ÉTUDE DE LA CARENCE EXPÉRIMENTALE
EN MAGNÉSIUM CHEZ LE VEAU
I. — OBSERVATIONS CLINIQUES, BIOCHIMIQUES ET ANATOMO-PATHOLOGIQUES P. LARVOR Anik GIRARD, M. BROCHART, A. PARODI
J.
SEVESTREP. CHAGNAUD, Nicole BERTHELOT C. ROTH
Laboratoire de Nutrition minérale, (I. !V. R. ;1.)
Laboratoire
<i’ilisiologie
et AnatollÚepathologiques,
LalJoratoiri’ de Recherches de la Chaire de
l’athologie chiritrgicale, (LN.RA.)
¡Laie nationale vétérinaire,
.1!jort (Seine)
SOMMAIRE
L’expérimentation a porte sur huit veaux de race Frisoitne, quatre d’entre eux étant carencés
en magnésium et quatre autres servant de témoins. La croissance des carences a été environ 40 p. 100
de celle des témoins. Les symptômes
cliniques
observés ont été très voisins de ceux décritsclassique-
ment, et sont rapportés en détail
L’analyse
du plasmasanguin
a montré une baisse importante dumagnésium, accompagnée
d’unc baisse du calcium, du
phosphore
minera) et de laphosphatase
alcaline. La diminution de celle-ci n’est pas due à l’inactivation par manquc demagnésium,
mais à une diminution de la pro- ductiond’enzyme.
Le sodium, le
potassium
et l esprotéines plasmatiques
sont restésinchangés.
La formule leuco-cytaire
était peu modifiée, mais le nombre deglobules
rouges était nettement diminué chez les ca-rei-icé q .
L’électrocardiogramme
subissait des modificationslégères,
contrastant avec l’intensité dessymptômes
musculaires.
Les lésions
macroscopiques
etmicro,copiques
sont décrites, ainsi que les modifications de lacomposition
minérale dequelques
tissus (os, muscle etpoil).
()n constate unehyperplasie
et une con- gestionimportante
des glandesparathyroïdes,
une diminution dumagnésium
des tissus, accompa- gnée d’une élévation du rapport CalT’ de l’os. Ces résultats sont comparés aux données de la biblio-graphie,
et discutés.- --
INTRODUCTION
L’étude de la carence
expérimentale
enmagnésium
a donné lieu à de très nom-breux travaux
depuis
queJ.
LFROV a démontré en192 6
le caractèreindispensable
de cet élément pour les mammifères. Les
problèmes posés
parl’interprétation
desrésultats de cette carence sont
cependant
loin d’être tousrésolus,
et onpeut
citerentre autres
points
obscurs laquestion
de son influence sur le métabolisme du cal- cium et celle de son interaction avec le métabolisme de l’iode. C’est en vue de con-tribuer à éclaircir ces deux
points particuliers
que laprésente
étude a étéentreprise.
L’exposé
des résultats sera divisé enquatre parties :
I. - Observations
cliniques, biochimiques
etanatomopathologiques.
II. - Interférence entre la carence en
magnésium
et le métabolisme du calcium.III. - Interférence entre la carence en
magnésium
et le métabolisme de l’iode.IV. - Mise en évidence de
phénomènes hémolytiques
dans la carence enmagnésium.
L’article
qui
suit constitue lapremière partie
de cetexposé.
MATÉRIEL
ETMETHODES
Alimentation
On a utilisé un lait
semi-s y nthétique
il faible teneur en magnésium, dont lacomposition
estdonnée par le tableau I . les
ingrédients,
sauf la graisse, étaient mélangés et ensachés sous formepulvérulente.
Lapoudre
était diluée dans de l’cau ordinaire chaude au moyen d’unagitateur
à hélice,puis
onincorporait
la matière grassequi
était émulsionnée au moyen d’un homogénéisateur(modèle
A.L.D2.6 des Établissements Auguste et des Moutis). Le lait était préparé et distribué deux fois par jour et donné tel quel aux veaux carencés ; on y
incorporait
par litre de lait z,75o g deMgS0 4 ,
7 1I20, sous forme de solution concentrée avant de le distribuer aux veaux témoins. Tous les sels minéraux utilisés étaient de la qualité !! pour
analyses
,. La teneur finale enmagnésium
était enmoyenne de 20mg par litre pour le lait carence et t 9o mg pour le lait témoin, c’est-à-dire, pour ce
dernier,
plus qu’un
lait normal(environ
r2o mg), l3tnxrra et a7.( 1054 )
ayant montré que 100 mg par litre sont nécessaires pour le maintien d’une magnésienne normale chez le veau de lait.Par rapport aux laits
semi-synthétiques préc<misés jusqu’à
présent, laprincipale originalité
de ce
produit
est l’utilisation d’une source deprotéines
à haute valeurbiologique (Hyperprotidine Guigoz N.D.)
obtenue par extraction des protéines totales du lait au moyen d’unprocédé spécial.
