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Cinq notes égyptiennes

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Cinq notes égyptiennes

Les étiquettes de momies SB l, 780, 3499, 5728

Les étiquettes de momies ont suscité une intense activité des faussaires. L'aisance avec laquelle on se procurait des morceaux de bois antiques dans les nécropoles égyptiennes, la monotone brièveté de leurs textes et de leurs formulaires, la possibilité d'imiter facilement les gravures antiques et le nombre élevé des tablettes répandues sur le marché des antiquaires dès 1880-1890 ont été autant de stimulants de leur imagination. D'où une prolifération de faux certains ou de pièces suspectes, qui constitue l'une des originalités dangereuses de cette littérature. Deux exemples suffisent: la collection du Louvre ne compte pas moins de 46 tablettes grecques "présumées fausses" (CRIPEL 5 (1979) pp. 288-289) et, dans la toute petite collection Froehner (Kentron 5/2 (1989) pp. 43-59), elles représentent presque la moitié de l'effectif!

Voici les textes de SB I, 780, 3499 et 5728 780 : K'tt<J'Cu7tÔÀÀrov • .Qpirov è'Coov Àç 3 499 : K n<J'Cl1ç . .Qpirovoç hôv < ÀÇ

5 728 : Ken<J'tl1ç niÀrov • .Qpirov è'toov ÀÇ

Coïncidence troublante, les trois défunts supposés sont tous déclarés morts à 36 ans. Ils ont tous un Horion dans leur ascendance, deux fois comme père, une fois comme grand-père. De telles répétitions de noms et formulaires ne sont pas isolées. Dans Anagennèsis III1 (1982) p. 40 note 2, j'ai déjà signalé d'autres "séries" homonymiques douteuses, qui inspirent la même sensation de fabrication moderne : sur les étiquettes SB I, 3494-3497, 3502-3509, 3518-3521, 3531-3537, on dénombre quatre Kalasiris, huit Plènis, quatre Senplènis, sept Horion.

Dans le cas de nos trois tablettes, il y a encore d'autres raisons de douter. Deux des trois anthroponymes initiaux ne sont attestés qu'ici (K 'tt<J'CU1toÀÂ.rov et Ken<J'Cl1ç, Namenbuch 172 et 188) et, fait bizarre, ils n'ont reparu ni dans l'Onomasticon 163 et 174 ni dans les recueils publiés depuis.Ken<J'Cllç pourrait donc être une variante de Kn<J'Cll<;, volontaire mais morphologiquement erronée, imaginée par un faussaire. Il y a des parallèles 1. Quant à niÀrov, ce pourrait être une intercalation habile, pour donner le change. Elle prouverait que son auteur a

1 Exemples de ces variantes morphologiques qui ne se décèlent que quand on retrouve l'original grammaticalement correct dans Anagennèsis ibid. p. 39 § 2.

(2)

délibérément pratiqué l'adjonction 2 tout en connaissant la tendance du grec d'Egypte à désaspirer les occlusives

e,

$, X en 'C, n, 1( 3, car niÀ,cov ne peut être qu'une variante de cI>îÀ,cov 4.

Pour conclure, j'emprunterai à O. Masson une remarque épistolaire qui résume bien la situation 5: "Peut-être pourrait-on "sauver" 3499 à cause de K 'tt<J'CllÇ". En effet, la fréquence de ce nom 6 fait de ce document le possible modèle des deux autres.

Les mandats d'amener de l'Egypte romaine

Trois listes de ces papyrus 7 ont été successivement dressées par Knudtzon 8, Browne 9 et Bülow-Jacobsen 10. Nous utilisons la plus récente, abrégée en BJ, qui recense 78 textes.

Ses numéros 2-72 qui s'échelonnent du 1er au Ive s. après J.C., nous obligent à nuancer quelques affirmations antérieures, sur leurs tailles et la direction de leurs écritures.

La remarque de Browne, "this class of documents tends toward fairly fixed physical dimensions" 11, ne peut être maintenue, pour la période romaine.

En effet, si on répartit les 72 documents précités d'après leurs dates probables:

1) 1er -Ile s. après J.C. = BJ 2-29 2) II-Ille s. après J.C. = BJ 30-41 3) Ille s. après J.C.

