LA HOUILLE B L A N C H E
Revue générale des Forces Hydro-Electriques et de leurs applications
La Houille noire a fait l'Industrie moderne;
A n n é e . — O c t o b r e 1909. — N ° 10. la Houille blanche la transformera.
Ift de Loi sur les usines hydrauliques établies sur les cours d'eau et canaux du domaine public.
U 8 juillet 1908, M M . BARTHOU, alors ministre des Travaux pu- }ks, et C\H.I.AUX, ministre des Finances ,ont déposé sur le bureau lia Cliambre des Députés u n projet de loi relatif aux usines liy- tauliqucs établies sur les cours d'eau d u domaine public Ce
|rdjt't de lui l u i renvoyé à la Commission des Travaux publics, jie Chemins de fer et des Voies de communication, qui n o m m a ItBaudin rapporteur. De 10 juillet dernier, la C h a m b r e a adopté je projet de loi,dont .nous donnons plus loin le texte. N o u s allons, i p i à v v m l , reproduire l'exposé des motifs fait par les ministres ïdvmèmes, ainsi que le rapport de M . Baudin.
E X P O S É D E S MOTIFS
L'utilisation d e s forces hydrauliques p r e n d d e jour e n Jrnr une importance plus considérable. E h permettant d e iknsporter a u loin l'énergie produite, les progrès d e la jseience ont rendu indispensable u n e m i s e e n valeur m é t h o - Ique des réserves de force contenues e n puissance d a n s les iours d'eau de notre pays.
Les entraves q u e la législation e n vigueur sur le régime fc eaux apporte a u libre d é v e l o p p e m e n t d e l'industrie jndro-électnque ont motivé la présentation, d a n s ces der- ptères années, de plusieurs projets o u propositions de lois liant tous pour objet d'établir u n e réglementation générale lieux adaptée a u x besoins d e la nouvelle industrie.
C'est ainsi qu'au cours d e la dernière législature, d e u x impositions d e loi ont été déposées, l'une, le 3 0 m a i 1903,
| » M M . Baudin et Millerand, l'autre le 23 juin 1903, p a r p. (tuillain et qu'en outre, u n projet d e loi a été présenté à jfeGliambre, le 15 janvier 1904, par M . M o u g e o t , ministre pel'agriculture, dues d e u x propositions de lois d e M M . B a u - N et Millerand et d e M . Guillam, visaient tous les cours l'eau en général, tandis q u e le projet d e M . M o u g e o t n e
«appliquait qu'aux cours d'eau n o n navigables ni flottables.
h dernier projet n'ayant p u venir e n discussion avant le taie de la huitième législature, est d e v e n u caduc, et ÏRiiiau, ministre de l'agriculture, y a substitué, te J2 juin
*6, un nouveau projet qui n e diffère d e l'ancien q u e par piques c h a n g e m e n t s d'importance secondaire sur lesquels
«Commission d é l'ancienne C h a m b r e et le G o u v e r n e m e n t Paient déjà m i s d'accord.
Mais le projet de M . R u au, c o m m e celui de M . M o u g e o t Wil a remplacé, n e s'applique qu'aux cours d'eau n o n navi- res ni flottables.
Convenait-il d e l'étendre a u x cours d'eau navigables et
«tables ou citait-il préférable d e préparer u n objet de loi W a l pour c h a q u e catégorie de cours d'eau ? A p r è s m û r
R«nen de la question, le G o u v e r n e m e n t , d'accord avec la émission qui avait e u à e x a m i n e r le projet M o u g e o t , n'a N hésité à se prononcer p o u r la s e c o n d e solution. Les m o - Fs îui l'ont conduit à cette détermination ont été r é s u m é s Sautant de netteté q u e d e concision d a n s le projet de loi
déposé par M. R u a u le 12 juin 1906. N o u s n e p o u v o n s m i e u x faire q u e die reproduire ici le passage correspondant de son exposé des motifs :
« L e projet actuel, d e m ê m e q u e celui qu'il remplace, laisse e n dehors d e ses dispositions les usines sur cours d'eau navigables et n e vise q u e les usines sur cours d'eau n o n navigables. L e s régimes légaux de ces d e u x catégories d'usines n'ont a u c u n rapport et leur dissemblance résulte de la différence capitale des législations régissant les cours d'eau sur lesquels elles sont respectivement situées : les cours d'eau navigables qui relèvent d u D é p a r t e m e n t des T r a v a u x publics appartenant a u d o m a i n e public ; le lit des cours d'eau n o n navigables qui dépendent d u ministère de l'agriculture appartenant a u x riverains, tandis q u e leurs e a u x sont « res nullius ». Les modifications qu'il convient d'apporter a u régime des unes n'ont d o n c a u c u n e analogie avec celles qu'il p e u t y avoir lieu de faire subir a u régime des autres ; d'ailleurs, c'est sur les cours d'eau n o n naviga- bles qu'exisfe la presque totalité des grandes chutes et q u e se rencontrent les principales difficultés q u e soulève la lé- gislation actuelle des usines hydrauliques. Il n'y avait d o n c a u c u n e raison p o u r lier le sort des usines établies sur ces cours d'eau à celui des établissements hydrauliques installés sur les cours d'eau navigables, et il a paru, a u contraire, ainsi q u e l'a r e c o n n u la C o m m i s s i o n d e la C h a m b r e , qu'à vouloir trancher,par m e s u r e d'ensemble, des questions essen- tiellement dissemblables, o n risquerait de compliquer le pro- b l è m e à résoudre et de retarder des réformes qu'il est urgent de faire aboutir ».
L e projet de loi q u e n o u s soumettons aujourd'hui à vos délibérations s'applique d o n c u n i q u e m e n t a u x rivières navi- gables et flottables et a u x c a n a u x d e navigation, c'est-à-dire a u x seuls cours d'eau qui font partie d u d o m a i n e public.
Actuellement, a u c u n e usine n e peut être établie sur les cours d'eau d u d o m a i n e public qu'en vertu d'une autori- sation accordée p a r décret e n Conseil d'Etat. Il n'est fait d'excepition q u e p o u r les usines ayant existence légale et les seules usines d e cette catégorie sont celles qui ont été établies avant l'Eidit de M o u l i n s do 1566 ou qui ont fait l'objet d'une vente nationale a u cours d e la période révolutionnaire.
L'autorisation (1) est s u b o r d o n n é e à u n certain n o m b r e de conditions d'ordre technique et fiscal ; m a i s elle est, avant tout, précaire et révocable en raison d u caractère inaliénable et imprescriptible d u d o m a i n e publie. Cette précarité a été souvent dénoncée c o m m e u n grave obstacle à la m i s e e n valeur des richesses hydrauliques naturelles. O n se repré- sente volontiers le possesseur d'une usine située sur u n cours d'eau d u d o m a i n e public, c o m m e entravé! d a n s tous ses m o u v e m e n t s p a r les incertitudes d'une situation essentielle- m e n t instable qui l'empoche de faire œ u v r e durable.
R i e n n'est plus contraire à la réalité des choses.
(1) A u t o r i s a t i o n q u e la p r a t i q u e c o u r a n t e qualifie s o u v e n t d e conces- sion, b i e n qu'elle n e p r é s e n t e a u c u n d e s c a r a c t è r e s d e la c o n c e s s i o n d e t r a v a u x p u b l i c s .
Article published by SHF and available athttp://www.shf-lhb.orgorhttp://dx.doi.org/10.1051/lhb/1909071
E n fait, l'industrie paraît s ' a c c o m m o d e r fort bien de la législation en vigueur, ainsi q u e le d é m o n t r e n t s u r a b o n d a m - m e n t les n o m b r e u s e s et très vives compétitions auxquelles d o n n e lieu la concession des chutes qui se présentent d a n s des conditions particulièrement avantageuses a u point cle vue, soit de l'aménagement, soit d e l'exploitation.,
Si les d e m a n d e u r s en autorisation n e se laissent pas ef- frayer par les apparences si rigoureuses de la clause d e pré- carité, c'est qu'ils savent par u n e longue expérience q u e cette clause n e joue q u e d a n s des cas e x t r ê m e m e n t rares et q u e son application est entourée par la jurisprudence d u Conseil d'Etat de telles garanties p o u r les intérêts privés qu'on s'est parfois d e m a n d é si elle n e constituait pas u n e protection p u r e m e n t illusoire des droits imprescriptibles d u d o m a i n e public.