Contrairement aux laits semi
synthétiques
habituels, à t>ase de caséine, ceproduit
est suscep- tible de coaguler dans des conditions analogues à celles d’un lait naturel, cequi
paraît devoir favo- riser le bon fonctionneutent du tractusdigestif
du veau.A nil l zaux
l3uit veaux de race Frisorzne Pie Aoire, mâles non castrés, de zo à 15
jours,
et pesant initialement 40à 50kg
furent appariés sur la base d’unpoids
initial aussi voisin quepossible,
etrépartis
au hasardentre deux groupes
expérimentaux.
L’un des groupes reçut le lait carencé en Mg raison de rz p. 100 dupoids corporel
des veaux, et l’autre groupe la mêmequantité
du même laitcomplémenté
avecMgS0
4
.
Les veaux étaient muselés et élevés par groupes de quatre dans deuxgrands
boxcontigus,
sur une litière de
paille.
L’observation des animaux et les résultats desautopsies
permettent de conclure quel’ingestion
de paille fut très restreinte etpratiquement négligeable.
Les témoins serontdésignés
par lesymbole
D (r il 4) et les carencés par le symbole G(i
à4 ).
Les animaux ont faitl’objet
d’une surveillance attentive. Ils étaient peséschaque
semaine.D
2z·thodes
!hi!iii!lli-s
Les
prélèvements
de sanghéparine
étaient hebdomadaires. Danschaque
échantillon deplasma
on a dosé le calcium, le sodium et le
potassium
parphotométrie
de flamme(appareil 7?ppendorf),
le
magnésium
par la modification de LEWIS de la méthode aujaune
de titane( 19 6 0 ).
On dosaitégalement
lephosphore
minéral du sang total par la méthode de Dhssorr auphosphovanadomolyb-
date d’ammonium, et la
phosphatase
alcaline duplasma
par la méthode de Bor>nNSi;Y(ROCHE
etN GUYEN
VAN Tuont, i9a LOISELEUR,
1947 ) ;
laphosphatase
alcaline était dosée une seconde foisaprès
addition de [o !ig demagnésium
pour o,4ml deplasma,
defaçon
à voir si la baisse dumagné-
sium
plasmatique
étaitsusceptible
d’inhiberpartiellement
l’activité de laphosphatase.
Les
protéines
duplasma sanguin
ont été soumises àl’électrophorèse
surgélose
selon la tech-nique
décrite par GRABAR(G RAH A R
et Bnartv, ig6o).Les os et les muscles furent séchés, broyés,
dégraissés
à l’éther depétrole
et minéralisésà g!o°C.
Leurs minéraux ont été dosés par les mêmes méthodes que
précédemment,
sauf pour lemagnésium (phosphate
ammoniaco-magnésien).Les
techniques
deprélèvement
et dedosage
despoils
ont été décrites antérieurement(B RO -
CHAR T,
1957).
Les autres méthodes utilisées
(exploration
du métabolismecalcique
au moyen de ’°Ca,dosage
de l’iode
protéo lié)
seront décritesrespectivement
dans lesparties
II et III de cet exposé.Histol ogie
Les
prélèvements histologiques
ont été fixés dans le formol à 10p. 100et colorés à l’hématéine- éosine.Électrocardiographie
etradiologie
Les
électrocardiogrammes (ECG)
ont été relevés par télémesure,l’appareil
d’émission(Phy-
siotel Dallon,
U.S.A.),
retransmettant l’électrocardiogramme à unappareil
deréception (Telco, Paris). L’enregistrement
a été fait, soit au moyen d’unenregistreur
àplume,
soit parphotographie
d’un écran
cathodique.
On a utilisé la dérivation :angle supéropostérieur
descapulum, pointe
del’épaule (du
côtédroit).
