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Le mouvement brownien et la formule d’Einstein
J. Duclaux
To cite this version:
LE
JOURNAL
DE
PHYSIQUE
ET
LE
RADIUM
,LE MOUVEMENT BROWNIEN ET LA FORMULE D’EINSTEIN
Par M. J. DUCLAUX.
Sommaire. 2014 Le
problème du mouvement brownien d’une particule au sein d’un liquide visqueux est considéré comme résolu par la formule d’Einstein. Cependant la signification de cette formule est autre. Elle résulte d’une combinaison entre le principe
d’équipartition
de l’énergie et l’hydrodynamique, etne suppose pas la nature moléculaire du liquide. Ce n’est donc pas en réalité une formule du mouvement brownien. La relation qu’elle établit semble être un cas particulier d’une loi générale, d’après laquelle la trajectoire moyenne d’une particule, ou sa position moyenne d’équilibre, est indépendante de la
présence et de la nature du liquide environnant. La véritable formule du mouvement brownien sera
celle qui donnera la viscosité d’un liquide en fonction de sa constitution moléculaire. Les vérifications
expérimentales connues de la formule d’Einstein sont incomplètes par leur principe, et ne permettent
pas de conclure à l’exactitude de la théorie du mouvement brownien.
SÉRIE VIII. - TOME I. N° 3. MARS 19~0.
1. - Einstein a montré
que le
déplacement
d’uneparticule
au sein d’unliquide,
sous l’influence dumouvement moléculaire
thermique,
était donné par la relationdans
laquelle x2
est le carré moyen dudépla-cement suivant un axe
quelconque
Oxpendant
le
temps t,
la viscosité duliquide
intervenant parle coefficient w
qui représente
la résistancevisqueuse
duliquide
au mouvement de laparticule
avec la vitesse unité.Lorsque
laparticule
est unesphère
de rayon a,on a,
d’après
une formule deStokes,
et la formule d’Einstein
prend
la formegénéralement
utiliséedans
laquelle
la nature duliquide
intervientunique-ment par son coefficient de viscosité "{J. On a
toujours
considéré cette formule comme la formule
caracté-ristique
du mouvementbrownien,
et c’estprinci-palement
par son intermédiaire que la théoriemolé-culaire de ce mouvement a été vérifiée.
Cependant l’application
de la formule de Stokes n’est pas sansinconvénient,
comme on l’adéjà
fait remarquer, car elle est fondée sur des
raison-nements
hydrodynamiques
certainementinappli-cables. Ces
raisonnements,
eneffet,
admettent unmouvement
permanent
etnégligent
les accélérations.Ils admettent aussi un mouvement
régulier
d’en-semble de toute la masseliquide;
ces conditionssont tout à fait différentes de celles que réalise le
mouvement essentiellement discontinu d’une
parti-cule au sein d’un
liquide
sous l’influence dumouve-ment moléculaire.
La formule
générale
(1), applicable
à desparticules
de formequelconque,
ne renferme pasexplicitement
le coefficient de viscosité et
paraît
ainsiéchapper
à cettecritique.
Mais le coefficient w nepeut
pasavoir d’autre sens que son sens
hydrodynamique,
sansquoi
il nereprésente
plus
rien. Il doit donclui-même se réduire à une fonction des dimensions
géométriques
de laparticule
et du coefficient deviscosité. Celui-ci intervient donc aussi dans la
f ormule
générale.
2. - Un
progrès
notable,
aupoint
de vue de larigueur
de lathéorie,
consisterait à fairedisparaître
de la formule d’Einstein tout coefficientreprésentant,
directement ou
indirectement,
la viscositéhydro-dynamique
duliquide.
82
On y arrive très
simplement
en étudiant lemouve-ment d’une
particule
sous la double influence du mouvement brownien et de lapesanteur.
On atoujours
admis que le mouvement brownien hori-zontal d’uneparticule
étaitindépendant
de sonmouvement de
chute,
et aussi que celui-ci étaitindépendant
du mouvement horizontal. Bien quecette
indépendance
soit à la base de nombreux calculsthéoriques
[ ~ ],
il ne semble pasqu’on
enait
développé
toutes lesconséquences.