=

BJ 42-59 4) III-Ive s. après J.C.

=

BJ 60-72,

on constate que les écarts entre tailles extrêmes demeurent constamment considérables, tout au long de ces quatre siècles, dans les groupes ainsi formés:

Longueurs maximales Longueurs minimales Gr 1 25,1 12

=

BJ 18 7,1

=

BJ 3

2 25,0 = BJ 34 11,0 = BJ 38

2 Exemples de ces adjonctions volontaires aux textes des originaux imités dans Anagennèsis ibid. p. 39 § 3.

3 Pour l'époque hellénistique, v. E. Mayser, Grammatik 1 (1906) p. 174 ; pour l'époque romaine, v. F. T. Gignac, Phonology (1976) p. 93

4 C'était déjà l'interprétation de F. Preisigke, Namenbuch 325, s. v. niÂ-rov.

5 Correspondance de mai 1991.

6 Namenbuch 188, Onomasticon 174.

7 Les Anglo-saxons les nomment "orders for/to arrest", les Allemands "Haftbefehle" ; leur définition la plus précise paraît celle de S. Daris, Aegyptus 38 (1958) p. 59 : "mandati di comparizione di fronte all'autorità che ha ricevuto un'istanza ed è cosi sollecitata ad agire".

8 P. Lund, VI, 2

9 American studies in papyrology VI (1970) pp.47 -49 10 ZPE 66 (1986) pp.95-97

110. l, p. 50

12 Tous les chiffres qui suivent expriment des centimètres et des millimètres.

(3)

3 4

25,2 26,8

= BJ 42

=

BJ 68

9,2

5,3

=

BJ 45

= BJ 60 Hauteurs maximales Hauteurs minimales

Gr 1 16,0 = BJ 8 3,2 = BJ 27

2 13,0

=

BJ 33 4,9

=

BJ 36

3 16,5 = BJ 45 3,5 = BJ 44

4 17,0

=

BJ 67 5,3

=

BJ 60

Aux 1er et Ile siècles, le mandat le plus haut l'est 5 fois plus que le plus bas; le même rapport vaut pour la longueur, aux Ille et IVe siècles.

La moyenne des longueurs révèle aussi des variations remarquables :

Gr. 1 15,3pour BJ 2-29

2 21,lpour BJ 30-41

3 15,7pour BJ 42-59

4 19,5pour BJ 60-72

Il n'y a donc pas eu d'évolution, puisque l'allongement moyen en 2 (11-

Ille s. après J.C.) est suivi d'un rétrécissement en 3 (Ille s. après J.C.) et d'un nouvel allongement en 4 (III-Ive s. après J.C.). Il n'y a donc pas eu tendance à l'uniformisation des tailles, jusqu'au Ive siècle 13.

En revanche, Browne a eu raison de distinguer les textes byzantins, dont il écrivait, ibid., qu'ils reflètent "the increase in size common in papyri from that age". Les numéros 74-78 (V-VIle s. après J.C.) ont les longueurs les plus impressionnantes:

maximum 30,4 BJ 78 mInImUm 28,1 BJ 77

Si l'administration est intervenue pour uniformiser la pratique des bureaux, ce ne saurait être avant le Ve siècle, d'après l'état actuel de la documentation.

La direction des lignes d'écriture, par rapport à celle des fibres, a déjà suscité beaucoup de remarques contradictoires. Actuellement, il y a 13 mandats perfibraux sur 78, ce qui donne raison à Browne, ibid., "writing the order for arrest across the fibers seems to have been general administrative practice".

Mais on ne peut pas le suivre quand il voit, dans cette perfibralité, surtout la caractéristique des scribes du nome Arsinoïte. En effet, 6 sur 13 sont sûrement oxyrhynchites 14. La pratique des écritures perfibrales a donc été répandue un peu partout et, sur certains sites, elles appa- raissent même mêlées aux écritures transfibrales 15. L'Arsinoïte était plus représenté en 1970, dans la liste de Browne, qu'il ne l'est en 1986, dans celle de Bülow-Jacobsen 16, d'où le changement de perspective.