Par sa nature, la télémesure utilisée ne permet pas d’affirmer lapolarité
et la valeur réelle des tensions relevées. Par définition, l’onde P a été considérée comme
positive
etdétermine l’orientation de l’axe Y des
électrocardiogrammes.
Pour
chaque
animal on aradiographié
post martem unmétacarpien, après
nettoyage sommairede l’os.
Interprétation statistique
La
signification
de la différence entre témoins et carencés a été calculée en prenant pour base la différence à l’intérieur de chaque paire d’animaux et en calculant l’intervalle de confiance de la a’ t6 B
moyenne des différences
I
M +T ). Il est évident que si zéro est compris
dans cet intervalle, la
d’ff’ , ..!’
&dquo;lN
N ’1 l &dquo;d’ , , 1 1 différence n’est passignificative.
Le seuil de ,; p. 100 a étéadopté,
et on a renoncé à calculer unintervalle de confiance
lors d u’il
ne restaitplus
que deux animaux par groupe.RÉSULTATS
Croissance
La
figure
i donne la courbe de croissance des deux groupes. Pour les veauxtémoins elle a été en moyenne de 950g par veau et par
jour
entre lespoids
de 60kg
et 110
kg.
Les veauxcarencés, après quatre
àcinq
semaines de croissancenormale,
atteignirent
lepoids
moyen de 60kg
en mêmetemps
que les témoins. Dans lesjours qui suivirent,
la courbe de croissance s’infléchit et legain
depoids quotidien
ne futque de
3 85
g par veau et parjour,
soit 40 p. roo de celui des témoins. Ce ralentisse- mentsignificatif
de la croissance n’e3timputable
que pour une faiblepart
à la dimi- nution del’appétit,
sauf vers la fin del’expérience,
et constitue donc un effetspé- cifique
de la carence. Lesphotographies
i et 2 de laplanche
i montrent la différenceimportante
dans la stature etl’aspect
des animaux normaux et carencésaprès
douze semainesd’expérience.
Symptômes cliniques
Pendant la
première semaine,
à la faveur de l’introduction d’animaux d’ori-gines diverses,
et de la transition brutale du lait naturel au laitsemi-synthétique,
on observa
plusieurs
cas d’entériteinfectieux,
degravité
variable. C’est cequi explique
la croissance réduite au début(fig. i).
Lesantibiotiques ayant
rétabli lasituation,
on n’observaplus
de manifestationspathologi d ues
chez les témoins. Leur croissance futrégulière,
et même leslégers
accès dediarrhée,
sifréquents
chez lesjeunes,
furent très rares.L’adjonction
d’unantiseptique (furazolidone,
FuroxoneN.D. de la Société
Lipha)
aulait,
aprobablement
aidé au maintien de cet excellent état sanitaire.Les veaux carencés commencèrent à manifester une certaine nervosité
cinq
semaines
après
le début del’expérience,
alors que leurmagnésium plasmatique, primitivement
aux alentours de 2 mg pour iooml,
était tombé ào,ô
mg pour roo ml(fig. 2 ).
Quelques jours plus
tard(le
iimai)
le veau G2présenta
une crise de contrac-tures
violentes, pratiquement
sans aucunsigne prémonitoire.
Les 4 veaux carencés ontprésenté
descrises,
3 d’entre eux sont mortsspontanément (G 2 , G 3
etG 4 ),
aux
Se,,
Ire et z2e semaines de la carence, au cours d’une crisetétanique qui
étaitrespectivement
la 2°, la rre et la 3e observée. Le 4° veau(Gi)
fut abattu à la12
e semaine de la carence, alors
du’il
était en assezpiteux état, après
avoir résisté à 24 crisestétaniques
observées.Une crise
typique
se déroulegénéralement
comme suit(les photographies
3et de
laplanche
i illustrent certains de cessymptômes) :
l’animal tombe bruta-lement sur le
côté,
enpoussant
desbeuglements
violents(au
début de la crise seu-lement),
saposition
habituelle estl’opisthotonos : pattes
enextension,
tête renverséeen
arrière,
la colonne vertébralearquée
en arrière. Tous les muscles sont en contrac- tiontonique intense,
le corps tout entier estrigide
etdur, agité
par moment de fré-missements ;
on n’a pas observé de contractions véritablementcloniques (parfois
l’animal fait des mouvements de
pédalage
avec les membresantérieurs).
