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Quand l'entourage annonce la mort d'un proche: les avis de décès comme révélateurs de nos représentations de la mort dans la vieillesse

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Quand l'entourage annonce la mort d'un proche: les avis de décès comme révélateurs de nos représentations de la mort dans la

vieillesse

NICOLET, Marthe

Abstract

Cette thèse interroge l'hétérogénéité de représentations de la mort dans une population précise, celle des 65 ans et plus. À travers l'étude des avis de décès parus dans la presse et en adoptant l'approche des représentations sociales,nos objectifs consistent à faire ressortir puis à interpréter les quatre éléments du noyau central des représentations conjointes de la mort et de la vieillesse : le défunt, sa famille, la communauté, les remerciements d'où émergent le corps médical, les accompagnants, les lieux de mort, les configurations complexes d'acteurs qui se sont mis en place ces dernières années pour entourer le dernier chapitre de l'existence des aînés. Le contenu de chaque élément est mis en perspective avec non seulement les informations sociodémographiques des défunts, mais aussi la manière, dont les normes sociales (sur la famille par exemple), ainsi que le discours médical ou religieux s'intègrent et participent à l'élaboration de ces représentations sociales. Une telle approche est rendue possible grâce à l'emploi des méthodes mixtes, mobilisant en particulier [...]

NICOLET, Marthe. Quand l'entourage annonce la mort d'un proche: les avis de décès comme révélateurs de nos représentations de la mort dans la vieillesse . Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2018, no. SdS 100

URN : urn:nbn:ch:unige-1109313

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:110931

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:110931

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mort d’un proche

Les avis de décès comme révélateurs de nos représentations de la mort dans la vieillesse

THÈSE

présentée à la Faculté des sciences de la société de l’Université de Genève

par

Marthe Nicolet

sous la direction de

Prof. Michel Oris

pour l’obtention du grade de

Docteur ès sciences de la société mention socioéconomie

Membres du jury de thèse:

M. Marc-Antoine Berthod, Professeur, HETS-Vaud Mme Annik Dubied, Professeure, Université de Neuchâtel

M. Michel Oris, Professeur, Université de Genève Mme Sophie Pennec, Directrice de recherche, INED, Paris

M. Eric Widmer, Professeur, président du jury

Thèse no 100

Genève, 4 septembre 2018

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La Faculté des sciences de la société, sur préavis du jury, a autorisé l’impression de la présente thèse, sans entendre, par-là, émettre aucune opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 4 septembre 2018

Le doyen

Bernard DEBARBIEUX

Impression d'après le manuscrit de l'auteur

Illustration de couverture : cimetière central de Milan, photo prise par l’auteure

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A Christa, Qui ne verra jamais l’achèvement de ce travail, mais qui cimenta les fondations nécessaires à sa réalisation

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Table des matières

Table des matières ... v

Résumé…. .. ………ix

Abstract… ... xi

Remerciements ... xiii

Introduction ... 1

Chapitre 1.Annoncer la mort : la longue genèse d’un rapport entre privé et public ... 17

1.1 Une longue genèse depuis le Moyen Âge ... 17

1.2 Le tournant des XVIIIe et XIXe siècles... 22

1.2.1 Les transformations des contenus et du contenant ... 22

1.2.2 L’annonce de la mort dans la civilisation des mœurs ... 24

1.2.3 La diversification des documents de communication ... 26

1.2.4 Annoncer la mort dans les villages: les modalités de la transition de l’oral à l’écrit ... 27

1.2.5 Émergence de la mort dans la presse écrite ... 30

1.3 Les cas du Nouvelliste et de la Tribune de Genève ... 34

1.3.1 La Tribune de Genève ... 35

1.3.2 Le Nouvelliste ... 37

1.4 L’annonce publique d’un événement privé: un acte de mémoire .... 41

Chapitre 2. Sources et méthodes d’une recherche sur la mort dans la vieillesse 45 2.1 Les avis et la recherche en sciences sociales ... 45

2.2 Les différentes rubriques et la construction de la base de données ... 47

2.2.1 Mortuaires familles ... 48

2.2.2 Mortuaires sociétés... 50

2.2.3 Remerciements ... 51

2.2.4 Recherche famille ... 51

2.2.5 Souvenirs ... 52

2.2.6 Nécrologie ... 53

2.3 Les bases de données ... 53

2.3.1 Les avis de décès ... 53

2.3.2 La Swiss National Cohort ... 55

2.4 La population des annonces face à la population réelle... 56

2.5 Mourir en 2008, des générations de 1902 à 1943 ... 62

2.5.1 Parcours et contexte socio-historique ... 62

2.5.2 2008, une cohorte de décès comme les autres ... 63

2.6 Analyser l’annonce de la mort dans le journal ... 64

2.6.1 La transformation du texte ... 66

2.6.2 La statistique textuelle descriptive ... 67

2.6.3 Les analyses factorielles de correspondance ... 67

2.6.4 Classification hiérarchique descendante ... 68

2.6.5 Les analyses de similitudes ... 68

2.6.6 Les limites de l’approche choisie ... 69

Chapitre 3.Représentations de la mort et du mort dans les avis ………71

3.1 Parler de la mort ... 72

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3.2 Le mort (presque caché) ... 84

3.3 Le mort montré: image d’un passé vivant ... 89

3.4 Appréhension de la mort et distinction sociale ... 93

Chapitre 4.L’entourage du défunt ... 99

4.1 Structurer les liens dans l’avis ... 100

4.1.1 Une construction historique ... 100

4.1.2 L’évolution des (re)présentations de la famille dans le Nouvelliste et la Tribune de Genève ... 103

4.2 Les rapports d’alliance ... 109

4.2.1 Le conjoint ... 109

4.2.2 La perte du conjoint ... 112

4.3 Les liens verticaux ... 115

4.3.1 La descendance ... 115

4.3.2 L’ascendance ... 118

4.4 Des positions atypiques ... 119

4.4.1 Être sans enfant, mais pas sans famille ... 119

4.4.2 Les divorcé-e-s ... 122

4.4.3 Le partenaire ... 123

4.4.4 Les religieux ... 125

4.5 Collatéraux et liens avunculaires ... 127

4.6 Les liens électifs ... 131

4.6.1 Les amis comme annonceur ... 132

4.6.2 Les amis et les proches dans l’avis ... 133

4.6.3 La parenté spirituelle ... 135

4.7 Des configurations plurielles ... 137

4.8 En guise de conclusions: La famille comme actrice de la personnalisation des avis ... 138

Chapitre 5.La vie publique, professionnelle et sociale du défunt ... 141

5.1 Aperçu historique ... 142

5.2 La vie sociale ... 144

5.2.1 La vie de la localité ... 146

5.2.2 Liens sociaux et communautaires: construction de l’entre soi ... 150

5.2.3 Les partis politiques ... 155

5.3 Le monde professionnel ... 155

5.3.1 L’État ... 156

5.3.2 Les entreprises ... 157

5.4 À qui s’adresse l’annonce ... 159

5.5 Qui y a droit ... 161

5.5.1 Les profils de « Vie publique » des défunts ... 164

5.6 En guise de conclusion: capital social, autochtonie et annonce publique de la mort ... 166

Chapitre 6.Dire « merci » ... 169

6.1 Aux origines, les avis de remerciements ... 170

6.2 Remercier ou non ... 171

6.2.1 L’indifférenciation de la gratitude ... 171

6.3 Où se trouve le remerciement ? ... 173

6.4 Dire merci, au-delà du stéréotype ... 175

6.4.1 Formes, mots et cibles de gratitude dans les avis de remerciements ………..175

(8)

