A NNALES DE L ’ INSTITUT F OURIER
G ILLES R ABY
Invariance des classes de Godbillon-Vey par C
1-difféomorphismes
Annales de l’institut Fourier, tome 38, no1 (1988), p. 205-213
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INVARIANCE DES CLASSES DE GODBILLON-VEY PAR O-DIFFEOMORPHISMES
par Gilles RABY
0. Introduction.
A tout feuilletage f de classe C2 et de codimension 1 sur une variété Af, on peut associer une classe de cohomologie de H3 (J\f, R) appelée invariant de Godbillon-Vey de T (voir [2]) et notée gv^).
Cet invariant ne peut être défini que dans le cas où T est de classe C2, cependant on montre ici que si (Mi,.^) et (A^î^z) sont deux variétés feuilletées de classe C2 et de codimension 1 alors on a : gv{f\ == ^(gvÇ^)) pour tout difféomorphisme de classe C1
envoyant 7\ sur ^"2 •
La démonstration tout à fait élémentaire de cette invariance par C1-conjugaison (telle qu'elle a été exposée dans [3]) repose sur la théorie des courants, aussi, pour simplifier les notations, toutes les variétés et les feuilletages considérés seront supposés de classe C°°.
Dans le cas où les variétés sont compactes, E. Ghys et T. Tsuboi ont retrouvé ce résultat en démontrant, dans l'article publié dans ce même fascicule et intitulé "DifFérentiabilité des conjugaisons entre systèmes dynamiques de dimension l", le théorème suivant :
Mots-clés : Conjugaison - Courant - Feuilletage - Invariant de Godbillon-Vey.
206 GILLES RABY
Soient (MI , .Fi ) et (Mz, ^2 ) deux van'etés compactes feuilletées, de codimension 1 et de classe ^(2 < r < uj). Si rholonomie de ^ est non triviale, alors tout difféomorphisme (f> de classe C1, qui envoie 7\ sur ^2? est transversalement de classe Cr en dehors des feuilles compactes de F\.
1. Cohomologie feuilletée.
Soit F un feuilletage de classe C°° et de codimension 1 sur une variété M de classe C°° et de dimension n. On désigne par A^ le faisceau des germes de p-formes C00 sur M, et par K\f le faisceau des germes des p + 1-formes C°° sur M nulles sur ^.
Si a e A^, on note a | F son image dans A^ == A^/K1^"1
(avec A^ = A^). La différentielle d : A^ -^ A1^1 induit les différentielles :
d'.K^-.Ky1 et ^:A5.-^A$+ 1. On pose alors
A ^ = K e r ( ^ : A ^ A ^ ) et A\ = Ker(d : 7^° -. K^) ce qui permet de définir d^ : A^ -^ A^ induite par d : A^ -^ A^.
Les faisceaux A^- et J<^ sont fins donc F(M, •) ac^^cliques, de plus le théorème de Poincaré à paramètre donne l'exactitude des suites :
0 ^A^ A°y ^ A\ -....-. A^-1 -. 0 O - ^ R ^ A ^ ^ A ^ O
et donc aussi de :
r\ . Al . r^l,0 rf 7^1,1 r^l.n—l ^ 0 -^ A^ -^ A^ —> K^ -^ ... -^ K^ -> 0.
(*) Ceci montre d^une part que :
^(M,AS,)=^(r(A^,A>),^)
et
^(M,A^)=^(r(M,7<^),d)
et d^autre part que la suite exacte de complexes : 0 -» K^-1 -. AM -^ A$- ^ 0 induit la suite exacte longue :
... ^ H^\M, A\) -. 7T(M, R) -^ HP (M, A0^) J^H^M.A^ -....
associée à la suite exacte courte : 0 —^ R —•»• A^ —^ A^ —^ 0.
Remarque. — Le feuilletage F est de codimension 1, donc si a et /3 sont dans A"^* alors a A /? est nulle, par conséquent dès que a € r(M,A^) vérifie da ç r(M,J<^) alors :
a A da e F(M, J^^) et d(a A da) = 0 d^où les flèches :
(**) H"(M,A°,) -. H^M^A],) -. ff^+^M^)
classe(a|^') —> classe(a A dû).
Pour p = 1, on déduit de (*) que si la classe de a|^7 dans jîif^M.A^) est représentée par le 1-cocycle (^ij), alors la classe de a A da dans ^(M, A^) est représentée par le 2-cocycle {Oij - d^Ojk).
2. L'invariant de Godbillon-Vey.
Avec les notations précédentes, supposons 7 transversalement orientable, alors 7 est le noyau d'une 1-fbrme u de classe C°° sur M, u est intégrable donc uj A duj = 0, ce qui montre qu'il existe une 1-fbrme a de classe C°° telle que :
àuj = uj A a.