Les contrac-tions musculaires ont souvent de brèves rémissions suivies de
reprises ;
la duréetotale de la crise était
généralement
de io à 15 minutes.Après quelques
instantsd’apnée,
larespiration reprend,
forte etprofonde.
Lerythme cardiaque
est accéléré(de
l’ordre de 200 battements parminute).
Les yeux sont exorbités etrévulsés,
les mâchoiresserrées,
souvent les dentsgrincent.
Latempérature, lorsqu’elle
a pu êtreprise
avant etaprès
lacrise, augmentait légèrement (+ o, 5 °C environ). Après
lacrise,
l’animal se relèvepéniblement,
cherche souvent à boire et émetfréquemment
unebave spumeuse.
Dans l’intervalle des
crises, qui peut
durerjusqu’à
unesemaine,
les veaux res-tent très nerveux, se mettent à trembler dès
qu’on
lesmanipule.
On observefréquem-
ment un frémissement de certains
muscles,
notamment de la croupe, des anconés et du flanc. I,es veauxprennent
une attitude de reposanormale, comparable
àl’o!is- thotonos,
bien que n’étant pas en état de crise. Cetteposture paraît
leur êtreplus
facile à
prendre
que laposition normale,
cequi
sembleindiquer
unehypertonicité
musculaire
permanente
des extenseurs. On remarque aussi une ouverturepalpébrale plus grande
en permanence chez lescarencés,
ainsi que des difficultés dedéglutition,
apparemment
enrapport
avec un spasmepharyngo-oesophagien.
Les animaux carencés démuselés lèchaient tous lesobjets
à leurportée, beaucoup plus
activementque les
témoins,
etingéraient
desobjets
divers :poussière, gravier, fèces,
etc. ceque les témoins ne faisaient pas.
Composition
du sangLa baisse du
magnésium,
d’abordrapide,
devientplus
lentelorsque
lemagné-
sium du
plasma
avoisineo,6
mg pour 100ml(fig. 2 ).
Simultanément onenregistrait
une baisse de
calcium,
duphosphore
minéral et de laphosphatase
alcaline dans lesang
(fig. 3, 4 ét 5 ). Lorsque
la carence est trèsavancée,
lemagnésium
s’abaissejus- qu’aux
environs de 0,25 ào, 3 o
mg pour 100ml,
mais ne descend pasplus bas,
mêmesi les animaux survivent
quelques
semaines. Il estprobable
que les réserves cellu- laires enMg
sont alors sollicitées pour maintenir lamagnésiémie.
Vers la fin de
l’expérience,
lemagnésium plasmatique
était déterminéquoti- diennement,
etparfois plusieurs
fois parjour (après
lescrises).
On aobservé,
enrègle générale,
que les crises étaientprécédées pendant quelques jours
d’unepériode
oùe
magnésium plasmatique
était trèsfaible,
et que cemagnésium
remontait brus-quement pendant
etaprès
les crises. Oncomprend
aisément que dans ces conditions il ne soit paspossible
d’obtenir une bonne corrélation entre lemagnésium sanguin
et les
symptômes.
Si onreprésente
le calcium duplasma
en fonction dumagnésium
chez les carencés
(fig. 6),
on constate que le calcium est resté constantjusqu’à
ceque le
magnésium
tombe en dessous deo,6
mg pour 100ml,
ensuite le calcium baisseen même
temps
que lemagnésium.
Le
phosphore minéral,
luiaussi,
accuse une baisse à peuprès
concomitante de celle du calcium(fig. 4 ),
mais moins évidente du fait de lagrande
variabilité duphos- phore.
La
phosphatase
alcaline diminuesignificativement
à peuprès
en mêmetemps
que le calcium
(fig. 5 ).
L’addition demagnésium
au substrat pour ledosage
dephosphatase
asystématiquement légèrement
élevé les résultats de o,5à 5 unités (moyenne
environ 1,5 à2 ),
aussi bien chez les témoins que chez les carencés.Il est à noter que les animaux carencés ont souvent eu un
plasma jaune foncé,
contrastant avec le
plasma
presque incolore des témoins.I,’électrophorèse
surgélose
duplasma sanguin
a été réalisée à la 6e et à lag
e
semaine del’expérience ;
on n’a constaté aucune différencesignificative
dansla répartition
desprotéines.
