• Aucun résultat trouvé

Apprendre en français au Lycée franco-éthiopien d'Addis-Abeba: une approche sociolinguistique à des fins didactiques

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Apprendre en français au Lycée franco-éthiopien d'Addis-Abeba: une approche sociolinguistique à des fins didactiques"

Copied!
747
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-00495406

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00495406v2

Submitted on 30 Jun 2010

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

d’Addis-Abeba: une approche sociolinguistique à des

fins didactiques

Véronique Miguel Addisu

To cite this version:

Véronique Miguel Addisu. Apprendre en français au Lycée franco-éthiopien d’Addis-Abeba: une approche sociolinguistique à des fins didactiques. Linguistique. Université de Rouen, 2010. Français. �tel-00495406v2�

(2)

Université de Rouen

UFR des Lettres et Sciences Humaines Laboratoire LiDiFra EA 4305

Ecole doctorale « Savoirs, Critique, Expertises »

A

PPRENDRE EN FRANÇAIS AU

L

YCEE FRANCO

-

ETHIOPIEN

D

’A

DDIS

-A

BEBA

:

UNE APPROCHE SOCIOLINGUISTIQUE A DES FINS DIDACTIQUES

Volume 1

Véronique M

IGUEL

A

DDISU

Thèse de doctorat nouveau régime en sciences du langage Sous la direction de Claude CAITUCOLI et de Fabienne LECONTE

Soutenue le 22 juin 2010

Jury

Philippe BLANCHET, Professeur, Université de Rennes 2 Claude CAITUCOLI, Professeur, Université de Rouen

Régine DELAMOTTE-LEGRAND, Professeure, Université de Rouen

François-Xavier FAUVELLE, Directeur de recherche, CNRS/Université de Toulouse Fabienne LECONTE, Maître de conférence, Université de Rouen

(3)

Photo : Les élèves de primaire vus par les élèves de première : mouvements (2007)

(4)

Remerciements

Ce travail n’aurait pas lieu d’être si les élèves du Lycée Guebre Mariam n’avaient pas existé. Remarque banale et qui pourtant prend un sens tout particulier pour moi : c’est parce que de jeunes élèves de toutes les nationalités apprennent en français en Ethiopie que j’y ai un jour atterri, c’est parce qu’ils m’ont accueillie et respectée telle que j’étais que j’y suis restée pendant de nombreuses années, c’est parce qu’ils ne m’ont pas considérée uniquement comme une enseignante que j’ai pu construire mon étude telle qu’elle se présente aujourd’hui. Ils sont nombreux, bien trop nombreux pour les citer mais au-delà des noms, les moments partagés sont autant de cadeaux qu’ils m’ont faits.

Ce travail n’aurait pas pu s’accomplir sans l’aide précieuse que de nombreuses personnes m’ont accordée tout au long de ce cheminement. Je remercie tous les acteurs de la francophonie en Ethiopie, et en particulier mes collègues enseignants, ainsi que les proviseurs successifs du Lycée Guebre Mariam, qui ont toujours accepté de me faire confiance en me permettant d’utiliser des données peu accessibles à l’étranger. Je pense aussi à des chercheurs rencontrés en France ou en Ethiopie pendant ces cinq années de travail : ils sont souvent devenus des interlocuteurs qui, par leur questionnement, m’ont aidée à construire le mien. Je remercie Patricia Lambert, Cyril Trimaille et Cécile Sabatier pour l’accueil qu’ils ont fait à mes questions de doctorante, ainsi que Josée Colin, qui m’a apporté une aide précieuse en m’envoyant, par-delà les mers, nombre de textes nécessaires à cette étude. Je remercie Marielle Rispail, que j’ai d’abord rencontrée par la lecture, et grâce à qui j’ai compris que cette aventure était possible, et Claude Comiti, qui m’a permis de prendre la distance nécessaire avec l’écriture. Merci à François-Xavier Fauvelle, qui m’a donné les moyens de mener ma recherche plus paisiblement à Addis-Abeba, en me soutenant avec rigueur et amitié tout à la fois. Cette thèse n’aurait pu se terminer sans le soutien de toute l’équipe du laboratoire LiDiFra, qui m’a accueillie avec bienveillance en septembre 2009. En me donnant la chance de poursuivre mon parcours professionnel en

(5)

France, l’équipe m’a permis de mûrir une réflexion construite dans et par mon terrain de recherche. Distanciation nécessaire s’il en est.

Les deux personnes qui m’ont accompagnée tant en Ethiopie qu’en France, tant sur le terrain de recherche que sur le territoire plus personnel des questionnements réflexifs sont bien sûr Fabienne Leconte et Claude Caitucoli. Fabienne a su me rappeler sans cesse qu’il est nécessaire de veiller à être le plus rigoureux possible dans sa démarche, ce qui est particulièrement important lorsque l’on vit loin du monde universitaire français. Claude m’a donné une permission rare : celle d’avancer au plus près d’une vérité complexe que je découvrais pas à pas. Il m’a ainsi mille fois aidée à dépasser la confusion pour trouver du sens, à dépasser « le » sens pour en trouver la complexité, en acceptant notamment que je construise mon parcours d’une façon parfois peu académique. C’est parce que je me suis sentie à la fois libre et accompagnée que j’ai pu vivre cette aventure comme une chance. Merci.

On dit parfois que la thèse est un long exercice solitaire et égoïste. Il l’est sans doute, parce qu’on y consacre du temps, de la passion, de l’énergie vitale, ce qu’on pense « devoir » à sa famille en tant qu’épouse et en tant que mère. Et pourtant, c’est grâce et avec Berhanu, Helina, Noah et Guelila que j’ai avancé. Parce qu’ici je n’ai écrit qu’en français et que je n’ai pas écrit pour des enfants, ils n’ont jamais lu une page de ce travail. Pourtant, ils en ont fait une aventure familiale, ils m’ont portée et supportée, ils m’ont éclairée. Je leur suis reconnaissante de cette confiance mille fois témoignée.

(6)

ELISABETH : y’a moi et mon p’tit frère / on mélange le français et l’amharique / et avec ma mère je mélange le tigrinia et l’amharique /

E : / ah oui ?* / et alors qu’est-ce qu’elle dit ta mère ?

ELISABETH : elle dit « pourquoi tu mélanges ? » (sourire) / « c’est pas bien de mélanger » /

E : ah oui ? / donc ça la gène elle ?*

ELISABETH : oui / parce que euh + en mélangeant elle croit pas que + je vais bien apprendre /

E : et ton père il dit rien lui* / et toi qu’est-ce t’en penses ?

ELISABETH : j’pense que + (sourire) / j’pense que c’est notre + manière de se comprendre !

(…)

ELISABETH : (…) (sourire) dans les cours c’est que le français et dans la cour je mélange tout l’temps / dans la classe je dois m’exprimer d’une façon + je trouve que + le prof doit me comprendre / dans la cour + je mélange hors de la classe pour + je sais + mes amis vont me comprendre !

Elisabeth, élève italo-éthiopienne en seconde

Nous écrivons en présence de toutes les langues du monde, même si nous n’en connaissons aucune.

