutions ou de renforcer les organisations existantes afin que les parties prenantes puissent y avoir recours en cas d’absence de consultation, ou de non-respect des accords passés entre opérateurs privés et ruraux.

• de formuler des politiques foncières, de développement rural et d’aménagement du territoire qui déterminent un cadre d’accueil des investissements internationaux et nationaux sur la terre.

La question de la mise en œuvre effective de ces différents dispositifs institutionnels doit être traitée de façon approfondie. Des législations exigeant la consultation des communautés locales pour toute démarche d’accès au foncier existent dans certains pays (Mozambique ou Ghana) mais ces lois ne sont pas systématiquement respectées (étude IIED/FAO/IFAD).

Les Etats peuvent également adopter certains indicateurs pour sélectionner les projets sur des critères environnementaux, sociaux et économiques. Cela implique la mise en œuvre de dispositifs d’évaluation des impacts. Relativement aux préoccupations environnementales, les risques peuvent être diminués par la mise en place systématique d’une évaluation environnementale réalisée par des organismes indépendants et validée par un organisme « certificateur ». A l’instar des dynamiques en cours au sein de la Roundtable on Sustainable Palm Oil, les risques environnementaux et socio-économiques peuvent également être réduits par la promotion d’actions volontaires impliquant opérateurs, ONG, responsables politiques et populations locales, ces dernières pouvant disposer d’un droit de regard sur ce qui se passe sur leur ex-patrimoine foncier (étude Banque mondiale). Relativement aux problématiques de sécurité alimentaire, l’Etat peut mettre en place, en contrepartie des aides à l’investissement, des devoirs

(11)

pour l’investisseur tels que la provision d’un fonds en cas de crise alimentaire (étude Banque mondiale).

L’établissement d’un code de bonne conduite peut contribuer à contraindre les investisseurs et inciter les gouvernements à établir des garde-fous afin de limiter certaines pratiques néfastes pour les sociétés et l’environnement. Plusieurs ONG, gouvernements, organismes de recherche et institutions internationales ont initié des groupes de travail pour élaborer ces codes de bonne conduite.

3.3. Les alternatives pour les Etats et les populations pour tirer partie de cette dynamique d’investissement

Consolider les contrats et veiller à leur mise en œuvre effective

Sur la base des contrats étudiés, il apparait que les transferts monétaires demandés en l’échange de l’accès à la terre sont faibles (étude IIED/FAO/IFAD). Le faible niveau de contrepartie exigé par les Etats peut être expliqué par leur volonté d’offrir les conditions les plus attractives possibles aux investisseurs. Or, le grand nombre de sollicitations de la part des opérateurs privés témoigne à présent du grand pouvoir d’attraction de ces pays. L’introduction de clauses nouvelles dans le contrat impliquant une participation financière et/ou matérielle au développement du pays hôte pourrait être pertinente et légitime et ne pas diminuer pour autant le pouvoir d’attractivité du pays. A l’instar de certains contrats existants dans le secteur agricole ou dans d’autres domaines d’activités (secteur minier), les contrats pourraient comporter des clauses d’investissement dans les infrastructures de communication ou de services, de création d’emploi, de transfert de technologie, etc.

L’enjeu est ensuite de rendre ces contrats effectifs. Certains pays disposent de mécanismes pour contrôler la réalisation effective des engagements pris par les opérateurs, mais ces derniers ne sont pas systématiquement mis en œuvre ou sont mobilisés uniquement lors des premières années d’implantation du projet (étude IIED/FAO/IFAD). Afin de saisir les opportunités offertes par la présence de ces investisseurs en termes de développement, les options pourraient être :

- d’inclure des clauses engageant l’opérateur à investir pour le développement des territoires ; - de préciser de façon explicite et claire ces clauses, de façon à ce que les actions à entreprendre

par l’investisseur puissent être évaluées et vérifiées ;

- de mettre en œuvre des mécanismes de contrôle et de sanction (pénalités financières, arrêt du contrat) mobilisables tout au long de la durée du contrat.

Promouvoir la participation des ruraux aux activités de production et de gestion des ressources naturelles

Une autre voie pour saisir les retombées positives potentielles offertes par la présence d’opérateurs privés est, pour les Etats, de favoriser l’inclusion des ruraux dans les projets. Les partenariats entre opérateurs privés et agriculture familiale peuvent être promue par des incitations publiques favorisant le développement de schémas de production intensif en main-d’œuvre ou de projets basés, entièrement ou en partie, sur une contractualisation de la production agricole ou de la gestion des ressources.

