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REVUE AFRICAINE DE LA RECHERCHE JURIDIQUE ET POLITIQUE

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Academic year: 2022

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Numéro Varia

REVUE AFRICAINE DE LA RECHERCHE JURIDIQUE ET POLITIQUE

Une création de l’Association

Internationale des Jeunes Chercheurs

en Droits Africains (AIJCDA)

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REMERCIEMENTS AUX MEMBRES DU COMITE SCIENTIFIQUE

Nous tenons à remercier les différents membres du comité scientifique pour l’accompagnement de ce projet. Grace à vous, nous avons pu donner corps à ce projet. Voici sa toute première parution.

Nous tenons aussi à vous remercier pour votre patience, votre disponibilité, votre rigueur scientifique ainsi que pour vos orientations qui ont été bénéfiques à la réalisation de ce projet.

Trouver en ces quelques mots, toute la gratitude que mon équipe et moi avons pour vous.

Nous remercions aussi en particulier le professeur James MOUANGUE KOBILA qui, autour d’un échange très enrichissant, a suscité notre intérêt pour ce projet.

MIANO LOE Siastry Dorsey D’aquin Doctorant en Droit public,

Directeur Exécutif de la RARJP

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Comité Scientifique :

James MOUANGUE KOBILA (Maitre de conférences en Droit public, Université de Douala-Cameroun) ;

Serge AKONO EVANG (Maitre de conférences en Science politique, Université de Douala- Cameroun) ;

AKONO OMGBA SEDENA (Maitre de conférences en Droit public, Université de Yaoundé II-Cameroun) ;

LOGMO Aaron (Maitre de conférences de Droit public, Université de Douala-Cameroun) ; Paterne MAMBO (Maitre de conférences en Droit public, Université de Cocody- Côte- Ivoire) ;

Lauréline FONTAINE (Maitresse de conférences en Droit public, Université de Paris 3 Sorbonne Nouvelle-France) ;

Virginie SAINT-JAMES (Maitresse de conférences en Droit public, Université de Limoges- France) ;

Stéphane BOLLE (Maitre de conférences en Droit public, Université Paul VALERY Montpellier 3- France) ;

Gilles J. GUGLIELMI (Professeur de Droit public, Université de Paris II Panthéon-Assas- France).

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A L’ATTENTION DES AUTEURS

Tout texte soumis à la Revue Africaine de la Recherche Juridique et Politique par un auteur doit être conforme aux indications suivantes :

Les articles devront compter entre huit milles (8 000) et dix milles (15 000) mots.

Le format de la recension est limité à mille (1000) mots.

Les articles devront être envoyés uniquement en fichiers Word (doc. ou docx) et envoyés par courriel aux adresses suivantes : rajcsjp@gmail.com ou oraxloe247@gmail.com

Police 12, Times New Roman, interligne 1,5 ; pas de feuille de style (pas de titre automatique) ;

Les références bibliographiques et les notes doivent être présentées de la manière suivante :

NOMS (Première lettre du ou des prénoms), Titre de l’ouvrage, lieu d’édition, maison d’édition, année, page/élément de la page cité. Exemple : CARTIER (E.), La transition constitutionnelle en France (1940-1945) : La reconstruction révolutionnaire de l’ordre juridique républicain, Paris, L.G.D.J., 2004, 643 pages/p. 256.

NB ; D’autres indications importantes existent et peuvent être téléchargées sur le site internet de la revue : https://rajcsjp.wordpress.com (chercher la fenêtre « recommandations aux auteurs »).

La revue reçoit aussi les articles en Anglais et venant du monde entier.

MIANO LOE Siastry Dorsey D’aquin Doctorant en Droit public,

Directeur Exécutif de la RARJP

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Sommaire :

Doctrine ……….………..4

NDZINA NOAH (J.-M.-N.), ‘‘Le pouvoir législatif’’ dans les constitutions des Etats post-crise : le cas centrafricaine », ………... ……5

BIKORO (J.-M.), « les incompatibilités dans le droit de la fonction publique des Etats d’Afrique noire francophone », ……….……….32

MVOGO (M.-C.) et ETALLA FOHOGANG (R.-D.), « Lecture juridique de la délocalisation des bureaux de vote en temps de crise au Cameroun », ...……….……….65