Edouard Glissant, 1996,

(7)
(8)

Sommaire

INTRODUCTION ... 17

Un questionnement sociodidactique…... 17

Une méthode ethno-sociolinguistique ... 21

Construire la lecture d’un terrain ... 26

PREMIERE PARTIE Le cadre sociolinguistique de notre terrain ... 31

Chapitre 1 L’Ethiopie aujourd’hui... 33

A. Carte d’identité... 33

1. Des réalités physiques contrastées... 33

2. Des populations nombreuses et rurales ... 35

3. Un pays en voie de développement ... 40

4. Un pays multilingue ... 42

B. Les représentations de l’identité ethnique et nationale ... 45

1. Une histoire qui fonde l’exception culturelle ... 45

2. Des représentations d’une exception culturelle revendiquée... 48

Conclusion ... 54

Chapitre 2 Qualifier le plurilinguisme éthiopien... 57

A. Plurilinguisme et diglossie ... 58

1. Bilinguisme individuel et bilinguisme social ... 58

2. Le concept de diglossie ... 59

B. Rendre compte d’une dynamique multilingue... 66

1. Un modèle gravitationnel ... 66

2. Fonction vernaculaire et fonction véhiculaire ... 68

C. Politique et aménagement linguistique ... 71

1. Quels modèles théoriques ? ... 71

2. Quelle politique pour les langues minoritaires ? ... 74

(9)

Chapitre 3 Multilinguisme et ethnicité en Ethiopie ... 79

A. Ethiopie et ethnicité ...80

1. Qu’est-ce qu’une ethnie ?...80

2. Un fédéralisme fondé sur des bases ethnolinguistiques ...82

3. Multilinguisme et ethnicité ...90

4. Le facteur urbain ...93

B. Addis-Abeba : une capitale multilingue ...95

1. Historique...95

2. Urbanisation et mixité sociale ...96

3. Ville multilingue ...99

Et demain ? ...103

Chapitre 4 Description et diffusion d’une langue éthiopienne : l’amharique ... 105

A. Typologie des langues éthiopiennes...106

1. Eléments de linguistique comparée...107

2. Description linguistique de l’amharique ...110

B. La diffusion de l’amharique ...123

1. Le Moyen-âge et l’avènement amhara ...123

2. Le XIXe siècle et le développement de l’empire ...124

3. Le début du XXe siècle ou l’effort d’unification ...125

4. L’époque communiste...128

C. L’amharique aujourd’hui...131

Conclusion ...135

Chapitre 5 Politique linguistique et aménagement éducatif : la place du français en Ethiopie ... 137

A. La naissance de l’enseignement moderne ...138

1. La naissance de l’école moderne en français ...138

2. L’anglais prend la place du français dans l’enseignement ...141

3. Apprentissage et représentation des langues étrangères...145

4. Les francophones à Addis-Abeba ...146

B. La politique linguistique de l’Ethiopie ...147

1. Les Textes officiels ...147

2. L’aménagement linguistique et éducatif ...151

C. La politique de diffusion du français en Ethiopie ...157

1. Perspective historique ...157

(10)

Le français en Ethiopie : les enjeux ... 165

Chapitre 6 L’émergence d’une politique scolaire française ouverte au plurilinguisme ... 167

A. La genèse d’un établissement franco-éthiopien... 168

1. Un établissement de la Mission Laïque ... 168

2. Les statuts de 1966 ... 172

B. L’Agence pour l’enseignement français de l’étranger... 174

1. Un outil de diffusion du français dans le monde ... 174

2. Une école française ... 176

C. Une école implantée en Ethiopie ... 183

1. Un pays en voie de développement ... 183

2. Une politique éducative face aux risques du plurilinguisme ... 184

D. Les orientations pédagogiques de l’AEFE ... 185

Conclusion ... 190

Perspectives sociolinguistiques ... 191

DEUXIEME PARTIE Pratiques et représentations langagières des élèves ... 195

Chapitre 7 Le Lycée Guebre Mariam : une diglossie institutionnelle ... 197

A. Le contexte des enseignements ... 199

1. Les lieux ... 199

2. Les curricula ... 200

3. La langue de l’administration... 203

4. Les langues des enseignants ... 204

5. Typologie de l’éducation bilingue... 207

B. Les élèves ... 210

1. Qui étudie au LGM ?... 210

2. De quelques indicateurs de réussite... 217

Conclusion ... 223

Chapitre 8 Définir une communauté plurilingue : outils heuristiques... 225

A. Une « communauté linguistique » peut-elle exister ?... 226

1. Pour une linguistique de la variation ... 226

(11)

3. L’apport de la linguistique interactionnelle...230

4. La prise en compte des réseaux d’appartenance ...231

5. Quelle « communauté linguistique » étudier ? ...233

B. Quelles normes en présence ? ...234

1. Normes et idéologies...234

2. Normes et contexte plurilingue ...240

C. Identité et langage ...249

1. Peut-on définir l’identité ? ...249

2. Identité et culture ...252

3. Une typologie des stratégies identitaires ...254

4. Cultures métisses, langages métissés ...257

Conclusion ...257

Chapitre 9 Méthodologie de la recherche ... 259

A. Posture de recherche ...260

1. Des implications épistémologiques ...260

2. Enseignement et recherche au LGM ...262

3. L’observation participante ...263

B. Le recueil des données : les questionnaires ...268

1. De l’élaboration à la passation ...268

2. Saisir et interpréter les données...271

C. Les entretiens ...275

1. Approche théorique...275

2. Le déroulement des entretiens...278

3. Qui sont les élèves enquêtés ? ...280

4. Transcrire : une analyse ...284

D. Les représentations...288

1. Les représentations sociales ...288

2. Pratiques et représentations langagières...290

3. Outils méthodologiques ...291

Conclusion ...293

Chapitre 10 Bilinguisme, adolescence et apprentissage... 295

A. L’individu bilingue ...296

1. Mesurer la compétence bilingue ...296

2. Compétence bilingue et compétence stratégique ...300

3. Bilinguisme et biculturalisme ...304

(12)

5. Adolescence et bilinguisme ... 309

B. L’élève bilingue... 313

1. Le bon apprenant ... 314

2. Les qualités du « bon élève » selon les enquêtés... 316

3. Francophonie et apprentissage ... 319

4. Un atout bilingue ? ... 320

Conclusion ... 321

Chapitre 11 Langues de socialisation et langues familiales ... 323

A. La langue maternelle, une dénomination problématique... 324

1. Expliciter les connotations ... 324

2. Langue maternelle et identité ... 326

B. Les langues utilisées en famille ... 328

1. Des familles plurilingues... 329

2. Des pratiques différenciées : une synthèse ... 335

C. L’alternance des langues en famille ... 336

1. Les élèves « parlent bilingue »… ... 336

2. … mais dans quel but ? ... 339

Conclusion ... 347

Chapitre 12 Les enjeux de la communication entre éleves : langues et interactions ... 351

A. Les réseaux d’appartenance des élèves ... 352

1. Avec qui parles-tu le plus souvent dans la semaine ?... 353

2. Quelles langues parles-tu avec tes amis ?... 355

B. Les langues parlées à l’école ... 357

1. Quelles langues sont utilisées dans la cour ? ... 358

2. Une langue des élèves du LGM ?... 363

C. Comment les élèves communiquent-ils ? ... 369

1. Des postures différenciées... 369

2. Comment accepter l’autre ?... 376

D. Un schéma de la communication entre élèves au LGM ... 378

1. Une analyse du « choc des cultures communicatives » ... 378

2. La communication bilingue en contexte exolingue : modélisation ... 380

(13)

Chapitre 13 Langues et cultures ... 389

A. Bilinguisme et biculturalité ...390

1. L’identité culturelle...390

2. De la rencontre à la compétence interculturelle ...391

3. Bilinguisme et biculturalité ...393

B. Les identités culturelles des élèves...395

1. De la variété des appartenances déclarées...396

2. Langue et cultures au LGM...403

C. Les identités plurielles : discours et images ...406

1. Auto-représentations ...406

2. La diversité culturelle et linguistique au LGM ...414

Conclusion ...417

Perspectives interactionnelles... 419

TROISIEME PARTIE Pratiques et représentations en classe de français ... 423

Chapitre 14 Des didactiques des langues aux méthodologies : parcours heuristique ... 425

A. Didactique et didactologie ...427

1. L’objet de la didactique des langues ...427

2. Deux concepts didactiques fondateurs ...430

B. La langue d’enseignement...438

1. Une langue étrangère ...439

2. Une langue de scolarisation ...440

3. Une langue seconde ...443

C. Quelles méthodologies privilégier au LGM ? ...449

1. Définir les langues d’enseignement au LGM...449

2. Apports de la psychologie cognitive et sociale ...452

3. La didactique du FLS : quelles propositions méthodologiques? ...453

Conclusion ...458

Chapitre 15 Interactions et apprentissage ... 461

A. La situation de classe ...462

1. La classe comme contexte...462

(14)