13 On fait le même constat sur la moyenne des hauteurs.

14 BJ 2,3,24,38,43 et 64

15 Exemples: BJ 8 à Théadelphie, à côté de BJ 7 qui est transfibral ; BJ 55 à Karanis, à côté de 8 autres mandats tous transfibraux.

16 Quatre mandats oxyrhynchites ont été publiés après 1970 : BJ 2, 38, 43 et 64.

(4)

Quant à l'hypothèse d'une éventuelle négligence de l'administration arsinoïte évoquée par Browne, ibid. : "The fact that most of the exceptions come from the Arsinoïte Nome is perhaps related to a general tendency in that large nome to be somewhat more careless in administrative procedures, because of the press of the business, th an in the less populous nomes like the Oxyrhynchite", elle n'est guère convaincante. En quoi aurait-il été négligent d'écrire perfibralement ? Pourquoi l'administration aurait-elle été négligente dans le nome le plus riche, économiquement, celui où l'on attend justement un état d'esprit contraire, ne serait-ce que pour des raisons de rentabilité fiscale?

Koiranos, Papos et Kapparis

1 - L. Robert a consacré plusieurs pages aux emplois anthropony- miques du vieux substantif homérique koiranos, "le chef' 17, pour constater que "ce beau nom poétique et héroïque, aristocratique et militaire" n'est jamais devenu "un nom grec général et répandu" 18. En effet, ses apparitions sont rares et épar8illées (Béotie, Macédoine, Théra 19, quelques villes comme Aspendos 2 , Comana 21, Panticapée 22,

les confins de la Pisidie et de la Pamphylie 23).

Dans sa note 2 de la p. 386, il a écrit: "Rien pour l'Egypte dans le Namenbuch de Preisigke".

Or, il y a trois témoins de la graphie Koirannos dans le Namenbuch, 1925, col. 178 (P. Masp. III1, 67.150, 3 ; III, 67.329, 12 et 17), auxquels il faut ajouter maintenant un quatrième témoin de la même graphie, dans l'Onomasticon de Foraboschi, 1974, p. 167 (P. Pan. 1,241), et deux étiquettes de momies (SB l, 829 et CEML 931 24) ~ui nous donnent la graphie usuelle, Koiranos, après correction (1982) 2 . Les trois P. Masp.

évoquent une certaine Eutropia fille de Koirannos 26, le P. Pan., un Koirannos 27, panopolitain, père de Bèsas et grand-père de Triphiodore,

17 Noms indigènes dans l'Asie-Mineure gréco-romaine 1,1963, p. 385-391 et 442.

18 Ibid., p. 385-386.

19 Ibid., p. 387 notes 1-3.

20 Ibid., p. 387.

21 Ibid., p. 442 note 3.

22 Ibid., p. 442 notes 1-2.

23 Ibid., p. 391.

24 CRIPEL 4, 1976, p. 236.

25 Anagennèsis 1II2, 1982, IV p. 190.

26 A Aphroditopolis.

27 Les géminations de consonnes sont repérées dès l'époque hellénistique, par E. Mayser, Grammatik der griechischen Papyri aus der Ptolemiierzeit l, 1906, p. 218, et perdurent aux époques romaine et byzantine: F. Th. Gignac, A grammar of the greek papyri of the roman and byzantine periods l, 1976, p. 158 d (1).

Les hésitations sur la gémination ou la non-gémination du nu affectent aussi bien les noms égyptiens (AmeneuslAmenneus, dans le Namenbuch col. 23) que grecs (MénéaslMennéas

(5)

les deux étiquettes, un couple de défunts, également panopolitain, Pachoumis et son épouse Tatétriphis ; d'après SB 829, Pachoumis avait été l'économe d'un certain Koiranos, apparemment précédé dans cette fonction par son père Pbèkis, d'après CEML 931. Hormis les P. Masp.

d'époque byzantine, la documentation est romaine et impériale.

II - La statue de l'Egyptien Hergeus, en basalte 28, représente un homme assis, en robe, peut-être un scribe 29 ou un prêtre, tenant un volumen sur ses genoux. Sa dédicace grecque a été gravée sur le socle et le sculpteur a signé l'oeuvre de ses nom et patronyme, sur le flanc droit du siège 30.