6.4.2 Le contenu des remerciements dans l’avis principal ... 179

6.5 Qui et comment remercie-t-on ? ... 181

6.5.1 Les remerciements genevois ... 181

6.5.2 Les remerciements valaisans ... 189

6.6 La diversité des structures de remerciements ... 198

6.7 Focus sur les soignants ... 201

6.8 Une figure marginale: l’aide informelle ... 204

6.9 Famille et aidants ... 207

6.10 Dire merci, quelle signification ? ... 209

Conclusion ... 211

Bibliographie ... 221

Annexe 1 Avis décès sur panneau d'affichage ... 247

Annexe 2 Dernier page du Journal de Genève, 4 avril 1892 ... 248

Annexe 3 Régression logistique à modèles imbriqués – « avoir des informations sur le décès » (rapport de cotes) ... 249

Annexe 4 Analyse de similitude du corpus « parler de la mort » ... 250

Annexe 5 Détails codage IRaMuTeQ ... 251

Annexe 6 Régression logistique à modèles imbriqués – « avoir des informations sur le défunt » (rapports de cotes) ... 252

Annexe 7 Coefficient d'association chapitre 4 ... 253

Annexe 8 État civil des personnes ayant comme annonceurs des amis ... 257

Annexe 9 Coefficients d'association chapitre 5 ... 258

Annexe 10 Avis « Vie sociale » par sexe, catégorie et destinataire ... 263

Annexe 11 Régression logistique à modèles imbriqués – « Ne pas avoir d’avis public publié », Valais et Genève (rapports de cotes) ... 264

Annexe 12 Destinataires des avis par âge ... 266

Annexe 13 Coefficient d'association chapitre 6... 267

Annexe 14 Régression logistique à modèles imbriqués – « avoir des remerciements publiés » (rapports de cotes) ... 271

Annexe 15 Le jeux du merci une relation à trois ... 272

Annexe 16 Analyse de similitudes - remerciement dans l’avis principal ... 273

Annexe 17 Évolutions de la mention des soignants selon l’âge par sexe et région ... 274

Annexe 18 Analyses de similitudes sur les différents groupes de soignants ... 275

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Résumé

Cette thèse interroge l’hétérogénéité des représentations de la mort dans une population précise, celle des 65 ans et plus. L’évolution de l’espérance de vie, des causes de décès, la modernisation de la société, l’institutionnalisation de la retraite font que nous sommes aujourd’hui en Suisse dans un contexte historique unique. Le vieillissement est devenu une question sociale, tout en estompant l’impact de l’augmentation des décès dans la partie la plus âgée de la population. Cette situation singulière influence directement nos représentations de la mort des aînés : elle soutient la vision dichotomique d’une vieillesse dissociée entre un 3ème âge idéalisé et un 4ème âge diabolisé, alors même que les études récentes révèlent une hétérogénéité des parcours de vie qui dépend de bien plus de facteurs que le seul âge chronologique. Par sa fréquence et parce qu’elle touche des individus « en retrait », la mort dans la grande vieillesse montre l’image d’une mort banalisée, sans réelle importance, « normale ». Pourtant, l’évolution des maladies en fin de vie, la médicalisation de soins, l’émergence de nouveaux lieux et d’un groupe médical spécialisés font que la mort, elle aussi, est diverse.

À travers l’étude des avis de décès parus en 2008 dans le Nouvelliste et la Tribune de Genève et en adoptant l’approche des représentations sociales, nos objectifs consistent à faire ressortir puis à interpréter les quatre éléments du noyau central des représentations conjointes de la mort et de la vieillesse : le défunt, sa famille, la communauté, les remerciements d’où émergent le corps médical, les accompagnants, les lieux de mort, les configurations complexes d’acteurs qui se sont mis en place ces dernières années pour entourer le dernier chapitre de l’existence des aînés. Le contenu de chaque élément est mis en perspective avec non seulement les informations sociodémographiques disponibles sur les défunts, mais aussi avec la manière dont les normes sociales (sur la famille par exemple), ainsi que le discours médical ou religieux, s’intègrent et participent à l’élaboration de ces représentations sociales.

Une telle approche est rendue possible grâce à l’emploi des méthodes mixtes, mobilisant en particulier l’analyse textuelle, ainsi que des approches statistiques plus classiques. Elle nous permet d’étudier les avis de décès dans toute leur complexité en rendant justice aux nuances. Ces documents, apparemment stéréotypés, dévoilent une diversité des perceptions de cette étape ultime, une appropriation multiple d’un moment dramatique et, pourtant, souvent attendu. Les résultats mettent en avant la façon dont la mort est évoquée. La mention du décès va bien au-delà de l’opposition entre une bonne ou une mauvaise fin, mais se construit sur un discours plus nuancé où l’âge au décès, le genre du défunt, le cadre culturel, jouent un rôle important. Le poids des normes transparaît en particulier dans la vision idéalisée de la famille que cette dernière donne à voir : les parcours sortant du mariage et du veuvage sont encore rares et, plus encore, cachés. Les avis émanant de la communauté révèlent l’impact des parcours de vie différenciés en fonction du genre dans les générations étudiées ici : ceux masculins s’inscrivant dans la sphère publique et ceux féminins étant situés dans la sphère privée.

Quatrième composante du noyau central, et surement celle qui est le plus marquée par l’originalité du temps présent, les remerciements offrent une image du personnel soignant, bienveillant, présent pour le mourant et sa famille, actif dans les dernières années pour l’établissement médico-social, et peut-être durant les derniers jours ou dernières semaines, en considérant les temps de mourir en général plus courts de

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l’hôpital. Les avis mortuaires, stables dans leur structure, évoluent dans leurs contenus et reflètent en cela les changements sociaux.

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Abstract

This thesis questions the heterogeneity of representations of death in a specific population; the 65+ age group. The evolution of life expectancy, of the death causes, the modernization of society, the institutionalization of retirement, they all mean that today in Switzerland we are in a unique historical context. Ageing has become a social issue. However the increase in deaths in the oldest part of the population is being forgotten. This directly influences our representations of the death of the elderly: it supports the dichotomic vision between an idealized third age and a demonized fourth age. Even though recent studies reveal a heterogeneity of life courses that depend on many more factors than chronological age alone. By its frequency and because it affects individuals "in retreat", death in old age shows the image of a banalized death, without real importance, "normal". However, the evolution of diseases at the end of life, of the medicalization of care, the emergence of new places and a specialized medical group are also making death diverse.

The thesis draws on the study of death notices published in 2008 in Le Nouvelliste and La Tribune de Genève and adopts the approach of social representations. The objectives are to highlight and interpret the four elements of the Central Core of the death representations and old age: the deceased, his family, the community and the gratitude. Two changes refer to the complex configurations of actors that have been set up recently to surround the last chapter of the existence of the elderly in which the medical profession in particularly, and the caregivers, and related to the first the places of death. Each element is put into perspective with the sociodemographic information available on the deceased. Additionally, these elements are discussed in relation to the way in which social norms (in relation to the family for example), as well as medical or religious discourses, are integrated and participate in the elaboration of these social representations.

Such an approach is made possible by the use of mixed methods, in particular textual analysis, as well as more traditional statistical approaches. These allow us to study death notices in all their complexity by doing justice to nuances. These documents, apparently stereotyped, reveal a diversity of perceptions of this ultimate stage, a multiple appropriation of a dramatic and yet often expected moment. The results underline the way death is portrayed. The mention of death goes well beyond the opposition between a good or a bad end. There are nuanced discourses in which the age at death, the gender of the deceased and the cultural framework play an important role. The importance of norms is particularly apparent in the idealized vision of the family that the latter presents: the trajectories out of marriage and widowhood are still rare and, even more hidden. Community opinions reveal the impact of gendered life courses in the generations studied here: those for men in the public sphere and those for women in the private sphere. Fourth component of the central core, and surely the one most marked by the originality of the current situation, that is gratitude, offers an image of the caring, benevolent personnel present for the dying person and his family, active in the last years in the homes for the elderly, and perhaps during the last days or weeks, considering the times of death generally shorter in hospital. Death notices, yet stable in their structure, evolve in their contents and reflect social changes.