Cette dernière considération, qui a frappé b e a u c o u p de b o n s esprits et qui n'est certes pas sans fondement, n o u s a a m e n é s à poser en principe d a n s la nouvelle loi q u e toutes les autorisations accordées p o u r l'établissement d'usines sur les cours d'eau d u d o m a i n e public seront n o n seulement précaires et révocables, m a i s encore enfermées d a n s les limites d'une durée calculée assez largement p o u r sauve- garder les intérêts de l'Etat sans porter atteinte à c e u x de l'industrie. L a durée de trente ans n o u s a p a r u répondre c o n v e n a b l e m e n t a u x conditions cle l'industrie m o d e r n e .
C e n'est p a s la seule réforme importante q u e doive réali- ser la nouvelle législation.
Suivant la destination qui leur est assignée, les usines hydrauliques sont appelées à jouer d a n s la vie é c o n o m i q u e d u pays des rôles tout à fait différents. Il paraît d o n c logique q u e la loi leur attribue des statuts différents suivant la nature et l'importance des services q u e la collectivité est en droit d'attendre de leur fonctionnement.
Autrefois, l'usinier songeait u n i q u e m e n t à se servir de l'eau c o m m e il se serait servi de c h a r b o n p o u r mettre en m o u v e m e n t les m a c h i n e s destinées à la fabrication des produits d e son industrie.
Aujourd'hui, u n e nouvelle industrie s'est créée de toutes pièces et elle a pris en quelques années u n d é v e l o p p e m e n t prodigieux : l'énergie e m p r u n t é e a u x chutes d'eau est con- vertie en électricité et transportée a u loin p o u r être appli- q u é e a u x différents besoins de l'industrie.
D'où la conception de d e u x types différents d'usines : L'usine privée o ù la force hydraulique est e m p l o y é e uni- q u e m e n t à desservir les besoins industriels d'un établisse- m e n t particulier et dont le fonctionnement n'affecte ainsi q u e des intérêts privés.
L'usine publique, véritable fabrique d'énergie, destinée à alimenter en force o u en lumière toute u n e région et qui se rattache ainsi à des intérêts généraux.
L a loi n e peut accorder égalité d e régime à des entre- prises aussi dissemblables.
L'usine privée, où la force hydraulique est e m p l o y é e uni- sous le régime de la réglementation actuelle qui a été faite spécialement p o u r elle et s'adapte très c o n v e n a b l e m e n t à ses besoins. L a seule innovation qui lui sera imposée consiste, c o m m e n o u s l'avons dit, dans la limitation à trente ans de la durée de l'autorisation.
C h a q u e fois q u e l'Administration sera saisie d'une de- m a n d e e n autorisation d'usine privée, elle devra e x a m i n e r avec le plus g r a n d soin si cette autorisation est compatible avec u n a m é n a g e m e n t rationnel des forces d u cours d'eau et prendre les précautions nécessaires p o u r qu'elle n e puisse apporter a u c u n obstacle a u libre d é v e l o p p e m e n t des usines publiques dont il y aurait h e u de prévoir le prochain éta- blissement d a n s la région. Il va sans dire q u e toutes ses décisions seront c o n s t a m m e n t inspirées par le juste souci de d o n n e r le pas à l'intérêt publique sur l'intérêt privé.
Q u a n t à l'usine publique, c'est u n organisme a b s o l u m e n t comparable à ces entreprises d'utilité générale dont l'Admi-
nistration est d a n s l'usage de confier l'établissement el fonctionnement à u n concessionnaire. Elle fera donc p0hjat d'une concession.
L e concessionnaire sera a r m é des m ê m e s droits et soumis a u x m ê m e s obligations q u e l'Administration elle-même. prii.
Gisement parce qu'il est appelé à accomplir u n e œuvre d'uti- lité générale, il sera investi cle la faculté d'exercer certain coercitions à l'égard de la propriété privée. L'acte de cou"
cession définira les conditions d'usage et de tarif auxquelles le bénéficiaire sera s o u m i s ; il indiquera aussi la duiée as- signée, n o n pas à l'existence de l'usine — celle-ci prend r a n g d a n s les d é p e n d a n c e s d u d o m a i n e public et ne clian- géra plus d'état q u e par u n déclassement — mais a u droit d'exploitation attribué a u concessionnaire. Tarif, conditions d'usage, durée, tout devra être calculé de façon à permette la réalisation de légitimes bénéfices, tout en maintenanti l'opération s o n caractère essentiel de service public.
E n s o m m e , le statut des usines publiques sera m o d e l f sur celui des autres entreprises p o u r lesquelles l'Administra- tion recourt au système de la concession. II s'agit, on le voit, d'un o r g a n i s m e d'un type c o n n u , déjà éprouvé dans la pratique et dont le fonctionnement, bien défini par lad»
trine et la jurisprudence, n e peut soulever aucune diffi- culté.
A y a n t ainsi défini l'objet essentiel et les caractères géné- r a u x de la loi, il n o u s reste à d o n n e r quelques explications sur les prescriptions de détail q u e formulent les divers articles.
A R T . 1e r et 2. — A p r è s avoir posé clans l'article i" le prin- cipe cle la classification des usines, la loi d o n n e , dans l'ar- ticle 2, la définition des d e u x catégories. 11 a paru q u e le véritable critérium devait être cherché d a n s la destination m ê m e de l'usine et n o n d a n s l'importance de la force qu'elle utilise. U n e papeterie, u n e minoterie, alors m ê m e qu'elles c o m p o r t e n t u n a g e n c e m e n t considérable et mettent en jeu u n e force importante, n'en restent pas m o i n s des établisse- m e n t s d'utilité privée, et l'Etat n e saurait leur constituer les m ê m e s avantages qu'aux usines de consistance peut-être plus modeste, m a i s qui s'établissent en, v u e d e desservir les besoins industriels et, le cas échéant, les services publics' de toute u n e région.
O n r e m a r q u e r a q u e l'article 2 vise d e u x catégories diffé- rentes d'usines publiques. A côté de celles qui se consti- tuent spécialement en v u e de v e n d r e de l'énergie au public, qui font, p o u r ainsi dire, c o m m e r c e d u courant, on, trouve celles qui ont été créées a titre d'annexé d'un service publie (chemin d e fer o u t r a m w a y , par e x e m p l e ) . Bien qu'elles ne fassent pas c o m m e r c e d'énergie, elles participent du carac- tère des services publics auxquels elles sont rattachées. Ce sont d o n c a u p r e m i e r chef des usines publiques.
A R T . 3. — L'article 3 maintient, à l'égard des usines pri- vées, la législation actuelle modifiée seulement par une dis- position additionnelle qui m e t fin au rélgime de la durée illimitée aujourd'hui on vigueur. N o u s n'avons pas à revenir sur cette innovation dont l'utilité a été justifiée plus haut :
L a durée m a x i m a qu'il a p a r u convenable d'assigner airt autorisations (terme qu'il conviendra d'appliquer aux usines privées, le m o t concession étant réservé a u x usines publi- ques) a été fixé à trente ans. C'est u n laps cle temps assis long p o u r assurer à 1 industriel les m o y e n s de tirer tout
profit utile de son autorisation. , L'échéance d u délai n e doit pas d'ailleurs, clans la pens
de l'Administration, entraîner nécessairement, et pour ain- dire a u t o m a t i q u e m e n t , l'éviction d u permissionnaire. Lit entend reprendre sa liberté d'action ; m a i s il sera, dan&
grande majorité des cas, tout disposé à accorder à 1 "sl"|s le bénéfice d'une autorisation nouvelle, soit sur c m bases, soit d a n s les m ê m e s conditions q u e par le passe.
A R T . 4. — Il n'eût pas été possible, sans créer des d i s * lions a b s o l u m e n t injustifiées, do laisser les usines exista
continuer à vivre sous le r é g i m e de la durée illimitée, alors que celles qui viendront à se fonder seront s o u m i s e s à la sujétion d'une durée déterminée. Uarticle A fixe à trente ans, à partir de la promulgation de la loi, la durée des autori- sations actuellement en cours. Il n'y a point là violation d u principe de la non-rétroactivité des lois ; respectant le passé, l'article en cause n e dispose q u e p o u r l'avenir, c'est-à-dire pour une période clans laquelle a u c u n droit n'a p u se cons- tituer, étant d o n n é e la nature, essentiellement incertaine et précaire, de la jouissance cpie le permissionnaire pouvait exercer e n vertu cle son titre.
Aivr. 5. — L'emploi de la force hydraulique comporte, par la nature m ê m e des choses, des incertitudes et des varia- tions. D'abord la quantité d'eau concédée, qu'on doit fixer en tenant c o m p t e d u débit cle la rivière en basses eaux, cle manière à assurer à l'usine u n m i n i m u m constant d'énergie, peut à u n certain m o m e n t excéder les besoins de l'exploi- lation D'autre part, cette exploitation n'absorbe pas néces- sairement toute l'énergie produite et laisse disponibles des résnlus dont il est possible cle faire u n usage avantageux.