Le dernier éditeur de ces textes, Et. Bernand 31, les traduit ainsi:

(signature) "Oeuvre de Petèsi(s), fils de Papos (ou Papès)"

(dédicace) "Pour Hergeus, Pnéphé(rôs), sa femme et ses enfants (ont consacré la statue)".

Et il ajoute :

"Le sculpteur porte un nom indigène et un patronyme grec".

Il rattache le patronyme, orthographié au génitif Papou, au grec Pap(p)os, un des hypocoristiques du nom familier des pères, rapas.

L'Egypte en atteste beaucoup, Pap(p)os, Pap(p)as, Pappion 3 . Hors d'Egypte, ils sont nombreux aussi: Papès, Papas, Papè, Papôn, Papylos 33.

Mais, à partir de ce constat, il faut compléter la notice d'Et. Bernand, qui ne fournit pas toutes les données du problème.

L'onomastique égyptienne a produit une famille de noms phonéti- quement proches, Papôs, Papous, Papoos, tous déclinés à la grecque 34.

Papou pourrait donc être aussi un génitif "court" 35 de l'égyptien Papous, à la place du génitif attendu, à élargissement dental, Papoutos. A première vue, trois raisons pourraient militer en faveur de l'origine indigène : la statue a été trouvée en pleine campagne égyptienne, à Dimeh (Soknopaiou Nèsos, sur le pourtour nord du Fayoum), un village à population sans nul doute massivement autochtone; le sculpteur du lieu avait un nom typiquement égyptien ("celui qu'a donné Isis"), qu'il n'a même pas pris soin d'helléniser, ne fût-ce que superficiellement, en

ibid. col. 212-213). Sur ce dernier nom et son caractère indubitablement hellénique, v. L.

Robert o. 1. p. 226 note 7.

28 Elle a perdu tête et buste.

29 C'est l'interprétation de P. Graindor, Bustes et statues-portraits d'Egypte romaine, 1936, p. 130-132, nO 67.

30 Dédicace et signature ont été enregistrées sous deux numéros distincts dans le Sammelbuch l, 1915, nO 3452-3453, malgré leur appartenance au même document.

31 Recueil des inscriptions grecques du Fayoum l, 1975, p. 160-161 nO 80 et planche 61.

32 Comme l'a montré L. Robert 0.1. p. 514, l'hésitation orthographique (un ou deux pi) ne fait pas problème.

33 L. Robert 0.1. p. 62-63 et 513.

34 Autre variante Papôis. Appartiennent au même groupe les in déclinés Papo, Papôé, Papoui (Namenbuch col. 277 et Onomasticon p. 235).

35 Sur ces génitifs "courts" des athématiques, v. par ex. JJP 18, 1974, p. 161 et P. Oxy. 43, 3102, 5.

(6)

l'affublant du sigma final tant attesté ailleurs 36, qui l'aurait inséré dans la troisième déclinaison ; enfin, les noms des autres intervenants, dans cette affaire de dédicace, étaient tous indigènes aussi 37.

Il faut donc expliquer aux lecteurs pourquoi, malgré les apparences contraires, Et. Bernand a eu probablement raison d'opter pour une origine hellénique du patronyme. C'est qu'il y a eu des Papas et des Papas, en nombre non négligeable, à Dimeh. Pour être bref, je n'en retiens qu'un indice: les Stud. Pal. XXII publiés par C. Wessely 38 dont l'index, p. 55, ne livre pas moins de deux Papas 39 et un Papas 40 certains, sur cinquante pages. C'est la preuve du succès de ces hypocoristiques grecs, dans le secteur. Dans les mêmes pages, il n'y a qu'un témoin certain de l'indigène Papous 41.

En proposant un deuxième nominatif, Papès, à ce nom apparemment grec, Et. Bernand a pris, en revanche, un parti très risqué: Papès n'est pas attesté en Egypte et les témoignages de L. Robert, en 1963, provenaient d'autres régions 42.

Par ce texte, on voit combien l'onomastique et la géographie sont liées.

Une particularité de l'anthroponymie d'un village nous permet de faire le bon choix, contre la vraisemblance.