L’inclusion des ruraux est cependant limitée aux projets qui visent la production et la commercialisation des produits agricoles ou la gestion des ressources naturelles. Elle est plus

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difficilement envisageable lorsque l’objectif des opérateurs est de maitriser le foncier pour le valoriser ou le revendre à moyen ou long terme. Apparaît ici l’importance de dissocier les stratégies des investisseurs pour discriminer les projets porteurs d’avantages socio-économiques pour les Etats et leurs populations, et proposer des solutions adaptées.

Une alternative au développement de grandes exploitations agropastorales industrielles est en effet la mise en place de schémas contractuels de délégation de la production. Ces schémas ne présentent pas de solutions exemptes de contraintes. Ils ne peuvent lier qu’un nombre limité d’acteurs ; certains sont donc exclus et perdants. Ces schémas sont cependant susceptibles de mettre en relation des parties aux intérêts complémentaires ; ces deux parties sont donc gagnantes mais cela ne signifie pas pour autant que leurs gains sont équitables. Ces schémas permettent aux ruraux d’être parties prenantes et bénéficiaires des bénéfices générés dans le long terme et non uniquement les récipiendaires d’une indemnisation ponctuelle (étude IIED/FAO/IFAD). Les formes possibles de contractualisation entre opérateurs industriels et agriculteurs sont nombreuses. Les contrats les plus fréquents se limitent à des contrats de délégation de la production12. De façon schématique, pour les investisseurs dans la position d’acheteur de matière

première, cette contractualisation comporte plusieurs avantages, en termes d’image et, surtout, en termes économiques. Au travers de ces contrats, les investisseurs accèdent à une force de travail à moindre coût, à un savoir faire et, de façon indirecte, au foncier. Ils transfèrent de plus aux agriculteurs le risque de production. En raison de l’absence d’économie d’échelle systématique, les coûts de production en milieu paysan peuvent être plus faibles que ceux des agro-industries. Par contre, les investisseurs supportent des coûts de collecte et d’organisation élevés. Ils peuvent également rencontrer des problèmes d’approvisionnement liés aux éventuels comportements opportunistes des agriculteurs, forts probables dans un contexte de volatilité des prix de l’énergie et des matières premières agricoles. L’établissement de contrats-liés peut limiter ces problèmes d’approvisionnement et permettre aux agriculteurs de bénéficier de crédit, d’intrants, de conseils techniques, et d’avoir un débouché assuré, voire des prix garantis. Les gains effectifs des agriculteurs engagés dans ces contrats dépendent ensuite de leur pouvoir de négociation pour ajuster les clauses du contrat et les prix13 en fonction de l’évolution des marchés. Ces asymétries

de pouvoir peuvent être diminuées par un meilleur accès pour les paysans à l’information et à la formation. Se pose ensuite la question de l’identité capable d’assurer ces coûts de mise à disposition de l’information (l’Etat ?).

D’autres schémas contractuels reposent sur la mise à disposition par les paysans de leur terre à un opérateur privé pour une durée déterminée (reverse tenancy). L’opérateur s’engage de son côté à entreprendre l’ensemble des travaux agricoles et à rémunérer l’accès à la terre (loyer fixe ou proportionnel à la récolte). L’intérêt pour les agriculteurs de ce type de contrat dépend du montant de la rente foncière et de l’existence effective d’activités économiques alternatives au travail de la terre. L’exemple des contrats proposés par Varun à Madagascar illustre une situation a priori très défavorable pour les paysans (cf. présentation de A. Teyssier). Les contrats rédigés par Varun prévoient, en contrepartie de l’accès à la terre, une remise aux agriculteurs de 30 % de la récolte produite sur leurs terres, mais ne les autorisent à garder qu’un tiers de leur part de la production pour assurer leurs besoins alimentaires. Ceci ne représente in fine une quantité insuffisante pour couvrir leurs besoins alimentaires, les contrats ne leur offrant pas par ailleurs des niveaux de revenus suffisants ou d’alternatives concrètes de revenus.

D’autres schémas d’organisation existent sous la forme de joint venture dans laquelle l’opérateur privé, les agriculteurs et, dans certains cas, l’Etat ont des parts (étude IIED/FAO/IFAD et

12

En anglais ces schémas contractuels sont qualifiés de contract farming ou de outgrowers schemes.