EWANE BITEG (A.-G.), « le pouvoir d’injonction du juge constitutionnel africain. Cas des Etats d’Afrique noire francophone », ……….…………..86

EKO MENGUE (A.-S.), « Le statut constitutionnel de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale au Cameroun », ……… ………118

BUNUNU NGONO (P.), « Les fonctions extra législatives du sénat dans les Etats d’Afrique noire francophone. Réflexion à partir des exemples du Cameroun et du Gabon », ………137

TAMA AYINDA (T.-O.), « Le conseil des ministres dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique noire francophone », ………...161

SIMO (E.), « La constitution centrafricaine de 2016 et le « droit d’origine externe », ………...191

Textes juridiques : Jurisprudences………...223

Thèses et Mémoires : ………...231

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DOCTRINE

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LE CONSEIL DES MINISTRES DANS LE CONSTITUTIONNALISME DES ETATS D’AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE

Par

Thierry Olivier TAMA AYINDA*

Docteur en Droit Public,

Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Yaoundé II (Cameroun)

Le conseil des ministres n’est pas une énigme1 dans le paysage institutionnel africain.

Sa réalité est perceptible. D’une part, parce que cette institution fait l’objet d’une consécration formelle depuis des décennies, et d’autre part, parce qu’au fil des années elle s’est érigée en organe de travail du pouvoir exécutif, autant dans le domaine de l’expertise que dans la prise des décisions définitives.

Le conseil des ministres s’assimile à une cheville ouvrière2 en ce sens qu’il est au cœur de toute initiative collective du Gouvernement. Sa formalisation au sein d’un Etat n’est donc pas anodine dans la mesure où cet organe de lien de communication entre l’exécutif et le Parlement et entre l’exécutif et les autres acteurs sociaux. S’agissant du premier lien évoqué, la séparation des pouvoirs conditionne l’existence formelle de tout régime démocratique3. Celle-ci se traduit au sein d’un ordre juridique par sa formalisation4 et dans la pratique par le jeu des acteurs politiques5 représentant ces deux pouvoirs.

Au sein d’une organisation constitutionnelle, cette interdépendance peut être fusionnelle ou conflictuelle6. Fusionnelle dans la mesure où les deux organes de l’Etat vont s’évertuer à surmonter leurs différends au profit de l’intérêt général. Dans le second cas de

* TAMA AYINDA (T.-O.), « Le conseil des ministres dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique noire francophone », RARJP, Numéro 1, Varia, Mai 2020, pp. 161-190.

1AIVO (F.-J.), « Contribution à l’étude de la garantie des droits fondamentaux. Retour sur vingt ans de jurisprudence constitutionnelle (trop active) au Benin », Afrilex, 2016, p. 2.

2BARBEY (J.), Le Conseil des Ministres sous la restauration, Thèse de Doctorat, Université de Paris, 1936, p. 4.

3MAGALIE (A.), « Inventer une nouvelle Assemblée nationale », Fondation Jean Jorès, 2016, p. 1.

4Art 95 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990 ; chapitre 4 de la constitution centrafricaine du 30 mars 2016 ; titre VI de la constitution malienne du 12 janvier 1992 ; et du Titre VII de la constitution Burkinabé du 02 juin 1991 pour ne prendre que ces quelques exemples.

5BARTHELEMY (J.), Introduction du régime parlementaire en France sous Louis XVIII et Charles X, Paris, p.

108.

6 Idem.

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figure, la méfiance peut s’avérer insurmontable et provoquer la disparition de l’un ou l’autre organe. Cette destruction réciproque se matérialise le plus souvent au sein d’un Etat par le truchement de la dissolution de la chambre basse du Parlement ou par la mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement. Le conseil des ministres, bras séculier de l’exécutif leur sert alors de courroie de transmission des communications. En effet, la quasi-totalité des actes qui se font au nom et pour le compte du chef de l’exécutif fait le plus souvent l’objet d’une délibération des ministres statuant en corps7 avant leur dépôt au Parlement pour discussion. C’est donc cette instance de travail que nous nous proposons d’appréhender dans le cadre de cette étude.