Il serait contraire a u x principes d'une b o n n e administration dempêcher le propriétaire d'une usine privée de tirer parti le ces ressources et de les mettre à la disposition d u public.
L'article 5 a p o u r but d e régler la situation. Il i m p o s e à 1 usinier l'obligation d'une autorisation administrative. Cette formalité a paru nécessaire p o u r e m p ê c h e r q u e l'usine privée ne se transforme subrepticement et irrégulièrement en usine publique.
ART. 6. — A b o r d a n t la question des usines publiques, l'article 6 débide q u e les concessions seront soumises a u x conditions d'un tarif et d'un cahier de charges c o n f o r m e à an modèle déterminé. Il n e peut être question, en effet, de spécifier dans la loi les prescriptions de détail auxquelles le concessionnaire devra satisfaire ; c'est à u n règlement-type, arrêté après avis d u Conseil d'Etat, q u e ce soin doit être laissé, c o m m e cela a été fait p o u r la loi d u 11 juin 1880' en matière de t r a m w a y s et par la loi d u 15 juin 1906 en matière de distribution d'énergie.
Il paraît inutile d'entrer ici d a n s le détail des diverses questions q u e le cahier des charges-type a u r a à régler. Di- sons seulement qu'on y trouvera d'abord tout ce q u e pré- voient les règlements d'eau clans la législation actuelle :
Précautions propres à e m p ê c h e r autant que. possible les spéculations et a c c a p a r e m e n t s auxquels peuvent d o n n e r lieu les forces hydrauliques ;
Mesures à édicter p o u r l'utilisation effective de la conces- sion ;
Conditions à remplir p o u r la sauvegarde des intérêts géné- raux (défense nationale, salubrité publique, navigation, ali- mentation des popailations, circulation d u poisson, protec- tion des paysages, etc.). A côté d e ces clauses d'ordre géné- ral, se trouvent les prescriptions 1out à fait spéciales à l'en- treprise considérée :
Durée ; car il n e peut être question ici de procéder par mesure d'ensemble et il est indispensable d e tenir c o m p t e des circonstances particulières à c h a q u e affaire (coût de l'installation, frais d'exploitation, r e n d e m e n t probable de l'entreprise), de m a n i è r e à assigner à la période d'amortis- sement la durée qui convient :
Réserves d a n s l'intérêt des services publics :
, M o m e n t à partir d u q u e l le partage des bénéfices pourra
pli'e réclamé par l'Etal et conditions de ce partage -,
Restitutions en nature ou d é d o m m a g e m e n t e n espèces à stipuler pour tes tiers lésés ;
M a i s d'exécution, cautionnement, etc.
Jl n'était pas possible cf imposer a u x usines faisant partie 'l'entreprises d'utilité publique u n r é g i m e qui fût en désac-
cord
avec celui qui résulte de leur charte organique, e'est- ''-'lire de l'acte qui a déclaré d'utilité publique l'œuvre à«quelle elles sont accessoirement "rattachées. Aussi Yar-
ticle 6 prévoit-il. p o u r ces usines, cle nature très exception- nelle, l'élaboration d'un h p e spécial, à soumettre également a u Conseil d'Etat et dont les dispositions n'auront à régir le fonctionnement de l'usine q u e dans tout ce qui n'aura pas trait directement à la destination prinioridalc de celle-ci.
A R T . 7. —. h'article 7 formule le principe de l'assimilation des usines publiques a u x concessions de travaux publics : il n'appelé d o n c pas de c o m m e n t a i r e s spéciaux, puisqu'il se borne; à proclamer l'application en la circonstance d'un ré- g i m e bien c o n n u .
ART. 8. — La nouvelle loi, d a n s son article 8, a étendu a u x usines hydrauliques le bénéfice des services d'aqueduc cl d'appui q u e les lois des 29 avril 1845 et 1J juillet 1847 avaient établi d a n s le seul intérêt des prises d'eau d'irrigation.
__TPufefois, la servitude «l'aqueduc n'a été a d m i s e q u e lors- qu'elle s'exerce souterraincmeiil ; l'établissement d e c a n a u x à ciel ouvert, de l'importance do ceux rpi on doit prévoir aujourdhui, entraîne, n o n seulement u n e transformation ra- dicale des lieux, m a i s m ê m e u n e véritable déposschsiun qui ne peut cire autorisée q u e dans les tonnes et conditions prévues en matière d'expropriation.
Les formalités à observer pour 1 exercice des s o m t u d e s créées pai l'article 8. le m o d e de règlement des indemnités, sont ceux q u e la loi du 15 juin 1906 a a d m i s en nnalière de distribution d'énergie électrique.
A R T . 9 et 10 — L'assimilation des c o n w s & i o n s d'usin<><
publiques a u x concessions de travaux publics entraînait nécessairement la domamalisation des établissements ain.-i cnélés et leur reprise par 1 Etat en fin de concession. E n for- m u l a n t cette double règle, les articles 9 et H) tirent simple- m e n t la conséquence logique d u principe qui fait d u conces- sionnaire u n simple délégué m o m e n t a n é de l'Etal.
A R T . II. — Ainsi q u e n o u s l'avons dit plus haut, il existe des usines qui sont publiques parce qu'elles dépendent d en- treprises d'utilité publique a u caractère desquelles il est impossible de n e pas les faire participer. O n a parfois con- testé à ces usines le droit de consacrer u n e partie de leur force à des services autres q u e c e u x qui avaient été explici- t e m e n t spécifiés d a n s la déclaration d'utilité publique. Var- ticle 11 a p o u r but de mettre fin à ces incertitudes. C'est là s i m p l e m e n t u n acte d'administration clairvoyante. E n per- mettant, par exemple, à l'usine qui assure le fonctionnement d'un t r a m w a y , de vendre l'énergie qui excède les besoins d e l'exploitation, o n réalise u n double avantage. D'une pari, on rend possible la vente a u public cle quantités d'énergie dont la fourniture sera généralement consentie à des prix assez bas puisqu'il s'agit p o u r l'usine, sinon de se débar- rasser de déchets, d u m o i n s de réaliser u n bénéfice sur des produits accessoires qui auraient p u être perdus. D'autre part, l'appoint souvent important de ces profils c o m p l é m e n - taires permettra à l'Administration d'exiger, et au conces- sionnaire de consentir, des conditions d'exploitation plus avantageuses p o u r le public.
ART. 12. — L'article 12 détermine la sphère d'application d e la loi.
O n pourra se d e m a n d e r a priori en quoi cette détermina- tion éitait nécessaire.
E n dehors des c a n a u x de navigation construits ou con- cédés p a r l'Etat, les cours d'eau d u d o m a i n e public, ce sont les fleuves et rivières navigables ou flottables classés par l'article 538 G. C , et dont la nomenclature a été d o n n é e p a r l'ordonnance d u 10 juillet 1835 modifiée par des décrets pos- térieurs de classement ou do déclassement. « Bien qu'elle ait été r e n d u e en v u e de l'application de la loi d u 15 avril
1829 sur la pêche fluviale, lit-on dans le Traité du domaine de de Récy (n° 2801 cette o r d o n n a n c e n'en est pas « m o i n s considérée c o m m e ayant u n e portée générale et c o m m e ayant déterminé les cours d'eau qui présentent à fous égards le caractère domanial ».
Cette interprétation, a d m i s e par la doctrine, a été égale- m e n t acceptée p a r la jurisprudence, ainsi qu'en témoignent plusieurs arrêts d u Conseil d'Etat dont il suffira de citer c e u x des 5 février 1897 et 27 d é c e m b r e 1903. « Considérant, dit la dernière de ces décisions, qu'il résulte d e l'instruction q u e le bras d e Gravelte est alimenté p a r les e a u x d e la M a r n e qui figure pour tout son cours dans le département
de la Seine au tableau des rivières navigables et flottables annexé à Vordonnance du 10 juillet 1835 ; qu'aucun acte postérieur n'ayant opéré le déclassement de ce bras, il doit être considéré c o m m e faisant partie d e ladite rivière... »
D'autre part, la doctrine enseigne q u e le d o m a i n e public n e peut se déclasser p a r le non-usage ; ce n'est q u e lorsque l'immeuble d o m a n i a l devient i m p r o p r e à sa destination, incapable d e servjr à l'usage de tous que, la fonction ces- sant, les privilèges de la domanialité cessent avec elle. EL le Conseil d'Etat ajoute encore à cet e n s e i g n e m e n t la haute autorité d e sa jurisprudence (Conseil d'Etat, 5 août 1829,
2 2 février 1860).