III - L. Robert a évoqué les sobriquets tirés de la CUIsme et des condiments. C'est kapparis, "le câpre" ou le "câprier", qui nous retient ici 43. Il en signale deux témoignages, le premier sur une inscription de Stratonicée de Carie qui évoque un certain Aristidès fils de Léon, surnommé Kapparis 44, le second, très tardif, dans les actes du monas- tère de Lembos (région de Smyrne), qui mentionnent un certain Georges Kapparis, en plein XIIIe siècle.

36 V. les innombrables exemples de Pétèsis dans tous les recueils de textes. Dans l'édition Bernand, le sigma final du nom grec et l's final de la traduction, tous deux entre parenthèses, sont des hellénisations abusives, qui vont contre le gré du graveur antique (Sur cet excès, v. LeM 17/2, 1992, p. 52).

37 Quelle que soit la restitution proposée pour Pnephe ( ), la plus banale Pnéphé (rôs) ou d'autres noms plus rares, le personnage était sûrement égyptien, lui aussi.

38 J'utilise, ici, la réédition d'Amsterdam, 1969.

39 20, 34 ; 121, 4.

4052,17.

41 Le scribe a écrit Papouto(s). Je ne peux pas m'empêcher de supposer que le génitif développé a été voulu ici, pour éviter la confusion avec la forme grecque.

42 Silence sur Papès dans le Namenbuch et l'Onomasticon (le second dictionnaire fixe l'état de l'anthroponymie nilotique en 1974, onze ans après le livre de L. Robert, et Papès n'y a toujours pas fait son apparition).

Dans le même recueil, p. 191-192 nO 93, Et. Bernand récidive, en proposant encore Papès comme possible nominatif d'un second génitif Papou, à Karanis cette fois.

43 O. 1. p. 81.

44 Le sobriquet caractérise Aristidès.

(7)

Il faut ajouter un autre témoignage certain, en Egypte, déjà enregistré dans le Namenbuch, 1925, col. 165 : c'est le surnom d'un certain Apion

"dit Kapareis" 45 sur le P. Ryl. II, 141, 14 (37 après J.-C.).

L'Onomasticon, p. 159, relève aussi la forme Kaparis sur le P. Corn.

30 (a) 1 et l'accompagne de l'astérisque des anthroponymes jugés nouveaux. Mais le contexte n'est pas assuré et il pourrait s'agir, ici, du condiment 46 ; si c'était le sobriquet, il faudrait abolir l'astérisque, puisqu'il yale précédent du Namenbuch.

Dans les deux cas, il faut corriger l'accentuation périspomène des premiers éditeurs. Kapparis est proparoxyton 47.

L'épitaphe grecque de la cathédrale Saint-Mammès à Langres (Haute-Marne)

Cette épitaphe a déjà été publiée deux fois dans la Chronique d'Egypte 48. Le second éditeur ayant donné quatre raisons décisives d'éliminer l'interprétation du premier (0.1. p. 126 § 1-4), nous partons du texte de 1990 : ovôJ.la'ta 9pE1t'tIDV' Aùp('!ÎÀ.toç) 'pôôrov, Aùp('!ÎÀ.toç) , AcncÀ.Tl1tâÇ I1Iitprovo(ç), Aùp('!ÎÀ.toç) MaplCtWô(Ç) btoillcrw èv J.lviaç

Xciptv 49: "Noms des (défunts) nourris dans la maison: Aurèlios Rhodon, Aurèlios Asklèpas fils de Patron, Aurèlios Markianos. Ils ont érigé (ce monument) pour perpétuer leur souvenir".

Pourquoi le second des trois Aurelioi commémorés aurait-il seul bénéficié de la mention patronymique?

45 Les éditeurs traduisent "Apion called Kapareis", mais la confusion de la voyelle -i- avec la diphtongue -ei- est si banale qu'il n'y a pas à s'y appesantir.

46 P.J. Sijpesteijn, BASP 28,1991, p. 66 : "Nothing ( ... ) militates against the supposition that in the Cornell text (possibly a writing exercise) we are also dealing with (. . .) capers".