Mais, il convient de souligner que la mobilisation de cet organe n’est pas une donnée récente en matière constitutionnelle. En effet, l’on relève l’apparition des prémices des Conseils de ministres en Grande Bretagne et aux Etats Unis. Le premier avec l’avènement du parlementarisme. Ce dernier fut à l’origine de la création des postes ministériels. Ces derniers devaient se réunir de manière régulière sous la présidence du Premier Ministre afin de discuter des grandes questions de l’Etat. Et le second sous la présidence de Georges WASHINGTON (1789-1797) qui avait nommé quatre personnes au cabinet pour des besoins d’assistance hebdomadaire. Ensuite les autres Etats européens prendront le relais, à l’instar de la Belgique8 et de l’Italie9. En France sous l’Ancien Régime, le conseil des ministres trouve son origine sous le label de comité des ministres. Ce dernier était un organe délibérant de l’exécutif10. Au XIXème, le chef de gouvernement français et dont la fonction n’avait aucune existence juridique commençait à être appelé président du conseil des ministres11. Une appellation qui verra son existence formalisée dans les constitutions de la troisième12 et de la quatrième république13. La cinquième n’a fait que conforter formellement un outil de travail déjà existant au XIX siècle14.

Les Etats africains, par le biais du mimétisme juridique avec la France, puissance colonisatrice d’une part, et tutélaire de l’autre, vont insérer dès l’apparition dans leurs

7ESMEIN (A.), Eléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris, LSRGLA, 1899, p. 152.

8 Dès 1831 ou le roi présidait déjà des réunions qualifiées de conseil des ministres

9 Dès 1848 avec l’avènement de la monarchie limitée.

10 Idem.

11JANET (P.), Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale. Tome1, 3éd, Paris, ALGB et C, 1887, p. 23.

12Lois constitutionnelles de 1875. De manière particulière la loi 25 février 1875, loi constitutionnelle organisant les pouvoirs publics

13Constitution française du 26 octobre 1946.

14Lire utilement la Constitution française du 4 octobre 1958.

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premières Constitutions formelles post- indépendance l’organe de l’Etat appréhendé15. Ces lois fondamentales font du conseil des ministres un organe de travail de l’exécutif africain.

Le sort réservé à cet organe et ce malgré sa consécration16 est resté purement décoratif jusqu’aux premières lueurs des années 1990. Soit à cause de sa minorisation constante, soit alors par le non pris en compte de son office par le pouvoir de décision. Il est judicieux de souligner que la banalisation de cet organe a une raison. Celle-ci oscille autour de l’implantation des régimes politiques autoritaires en Afrique. En effet, durant plusieurs décennies les Etats africains font subir l’influence de l’autoritarisme17. Pratique axée autour de la déification de la figure présidentielle18. Pendant les régimes autoritaires, la figure du Président était sacré et son pouvoir illimité. Sa suprématie sur les autres institutions était perceptible dans la mesure où il était la clé centrale du système constitutionnel. Ce dernier avait une prééminence institutionnelle autant sur les autres organes de l’exécutif que des organes des autres pouvoirs. Et le conseil des ministres instance de travail de l’exécutif ne pouvait que valoir de décor dans un tel régime politique dans la mesure où le Président de la République s’abstenait de solliciter son office avant toute entreprise. Cette instance était donc marginalisée voire minorée.

Mais avec l’avènement des mouvements de démocratisation des années 1990, mouvements à l’origine de l’implémentation du constitutionnalisme libéral en Afrique, l’on relève une prise en compte élargie des constituants africains de l’organe étudié. En effet, la quasi-totalité des Etats d’Afrique d’expression française ont formalisé cette instance de travail dans leurs lois fondamentales. Citons pour exemples, le Cameroun, la République centrafricaine et de la Côte-D’ivoire. Au Cameroun, l’alinéa 1 de l’article 10 de la constitution du 18 janvier 1996 dispose que « le Président de la République (…) préside les conseils des ministres »19. A l’examen de cette disposition, il en ressort une prise en compte formelle de cet organe d’Etat par le constituant camerounais. Même son de cloche en

15Art 21 de la Constitution Camerounaise du 4 mars 1960 ; art 22 de la constitution ivoirienne du 3 juin 1960 ; art 22 de la constitution nigérienne du 8 novembre 1960 et l’article 24 de la constitution de la Haute Volta du 27 novembre 1960.

