BIOFUTUR 321 • MAI 2011 1
ÉDITO
1961 modèle opéron
Il y a 50 ans, en juin 1961, François Jacob et Jacques Monod publiaient leur célèbre article intitulé Genetic Regulatory Mechanisms in the Synthesis of Proteinsdans le Journal of Molecular Biology. Le modèle de l’opé- ron était né. Il est aujourd’hui considéré comme l’une des pierres angulaires de l’émergence de la biologie moléculaire dans la seconde moitié du XXesiècle.
Quelques années plus tôt, en 1953, la structure en double hélice de l’ADN proposée par James Watson et Francis Crick apportait les premiers éclairages sur la réplication des chromosomes et de l’ADN. Mais elle ne donnait aucune explication sur la façon dont les gènes sont exprimés dans les cellules. Ce sont les études génétiques et biochimiques de deux sys- tèmes dont les mécanismes biologiques affichaient maintes similitudes - la régulation de la synthèse de la β-galactosidase bactérienne d’une part, et le contrôle de la lysogénie du bactériophage λd’autre part - qui ont per- mis à Jacob et Monod, élèves d’André Lwoff, de proposer pour la première fois un modèle explicatif de la régulation des gènes. Ainsi naquit le concept de l’opéron et des gènes régulateurs, distincts des gènes structuraux dont ils sont chargés de contrôler le taux de transcription. Le modèle inté- grait également un autre concept : celui de l’ARN messager. Le processus connu sous le terme de « transcription » se retrouva dès lors placé au cœur des systèmes de régulation cellulaire.
La reconnaissance et l’acceptation du modèle de l’opéron furent immé- diates. En 1965, le prix Nobel de physiologie ou médecine fut décerné à François Jacob, André Lwoff et Jacques Monod, avant même que la preuve biochimique de la nature du répresseur qu’ils étudiaient (protéine ou ARN) ne fut apportée, fait rare dans l’histoire de ce prestigieux prix.
Les deux scientifiques postulèrent rapidement que leur modèle pouvait être étendu aux mécanismes de contrôle de la différenciation des cellules eucaryotes. Leurs travaux incitèrent nombre de scientifiques à s’attaquer aux systèmes plus complexes d’eucaryotes unicellulaires comme la levure, puis aux eucaryotes multicellulaires, de la drosophile à l’homme, en passant par le ver Coenorhabditis Eleganset la souris. Un bond dans la complexité rendu possible par l’avènement de techniques, comme le clonage des gènes, le séquençage et la mutagenèse dirigée, à partir des années 1980. Ainsi, une machinerie bien plus complexe que celle ini- tialement décrite chez Escherichia Coli fut-elle progressivement mise en évidence, impliquant des centaines d’activateurs, des dizaines de com- plexes multiprotéiques co-activateurs, une profusion d’ARN régulateurs non codants… Sans compter des niveaux additionnels de régulation, complétant les informations non véhiculées par la séquence de l’ADN et regroupés sous le terme d’épigénétique.
Les articles de ce dossier sont là pour en témoigner : la publication fondatrice de Jacob et Monod fut véritablement source d’inspiration pour les biologistes. Il ne fait aucun doute qu’elle le restera encore pour de nombreuses années. G
La rédaction avec Moshé Yaniv
professeur émérite à l’Institut Pasteur et directeur de recherche émérite au CNRS
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Deux modes d’actions possibles du répresseur avaient initialement été proposés dans la publication de 1961.
© 1961, ELSEVIER
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