13

(13)

IIED). Les agriculteurs mettent à disposition leurs terres et sont employés par l’opérateur privé, les bénéfices sont partagés au prorata des parts détenues dans la joint venture. Dans cette configuration, l’accès au foncier et à la main-d’œuvre est facilité pour l’investisseur, l’accès à l’emploi est assuré pour une fraction des agriculteurs. Il demeure cependant des risques d’expropriation foncière et il est possible que les paysans soient, dans les faits, peu impliqués dans la gouvernance de la joint venture.

Dans le secteur forestier et pour des objectifs de conservation des ressources, cette logique de contractualisation auprès des agriculteurs est également envisagée comme schéma alternatif aux concessions de conservation. Elle repose cependant dans ce cas sur des hypothèses largement discutables (cf. présentation de A. Karsenty). La rente attribuée aux agriculteurs est censée compenser l’absence d’exploitation de la parcelle forestière. Elle dépend donc des coûts d’opportunité des agriculteurs14. Or, ces coûts d’opportunité varient fortement selon les

situations15 et la méthodologie pour les déterminer est sujette à controverse. Par ailleurs, ce

schéma de contractualisation soulève des problèmes importants en termes d’efficacité. Ajoutés aux coûts importants de mise en œuvre d’un tel programme, les coûts de contrôle pour vérifier si les milliers d’agriculteurs respectent effectivement le contrat — c’est-à-dire stoppent leur activité de défriche ou d’exploitation de la forêt — sont exorbitants. Il existe de plus un risque de « diffusion » : de nombreux producteurs, au même titre que les bénéficiaires de ce type de programme, pourraient réclamer des compensations en prétendant limiter leurs activités productives. Ce schéma de contractualisation, inscrit dans une logique de paiement pour services environnementaux, soulève également la question de l’équité. Payer au coût d’opportunité implique qu’il serait plus intéressant financièrement de travailler avec les pauvres qu’avec les riches — les premiers ayant un coût d’opportunité plus faible et les seconds pouvant ainsi continuer leurs activités. Il est de plus implicitement entendu que les pauvres devraient être laissés dans leur situation de pauvreté16. La conservation des forêts, ou leur exploitation durable, ne peut

faire l’économie d’une réflexion sur la capacité des agriculteurs à accroitre durablement leur productivité et à améliorer leurs conditions de vie afin que les ressources forestières ou le foncier forestier ne constituent plus pour eux une source de revenu indispensable. Améliorer durablement les conditions de vie des ruraux implique par conséquent et nécessairement d’agir sur l’ensemble du système agraire (accès au foncier, crédit, intrants, marchés) et sur la promotion d’activités rémunératrices non-agricoles.

Promouvoir le débat pour présenter aux opérateurs des « règles du jeu » claires et organiser l’aménagement des territoires

Dans certains cas, les investisseurs sollicitent uniquement les ministères, voire un seul ministère selon l’objectif de leur projet et leurs réseaux de connaissances. Les élus des régions et des collectivités locales ainsi que la société civile sont rarement informées ou associées aux négociations. Dans d’autres cas au contraire, les opérateurs s’adressent uniquement aux maires de communes rurales pour opérer des tractations foncières portant sur d’immenses portions du territoire communal. Un effort de coordination entre les parties concernées (gouvernement, élus locaux, communautés locales, ONG) mais également entre les ministères, apparait nécessaire pour d’une part, présenter aux opérateurs un cadre stratégique cohérent et d’autre part, améliorer la gestion du territoire. L’enjeu est en particulier de soumettre au débat les modalités

14

En d’autres termes, cette rente serait fonction du revenu que les agriculteurs auraient pu tirer d’une parcelle forestière en l’absence de ces directives de conservation.

15

Par exemple, la marge brute de l’agrobusiness à l’hectare pour le palmier à huile est largement supérieure à celle de la production vivrière pour l’agriculture familiale.

16

La faible compensation donnée aux pauvres, du fait de leurs faibles opportunités de revenus, ne ferait que cristalliser leur situation.

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d’aménagement du territoire et les modèles de développement à promouvoir (par exemple agriculture industrielle et/ou agriculture familiale).

4.

