HAL Id: jpa-00233663
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Sur la possibilité de décomposition des noyaux très
lourds en deux noyaux de poids moyen
Ugo Fano
To cite this version:
SUR LA
POSSIBILITÉ
DEDÉCOMPOSITION
DES NOYAUXTRÈS
LOURDS EN DEUX NOYAUX DE POIDS MOYENPar M. UGO FANO.
Sommaire. 2014 Des arguments théoriques très généraux montrent qu’un
noyau extrêmement lourd est
tout à fait instable vis-à-vis des déformations à partir d’une forme sphérique, et que par conséquent il
peul se casser en deux noyaux de poids moyen. D’après les données numériques actuelles, les noyaux les
plus lourds connus se trouvent aux environs du seuil de cette instabilité, ce qui rend plausible
l’interpré-tation donnée par Hahn de ses expériences sur la radioactivité artificielle de l’Uranium. On tâche de discuter les différents mécanismes possibles, par lesquels le choc d’un neutron peut produire la fracture d’un noyau lourd, qui était originairement stable.
1. - Les
phénomènes
de radioactivité artificielleproduits
dans l’uranium par choc de neutrons ont étél’objet
de nombreux travauxexpérimentaux,
sansavoir été
éclaircis,
à cause des trèsgrandes
difficultétechniques
que l’on rencontre. Il étaitcependant
généralement
admisqu’un
groupe(A)
de cesradio-éléments
(c’est-à-dire
celui que l’onprécipite
avecles
sulfures)
devait être attribué aux élémentstrans-uraniens ;
enparticulier,
l’onacceptait
le schémad’analyse
en diverses familles d’isomèresproposé
parMeitner,
Hahn et Strassmann(1).
Un autre groupe(B)
était attribué à des éléments de numéroatomique
inférieur à celui de
l’uranium,
c’est-à-dire à desiso-topes
du thorium ou même de l’actinium et duradium ;
la
production
de ces corps aurait été due à desproces-sus nucléaires du
type (n, ex)
ou même(n,
2ex).
L’étudedu groupe
(B) présente
les difficultés lesplus grandes
et n’avait pu
jusqu’ici
avancerbeaucoup.
Curie etSavitch
(2)
ont reconnu dans ce groupe un élément devie moyenne de
3,5 h,
homologue chimique
des terres rares,qui
devaitd’après
cela raisonnablement êtreun
isotope
del’actinium ;
ilpouvait cependant
êtreséparé
de l’actinium en montrant uneplus grande
analogie
avec les terres rares. Toutrécemment,
Hahn et Strassmann(3)
ontanalysé plus
à fond lafraction
(B)
etproposé
un schémad’analyse
enfamilles,
qui
tireraient leurorigine
de différents isomères d’un élémentalcalino-terreux,
àpartir duquel
dériveraient les éléments du groupe des terres rares,qui
sont encoreradioactifs. Ils ont trouvé que ces éléments sont bien
plus
semblables aubaryum
et aux terres rares,qu’à
leurs
homologues supérieurs
Ra et Ac.D’après
cettepropriété,
ils ont émisl’hypothèse
hardie que laradioactivité du groupe
(B)
doit être attribuéeréelle-ment à des
isotopes
du Ba et des terres rares,qui
seproduiraient
à la suite de ladécomposition
du noyaude
92 U + on
en deuxparties
de massebeaucoup plus
petite.
Le reste de la masse de l’Upourrait d’après
eux se retrouver dans unisotope
du43Ma (4)
9:2 U
+on,
138 Ba
+ à cetélément,
d’autrepart,
onpourrait peut-être
attribuerl’origine
de la fraction(A),
puisque
Hahn et Strassmann déclarent àprésent
que lesexpériences
sur les « transuraniens »prouvent que
les éléments « 93 » sont vraiment des
homologues
du75Re,
et non du Relui-même,
mais n’établissent pass’ils sont des
homologues
supérieurs
(93)
ouinfé-rieurs
(43).
Nous nous trouvons cl()tie en
prés(-nee
d’une Idéephysique qu’on
n’avait pasjusqu’ici envisagée
sérieu-sement : les noyaux lourdspourraient
sedécomposer
enparties
de masses à peuprès égales («fracture))
desnoyaux),
tandis quejusqu’ici
on ne connaissait que desdécompositions
enparties
très différentes(émis-sion de noyaux
légers
par un noyaulourd).
