ÉTUDE DE LA CARENCE EXPÉRIMENTALE
EN MAGNÉSIUM CHEZ LE VEAU
3. — INTERFÉRENCE ENTRE LE MÉTABOLISME DU MAGNÉSIUM
ET CELUI DE L’IODE
Anik GIRARD, P. LARVOR M. BROCHART C. ROTH
Institut national de la Recherche
agronomique,
Labo y
atoire de
Physiopathologie de
la Nutrition, École nationale vélérinaire,Alfoyt (Seine)
SOMMAIRE
On a détenniné
chaque
semaine l’iodeprotéo-lié (l’BI)
de quatre veaux carencés enmagnésium
et de quatre veaux témoins. La carence en
magnésium
n’a pas influencé le niveau du PBI. L’activitéthyroïdienne
spontanée des animaux, estiméed’après
le PBI, avait par contre une influence sur le niveauauquel
tendait às’équilibrer
lemagnésium
sanguin, pour les deux groupesd’apports magnésiens.
Le PBI moyen des veaux était en relation inverse
significative
avec latempérature
extérieuremoyenne pendant la semaine
qui précédait
le prélèvement.- ...----
INTRODUCTION
S’il n’est pas douteux
qu’il
y ait une certaine relation entre le métabolisme dumagnésium
et celui del’iode,
la nature exacte de ces interactions reste obscure.I,es travaux de HEGSTED et al.
( 195 6)
ont montré quel’exposition
au froidaugmente
les besoins enmagnésium
chez le rat, et que l’administration dethyroxine
a les mêmes effets
(VITALE
et al. 1957a).
Les mêmes auteurs(VITALE
etral.,
1957b)
ont vérifié que
l’antagonisme signalé
in vitro entre lemagnésium
et lathyroxine
sur les
phosphorylations oxydatives (BAIN, 1954 ) pouvait
être retrouvé invivo,
c’est-à-dire que l’administration dethyroxine
à des rats entraîne ledécouplage
desphosphorylations oxydatives
dans lesmitochondries,
effetqui
se trouvecorrigé
parun excès de
magnésium.
Am.!ww et al.(ig6o)
ontconstaté,
au moyen del’isotope
radioactif
211-!Ig
que la stimulation de l’activité cellulaire par lathyroxine
accélèreles
échanges
demagnésium
chez lelapin,
tandis que lepropylthiouracyle (antithy-
roïdien)
les ralentit.En sens inverse
(influence
dumagnésium
sur lathyroïde),
les résultats sont moinsdémonstratifs : CoRRADixo et PARKER
( 19 6 2 )
ont montré que, chez le rat, la carenceen
magnésium
entraîne une diminution de la taille de lathyroïde
et diminue l’inten- sité dugoitre provoqué
par lethiouracyle, cependant
ces résultatsn’apparaissent
nettement que
lorsqu’on exprime
lepoids thyroïdien
en fonction dupoids corporel,
ce
qui
estdiscutable ;
les mêmes auteurs ont néanmoins observé un résultatplus probant :
la carence enmagnésium augmente
laquantité
d’iode radioactif retrouvé dans lathyroïde
24 heuresaprès l’injection
de !1.Deux
aspects principaux
de l’interactioniode-magnésium peuvent
être envi-sagés :
lapossibilité
de l’influence du niveau d’activitéthyroïdienne
sur le méta-bolisme du
magnésium,
et celle de la nutritionmagnésienne
sur la fonctionthyroï-
dienne.
MATÉRIEL
ETMÉ’I’HODES
Les
analyses
ont porte sur quatre veaux carencés en magnésium et quatre veaux témoins,matériel décrit en détail dans la
première partie
de cet article(1, ARVOR
et al., 1964). En outre, aucours d’une
expérience préliminaire,
on a suivi le métabolisme de l’iode chez un veau carencé enmagnésium
et chez un veau témoin, cequi
porte à 10le nombre total des animauxd’expérience.
L’activité
thyroïdienne
a étéappréciée
à intervallesréguliers
d’une semaine sur i ml deplasma hépariné.
Ledosage
a été effectué en double pourchaque
animal, au moyen de la méthode de CHA-NEY (1940) modifiée par LACHIVER
(r 95 6),
utilisant lacatalyse
par l’iode de la réduction du sulfate céricoarnmoniacal en présenced’anhydride
arsénieux. La méthode a étélégèrement adaptée
enmesurant
l’absorption
du sulfatecérique
à 3r5 5 my au lieu de 460iiiti.L’absorption
étantplus
fortedans l’ultraviolet, la sensibilité de la méthode se trouve nettement augmentée.