47 On se gardera bien d'essayer de comprendre pourquoi Aristidès, Apion et Georges ont été surnommés Kap(p)aris. A propos d'Apion, P.J. Sijpesteijn, ibid., s'est posé la question : avait-il un caractère "acide" comme le câpre (était-ce un grincheux ?) ou avait-il une verrue, un "grain de beauté" en forme de câpre ou de la même couleur? Et d'évoquer tout aussitôt les verrues célèbres de l'antiquité, qui ont valu à un Ptolémée d'être surnommé Lathyros et à un orateur romain d'être Cicero. Interrogation vaine, dont L. Robert a fait litière, en montrant par ex., 0.1. p. 157, que les sobriquets Lobios, Lobôn, Lobiôn, Lobias, pouvaient s'appliquer à des individus porteurs d'un lobe d'oreille (lobos) anormalement développé ou dotés d'une mémoire remarquable, parce que la médecine antique localisait le siège de la mémoire dans cette partie du corps (Pline l'Ancien HN XI, 103 : "est in aure ima memoriae locus"). Selon le cas, l'intention n'était pas la même: franchement satirique ou modérément humoristique, pour railler une malformation physique, elle était élogieuse, s'il s'agissait de la mémoire. Et cela, à condition d'éliminer un autre sens possible du mot lobos, la cosse, la gousse de certains légumes ! Dans d'innombrables cas, on ne peut pas savoir quelle intention a présidé à l'imposition d'un sobriquet.

Je note que, dans ses Documenti per la storia dell'esercito romano in Egitto, 1964, S. Daris a réédité le P. Ryl. II, 141, sous le nO 76 p. 163, sans changer l'accentuation de l'édition originale et sans proposer de note sur le sobriquet.

48 P. Cauderlier, LXIII (1988) fasc. 126 p. 322 ; P.J. Sijpesteijn, LXV (1990) fasc. 129 pp. 126- 128.

49 Lire dç.

(8)

Il y avait au moins deux 9pf1t'tOt parmi les défunts. Mais, quelle que fût leur situation précise dans la famille où ils vivaient 50, ils étaient sous la dépendance d'un tiers. Or, quand des textes funéraires évoquent de telles situations, leurs rédacteurs accompagnent généralement la mention de cette dépendance ( <X1tEÀfu9EpO<; ,9Pf1t'tO<; , etc.) du nom de celui qui exerçait la tutelle ("affranchi de x, enfant nourri par x").

S'il n'est pas de mauvaise méthode d'utiliser des témoignages d'autre provenance géographique que cette stèle 51, nous citerions volontiers les trois témoins nilotiques que voici :

CEML 465 : EÙ'tuXdrov 9pf1t'tO<; Kumuvro ~52 1 109 : ilu1toÀ.À.rov O"uv'tpoljlo<; KÀuuôtavoû

1 128 : L'tÉIjlUVO<; <X1tEÀfu9EPO<; KÀuUôtoU 'Hprovo<;.

Ils nous paraissent fournir une possibilité de comprendre autrement la stèle de Langres, en faisant de 1t(X'tprov un nom commun et en proposant: Aùp(llÀtü<;) • Poôrov, Aùp(llÀtO<;) , AO"KÀll1tâ.<; 1t(X'tprovo(<;) AùP(11ÀtOU) MupKtuvo(û) : "Aurèlios Rhodon (et) Aurèlios Asklèpas, dont le patron (était) Aurèlios Markianos".

Ce n'est probablement pas la seule manière de lire ce texte bref et malaisé, mais cette lecture ne nous paraît pas invraisemblable.

La nécropole Romano-Byzantine de Ouadi Qitna

Les squelettes de Ouadi Qitna (5 km au sud de Kalabscha) fournissent des enseignements à qui s'intéresse à la mortalité dans l'Egypte gréco-romaine 53. A peu près contemporaine des épitaphes de Kom Abou Billou et de Tehneh, les deux sites les plus productifs du pays 54, ainsi que de la plupart des étiquettes de momies 55, cette nécro- pole a dû recueillir une population de même mode de vie rural, sédentaire et fermé 56, et donc affrontée aux mêmes problèmes alimentaires et sanitaires que celle des précédents documents.