La forme aj^7 est fermée puisque a; A da = 0 , de plus la classe de a\7 dans ^(M, A^), notée ô^0'1 (.?'), ne dépend que de 7. Cette classe définit d'après (**) deux nouvelles classes notées gv1'2^) et gvÇy) successivement dans Jï'^A^A^) et dans ^(M.R), gvÇy) est appelé l'invariant de Godbillon-Vey du feuilletage F (voir [2]), il a pour représentant la forme fermée a A da. Lorsque 7 n'est que
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de classe C2, alors la 3-forme a A da est de classe C° et définit un courant fermé de M, ce qui permet encore de définir gv{^F) dans
H\M,R).
On peut remarquer que la nullité de gv0^^) traduit le fait que y est défini par une forme fermée. En effet si gv011^) == 0 alors il existe h une fonction C°° sur M telle que Çdh)\y = a\F, ainsi a—dh est nulle sur F et par suite on obtient :
duj=uj/\a=uj/\ d/i,
exp(/i)ù; devient alors une forme fermée de noyau Ker uj = F.
Les définitions introduites dans le paragraphe 1 permettent l'interprétation des classes ^^^(.T") en termes de cocycles dans H9 (M, A^). Pour cela désignons par r^° le pseudo-groupe des difféo- morphismes locaux de R, et considérons un recouvrement (î7,),çj de M par des ouverts sur lesquels T soit défini par une submersion fi de classe C°° de Ui dans R. Alors tout x de Ui H Uj possède un voisinage V dans Ui H Î7y sur lequel on a :
fi = 7ij • /j ^ec 7ij dans F^.
Avec ces notations on a :
Si le feuilletage F est donné par (î7»,/t,7tj)ij , aJors le cocy- cle (ln7^)^ représente gv0^^) dans H^ÇM.A^). Ce qui montre d'après (**) que le cocycle (ln7^(41n7^)^fc représente gv172^) dans H2 (M, A^).
Démonstration. — Soit (At)içj une partition localement finie de l'unité subordonnée au recouvrement (Ui)içi alors 7 est le noyau de us = y ^ ^idfi. T étant transversalement orienté on peut supposer
<
que uj = exp(hj)dfj sur Uj, avec hj dans YÇUj.A0^). Ce qui donne :
^\U, = ^ \id(^ . /,) = ^; À,7^ • df, = exp(/z,)^
do?|î7j = —uj A d/ij et par suite on obtient :
duj = uj A a avec a = — V^ Àjkdin ( V^ ^iVik } •avec a = — ^ ^ Ajkdin fc
Pour trouver un cocycle (0ij)ij représentant <7^0'1(^), il faut remarquer que dÇa\^F) = 0. S'il existe /3j de classe C°° sur Uj telle que àfîj\F = a|^7 sur Uj, Oij = /?i — fij est alors un cocycle de C^Ui^Uj.A^ Or on a :
a\Uj = ~dln (E^) - ][>dln7^
\ i / k
la nullité de ^ ^ Àjfcdhryj^ sur ^|î7j permet donc de prendre le cocycle
k
0^ == /?, — /3j avec /îj = —In ( ^ , ^i7Îj ) ? ^ qui donne le résultat
\ » / puisque 0ij = —ln7^ sur î/i H Uj.
3. gv(y) est invariant par conjugaison de classe C1.
On démontre ici le résultat suivant :
THÉORÈME. — Soient (Mi,.^) et (A^,^?) deux van'eéés feuilletées, de codimension 1 et de classe C00. Soie (f) un difféomor- phisme de classe C1 envoyant ^ sur ^2? alors on a :
^(^)=^(^(^)).
Les variétés seront supposées orientées, de sorte que toute p- forme /3 de classe C° définit par intégration un courant noté [/?].
Rappelons (voir [4]) que si T est un courant et si 7 est une forme de classe C°° alors T L-7 et bT désignent les courants définis par :
< T L 7 , ^ > = < T , 7 A ^ > et < 6T,^ >=< T.dîp >, la formule de Stokes permet alors de prolonger la différentielle des formes en une différentielle définie sur Pespace des courants T de degré p par :
dT=(-l)p+16^.
Soient ù;i et ^ deux 1-formes de classe C°° définissant T\ et ^2? on a alors :
<^*û;2 = exp(h) ' ù^i
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où h est de classe G00.
Si ai (resp.as) est une 1-forme de classe C°° telle que : d^\ = c<;i A ai (resp. duj'2 = ^2 A 02)
il s'agit de montrer que la forme (f>*(a2 A dû^) — ai A da'i, de classe C0, est la différentielle d'un courant de Mi. Ce qui provient du :
LEMME. — Soient 7 une 1-forme de classe C00 sur M^ et 6 une 2-forme de classe C° sur Mi telle que d[exp h] Lc<;i = (exp h)0.
Soit 77 une 1-forme de classe C° sur Mi telle que le courant d[q] soit défini par une forme de classe C° et telle que {77 + d[h}') Lo;i soit nul.
Alors on a :
i) d[<f>^} = [^W]
ii) d[h] Lo;i = 6
m)[^^dW}=-d[hd[^}.