3. Le cadre de l’interaction didactique ... 469

B. Apprendre en L2 : les états de la langue... 476

1. De la faute à l’erreur... 477

2. L’analyse contrastive dans le contexte du LGM ... 479

3. De l’erreur à l’apprentissage ... 485

C. L’interlangue : concepts et réalité ... 487

1. Définition ... 487

2. La fossilisation de l’interlangue ... 488

3. L’interlangue en contexte ... 490

Conclusion ... 492

Chapitre 16 Langage intérieur et interactions entre pairs en classe de français... 495

A. Le langage intérieur... 496

1. Une notion heuristique ... 497

2. Le langage intérieur des élèves... 501

3. Perspective didactique ... 508

B. Les interactions entre pairs dans la classe ... 509

1. De l’intérêt des pratiques collaboratives pour l’apprentissage ... 509

2. Les pratiques des élèves ... 513

3. L’alternance comme aide à l’apprentissage... 519

4. Perspective didactique ... 522

Conclusion ... 524

Chapitre 17 Interactions et apprentissage : dire et se dire ... 525

A. Contrat didactique et séquence potentiellement acquisitionnelle ... 527

1. Enjeux théoriques et pragmatiques... 527

2. La négociation des rôles ... 529

3. Vers une typologie des interactions didactiques... 531

4. Présentation de deux corpus ... 535

B. Analyse de l’interaction didactique ... 540

1. Evaluation de la tension acquisitionnelle ... 540

2. L’expression des identités par les choix linguistiques... 545

3. Interagir avec l’enseignant ... 556

Conclusion ... 561

Chapitre 18 Apprentissages littéraciés : savoir lire... 565

A. Définir un objet de recherche en littéracie ... 566

(15)

2. Littéracie et didactique...568

3. La littéracie comme pratique socioculturelle ...571

4. Pouvoir forger une méthode d’analyse de corpus ...574

B. Comprendre un texte écrit ...576

1. Présentation du corpus « La poursuite » ...578

2. Analyse du corpus « La poursuite » ...580

C. Comprendre un récit oral...584

1. Présentation du corpus « conte brésilien » ...584

2. Analyse du corpus « conte brésilien »...586

3. Conclusion ...591

D. Littéracie scolaire : contact ou conflit de normes ?...592

Conclusion ...595

Chapitre 19 Apprentissages littéraciés : savoir écrire ... 597

A. Savoir écrire en classe de français ...598

1. Des implicites de l’écrit d’imitation...599

2. Prolongements didactiques...605

B. Apprendre à écrire, apprendre à se dire...606

1. Ecrire un récit à l’école : entre conformisme et expression de soi ...606

2. Présentation du corpus « Je raconte mes vacances »...608

3. Analyse du corpus ...608

4. Prolongements didactiques...622

C. Entre le sens et la forme : l’évaluation des enseignants ...624

1. Présentation du corpus ...624

2. Analyse du corpus ...625

Conclusion ...628

Chapitre 20 L’enseignant en tant qu’acteur social : ouvertures didactiques... 631

A. Enseigner dans un établissement de l’AEFE : une identité professionnelle socio-construite ...635

1. Normes scolaires et contexte plurilingue ...635

2. Présentation de l’enquête ...636

3. La perception d’un environnement sociolinguistique multilingue et diglossique ...638

4. La perception de l’hétérogénéité des pratiques langagières des élèves ...641

5. La perception du français : entre langue de socialisation et langue de scolarisation...645

6. Biographie langagière et appréhension des élèves ...648

7. Le dilemme professionnel comme un choc de cultures...650

B. Enseigner au LGM : culture scolaire et contexte éthiopien...652

(16)

2. De l’influence du contexte scolaire sur le questionnement professionnel ... 654

3. De la réflexion professionnelle au questionnement didactique ... 659

C. Ouvertures didactiques ... 660

1. Une didactique fondée sur l’implication sociale du chercheur... 660

2. De la didactique de la variation à celle du contact de normes ... 661

3. L’exemple du traitement pédagogique des emprunts ... 663

Conclusion ... 666

Perspectives sociodidactiques ... 669

POUR CONCLURE ... 673

Etude ethno-sociolinguistique ... 675

Implications sociodidactiques ... 681

Une démarche réflexive ... 685

REFERENCES ... 689

Bibliographie... 689

Sitographie ... 727

TABLES ... 729

Table des tableaux... 729

Table des figures ... 733

Table des annexes (volume 2)... 735

(17)
(18)

INTRODUCTION

L’étude que nous présentons ici est, à son humble mesure, un cheminement auquel nous invitons le lecteur : un parcours de recherche sur les pratiques langagières d’élèves adolescents de toutes nationalités scolarisés en français dans un même établissement scolaire en Ethiopie, une recherche qui vise à mieux adapter à ce contexte multilingue l’enseignement du français, une recherche qui nous a conduite à percevoir autrement un contexte sociolinguistique dans lequel nous étions nous-même un acteur social. Notre problématique nous a fait construire une méthode réflexive, qui s’exprime dans l’organisation même de notre texte.

Un questionnement sociodidactique

Par l’étude d’un contexte didactique spécifique, nous cherchons à « créer des ponts entre les chercheurs et les praticiens en rendant mutuellement manifestes les règles et les procédures du discours en classe qui sont constamment mobilisées par les acteurs – en bien et en mal ! -, mais qui échappent à la mémoire déclarative »1. Les méthodes de recherche en sociolinguistique permettent d’éclairer un fonctionnement didactique et d’envisager un enseignement plus adapté. En prenant pour objet d’étude le Lycée Guebre Mariam, nous évoquons aussi la question plus large des contacts de normes en milieu

1 Lüdi G., 2001, « Regards d’un linguiste sur la didactique » dans Marquilló-Larruy M. (éd.), Question d’épistémologie en didactique du français (langue maternelle, langue seconde, langue étrangère), Poitiers,

(19)

scolaire en nous inscrivant dans un champ de recherche déjà largement exploré ailleurs2... Dans un monde où il devient urgent de reconnaître la diversité culturelle et linguistique comme un atout – en particulier à l’école –, les questionnements se renouvellent aujourd’hui quant aux catégorisations employées pour donner sens au terrain : qu’en est-il de la notion d’ethnie et du concept de communauté linguistique, de la compétence plurilingue, de l’articulation entre la composante sociale et la composante cognitive de l’interaction verbale pour des élèves adolescents ? Une réflexion sur ces définitions théoriques se nourrit des questionnements sur les méthodes les plus aptes à rendre compte des catégories pertinentes du point de vue des acteurs eux-mêmes. C’est ce que Ben Rampton caractérise comme le passage d’une « recherche objective sur des groupes sociaux et leur style de parole » à « une recherche réflexive politique sur des personnes, leurs pratiques communicatives et leurs représentations idéologiques »3.

L’originalité de notre projet tient dans le choix d’un terrain qui est lui-même mixte : nous nous situons dans un pays plurilingue non francophone alors que l’établissement scolaire dont nous parlons applique des programmes scolaires français. Contrairement aux situations étudiées dans de nombreuses recherches menées sur la question de l’apprentissage en contexte plurilingue, la langue de la plupart des élèves (l’amharique), langue dominante à Addis-Abeba, n’est pas la langue légitime pour la réussite scolaire. Et pourtant, on attribue au français le prestige d’une langue internationale. Comment les pratiques langagières des élèves s’inscrivent-elles dans cette diglossie ? Peut-on parler de contact ou de conflit de langues pour ces élèves, tout comme on évoque ces modèles à l’échelle de groupes sociaux ? Au sein d’une école, les pratiques langagières des élèves ne sont-elles pas plutôt à appréhender de leur point de vue d’adolescents ? Elles deviennent alors des processus interactionnels complexes qui éclairent les démarches d’apprentissage de la langue scolaire. Notre étude veut ainsi contribuer à l’élaboration des connaissances sur la manière avec laquelle un jeune use de ressources langagières en contexte pour en faire des atouts pour l’apprentissage. Dans cette problématique linguistique s’ancre l’implication didactique de notre projet.

