• Aucun résultat trouvé

Article pp.631-634 du Vol.8 n°4 (2010)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Article pp.631-634 du Vol.8 n°4 (2010)"

Copied!
4
0
0

Texte intégral

(1)

L ECTURE CRITIQUE

Enquête sur les représentations du métier d’enseignant à distance à l’université

Julie Boissonneault

Enjeux de la médiatisation à l’université.

Représentations dans la pratique professorale Prise de parole, 2009, Ottawa, 230 pages

Cet ouvrage s’inscrit dans un projet scientifique plus global que mène l’auteure depuis quelques années en territoire canadien et qui traite des relations qu’entretient le milieu universitaire avec les technologies d’information et de communication (TIC). Sa première étude a porté sur l’usage de la vidéoconférence interactive auprès d’étudiants de deuxième cycle universitaire, la deuxième a traité de la question de la mesure de l’efficacité des nouveaux médias d’apprentissage. Ces études ont été l’occasion d’entrevoir ce qui constitue pour l’auteure « la percée d’une nouvelle perspective suscitée par les TIC face à l’apprentissage de la part des étudiants et d’une nouvelle façon de voir l’enseignement de la part des professeurs » (p. 8). Par l’enquête présentée dans cet ouvrage, Julie Boissonneault tente de savoir si cette nouvelle perspective correspond à de réels changements d’attitude face à l’acte d’enseigner et à celui d’apprendre à l’université.

Si l’objet des TIC à l’université n’est plus aujourd’hui « un ignoré » de la recherche qui s’intéresse à l’éducation, il reste un objet observé sous quelques angles privilégiés : la relation homme-machine, la production des discours et la socio-économie des outils et médias éducatifs. Beaucoup de chercheurs impliqués dans ces travaux déplorent le manque d’enquêtes de terrain mais à y regarder de plus prêt, des recueils de données existent mais sont conçus le plus souvent pour tenter de faire la preuve de l’efficacité des TIC dans les dispositifs de formation. Le projet de Julie Boissonneault est autre qui s’intéresse à des représentations sociales et vise, par des entretiens semi-directifs, à comprendre comment les enseignants se représentent leur métier quand celui-ci est largement lié aux TIC. Elle a ainsi choisi d’enquêter dans un établissement universitaire où existe une offre de formation à distance (depuis 1972) et où les TIC font l’objet d’une politique incitative forte.

Inspirée par des travaux tels ceux d’Abric sur les pratiques sociales et les représentations (1994), l’auteure s’intéresse à la façon dont les savoirs communs s’imbriquent et sont régulés actualisant en permanence des valeurs centrales communes à un groupe, ici des enseignants de l’université. Les représentations sont, pour elle, « symptomatiques des changements qui s’opèrent dans un collectif quelconque » (p. 60). Même si les recherches sur les représentations

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur ds.revuesonline.com

(2)

632 Distances et savoirs. Volume 8 – n° 4/2010

professionnelles des enseignants ont eu tendance à mettre en évidence l’écart entre les discours et les pratiques, questionner les représentations qu’ils ont de leur métier quand des TIC ont été introduites à l’université, c’est se donner, pour l’auteure, la possibilité de mettre en évidence une situation propice ou non au changement et interroger l’existence de la fameuse rupture paradigmatique qui serait, pour certains chercheurs, inhérente à l’introduction de ces technologies transformant apprentissages et enseignement

Pour mener à bien son projet, l’auteure a construit son livre autour de cinq chapitres, encadrant ainsi l’enquête proprement dite (chapitre 3 et 4) par des considérations plus générales (chapitre 1, 2 et 5). Ainsi, le premier chapitre reprend les résultats de nombreux travaux sur l’enseignement à distance et les technologies qui lui ont été associées. Elle retient du travail de Rocheleau (1995) la définition large de

« médias d’apprentissages » qui permet de mettre en évidence la coexistence de trois fonctions (consultation, production, gestion), fonctions essentielles pour l’enseignement à distance. Reprenant les réflexions de Keegan et Holmberg du début des années 1980 qui ont tenté de caractériser la formation à distance, elle oppose des conceptions plus récentes qui soutiennent que les frontières entre la formation à distance et « la formation sur place » sont en voie de désagrégation sans pour autant renvoyer à des recherches qui permettraient d’apporter une quelconque preuve de l’existence du phénomène. Ainsi, aux approches réflexives de praticiens de l’enseignement à distance succèdent des spéculations d’experts des TIC qui dessinent, peut être quelque peu hâtivement, « une histoire occidentale » (p. 35) marquée dernièrement par « la révolution de l’information et de l’image » (p. 35). L’apparition de consortiums d’établissements destinés à « faire front commun face à la mondialisation de l’éducation » (p. 42) en serait une manifestation. Enfin critiquant les recherches sur les médias, trop centrées sur les questions d’efficacité institutionnelle comme les tenants de la thèse de la non-influence, Julie Boissonneault préfère s’attarder sur les indicateurs qui permettent de prouver que les TIC « amènent les professeurs à réfléchir à leur pratique » (p. 50).