, Pour obtenir la
trajectoire
moyenne desparti-cules,
il suffit d’éliminer letemps t
entrel’équation
d’Einstein,
écrite en coordonnéespolaires
et
l’équation qui
donne la chute verticaleéquation
danslaquelle
D et d sont lespoids
spéci-fiques
de laparticule
et duliquide
danslequel
elle
flotte, v
étant son volume.Nous obtenons ainsi
C’est
l’équation
d’unparaboloïde
de révolutionà axe vertical. Le
liquide
nefigure
dans lespara-mètres de ce
paraboloïde
que par sadensité;
lecoefficient de viscosité a
disparu.
Nous allonschercher la
signification
de ceparaboloide.
3. -
Imaginons
un milieucontinu,
nonmoléculaire,
sansviscosité,
et depoids spécifique
d.Portons-y
en un
point quelconque
laparticule
et abandonnons-là à elle-même. Si elle n’avait pas de vitesse propre à cemoment,
elle tomberait avec une vitesse unifor-mément accéléréepuisque
leliquide
est sans viscosité.La loi de chute serait
1
Maïs,
au moment où nousl’abandonnons,
laparti-cule a, par suite du
principe d’équipartition
del’énergie,
une certaine vitesse(moyenne) V
donnée par la relationCette vitesse
ayant
une directionquelconque,
chaque
particule
suivra unetrajectoire
différente :nous pouvons définir une
trajectoire
moyenne. Ence
qui
concerne la chuteverticale,
nous voyonsimmédiatement
qu’elle
est encore donnée par laformule
(4),
par suite de lacompensation
entre les vitesses initiales ascendantes etdescendantes,
toutes les directions initialesayant
la mêmeprobabilité.
Pour le mouvement horizontal nous aurons, en
appelant
r ladistance,
autemps
t, à la verticale dupoint
dechute,
la vitesse initiale faisant avec cetteverticale
l’angle
oc :La
probabilité
pour quel’angle
ac soitcompris
entre oc et
(oc
+
doc)
étantI l2
sin ocda,
nous auronsen
prenant
la moyenneL’élimination du
temps
entre leséquations
(4)
et(6)
donne,
en tenantcompte
de(5)
Cette
équation
estidentique
àl’équation (3).
Le mouvement moyen de laparticule
est donc le même dans les deux cas.4. - Avant d’aller
plus
loin,
nous remarqueronsque la formule
(3)
ne renferme aucunehypothèse
de
plus
que celle d’Einstein. Il est vrai que, pour l’endéduire,
nous avons faitappel
à la résistancehydrodynamique
duliquide, représentée
par lefacteur m. Mais la formule d’Einstein faisait
elle-même
appel
à cette résistance et lareprésentait
de la même manière.Non seulement nous n’avons introduit aucune
hypothèse
nouvelle,
mais la formule que nous avonsobtenue doit être considérée comme
plus
satis-faisante que celle d’Einstein
puisqu’elle est justement,
à la fin du
calcul,
débarrassée de ce terme de viscositésujet
à desobjections.
Elle est d’ailleurs tout aussigénérale,
car en suivant la marche inverse on endéduit immédiatement la formule d’Einstein. Le
mouvement
paraboloïde
étant connu, si l’on connaît le mouvement de chute(indépendant
en moyennedu mouvement brownien et déterminé par le fac-teur
w)
on en déduit immédiatement le mouvement brownien horizontal.Un
seul casparticulier
resteen
dehors,
le cas où laparticule
et leliquide
ontrigoureusement
le mêmepoids
spécifique;
mais il est évidemmentirréalisable,
et on le feraitrentrer
dans la
règle
en le considérant comme un cas limite. 5.Élimination
de la densité. - Dans leséqua-tions
(3)
et(7)
lespropriétés
duliquide
n’inter-viennent que par sa
densité,
et dans les deux caspar l’intermédiaire du
principe
d’Archimède. Poursimplifier
ladiscussion,
il estplus
simple
desup-primer
cette densité. Pourcela,
nous remarqueronsque la différence des densités D et d est
multipliée
parl’accélération g
de lapesanteur.