50 Le mot 9pE1t'tOÇ recouvre plusieurs possibilités juridiques, témoin le Liddell-Scott-Jones, éd. 1968, p. 805.

51 Elle proviendrait des catacombes de Sainte Priscilla, si les indications fournies à son sujet en 1843 étaient exactes. Mais les structures juridiques de l'esclavage ou de l'affran- chissement fonctionnaient identiquement dans les différentes parties de l'Empire romain, ce qui me paraît autoriser le recours aux trois documents d'Egypte allégués ensuite et qui sont également d'époque romaine.

52 Lire Ku01.uvoû. Son portrait (ZPE 33 (1979) pp. 225-226) le définit parallèlement E{)'tUX11Ç Ù1tEÀ(EU9EPOç) KU01.llvoû.

53 E. Strouhal, Demography of the late roman-early byzantine cemetery at Wadi Qitna, Akten des vierten internationalen Agyptologenkongresses 1 (Hambourg, 1988), p. 339-348.

54 ZPE 21, 1976, p. 218-221.

55 ZPE 18, 1975, p. 5I.

Les rares données datables de Ouadi Qitna placent la période d'occupation du site entre la seconde moitié du Ille siècle et la fin du Ve après J.-C.

56 Sur le sens de ce qualificatif en démographie, v. ZPE 18, p. 49, note 3.

(9)

Voici comment se répartissent les décédés, par tranches d'âges comparées 57 :

Ouadi Kom Tehneh Etiquettes

Qitna Abou BiIlou de momies

0-1,9 an 17,2 % 2,8 % 58 0,7 % 59 2,6 % 60

2-6,9 ans 8,7 12 7 14,2

7-14,9 ans 10,5 12,4 14,1 13,5

15-19,9 ans 7,2 6 4,7 9,7

20-29,9 ans 30,2 16,3 19,6 22,9

30-39,9 ans 18,9 14,9 15,7 11,2

40-49,9 ans 5 8,6 8

50-fin 2,1 22,7 29,1 17,4

Ouadi Qitna fournit 43,7 % de décès antérieurs à 20 ans et 56,3 % de décès adultes ; des hécatombes caractérisent les deux premières années (17,2 %) et la troisième décennie (30,2 %). La quasi-totalité de l'effectif disparaît après 40 ans et il n'y a pas de grands vieillards 61.

Quelle que soit la marge des erreurs possibles dans l'évaluation des âges des squelettes, les différences avec les autres dossiers sont assez nettes pour assurer les conclusions.

Les dossiers non anthropologiques minorent les effectifs juvéniles 62 et majorent les séniles 63, celui des étiquettes s'éloignant le moins des données de l'anthropologie, ce qui confirme un constat antérieur 64. Avec 17,2 % de décédés de moins de 2 ans 65, Ouadi Qitna fournit un pourcen- tage un peu plus de 6 fois supérieur à ceux de Kom Abou Billou et des étiquettes (2,8 et 2,6 %), presque 25 fois supérieur à celui de Tehneh (0,7 %).A l'autre bout de la vie, les 2,1 % de décédés âgés de Ouadi Qitna contrastent très fort avec les autres dossiers 66.

On trouve aussi de grandes disparités sur l'espérance moyenne de vie à la naissance. A Ouadi Qitna, elle est de 20,4 ans en général 67, 19,8

57 Nous avons appliqué aux trois dossiers non anthropologiques les divisions chronolo- giques utilisées à Ouadi Qitna (0.1., p. 340).

58 Les récentes publications d'épitaphes de Kom Abou Billou ayant sensiblement modifié les statistiques antérieures, nous avons ajouté à notre recensement de ZPE 21 p. 218-220, les documents nouvellement recensés dans CE 67,1992, p. 329, note 2.

59 Recensement de ZPE 21, p. 221-223.

60 Recensement de ZPE 18, p. 63-66.

61 E. Strouhal 0.1., p. 345-346.

62 33,2 % à Kom Abou Billou, 26,5 à Tehneh, 40 sur les étiquettes.

63 66,3 % à Kom Abou Billou, 73 à Tehneh, 59,5 sur les étiquettes.

64 Sur l'image moins irréelle de la mortalité que donnent les étiquettes, v. ZPE 18, p. 58-6I.

65 Ce pourcentage est au-dessous de la réalité. Sur les méthodes correctives utilisées pour chiffrer approximativement les jeunes enfants qui ont échappé à la comptabilisation, v. E.