2

Nous pensons par exemple aux travaux de Danièle Moore pour la France, de Monica Heller pour le Canada, de Ben Rampton pour l’Angleterre, de Bernard Py pour la Suisse, de Pierre Dumont pour l’Afrique francophone. Tous ces travaux ont été réalisés au sein d’équipes de recherches plurielles.

3

Rampton B., 2006, « Language and Ethnicity at School: some implication from theoretical developments in Sociolinguistics », dans Langage et Société n° 116, 2006/2, pp. 51-71, ici p. 55: Overall, this broad shift in

sociolinguistics can be characterised as a move away from the production of “objective-research-on-socialgroups- and-their-speech-styles”, towards “politically reflexive research on people, communicative practices, and ideological representations”.

(20)

Notre questionnement est en effet parti d’un terrain que nous connaissions bien pour y avoir enseigné depuis de nombreuses années : le Lycée franco-éthiopien Guebre Mariam, à Addis-Abeba (désormais LGM). Cet établissement implanté en Ethiopie depuis 1947 appartient aujourd’hui au réseau de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (désormais AEFE) et scolarise plus de 1700 élèves, dont 800 environ dans le secondaire, lieu de notre recherche. Plus de trente nationalités sont représentées, il s’agit en particulier d’élèves éthiopiens (65 % environ), d’élèves africains francophones (25 % environ) et d’élèves français (10 % environ). L’Ethiopie, pays dans lequel plus de quatre-vingts langues sont parlées, n’a jamais été un pays francophone mais, conformément aux statuts de l’AEFE, tous les élèves de cet établissement étudient en français et se préparent au baccalauréat. Les élèves éthiopiens ont aussi des cours en amharique et sont scolarisés dans l’établissement depuis l’âge de trois ans. Or, de nombreux enseignants estiment que leur niveau de français n’est pas suffisant, on pense qu’ils ne sont « pas assez francophones ».

En tant qu’enseignante de français dans le secondaire, nous avons vite perçu que la didactique du français langue maternelle ne répondait que partiellement aux besoins des élèves et désirions pouvoir mettre en place une pédagogie plus adaptée ; notre première démarche a été de nous aider d’outils pédagogiques créés pour l’enseignement du français langue étrangère. Mais dans un lycée français de l’étranger, ils ne sont utilisables que de façon ponctuelle et sont parfois mal accueillis par les élèves et par l’institution.

Nous avons alors développé une pratique réflexive et avons relevé des traces d’erreurs linguistiques dans les copies des élèves éthiopiens en faisant l’hypothèse qu’elles étaient surtout des marques d’interférence entre les trois langues les plus parlées au LGM : l’amharique, l’anglais et le français. Notre perspective restait donc celle d’une enseignante, et nous appliquions des catégories assez simplistes en postulant que les langues familiales jouaient un rôle déterminant dans la réussite en français. Cette étude, présentée dans notre mémoire de Master 2, ne nous a pourtant toujours pas permis de proposer des pistes didactiques efficientes pour tous les élèves au LGM, en particulier parce que les erreurs n’étaient pas le fait des seuls élèves éthiopiens, et qu’elles pouvaient avoir des raisons multiples.

Le concept sociolinguistique de diglossie a renouvelé notre regard sur ce contexte d’enseignement : plutôt que de chercher à évaluer un niveau linguistique dans une langue donnée, nous avons voulu comprendre comment les langues s’organisaient au Lycée et en

(21)

Ethiopie : ce qui se joue en didactique du français n’est pas tant lié aux langues elles-mêmes qu’aux pratiques et représentations que les élèves en ont :

Il nous faut donc concevoir les langues comme des constructions sociales mouvantes, des pratiques fluctuant sans cesse autour de ce que nous pourrions appeler des « noyaux durs », des pratiques en constant changement, en constant mouvement4.

Le français attendu par les enseignants, et celui envisagé par les élèves avait des chances d’être deux variétés différentes, dont le contact pouvait se faire de façon conflictuelle ou harmonieuse, et cela sans que nous n’en connaissions les raisons. En effet, nous rencontrions de très bons élèves, quelle que soit leur nationalité, d’autres étaient très faibles en français en sixième et devenaient parfois bien meilleurs deux années plus tard, et nous savions que ce n’était pas directement lié à ce qui se passait en classe. Nous vivions par ailleurs dans un pays où la conscience des identités ethniques était volontairement exacerbée par une politique gouvernementale offensive. Nous voyions aussi des élèves nouvellement arrivés, de famille francophone, souffrir parfois de leurs difficultés d’intégration et avoir de mauvais résultats en français. Nous n’entendions pas souvent parler français dans la cour. De nombreux élèves vantaient le mérite de cet établissement pluriculturel sans que nous comprenions vraiment ce qu’ils entendaient par là. Intuitivement, nous pensions que tout cela devait être lié et que le contexte faisait émerger chez les élèves une compétence spécifique qui n’était ni observable, ni évaluable par les enseignants, et qui était manifestement inégalement partagée par tous ces jeunes.

Notre hypothèse s’est donc déplacée, envisageant la langue avant tout comme un ensemble dynamique de pratiques sociales et de représentations. Elle s’est aussi construite à partir du postulat éthique que les pratiques langagières de ces adolescents sont davantage ancrées dans le contexte scolaire que dans les appartenances ethniques. C’est à cette condition que nous pouvions espérer construire une didactique unifiée :

S’interroger sur les contextes en didactique des langues, c’est développer une didactique contextualisée. C’est en somme envisager les phénomènes didactiques non pas en eux-mêmes et pour eux-mêmes (encore faudrait-il pouvoir

4 Calvet L-J., 2007, « Pour une linguistique du désordre et de la complexité », dans Carnets de l’Atelier de sociolinguistique n°1, mars 2007, pp. 1-69, ici p. 61.

(22)

les identifier de façon claire) mais comme participant à des dynamiques humaines et sociales qui les engendrent et qu’elles engendrent5.

Notre hypothèse s’est construite en trois temps :

- les caractéristiques d’un milieu de contact de langues et de cultures influent sur les apprentissages en français de tous les élèves, quelles que soient leurs appartenances familiales et ethniques ;

- les pratiques et représentations des élèves sont fonction à la fois du contexte et de leurs appartenances identitaires multiples, elles peuvent se décliner sur un mode plurilingue ou monolingue, selon des normes qu’il s’agit d’identifier ; - les apprentissages sont donc aussi les lieux potentiels d’interactions entre ces

normes sociolinguistiques et celles de l’enseignant ; chaque élève les convoque de façon différenciée.

Identifier ces liens entre contexte plurilingue, normes et productions scolaires, c’est donc pouvoir comprendre quelles compétences spécifiques ces jeunes mobilisent pour l’apprentissage. Nous espérions en dégager des pistes didactiques claires et transposables dans la classe de français, en montrant notamment comment un élève peut transformer une compétence plurilingue en atout pour l’apprentissage. Les recherches sur le bilinguisme font en effet considérer l’atout bilingue comme « une meilleure perception de facteurs situationnels demandant des changements rapides de stratégie et notamment des choix de langues »6.

Notre approche, essentiellement sociolinguistique, privilégie l’appréhension d’un contexte plutôt que des explications à partir de compétences psycholinguistiques individuelles. Bien que ces deux champs s’éclairent, nous avons voulu ici dépasser la notion de sujet pour envisager les élèves en tant qu’acteurs sociaux. C’est à cette condition qu’il est possible d’envisager des pistes didactiques non discriminantes, tant au LGM que dans d’autres contextes scolaires plurilingues.