CytoLogie saaaguiaae
I,a
numérationglobulaire
et la formuleleucocytaire
ont été établies à deux re-prises après
5 semaines et 9 semaines de carence. Les résultats en sont donnés dans le tableau 2. On voit que le nombre deglobules
rouges par mm3 de sang,déjà
diminuéà 5
semaines,
a étésignificativement plus
faible chez les carencésaprès
9 semaines.On observe
également
une tendance à une élévation du nombre relatif despetits
lymphocytes
chez les carencés.Électrocardio gramme
On a réalisé un ECG à 3
reprises, après
6semaines,
7 semaines et g semaines decarence. I,e tableau 3
indique
les valeurs observées pour différentsparamètres
de l’ECG. Dans l’ensemble la discrétion des modificationsélectrocardiographiques
contraste avec la violence des
signes cliniques.
Cesenregistrements
n’ont pas été réalisés enpériode
de criseaiguë,
lesartefacts d’origine
musculaires étanttrop impor-
tants.
Cependant
lessymptômes d’hyperirritabilité
des veaux carencés étaient évi- dents.On observe deux tendances non
significatives : augmentation
durythme
car-diaque
etallongement
de l’intervalleRT,
et une modificationsignificative quoique
faible : raccourcissement de l’intervalle
PQ.
Un seul tracé aberrant : celui du veau carencé
G 2 ,
dont l’onde T avait unegrande amplitude,
et était en outrediphasique (fig. 7 ).
Al’autopsie
on observa une myo- carditedégénérative
sévère(vpir plus
loin auparagraphe anatomopathologie).
Cecas étant
isolé,
il n’est paspossible
d’affirmer une relation de cause à effet entre lacarence
magnésienne
et les troublescardiaques
graves du veau G2.Anatomie et
histologie fialkologiqiies
Les veaux carencés
G 2 , G 3
etGq, qui
sont mortsspontanément,
ont étéautopsiés respectivement
iheure,
3 heures et i heureaprès
leur mort. Le veauG I , abattu,
a été
autopsié
immédiatement. Les témoins furent abattus chacun le lendemain de la mort du veau carencécorrespondant,
etautopsiés
immédiatement.Il y avait très peu de
graisse,
interne ou de couverture, chez les veauxcarencés,
et on
pouvait
noter unelégère hypertrophie
dusystème ganglionnaire.
Chez les 3 veaux morts
spontanément,
le cœurprésentait
de nombreusespété- chies,
de natureagonique (pl.
2,photo. 3 ), puisque
le coeur du veau abattuaprès
avoirprésenté
24 crises n’enprésentait
aucune. Onpeut également
con-sidérer comme
agoniques
leshémorragies
abondantessous-péricardiques
et sousendocardiques
du veauG 3 .
Par contre, les lésions suivantes sont certainement bien antérieures :myocardite dégénérative
du veau G2(avec signes électrocardiogra- phiques), présence
d’une sérositéjaunâtre
abondante dans lepéricarde
du veauG 3 ,
coeur
pâle
et marbré du veauG 4 .
Le veau Gi avait un cceur auxparois
un peu amin-cies,
mais non franchement différent de la normale. L’examenhistologique cardiaque
a montré de nombreuses
hémorragies
duparenchyme cardiaque,
sans lésions dedégénérescence,
sauf pour le veau G2.Le foie était
macroscopiquement normal,
maisprésentait histologiquement
une
prolifération fibroblastique périportale
débutante chez le veauG 3
et très accusée chez le veau Gi(pl.
3,photo. 4 ).
Les reins étaient normaux, sauf pour
G 4 : grandes
lésions nodulaires blanches à contourirrégulier
et dont la surface se confond avec celle duparenchyme (pl.
2,photo.
i et2 ). L’histologie
montrait unenéphrite
interstitielle enfoyers (rein
àmacules).
La trachée des veaux G2 et
G 3
contenait une abondantespumosité sanglante, cependant
les poumonsparaissaient
normaux.Les surrénales des veaux
G 3
etG 4 présentaient
des nodulespâles
disséminésà la surface de la
glande, correspondant histologiquement
à des nodules corticauxaccessoires,
assezfréquents
cher; les bovins(DE LPH i A
etat., ig6i).
Les
parathyroïdes
internes et externes ont étésystématiquement recherchées,
on ne les a pas trouvées chez le veau
G 3 .
Chez les autres veaux carencés elles étaientnettement
hypertrophiées ( P l.