Il revient aumême de supposer la densité du
liquide
nulle,
etd’opérer
en un lieu où cette accélération sera83
notre
liquide
depoids spécifique
d,
non moléculaireet sans
viscosité,
devientsimplement
le vide. L’identité deséquations
(3)
et(7) prend
alors le sens suivant :la
particule
a la mêmetrajectoire
moyenne, soit dans leliquide
réel sous l’influence du mouvementbrownien,
soit dans le vide. Bienentendu,
la vitesseavec
laquelle
cettetrajectoire
est parcourue estdifférente dans les deux cas. Elle est constante en
moyenne dans le
liquide
réel,
uniformément accélérée dans le vide.6. --- Nous avons vu
plus
haut(§4)
que laformule
(3,7)
donnant leparaboloïde
moyen de chute estéquivalente
à la formule d’Einstein. Celle-cidonc à son tour
exprime simplement
le fait que latrajectoire
moyenne de laparticule
est la même dans leliquide
et dans le vide.Si nous réfléchissons à la méthode par
laquelle
nous avons obtenu
l’équation (7)
nous verronsqu’elle
est fondée
uniquement
sur leprincipe
d’équipar-tition
appliqué
à laparticule,
mais non auxmolé-cules du
liquide.
La nature moléculaire duliquide
n’intervient donc pas.
D’autre
part,
la formule d’Einstein ne diffèrede la formule
(3)
que parcequ’elle
contient le coeffi-cient de viscosité -ri. Ce coefficient a un senspurement
hydrodynamique
et ne suppose aucunement lanature moléculaire du
liquide.
Ainsi,
la formule d’Einstein estindépendante
de la nature moléculaire duliquide.
Il suit de là cette
conséquence
curieuseque la
formule
d’Einstein n’est pas uneformule
dumouve-ment brownien. Ce que l’on a
toujours
appelé
mouvement
brownien,
c’est le mouvement detrépi-dation d’une
particule suspendue
au sein d’unliquide.
Or ce mouvement est strictement uneconséquence
de la nature moléculaire duliquide.
Il nepeut
donc pas êtrereprésenté
par la formuled’Einstein
qui
a un sens toutdifférent,
etqui exprime
justement
lespropriétés
du mouvementqui
sontindépendantes
de cette nature moléculaire.7. Généralisation. - Cette
indépendance
des for-mules du mouvementbrownien,
parrapport
auxpropriétés
duliquide
(autres
que sonpoids spécifique
que nous pourrons
toujours
éliminer par le mêmeartifice consistant à modifier la
pesanteur)
se retrouve dans d’autres cas.Dans la
répartition
en hauteur desgrains
d’uneémulsion,
leliquide
n’intervient que par sonpoids
spécifique.
Larépartition
serait la même dans le vide avec unepesanteur convenable,
ou dans unmilieu non moléculaire de même densité.
L’élongation
moyenne d’unpendule,
sousl’in-fluence du mouvement
brownien,
ou la rotationmoyenne d’un miroir
suspendu
à un fil detorsion,
présente
exactement les mêmes caractères. Aucunedes formules
s’appliquant
à cesphénomènes
n’est,
plus
que la formuled’Einstein,
une formule dumouvement
brownien;
maissimplement
uneappli-cation du
principe
d’équipartition
à laparticule.
8. - Lagénéralisation
de ces faits ouvre desper-spectives
curieuses. Il semblequ’on pourrait
condensertoutes les formules actuelles du mouvement brownien
en un
principe unique :
laprésence
d’un
liquide
oufluide
de
constitution molécu!aire nechange
pas laforme
de latrajectoire
moyenne d’uneparticule,
mais seulement lavitesse
aveclaquelle
cettetrajectoire
estparcourue.
Elle nechange
pas
lespositions
moyennesd’équilibre.
J’ai tenté une démonstrationgénérale
de ceprincipe,
maisj’ai
étéimmédiatement
arrêté
par
des difficultésmathématiques
Ilconsti-tuerait une
synthèse
remarquablement simple
desdivers énoncés actuels.