Cette idée doit êtreaujourd’hui
acceptée
avec laplus grande
réserve. D’autre
part,
ilparaît
certainqu’on
nepeut
faire rentrer les
phénomènes
de radioactivité artifi-cielle de l’uranium dans aucun des schémas connus dela
physique
nucléaire,
de sorte que l’on doit êtreprêt
àenvisager
despossibilités
nouvelles. Ilpeut
pourtant
être bon d’examiner dès àprésent
sil’hypo-thèse émise par Hahn et Strassmann
peut
être consi-dérée comme vraisemblabled’après
les connaissancesthéoriques
actuelles sur laphysique
du noyau.2. - Il
est bien connu que la
décomposition
d’unnoyau lourd en deux noyaux de
poids
moyen -réac-tion que nous allons
appeler
« fracture » - serait nonseulement
énergétiquement possible,
mais mêmefor-tement
exothermique :
d’après
les données sur lesmasses des noyaux
(5)
la fracture de1’’’’92 U
en deuxnoyaux stables
pourrait
libérer au moins 220 MVd’énergie.
Ce
gain d’énergie
est dû au fait que la fractureserait
accompagnée
d’une réductionAEcoul
énorme del’énergie électrostatique
dusystème,
tandis que la réductionAENuci
del’énergie
totale de liaison desparticules
estbeaucoup
plus petite ;
la différenceAEcoui - AENucl
qui
constitue le bilanénergétique
de la fracture est donc
positive
et trèsgrande :
savaleur
expérimentale approchée
a été donnéeplus
haut.
La stabilité
expérimentale
de vis-à-vis de lafracture est d’habitude
expliquée
de la manièresui-vante : on observe que, au moment où le noyau lourd
est
déjà
décomposé,
mais que les noyaux résultantsn’ont pas encore été
éloignés
l’un del’autre,
AENuci a
déjà
atteint sa valeurfinale,
tandis que legain
d’éner-gie
électrostatique
AEcoui
est encore trèspetit
etbeaucoup
inférieur à sa valeur finale. Si donc il y avait unephase
intermédiaire de laréaction,
au coursde
laquelle
AEcoui - oENucl
seraitnégatif,
la réactionmême serait
impossible
dupoint
de vue de laméca-nique classique.
Le cas de l’émission x,qui
est à cepropos tout à fait
analogue,
montrequ’à
la suite d’uneffet
quantique
cetteimpussibilité
n’est pasrigoureuse
230
(perméabilité
de la barrière depotentiel
deGamow).
Cet
argument
quantique
serait,
d’autrepart,
beaucoup
moinsimportant
dans notre cas, car les noyaux depoids
moyen, à cause de leurgrande
masse, ont unepénétration
beaucoup plus
petite
dans la barrièrede
potentiel
de Gamow.l’uisqu’on
n’avaitjusqu’ici
pas douté de lastabilité,
même
des noyaux lesplus
lourds,
vis-à-vis de lafracture,
on n’a paspris
grand
soin de vérifierquelles
sont les limites de validité des
arguments, que
nous venonsd’exposer
en sa faveur. Pour atteindre notrebut,
nous allonsjustement analyser
ceslimites,
pourvérifier si ne se trouvait pas tout
près d’elles ;
nous devrions encore tâcher de nous
expliquer
com-ment la
capture
d’un neutron dans un noyau d’Upeut
être suffisante
pour.faire disparaître
sa stabilité.3. - La barrière de Gamow
qui s’oppose
à ladécomposition
d’unsystème
en deuxparties
estreprésentée
par les variations del’énergie potentielle
V dusystème
en fonction del’éloignement r
(g)
des deuxparties
(nous
considérons ici commeénergie
poten-tielle
l’énergie
totale diminuée de la seuleénergie
cinétique
du mouvement relatif des deuxparties).
V est la somme de deux termes
VN
etVE,
qui
corres-pondent
respectivement
àl’énergie
nucléaire etélectro-statique.