Le théorème se déduit du lemme de la façon suivante : d'après i) on a :
d[<f>^} = [<^(Aj2]
ce qui donne :
d[exp(h)] Lc^i + [exp(/i)^i A ai] = [^^ A ^a^] = [exp(h)^ A ^a^
la forme —c^i A a'i + ^\ A <^*a2 vérifie donc, d'après ii) : d[h}\ Lù;i = —ù;i A ai + 0:1 A ^a^
d'où : (^*a2 — ai + d[h}) L ù;i = 0 , ce qui prouve l'existence d'un courant T de degré 0 tel que :
^02 - ai + d[h] = T Lc^i.
La propriété (i) du lemme permet ensuite d'écrire : [^a2]=dai+<rL^i).
Remarquons ici que ces deux dernières égalités montrent que les deux courants T Lc^i - d[h} et d(T Lù;i) sont définis par des formes de classe C0 notées respectivement 77 et d[i]\.
La 1-forme 77 vérifie bien sûr :
(77 + d[h]) L^ = 0,
de plus on a :
ai A d(T Lc^i) = -d(dT La;i) et T L(c^i A dai) = 0 on obtient donc :
^(02 A daî) = ai A dai - d(dT L^) - d[h ' dû] + T] A d^]
ce qui, d'après (iii), achève la démonstration du théorème.
Démonstration du Lemme. — Inapplication il) = <^"~1 est lo- calement lipschitzienne et propre, donc en approchant ^ par des applications de classe C°° (voir par exemple [1]) on a :
W^M = ^^Mî ici ip conserve les degrés donc :
d
^ [7]=V^M;
de plus pour toute forme (" de classe C°° on a
<W^[C])=[C] et ^[^C]==^C avec 6 = dbl d'où :[<^*C] = ^^[Clî ce (lul montre que :
d^'7] = ^M = ^^[^7] = {^W}.
Les points (ii) et (iii) du lemme sont de nature locale (égalité de deux courants), donc on peut supposer que :
MI = R x R""1 et ^i = a{x, y)dx avec z = ( . r , î / ) dans R x R7 1"1,
puis, en divisant par la fonction partout non nulle a, on peut encore supposer que : ù;i = dx.
On notera dans la suite d = dx + dy avec :
r\ Tl—1 f\
d.^-^dx et d^^^dy,.
Remarquons que si une fonction X de Rn dans R de classe C° a des dérivées au sens distributions de classe C°, alors À est de classe C1. En effet, posons ^fc(^) = ^^(kz) où k 6 N et où /x est une fonction sur Rn à support compact, de classe C°° et d'intégrale 1, alors À * fJik converge vers À au sens C°, de même
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d(\ * ^k) = (d[^j) * /^fc converge vers d[\] au sens (7°, À est donc différentiable et on a [dX] = d[À].
Pour montrer (ii), constatons que Pon a nécessairement : rn-i 1
9 = ^ . biÇx^y)dyi A dx avec 61 de classe CQ
Lî=l J d'où au sens distributions :
ôjexp h} .
—^—— = (exp n)&, pour z ç { 1 , . . . , n — 1}
^î/i
ainsi la fonction y —> exp hÇx^y) est de classe C° à dérivées C°, elle est donc de classe C1, ce qui montre que
bi=ah et 6=d[h}L^.
oyi
La démonstration de (iii) se fait aussi par régularisation, pour cela posons :
î ? = / ^ - $
où / est de classe C°, $ est de classe C° et sans dx, Fhypothèse faite sur 77 donne alors :
$ = dy[h}
d'où
dM = ^[/] Ldx - d^] = dy Ç[f] + 9^ Ldx
ainsi dy ( [/] + -^— ) est de classe C0 puisque d[î]] est de classe C°.
On a donc :
^ A dM = -dy[h} A ^ ((/] + w) A d^.
\ c/a; /
Le courant ^[^[77]] est nul car d[rj} est divisible par dx^ d'où : d[hd[rj}) = dy[hdW] = ^[/i^ O/] + ^1 Ld^.
Qr i-1
II reste donc à montrer, en posant R = [/] + ——, que : ôx
d y [ h } / \ d y R ^ d y [ h d y R ] ,
sachant que h, dy[h] et dyR sont de classe C°. Cette dernière égalité est vérifiée pour h de classe C°°, donc pour hn = h * ^. II suffit alors de remarquer que A^y-R (resp. c^ A dyR) converge au sens C° vers /idyA (resp. vers dy[h] A dyJî), et donc dy(hndyR) converge vers cty[AdyIî] dans l'espace des courants.
BIBLIOGRAPHIE
[1] H. FEDERER. — Géométrie measure theory, Springer Verlag, 1969.
[2] C. GODBILLON, J. VEY. — Un invariant des feuilletages de codimen- sion 1, C.R. Acad. Sci., Paris, 273 (1971),92-95.
[3] G. RABY. — L'invariant de Godbillon-Vey est stable par C1 difféomor- phisme. Exposé au séminaire de géométrie de Poitiers, Preprint, 1980.
[4] G. DE RHAM. — Variétés différentiables, Hermann, Paris, 1955.
Manuscrit reçu le 13 janvier 1987.
Gilles RABY,
Département de Mathématiques Université de Poitiers
40 avenue du Recteur Pineau 86022 Poitiers (France).