L a question peut d o n c passer p o u r résolue et o n aurait pu, à la rigueur, se placer p u r e m e n t et s i m p l e m e n t sous le couvert de l'ordonnance de 1835. L'occasion a p a r u b o n n e cependant p o u r réparer u n e omission souvent reprochée a u x auteurs d e la loi d u 8 avril 1898 et p o u r faire cesser par u n e déclaration catégorique les controverses doctrinales aux- quelles se sont livrés et pourront encore se livrer certains esprits formalistes. Il n e faut pas perdre de v u e d'ailleurs q u e l'établissement des usines, avec leurs barrages d e rete- nue, p o u r r a avoir p o u r effet cle d i m i n u e r d a n s certains cas l'aptitude à la navigation o u a u flottage et p a r là m ê m e de d o n n e r plus d'acuité à la controverse. E h outre, indépen- d a m m e n t des modifications e n plus et e n m o i n s q u e d e s décrets subséquents ont apportées à l'ordonnance d e 1835.
le d o m a i n e public s'est accru, à diverses époques, d e cours d'eau et cle c a n a u x construits o u rachetés a u sujet desquels a u c u n acte rectificatif de l'ordonnance d e 1835 n'est offi- ciellement intervenu.
N o u s s o m m e s convaincus q u e l'état de navigabilité des cours d'eau inscrits à l'ordonnance de 1835, à la suite d'une enquête très complète et très minutieuse, n'a subi q u e des c h a n g e m e n t s insignifiants ; e n tout cas, l'Etat a depuis plus de soixante-dix a n s c o n s t a m m e n t gêné c o m m e d é p e n d a n c e s d u d o m a i n e public tous les cours d'eau portés à cette no- menclature ; il y a perçu des redevances de toute, sorte (concessions d e prises d'eau, affermage des produits d e la pêche et des francs bords, etc.) et jamais a u c u n e réclama- tion des riverains n'est v e n u e le troubler d a n s la jouissance de ses droits. L'Etat paraît d o n c fondé à considérer q u e les dispositions de l'article 12 d u projet d e loi, u n i q u e m e n t destinées à sauvegarder des droits incontestés d e la collec- tivité, n e sont susceptibles de léser a u c u n intérêt orivé. N o u s n'en avons pas m o i n s tenu, par excès d e scrupule, à m é n a - ger la situation d e certains riverains (très rares assurément si tant est qu'ils existent) qui auraient n u de b o n n e foi exer- cer sur quelques rivières dont la navigabilité aurait varié depuis 1835 les droits q u e la loi reconnaît a u x riverains des cours d'eau n o n navigables ni flottables.
C'est d a n s ce but q u e le dernier paragraphe de l'article 1?
accorde a u x intéressés la faculté de faire établir, clans le délai d'un a n à partir de la promulgation cle la loi, q u e le régime actuel d u cours d'eau sur lecruel ils prétendent avoir des droits n e correspond plus à l'état de choses résultant des énonoiatioms de l'ordonnance de 1835. C e délai épuisé, si a u c u n e o-poosition n e s'était produite o u si l'action inten- tée par les intéressés avait été reconnue m a l fondée, la pré- somption de l'article 12 deviendrait définitive et ce, sans a u c u n e indemnité p o u r les riverains.
A R T . 13. — L a nouvelle loi — et c'est ce q u e précise l'ar- ticle 13 — n'entend pas se substituer à celle d u 8 avril 1898 en ce qui concerne la fixation des redevances domaniales.
Toutefois, l'administration, d a n s l'élaboration d u nouveau règlement qu'elle prépare p o u r l'application de l'article de la loi d e 1898, s'inspirera d e la distinction projetée entre les usines privées et les usines publiques. C e s dernières pourront bénéficier d e certaines réductions de redevance en faveur d e la partie d e leur concession affectée à des ser- vices publics. D e plus, c o m m e la loi d u 8 avril 1898 ne s'applique p a s a u x c a n a u x d u d o m a i n e public-, il a paru indispensable d'étendre explicitement à ces derniers les dispositions d e l'article 4 4 qui fixe le principe des rede"
varices à payer a u Trésor.
A R T . 14 et 15. — L'article 14, qui prévoit l'émission d e règlements dfaclministration publique p o u r l'application d e la loi, et l'article 15, clause d e p u r style, n'appellent aucun c o m m e n t a i r e .
Tel est, d a n s ses lignes essentielles, le projet de loi que n o u s avons cru devoir soumettre à vos délibérations on vue de régler aussi s i m p l e m e n t q u e possible le statut organique des usines hydrauliques établies s u r les c a n a u x et cours d'eau d u d o m a i n e public.
N o u s c o m p t o n s sur le concours d u P a r l e m e n t pour nous aider à réaliser u n e réforme législative qui n e peut man- quer d e contribuer de la façon la plus heureuse a u dévelop- p e m e n t des industries hydro-électriques d a n s notre pays,
R A P P O R T D E M . B A U D I N
Les besoins sans cesse grandissants d e l'industrie et l'ac- croissement cle la c o n s o m m a t i o n de ta houille qui en est la conséquence épuisent lentement m a i s d'une façon continue les stocks d e combustible q u e détient le sol.
S a n s n o u s préoccuper d'un avenir encore bien lointain où ces réserves viendront à m a n q u e r simultanément dans toutes les parties d u m o n d e , n o u s p o u v o n s n o u s alarmer, à juste titre, d e la disproportion c h a q u e jour plus marquée qui existe d a n s notre p a y s entre la production des mines de c h a r b o n et les exigences de la c o n s o m m a t i o n nationale,
Notre déficit bouiller est d e plus e n plus considérable, et p o u r le c o m b l e r il n o u s faut, d e plus e n plus, avoir recours à la production extérieure. E u 1887, n o u s achetions à l'étranger près d e 1 0 millions d e tonnes d e houille : ces achats se m o n t e n t aujourd'hui à plus d e 1 8 millions de tonnes, qui représentent le tiers d e la c o n s o m m a t i o n de lu France.
D a n s ces conditions, n o u s devrions poursuivre avec plus d'ardeur q u e tous les autres l ' a m é n a g e m e n t méthodique de nos forces hydrauliques, qui pourraient, d a n s les limites actuelles cle leur utilisation possible, suffire à une très g r a n d e c o n s o m m a t i o n d'énergie.
D'après les évaluations récentes d e M . de la Brosse, ingé- nieur e n chef des ponts et chaussées, o n pourrait estimera environ 10 milions d e chevaux, e n e a u x m o y e n n e s , la, force hydraulique répartie sur notre territoire ; c'est une force à laquelle atteignait à peine la puissance totale des appareils à v a p e u r de l'industrie et des transports terrestres, en 1905.
Cette puissance s'est sans cloute accrue depuis, mais à égale puissance, la m a c h i n e hydraulique p e u t e n moyenne fournir le double d u travail de la m a c h i n e à vapeur. L a première peut, en effet, travailler utilement vingt-quatre heures par jour e n s'adaptant à des emplois multipJes e successifs ; ainsi, le capital q u e représente la machine est e m p l o y é c o n s t a m m e n t à sa reconstitution ; la seconde a généralement u n e m a r c h e discontinue qui fait q u e son ren- d e m e n t absolu reste souvent fort e n dessous d e son ren- d e m e n t théorique. Les calculs de M . de la Brosse l'on amené à croire q u e l ' a m é n a g e m e n t complet d e n o s forces hydrau- liques permettrait d e débiter, à l'année, 6 0 milliards « chevaux-vapeur, alors q u e l'ensemble d e n o s moteurs » v a p e u r n'en peuvent, aujourd'hui, produire q u e moi»
m o i n s .
Ce serait, é v i d e m m e n t , se laisser aller à u n o p t i m i s m e excessif (lll'° <-'e considérer 1 a m é n a g e m e n t intégrai d e tous ,10S cours d'eau c o n n u e i m m é d i a t e m e n t réalisable. Actuel- lement, en effet, l'utilisation d e la force hydraulique est loin d'être e n rapport avec l'étendue des besoins m d u s - incls et m ê m e p o u r les usages publics o u domestiques auxquels cette force pourrait aisément se prêter, les appli- quons ne sont pas, à b e a u c o u p près, aussi n o m b r e u s e s qu'on pourrait le souhaiter.
A l'exception d e ce qui se passe d a n s quelques régions, îi est bien certain qu'en France l ' a m é n a g e m e n t des forces naturelles contenues d a n s les cours d'eau n'a, jusqu'ici, suscité a u c u n d e ces efforts collectifs et décisifs par quoi
«'accomplissent les rénovations industrielles.
Parmi les causes qui paraissent restreindre notre activité de ce côté o u gêner d a n s leur essor les enlrepnes déjà uiiisliluéies, l'insuffisance des lois e n vigueur est u n e des moins contestées. 11 suffirait, p o u r e n ôLre convaincu, d'énu- mérei- lus n o m b r e u x objets et propositions d e loi présentes ou déposés a u cours des dernières législatures d a n s le but je modifier sous ce rapport la législation actuelle.
