Universit´ e P. et M. Curie (Paris VI), Michel Waldschmidt Deuxi` eme semestre 2006/2007 date de mise ` a jour: 15/02/2007
Master de sciences et technologies 1`ere ann´ee - Mention :Math´ematiques et applications Sp´ecialit´e :Math´ematiques Fondamentales MO11 :Th´eorie des nombres (12 ECTS)Premi` ere partie: Th´ eorie des Corps Fascicule 3 : Chapitre 1 (fin), section 1.9 (9 pages)
11.9 Th´ eorie de Galois : quelques exemples
1.9.1 Constructions ` a la r` egle et au compas
Les trois questions classiques pos´ ees par les g´ eom` etres grecs sur les constructions ` a la r` egle et au compas sont les suivantes : peut-on construire, en utilisant uniquement ces deux instruments,
• (Duplication du cube) un cube ayant un volume double d’un cube donn´ e ?
• (Trisection d’un angle) un angle ´ egal au tiers d’un angle donn´ e ?
• (Quadrature du cercle) un carr´ e ayant une aire ´ egale ` a celle d’un disque donn´ e ?
Ces questions reviennent ` a construire respectivement la racine cubique d’un nombre donn´ e, le cosinus du tiers d’un angle dont le cosinus est donn´ e, le nombre π.
En termes alg´ ebriques on consid` ere le plan cart´ esien R
2avec l’unit´ e de longueur donn´ ee par la distance entre (0, 0) et (0, 1) et ` a partir de ces deux points on it` ere les constructions suivantes, dont la r´ eunion produit l’ensemble des points constructibles :
– On peut construire la droite qui passe par deux points donn´ es.
– On peut construire un cercle de rayon donn´ e et de centre pr´ ealablement construit.
– ` A chaque ´ etape on peut ajouter ` a l’ensemble d´ ej` a construit l’intersection de deux droites, de deux cercles, d’une droite et d’un cercle, chacune de ces lignes ayant ´ et´ e pr´ ec´ edemment construites.
Un nombre r´ eel est dit constructible si le point (x, 0) est constructible ` a la r` egle et au compas
`
a partir de (0, 0) et (0, 1).
Des constructions g´ eom´ etriques classiques montrent que les nombres constructibles forment un sous-corps de R et que si x est constructible, alors √
x l’est aussi. Les images suivantes sont extraites de [1] § 13.3.
1Ce texte est t´el´echargeable `a partir de la pagehttp ://www.math.jussieu.fr/∼miw/enseignement.html
L’´ enonc´ e suivant est facile ` a d´ emontrer (voir par exemple [1] § 13.3).
Proposition 1.34. Soit x un nombre r´ eel. Les assertions suivantes sont ´ equivalentes : – x est constructible.
– x est alg´ ebrique sur Q et son corps de d´ ecomposition sur Q a pour degr´ e une puissance de 2.
– x appartient ` a un corps de nombres galoisien sur Q de degr´ e une puissance de 2.
Comme √
32 est de degr´ e 3 sur Q, on en d´ eduit l’impossibilit´ e de la duplication du cube.
Il existe des angles dont on peut construire le tiers ` a la r` egle et au compas (par exemple π), mais il en existe aussi pour lesquels une telle construction est impossible. Un exemple est π/3. On a cos(π/3) = −1/2 et la formule
cos θ = 4 cos
3(θ/3) − 3 cos(θ/3)
montre que le nombre β = 2 cos(π/9) = 1, 87938 . . . est racine du polynˆ ome X
3− 3X + 1. Ce polynˆ ome est irr´ eductible sur Q. Donc β est de degr´ e 3 sur Q, par cons´ equent il n’est pas construc- tible.
Pour la quadrature du cercle, l’impossibilit´ e vient de la transcendance du nombre π que nous
ne d´ emontrons pas ici (une d´ emonstration est donn´ ee dans l’Annexe A du livre de Lang Alg` ebre
[4]).