Une méthode ethno-sociolinguistique

Ce parcours de recherche (et les résultats que nous présenterons) peut se lire de manières complémentaires, selon que l’on envisage ce cheminement en tant que didacticien ou en tant que sociolinguiste. Il s’agit pourtant bien d’un travail unique, qui

5 Blanchet P., 2008, « Introduction : pourquoi s’interroger sur les contextes en didactique des langues ? »

dans Blanchet P., Moore D., Asselah Rahal S. (dir.), Perspectives pour une didactique des langues

contextualisée, Paris, AUF/Editions des archives contemporaines, pp. 9-16, ici p. 10. 6

(23)

s’est construit dans et par notre expérience ethnographique de terrain et par notre implication en tant qu’enseignante-chercheure : « L’approche ethnographique (…) est une façon de se situer face à la réalité sociale et éducative et face à la connaissance de cette réalité, qui par ailleurs est multiple »7.

D’une analyse sur la langue, nous sommes donc passée à un questionnement sur les interactions et avons abordé notre terrain sur un mode compréhensif. L’élaboration de notre méthodologie s’ancre dans une démarche réflexive. Nous avons sans cesse interrogé et renégocié notre posture de recherche par l’action, par l’analyse mais aussi par l’écriture elle-même. Notre démarche s’est construite par le constant va-et-vient entre l’appréhension d’un terrain spécifique et la réflexion sur ce que ces élèves font percevoir d’une configuration sociolinguistique plus large : celle du contact entre des normes homogénéisantes d’une langue-culture (le français) et des normes que nous appellerons pour l’instant « plurilingues ». C’est donc parce qu’elle s’élabore pour éclairer un terrain « autre » qu’elle se construit avec une méthode de recherche réflexive :

La diversité des langues et cultures constitue un riche patrimoine à explorer par les sciences humaines non seulement comme « objets » (…) d’étude, mais comme sources d’inspiration méthodologique et épistémologique. On pourrait aller chercher, dans les cultures, des pratiques de l’autre et donc de soi qui peuvent inspirer le travail du chercheur, dès lors que celui-ci considère que son travail consiste à réfléchir à sa posture face à l’autre et donc face à lui-même8.

Nous devions aussi dépasser le paradoxe de notre position d’observante participant à des degrés divers à l’émergence même des données. A l’échelle d’un pays dans lequel nous étions étrangère, nous avons surtout témoigné d’une situation sur laquelle des chercheurs éthiopiens se sont eux-mêmes exprimés. Pour entendre les élèves, nous avons croisé des données recueillies par questionnaires (analyse quantitative) avec celles recueillies dans des entretiens semi-directifs et des observations écologiques, d’autant plus rares et précieuses qu’elles n’ont été possibles que lorsque nous avons quitté l’établissement (analyse qualitative). Postulant que tout pouvait faire sens, y compris ce que nos hypothèses n’envisageaient pas, nous avons volontairement construit un protocole de recherche visant à croiser un grand nombre d’informations pour un même jeune. Nous avons étudié, dans une perspective dialogique, des productions d’élèves de nos propres

7 Cambra Giné M., 2003, Une approche ethnographique de la classe de langue, Paris, Hatier, p. 15. 8

(24)

classes à différents moments de l’année scolaire. Nous avons donc mis au point une méthodologie plurielle, fondée sur une approche compréhensive.

Comme nous le verrons, cette démarche est risquée car elle est surtout fondée sur l’interprétation subjective des données. Mais elle a selon nous le mérite de permettre de faire émerger des données non prévisibles par un protocole quantitatif rigide. Dans notre cas, ce choix s’est vite avéré absolument nécessaire car nous n’avions pas l’expérience d’une adolescence en milieu de contact de langues et de cultures, ni même d’un plurilinguisme légitimé par les normes sociales. Nous ne savions donc pas comment intégrer les parlers bilingues à un modèle plus global des interactions scolaires. Notre expérience d’enseignante française rendait opaque un certain nombre de faits langagiers que nous apprenions peu à peu à percevoir en vivant en Ethiopie ; nos lectures théoriques nous faisaient envisager les pratiques bilingues comme un ensemble hétérogène, complexe, à appréhender sous l’angle des interactions :

Cet accès à la légitimité de la marque transcodique place l’école devant un de ses défis permanents : la reconnaissance et l’intégration des savoirs qu’elle n’a pas inculqués elle-même. Cette difficulté ne découle certes pas d’une mauvaise volonté, mais d’une méconnaissance dont nous sommes tous victimes. Nous ignorons en effet largement la nature et le développement des connaissances vernaculaires en amont de leur éventuelle récupération par l’école. L’apprentissage des langues n’est ici qu’un cas particulier. S’intéresser aux connaissances vernaculaires, les décrire et les interpréter, c’est reconnaître le rôle du contexte dans l’apprentissage9.

Notre recherche, considérant les élèves en tant qu’acteurs sociaux, s’ancre donc dans une perspective ethno-sociolinguistique, telle que Blanchet la propose :

L’étiquette ethno-sociolinguistique, malgré sa longueur, présente l’avantage majeur de signifier ouvertement le double aspect ethnologique (incluant les questions de communauté ethnoculturelle, d’identité, de représentation du monde par le langage, de micro-interaction) et sociologique (incluant les questions de stratifications sociales, de conflits sociaux, de politiques linguistiques et éducatives, de macro-variations), recouvrant de la sorte l’ensemble du champ des usages des langages humains (notamment les langues)10.

9 Py B., 1997, « Pour une perspective bilingue sur l’enseignement et l’apprentissage des langues » dans Gajo

L., Matthey M., Moore D., Serra C. (éds.), 2005, Un parcours au contact des langues, textes de Bernard Py

commentés, Paris, Crédif-Didier, pp. 139-148 (parution initiale dans ELA n° 108, pp. 495-503). Nous

renvoyons ici à la version de 2005 : pp 145-146.

10 Blanchet P., 2000, La linguistique de terrain, méthode et théorie (une approche ethno-sociolinguistique),

(25)

Notre méthode de recherche s’est en réalité construite par le dialogue instauré entre ce que nous donnaient à entendre les élèves et ce que nous donnaient à comprendre nos lectures théoriques. Elle fait émerger une conception de l’interaction en milieu exolingue qui renouvelle la représentation que l’on peut avoir d’une compétence langagière globale et unifiée. Interagir selon des normes plurilingues situées, c’est pouvoir se dire en tant qu’acteur ayant des appartenances plurielles, non stables, mobilisables en fonction des enjeux que l’on perçoit. A l’école, c’est aussi pouvoir se construire une identité d’élève et une identité d’apprenant, dont nous verrons qu’elles ne sont pas identiques pour tous. Pouvoir/savoir interagir en contexte plurilingue et pluriculturel relève pourtant bien du champ de la compétence, notion qu’il est justement nécessaire d’appréhender dans sa complexité :

L’option majeure est de considérer qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences toujours distinctes, mais bien existence d’une compétence plurielle, complexe, voire composite et hétérogène, qui inclut des compétences singulières, voire partielles, mais qui est une en tant que répertoire disponible pour l’acteur social concerné11.

La question didactique située que nous avions posée au départ nous a donc renvoyée à une problématique plus large, d’ordre épistémologique, qui se construit par la démarche même du chercheur. Ce dernier vise à donner du sens à ses données, en interprétant et en catégorisant, tout en acceptant d’être lui-même bousculé dans l’établissement de ses propres catégories et de ses schémas d’analyse.

Ce projet convoque nombre de disciplines scientifiques complémentaires ; nous ne citerons ici que les champs que nous explorerons le plus souvent : la sociolinguistique et la didactique du français bien sûr, et les sciences du langage de façon générale. Cette réflexion sera aussi utilement éclairée par les champs de la psychologie sociale, de l’anthropologie culturelle, de l’ethnographie de la communication, des sciences de l’éducation.

Une telle méthode est nécessairement subjective puisqu’elle se fonde sur des catégorisations plus ou moins instables, que seul le chercheur impliqué peut construire, et qu’il lui appartient d’interpréter. C’est cette subjectivité assumée qui en est le premier gage de validité :

11 Coste D., Moore D., Zarate G., 1997, Compétence plurilingue et pluriculturelle, Conseil de l’Europe,

Strasbourg, p. 12 ; et Conseil de l’Europe, 2001, Cadre européen commun de référence pour les langues.