La première proposition cle loi sur les usines hydrauli- ques remonte à l'année 1898 ; clic eut p o u r auteur M . le député Jouart.
Elle fut suivie d'un projet de loi présenté le 6 juillet 1900 sous la signature d e M M . B a u d i n et Jean D u p u y . C e projet, transmis à la C o m m i s s i o n parlementaire, n e put venir en discussion avant l'expiration d e la législature e n cours ; il fut repris c o m m e proposition d e loi p a r M M . B a u d i n et ïldlerancl, le 3 0 m a i 1903.
Le 23 juin 1903, u n e nouvelle proposition fut déposée sui- te bureau d e la Ghamibre p a r M L le député Cuillain, rap- porteur d u projet d u G o u v e r n e m e n t à la C o m m i s s i o n parle- mentaire.
Entre temps, des conférences et des discussions provo- quées par les intéressés s'établissaient hors d u Parlement.
La réforme de la législation applicable a u x usines hydrau- liques occupait ainsi n o t a m m e n t plusieurs séances d e ta Société d'études législatives et d u C o n g r è s de Grenoble, dit (le la houille blanche, e n 1902.
Jusqu'alors, o n avait cru b o n et possible, d a n s les diffé- rents projets cités ci-dessus, de légiférer e n m ê m e t e m p s pour les usines établies sur les cours d'eau navigables et non navigables. Quelques-uns m ê m e , M M . B a u d i n et Mil- lerand outre autres, qui, le 21 juin 1906, reprenaient u n e seconde fois la proposition d e la loi déposée par e u x sous la précédente législature, visaient à l'uniformité de régime.
Cependant, ce système p r o v o q u a des protestations p a r m i les intéressés ; o n le considérait c o m m e trop rigide ; u n m o u - vement d'opinion se dessina e n faveur d'une double légis- lation.
Aussi bien, dès le 15 janvier 190-1. u n projet d e loi relatif
Jux seules usines hydrauliques sur les cours d'eau n o n
»««if/ob/es ni flottables était-il présenté p a r le Ministre de 'Agriculture, M . L é o n M o u g e o t , qui justifiait de la façon suivante la disjonction clos textes s'appliquant à l'une et 'autre catégorie d'usines :
i « Le projet actuel, disait M", le Ministre cle l'Agriculture, laisse en dehors d e ses dispositions les usines sur les cours
(l«an navigables, et n e vise q u e les usines sur les cours
«eau non navigables. L e s régimes légaux d e ces d e u x ca- lories d'usines n'ont a u c u n rapport, et leur dissemblance résulte cle la différence capitale des législations régissant p cours d'eau sur lesquels elles sont respectivement si-
llll'cs ; les cours d'eau navigables, qui relèvent d u départe- JU pnt des T r a v a u x publics, appartenant a u d o m a i n e public,
i(|Ht des cours d'eau n o n navigantes, qui dépendent d u 'iinisfère do l'Agriculture, appartenant a u x riverains, tan-
ll|s que tours e a u x sont « ces millius ». Et M . Mniigool, joutait avec raison : « A vouloir brancher, par m e s u r e
d'ensemble, des questions essentiellement dissemblables, o u risquerait d e compliquer le p r o b l è m e à résoudre, et de retarder des réformes qu'il est urgent de faire aboutir ».
L e projet d e loi contresigné par M . M o u g e o t n'ayant pu, c o m m e le p r e m i e r projet d u G o u v e r n e m e n t , venir e n dis- cussion avant la fin cle la dernière législature, a été repris le 12 juin 1906 par M . lluau, ministre d e l'Agriculture, d a n s les termes m ê m e s o ù il avait été adopté p a r l'ancienne C o m m i s s i o n chargée u n e première fois d e l'examiner. L a C h a m b r e le r e n v o y a à u n e C o m m i s s i o n spéciale.
L a G o m m i s i s o n des T r a v a u x publics avait déjà e n t a m é l'examen de la proposition générale d e M M . B a u d i n et Mil- leiand ; m a i s dès q u e la C h a m b r e eut émis le vote décidant le renvoi d u projet déposé par M . B u a u , elle se considéra c o m m e dessaisie de toute proposition relative a u x usines sur les cours d'eau n o n navigables, ni flottables.
Entre t e m p s , le Ministre des T r a v a u x publics avait été sollicité de d o n n e r s o n avis sur la proposition générale, M . Barthou avait alors déclaré que, partageant de tous points la m a n i è r e de voir d u D é p a r t e m e n t de l'Agricul- ture, il estimait qu'un texte spécial devait être élaboré p o u r les usines établies sur les cours d'eau d u d o m a i n e public.
Il annonçait le prochain dépôt d'un projet de loi relatif à cet objet, et réservait ses observations p o u r le jour o ù son projet pourrait être confronté avec celui do la proposition Baudin-Millerand.
L e projet d u g o u v e r n e m e n t a été présenliâ dans la séance d u 8 juillet dernier. L a C o m m i s s i o n a décidé de le prendre pour base de ses travaux. Il n o u s s e m b l e d o n c utile, tout d'abord, d'en exposer l'économie. N o u s indiquerons, en- suite, ce cfui le différencie de la proposition. Enfin, n o u s présenterons le texte arrêté d'un c o m m u n accord par la C o m m i s s i o n et p a r le G o u v e r n e m e n t , et qui est u n e heu- r e u s e transaction entre les d e u x systèmes qui se sont d'abord trouvés e n présence.
ECONOMIE D U PROJET DU GOUVKIINKMHNT. — O n peut r é s u m e r cle la m a n i è r e suivante l'économie d u projet g o u v e r n e m e n - tal. D e u x catégories d'usines sont instituées :
Les usines privées, o ù la force hydraulique est e m p l o y é e u n i q u e m e n t à desservir les besoins industriels d'un établis- s e m e n t particulier, et dont le fonctionnement n'affecte ainsi q u e des intérêts privés ;
Les usines publiques, qui sont d e véritables fabriques d'énergie, destinées à alimenter en force o u e n lumière toute u n e région, et qui se rattachent ainsi à des intérêts généraux.
D a n s l'application, la dualité d e régime qui découle de cette distinction est nettement définie. D u m o m e n t qu'il n e s'agit pas d e vendre d e l'énergie a u public, c'est-à-dire d a n s l'hypothèse d'une usine privée, l'Etat se borne à don- ner u n e autorisation. Et celte autorisation reste précaire c o m m e sous le régime aclucl. S a n s nul doute, l'usine reste, par la précarité m ê m e d e sa condition, exposée a u x al tein- tes, a u x restrictions, a u x suppressions q u e c o m m a n d e r a l'intérêt général sous le régime résultant de la jurispru- dence d u Conseil d'Etat ; sans nul doute, elle est soumise à u n e certaine réglementation, astreinte h des prélèvements, à des sortes de prestations en nature édictées en faveur des services publics. M a i s l'usinier, s'il n e reçoit a u c u n e assis- tance d e l'Etat, s'il rc«te livré à ses propres m o y e n s en face des difficultés naturelles o u des résistances particulières, d e m e u r e , par contre, libre de son action. Q u a n d il a satis- fait a u x obligations d'ordre fiscal, technique o u administra- tif qui lui sont i m p o s é e s il n e doit c o m p t e à personne de l'emploi de la force qu'il avait reçu l'autorisation de dé- river.
D è s qu'intervient, au contraire, l'idée d e vente d e l'encr- ai c produite, l'usine d e v e n u e publique c h a n g e complète- m e n t d e type. C'est maintenant u n o r g a n i s m e public, dont if. fonctionnement n e doit pas être entravé par- les ré sis-
lances individuelles. L e concessionnaire n'est plus u n in- dustriel ; c'est le délégué de l'Administration à laquelle il e m p r u n t e ious les m o y e n s de coercition dont celle-ci peut disposer à rencontre de la propriété particulière. M a i s l'œu- vre dont la réalisation est ainsi poursuivie n'est p a s celle d u concessionnaire ; elle r é p o n d a u plan et a u p r o g r a m m e de l'Administration. D'où nélcessilé d e l'établissement d'un cahier des charges et d'un tarif réglant avec précision les conditions de fonctionnement d u service. O n peut dire que, d a n s cette hypothèse, les intérêts privés s'effacent, o u tout au m o i n s s'inclinent, devant l'intérêt général, qu'il s'agisse de l'intérêt des tiers opposants qui, contraints de céder à la coercition légale, n'ont plus q u e le recours a u x tribu- n a u x p o u r obtenir le d é d o m m a g e m e n t d u préjudice qu'ils ont p u subir, o u d e l'intérêt d u concessionnaire lui-même, tenu d e renfermer sa gestion d a n s les lima les de durée CT d e profit q u e lui trace son cahier des charges.