Un nombre complexe est dit exprimable par radicaux s’il existe un corps de nombres K le contenant, une tour de corps
Q = K
0⊂ K
1⊂ · · · ⊂ K
s−1⊂ K
s= K,
et, pour 1 ≤ i ≤ s, un entier n
i≥ 1 et un ´ el´ ement α
i∈ K
itels que K
i= K
i−1(α
i) avec α
nii∈ K
i−1. On pose a
i= α
niiet on ´ ecrit α
i=
ni√
a
i(avec un l´ eger abus de notation : il y a plusieurs racines n
i-i` emes de α
i, mais le corps engendr´ e ne d´ epend pas de ce choix lorsque les racines n
i-i` emes appartiennent au corps de base, ce qui est une hypoth` ese licite ici) et donc K
i= K
i−1(
ni√
a
i).
Soit K un corps de caract´ eristique nulle. On d´ efinit le groupe de Galois d’un polynˆ ome s´ eparable f ∈ K[X] comme le groupe de Galois d’un corps de d´ ecomposition de f sur K.
Un polynˆ ome est r´ esoluble par radicaux si toutes ses racines sont exprimables par radicaux.
D’autre part un groupe fini G est r´ esoluble s’il existe une suite de sous-groupes {1} = G
0⊂ G
1⊂ · · · ⊂ G
s−1⊂ G
sdans laquelle chaque G
iest un sous-groupe normal de G
i+1avec un quotient G
i+1/G
icyclique (0 ≤ i ≤ s − 1).
Le th´ eor` eme de Galois 1.33 permet de d´ emontrer l’´ enonc´ e suivant (voir par exemple [1] § 14.7 Th. 39).
Th´ eor` eme 1.35. Un polynˆ ome f est r´ esoluble par radicaux si et seulement si son groupe de Galois est r´ esoluble.
Soit n un entier ≥ 5. Il est connu que le groupe S
nn’est pas r´ esoluble et qu’il existe des corps de nombres galoisiens sur Q de groupe de Galois S
n. Un tel corps est le corps de d´ ecomposition d’un polynˆ ome qui n’est donc pas r´ esoluble par radicaux.
Par exemple le polynˆ ome X
5− 6X + 3 a pour groupe de Galois sur Q le groupe sym´ etrique S
5d’ordre 5! = 120, il n’est donc pas r´ esoluble par radicaux.
L’outil essentiel pour la d´ emonstration du th´ eor` eme 1.35 est un th´ eor` eme dˆ u ` a Kummer dont nous donnons seulement l’´ enonc´ e :
Th´ eor` eme 1.36. Soient L/K une extension et n un entier positif qui n’est pas divisible par la caract´ eristique de K. On suppose que K contient les racines n-i` emes de l’unit´ e. Alors l’extension est cyclique si et seulement s’il existe α ∈ L tel que L = K(α) et α
n∈ K.
1.9.2 Corps cyclotomiques
Soit n un entier positif. Le corps cyclotomique E
nd’indice n est le corps de d´ ecomposition sur Q du polynˆ ome X
n− 1. C’est aussi le corps de rupture du polynˆ ome cyclotomique Φ
nsur Q.
Notons ζ
nune racine primitive n-i` eme de l’unit´ e, de sorte que E
n= Q(ζ
n).
Nous avons vu (Proposition 1.28) que E
nest une extension galoisienne de Q de groupe de Galois (Z/nZ)
×.
Supposons n premier et notons n = p, E
p= E, ζ
p= ζ. Le groupe des ´ el´ ements inversibles du corps F
p= Z/pZ est cyclique, donc l’extension E/Q est cyclique de groupe de Galois G ' (Z/pZ)
×d’ordre p − 1. Si k est un entier premier ` a p, notons σ
kl’automorphisme de E d´ etermin´ e par σ
k(ζ) = ζ
k.
Lemme 1.37. L’ordre de σ
kdans G est ´ egal ` a l’ordre de la classe de k modulo p.
D´ emonstration. Pour h ≥ 1 on a ζ
h= 1 si et seulement si p divise h. Donc pour n ≥ 1 on a ζ
n= ζ si et seulement si n ≡ 1 (mod p). D’autre part σ
km(ζ) = ζ
km. Donc l’ordre de σ
kdans G est le plus petit entier m tel que k
m≡ 1 (mod p), c’est l’ordre de la classe de k dans (Z/pZ)
×.
Une base sur Q de E est {1, ζ, ζ
2, . . . , ζ
p−2} puisque ζ est de degr´ e p − 1 sur Q, racine du polynˆ ome
Φ
p(X ) = X
p−1+ X
p−2+ · · · + X + 1.