16Le terme constitutionnalisation renvoie à un processus qui consiste à insérer dans un texte constitutionnel une matière pour l’encadrer et de s’assurer la garantie de l’unicité de l’ordre juridique.

17Le terme autoritarisme renvoie à la pratique autoritaire du pouvoir. Et au sein d’une organisation constitutionnelle, cette pratique se matérialise par la conservation de l’ensemble des pouvoirs de l’Etat au profit de la figure présidentielle mais aussi de la restriction des libertés des citoyens.

18 MONEMBOU (C.), La séparation des pouvoirs dans le constitutionnalisme camerounais : Contribution à l’étude de l’évolution constitutionnelle, Thèse de Doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé II, 2011, p. 2.

19Art 10 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996

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République centrafricaine20 et en Côte-D’ivoire21ou les constituants respectivement du 30 mars 2016 et du 08 novembre 2016 réaffirment la consécration de cet outil dans les deux ordres juridiques des Etats évoqués. Bien plus, le constituant africain donne à cet organe de prérogatives précises. Il en est ainsi de son rôle d’expert ou de conseiller, voire de ses prérogatives d’organe de décision de l’exécutif22. En effet, avant l’avènement de l’ère libérale des années 1990, le Conseil des Ministre était certes formalisé. Mais malheureusement, il s’agissait là que d’un formalisme purement décoratif dans la mesure où le Président ne convoquait presque jamais cette instance de travail. Il en est ainsi des cas camerounais et à une moindre mesure de la République Centrafricaine. Au Cameroun par exemple, le Président Biya depuis son accession au pouvoir en novembre 1982 n’a présidé que 5 conseils des ministres jusqu’à nos jours23et en République Centrafricaine à cause de l’instabilité chronique qu’a vécu cet Etat africain, le Conseil des ministres a connu pendant quelques années de crise une létalité justifiée. Et quand bien même elle venait à se réunir, son expertise ne comptait que pour du beurre dans la mesure où le Président passait outre leur résolution dans sa prise de décision finale.

Ainsi mener une réflexion sur cet organe en Afrique dégage un intérêt certain. Ce dernier trouve des éléments justificatifs du fait de sa minorisation par la doctrine constitutionnelle africaine. Aussi, la présente étude se donne pour ambition de l’appréhender afin de mieux la saisir, autant en ce qui concerne sa prise en compte par les textes que du fait de sa mobilisation par les pratiques constitutionnelles. Mais cerner notre objet d’étude, impose un préalable. La définition24 des notions clés du sujet, en donnant un contenu précis aux termes : Conseil des Ministres, Constitutionnalisme et Etat d’Afrique noire francophone.

D’abord la notion de Conseil des ministres, ce dernier est appréhendé en droit constitutionnel comme une formation officielle du gouvernement25. C’est une formation collégiale réunissant l’ensemble des membres d’un gouvernement ou d’un organisme donné en vue d’examiner son action et de définir les politiques futurs sur différents sujets. Le

20Art 32 de la constitution centrafricaine du 30 mars 2016.

21Art 71 de la constitution Ivoirienne du 8 novembre 2016.

22Sur l’impulser du conseil des ministres tenu le 6 avril 2019 le Président Sénégalais MACKY SALL va prendre une décision d’impulser une réforme constitutionnelle en Côte d’Ivoire le Président OUATTARA va prendre des mesures d’ordre social et institutionnel grâce à l’office du conseil des ministres tenu le 18 décembre 2018.

23 5 conseils des ministres : le premier présidé en février 1983, 27 novembre 2012, 9 décembre 2014, 15 octobre 2015 et enfin 15 mars 2018.