2,Photo. 4 ),
de couleur normale chez le veauGi,
et très
congestionnées
chez G2 etGq. Histologiquement
laparathyroïde
de GI étaitnormale. Au contraire celle de G2et de
G 4
était lesiège
d’une fortehyperplasie (pl.
2,photo.
4
).
L ensemble de laglande
revêt unaspect homogène,
résultant de ladispari-
tion
quasi
totale du stromaconjonctivo-a<lipeux, remplacé
par le tissuglandulaire.
La structure trabéculaire
classique
est accusée par le tassementréciproque
des cel-lules,
aucunedisposition papillaire
ou acineuse n’est observée. La vascularisation est notablementaugmentée,
toutparticulièrement
dans lesparathyroïdes
de l’animalG 4
,
oit l’on observe une très forte distension descapillaires.
L’ensemble de ces modi- fications fait penser à unehyperplasie parathyroïdienne
secondaire(C!s’r!,!w_w, 1052
) ; (pl.
3,photo.
1, 2 et3 ).
Différents organes ont été
pesés,
les résultats sont fournis dans le tableau 4. On voit que le tissuparathyroïdien
total était environ deux foisplus
abondant chez lescarencés,
que lesthyroïdes
et les surrénales avaient unpoids
sensiblementnormal,
ainsi que les
métacarpiens.
Lethymus,
normal chez les carencésqui
sont mortsprécocement, s’atrophie
ensuite considérablement.L’étude radiographique
dumétacarpe
n’a montréqu’une
seule anomalie : début d’ostéofibrose chez le veauG 4 .
Lepoids
desmétacarpiens
ainsi que lalargeur
ducartilage
d’accroissementproximal
n’ont pas montré de différencesignificative
entretémoins et carencés.
Compositio 1
t chimique
des tissusL’analyse
minérale de deuxtypes
d’os(vertèbres
caudales etdiaphyse
de méta-tarsien),
d’un groupe musculaire(anconés)
et de deuxtypes
depoils (épaule
ettoupet)
a été effectuée. Les résultats obtenus sont
figurés
dans le tableau 5,qui
montrequ’il
y a une diminution
générale
dumagnésium
dans cestissus,
mais dans uneproportion
très
variable ;
la diminution deMg
est très nette dans lepoil
et les os,beaucoup plus
discrète dans le muscle. La
représentation
de la teneur enMg
de ces tissus en fonctionde la durée de la carence
(fig. 8),
est trèssuggestive.
On voit que leMg
de l’os baisseprofondément
etprogressivement,
et que leMg
de l’osspongieux
est leplus
mobili-sable. Le
Mg
dupoil
baisseprofondément
etrapidement, puis
reste à un niveaufaible sans diminuer
plus.
LeMg
musculaire baisse peu, et seulement chez les trois animauxqui
ont été carencéspendant
untemps
assezlong.
On observe aussi uneélévation
significative
durapport Ca/P
des os, ainsiqu’une augmentation
du sodiumet une baisse du
potassium
osseux ; cetteaugmentation
durapport Na ’ /K
se retrouvedans tous les tissus
analysés,
mais defaçon
nonsignificative, excepté
dans les ver-tèbres caudales.
DISCUSSION
E f
ets
de la cavenee sur la cvoissanceLes données
bibliographiques
sont assezdisparates
à cetégard :
pour BLAXTERet al.( 1954 )
la croissance du veau est peu affectée par la carence enmagnésium,
tandisque pour THOMAS
( 1959 )
la croissance des carencés est 50 à 60 p. 100 de celle destémoins,
et que pour R. H. SMITH( 1957 )
la croissance des carencés est 40 p. 100 de celle destémoins, pendant
lapériode
oit les veaux carencésmangent
encore nornia-lement. Ce dernier résultat est très voisin de ce due nous avons obtenu. Ces diffé-
rences
pourraient
être enrapport
avec le caractèreplus
ou moinsaigu
de la carence.On remarquera que la croissance des veaux témoins
( 950 g/jour)
fut très satis-faisante et
atteignait
presque celle des veaux nourris au lait naturel(environ
iioog/
jour
dans des conditionsanalogues, d’après
notreexpérience personnelle) ;
onpeut
donc considérer que la nutrition des veauxd’expérience
étaitnormale,
sauf en cequi
concerne lemagnésium,
cequi
est trèsimportant
pour la validité des résultats.Symptômes cliniques
Dans
l’ensemble,
lessymptômes
observéscorrespondent
bien auxdescriptions
antérieures
(D UNCA )¡&dquo;
etal.,
Zg35; Wisk etal.,
1939; Br·aY2!R etal.,
1954; HAi<7KINSet
al.,
1955;P ARR ,
1957;THOMAS, 1959).