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Remerciements

Faire une thèse sur la mort nécessite d’être entouré de vivants !

Je profite donc de ces quelques lignes pour remercier un grand nombre de personnes qui m’ont accompagnée, soutenue tout au long de ces six dernières années où je me suis penchée sur la vieillesse la fin de vie, l’annonce de la mort.

Je remercie plus particulièrement :

Le Prof. Michel Oris qui m’a embauchée, et qui – malgré la voie toute tracée dans le projet VLV - m’a permis d’écouter mon cœur et m’a encouragée sur la thématique de la vieillesse et la mort. Je le remercie pour m’avoir toujours fait confiance et m’avoir soutenue, à la fois dans les moments de doute et lorsque mes idées étaient en effervescence, pour m’avoir permis de séjourner à Paris et d’achever ce travail de doctorat dans les meilleures conditions, malgré la situation tumultueuse des derniers mois ;

Les membres du Jury, Prof Marc-Antoine Berthod, Prof Annick Dubiet et le Prof. Eric Widmer pour leurs remarques, leurs questions et encouragements qui m’ont aidée à améliorer ce travail. Un merci tout particulier à la Dr. Sophie Pennec qui, en plus d’avoir accepté d’être dans mon jury, m’a permis de réaliser un séjour à l’INED dans les meilleures conditions possible ;

La grande famille du CIGEV toujours présente et encourageante ; Claire, Nathalie, Tomaso, Urs et Greg toujours prêts à m’aider administrativement et informatiquement, mais aussi pour le soutien et les conseils avisés ; Oana et Delphine qui se sont toujours tenues à disposition pour m'écouter et m'aider à structurer mes pensées, Julia qui a su faire face stoïquement au désordre de mon bureau, Eduardo, Aude T. pour les péripéties coréennes et les membres des M&M’s, Marie & Myriam ;

Aline et Aude M. pour leur soutien, nos rires, nos coups de gueule, nos discussions qui m’ont permis de vivre ces années de thèse et d’assistanat en sachant que je n’étais pas seule et qui, même leur thèse achevée, m’ont accompagnée jusqu’à la reddition de ce travail ;

Aux membres d’IDESO, mon autre port d’attache, en particulier Adrien pour son éternel optimisme sur mes aptitudes en statistiques ou ma capacité à utiliser R et pour m’avoir appris, avec Sylvie, le métier d’assistante ; Floriane pour m’avoir appris il y a des années à ne pas avoir peur des chiffres. Et tous les autres amis de l’Instiut que j’aurais oublié de citer ;

Également un grand merci à tous les membres du NCCR LIVES, en particulier Sabine et les collègues qui ont partagé mon bureau ces derniers mois!

L’ensemble des chercheurs de l’INED pour l’encadrement et en particulier les membres de l’UR 3 et l’UR 10. Pour la statistique textuelle, Bénédicte Garnier et Milan Bouchet-Valat. L’ensemble des doctorants pour leur accueil, leur bonne humeur qui ont facilité mon intégration et m’ont fait découvrir Paris de jour comme de nuit, en particulier le bureau 340 qui m’a le plus régulièrement accueilli : Benjamin, Matthias, Mona, Marion, Julie, Élodie, Pierre, Sarah. La principale à ne pas oublier, ma chère colocataire Jenny qui n’a pas seulement été ma cobaye culinaire (ou l’inverse), mais qui m’a aussi permis d’avancer intellectuellement et personnellement grâce à nos nombreuses et passionnantes conversations ;

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Olivier Curdy et Vanessa Parada pour leur travail et leur aide à la création de la base de données qui a servi de point de départ à cette thèse ;

Mes amis qui ont accepté mon mode de vie et qui m’ont permis de me changer les idées ; Karine pour son amitié indéfectible, et qui a la patience de relire mes travaux depuis de nombreuses années ; Katia, Alessandra qui m’obligeait à partir en vacances, Sévane, Claire qui m’a fait maintenir une vie culturelle, Anne-Laure pour partager ma passion pour l’aventure, Marion, Alina, François, Félicie, Dalal, Rojin, Agnès…..

Toute ma famille pour m’avoir laissé tracer ma voie dans les études que je souhaitais et qui m’a suivie dans cette aventure ; ma mère pour son coaching ; mon frère qui en réalisant sa thèse avant moi me donna l’inspiration d’en faire une ; Antoinette pour m’avoir hébergée dans les moments de doute ; mon neveu et ma nièce, Yan et Alia qui me rappellent que jouer est un excellent passe-temps ; Comme le disait Frédéric Dard, « À côtoyer la mort, tu te raccroches à la vie ». Il est temps pour moi de fermer ces pages et de continuer la mienne.

Un grand merci à tous ceux qui prendront le temps de lire cette thèse et qui en apprendront davantage sur les diverses manières d’annoncer la mort et les représentations qu’elles véhiculent aujourd’hui !

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Introduction

Pour la première fois dans sa longue histoire, l’occident connaît une révolution démographique marquée par une rectangularisation de la courbe de survie due à une chute de la mortalité au jeune âge d’un côté et à une augmentation de la longévité de l’autre (Landry, 1982). De la mort des innocents (celle des enfants), nous sommes passés à la mort vieillesse. La Suisse n’échappe pas à ce phénomène. Au cours du dernier siècle, sa population a gagné 30 ans d’espérance de la vie à la naissance. Parallèlement, comme l’illustre le graphique ci-dessous, la mort s’est déplacée dans la population âgée. Les courbes de survie tendent de plus en plus vers une forme rectangulaire, la grande majorité des femmes et des hommes résistant aux accidents de la vie, évitant des décès qui sont justement qualifiés de « prématurés », avant que les issues fatales surviennent enfin, à un âge avancé. Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (2014) le confirment en Suisse au début du XXIe siècle, 85% des décès ont lieu après 65 ans.

Source des données : Swiss National Cohort, 2000-2008, calculs de l’auteure

Au-delà de cette (r)évolution démographique, d’autres changements sont à prendre en compte pour saisir les représentations associées de la mort et de la vieillesse.

Même si les infections cardio-vasculaires et les tumeurs malignes restent les principales causes de décès dans la population âgée, le schéma de la mortalité est en évolution. Les aînés sont de plus en plus souvent atteints de plusieurs maladies neurodégénératives (OFSP & CDS, 2012), qui demandent des prises en charge différentes, alliant gériatrie, psychiatrie et soins palliatifs (OMS, 2011). Ces évolutions ont entraîné un déplacement fréquent de la fin de vie de la personne âgée du domicile à des lieux institutionnalisés (hôpitaux, établissements médicaux

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sociaux). Il en résulte une dernière étape de l’existence de plus en plus encadrée, qui ne concerne plus seulement la famille et la personne âgée, mais aussi, et de plus en plus, un personnel socio-médical aux multiples figures (Monnier & Pennec, 2001). L’ensemble de ces évolutions a « une influence particulière sur la manière dont on va appréhender et concevoir la mort puisqu’elle apparaît toujours après une longue maladie » (Castra, 2017, p. 381). La mort vieillesse est la mort inéluctable (Ruffié, 2000), et par le nombre de décès qu’elle représente, elle est aussi devenue une mort banalisée (Thomas, 2008 [1988]) : «The convergence of negative attitudes toward both aging and death is consequential. For exemple, it is often assumed that the death of an elderly person is relatively unimportant » (Kastenbaum, 2007, p.