On pr´ ef` ere d’utiliser comme base {ζ, ζ
2, . . . , ζ
p−2, ζ
p−1} car ce sont pr´ ecis´ ement les racines primi- tives p-i` emes de l’unit´ e, qui sont donc permut´ es par les σ
k.
Soit H un sous-groupe de G. Posons
α
H= X
σ∈H
σ(ζ).
On v´ erifie facilement que Q(α
H) est le sous-corps E
Hde E fix´ e par H.
Par exemple pour p = 7 le groupe G est cyclique d’ordre 6, il est engendr´ e par σ
3: G = {1, σ
3, σ
23= σ
2, σ
33= σ
6, σ
34= σ
4, σ
35= σ
5},
ce qui correspond au fait que (Z/7Z)
×est engendr´ e par 3 (on dit que 3 est une racine primitive modulo 7) :
(Z/7Z)
×= {1, 3, 3
2≡ 2, 3
3≡ 6, 3
4≡ 4, 3
5≡ 5}.
Le groupe G a quatre sous-groupes, deux triviaux {1} et G d’ordres 1 et 6 respectivement, et deux non triviaux {1, σ
6} et {1, σ
2, σ
4}. Le seul ´ el´ ement d’ordre 2 dans G est σ
6qui est la restriction
`
a E de la conjugaison complexe, puisque σ
6(ζ) = ζ
−1= ζ. Le sous corps fix´ e par la conjugaison complexe est le sous-corps r´ eel maximal M de E, il est engendr´ e sur Q par α = ζ + ζ, comme nous l’avons d´ ej` a vu au § 1.7 comme exemple d’application de la proposition 1.28. Le corps M = Q(α) est cubique cyclique sur Q, le groupe de Galois est engendr´ e par la restriction de σ
2` a M : les conjuqu´ es de α sur Q sont
α
1= α, α
2= σ
2(α) = ζ
2+ ζ
5= ζ
2+ ζ
2, α
3= σ
22(α) = ζ
4+ ζ
3= ζ
3+ ζ
3.
On trouve le polynˆ ome irr´ eductible de α sur Q en calculant (facilement) α
1+ α
2+ α
3= −1, α
1α
2α
3= 1 et (un peu moins facilement) α
1α
2+ α
2α
3+ α
3α
1= −2. Le polynˆ ome cherch´ e est donc X
3+ X
2− 2X − 1.
Il reste un dernier sous-corps N de E dont nous n’avons pas encore parl´ e, c’est le sous-corps fix´ e par le sous-groupe d’ordre 3 (et d’indice 2) de G. Donc N est l’unique sous-corps quadratique de E, engendr´ e sur Q par
β = ζ + σ
2(ζ) + σ
4(ζ) = ζ + ζ
2+ ζ
4. Le conjugu´ e de β est
β
∗= τ(β) = σ
3(β) = ζ
3+ ζ
6+ ζ
5.
On v´ erifie facilement β +β
∗= −1, ββ
∗= 2, donc β est racine du polynˆ ome quadratique X
2+X +2 dont le discriminant est −7. Ainsi l’unique sous-corps quadratique de L est Q( √
−7).
De fa¸ con g´ en´ erale, il r´ esulte de la proposition 1.44 ci-dessous que l’unique sous-corps quadratique de Q(ζ
p) pour p premier est le corps Q( √
p), o` u = 1 si p ≡ 1 (mod 4) et = −1 si p ≡ 3 (mod 4)
(voir aussi [1] § 14.5).
Soit n = p
a11· · · p
akkla d´ ecomposition en facteurs premiers d’un entier n ≥ 2. La d´ ecomposition du groupe multiplicatif (Z/nZ)
×par le th´ eor` eme chinois :
(Z/nZ)
×' (Z/p
a11Z)
×× · · · × (Z/p
akkZ)
×permet de d´ eduire du th´ eor` eme 1.28 l’´ enonc´ e suivant :
Corollaire 1.38. Soit n = p
a11· · · p
akkun entier ≥ 2 d´ ecompos´ e en facteurs premiers. Notons E
nle corps cyclotomique Q(ζ
n) d’indice n et F
ile corps cyclotomique E
paii
= Q(ζ
paii
) d’indice p
aii. Alors
Gal(E
n/Q) ' Gal(F
1/Q) × · · · × Gal(F
k/Q).