On se bornera donc à
quelques
remarques à cesujet :
- Le fait que les animaux
beuglent
fortement au début des crises ne semblepas avoir été
signalé jusqu’à présent ;
il futpourtant remarquablement
constantdans nos observations.
- Certains auteurs
parlent
de « contractionstoniques-cloniques
des membres »:(‘’Vis!
etal.,
1939; BLAXTER etal.,
1954; HAWKIXS etal., 1955 ).
Bienqu’ayant
puobserver en détail et filmer une dizaine de
crises,
nous n’avonsjamais remarqué
de contractions
cloniques,
toutes les contractions étaienttoniques
et mêmetypi- quement tétaniques ;
les tremblements étaient dus àl’antagonisme
des groupes musculaires et non à des contractions courtes et brutales.Composition sanguine
La relation entre la carence
magnésienne
et le métabolismephosphocalcique
sera discutée dans la seconde
partie
de cet article. L’abaissement dumagnésium
avant les
crises,
suivi d’une remontéependant
etaprès
les crises adéjà
étésignalé,.
notamment par R.!1-
( iq 4 z)
et par ’f iio-%IAS(i<)5o).
La diminution de laphosphatase
alcaline a
déjà
étésignalée
dans le cerveau de canards carencés enmagnésium (Van
REE
N et PEAR.sox,
1953 )
Laphosphatase
alcaline duplasma
n’a pas baissé dans lesexpériences
de carenceen Mg
de BLAXTERet Room( I g 55 ) ,
et l’addition demagnésium
au
produit
à doserpendant
l’incubation n’a pasprovoqué d’augmentation
de l’acti-vité
phosphatasique.
Onpeut
en conclure : 10 que lemagnésium présent
dans leplasma
des veaux carencés est suffisant pour activer laphosphatase alcaline ;
20 que la baisse de laphosphatase
alcaline que nous avons constatée n’est pas directementprovoquée
par la carence enmagnésium,
maisexprime
laperturbation
du métabo-lisme
calcique.
Cytologie sanguine
La diminution du nombre de
globules
rouges chez les carencéspourrait
êtrecausée par le mauvais état
général
de cesanimaux ;
mais si onrapproche
ce faitde la coloration
jaune
foncé duplasma
descarencés,
il estpermis
de se demanders’il ne se
produit
pas une discrètehémolyse, accompagnée
d’ictèresubclinique,
enrelation avec la carence en
magnésium.
Cette coloration, foncée duplasma sanguin
des
carencés, qui n’apparaît
quetransitoirement,
adéjà
étésignalée
par WISE et al.(ig 3 g).
Lesquelques dosages préliminaires
que nous avons fait montrentqu’il s’agit
de bilirubine sous forme libre(indirecte) ;
l’étudeapprofondie
de cephénomène
fera
l’objet
d’un travail ultérieur.Is l ectyocarcli o g rcarranzc
Les
conséquences électrocardiographiques
de la carencemagnésienne,
si l’onexcepte
lamyocardite
du veau0 2 ,
dontl’origine
carencielle estdouteuse,
ont étédiscrètes,
cequi
nepréjuge
d’ailleurs pas de lagravité
destroubles,
la seule modifi- cationsignificative
étant unléger
raccourcissement de l’intervallePQ.
Ces résultats contrastent nettement avec ceux obtenus chez des vaches adultes en tétaniehypoma- gnésiémique
par de GnooT(io6o), qui
obtient desélectrocardiogrammes beaucoup plus perturbés, peut-être
enpartie
par desczrte jncts d’origine musculaire ;
cet auteur observe notamment, en mêmetemps
que lemagnésium s’abaisse,
une élévation durythme cardiaque
et un raccourcissement des intervalles RT et PT. Par contre DaNTZZG et WALKER( 1955 ), qui
ont obtenu chez six chiens un abaissements consi- dérable dumagnésium plasmatique (niveau
final 0,57 mg pour 100ml)
au moyendu rein
artificiel,
n’ont observé que des modificationsinsignifiantes
del’ECG,
et MeuxaT( 195 8)
aenregistré
des résultatsanalogues
chezl’homme, également
aumoyen du rein
artificiel,
mais avec unmagnésium plasmatique
ne descendant pasen dessous de i mg pour 100ml.