347). En devenant une étape ultime et lointaine du parcours de vie, la mort a perdu en visibilité, principalement auprès des jeunes (Elias, 2012 [1987]).

Au-delà de ses manifestations démographiques, comprendre la mort dans la société contemporaine impose de la situer dans son contexte social. Si la mort a connu des changements, la vieillesse elle-même subit depuis le milieu du XXe siècle d’importantes mutations qui vont de pair avec celles de la société – économique, familiale, médicale – qu’il nous faut appréhender pour mieux comprendre la mort dans la vieillesse. L’évolution de ces deux phénomènes et leur association contemporaine ont des incidences tant sur la manière de concevoir la mort que sur l’accompagnement en fin de vie (Seale, 2005).

Nous sommes aujourd’hui en Suisse dans un contexte historique unique. Ce moment démographique impacte directement nos représentations sociales de la mort dans la vieillesse. Cela justifie pleinement une étude de la mort dans la vieillesse, qui répond à un double intérêt, scientifique et social. Relever un tel défi impose de faire appel à deux champs de recherche interdisciplinaire qui ont évolué en parallèle, ne se rencontrant jusqu’ici que ponctuellement à travers les travaux de quelques chercheurs, celui de la vieillesse et des études sur la mort.

Représentation de la vieillesse

Oscillant entre valorisation et dévalorisation, l’image de la vieillesse a connu de constantes évolutions, l’une ne remplaçant pas nécessairement l’autre, mais parfois cohabitant au travers des époques (Ariès, 1983; Oris, Dubert, & Viret, 2016).

Valorisée durant l’Antiquité, représentant la sagesse, la chrétienté au Moyen Âge amène l’image de la dégradation de la personne âgée. Une réhabilitation de l’image de la vieillesse s’amorce dès le XVIIIe siècle, mais « l’image du noble vieillard à la belle figure va s’imposer tout au long du XIXe siècle et du début XXe siècle bien que persiste en dessous, je crois la très vieille imagerie du gâteux » (Ariès, 1983, p. 48).

Le début du XXe est plus particulièrement marqué par l’imagerie du vieillard gâteux, vision qui persistera jusqu’à nos jours. Dans une société industrielle productiviste, la vieillesse et le vieillard incarnent l’inutilité, le déclin, l’atonie, bref le contraire du dynamisme qui est valorisé à travers la jeunesse. Mais comme nous allons le voir plus en détail, ce n’est pas l’unique vision présente de nos jours (Ariès, 1983;

Bourdelais, 1993; Hummel, 1998).

À cet égard, les évolutions des 60 dernières années méritent que l’on s’y attarde.

Lalive d’Epiney et Bickel (1996) dans leur article montre que l’avènement des études sur le vieillissement date des années 1960, et que ses évolutions et l’image liée à la vieillesse se construisent de pair avec les changements de la société. Dans les premières théories, c’est tout d’abord la notion de perte de rôle qui prédomine.

Les travaux de Burgess (1960) mettent en perspective les transformations de la

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société, tant au niveau économique que familial, qui ne permettent plus d’intégrer la personne âgée. La théorie du désengagement développée par Cummings et Henry (1961) s’inscrit dans cette perspective en considérant la vieillesse comme un retrait de la vie sociale, où l’individu abandonne les rôles qu’il a pu occuper. Au moment où l’organisation de notre société amène une régulation du cycle de vie (Kohli, 1986), la création de systèmes de retraite contribue à cette image dévalorisée de la vieillesse.

Le vieillissement ou l’âge de la retraite (du retrait) est considéré comme une nouvelle étape de l’existence, mais qui « commence […] quand l’individu a dépassé la durée moyenne de vie » (Lalive d’Epinay, 1994, p. 135). La retraite encourage cette idée que la personne se retire du monde en prenant sa retraite. Au début des années 1970, Anne-Marie Guillemard (1973) parle même de mort sociale.

La réaction contre les travaux sur le désengagement se trouve chez Havighurst et Albrecht (1953) et leur théorie de l’activité, prémisse au vieillissement actif. Ils développent l’idée que plus les personnes âgées restent actives et maintiennent leurs relations sociales, plus cela leur assure un vieillissement réussi. Cette dernière notion apparaît surtout dans les années 1980. Le successful ageing se définit par trois axes : un bas risque de maladie ou handicap, une bonne santé fonctionnelle cognitive et physique et un engagement actif dans la vie (Rowe & Kahn, 1997).

Aujourd’hui, dans une continuité explicite se diffuse le principe de l’active ageing encouragé par la volonté politique. Ici, l’individu âgé est responsabilisé comme acteur de la réussite de son vieillissement, ici aussi s’impose l’idée du rôle productif des aînées (van Dyk, 2012). Le vieillissement actif « s’incarne par le développement de politiques préventives du cours de vie, visant à repousser la mortalité, la morbidité et les handicaps dans les dernières années de la vie. Mais comme l’a bien montré M. Foucault, cette transformation du mode d’exercice du pouvoir sur les individus n’est pas sans receler des risques majeurs. Les appels au ‘bien vivre’ et au

‘bien vieillir’ qui se multiplient aujourd’hui et sont corrélatifs de l’obligation de longévité sont-ils autre chose qu’une simple injonction sociale […] ? » (Guillemard

& Mascova, 2017b, p. 23). L’inégalité, celle dans la distribution des ressources sur lesquelles les individus vieillissants peuvent s’appuyer pour « bien vieillir », est sans conteste la pièce manquante de cette nouvelle vision (Baeriswyl, 2016; Moulaert &

Léonard, 2011).

En outre, l’amélioration des conditions de vie et de santé et l’augmentation de l’espérance de vie en santé nous forcent « à repenser le déroulement et la régulation de l’ensemble des parcours de vie, de l’enfance au grand âge » (Guillemard & Mascova, 2017a, p. 398). Le temps de la retraite n’est plus directement celui de l’attente de la mort en maintenant des conditions de vie dignes ; il devient une nouvelle phase idéalisée de l’existence où les individus vieillissants n’ont plus l’obligation de gagner leur vie, mais sont aptes à profiter, à s’épanouir, à s’engager (Lalive d’Epinay, 1994; Perrig-Chiello & Höpflinger, 2009).

Le « troisième âge » véhicule dès lors une image positive, associée à la bonne santé et à l’activité. La vieillesse est désormais considérée comme la quatrième phase de la vie (Lalive d’Épinay & Cavalli, 2013), l’étape juste avant la mort. L’image de la dépendance de l’aîné en mauvaise santé atteint d’une ou plusieurs maladies neurodégénératives a remplacé celui de la sénilité.

Refuge de toutes nos peurs, ce qui est désormais qualifié de « quatrième âge » souffre d’une marginalisation sociale multiforme: « On sait que plus les individus atteignent un âge élevé plus il leur est difficile de satisfaire aux critères d’un vieillissement réussi, tant au niveau individuel que populationnel. Enfin, la réflexion

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politique ne peut pas plus refuser de prendre en compte les questions éthiques et ontologiques de la fin de vie et de la mort » (Guillemard & Mascova, 2017b, p. 18).

Un peu curieusement, cette vision dominante de la vieillesse assumant l’existence d’un troisième et d’un quatrième âge tend à être déconsidérée par la recherche aujourd’hui (Grenier & Ferrer, 2010), les études adoptant la perspective du parcours de vie démontrent la diversité du vieillissement, en terme de trajectoires de santé (Masotti, 2016; Tholomier, 2017), de participation sociale (Baeriswyl, 2016; Bickel, 2014), de vie familiale (Girardin, 2017; Silverstein & Giarrusso, 2010), de lieux de vie, en particulier médicalisé (Cavalli, 2012; Masotti, 2016). Si l’image construite de la vieillesse semble dichotomique, dans les faits nous avons une population hétérogène. Mais cette réalité est encore peu ou pas intégrée dans les représentations sociales et les politiques publiques.