RESULTATS
1
°
E!et
du niveau d’activitéthyroïdienne
sur le métabolisme du
magnésium
Pour une teneur donnée en
magnésium
del’alimentation,
Br,AxTr;R et al.( 1954 )
ont montré que l’évolution du
magnésium sérique
du veau en fonction dutemps
suit une courbeexponentielle
tendant vers une valeurd’équilibre.
Nos observations s’accordent bien à cepoint
de vue, cequi permet
decalculer,
pourchaque animal,
la valeurd’équilibre
verslaquelle
tend sonmagnésium plasmatique.
Cette valeurdépend
évidemment de la teneur enmagnésium
de laration,
maisaussi,
pour une même teneur enmagnésium,
de facteurs liés à l’individu. Le tableau ipermet
decomparer le
magnésium plasmatique d’équilibre
avec le PI3I moyenpendant
toutela
période expérimentale.
Comme on a 2groupes de données
( 4
animaux nourris avec du laitcomplémenté
à igo mg de
IVTg
par litre et 4 animaux nourris avec du lait carencé à 20 mg deMg
par
litre),
le meilleur moyen decomparaison
estl’analyse
de lacovariance, qui
montre que le coefficient de corrélation :
logarithme
du niveaud’équilibre
dumagné-
sium-PBI moyen
(indépendamment
dumagnésium alimentaire)
est r = - 0,775,c’est-à-dire assez
proche
de la limite designification
5 p. 100( 0 ,8n)
pour 4degrés
de liberté.
2
°
Effet
de la carencemagyzésienne
sur l’activaaéthyroïdienne
Par contre le même tableau i montre que la carence
magnésienne,
même trèssévère,
n’a passignificativement
affecté le niveau duPBI, cependant
on note unetendance
(non significative)
à une variabilitéplus grande
du PBI pour un mêmeanimal,
chez les carencés.3
0
E!et
de latempérature
extérieure sur le niveuu de l’activitéthvyoïdienne
La
figure
i montrequ’il
existe une relationnégative
entre le PBI moyen deshuit veaux et la
température
extérieure moyenne à 9 heurespendant
la semainequi
aprécédé
leprélèvement
de sang. Le coefficient de corrélation est r = -o,6oi (limite
designification
5 p. 100 ==0 ,6 02 ).
4
0 Relation entre la
température
rectale et t’activité</!)!0:!?eMM<’
On n’a observé aucune relation constante entre le PBI et la
température
rectalemoyenne
pendant
la semainequi
aprécédé
leprélèvement
de sang. Il est vrai que latempérature
centrale a varié dans desproportions
minimes pour un même animal.DISCUSSION
Dans nos conditions
expérimentales (lait
contenant 16o !g d’iode parlitre),
la carence
magnésienne,
mêmeprofonde,
n’a passignificativement
altéré l’iodeprotéo-lié
duplasma ;
cecicorrespond
aux résultats obtenus par TODD et THOMPSON( 19 6 2
)
chez des bovinsadultes,
pourlesquels
la mise à l’herbeaccompagnée d’hypo- magnésiémie
n’a pas modifié le PBI. Il serait évidemment souhaitable de vérifier cette absenceapparente
de relation au moyen d’une méthode différente( l3i l),
car,d’une
part
la variabilité accrue du PBI chez nos veaux carencés enmagnésium suggère qu’il
seproduit peut-être quelque
chosequi
ne se traduit pas par une modification de l’iodeprotéo-lié
moyen, d’autrepart
CORRADINO et PARKER( 19 6 2 )
ont observéchez le rat carencé en
magnésium
des différences dans la fixation de l’iode radioactif par lathyroïde.
Par contre, les variations entre
sujets
du niveau d’activitéthyroïdienne paraissent pouvoir expliquer
unepartie
des différences individuelles dans les besoins enmagné- sium,
enparticulier,
les animauxqui
ont un PBI élevé ont unmagnésium plasmatique qui
tend às’équilibrer
à un niveauplus
bas. MEYER et SCHMIDT( 195 8)
ont obtenupar administration de
thyroxine
une baisse dumagnésium sérique
chez le veau delait. SWANet
JaMWSOw ( 195 6)
ont constaté un effetanalogue
chez la vache enpleine lactation ;
avec une méthode très différente(diagnostic
seulementclinique)
I,!E!cHet BAIIEY
( 1953 )
ontconstaté,
dans uneexpérience portant
sur 2 ooovaches,
un accroissement du nombre de Tétaniesd’herbage
par administration de caséineiodée,
tandis que Br,axT!x( 194 8)
chez le mouton et BROCHART et GrRaRD( 19 6 1 ,
donnéesnon
publiées)
chez la vache en fin delactation,
neparvenaient
pas à observer d’in- fluence sur lemagnésium sanguin.