Nous
rapprocherons
le casqui
nous intéresse decelui de l’émission de
particules
or. Dans les deux cas,nous allons étudier la forme de la barrière de Gamow en nous
approchant
d’elle du dehors et dudedans,
c’est-à-dire du côté de r très
grand
et du côté de rtrès
petit.
Commeexemple
considérons9’2
qui
émetdes
particules
et de4,15
MV. Nous avons :Pour r très
grand,
on a :puisqu’il n’y
a pas d’interaction entre laparticule
ocet le noyau ;
VN(r)
est constant et nous pouvons leprendre
arbitrairementégal
à zéro. Dans uneexpé-rience
inverse,
où l’on bombarde un noyau de234 ux
par des
particules
« de4,15 MV,
l’on voit que,lorsque
les
particules
sont arrivées à la distance r*-~,35.10-12
cm du noyau,l’énergie
VE(r)
estdéjà
égale
à4,15 MV, énergie
totale desparticules ;
à cemoment,
les
particules
x sont encore bienéloignées
du noyau, c’est-à-dire de la zoner ~/? ~"0,9.10’~
cm danslaquelle
VN(r)
n’est pas constant : ici commence doncla barrière de
Gamow,
c’est-à-dire que r en est le rayon extérieur et l’onprévoit
qu’elle
sera assezlarge
( >
5 . ~0-1~cm).
Comme
exemple
hypothétique
de fracturenucléaire,
prenons : _Ici nous aurons pour r très
grand :
Comme
expérience
inverse,
nous considérerons deuxnoyaux A et B lancés l’un contre l’autre avec une
énergie
d’environ 200 MV(7) .
Le rayon extérieur r*de la barrière sera ici
1,52.10-12
cm, c’est-à-dire queen tout cas la barrière est bien mince que dans le
cas
précédent.
Si nous considérons encore que,d’après
les données
actuelles,
le rayon de choc des noyaux(c’est-à-dire
la somme des rayons des deuxnoyaux)
est1,44.10-12
cm, l’on voit queprobablement
l’approxi-mation « r trèsgrand »
est icidéjà
mauvaise. Donc1~~
peut
êtredéjà
différent de zéro(et
en ce cas,négatif),
de sorte que le rayon r* devient encore
plus petit
etne
peut
plus
être calculé par nous. Nous n’arrivonsdonc
plus
de ce côté à déterminer avec assurancel’existence de la barrière.
Étudions
maintenant l’intérieur de labarrière,
qui
est bien
plus caractéristique. Lorsque
l’on détache uneparticule
ce d’un noyau, il suffit d’une trèspetite
déformation(petite
variation der)
pour passer de l’état initial(particule
dans lenoyau)
à l’état final(particule
détachée).
La variation deVN(r)
est donctrès
brusque,
étant donnéqu’une petite
variation de rréduit sensiblement la liaison
nucléaire,
avecaugmen-tation de
VN,
tandis queVE
nechange
que très peu.La
pente
interne de la barrière de Gamowapparaît
donc comme très raide : siraide,
qu’elle
est d’habitudereprésentée
comme verticale.Tandis que l’émission d’une
particule
oc est compa-rable à la formation d’une bosse sur la surface dunoyau et à son
expulsion,
leprocès
de fracture doitêtre dans sa
phase
initialecomparable
à unallonge-ment
progressif.
Et s’il est clair que la formation d’une bosse doit se faire auxdépens
d’unebrusque
réduction des liaisons
nucléaires,
lacompréhension
des
rapports
énergétiques pendant l’allongement
est moins immédiate. Dans cebut,
il est utiled’appliquer
la
décomposition
courante del’énergie
de liaison d’unnoyau en
énergie
de volume eténergie
de surface : rL’énergie
de volume estcaractéristique
de la liaison de la matière nucléairecontinue ;
elle estproportionnelle
à laquantité
de matière etdépend
seulement de la densité et durapport
protons-neutrons.
L’énergie superficielle
au contraireexprime
ladiscon-tinuité de la matière à la
surface,
c’est-à-dire le faitque les
particules
qui
se trouvent à la surface ont desliaisons non saturées. Cette dernière
énergie
est doncpositive
etproportionnelle
au nombre departicules
qui
se trouvent à lasurface,
c’est-à-dire à l’extension S de la surface elle-même. Selon les idées lesplus
cou-rantes sur les noyaux
(modèle
«liquide
»),
c’estjuste-ment
l’énergie superficielle
qui,
tout à fait comme dansles
gouttes
d’eau, oblige
le noyau à avoir une formesphérique.