Mourir aujourd’hui

Par souci de concision, les éléments rapportés ici sur la mort illustrent uniquement le contexte occidental européen et catholique/protestant. De plus l’histoire de la mort est longue et complexe et regroupe différents sujets : tels les rituels, l’acte de mourir, le deuil. Dresser un portrait complet détaillé et nuancé n’est pas l’enjeu de ce travail, qui se centre sur notre perception de la mort contemporaine. Pour saisir cette dernière, il est nécessaire de retracer une histoire de l’image de la mort, mais en s’en tenant à une présentation succincte d’étapes clés qui font ressortir la spécificité du présent.

Avant de nous attarder sur la perception de la mort contemporaine, il nous semble important de rapidement retracer l’histoire de l’image de la mort. Tout comme pour la vieillesse, les représentations de la mort ne se succèdent pas nécessairement dans le temps, mais ont pu cohabiter. Philippe Ariès (1985a [1977], 1985b [1977], 2015 [1975]) identifie quatre attitudes principales : la « mort apprivoisée », avant le XIe siècle, qui est publique et acceptée, vivants et morts coexistant. Du XIe à la fin du XVIIe siècle, l’homme prend conscience de sa propre finitude et de sa biographie personnelle : cette période, définie comme la « mort de soi », est marquée par l’image du jugement dernier. La fin du Moyen Âge marque un ébranlement culturel en Europe, un changement des croyances et des sensibilités (Réforme, Renaissance, Lumière), l’affirmation du libre arbitre de l’homme, la naissance de l’individualisme moderne, alors que la Réforme remet en question les rituels (Carbonell, 2006). Du XIXe au XXe, la période romantique amène la « mort de l’autre ». La mort de l’être aimé est vécue comme un déchirement, mais dans l’espérance des retrouvailles dans l’au-delà. La tombe individuelle au cimetière prend de l’importance, lieu où s’épanouit le deuil. Le déplacement de la mort du domicile à une institution débute au XIXe : la vision de la mort devient plus pénible, la montée de l’hygiénisme, des logements plus petits, renvoie l’image de la pourriture. Si le bourgeois mourait chez lui, la mort survenait à l’hôpital pour les pauvres (Perrot & Martin-Fugier, 2015). Le médecin devient plus important que le prêtre (Vovelle, 1974).

Au cours des années 1970, les études sur la mort connaissent une grande popularité dans les différents domaines de sciences sociales. À travers des études comparatives des pratiques et croyances, historiques ou ethnographiques, toutes produisent un constat commun : la mort aurait perdu son sens et serait devenue angoissante. Ariès parle de « mort interdite », « inversée », ensauvagée ; la mort comme événement social devient un événement privé marqué par une perte de

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signification. Louis-Vincent Thomas (1991) parle de la gêne, de la marginalisation en réaction à la mort. Elias soulève la question de la privatisation par la désocialisation, la déritualisation de la mort. Moment de rupture, tout en se devant de marquer une transition intergénérationnelle, la mort doit être réinterprétée hors de son cadre religieux, sans que des alternatives à ce dernier se dessinent clairement.

Mises en cause comme les sources de cette laïcisation, la société marchande, l’urbanisation, la modernité marquée notamment par la médicalisation et la technicité des soins, par l’implantation plus complète de la profession médicale (Seale, 1998), ont entraîné un rapide déplacement de la mort du domicile à l’institution. En Suisse, 55 % des personnes décédaient en logement privé en 1955, elles ne sont plus que 34 % en 1976 (Hugger, 1992) et les derniers chiffres indiquent que 80 % meurent de nos jours en institution (Office fédéral de la statistique, 2009). La mort, dès lors « jugée laide, sale et inconvenante ne peut se vivre que cachée dans la solitude et non comme autrefois offerte au public » (Thomas, 2008, p. 64 [1988]). Le parallèle avec l’évolution des représentations de la vieillesse, en particulier du quatrième âge, est flagrant, d’autant que, comme nous l’avons vu, la mort se concentre dans la grande vieillesse. Les visions négatives se renforcent l’une l’autre.

Depuis, notre rapport à la mort a évolué, ce qui engage également les conditions de la fin de vie. Si les discours actuels s’éloignent de cette vision négative, il faut rester conscient que « l’urbanisation, l’individualisation ou la volonté de maitriser l’adversité par la science, la technique et la politique restent très prégnantes aujourd’hui » (Hintermeyer, 2004, p. 75). Cet héritage participe d’une ambiguïté généralisée, car il est aussi vrai que les constats sombres posés dans les années 1970 tant par les scientifiques que par de nombreux acteurs de la société civile ont eu pour effet une prise de conscience et entraîné des modifications dans le domaine médical et médico-social, ainsi que dans d’autres domaines (éducation, religieux, professionnel de la mort) (Déchaux, 2000). Schématiquement trois niveaux ont été identifiés pour exprimer l’évolution de nos sensibilités : la mort est redevenue un sujet de discussion, de débat social (colloques, publications) ; les pratiques funéraires (crémation, prévoyance obsèques) et sanitaires (accompagnement en fin de vie) progressent ; ce qui a impliqué l’organisation de champs professionnels (création des unités de soins palliatifs, d’associations d’accompagnement au deuil, etc.) (Déchaux, Hanus, & Jésu, 1998).

Mort familière/mort interdite, ritualisation/déritualisation, si l’opposition de ces perceptions de la mort illustre l’ambivalence des représentations, Jean-Hugues Déchaux en propose une autre interprétation, moins duale, plus multiple. Il pense que les acteurs sociaux font de ces contradictions une alchimie qui leur est propre. Il parle à cet égard d’un « processus d’intimisation » (Déchaux, 2000) qui n’implique ni une désocialisation ni une privatisation de la mort (Déchaux, 2001). Dans ce processus, la mort renvoie à la subjectivité de chacun, c’est par l’expérience personnelle qu’elle s’exprime (Déchaux, 2001).

Ces transformations de nos attitudes face à la mort ont influencé nos représentations de la belle mort. À l’origine chrétienne et ritualisée, la mort était naturelle, et positive lorsqu’elle se présentait en opposition au décès du pécheur mort sans les sacrements. À cette époque, l’individu craignait de mourir subitement sans être entouré par sa famille et la présence religieuse (Carbonell, 2006; Hugger, 1992). Avec la modernisation, bien mourir c’est mourir le plus tard possible : « le

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progrès des connaissances permet de vivre davantage peut-être même toujours » (Hintermeyer, 2004, p. 76). Le « processus d’intimisation » enfin amène désormais à la « mort de soi », c’est-à-dire une bonne mort se vivant dans la pleine conscience,

« mourir exige donc un contact authentique avec soi […]. Cette exigence d’authenticité et de sincérité qui sollicite la conscience réflexive est posée comme une expérience existentielle majeure, que certains partisans de l’accompagnement des mourants n’hésitent pas à présenter comme une nouvelle mystique » (Déchaux, 2001, p. 82). Cette idée de conscience du mourant se retrouve dans le discours de figures médiatiques de l’accompagnement en fin de vie, telles Élisabeth Kübler- Ross (1998) ou Marie de Hennezel (1999).

Notre conception du bien mourir se construit toujours en opposition au mal mourir.

Mal mourir, c’est mourir prématurément, c’est mourir jeune, avant l’heure et c’est également connaître une agonie prolongée. En effet, si la médicalisation marque les progrès sanitaires, ses outrances font peur, avec la crainte de mourir « sur un lit de douleur » ou « réduit à l’état de légume » (Carbonell, 2006; Hintermeyer, 2004).