On a donc
l’impression
que, d’unefaçon générale,
l’action de l’activitéthyroï-
dienne sur le métabolisme du
magnésium
n’a été notée quelorsque
lesapports
ma-gnésiens
sont limités relativement aux besoins(rats carencés,
veaux delait,
vachesen
pleine lactation),
et que,réciproquement,
l’action de la nutritionmagnésienne
sur l’activité
thyro’idienne
est unphénomène beaucoup plus discret,
dont l’existence reste à prouver d’unefaçon décisive,
et dont l’étudeexigerait
de toutefaçon
desméthodes
plus spécifiques
que la mesure du PBI.Reçu pour
publication
enjuin
1965.SUMMARY
EXPERIMENTAL MAGNESIUM DEFICIENCY IN TIIE CALF .3
. INTERACTIONS 13ET!’VEEN METAI30LISM OF MAGNESIUM AND OF IODINE
Of
eight
Friesian calves four were fed on asemi-synthetic
milk deficient inmagnesium,
20mg per litre, and 4had the same milksupplemented
with 190 mgmagnesium
per litre. Protein-bound iodine(PBI)
was estimatedweekly by
the method of LACHIVER (1956).Deficiency
ofmagnesium
did not affect values for PBI.
Activity
of thethyroid,
estimated from PBI, seemed to affect the level at whichmagnesium
in blood becamesteady
in the groupsgiven
different amounts of ma-gnesium. By analysis
of covariance PBI and magnesium inplasma
were correlated,independently
of
magnesium
in feed, r = - 0.775, with the limit of significance at 5 p. 100being
0.811.Average PBI was
inversely
related, within the limit ofsignificance,
with the average external temperatureduring
the week beforesamples
were taken, r = - o.6ol,significant
value o.602for
p. 100.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BAIN J. A., 1954. ’I’he effect of magnésium upon thyroxine inhibition of phosphorylation. J. Pharniacol.
exper. Therap., 110, 2. Cité par CORRADINO et I’ARKER. B
LAXTER
K. L., 1948. Severe experimental hyperthyroidism in the ruminant. Agric. Sci., 38, 1-19. BLAXT
ER K. L., ROOK J. A. F., Mac DoNnLD A. b’L, t !54. Expèrim:nt,d magnesium deficiency in calves.
I
. Clinical and pathological observations. J. comp. Pathol., 64, I5!-I75.
CILANEY A. L., 1940. Ind. Eng. Chem. Anal., 12, Iy9. Cité par 1,AciIivER.
C
ORRADINO R. A., PnRKER Il. K, 1962. Magnésium and thyroid function in the Rat. J. Nutrit., 77, 455-458.
H
EGSTED D. :B1., VITALE J. J., àiCGRATII IL, m)56. The effect of low temperature and dietary calcium
upon magnesium requirement. J. Nlltrit., 58, 175.
1,ACIIIVER F., Ic!56. Application de la méthode catalytique au microdosage de l’iode dans les milieux bio- logiques. Ann. Phaml. Fr., 14, 41-57.
LARVO !‘
R P., GIRARD A., 13ROCIIART 3i., i’ARODI A., SEVESTRE J., Ic)64. Étude de la carence expéri-
mentale en magnésium chez le veau. 1. Observations cliniques, biochimiques et anatomo-pathologiques.
Anox. Biol. avxim. Biochinz. Biophys., 4, 345-369.
L
EECII F. B., BAILEY G. L., 1953. The effect on the health of lactating cows of treatment with galacto- poietic doses of thyroxine or iodinated casein. J. agric. Sci., 43, 23v-2 51 .
M E YE
R H., SCHMIDT P., I g 58. Dèr Einfluss von Thyroxin auf den Magnesium und Kalziumstoffwechsel b-,iin Kilo. Dtsch. Tieriirtsl. Wsclzr., 6à, 602-604.
S W
AN J. B., J!MIESON N. D., 1956. Studies on metaholic dis3rders in dairy c¡ws. III. The effect of after calving underfeeding and of thyroprotein dosing on the level of serum mag iesium in dairy cows.
New Zeal. J. Sci. Technol., 38, 363-382.
TODD J. R., THOMPSON R. H., 1962. Serum protein-bound iodine concentratims in cows, with particular
refeience
to
hypomagnesaemia. Res. Veter. Sci., 3, 449-454.VITALE J.
J.,
HEGSTED D. M., NAKAMURA M., CONNORS P., t95’j a. ’l’he effect of thyroxine on magne.sium requirement. J. Biol. Chem., 226, 597.
VITALE J. J., NAKAMURA M., HEGSTED D. M., 1957 b. The effect of magnésium deficiency on oxi-
dative phosphorylation. J. Biol. Chem&dquo; 228, 573.