(26)

L’acteur découpe la réalité en fonction de ses objectifs et de ses capacités d’action, contrairement au chercheur qui tente de décrire et d’interpréter la réalité de l’acteur, en fonction de ses propres buts d’analyse scientifique. (…) Le découpage de la réalité s’effectue en tenant compte de la pertinence du point de vue de l’acteur. Le point de vue de l’acteur est relativisé par la pertinence des objectifs scientifiques du chercheur. [Ne pas respecter la première condition fait que] l’on s’expose à parler d’une réalité sociale qui n’existe pas pour les acteurs. En ne respectant pas la deuxième condition, on s’expose au travers scientifique qui consiste à reformuler les discours naïfs d’acteurs en discours savants de chercheurs, sans parvenir à atteindre les objectifs scientifiques, à savoir contribuer à une meilleure connaissance des réalités humaines par des processus d’abstraction et de mise en relation des différents découpages opérés par les acteurs12.

La méthode de recherche se construit donc de façon dialogique, en visant à rendre compte de la complexité des liens entre le tout et les parties, avec un principe de récursivité, l’appréhension d’ensemble nous apprenant ce qu’il en est pour les acteurs, qui eux-mêmes nous permettent de comprendre l’ensemble13 : « La connaissance complexe vise à reconnaître ce qui lie ou relie l’objet à son contexte, le processus ou l’organisation où il s’inscrit »14. Elle intègre le chercheur en tant qu’acteur de la construction de la connaissance : « Si construire l’autre constitue une part de l’activité de recherche, cela signifie donc que la construction de soi en fait partie »15.

Nous avons découvert sur les élèves mais aussi sur nous-même ce qu’Amin Maalouf dit à propos de son propre parcours : « ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c’est que je suis ainsi, à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C’est précisément cela qui définit mon identité »16. Quelles que soient les appartenances culturelles des élèves, cette pluralité se donne à voir dans leur rapport au langage, dans leur rapport aux normes. C’est donc à un regard renouvelé sur cette langue-culture que nous invitons le lecteur francophone : le français envisagé dans une configuration fondée sur l’hétérogénéité, une norme scolaire qui s’observe par le contact qu’elle entretient avec les autres normes en présence. Les pratiques littéraciées des élèves, encore aujourd’hui peu étudiées dans cette perspective, révèleront ainsi comment

12 Matthey M., 1996, Apprentissage d’une langue et interaction verbale, sollicitation, transmission et construction de connaissances linguistiques en situation exolingue, Berne, Peter Lang, p. 46.

13

La pensée complexe, selon Edgar Morin, est caractérisée par le principe dialogique, le principe récursif et le principe hologrammatique. Cette définition est reprise dans plusieurs de ses ouvrages, comme par exemple dans Morin E., 2008, Mon chemin, pp. 195-196 et p. 230.

14

Morin E., 2008, op. cit., p. 182.

15 Robillard D. de, 2007, « La linguistique autrement : altérité, expérienciation, réflexivité, constructivisme,

multiversalité : en attendant que le Titanic ne coule pas », dans Carnets d’Atelier de Sociolinguistique n°1, pp. 1-149, ici p. 23.

16

(27)

l’élève envisage la norme scolaire et comment il investit ces pratiques pour apprendre en français. De ce questionnement sociolinguistique naîtront nos considérations didactiques, en s’appuyant sur une démarche qui part du global vers l’analytique puis ouvre à une synthèse interprétative.

Construire la lecture d’un terrain

Pour comprendre l’influence du contexte social, nous présenterons donc d’abord le contexte éthiopien et la politique linguistique de l’AEFE, ce qui montrera l’importance de la fonction identitaire du langage. L’étude des pratiques langagières des élèves révèlera qu’ils envisagent cette fonction identitaire comme relativement indépendante de ce qui se passe hors de l’école et que le français n’est qu’une composante d’un répertoire verbal plurilingue auquel on attribue un statut prestigieux. Nous terminerons par l’étude de discours d’élèves en français lorsqu’ils sont explicitement produits pour la classe. Le statut de langue de scolarisation du français renverra alors à la nécessité didactique de définir les composantes d’une langue-culture française que des élèves non français s’approprient pour réussir leur scolarité. Nous verrons alors à quelle condition on peut parler d’atout bilingue pour l’apprentissage : celui-ci n’existe pas en soi mais bien en tant que résultat d’un processus de collaboration qui demande à chacun de reconnaître la légitimité d’exonormes. Cette recherche s’organise donc en trois niveaux :

Il s’agit (…) d’essayer de prendre en considération l’intervention du langage dans l’articulation des trois niveaux de contexte sur lesquels se joue la façon dont les élèves construisent les situations et les objets d’apprentissage, que ces objets soient ou non spécifiquement langagiers ou linguistiques : le niveau du macro-contexte socio-culturel, celui du méso-contexte institutionnel et celui du micro-contexte interactif. (…) C’est la compréhension des interactions entre ces trois niveaux dans leurs effets d’apprentissage que la notion de « rapport au langage », comme celle de rapport au savoir, peut être selon nous utile17.

Etudier le contexte au LGM, c’est tout d’abord comprendre comment le plurilinguisme se décline en Ethiopie et comment l’AEFE l’envisage dans sa politique éducative. Il était en effet probable que le LGM soit non seulement le théâtre d’enjeux scolaires tels qu’on les envisage en France mais aussi de contacts entre idéologies

17 Bautier E., 2002, « Du rapport au langage : question d’apprentissages différenciés ou de didactique », dans

Pratiques n° 113/114 Delacambre I., Reuter Y. (coord.), Images du scripteur et rapport à l’écriture, pp. 41-54, ici pp. 41-42.

(28)

plurilingues et unilingues. C’est ce qui fera l’objet de notre première partie. Nous présenterons l’Ethiopie comme théâtre d’une histoire sociolinguistique marquée par des configurations diglossiques souvent conflictuelles. Une langue émerge parmi toutes celles qui sont reconnues par la Constitution éthiopienne : l’amharique. C’est la langue communément parlée à Addis-Abeba, et par les élèves éthiopiens du LGM. Une présentation de son corpus et de son statut montre qu’elle tient une place inégale dans les écoles éthiopiennes : l’enseignement de l’amharique est un enjeu politique. Cela a été le cas du français en Ethiopie au début du siècle, mais aujourd’hui il est marginal même s’il garde son statut prestigieux de langue internationale, alors que l’AEFE l’envisage davantage en tant que langue de scolarisation. Ce parcours au contact d’un Etat fédéral fondé sur des bases ethnolinguistiques montrera notamment que la fonction identitaire d’une langue peut être plus ou moins accentuée selon les contextes. On pourra ainsi mieux comprendre la place que tient l’amharique au LGM, langue symbolique de l’identité éthiopienne face aux étrangers. Lorsque des locuteurs de plusieurs langues sont en contact, ce sont les appartenances culturelles qui sont ainsi questionnées :

Appartenance linguistique et appartenance culturelle, qui ne sont que des façons parmi d’autres d’identifier des groupes humains, sont proches mais différentes. Au contraire, se joue alors l’illusion de similarité qui fait ignorer les différences culturelles sous la façade d’une langue partagée : c’est probablement dans ces situations, plus que dans celles marquées par une altérité ostensible, que les enjeux interculturels sont les plus grands18.

Les élèves adolescents du LGM ont tous, pour une part, une identité qui se forge au contact de l’Ethiopie, mais aussi dans la famille et au contact des autres membres de la communauté scolaire, en particulier au contact des pairs. Comment parlent-ils entre eux ? Y a-t-il des règles qui régissent ces pratiques ? Comment s’articulent-elles avec l’apprentissage en français ? Pouvoir y répondre suppose que l’on élabore une méthode de recherche nourrie de ce que l’on apprend du contexte lui-même, mais aussi de ce que les recherches dans ce domaine nous apprennent des enjeux potentiels. C’est ce qui fera l’objet de notre deuxième partie. Nous présenterons le contexte diglossique du LGM. Après avoir montré l’intérêt heuristique de la notion de « communauté linguistique » pour parler des élèves du secondaire, nous présenterons notre méthodologie, qui s’est construite autour de l’analyse compréhensive de données quantitatives et de données qualitatives.