CRITIQUES DE LA COMMISSION : JUSTIFICATION D U NOUVEAU
TEXTE PROPOSÉ. — Contre la condition juridique assignée a u x usines publiques, la C o m m i s s i o n n'a a u c u n e objection de principe à formuler. Elle reconnaît m ê m e volontiers q u e le régime auquel seront soumises les usines privées a été institué de m a n i è r e à tenir c o m p t e , d a n s u n e large m e s u r e , des intérêts d e la collectivité. M a i s c'est le type l u i - m ê m e de l'usine privée qui lui paraît motiver certaines réserves et m ê m e certaines critiques. Si elle entendait se placr d'une m a n i è r e rigoureuse et absolue sur le terrain des principes, la C o m m i s s i o n serait, e n effet, a m e n é e à proposer la sup- pression complète de cette catégorie d'usines.
A tout bien considérer, e n effet, qu'est-ce qu'une dériva- tion de force motrice faite sur u n e rivière d u d o m a i n e pu- blic ? C'est l'attribution primitivement faite à u n particu- lier d'une portion, plus o u m o i n s grande, m a i s bien définie, d e l'énergie virtuellement contenue d a n s ce cours d'eau. L e caractère juridique, social, pourrait-on dire, d e l'opération, est-il influencé par l'importance d u v o l u m e concédé, par la destination q u e la force doit ultérieurement recevoir ? E m a u c u n e façon. D a n s quelque hypothèse q u e 1 o n se place, il y a toujours — et c'est ce qu'il importe d e noter — u n pré- lèvement effectué d a n s l'intérêt d'un seul sur le bien qui appartient à tous. D è s lors, il n e suffit pas q u e l'Adminis- tration prévienne et réprime a u besoin les a b u s de jouis- sance. U n prélèvement sur le fonds public n e n o u s paraît pouvoir être autorisé q u e si l'Etat conserve e n retour des garanties suffisantes. C e s garanties, à m o i n s d'être aléa- toires, doivent être exprimées dans u n contrat. L a conces- sion de force hydraulique, acte contractuel passé entre l'Etat et l'usinier, comporte précisément rétablissement d u contrôle p e r m a n e n t q u e la C o m m i s s i o n juge nécessaire p o u r sauvegarder les droits de l'Etat (1).
Aussi, la C o m m i s s i o n croit-elle justifiée, e n principe, l'ex- tension d u régime de la concession à foutes les usines éta- blies sur les cours d'eau d o m a n i a u x . P a r cette m a n i è r e de voir, elle se refuse d o n c à reconnaître le bien-fondé, de la distinction des usines hydrauliques e n usines privées et publiques faite dans le projet d u G o u v e r n e m e n t ; elle pense qu'écarter d u régime de la concession la catégorie la plus n o m b r e u s e des usines hydrauliques sous le prétexte q u e leur fonctionnement n'affecterait q u e des intérêts privés, ce serait a b a n d o n n e r , sans c o m p e n s a i ion, u n e partie impor- tante d u d o m a i n e public.
Il est permis, d'ailleurs, de douter q u e le rédacteur d u projet d u G o u v e r n e m e n t n'ait pas e u l u i - m ê m e conscience des inconvénients q u e sa distinction pouvait présenter e n
(1) E n S u i s s e . o ù les e a u x p r i v é e s s o n t c e p e n d a n t l'exception, le r é g i m e d e la c o n c e s s i o n s ' a p p l i q u e à t o u s les é t a b l i s s e m e n t s h y d r a u l i q u e s d u d o m a i n e public, ' m e s s a g e d u 2G m a i 1907, a d r e s s é p a r le g r a n d C o n s e i l d u c a n t o n d e B e r n e a u p e u p l e b e r n o i s à l'occasion d e la toi c o n c e r n a n t les forces h y d r a u l i q u e s ) , e n v e r t u rie c e p r i n c i p e q u e l'utilisaiion d e s e a u x p u b l i q u e s p o u r la g é n é r a t i o n d ' é n e r g i e h y d r a u l i q u e c o n s t i t u e u n droit d o s o u v e r a i n e t é d e l'Etat
raison d'une trop large application d u r é g i m e de l'auton- safion. Les lignes suivantes, extraites de l'exposé des motifs par les précautions qu'elles prennent souci d e recoin mu ndèt (avant d'accorder l'autorisation), témoignent, en oftet, (|e craintes qui paraissent, à la C o m m i s s i o n , si bien J'oiwléeg qu'elle juge préférable d'en s u p p r i m e r la cause m ô m e : '
« C h a q u e fois, dit l'exposé, q u e l'Administration sera sa];
sie d'une d e m a n d e e n autorisation d'usine privée, elle devra examiner, avec le pins g r a n d soin, si cette autorisation e?(
compatible avec u n a m é n a g e m e n t rationnel des forces du cours d'eau, et prendre les précautions nécessaires potn qu'elle n e puisse apporter a u c u n obstacle a u libre développe, m e n t des usines publiques dont il y aurait lieu de prévoir le prochain établissement d a n s la région. Il v a sans dir«
q u e toutes ces décisions seront c o n s t a m m e n t inspirées p,ir le juste souci d e d o n n e r le pas à l'intérêt public sur ri»
térêt privé! ».
Ainsi, le G o u v e r n e m e n t s'efforce d e ressaisir u n contrôle que, d'autre part, il se refuse d'exercer.
D a n s les conférences q u e n o u s a v o n s eues avec ses ropiv sentants, l'Administration a r e c o n n u le bien-fondé des obsw<
valions qui viennent d'être reproduites. Mais, se plajçiui sur le terrain d e la pratique, elle a fait r e m a r q u e r les in- convénients qui se produiraient si a u c u n e atténuation n'était apportée à la rigueur de la doctrine formulée par la Com- mission, et si le r é g i m e d e la concession éituif imposé i toutes les usines hydrauliques fondées sur les cours d'eau d u d o m a i n e public. Elle a insisté sur ce point qu'on allai!
astreindre les entreprises très m o d e s t e s à des formalité;
d'une importance hors d e proportion avec leur objet, être quer d'égarer l'attention des services administratifs clans le contrôle d'une foule de petites usines, a u h e u d e la conmi trer sur les entreprises d'une certaine envergure dont l'a- ploitation intéresse le d é v e l o p p e m e n t de la prospérité géne raie.
U n e autre c o n s é q u e n c e devait aussi être envisagée. Pes dant la durée d e la concession, les usines, e n raison même de leur caractère public, jouissant d'une sorte d'mtaiijp- bihté. L e u r consistance n e peut être réduite, m ê m e pour de opérations d'intérêt général, sans qu'un dédommagement soit assuré à l'usinier ; leur suppression prématurée « peut, le cas d e déchéance excepté, être effectuée que par voie d e rachat. Est-il bien expédient, d a n s ces conditions,' de multiplier sur nos cours d'eau u n e foule d e petites usina- mutiles p o u r 1-e m o m e n t a u x services publics,presque à coup sûr inutilisables d a n s l'avenir, et qui constituent a u W d'obstacles de fait, autant d e causes de dépenses supplé- mentaires, le jour où, d a n s l'intérêt de la navigation, l'Ad- ministration f o r m e r a le projet de transformer le régime te cours d'eau sur lesquels elles sont assises ?
L a C o m m i s s i o n a facilement r e c o n n u la nécessité d'ap- porter quelques t e m p é r a m e n t s a u principe absolu de lJ concession. Elle a. d o n c e m p r u n t é à la proposition Baudin l'idée d'une distinction dont le critérium repose sur 1 * portance de la force brute e m p r u n t é e a u cours d'eau d»
d o m a i n e public. Toutefois, cette distinction n'a pas pour- b u t de placer hors d u régime d e la concession toutes les usines dont la puissance est inférieure a u chiffre pris p w base. Elle ne produit d'effet qu'à l'égard de celles de «! usines qui sont notoirement affectées à des besoins tniitii- triels privés. L a question d e destination doit, e n effet, pri- m e r la question d e consistance. T o u t e réserve qui a pof objet la vente de l'énergie sera, quelle q u e soit sa pt*
sanoe, nécessairement .placée sous le r é g i m e de la con*
sion. D e la sorte, ce r é g i m e s'appliquera à d e u x nature*
d'établissements hydrauliques : les usines concé/lifts 9 raison d e leur puissance et les usines concédées en r a * de leur destination. L e r é g i m e de l'autorisation ne suteis*
q u e p o u r les i n n o m b r a b l e s petites usines et p o u r les usi*
m o y e n n e s .