De
plus
ilpermettrait
de retrouver avec uneextrême
simplicité
les formules fondamentales. Parexemple,
si onl’admet,
latrajectoire
moyenne d’uneparticule
doit êtrereprésentée
par la formuleD’autre
part,
le mouvement vertical se faisantd’après
la loi de chuteon voit en éliminant entre ces deux formules que
l’on doit avoir
Nous arrivons donc à la formule d’Einstein par une
voie extrêmement
simple.
Puisque
la démonstration duprincipe général
que nous venons d’énoncer n’est pasdonnée,
nousdevons admettre comme
possible qu’il
soitinexact,
ou que son exactitude soit limitée à un certainnombre de cas. Mais s’il est inexact dans le cas où
une
particule
est soumise à unchamp
uniforme,
alors la formule d’Einstein est inexacte aussi. On
sait que sa vérification
expérimentale
n’a pas étéfaite avec une
grande
précision,
etqu’il
subsisteun doute sur sa
rigueur.
9. -- Cette vérification n’a du reste
pas le sens
qui
lui a été attribué. Elle s’est faite en
général
enétudiant le
déplacement,
dans leplan
horizontal,
de
particules sphériques
de rayon connu dans unmilieu de viscosité
hydrodynamique
connue.Si le
déplacement
vertical avait été mesuréaussi,
on aurait connu tous les éléments du
paraboloïde
représenté
parl’équation
(3)
et ainsi leprincipe
del’équipartition
aurait pu êtrevérifié,
sans aucune84
En l’absence de mesures du mouvement
vertical,
la vérification est
incomplète
et n’a pas de senslogique
précis,
parcequ’elle
fait intervenirsimul-tanément deux
phénomènes
sans lesséparer
l’unde l’autre. Si
l’équipartition
était endéfaut,
de 10 pour 10o par
exemple,
et si la formule deStokes était aussi en défaut de 1 o pour 100 dans un sens
convenable,
l’expérience,
tellequ’elle
a étéfaite,
nepermettrait
pas de s’enapercevoir.
Si cetteexpérience
n’était pas d’accord avec lathéorie,
nous ne saurions pas si le désaccord serait attri-buable à
l’équipartition
ou à la viscosité.La méthode de Nordlund
[2],
danslaquelle
onpeut
étudier simultanément les mouvements browniens
horizontal et
vertical,
permettait théoriquement
derésoudre la
question.
Mais Nordlund n’a pas faitemploi
de cettepossibilité.
Il est
remarquable
que Furth[3]
a trouvé unediscordance entre les résultats donnés par le
mouve-ment horizontal et le mouvement vertical : ce
qui
revient à dire que les
particules
ne suivent pas leparaboloïde théorique.
La raisonqu’il
a donnéede cette
divergence
ne semble pas suffisante[4].
On voit que les difficultés que soulève la théorie
du mouvement brownien sont loin d’être résolues. On
pourrait
résumer tout ceci en disant que ledéfaut de la formule d’Einstein est que le
temps
y est introduit parl’hydrodynamique
au lieu del’être par la
mécanique
moléculaire.10. Les véritables formules du mouvement brownien . - Ces formules
doivent,
d’après
cequi
pré-cède,
donner non pas lestrajectoires
moyennes, maisles vitesses le
long
de cestrajectoires;
car ce sont cesvitesses
qui
sontréglées
par la nature moléculairedu
liquide.
Or les vitesses sont sous l’influence dela viscosité. Il suit de là que les véritable formules
du mouvement brownien sont celles
qui
permettent
de calculer apriori
la viscosité(ou
le coefficient dediffusion)
àpartir
d’unereprésentation
molé-culaire des fluides.Le fait que
l’application
duprincipe
d’équipar-tition à la
particule
n’estpossible
que si leliquide
a une constitution
moléculaire,
nechange
rien àce
qui précède.
Manuscrit reçu le 18 juillet 1939.
BIBLIGGRAPHIE.
[1] ZANGGER, NORDLUND et FURTH, Voir J. DUCLAUX, Mou-vement brownien (Actualités scientifiques, Paris, Her-mann, 1937-1938).
[2] NORDLUND, Zeit. phys. Chem., 1914, 87, p. 40.