18

(29)

Nous avons exploité 124 questionnaires remplis par des élèves que nous connaissions bien, en veillant à leur expliquer notre démarche. Ils portent sur les pratiques langagières en famille, entre pairs et avec les adultes, les représentations des langues, de l’apprentissage et des cultures. Nous avons pu les éclairer grâce à 29 entretiens semi-directifs avec des élèves volontaires pour expliciter leurs réponses aux questionnaires ainsi que par des observations ethnographiques. Interroger les acceptions d’adolescence, de bilinguisme et d’apprentissage permettra d’identifier les pratiques familiales comme plurilingues, à des degrés divers, et de proposer des catégories sociolangagières différenciées, qui ne recouvrent pas toujours les origines familiales. Nous découvrirons surtout l’importance que revêt le mélange des langues pour les élèves, en famille mais aussi entre pairs. A l’école spécifiquement, la communication est régie par des règles propres aux contextes exolingues, normes qui se fondent essentiellement sur la valeur accordée à la reconnaissance des identités. Le français, l’anglais, l’amharique et d’autres langues africaines forment une configuration globale construite à partir de répertoires inégalement partagés. C’est justement cette hétérogénéité des répertoires qui construit l’identité du groupe. Les identités bilingues ne se disent pourtant pas toujours biculturelles, ce qui nous amènera à examiner quelle place a la culture française dans ces appartenances revendiquées.

Nous aurons alors les outils d’analyse nécessaires pour éclairer le champ de la didactique du français dans une troisième partie. Nous étudierons comment ces pratiques plurilingues interviennent dans la dynamique d’apprentissage lorsqu’on réfléchit et lorsqu’on apprend ensemble. Pour certains il existe un langage intérieur pour apprendre et celui-ci révèle l’importance et le dynamisme de stratégies plurilingues. Au contact des pairs, cette pluralité peut gêner des élèves qui n’utilisent pas ces pratiques bilingues pour apprendre. Une didactique efficiente ne peut donc ignorer ces enjeux. Les identités se donnent à voir aussi dans les interactions unilingues avec l’enseignant, ce qui nous fera considérer le français dans une perspective normative : l’enseignant étaye et oriente les discours vers une norme en français, provoquant ainsi une tension acquisitionnelle que certains élèves utilisent aussi pour se dire. Comment alors évaluer la progression des compétences ? L’analyse comparée de productions d’élèves à plusieurs moments de l’année agit comme un effet de loupe sur la manière avec laquelle les élèves envisagent la forme du texte et de la phrase, comment ils réinvestissent des stratégies de construction du sens de façon non stable :

(30)

Les littéracies sont des pratiques sociales : les façons de lire, d’écrire et d’utiliser les textes écrits sont liés à des processus sociaux qui ancrent l’action individuelle dans des processus culturels et sociaux… Considérer les littéracies comme plurielles veut dire que l’on reconnaît que la diversité des pratiques de lecture et d’écriture ainsi que les différents genres, styles et types de textes sont associés à plusieurs activités, domaines ou identités sociales19.

C’est l’articulation entre une langue présentée comme homogène et des pratiques sociales fondées sur l’hétérogénéité que nous interrogerons en didactique, en nous appuyant notamment sur la perception que les enseignants en ont. Des pistes sociodidactiques émergeront de cette appréhension du français comme une langue qui n’a pas les mêmes attributs selon le statut que ses locuteurs lui concèdent. Nous tenterons alors de dépasser les différentes appellations didactiques telles que « langue seconde », « langue de scolarisation » ou « langue maternelle » pour proposer une sociodidactique d’une langue-culture dont les normes doivent être explicitées pour être intégrées à la pluralité des langues et des cultures des élèves.

C’est donc à la lecture d’un projet ethno-sociolinguistique que nous vous invitons :

A un premier degré le projet d’un ethno-sociolinguiste consiste donc (…) à décrire et à comprendre les variétés et variations linguistiques en jeu dans les interactions, les usages en contexte ethno-socioculturel qui en sont faits par les locuteurs ; les interprétations/significations symboliques de ces usages ; ceci en privilégiant notamment la dimension de l’identité culturelle des individus et des groupes en interaction. (…) A un deuxième degré, ce projet est interventionniste (…). Enfin, à un troisième degré, il s’agit de contribuer à l’élaboration progressive d’une théorie intégrante compréhensive en sciences de l’Homme, via une linguistique de la complexité20.

19 Martin-Jones M., Jones K., 2000, Multilingual Literacies, Amsterdam, John Benjamins Publishing

Company, pp. 4-5 : Literacies are social practices: ways of reading and writing and using written texts that

are bound up in social processes which locate individual action within social and cultural processes… Focusing on the plurality of literacies means recognizing the diversity of reading and writing practices and the different genres, styles and types of texts associated with various activities, domains or social identities. 20

(31)
(32)

PREMIERE

PARTIE

L

E CADRE

SOCIOLINGUISTIQUE DE

(33)

Sommaire de la première partie

Chapitre 1 L’Ethiopie aujourd’hui ... 33

A. Carte d’identité ...33 B. Les représentations de l’identité ethnique et nationale...45 Conclusion ...54

Chapitre 2 Qualifier le plurilinguisme éthiopien ... 57

A. Plurilinguisme et diglossie ...58 B. Rendre compte d’une dynamique multilingue ...66 C. Politique et aménagement linguistique...71 Conclusion ...78

Chapitre 3 Multilinguisme et ethnicité en Ethiopie ... 79

A. Ethiopie et ethnicité ...80 B. Addis-Abeba : une capitale multilingue ...95 Et demain ? ...103

Chapitre 4 Description et diffusion d’une langue éthiopienne : l’amharique ... 105

A. Typologie des langues éthiopiennes...106 B. La diffusion de l’amharique ...123 C. L’amharique aujourd’hui...131 Conclusion ...135

Chapitre 5 Politique linguistique et aménagement éducatif : la place du français en Ethiopie ... 137

A. La naissance de l’enseignement moderne ...138 B. La politique linguistique de l’Ethiopie ...147 C. La politique de diffusion du français en Ethiopie ...157 Le français en Ethiopie : les enjeux ...165

Chapitre 6 L’émergence d’une politique scolaire française ouverte au plurilinguisme ... 167

A. La genèse d’un établissement franco-éthiopien ...168 B. L’Agence pour l’enseignement français de l’étranger ...174 C. Une école implantée en Ethiopie...183 D. Les orientations pédagogiques de l’AEFE ...185 Conclusion ...190

(34)

C

HAPITRE

1

L’E

THIOPIE AUJOURD

HUI

Pour que les problématiques sociolinguistiques soient bien comprises, c’est à une première découverte de l’Ethiopie que nous invitons ici le lecteur : l’Ethiopie est un pays globalement très pauvre, aux reliefs contrastés, essentiellement rural, dans lequel vivent plus de 80 groupes ethniques aux langues et cultures différentes. Cette diversité exprime pour une part les représentations d’une identité nationale forte, fondée sur une exception culturelle historiquement revendiquée sur la scène internationale.

A. Carte d’identité

1. Des réalités physiques contrastées

L’Ethiopie est située dans la Corne de l’Afrique. Ses frontières sont communes avec le Kenya et la Somalie (au sud), avec le Soudan (à l’ouest), avec l’Erythrée et Djibouti (au nord et à l’est). Ce pays, qui n’a aucune façade maritime, couvre environ 1 100 000 km.2, ce qui représente plus de deux fois la superficie de la France. La partie centrale du pays est globalement composée d’un vaste ensemble montagneux (altitude moyenne : 2000 mètres), et entourée de basses terres aux climats chauds et humides. Certaines terres sont à 100 mètres au-dessous du niveau de la mer alors que le Ras Daschen culmine à

(35)

4620 mètres. Sa capitale, Addis-Abeba, est une ville jeune, fondée par l’empereur Ménélik II en1886.