Ainsi,
si un noyau se déforme à volume constant àpartir
de sa formesphérique,
chan-gera pas, tandis que VS = kS croîtra. La forme
sphé-rique,
qui
représente
un minimum pourl’énergie
del’énergie électrostatique.
Nous voulons àprésent
tâcher de suivrequantitativement
sur un modèle lesvariations
d’énergie
produites
par unallongement.
Soit une
sphère
de surfaceS 0, chargée
à densitéuni-forme avec une
énergie
électrostatique VEo.
On ladéforme,
à volume et densitéconstants,
jusqu’à
devenir un
ellipsoïde
de rotation d’excentricité E---
(b2 -- a2)
Ja2;
a,
b,
axes;b,
axe derotation).
Onaura :
Si
l’ellipsoïde
étaitaplati (b
Ca),
e seraitima-ginaire,
mais les formules seraient encorevalables ;
en
particulier
lesdéveloppements
ensérie,
qui
necontiennent que des
puissances paires
de s. Si on seborne au
premier
terme dudéveloppement,
on a :g-2/ =- 0;
cette
grandeur (g - 2)
devientnégative lorsque
Ecroît,
mais elle restetoujours petite
dans l’intervallequi
peut
nous intéresser. Si nousreprésentons
par z ladistance virtuelle des deux noyaux,
qui
se formerontpar suite de la fracture
(cette
représentation
n’est pasproportionnelle)
la forme intérieure de la barrière de Gamow sera donnée par :Cette forme est donc essentiellement déterminée par
le
rapport
D’après
les éléments de théorie des noyaux, on a :~N
neutrons et Zprotons),
c’est-à.dire :D’après
les relations entref
et g, il est clair que, si cerapport
descend au-dessous de1 /2,
-sera
négatif
et la déformation seraénergé-tiquement
favorable,
c’est-à-direqu’il
n’y
aura pasdu tout de barrière de Gamow. Si le
rapport est peu
supérieur
à1 /2,
on aura unepetite
barrière,
car( g
-2/)
devient bientôtnégatif.
On voit tout de suite que,
lorsque
Zaugmente,
lerapport
devient aussipetit
que l’onveut,
cequi
étaità
prévoir,
car la surface croît bien moins vite avec lagrandeur
du noyau que sonénergie
électrostatique.
Nous pouvons tâcher de faire une
comparaison,
enutilisant les données
expérimentales
sur yet x,
donton ne connaît que l’ordre de
grandeur (8).
L’équation :
définit un seul d’instabilité vis-à-vis de la fracture
(en
utilisant la relation semiempirique
entre Z et7V -~- Z
(9),
onpeut
éliminer Z et retrouver le seuilsous la
simple
forme d’unpoids atomique critique).
Avec les données
expérimentales,
on a le seuil pour :Pour
238 U,
on obtient :ce
qui
nous montrequ’on
se trouve assezprès
de larégion critique,
ou bienmieux,
que, dans la limite del’incertitude sur les données et sur
le,
modèle,
l’ura-nium
pourrait
se trouver vraiment dans larégion
cri-tique.
Il est
important
de noter que notreprocédé
nedépend
pas essentiellement du choix du « modèle » desnoyaux. On
peut
aisément traduire cequi précède
par
exemple
dans lelangage
d’un modèlequi
attribueau noyau une structure
rigide
constituée par desparti-cules K. Pour rendre maximum le nombre de liaisons
entre les
particules,
la structure aura depréférence
une forme ramassée(sphérique),
maislorsque l’énergie
électrostatique
croîtbeaucoup
une forme devientd’autant
plus
favorablequ’elle
estplus allongée
jusqu’à
la fracture.Nous pouvons donc
conclure,
qu’il
n’est pas invrai-semblable que la zonecritique
vis-à-vis de lafracture
se trouvejuste
au-dessus de l’uranium(9) ;
du mêmecoup, on
expliquerait
la non existence d’élémentsplus
lourds.