Strouhal 0.1., p. 343.

6622,7 % à Kom Abou Billou, 29,1 à Tehneh, 17,4 sur les étiquettes.

67 E. Strouhal 0.1., p. 345-346.

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pour les hommes, 20,8 pour les femmes, chiffres qui coïncident assez remarquablement avec les hypothèses des démographes contemporains 68

et ouvrent un aperçu, enfin véridique peut-être, sur l'état réel de la démographie égyptienne du temps.

Il suffit, d'ailleurs, de faire la comparaison avec d'autres dossiers, déjà exploités auparavant, par les papyrologues, pour être édifié sur l'ampleur des écarts:

Moyennes Moyennes Moyennes générales masculines féminines Dossier Hombert-Préaux 69 32,39 ans 34,27 ans 29,13 ans Dossier Hooper 32,88 ans 36,89 ans 28,49 ans Dossier Willcox 31,4 ans 34,6 ans 26,4 ans Etiquettes 27,1 ans 29,05 ans 24,4 ans Kom Abou Billou 70 32,8 ans 36 ans 29,1 ans

Tehneh 34,6 ans 35,3 ans 34,3 ans

Un point précis de la démarche d'E. Strouhal 71 vaut d'être souligné:

en éliminant les individus non sexualisables que sont les squelettes de moins de 15 ans (36,4%), pour ne comptabiliser que les hommes et les femmes certains, il aboutit à des moyennes beaucoup plus hautes, presque celles de l'épigraphie: 29 ans pour les hommes, 28,8 pour les femmes.

C'est donc le contenu de la tranche d'âges 0-15 qui fait la différence ici, selon qu'on l'intègre ou non dans les calculs. Entre Ouadi Qitna et les autres dossiers, on ne discerne qu'une zone de similitude, de 15 à 50 ans, où les évolutions sont parallèles : de 15 à 20, il y a partout moins de défunts 72 ; de 20 à 30, l'hécatombe est parallèle, quoiqu'un peu moins brutale, en apparence, dans les trois dossiers non anthropologiques; de 30 à 50, il y a affaissement de tous les pourcentages.

y a-t-il, là, l'indication qu'on ne devrait interroger les épitaphes d'Egypte que sur les âges médians de la vie? C'est possible. En tout cas, ce constat doit nous alerter sur les enquêtes qui, par nécessité ou à dessein, ne prennent pas en compte la masse juvénile des morts. Un bon exemple nous est fourni par les O. ROM l 73 qui, concernant un groupe de contribuables thébains, ne pouvaient justement porter que sur des individus taxés à partir de 15 ans. Leurs éditeurs sont parvenus à une

68 ZPE 18, p. 60-6l.

69 Sur la composition de ces dossiers, v. ZPE 18, p. 49 et 51 note 8.

70 Chiffres du premier recensement dans ZPE 21, p. 235 et 237.

71 0.1., p. 344.

72 Coïncidence à souligner, le pourcentage de Ouadi Qitna, 7,2 %, Y égale la moyenne des étiquettes et de Tehneh, 9,7 et 4,7.

73 A. E. Samuel, W. K. Hastings, A. K. Bowman et R. S. Bagnall, Death and taxes ostraka in the Royal Ontario Museum, Toronto, 1971, I, p. 5-62.

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moyenne manifestement trop haute 74 et, par extension, on peut s'imaginer que toute investi~ation du même type aboutisse fatalement à des surévaluations abusives 5.

7429,4 ans (ZPE 18, p. 60 note 26).

B. BOYAVAL Université de Lille III

75 Surévaluations qui falsifient la réalité d'autant plus que les âges de l'échantillon, par ex.

une unité militaire, un groupe de sénateurs romains, une famille impériale, sont avancés.

Tous ces privilégiés de la santé, qui ne doivent leur montée dans la hiérarchie politico- sociale qu'à leur résistance aux hécatombes initiales de la vie, ne peuvent pas nous révéler la situation démographique générale des populations contemporaines. En ce domaine, l'enquête ponctuelle ne permet pas de conclusion globale. Et, dans la pratique, toute enquête ponctuelle est de valeur nulle.

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