On en d´ eduit qu’un polygone r´ egulier ` a n cˆ ot´ es peut ˆ etre construit ` a la r` egle et au compas si et seulement si ϕ(n) est une puissance de 2.
Pour un nombre premier p, dire que ϕ(p) = p − 1 est une puissance de 2 revient ` a dire que p est de la forme 2
m+ 1. Il est facile de voir que dans ce cas l’exposant m est lui mˆ eme une puissance de 2 : quand k est impair, l’identit´ e x
k+ 1 = (x + 1)(x
k−1− x
k−2+ · · · + x
2− x + 1 montre que x
k+ 1 est divisible par x + 1.
On appelle nombre premier de Fermat tout nombre premier de la forme F
s= 2
2s+ 1 avec s entier ≥ 0. Les nombres
F
0= 3, F
1= 5, F
2= 17, F
3= 257, F
4= 65 537
sont des nombres premiers de Fermat. On ignore s’il y en a d’autres (on s’attend ` a ce que leur nombre soit fini mais on ne le sait pas). Que F
5= 2
25+ 1 ne soit pas un nombre premier a ´ et´ e d´ ecouvert par Euler. On peut le v´ erifier ainsi.
Lemme 1.39. Le nombre F
5= 2
32+ 1 est divisible par 641.
D´ emonstration. (D’apr` es [3], § 2.5). On ´ ecrit
641 = 625 + 16 = 5
4+ 2
4et 641 = 5 · 128 + 1 = 5 · 2
7+ 1.
L’identit´ e x
4− 1 = (x + 1)(x − 1)(x
2+ 1) montre que x
4− 1 est divisible par x + 1, donc 5
4· 2
28− 1 est divisible par 641. Mais 641 divise aussi 5
4· 2
28+ 2
32, donc il divise la diff´ erence 2
32+ 1.
Le r´ esultat que fournit le th´ eor` eme de Galois 1.33 est le suivant :
Proposition 1.40. Soit n un entier ≥ 3. Un polygone r´ egulier peut ˆ etre construit ` a la r` egle et au compas si et seulement si n est de la forme 2
kp
1· · · p
ro` u k est un entier ≥ 0 et p
1, . . . , p
rdes nombres premiers de Fermat deux-` a-deux distincts.
On trouvera dans [1] § 14.5 d’autres informations sur ce th` eme, notamment une construction
g´ eom´ etrique du polygone r´ egulier ` a 17 cˆ ot´ es due ` a J.H. Conway (voir aussi [2]).
1.9.3 R´ esolution par radicaux
Soit f ∈ K[X ] un polynˆ ome s´ eparable de degr´ e n ` a coefficient dans un corps K. Le groupe de Galois de f sur K a ´ et´ e d´ efini (§ 1.9.1) comme le groupe de Galois G = Gal(L/K) du corps de d´ ecomposition L de f sur K. Ce groupe de Galois agit sur l’ensemble E des racines de f par permutation, donc s’injecte dans le groupe sym´ etrique S
n.
Si f est produit de polynˆ omes irr´ eductibles f = f
1· · · f
kdans K[X] et si n
id´ esigne le degr´ e de f
i, alors le groupe de Galois s’injecte dans le produit S
n1× · · · × S
nk.
Si f est irr´ eductible sur K, alors G agit sur E de fa¸ con transitive : pour tout α et β dans E il existe σ ∈ G tel que σ(α) = β .
Nous allons donner un sens pr´ ecis ` a l’affirmation suivante :
• Le groupe de Galois d’un polynˆ ome “g´ en´ erique” de degr´ e n est le groupe sym´ etrique S
n. On d´ esigne par L le corps Q(x
1, . . . , x
n) des fractions rationnelles en n ind´ etermin´ ees sur Q (on peut remplacer le corps de base Q par un corps de caract´ eristique nulle, mais cela en fait n’ajoute rien). On d´ efinit les fonctions sym´ etriques ´ el´ ementaires s
1, . . . , s
n∈ Q[x
1, . . . , x
n] par la relation
(X − x
1)(X − x
2) · · · (X − x
n) = X
n− s
1X
n−1+ s
2X
n−2− · · · + (−1)
ns
n. On a par exemple
s
1= x
1+ · · · + x
n, s
n= x
1· · · x
net
s
2= x
1x
2+ x
1x
3+ · · · + x
1x
n+ x
2x
3+ · · · + x
2x
n+ · · · + x
n−1x
n.