Les noyaux
qui
sont assez lourds pour être instablesénergétiquement
vis-à-vis de lafracture,
mais chezqui
la fracture ne seproduit
pas, devraient doncavoir une barrière de Gamow très haute et très
large,
afin que le processus soitpratiquement
inobservable.Mais, d’après
les considérationsprécédentes,
ondevrait s’attendre à ce que la transition aux noyaux
très
lourds,
qui
sont tout à faitinstables,
passe par descas
intermédiaires, qui
donneraient lieu à des frac-tures avec une vie moyenne assezlongue.
L’abais-sement
progressif
de la barrière deGamow,
jusqu’à
suadisparition complète, lorsque
lacharge
du noyauaugmente,
n’est pas en effet trèsrapide.
Il reste donc encore à
expliquer pourquoi
"g.,U
estpratiquement
tout à fait stable vis-à-vis de lafracture,
tandis que le noyau de masse 239(éventuel-lement avec
charge 93)
serait instable avec une viemoyenne d’ordre de
grandeur
nonsupérieur
à uneminute.
D’après
les idées courantes sur les noyaux, il ne semble même pas que l’excitation del’état,
danslequel
se forme92 U
(par capture
d’un neutronpuisse jouer
dans cephénomène
un rôle232
en effet très
improbable
que cette excitation concentreune très
grande énergie
cinétique
sur lesdegrés
deliberté
correspondants
aux oscillations deforme,
de sorte que l’onpuisse dépasser
labarrière,
ou au moinsréduire de
beaucoup
sa hauteur. Il semble donc que lacapture
du neutron nepuisse
être effective vis-à-vis dubrusque
changement
destabilité,
ni parl’apport
d’énergie
dû à la liaison duneutron,
ni même parl’augmentation
decharge qui
suivrait une radioactivitép
préalable.
Nous n’avons pas
cependant jusqu’ici
considéré les effetspossibles
des forcescentrifuges, qu’on
auraitdans un noyau en rotation. C’est sans doute une
approximation
trèsgrossière
et assezfausse,
qued’attribuer le moment de rotation d’un noyau à un
mouvement de rotation collectif
superposé
à desmouvements
internes,
qui
ne donnent pas decontri-bution au moment de rotation total. Nous allons
pourtant
employer
cetteapproximation
pour nousfaire une idée de la situation. Soit donnée une
sphère
avec moment d’inertie J dans un état de rotation avecmoment de
L’énergie
de rotationsera :
Si à
présent
lasphère
se déforme selon unellipsoïde,
l’énergie
devient :L’on voit de suite
qu’ici
ledéveloppement
en sériecontient
déjà
le terme avece:2,
dont lesigne dépend
dufait que
l’ellipsoïde
estallongé
ouaplati.
La formesphérique
ne constitue donc pas uneposition
d’équi-libre vis-à-vis de la force
centrifuge,
au contraire de cequi
se passe pour les forcessuperficielles
etélectro-statiques.
(Le
signe
de la déformationénergétiquement
favorable -allongement
ou bienaplatissement
-dépend
du nombrequantique n,
c’est-à-dire durapport
entre la direction de la déformation et celle du moment derotation).
Laposition d’équilibre
entre forcescentrifuges
et forcessuperficielles
etélectro-statiques
sera donc obtenue par une déformationdiffé-rente de zéro et
correspond
au minimum de la function:Dans les noyaux
qui
ne sont pas trèslourds,
l’énergie
(2
V 80
-VEb)
est bienplus
grande
quel’énergie
de(qui
sera engénéral
plus
petite
que 1MV),
de sorte quedéjà
pour depetites
, 4
déformations,
le terme( Vso -
E
peut
compen-45
ser le terme en a2 dans
l’énergie
de rotation : laposi-tion
d’équilibre correspond
donc à une déformationtrès
petite.