Pistes de recherche et de développement

4.1. Pistes de recherche

Ces dynamiques d’appropriation foncière à grande échelle soulèvent de nouvelles questions mais éclairent également sous un nouvel angle des thématiques de recherche traitées depuis longtemps par la recherche. Ces questions de recherche peuvent être déclinées selon quatre axes, le premier étant d’ordre méthodologique.

a. Les préalables en termes de méthodologie

DOCUMENTER DE FAÇON APPROFONDIE LES DYNAMIQUES D’APPROPRIATION FONCIERE

Le constat partagé lors du séminaire est, dans le prolongement des premières études engagées (IIED/FAO/IFAD, Banque mondiale), qu’il est nécessaire d’opérer des recherches approfondies basées sur un travail de terrain et des méthodologies rigoureuses pour mieux qualifier ces mouvements d’appropriation foncière et identifier leurs implications.

L’accès aux informations relatives aux investissements fonciers à grande échelle est difficile. Les transactions ne sont pas forcément transparentes : pour des raisons stratégiques et politiques, les entreprises et les pays qui les soutiennent sont parfois en situation de concurrence et n’ont aucun intérêt à dévoiler leurs projets ; des institutions/organisations ne sont pas systématiquement présentes dans les pays hôtes pour recenser ces investissements, les opérateurs économiques peuvent être difficilement identifiables ou disponibles pour échanger à propos de leur projet. L’accès aux informations n’est pas pour autant impossible. Un travail d’enquête sur le terrain permet d’obtenir des informations et, surtout, de les recouper. Afin de qualifier ces projets, de juger de leur état d’avancement et d’identifier leurs implications, des entretiens auprès des différentes parties impliquées sont nécessaires : porteurs de projets, cadres et techniciens des services publics et des ministères, élus à différentes échelles territoriales, organisations paysannes, résidents, agriculteurs et pasteurs de la zone concernée par les investissements, prestataires de services impliqués dans l’élaboration des projets, experts. Diversifier les sources d’information permet également de croiser les points de vue.

CLARIFIER LES CONCEPTS ET ANALYSER LES DIFFERENCES SEMANTIQUES

b. Analyser les processus en cours

METTRE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE LES INVESTISSEMENTS FONCIERS A GRANDE ECHELLE

La mise en perspective historique permet :

• d’identifier les conditions sociales, économiques, politiques et techniques qui ont permis le succès ou entraîné l’échec d’investissements à grande échelle (projet de production de denrées agricoles alimentaires et non alimentaires, de gestion ou de production de ressources forestières, d’aménagement hydro-agricole). La réflexion ne peut être limitée au foncier et doit intégrer les autres éléments nécessaires à la production (organisation du travail, accès aux capitaux, accès aux technologies, organisation des voies de communication).

• de mettre en débat le caractère nouveau de ces dynamiques d’appropriation au regard des dynamiques antérieures, des contextes politico-économiques des pays, des stratégies des

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gouvernements des pays hôtes et des investisseurs (concurrence entre investisseurs, prise en compte des pressions commerciales et des pressions pour la conservation).

RESITUER LES INVESTISSEMENTS FONCIERS DANS LEUR CONTEXTE SOCIO-POLITICO

-ECONOMIQUE

En complément au point précédent, cette conceptualisation socio-politico-économique devrait permettre de développer une vision plus complète des phénomènes d’acquisition et des relations structurelles qui les gouvernent. Cela doit permettre de mettre en débat comment les institutions politiques, les jeux des acteurs et l’environnement socio-économique et juridique influent sur la réalisation ou non des contrats fonciers et les formes qu’ils revêtent.

ANALYSER LES RAPPORTS DE FORCE ET LEUR EVOLUTION ENTRE LES DIFFERENTES PARTIES PRENANTES

Il s’agit ici d’étudier les stratégies et les rapports de force, lors de la négociation et de la mise en œuvre de projets d’investissement, entre investisseurs, gouvernement, instances publiques décentralisées, collectivités territoriales, communautés locales et particuliers (élite économique, agriculteurs, éleveurs).

c. Comment réguler les dynamiques d’appropriation foncière ?

QUELLES POLITIQUES ET REGULATIONS FONCIERES ?