Plus g´ en´ eralement, pour 1 ≤ k ≤ n, la k-i` eme fonction sym´ etrique ´ el´ ementaire en n variables est
s
k= X
i1<i2<···<ik
x
i1x
i2· · · x
ik.
Le polynˆ ome g´ en´ eral de degr´ e n est le polynˆ ome f (X ) = (X − x
1)(X − x
2) · · · (X − x
n). On note encore K le corps Q(s
1, . . . , s
n), qui est un sous-corps de L. Le polynˆ ome f a ses coefficients dans K et son corps de d´ ecomposition sur K est L. Comme f est de degr´ e n le groupe de Galois de L sur K est (isomorphe ` a) un sous-groupe de S
n. En particulier on a [L : K] ≤ n!.
Toute permutation de {1, . . . , n} induit un automorphisme de L qui laisse invariant chacun des s
k(1 ≤ k ≤ n). Donc K est contenu dans le sous-corps L S
nde L fix´ e par S
n. Par le th´ eor` eme de Galois 1.33, l’extension L/L S
nest de degr´ e n! On en d´ eduit K = L S
n. Il en r´ esulte que L est une extension de K de degr´ e n! et de groupe de Galois S
n.
Une fonction rationnelle F (x
1, . . . , x
n) ∈ L est appel´ ee sym´ etrique si elle est invariante sous l’action de S
n. Nous avons ainsi d´ emontr´ e :
Proposition 1.41. Une fraction rationnelle F (x
1, . . . , x
n) ∈ Q(x
1, . . . , x
n) est sym´ etrique si et seulement s’il existe une fraction rationnelle G en n ind´ etermin´ ees telle que
F(x
1, . . . , x
n) = G(s
1, . . . , s
n).
La fraction rationnelle G est unique. Si F est un polynˆ ome, alors G est aussi un polynˆ ome :
un algorithme pour calculer G est donn´ e dans l’exercice 37 du § 14.6 de [1]. L’id´ ee consiste ` a
consid´ erer le monome Ax
a11· · · x
annde F qui est dominant pour l’ordre lexicographique et ` a sous-
traire As
a11−a2s
a22−a3· · · s
ann.
Pour revenir ` a notre affirmation sur les polynˆ omes “g´ en´ eriques”, on part d’un polynˆ ome unitaire f de degr´ e n dont les coefficients sont des ind´ etermin´ ees ; on l’´ ecrit
f (X ) = X
n− s
1X
n−1+ s
2X
n−2− · · · + (−1)
ns
n. (1.42) On d´ esigne par K le corps des fractions rationnelles Q(s
1, . . . , s
n) en n ind´ etermin´ ees sur Q, par L un corps de d´ ecomposition de f sur K et par x
1, . . . , x
nles racines de f dans L. Ainsi L = K(x
1, . . . , x
n). V´ erifions que les x
isont alg´ ebriquement ind´ ependants sur Q, c’est-` a-dire que si p ∈ Q[X
1, . . . , X
n] est un polynˆ ome non nul, alors p(x
1, . . . , x
n) 6= 0. Sinon le produit
P (X
1, . . . , X
n) = Y
σ∈
S
np(X
σ(1), . . . , X
σ(n))
serait un polynˆ ome non nul sym´ etrique qui s’annule en (x
1, . . . , x
n), ce qui fournirait une relation de d´ ependance alg´ ebrique non triviale entre s
1, . . . , s
n. On en d´ eduit :
Th´ eor` eme 1.43. Si s
1, . . . , s
nsont des ind´ etermin´ ees sur Q, le polynˆ ome g´ en´ erique (1.42) est s´ eparable et a pour groupe de Galois S
nsur le corps Q(s
1, . . . , s
n).
Un exemple de polynˆ ome sym´ etrique est donn´ e par le discriminant.