Mais il est clair quelorsqu’on s’approche
à la limite de stabilité vis-à-vis de la fracture
(c’est-à-dire
lorsque
2V Eo
devient trèspetit),
ledéplacement
de laposition d’équilibre
va devenirbien
plus grand,
cequi
va en tout cas faire devenir encoreplus
mince la barrière de Gamow. Tout demême,
étant donnée l’extrême
petitesse
du coefficientj ( j
+1)
il semble difficile que même ceteffet
puisse
être décisif.Il est
pourtant
intéressant de remarquer que, si l’action des forcescentrifuges
étaitquantitativement
plus importante,
on tirerait d’elle uneexplication
trèssatisfaisante de la
brusque
entrée en scène de l’insta-bilité. Le seuil d’instabilité serait en effet divers pour les différentes valeurs du moment de rotation nucléaire.Lorsqu’un
neutron estcapturé
dans un noyau, sonénergie
de liaison devient libre par suite de trèsnom-breuses émissions y, au cours
desquelles
le noyau setrouve en différents états de rotation : on
conçoit
alorsqu’il puisse
pour un certaintemps
se trouver dans unétat très
instable,
bien que celui-ci ne contienne pasbeaucoup plus d’énergie
que l’état fondamental(qui
est au contraire
stable).
Cetype
d’explication possible
est
justement intéressant,
parcequ’il
peut
êtregéné-ralisé : étant donné que les forces
centrifuges
n’ontpas de
grande importance,
onpourrait
chercher s’ily a d’autres caractères du noyau
(par
exemple
lasymétrie),
d’après
lesquels
la stabilitéchangerait
fortement d’unsystème
de termes àl’autre,
c’est-à-dire parexemple
à la suite d’unesimple
transition radiative. Une situation de ce genrepourrait
avoird’importantes conséquences expérimentales :
d’uncôté,
onpourrait
penserqu’aussi
à cetégard
le tho-rium(dont
lesphénomènes
de radioactivité artificiellene sont pas encore très
clairs),
secomporte
de manièreanalogue
àl’uranium ;
d’autrepart,
toute sorte d’exci-tationnucléaire,
suivie par une série d’émissions y,aurait la
possibilité
deproduire
la fracture.Pour
terminer,
je
voudrais encore remarquer lapossibilité
suivante :lorsque,
par suite de lagrande
charge
du noyau, les forcesqui
maintiennent la formesphérique
deviennentplus petites,
lafréquence
des oscillations de forme(1°)
devient,
elleaussi, plus petite
(une
oscillationharmonique
dont lequantum
est de 40 000 V a lafréquence 1019).
Cettefréquence
d’oscil-lation serait ainsi bien
plus petite
que celle deséchanges
d’énergie
entre les différentsdegrés
de liberté d’unnoyau
excité ;
onpeut
penser que cette situationpourrait
provoquer des effetsmécaniques
non encoreétudiés.
_
Mme I.
Joliot-Curie, qui
a bien voulum’encourager
dans l’étudethéorique
de cettequestion.
Note. --- L’éclatante confirmation
expérimentale
de
l’hypothèse
de Hahn parJoliot,
Fritch et autres(11, 12)
donne une base solide à tout cequ’il
yavait
d’hypothétique
dans les basesexpérimentales
des discussionsprécédentes,
et enaugmente
l’impor-tance. Le fait que dans les
expériences
le thorium et le thallium donnent le même résultat que l’uranium est trèsimportant :
il démontre que l’instabilitéprovoquée
dans l’U . par lacapture
d’un neutron n’est pas due àl’augmentation
de la masse(ou
éventuellement de lacharge),
y maisqu’elle
estcaractéristique
des étatsexcités des noyaux très lourds. Il reste encore à éclair-cir
expérimentalement
si l’excitation est effectivetout
simplement
comme contributionénergétique
à surmonter la barrière deGamow,
ou bien commepossi-bilité de transition à des états
ayant
propriétés
propres
qui
les rendentplus
instables que l’état fondamental. Dans lepremier
cas,l’instabilité
devrait diminuer fortement avecl’énergie d’excitation,
tandisque dans le dernier cas une excitation
plus petite
(produite
parexemple
par des rayons Xdurs)
pourrait
aussi être effective.Le fait que la fracture soit
produite
dans l’uraniumpar les neutrons
lents,
tandis que seuls les neutronsrapides
peuvent
laproduire
dans le thorium et dans le thallium est en accord avec lapremière hypothèse ;
dans cette
hypothèse,
on doit en effet s’attendre à ceque la contribution
énergétique
nécessaire pour lafracture devienne
toujours plus grande
à mesure quele numéro
atomique
décroît,
puisque
aussi la barrière de Gamow devientplus grande.