Figure 1 : Carte de l’Ethiopie, pays de la Corne de l’Afrique21

Figure 2 : L’Ethiopie, carte physique22

21 Source : http://www.tlfq.ulaval.ca/AXL/afrique/ethiopie.htm .

22 Source : Ficquet E. et alii, 2007, « Les peuples d’Ethiopie » dans Prunier G. (dir.) L’Ethiopie contemporaine, CFEE/L’Harmattan, p. 35.

(36)

2. Des populations nombreuses et rurales

En 1994, selon les statistiques du gouvernement éthiopien suite à un recensement national, la population était de 53 477 265 personnes (86 % en zone rurale et 14 % en zone urbaine). Un nouveau recensement a été fait en 2006/2007, mais les résultats n’ayant été publiés que partiellement, nous nous appuyons essentiellement dans notre présentation sur les statistiques publiées en 1998/1999 (The 1994 Population and Housing Census of

Ethiopia, Central Statistics Authority, dorénavant CSA23), ainsi que sur les projections faites et publiées en 2004 (Ethiopia, Statistical Abstract 2004, CSA). Nous ferons référence, le cas échéant, à la plus récente analyse statistique du gouvernement éthiopien publiée en 2008 sur la base du dernier recensement : Summary and Statistical Report of

the 2007 Population and Housing Census (mais celle-ci ne traite que de données

générales)24.

Ces documents officiels ont été publiés par la République Démocratique Fédérale d’Ethiopie. Ces sources ne sont pas nécessairement fiables, sachant qu’un Etat peut toujours manipuler ce genre de documents pour des raisons politiques. C’est le point de vue de certains chercheurs à propos de l’Ethiopie, alors que d’autres pensent qu’ils reflètent assez bien la réalité du terrain25. Ces données sont le plus souvent présentées en termes de différences ethniques, alors que les Ethiopiens ne se reconnaissent pas toujours dans ces représentations. De même, les questions sur les langues utilisent des termes discutables (« langue maternelle », « langue seconde ») qui ne sont pas clairement explicités. Nous savons par ailleurs que cela peut renvoyer à des réalités très différentes selon les locuteurs et les contextes. Les chiffres donnés par les organismes internationaux (PNUD, UNESCO, Nations Unies, Banque Mondiale…) s’appuient sur les statistiques gouvernementales. C’est ce qui nous amène finalement ici à citer le plus souvent ces sources. En effet, quand la comparaison est possible, les différences ne sont pas significatives. Pour les principaux domaines qui nous intéressent ici (tels les langues parlées déclarées, les appartenances ethniques ou religieuses…), les seules sources disponibles sont les statistiques gouvernementales. Certains indicateurs que nous estimons pertinents ne sont cependant calculés que par des organismes internationaux. Sauf mention

23 Les dates de publication des différents volumes sont variées, l’ensemble des volumes utilisés ici est

répertorié dans la bibliographie générale.

24 Ce document est consultable en ligne :

http://www.csa.gov.et/surveys/National%20statistics/national%20statistics%202008/Population.pdf

25 Voir par exemple Ficquet E. et alii, op. cit : « Ayant comparé ces estimations statistiques à nos

(37)

particulière de notre part, ce sont donc sur les statistiques nationales éthiopiennes que nous nous appuyons ici.

Selon ces sources, la population était estimée pour l’année 2007 à 73 918 505 personnes26, dont 84 % en zone rurale et 16 % en zone urbaine (soit une augmentation de 20 millions en 10 ans). Selon le Centre National des Statistiques en Ethiopie, une ville est une « population agglomérée de 2000 habitants dont la majorité a une profession principale non agricole »27. Comme dans de nombreux pays, les villes sont réparties sur le territoire selon les grands axes de communication (peu nombreux) qui partent en étoile de la capitale (au centre du pays). C’est donc un réseau macrocéphale, caractéristique des réseaux urbains d’Afrique Noire, « écrasés par une et plus rarement deux métropoles »28. Addis-Abeba (3 millions d’habitants) est en effet 13 fois plus importante que la seconde ville (Dire-Dawa). Bezunesh Tamru commente la carte suivante en dégageant 5 axes principaux d’urbanisation selon les grandes voies routières et les connexions internationales partant toutes d’Addis-Abeba, et identifiant 10 villes de plus de 100 000 habitants29 : Debre-Zeit et Nazareth (proches d’Addis-Abeba, Nazareth est la capitale de l’Etat Oromo), Dire-Dawa (au sud-est, ville-Etat), Harar (au sud-est, capitale de l’Etat de Harar), Dessié (au nord) et Méquélé (capitale du Tigray), Bahir Dhar et Gondar (au nord-ouest), Jimma (à l’ouest, capitale de l’Etat de Gambella)30. Nous verrons que cette répartition démographique trouve son écho dans des pratiques linguistiques différentes selon qu’on se trouve dans une zone rurale ou urbaine, selon qu’on se trouve dans une région possédant un certain nombre de grandes villes ou non.

26 Source PNUD: 78.6 millions. 27

Source: Bezunesh Tamru, 2007, « Les villes dans l’espace éthiopien », dans Prunier G. (dir.), op. cit., pp. 309-328 (p. 310).

28 Bezunesh Tamru, op. cit., p316-318.

29 Certains Etats n’ont aucune ville de cette taille (ce qui correspond aux régions que l’on n’a pas voulu

développer par le passé); les statistiques nationales ne sont pas totalement fiables dans le sens où les nouveaux arrivés ne sont répertoriés que dans la mesure où ils se sont officiellement déclarés. Aussi, on peut dire que les villes les plus importantes (et en particulier Addis-Abeba) ont sans doute une population plus importante.

30

(38)

Figure 3 : Carte des villes et réseaux routiers d’Ethiopie et des pays limitrophes31.

La population reste majoritairement très jeune (45 % de la population était âgée de moins de 15 ans en 1994 et on l’estime à 45 % en 2007). Moins d’un quart de la population est alphabétisée (environ 30 % d’hommes et 17 % de femmes) mais la différence est grande entre zones rurales et zones urbaines : 31,4 % n’ont jamais été à l’école en zone urbaine, alors qu’en zone rurale, on en compte 85,2 %.

L’Etat fédéral d’Ethiopie étant fondé sur des bases ethniques, les statistiques gouvernementales utilisent constamment ce critère. Nous en discuterons la pertinence et les implications linguistiques dans le chapitre suivant. Nous ne présentons ici que des données générales permettant de comprendre la réalité poly-ethnique et multilingue du pays.

31

Références

Documents relatifs

LEROUX, Directeur du Primaire, mentionne qu’actuellement il y a une forte demande d’information des parents, 46 élèves sont pour l’instant inscrits en Petite Section, ce qui

Cependant, puisqu'on ne peut pas nier le role vital que jouent les institutions multinationales dans le developpement economique et social de l'Afrique, des mesures doivent §tre

Si une partie des élèves sont bilin- gues ou proches du bilinguisme à leur entrée dans l’établissement, tous les autres acquièrent cette compétence linguistique au cours de

lA PRoPoSition SChuMAn (9 MAi 1950) qui eSt à lA FoiS un Signe FoRt de lA FRAnCe enveRS l’AlleMAgne dAnS un eSPRit de CooPéRAtion, MAiS qui PeRMet AuSSi de ConSeRveR un RegARd

enseignement qui pourrait ne plus être assuré à la rentrée prochaine, tant de classes à plus de nnn élèves dans l'établissement tel et tel problème dans l'établissement, etc.

On peut voir les choses de manière plus fine en voyant les choix spécifiques de disciplines en fonction du niveau des élèves, et les choses sont claires et

l’histoire des sciences étant préconisée dans le programme de seconde générale, les enseignants ont appris à l’intégrer dans leur séance de cours à travers leur

L’exploitation de corpus à des fins d’enseignement et d’apprentissage des langues apparaît comme une méthodologie relativement récente dans le paysage de la didactique du