Entre conscience et inconscience, le discours sur la mort subite est plus ambigu :

« bien que certains y voient le modèle de la belle mort, inconsciente et sans douleur, la mort subite se révèle fort traumatisante pour les survivants » (Thomas, 2008, p.

23 [1988]).

La peur de la mort prolongée, l’extrême médicalisation, la solitude des grands vieillards et des mourants ont déclenché les revendications en faveur de nouvelles prises en charge du mourir, ainsi que les débats sur l’euthanasie et le suicide assisté. Améliorer la prise en charge des derniers moments passerait par l’autonomisation de l’individu. Avec les soins palliatifs, l’autonomie apparaît, car

« l’expérience du malade devient un objet central de préoccupation et de travail » (Castra, 2017, p. 386), il s’agit d’une nouvelle médicalisation du mourir. Dans le discours pour un droit à mourir dignement, l’autonomie promeut « la figure d’un individu maître de sa fin de vie, capable de décider seul du moment de sa propre mort » (Castra, 2017, p. 386). L’individualisation du mourir exige une préparation et une organisation personnelles de cet événement. À cet égard, le recul de la survenu de la mort dans la grande vieillesse accroît le défi.

Mort vieillesse

Le déplacement de la mort dans la vieillesse a des conséquences individuelles et structurelles. Elle amène les personnes âgées à penser à leur propre disparition, mais aussi à être confronté à la mort des proches, des contemporains (Thomas, 1990, p. 73). L’augmentation de l’espérance de vie combinée à la médicalisation a, nous l’avons dit, entraîné le transfert de la mort à domicile aux institutions. Le chiffre précédemment mentionné indique une mutation rapide qui ne se présente pas comme un choix pour l’individu, mais comme une obligation (Clavandier, 2009).

La mort en institution renvoie à une image de solitude et d’abandon qui exprime la relégation de la dégénérescence et du trépas dans des sociétés qui exaltent la jeunesse et la vie, entraînant une privatisation tant de la mort que du deuil (Hugger, 1992). La mort du vieillard fragile et malade (Lafontaine, 2010) contraste avec le modèle idéalisé du XIXe siècle où le vieillard partait paisiblement, dans son lit, entouré de l’affection des siens (Ariès, 1985b [1977]).

Depuis les années 1980, un ensemble de réactions a visé à ré-humaniser tant la grande vieillesse que la fin de vie, à préserver au mieux l’autonomie de la personne âgée et à accompagner ses derniers jours. Cela s’est traduit par la montée des

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soins à domicile, de l’accompagnement en fin de vie ou des logements spécialisés, et a promu un personnel qui soigne et soutient la personne âgée lors de la dernière phase de son existence, tout en suppléant les proches survivants. Cela ne s’est pas fait sans conséquence. À l’hôpital et plus particulièrement dans les services de soins palliatifs, le décès est pensé dans l’organisation, ce qui n’est pas le cas pour les établissements médico-sociaux, pensés comme des lieux de vie : « les décès en établissements sont à la fois banals et imprévisibles, davantage encore dans les unités de soins de longue durée. Les occupations des chambres sont rythmées par le nombre des décès, relativement moins fréquents dans des structures moins médicalisées et de taille modeste. Pourtant, la mort n’est pas inscrite dans l’ordinaire institutionnel. Elle est vécue comme un non-événement. La plupart du temps, c’est le silence qui entoure la disparition. La mort est non-dite pour préserver censément le ‘bien-être’ des personnes hébergées » (Doutreligne, 2006, p. 107).

L’absence totale d’une prise en charge n’est pas exacte, mais dépend de la personne âgée et du personnel soignant ; c’est la négociation qu’ils instaurent qui installe un mode d’action. Comme le souligne bien Isabelle Mallon (2004), cette négociation dépend de la structure de l’établissement, de l’histoire personnelle et de la motivation de chacun.

L’évolution du schéma de la mortalité, notamment les maladies neuro- dégénératives, oblige à repenser la temporalité du mourir. La fin de vie n’est pas que l’agonie, les derniers jours, mais il s’agit d’une fin plus longue qui peut s’étaler sur plusieurs années (Ollivet, 2014). Ces fins de vie prolongées ont un double impact sur le personnel soignant : soigner et accompagner un patient, alors que la communication est malaisée en raison même de la nature des maladies neurodégénératives, mais être aussi présent pour soutenir, accompagner des familles qui sont sinon en détresse (Ollivet, 2014), au minimum culpabilisées de

« placer » leur parent (Masotti, 2016). Notons par ailleurs qu’à côté de cette vision relativement sombre, une fois encore c’est la diversité des situations qui domine dans la grande vieillesse, avec bien plus de fragilisations que de pertes d’autonomie, et une proportion non négligeable de personnes préservant leur indépendance jusqu’au bout (Lalive d’Epinay et al., 2008).

À cet égard, maintenir sa qualité de vie, garder son autonomie, ces injonctions au vieillissement en bonne santé portées par les actions publiques n’ont pas pour seul objectif d’éviter à un âge avancé les problèmes, de maladie, de handicap ou d’isolement. Indirectement, en rendant l’individu responsable de sa vieillesse, elle souhaite le rendre aussi responsable de sa mort, lui éviter le risque d’une mauvaise fin, sans soins palliatifs, solitaire, ou même l’impréparation des familles (Viriot- Durandal, 2017, p. 259).

Une approche de la mort dans la vieillesse par les représentations sociales

Les sections qui ont précédées, portant sur la mort, sur la vieillesse, sur la mort vieillesse, s’appuient largement quoiqu’implicitement, sur un concept , la représentation sociale, qu’il importe désormais d’expliciter. Cette approche se situe à la croisée des disciplines sociologiques et psychologiques (Moscovici, 1961, 2003). Moscovici fut le premier chercheur à définir les représentations sociales comme : « Un système de valeurs, de notions et de pratiques ayant une double vocation. Tout d’abord, d’instaurer un ordre qui donne aux individus la possibilité de s’orienter dans l’environnement social, matériel et de le dominer. Ensuite d’assurer

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la communication entre les membres d’une communauté en leur proposant un code pour leurs échanges et un code pour nommer et classer de manière univoque les parties de leur monde, de leur histoire individuelle ou collective » (Moscovici, 1969, p. 7).

Tout comme les objets étudiés par les représentations sociales peuvent être vastes (alimentation, travail, santé mentale, environnement, la mort et la vieillesse en font également partie), une diversité d’axes de recherche et de définition s’est développée autour des travaux originaux de Moscovici (Jodelet, 1991). Pour Doise, les représentations sociales se définissent comme des « principes générateurs de prises de position liées à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux et organisant les processus symboliques intervenants dans ces rapports » (Doise, 1985, p. 246). Les recherches qui en découlent traitent de l’impact de la structure sociale sur l’élaboration des représentations sociales (Doise, 1990). Un deuxième axe, plus ethnographique, s’intéresse à l’origine des représentations sociales ainsi qu’à leur rôle de régulateurs dans les interactions sociales (Jodelet, 1989). Selon Jodelet, une représentation sociale est « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1994, p. 36).

Finalement, nous rapportons les travaux d’Abric (1987) qui observe la dynamique des représentations et leur caractéristique structurale. Dans cette approche, elles sont organisées, structurées et hiérarchisées par un système central, constitué d’un ou de quelques éléments, ainsi que d’un système périphérique. Il considère qu’une représentation sociale est « un ensemble organisé d’informations, d’opinions, d’attitudes et de croyances à propos d’un objet donné. Socialement produite, elle est fortement marquée par des valeurs correspondant au système socio-idéologique et à l’histoire du groupe qui la véhicule pour lequel elle constitue un élément essentiel de sa vision du monde » (Abric, 2005b, p. 59). L’ensemble de ces définitions a en commun de considérer que les représentations sociales sont d’une part constituées d’un contenu et d’autre part qu’il existe des processus de construction.