iSfous n e d e v o n s p a s passer sous silence la consultation qu'il a paru utile à la C o m m i s s i o n de d e m a n d e r a u x repré- sentants de l'industrie hydraulique, tout particulièrement intéressée à la nouvelle loi. E n t e n d u s p a r la C o m m u s s i o n , ces représentants ont d o n n é à l'esprit d e la législation nou- ille u n acquiescement d'ensemble. S u r certains points de délai], la C o m m i s s i o n a tenu c o m p t e des desirata exprimés : elle avait déjà s p o n t a n é m e n t apporté quelques modifications aux dispositions qu'elle avait jugées susceptibles d'être amendées d a n s u n sens plus libéral. Il faut, d'ailleurs, pro- clamer h a u t e m e n t q u e rien, d a n s les intentions d u Parle- ment et cle l'Administration, n e doit être considéré c o m m e de nature à exciter des susceptibilités o u des appréhensions dans le m o n d e de l'industrie. L a situation des usines hy- drauliques, si elle doit être temporaire, n'est nullement p o u r cela provisoire. S a n s avoir édicté u n e prescription d'ordre général, qui se fût peut-être heurtée à des difficultés prati- ques inattendues, l'Administration devra toujours, p o u r ap- précier la durée de la concession, tenir le plus grand c o m p t e de l'importance d e s ouvrages et des conditions d'amortisse- ments des capitaux engagés d a n s les usines. A l'expiration de la concession, elle sera disposée favorablement à l'ou- u'rture de négociations nouvelles avec le titulaire précé- dent de l'usine. D a n s le cas particulier qu'il envisage, l'ex- posé des motifs contient à cet égard, à l'occasion d e l'ar- ticle 3, u n e déclaration formelle dont le sens peut certaine- ment être généralisé.
IUPPROCHEMENT ENTRE LE TEXTE DE LA COMMISSION E T CELUI D E LA PROPOSITION DE MM. BAUDIN E T MLLLERAND. — N O U S avons dit q u e le texte s o u m i s a u x délibérations de la C h a m - bre ménageait u n e heureuse transaction entre les idées de la C o m m i s s i o n et celles de l'Administration ; n o u s ajoute- rons qu'il constitue u n m o y e n t e r m e entre le projet d u Gouvernement et l'ancien projet de loi d e M M . B a u d i n et Jean D u p u y , repris sous f o r m e d e proposition p a r M M . Baudin et Millerand. D a n s cette proposition, qui envisageait ta distinction des usines e n usines publiques et privées, le mot publiques, d e p a r l'idée qu'il peut sug'gérer e n soi, prê- tait à u n e équivoque. L e t e r m e d'usine publique (et n o u s aurons l'occasion d e revenir sur la question) avait éveil lé certaines méfiances, et les esprits insuffisamment éclairés sur sa portée foute conventionnelle avaient e u l'impression d'une sorte d é m a i n - m i s e i m m é d i a t e sur l'usine. D e plus, o n prévoyait le concours d e l'usinier à des œ u v r e s d'utilité générale, fructueuses sans n u l doute p o u r la collectivité, mais peut être c o m p l è t e m e n t étrangères a u r é g i m e des e a u x et aux intérêts qui peuvent s'y rattacher.
Au contraire, o n pouvait reprocher a u projet actuel d u Gouvernement d e laisser à l'usinier u n e trop grande latitude pour établir l u i - m ê m e la situation juridique de son établis- sement, en présentant la destination de l'usine sous l'aspect le plus c o n f o r m e à ses intérêts.
Trop rigoureusement enserrées d a n s le système, primitif, les usines pouvaient, d a n s le système d u G o u v e r n e m e n t , bénéficier d'habiles échappatoires.
Le, texte q u e n o u s p r o p o s o n s n o u s paraît devoir, d'une pari, dissiper les préventions conçues contre le régime d u Projet Raudin. p o u r autant, qu'il s'en inspire : d'autre part, renforcer les garanties, peut-être parfois insuffisantes, d u m'ojet d u "Gouvernement. Tl permettra d'exercer l'action de l'Administration à l'égard d e toutes les usines véritablement appelées à rendre des services a u public, m a i s à l'égard de
Miles-là seulement. Jl limitera, d'autre part, les obligations imposées à des actes o u à des prestations se rattachant nor- malement a u fonctionnement de l'usine, à la jouissance m ê m e de la concession, et d e la sorte n'entraînera a u c u n e charge en dehors des prévisions de l'usinier.
EXAMEN DES ARTICLES. — N o u s allons maintenant d o n n e r quelques brèves indications justificatives d u texte définitive- ment soumis à la C h a m b r e .
Les articles 1 et 2 se rapportent à la classification des usi- nes. Signalons la substitution, a u x expressions usines pri- vées et usines publiques, e m p l o y é e s d a n s le projet d u G o u - v e r n e m e n t , des termes usines autorisées et usines concé- dées. N o u s v e n o n s de signaler l'équivoque dont souffrait, d a n s la proposition de M M . B a u d i n et Millerand, l'expres- sion usine publique à laquelle, par u n e interprétation d'ail- leurs bien inexacte, o n donnait le sens d'usine officielle, usine administrative. 'L'expression adoptée ne prêtera p a s à u n e pareille erreur ; elle a de plus l'avantage cle caracté- riser d'un m o t le régime juridique des d e u x catégories éta- blies.
L à o ù la vente de l'énergie n'est pas l'objectif avéré, où, par conséquent, o n doit se fonder sur l'idée de consistance p o u r définir la condition de l'usine, o n a choisi p o u r base u n e puissance brute d'au plus 200 poneelets à Vétiaqc. Celle formule c o m p o r t e certaines innovations. D'abord, o n a subs- titué le poncelet a u cheval-vapeur, et cela sur la d e m a n d e expresse des représentants de l'industrie hvdro-électrique.
L e cheval-vapeur représente u n travail d e 75 kgirr. par se- conde ; le poncelet, terme c o u r a m m e n t e m p l o y é d a n s l'in- dustrie française électrique, représente u n travail d e JOO k g m . Cette dernière expression a. l'avantage de se prêter plus facilement a u x calculs et de m i e u x s'harmoniser avec notre système décimal. Il est facile d u reste cle passer de l'une à l'autre des d e u x expressions. P o u r transformer des chevaux-vapeur e n poneelets, il suffit de majorer d u quart le chiffre d o n n é ; pour transformer les poneelets en che- vaux-vapeurs, il suffit cle d i m i n u e r le chiffre d u quart (I).
En second lieu, la puissance sera appréciée n o n plus e n e a u x m o y e n n e , m a i s e n e a u x d'étiage. L e s e a u x d'étiage, pré- cisément parce qu'elles tendent vers cet étal-limite bien c o n n u , sont d'ailleurs d'une détermination relativement plus facile q u e les e a u x m o y e n n e s , dont le calcul devrait, d a n s la rigueur des principes m a t h é m a t i q u e s , s'effectuer e n pre- n a n t à la fois les e a u x d'étiage et les hautes eaux. Or, ces dernières ne sont enfermées d a n s a u c u n e limite.
En vertu de l'article 3, les usines autorisées sont mainte- n u e s sous le régime actuel ; m a i s u n e clause relative à la durée d e l'autorisation s u p p r i m e les inconvénients d'une pérennité d e fait qui dissimulait m a l u n e précarité r e n d u e nominale. C o m m e le dirait le projet d u G o u v e r n e m e n t . « la clause de précarité n e joue q u e d a n s des cas e x t r ê m e m e n t rares et son application est entonné par la jurisprudence d u Conseil d'Etat de garanties telles p o u r les intérêts privés qu'oui-s'est parfois d e m a n d é si elle n e constituait pas u n e protection p u r e m e n t illusoire des droits imprescriptibles d u d o m a i n e public ».
L a durée de cinquante ans, presque double de celle qu'a- vait prévue le G o u v e r n e m e n t , a été choisie de m a n i è r e à rassurer les intérêts industriels. îlappelons,d'aineups,eomm.r n o u s l'avons dit plus haut, qu'il n'entre a u c u n e m e n t d a n s notre pensée q u e l'Administration doive nécessairemenl pro- n o n c e r l'éviction d u permissionnaire q u a n d les cinquante ans seront révolus.
Sauf la modification portant extension de la durée de l'au- torisation, n o u s conservons les articles i et 5 d u projet de loi d u G o u v e r n e m e n t .
A v e c l'article 6. n o u s abordons le r é g i m e des usines con- cédées. Cet article précise le caractère et, suivant les ca«.
l'objet et la f o r m e de l'acte de concession.