D´ efinition. Soient L un corps et x
1, . . . , x
ndes ´ el´ ements de L. On d´ efinit le discriminant de (x
1, . . . , x
n) par
D = Y
1≤i<j≤n
(x
i− x
j)
2= (−1)
n(n−1)/2Y
1≤i6=j≤n
(x
i− x
j).
Le discriminant g´ en´ erique est celui pour lequel x
1, . . . , x
nsont des ind´ etermin´ ees et L = Q(x
1, . . . , x
n). C’est un polynˆ ome sym´ etrique, donc d’apr` es la proposition 1.41 il s’exprime comme un polynˆ ome en les fonctions sym´ etriques ´ el´ ementaires s
1, . . . , s
n. Une des deux racines carr´ ees de
D est √
D = Y
1≤i<j≤n
(x
i− x
j).
Le corps quadratique engendr´ e par √
D sur Q est le sous-corps fix´ e par le groupe altern´ e A
nde S
n.
On d´ efinit aussi le discriminant d’un polynˆ ome unitaire f ∈ K[X ] en consid´ erant un corps de d´ ecomposition L de f sur K : dans L[X ] ce polynˆ ome se factorise compl` etement
f (X) = (X − α
1) · · · (X − α
n)
et le discriminant de f est d´ efini comme le discriminant de (α
1, . . . , α
n). D’apr` es ce qui pr´ ec` ede il appartient ` a K.
Le groupe de Galois G d’un polynˆ ome irr´ eductible f de degr´ e n sur Q est un sous-groupe de S
n; on obtient un tel isomorphisme en num´ erotant les racines de f dans L et en consid´ erant G comme un groupe de permutation de ces racines. Alors G est un sous-groupe de A
nsi et seulement si le discriminant D de f est un carr´ e dans Q.
Le discriminant d’un polynˆ ome quadratique X
2+aX +b est a
2−4b, celui d’un polynˆ ome cubique
X
3+ pX + q est −4p
3− 27q
2. Un polynˆ ome irr´ eductible de degr´ e 3 a pour groupe de Galois sur
Q le groupe cyclique d’ordre 3 (qui n’est autre que le groupe altern´ e A
3) si le discriminant est
un carr´ e dans Q, c’est le groupe sym´ etrique S
3(groupe non commutatif d’ordre 6) sinon. Cela permet de distinguer les polynˆ omes cubiques dont un corps de rupture est galoisien des autres.
Voici une m´ ethode pour calculer un discriminant. Soit L un corps, soient x
1, . . . , x
ndes ´ el´ ements de L et soit D leur discriminant. Consid´ erons le polynˆ ome
P (X ) =
n
Y
i=1
(X − x
i).
Sa d´ eriv´ ee est
P(
0X ) =
n
X
i=1
Y
1≤j≤n j6=i
(X − x
j).
Ainsi pour 1 ≤ i ≤ n on a
P
0(α
i) = Y
1≤j≤n j6=i
(x
i− x
j).
Par cons´ equent
n
Y
i=1
P
0(α
i) = (−1)
n(n−1)/2D.
Comme exemple nous utilisons cet argument pour calculer le discriminant des polynˆ omes cy- clotomiques d’indice un nombre premier ([2] Chap. 10, § 10.5, Exemple 10.12).
Proposition 1.44. Soit p un nombre premier impair. Le discriminant du polynˆ ome cyclotomique Φ
pd’indice p est
(−1)
(p−1)/2p
p−2.
D´ emonstration. On utilise ce qui pr´ ec` ede avec P = Φ
p, n = p − 1 et x
i= ζ
i(1 ≤ i ≤ p − 1). On a P (X) = X
p− 1
X − 1 et P
0(X) = pX
p−1X − 1 − X
p− 1 (X − 1)
2· Par cons´ equent pour 1 ≤ i ≤ p − 1
P
0(ζ
i) = pζ
i(p−1)ζ
i− 1 ·
Le produit des racines de P est le terme constant P (0) (le degr´ e p − 1 est pair)
p−1
Y
i=1
ζ
i= 1.
Le polynˆ ome minimal des nombres ζ
i− 1 (1 ≤ i ≤ p − 1) est P(X + 1) dont le terme constant est p :
p−1
Y
i=1
(ζ
i− 1) = p.
On trouve ainsi
p−1
Y
i=1