Les travaux sur la mort (Bradbury, 1999) ou sur la vieillesse (Hummel, 1998) tendent à opter pour l’axe de recherche développé par Jodelet, car partant de l’origine des représentations sociales de leur objet respectif, ils traitent de leurs interactions auprès d’une population donnée (endeuillés, professionnels de la mort pour le premier, population âgée dans la seconde). Pour notre part, nous ancrons cette thèse dans l’approche structurale d’Abric et ces travaux sur le système central.

Deux notions sont essentielles à retenir dans sa démarche : contenu et structure.

Toute représentation sociale est composée de ces deux éléments (Abric, 2005a).

Cette thèse a pour objectif de découvrir le contenu de notre objet, les représentations sociales de la mort dans la vieillesse ; il est également nécessaire pour comprendre et analyser ce contenu d’analyser sa structure. Les représentations sociales se constituant en partie à l'intérieur des sujets (phénomène psycho-cognitif) et en partie à l'extérieur par les normes sociales (Haas & Jodelet, 2007), ont pour incidence d’organiser spécifiquement les éléments du contenu (hiérarchie et relations entretenues entre eux) (Abric, 2005a). Un même contenu dans deux groupes différents peut correspondre à deux représentations sociales d’un même objet.

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Une source innovante : les avis de décès

Innover dans les études sur la mort semble une entreprise délicate tant l’étude et les méthodes semblent destinées à certaines disciplines (Vovelle, 1976). Les démographes, par leurs études des registres et recensements, élaborent des statistiques complexes pour l’étude de la mortalité et des causes de décès à grande échelle. Les sciences sociales (sociologue, anthropologue) s’intéressent à la mort vécue, à l’observation des pratiques, des attitudes collectives devant la mort, médicales ou rituelles, au discours tenu par les églises, à l’expression littéraire ou aux narrations des acteurs.

Pour innover, le chercheur doit trouver une nouvelle source et une nouvelle méthode d’analyse. L’avis de décès fait partie des documents offrant des informations biographiques synthétiques sur une vie (P. Legros, 2011). Il constitue un outil pour accéder à cette étape de la fin de vie et de la mort. La numérisation des archives des journaux, conjugués au développement de l’analyse textuelle (qui s’affirme aujourd’hui comme une méthode clé dans l’analyse des représentations sociales (Kalampalikis, 2005)), nous permet d’étudier les avis de décès dans toute leur complexité. La sensation de répétition suscitée par la routine de lecture de multiples avis cache des complexités qui ressortent lorsque l’on fait recours à des logiciels, car s’ils nous offrent une vision globale (linguistique, grammaticale, sémantique, thématique), ils nous permettent également d’observer la finesse du détail ou des subtilités de langage propre à des groupes d’individus (Kalampalikis, 2005). De plus, analyser des documents de presse nous « informe également sur les cadres normatifs, idéologiques, institutionnels ou encore historiques à partir desquels s’expriment les représentations » (Valence, 2010, p. 41).

L’avis de décès est devenu au cours du XXe siècle, la principale façon d’annoncer la mort à la communauté (Pittet & Rossel, 1992), les pages du journal qui lui sont dédiées sont les plus lues (Linke, 2001). Dans une approche par les représentations sociales, l’emploi de la presse montre tout son intérêt en se faisant l’écho des valeurs, croyances, savoirs, opinions communes aux membres d’une société qui sont relatifs à leur comportement social (Hammer, 2011).

L’apparition, l’expansion et la personnalisation des avis depuis 1950 s’inscrivent dans le contexte de modernisation. Ils « ne sont pas seulement le simple réceptacle écrit des représentations de la mort, mais également le reflet de caractéristiques dominantes de la civilisation industrielle » (Legros, Herbé, 2006, 30).

En arrière-plan : modernisation et parcours de vie

Le processus dit de modernisation des sociétés occidentales remonte au XVIe siècle, mais s‘est accéléré depuis le XIXe, avec l’industrialisation, l’urbanisation, le renforcement des institutions, l’économie de marché et la globalisation, ainsi que les évolutions sociodémographiques et familiales (Beck, 1992; Shanahan, 2000;

Sørensen & Christiansen, 2013). Deux courants de pensée sociologique ont émergé pour appréhender les parcours de vie dans ce contexte moderne (Marshall &

Mueller, 2003). D’un côté, les Anglo-saxons s’intéressent à l’impact des événements sociohistorique sur le parcours individuel (Elder, 1999 [1974]) ainsi qu’à l’âge chronologique, la manière dont les normes et les attentes y sont liées (Riley, Johnson, & Foner, 1972; Settersten & Gannon, 2005; Settersten & Hägestad, 1996b). De l’autre, les chercheurs d’Europe occidentale amènent une réflexion sur l’impact de la modernité dans le parcours de vie (Kohli, 1986). Ainsi, Kohli démontre comment l’âge chronologique a perdu sa seule fonction de situer la personne entre

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sa naissance et sa mort pour devenir un marqueur des différentes étapes vécues, leur agencement étant instauré par les institutions (scolarité obligatoire et retraite par exemple). Soutenue par la gestion de l’État, une standardisation des parcours de vie apparaît où les phases de la vie se concentrent sur certains moments (Sapin, Spini, & Widmer, 2014). Si cette standardisation connaît son apogée durant les années 1950-1960, elle ne prend pas en compte les parcours féminins. Les travaux de Levy et ses collègues évoquent ce manque et affirment dans leurs études qu’une double standardisation en fonction du genre a existé (Levy, Gauthier, & Widmer, 2006; Levy & Widmer, 2013). À la nécessité de prendre en compte la question du genre s’ajoute celle de considérer les différentes sphères sociales auxquelles participe la personne. Il s’agit de voir au-delà de la sphère professionnelle pour intégrer par exemple la sphère de la participation sociale, celles-ci pouvant interagir entre elles et s’impacter (Levy & Bühlmann, 2016).

Nos représentations et normes liées au genre et à l’âge induites par les institutions créent ainsi des modèles types de parcours de vie qui s’imposent comme références (Kohli, 1986, 2007; Kohli & Meyer, 1986; Krüger & Levy, 2001).

Toutefois, les trajectoires individuelles ne se construisent pas uniquement à travers les institutions et leurs règles ; il faut compter également sur les capacités psychosociale, cognitive, relationnelle des individus qui influent sur leur trajectoire de vie (Mayer, 2004).

Le déroulement de la vie est marqué par le contexte sociohistorique ainsi que par les relations autour de l’individu (Elder, 1999 [1974]). Le paradigme du parcours de vie est un concept clé pour l’étude de la vieillesse sous toutes ses dimensions : professionnelle, familiale, participation sociale et de santé (Settersten, 2006). Si la vie humaine va par définition de la naissance à la mort, cette dernière est rarement étudiée en termes de parcours de vie, mais plutôt comme événement externe impactant la trajectoire de celles et ceux qui étaient liés au défunt (Derosas & Oris, 2002).

Deux régions, deux histoires de la vieillesse et de la mort

La mort est un phénomène universel que nous sommes tous destinés à vivre un jour, mais le rapport que nous entretenons avec elle, se déploie dans un contexte donné (Clavandier, 2009). Ce travail de thèse s’intéresse à deux régions suisses : le canton de Genève et le Valais francophone (bas-Valais et Valais central). Ils montrent la diversité suisse tant par les aspects religieux et économique que sociaux. Si leur histoire diffère, ils ont la particularité d’avoir tous les deux rejoint la Confédération helvétique en 1815.