Anatomie et
histologie pathologiques
Le tableau 6
récapitule
lesprincipales
données antérieurement établies de l’ana- tomo- et del’histopathologie
chez les veaux carencés enmagnésium
et les compareavec nos résultats. On remarquera que les lésions de nature
agonique
sonttoujours
observées
(pétéchies)
et que les calcificationsvasculaires, cardiaques, spléniques
etdiaphragmatiques
sont surtout observéeslorsque l’expérience
dureplus de 4 mois,
donccorrespondent
à une carencechronique.
Ces calcificationsqui
touchentparfois
la musculature
striée,
mais ne sont alors visiblesqu’à
la coupehistologique,
ne sontpas attribuables à la carence en vitamine
E, puisque
les lésions musculaires dues à cette carence sont très différentes(dégénérescence cireuse)
et que l’addition de toco-phérol
à la ration ne diminue pas leurfréquence
ou leur intensité(THOMAS, 1959 ).
Les lésions rénales
paraissent fréquentes,
ainsi que les lésionshépatiques, proba-
blement en liaison avec la déficience
cardiaque
et avec la durée de la carence.L’hypertrophie
desparathyroïdes,
difficile à voir par suite de la localisation de cesglandes,
est trèsprobablement
enrapport
avecl’hypocalcémie ;
cepoint
seraplus amplement
discuté ultérieurement. Les deux casd’hyperplasie
surrénalienne(nodules sphériques
de tissus normal dans leparenchyme surrénalien)
sont vraisem-blablement
d’origine congénitale
et sansrapport avec
la carence. I,’ostéofibrose débutante du veauGq peut
être mise enrapport
avec l’intensehyperplasie parathy-
roïdienne de cet
animal,
etrappelle
assez les lésionsqui accompagnent l’hyperpara- thyroïdisme
secondaire.Composition chimique
des tissusLe
magnésium
de l’os(vertèbres
caudales etdiaphyse
dumétacarpe)
et dupoil (toupet
etépaule, poil
noirseulement)
a été nettement abaissé à la suite de cettecarence. La
figure
8 montre quel’importance
de cette réactiondépend
de la duréede la carence, surtout pour
l’os,
cequi
confirme les résultats de R. H. SMITH( 1959 ).
I,’élévation
durapport Ca/P
de l’os est directement enrapport
avec la teneur enmagnésium
de cet os, surtout pour lemétacarpe (fig. 9 ).
La relation est moins nettepour les vertèbres
caudales, probablement
parcequ’il
estbeaucoup plus
difficiled’éliminer du
prélèvement
le matériel non osseux.I,e
magnésium
dupoil réagit
trèsrapidement
à la carence(fig. 8) ;
la croissance dupoil
entre le début et la fin de la carence étant presquenégligeable,
il est doncvraisemblable que cette différence est due à la modification de
composition
dessécrétions sudorales et sébacées.
1
La
figure
10 montrequ’il
existe une relation nette entre lemagnésium
osseux(métacarpe)
et lemagnésium
dupoil (toupet) (r
= + 0,945, P <0 , 01 ). I,’os
étantle
principal
réservoir demagnésium
del’organisme,
ceci tend à confirmer pour lemagnésium l’hypothèse
de travail émise par BROCHART( 1957 ),
selonlaquelle
lacomposition
minérale dupoil pourrait
être un reflet de la nutrition minérale d’unanimal ;
la vérification de ce résultat nécessitera l’examen d’un nombre d’animauxbeaucoup plus important.
Le
magnésium
dumuscle,
considéré commeinchangé pendant
la carence par BLAXT E
R et al.
( 1954 , ig6o)
et PARR( 1957 ),
n’a pas étésignificativement
différententre les deux groupes
(tabl. 5 ) ; cependant,
si onreprésente
la teneur enmagnésium
des muscles anconés en fonction de la durée de la carence
(fig. 8),
ons’aperçoit qu’il
y a un abaissement
léger,
mais manifeste(
r =o,8q.g,
P <0 , 01 ).
I,’interprétation
de l’élévation durapport Na/K
des tissus reste incertaine.Peut-être faut-il y voir une relation avec les nodules
hyperplasiques
des surrénalesdes veaux
G 3
etG 4 ,
ces deux animauxayant également
lerapport Na/K
leplus
élevé dans le muscle.