La rédaction d u projet d u G o u v e r n e m e n t portail, en ce qui concerne le cahier des oh ara os : les usines... font l'objet de concessions, e t c . , avec cahier des charges conforme à
(1) L e r e n d e m e n l m o v p n (les m o t e u r s h y d r a u l i q u e s é t a n t 'le 75 p o u r 100, Je m f i m e chiffre e x p r i m e à la lois la p u i s s a n c e lirule e n p o n e e l c l s , cl la p u i s s a n c e n e t t e e n c h e v a u x D ' a u t r e part. I c h e v a l v a l a n t 73fi w a t t s , 1 k f l o w a t t v a u t a p p r o x i m a t i v e m e n t ! p o n c e l e t N.D L-R.
u n type approuvé par décret rendu en Conseil d'Etat, etc....
Colle rédaction est d o n c légèrement modifiée de la, façon suivante : ...avec cahier des charges conforme à l'un des types approuvés par décret rendu en Conseil d'Etat, etc.
Il y a, e n effet, d e u x catégories distinctes d'usines concé- dées : celles qui sont concédées en raison de leur puissance et celles qui sont concédées en urison de leur destination.
A ces d e u x catégories doivent correspondre des cahiers de charges différents. C'est ce q u e m e t en lumière la Nouvelle rédaction, c o n f o r m e d'ailleurs à celle de l'article 6 de la loi d u 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie élec- trique.
D'accord avec le G o u v e r n e m e n t sur la question de durée des concessions, la C o m m i s s i o n n'a pas cru possible d'ins- tituer u n e règle c o m m u n e à toutes les usines. L e cahier des charges d e c h a q u e entreprise devra prendre en considéra- tion l'importance d u capital e n g a g é et la durée probable de l'amortissement, et tenir c o m p t e de ces éléments p o u r assurer à l'usine u n e rémunération large et raisonnable.
Il a para nécessaire à la C o m m i s s i o n de réserver a u Par- lement le droit de statuer sur les concessions d'une impor- tance particulière. L e critérium adopté en principe est celui qui, dans la loi d u 27 juillet 1870, détermine en matière de travaux publics les sphères d'action respectives d u pouvoir législatif et d u pouvoir exélcutif. Toutefois, il faut envisager le'cas où la création de l'usine n e nécessite pas l'ouverture d'une dérivation (ce qui arrive q u a n d l'usine est directement établie sur barrage). U n autre t e r m e d'appréciation, la puis- sance de l'usine, a d o n c été prévu p o u r attribuer, en pareil cas, c o m p é t e n c e au P a r l e m e n t q u a n d l'usine dépasse 15.000 poncelets.
D a n s u n intérêt de simplification, l'article stipule q u e les modifications à l'emploi et à la répartition de la force hy- draulique sont autorisées par décret r e n d u en Conseil d'Etat.
Enfin, p o u r les usines qui font partie intégrante d'entre- prises déclarées d'utilité publique, n o u s avons m a i n t e n u le texte m ê m e d u projet d u G o u v e r n e m e n t . L e régime de ces établissements devra s'accorder avec la charte organique de l'entreprise dont ils constituent l'annexe. II sera, p o u r eux, en conséquence, établi u n règlement spécial arrêté par décret r e n d u en Conseil d'Etat.
Les articles 7 et 8 n e diffèrent d u texte d u G o u v e r n e m e n t q u e par u n e modification d e rédaction qui se justifie d'elle- m ê m e . Toutefois, à l'article 8, il a p a r u préférable de réser- ver a u Tribunal civil, plutôt qu'au juge de paix, la con- naissance des contestations auxquelles pourrait d o n n e r lieu l'exercice des servitudes.
S a n s entrer d a n s le détail des prescriptions nécessaires p o u r l'application d u régime des usines concédées, la C o m - mission a inscrit d a n s le texte de la loi m ê m e les stipula- tions essentielles qui devront figurer dans le cahier des charges. D a n s le projet d u G o u v e r n e m e n t , elles étaient seu- lement éinumérées au cours de l'exposé des motifs. 11 a paru préférable d'en faire l'objet d'un texte formel.
Il v a sans, dire qu'à la fin de la concession, l'Etat entre en possession de la partie des installations qui sont parties intégrales d u d o m a i n e public. Cette indication n e semble utile q u e p o u r les exploitations privées, celles qui n e dis- tribuent ni n e vendent a u c u n e partie d e la force employée, Les autres, celles qui font c o m m e r c e do force, feront l'objet d'un cahier des charges o ù il pourra être stipulé u n e re- prise indirecte des installations, bâtiments et usines par l'Etat.
C'est sous l'article 9 q u e se place la clause relative au rachat de la concession. D a n s la proposition de M M . B a u d i n et Millerand, elle faisait l'objet d'un article spécial très déve- loppé. L a C o m m i s s i o n a cru jiréférable, s'inspirant des li- gnes générales d u n o u v e a u projet, d'en faire u n e des condi- tions générales des cahiers de charges-type.
L'article 10, e n raison de l'assimilation: des usines cou- cédées à des concessions de travaux publics, range dans le d o m a i n e public les ouvrages, terrains, bâtiments et engins de toute nature, qui, constituant les d é p e n d a n c e s immoljj.
hères de la concession, s-e trouveront, en cette qualité- ex- pressément é n u m é r é s au cahier des charges.
D a n s le projet d u G o u v e r n e m e n t , qui distinguait les ïisi.
nés publiques des usines privées, les organes et dépendance de l'usine publique seule, de par sa destination, faisaient partie d u d o m a i n e public ; d a n s le jirojet de la Commis- sion, en feront partie, outre ces usines, les ouvrages des usines concédées destinés à la prise de l'eau, à son amenée"
à son évacuation et à sa transformation en énergie méca- nique ou électrique, en tant q u e les appareils de transfor- mation peuvent être placés en dehors de l'usine d'utili- sation.
Les ouvrages ainsi classés c o m m e d o m a n i a u x seront assi- milés a u x ouvrages de la g r a n d e voirie, n o t a m m e n t au point de v u e de la répression des contraventions.
L'article il règile la reprise des d é p e n d a n c e s d u domaiiic public telles qu'elles sont définies à l'article 10, a u moment o ù prend fin la concession.
L'article 12 reconnaît à toutes les usines concédées la fa culte de vendre et employer, à toute é p o q u e , leurs excé- dents d'énergie et leurs résidus d'exploitation, à des condi- tions qui seront fixées par u n décret r e n d u en Conseil d'Etal sur le rapport d u Ministre des T r a v a u x publics.
Il est de b o n n e administration d'autoriser à vendre leurs excédents d'énergie, m ê m e les usines qui dépendent d'en- treprises d'utilité publique, m a l g r é leur but nettement spé ciflé. G e t t 3 autorisation n e peut, e n effet, qu'agir favorable- m e n t sur les résultats financiers de l'entreprise et par conséquent doit la servir.
E h raison de la distinction nouvelle établie par la Com- mission qui classe p a r m i les usines concédées toutes les usines de plus d e 2 0 0 poncelets, il a p a r u nécessaire de pré- ciser la situation de celles de ces usines qui existent actuel lement, m a i s sous le r é g i m e de la simple autorisation. Il ne saurait être question de les placer d a n s u n e condition d'in- fériorité par rapport a u x usines créées postérieurement à la loi. Ainsi, elles feront l'objet d'une concession p o u r laquelle il n'est pas possible d e fixer u n e durée uniforme, pour les raisons m ê m e s développées à l'article 6.
L e délai m a x i m u m de cinq ans, d a n s lequel devra s'opé- rer leur c h a n g e m e n t de situation, est celui qui a paru stric- t e m e n t nécessaire à la C o m m i s s i o n p o u r permettre l'accom- plissement des formalités administratives qu'entraîne le non- v e a u régime, rédaction d u cahier des charges-type, instruc- tion d u dossier d e c h a q u e affaire, etc.
Les articles 14, 15, 16 et 17, qui contiennent certaines dispositions générales, reproduisent presque textuellement les articles 12, 13, 14 et 15 d u projet d u G o u v e r n e m e n t .
L'article 14 détermine la sphère d'application de la loi en indiquant ce qu'il faut entendre p a r cours d'eau, partie?
de cours d'eau et c a n a u x navigables o u flottables du do m a i n e public.
L'article 15 se réfère à l'article 44 de la loi d u 8 avril i * et a u x règlements r e n d u s o u à rendre en exécution de cet article p o u r l'établissement des redevances domaniales à i m p o s e r a u x usines tant sur les canaux q u e sur les autres cours d'eau.
L'article 16 prévolt l'émission de règlements d'adminis- tration publique p o u r l'application de la loi.
L'article 17 est n o u v e a u , la C o m m i s s i o n ayant cru b o n * rappeler d a n s le texte m ê m e de la loi qu'elle n e s'appliqua point a u x usines ayant déjà u n e existence légale.
L'article 18 est la clause habituelle de p u r style.