Si l’évidence
expérimentale
allait montrerque la
contribution
énergétique
est le facteur essentiel dela
fracture,
on devrait considérer à nouveaul’argu-ment
théorique, qui
dans lapremière analyse
nous afait repousser cette
hypothèse.
Cetargument
consis-tait dans ce que, selon le schéma deBohr,
laprobabilité
que
l’énergie
d’excitation d’un noyau lourd secon-centre sur un seul
degré
de liberté(à
savoir sur undegré
de libertécorrespondant
aux oscillations deforme)
est extraordinairement faible. La valeur decette remarque
pourrait
pourtant
être réduite parune autre observation : nous avons
déjà rappelé
quela
fréquence
des oscillations de forme des noyaux trèslourds devient
petite, lorsqu’on s’approche
du seuild’instabilité ;
dans une formeplus générale,
onpeut
dire que c’est
l’énergie
du niveau leplus profond
correspondant
aux oscillations deforme,
qui
devienttrès
petite.
Il s’ensuit que les étatscorrespondants
àune-grande
excitation dans ces mêmesdegrés
de libertéont une densité assez
grande,
ou,plus généralement,
que le
poids
statistique
des oscillations de formeaugmente
beaucoup,
cequi
évidemment rendplus
probable
la fracture.Je voudrais enfin
rappeler
que l’étudeexpérimentale
et
théorique
de ladépendance
des sections efficaces de l’uranium de la vitesse des neutronspeut
nousfournir des contributions considérables. Le fait que
les différents processus
qui
ont lieu dans l’uranium(fracture
d’un côté et formationprobable
d’un(3-radioactif
del’autre)
donnent lieu à des bandesd’absorption
différentes,
montredéjà
que laproba-bilité relative des deux processus
change
bien d’un niveau de résonance à l’autre.Manuscrit reçu le 25 février 1939.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Z. f. Physik, 1937, 106, 249.
(2) J. de Physique, 1937, 8, 385 ; Comptes Rendus, 1938, 206,
1643, J. de Physique, 1938, 9, 355.
(3) Naturwiss., 1938, 26, 755 ; 1939, 27, 11.
(4) Dans cette décomposition il faut, pour le moment, tenir
compte seulement de la conservation de la masse et non de celle de la charge, puisque des
radioactivités 03B2
à très courte périodepourraient n’avoir pas été décelées.
(5) Par exemple, BETHE et BACHER. Rev. of Mod. Physics, 1936, 8, 82.
(6) Cette grandeur n’a évidemment pas toujours un sens précis (par exemple, lorsque les deux parties se touchent) ; on doit alors tâcher de la représenter par un paramètre approprié.
(7) Puisque
139 53A
et10040B
sont 03B2-instables nous n’avons pasà notre disposition toute l’énergie de 220 MV dont on a parlé plus haut.
(8) Par exemple, BETHE et BACHER. Rev. of Mod. Physics,
1936, 8, 82.
(9) Je dois à la courtoisie de M. Placzek l’information, que des idées analogues lui avaient été déjà exposées par M. Frisch, à
Copenhague.
(10) Il faut toujours prendre garde qu’une image telle que « oscillations de forme avec une certaine fréquence » est
proba-blement bien grossière.
(11) F. JOLIOT. Comptes Rendus, 1939, 208, 341 ; L. MEITNER,
O. FRISCH. Nature, 1939, 143, 239 ; O. FRISCH. Nature, 1939, 143, 276 ; I. CURIE et F. SAVITCH. Comptes Rendus, 1939, 208, 343 ; O. HAHN et F. STRASSMANN. Naturwiss., 1939, 27, 89;
W. WEFELMEIER. Naturwiss., 1939, 27, 111.
(12) Il semble que Wafelmeier considère que l’action des forces
coulombiennes, qui est antagoniste à celle des forces superficielles, ait pour conséquence que la forme sphérique ne constitue pas
une position d’équilibre. Cela n’est pas vrai dans le cas du modèle
liquide (v. pages 5 et 8), où la forme sphérique constitue toujours une position d’équilibre, stable ou instable. Il se peut que ce
résul-tat soit propre au modèle liquide, mais je ne vois pas de raison