Le deuxième chapitre reprend les grandes lignes de la discussion sur le concept de représentations sociales tel que popularisé initialement par Moscovici en 1961.

Cet exposé est suivi d’une synthèse des conceptions de la relation pédagogique (Houssaye, 1992), de la relation didactique (1991), il y est question du « triangle pédagogique » (Develay, 1992) et des deux paradigmes de l’éducation (enseignement vs apprentissage). L’organisation universitaire est présentée comme ayant bénéficié d’un fort investissement technologique et d’un faible investissement humain ce qui y rend l’apprentissage difficile. Dans ce contexte, reprenant les arguments de bon nombre de partisans de l’enseignement à distance, celui-ci peut avoir un rôle d’entraînement sur l’ensemble de la communauté. Ces constats conduisent Julie Boissonneault à construire son enquête autour de deux grandes questions : Quelles représentations les professeurs universitaires ont-ils de ce que sont enseignement et apprentissage ? Comment les TIC et la formation à distance contribuent-elles à ces représentations ?

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur ds.revuesonline.com

(3)

Lecture critique 633

Le troisième chapitre est consacré à la méthodologie de l’enquête réalisée dans une institution qui pratique de l’enseignement à distance depuis 1972. Biais et échantillon de personnes interrogées y sont présentés avec le même soin.

Laissant aux lecteurs le soin de découvrir les résultats de cette enquête, nous émettrons quelques remarques suggérées par la comparaison avec des enquêtes bien antérieures, menées en France, au sein de l’Ecole Normale de St Cloud, alors dotée d’une mission chargée d’accompagner le développement de l’enseignement à distance dans les universités françaises. Que les groupes interrogés soient importants ou plus réduits, qu’il s’agisse des années 1970 ou des années 2000, il ressort que pour bon nombre d’enseignants, ces expériences constituent « une occasion de parler de pédagogie » (p. 185). Dans un espace professionnel où les actes sont « solitaires » (p. 184) et où l’expérience est presque la seule façon de se professionnaliser, s’impliquer dans une formation à distance bouscule cet ordre des choses et, à trente années d’intervalles, se répètent les mêmes constats de déséquilibre d’investissement entre le volet technologique et le volet pédagogique et de besoin de formation des enseignants du supérieur à la pédagogie comme à l’utilisation des médias pour, notamment, les rendre moins « vulnérables » (p. 192).

Ainsi, moins intéressant par sa nouveauté (mais faut-il tenir à la nouveauté quand on parle de TIC ?) que par la mise en œuvre d’un véritable travail de terrain, l’ouvrage de Julie Boissonneault apporte des preuves complémentaires de la fuite en avant technologique qui caractérise souvent le mouvement d’introduction des TIC à l’université. Phénomène inquiétant et non régressif, puisque plus la technologie semble adaptée aux pédagogies les plus riches et variées, plus ces dernières semblent ignorées des systèmes universitaires. Faut-il, comme l’auteure de cet ouvrage, s’en remettre à l’enseignement à distance pour « jeter un nouveau regard sur les relations pédagogiques en accentuant l’échange et la nature de la communication réciproque dans les relations d’apprentissage » (p. 206) ?

FRANÇOISE THIBAULT

FMSH Paris, Programme Tématice francoise.thibault4@orange.fr

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur ds.revuesonline.com

(4)

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur ds.revuesonline.com

Références

Documents relatifs

Le constat « frappant » dont procèdent les auteurs d’Enseigner avec les technologies… et sur lequel, à notre tour, nous reviendrons un peu plus bas leur fait écrire qu’«

Au final, le modèle CRITIC présente des caractéristiques intéressantes, notamment dans sa capacité à mettre en équivalence diverses techniques à travers le temps, non pas

Granjon, « PC et Internet dans les classes populaires : inégalités numériques et rapports sociaux de classe, de sexe et d’âge » pose tout d’abord la question de la définition

Usages des TICE dans le cadre de l’enseignement des langues – Apprendre avec un forum ou un chat.. – Apprendre avec les plates-formes – Apprendre avec la baladodiffusion

Cette thèse porte sur le déploiement des technologies de l’information et de la communication pour l’éducation (TICE) dans le cadre libanais, elle s’intéresse au e- learning et

En effet, alors que l’enseignement des langues a constitué depuis longtemps l’un des secteurs les plus actifs en matière de formation à distance, les contributions consacrées à

Nous poursuivrons ainsi notre écoute des travaux de recherche structurant les domaines qui croisent la formation à distance, soit issus d’une même discipline – et un prochain

De ce point de vue, dans la troisième partie de l’ouvrage, les axes thématiques à propos desquels sont formulées les 25 questions distinguent très justement intégration des TICE