Le choix de travailler sur ces deux cantons n’est pas anodin. Il est issu d’une tradition du Centre interfacultaire de gérontologie et d’études des vulnérabilités. En effet depuis maintenant plus de trente ans, les recherches sur le vieillissement de la population dans les deux régions se poursuivent au centre : GUGRISPA1 en 1979 (Lalive d’Epinay, 1991), Vivre Ensemble2 en 1994 (Lalive d’Épinay, Bickel, Maystre,

& Vollenwyder, 2000), Swiss Interdisciplinary Longitudinal Study on the Oldest Old (Swilsoo) de 1994 à 2004 (Lalive d’Epinay et al., 2008) et Vivre-Leben-Vivere: Old Age Democratization? Progresses and Inequalities in Switzerland3 (VLV) en 2011

1 Programme national de recherche N°3 « Intégration sociale »

2 Programme national de recherche N°32 « Vieillesse » (Requête N°4032-35728)

3 Projet Sinergia et NCCR-LIVES du FNS.

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(Oris, Guichard, et al., 2016). Travailler en lien avec ces données, permet d’être au plus près de l’évolution et du contexte actuel de la population âgée genevoise et valaisanne.

Genève, canton urbain, se caractérise par une structure démographique propre aux grandes agglomérations. À l’image d’autres villes protestantes (Perrenoud, 1974), la région est marquée par un déclin précoce de la fécondité qui commence à la fin du XVIIe siècle dans la bourgeoisie et s’étend à l’ensemble de la population au milieu du XVIIIe siècle (Schumacher, 2010). Il faut attendre le tournant du XXe siècle pour observer ce phénomène en Valais, canton rural dominé par ses montagnes et vallées (Chambovey, 1993). Genève se caractérise tout au long du XXe siècle par des foyers de plus petite taille qu’en Valais, alors que ce dernier possède une population plus jeune (Office fédéral de la statistique, 1998). Genève est aussi marquée plus précocement par les questions liées à la vieillesse que le Valais.

Jusqu’à la fin des années 1990, Genève connaissait une proportion plus élevée de personnes de 65 ans et plus dans sa population, mais depuis une quinzaine d’années, cette tendance s’est inversée. En 2015, on compte 18,7 % de 65 ans et plus en Valais contre 16,5 % dans le canton de Genève (Office fédéral de la statistique, 2016).

La population valaisanne a longtemps vécu dans des villages situés en altitude, organisant sa vie collective au sein de la famille et du voisinage. Suite aux travaux de correction du Rhône et à l’arrivée des grandes usines à la fin du XIXe siècle, la population a commencé à se concentrer dans la plaine (Clavien, 2002). Le canton se caractérise aujourd’hui par un réseau dense de petites villes et villages et a maintenu des modèles familiaux et relationnels spécifiques. Les études citées précédemment démontrent ces particularités : un réseau familial plus étoffé ainsi qu’un fort attachement à la communauté en Valais, alors que la population genevoise est pourvue d’un réseau familial moins dense et montre une plus grande tendance à s’appuyer sur des liens électifs, à savoir des amis proches (Baeriswyl, 2016; Lalive d’Épinay et al., 2000, 1983).

Issu d’une économie basée sur l’agriculture et l’artisanat local, le Valais se développe autour de l’industrie (chimie et métallurgie) et du tourisme. En 1970, le secteur secondaire connaît son apogée, mais la récession de 1975 le fragilise et entraîne la suppression d’emplois principalement chez les travailleurs étrangers.

L’économie tertiaire prend dès lors l’avantage (Evéquoz-Dayen, 2002). À Genève, le secteur tertiaire (commerce, banque privée, assurances, immobilier) domine l’économie depuis le XVIIIe siècle et ce trait s’est encore accentué durant la seconde moitié du XXe. Les actifs du secteur secondaire sont moins de 20% aujourd’hui et se concentrent dans l’industrie des machines, de la chimie et de l’horlogerie (Heimberg, 2017).

La différence religieuse est un élément à considérer avec attention, car elle influence les comportements des individus face à la vieillesse et à la mort. Genève, considérée comme la « Rome protestante », est devenue un canton peuplé majoritairement de catholiques et s’affirme comme un État laïc qui se distingue par son cosmopolitisme. Pourtant, le protestantisme insufflé par Calvin lors de la Réforme continue de marquer le canton et ses habitants aujourd’hui (Monnot, 2013).

En Valais, l’Église catholique a un positionnement fort; elle va de pair avec la politique et a longtemps dispensé l’enseignement, de même qu’elle prenait en charge les miséreux. Au début du XXe siècle en effet, le canton, manquant d’infrastructures, faisait appel à l’Église pour s’occuper d’alphabétiser et de soigner

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la population. C’est aussi l’Église qui ouvrira et formera les premiers enseignant-e-s et infirmier-ère-s. En 1950, les congrégations religieuses furent également les premières à ouvrir ou transformer leurs foyers en lieux d’accueil pour les personnes âgées (Fournier, 2003). L’État a repris progressivement la gestion de l’enseignement et des soins.

À Genève, les politiques de soins aux personnes âgées ont rapidement été orientées vers le maintien à domicile, mais également l’ouverture de structures hospitalières spécialisées pour court ou long séjour. Le canton connaissait déjà une pratique de l’aide à domicile aux aînés par la famille et l’Hospice général au XIXe siècle4. C’est cependant principalement durant les années 1960-1970 que Genève met en place des structures d’accueil pour personnes âgées : le premier hôpital de gériatrie de Suisse ouvre en 1971. Dès 1980, le canton est doté d’un réseau d’aide et de soins à domicile qui ne fera que croître. L’État du Valais oriente quant à lui sa politique vers l’hospitalisation, construisant massivement hôpitaux et établissements médico-sociaux (EMS) durant les années 1970, avant d’ouvrir des centres médico- sociaux (CMS) offrant des soins extra-hospitaliers. Suite à la crise des années 1990, l’État oriente sa politique vers le maintien à domicile en élargissant les prestations des CMS (Cavalli, 2012).

Quant à l’attitude devant la mort, elle ne peut être généralisée tant la diversité des pratiques est importante entre les régions suisses. À Genève, une grande partie des rites funéraires disparurent sous l’influence directe de Calvin : alors que le discours funèbre était tenu par un représentant des autorités laïques, la veillée, le repas funéraire et le convoi furent interdits. La mort et le deuil furent ainsi transformés en un phénomène privé (Hugger, 1992). Certains rites revinrent au fil des siècles, mais restèrent discrets, marqués par la non-ingérence de l’Église. Il fallut attendre 1880 pour que le pasteur jouât de nouveau un rôle dans le rituel funéraire (Vischer, 2007).

En Valais, les rites funéraires font partie intégrante de la religion (fête de la Toussaint, dévotion au rosaire) et la mort est un phénomène collectif ; l’individu meurt entouré par sa famille. Le curé y tient un rôle central ; il est présent pour donner les derniers sacrements, lors de la veillée, pour la célébration des funérailles et des messes de rappel durant l’année (Preiswerk, 1983). Ces rites funéraires sont moins présents aujourd’hui, mais la population a maintenu un rapport singulier avec la mort.

Tissu démographique, social, économique et religieux distinct ont au-delà des faits amenés à la construction d’une identité propre à chaque canton. En Valais, elle a été menée tout d’abord par des intellectuels suisses en réponse aux changements de la société. Ils ont construit une image idéalisée et passéiste, l’identité d’un Valais authentique qui est largement acceptée et intégrée par la population (Clavien, 2002). Genève, marquée par sa multiculturalité, sa culture bourgeoise dominante et son tissu associatif diversifié (Heimberg, 2017), a construit son identité dans

« l’Esprit genevois » : ouverture, tolérance et cosmopolite (Galland, 1993).

4 L’Hospice général est une institution genevoise créée en 1535 pour venir en aide aux démunis.

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