L’étude des modes de régulation foncière inclut :

- l’analyse des évolutions en cours ou possibles des modes de régulation de la terre et des ressources naturelles dans un contexte en mutation (pression démographique, entrée de nouveaux acteurs économiques pour des projets de production agricole, de conservation des ressources naturelles, de tourisme) ;

- l’étude de la diversité des modes de sécurisation foncière ;

- l’analyse historique des politiques foncières, de leur processus de construction, des idéologies qui les inspirent, de leur mise en œuvre, de leurs impacts.

ANALYSER LES CADRES INSTITUTIONNELS,LES CONTRATS ET LES MODALITES DE CONTROLE DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS

Les objectifs sont ici les suivants :

- décrypter les contrats passés entre investisseurs et Etat/communautés dans leur différentes dimensions (foncières et non-foncières, engagements sociaux et environnementaux) ;

- analyser les modalités de respect des contrats et les dispositifs mobilisables par les deux parties au regard du droit international et national ;

- étudier les cadres institutionnels existants et les recours possibles pour les ruraux en cas de remise en cause de leurs droits fonciers.

QUELS CADRES INSTITUTIONNELS POURRAIENT ETRE INSTAURES A L’ECHELLE

INTERNATIONALE ?

L’objectif est ici de conduire une analyse critique de l’impact effectif de codes de bonne conduite sur les pratiques de macro-acteurs internationaux et sur celles des gouvernements. Cette analyse sera mise en parallèle avec les recherches sur les activités extractives et sur la responsabilité sociale et environnementale.

(16)

d. Les modèles de développement en question

QUELLES POLITIQUES D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ?

L’étude des politiques d’aménagement du territoire s’intéresse ici :

- à l’analyse des cohérences ou dissonances entre politiques foncières, politiques agricoles, politiques de promotion de l’investissement, politiques environnementales, politiques énergétiques, etc. ;

- à l’étude des modes de concertation pour la gestion des territoires à différentes échelles, ainsi qu’aux modes de négociation pour l’ouverture potentielle d’espaces aux capitaux extérieurs.

LES IMPACTS DES DIFFERENTS MODELES DE DEVELOPPEMENT

L’objectif est ici d’analyser les impacts des différents modèles de développement (agriculture industrielle versus agriculture familiale), c’est–à-dire :

- caractériser les impacts réels des exploitations à grande échelle existantes et en production ; - étudier les différents modes de contractualisation entre agro-industries et agriculture familiale

et leurs impacts respectifs en termes d’emploi, de migration, de développement local, d’aménagement du territoire, d’environnement, de gestion des ressources en eau ou en biodiversité, de partage de la valeur ajoutée, de poids de chaque partie prenante dans la gouvernance des filières ;

- analyser les crises et les conflits induits par ces mouvements d’appropriation et les réactions (capacités de réactions) des différents groupes d’intérêt (continuité ou échec du projet, attribution ou non de compensation et de quelle nature, renforcement des capacités des acteurs locaux, mise en place de garde-fous au niveau national).

4.2. Pistes en termes de développement

Une meilleure connaissance des dynamiques d’appropriation foncière à grande échelle et de leurs impacts permet d’accompagner les réflexions et les processus en cours. Plusieurs objectifs peuvent être d’ores et déjà formulés :

- mettre à disposition des décideurs publics, des investisseurs, de la société civile et des organisations internationales des études caractérisant les projets en cours et leurs impacts effectifs ou potentiels au regard des expériences passées ;

- favoriser le débat public sur les modèles de développement envisageables dans le secteur agricole et celui de la gestion des ressources naturelles ;

- contribuer à la formulation de codes de conduite internationaux et aux dispositifs d’incitation et de contrôle capables de favoriser le respect effectif de ces codes de conduite ;

- fournir un appui à l’élaboration de cadres stratégiques d’accueil des investissements au niveau national et exposer les alternatives en termes de contrats (entre Etat et opérateurs, entre opérateurs et acteurs locaux) ;

- renforcer les capacités de négociation des décideurs publics et des acteurs locaux des pays hôtes ;

- fournir un appui à la conception de schémas d’aménagement concerté du territoire, intégrant une dimension foncière ;

- accompagner la production de politiques foncières susceptibles d’intégrer l’intérêt des populations rurales et des investisseurs internationaux ou nationaux ;

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- promouvoir la reconnaissance et la sécurisation des droits fonciers locaux, ce qui implique au préalable, dans certains pays, de remettre en cause la présomption de domanialité (principe selon lequel les terrains non titrés relèvent d’une propriété présumée de l’Etat).

Références

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