24 LOGO (Y.-K.), « Les mésententes politiques et le droit constitutionnel en Afrique noire francophone ».op cit, p. 3.

25DE VILLIERS (M.), Dictionnaire de droit constitutionnel. Paris, Armand colin, 2ème éd, 1999, p.43

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vocable « conseil » est révélateur du fait que cet organe est soit, le conseiller politique de l’exécutif, soit une instance de délibération. Il en ressort de ce qui précède que cette instance a un dédoublement fonctionnel en Afrique. Autant on peut le solliciter pour avis, autant on peut le mobiliser afin de prendre une décision consensuelle. Dans les Etats d’Afrique noire francophone, le conseil des ministres est une instance ad hoc dans la mesure où son activité est périodique. Elle peut se tenir en période normale comme en période de crise. Par exemple en période de crise, il peut arborer plusieurs dénominations, de conseil de crise, conseil de comité scientifique pour ne prendre que ces exemples. Mais, quel qu’en soient, les circonstances de sa convocation, le conseil des ministres réunis les membres de l’exécutif, voir des experts devant jouer un rôle décisif dans la résolution d’une crise. Ainsi admis, le conseil des ministres s’assimile plus à une instance de concertation qu’à un pouvoir public26 dans la mesure où elle reste certes une institution consacrée mais n’ayant qu’un pouvoir de circonstance.

Ensuite le constitutionnalisme, il est considéré par le Doyen Maurice KAMTO comme l’apanage des sociétés modernes27. Ce dernier l’appréhende comme « un phénomène constitutionnel en mouvement dans un environnement constitutionnel »28 dans la mesure où il

« transcende le texte de la constitution et englobe les pratiques politiques et la jurisprudence constitutionnelle »29. D’un côté, le terme constitutionnalisme fait référence à « l’idéologie qui promeut la limitation du pouvoir dans le but d’assurer la garantie des droits30. Et de l’autre, un

« mouvement constitutionnel dans un Etat ou une région »31. Et comme le souligne Monsieur Jean Mermoz BIKORO « c’est dire qu’on peut établir un lien entre le constitutionnalisme, l’institutionnalisation du pouvoir et la garantie des droits et libertés fondamentaux »32 au sein d’un Etat précis.

26L’expression pouvoirs publics désigne de manière générique l’ensemble des services chargés de l’administration d’un Etat ou d’une collectivité publique et de manière spécifique, le gouvernement d’un Etat.

27Maurice KAMTO cité par MONEMBOU (C), La séparation des pouvoirs dans le constitutionnalisme camerounais : contribution à l’étude de l’évolution constitutionnelle, Thèse de Doctorat Ph.D en Droit Public Université de Yaoundé II, 2011, p. 35.

28KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique, essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d’Afrique noire francophone. Paris, LGDJ, 1987, p. 143.

29FALL (I.-M.), Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique, op.ci.t, p. 22.

30 DE VILLIERS (M.) et LE DIVELLEC (A.), Dictionnaire de droit constitutionnel. 10ème éd, Paris, Sirey, 2015, p. 79.

31KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d’Afrique noire francophone, op.cit., p. 43.

32 Idem.

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Enfin, l’appréhension de la notion d’Etats d’Afrique noire francophone n’est pas facile à éclaircir. Celle-ci a néanmoins fait l’objet d’une abondante littérature de la part de la doctrine africaine. Comme le souligne, Monsieur Jean Mermoz BIKORO, le recours à cette expression « correspond généralement à un souci de délimitation du cadre géographique d’une étude »33. Dans la présente étude, l’expression « Etats d’Afrique noire francophone », désigne les Etats noirs africains, d’expression française, issus du processus de décolonisation34, c'est-à-dire les Etats ayant fait l’objet d’une domination coloniale, de la part d’une puissance étrangère, en l’occurrence la France, voire la Belgique et domination s’étant exercée « au nom d’un titre de souveraineté propre dans le cadre des territoires annexés par une métropole »35 ou « sous la base d’un mandat international dans le cadre des territoires mis sous tutelle » 36des Nations Unies.

Des développements précédents, il ressort une marginalisation de cette instance pendant l’expérience du présidentialisme autoritaire et son regain d’intérêt avec l’avènement de la démocratisation des sociétés africaines. On peut alors aisément se poser la question de savoir : Quelle est la place actuelle du Conseil des ministres au sein des exécutifs des Etats d’Afrique noire francophone ? En effet, il s’agira d’examiner la position et le rôle que lui réserve le constituant contemporain et les pratiques constitutionnelles africaines. Mais une telle problématique dégage un certain intérêt. Ce dernier est dual en ce sens qu’il trouve des éléments justificatifs autant sur le plan scientifique et que sur l’aspect pratique. Dans le premier cas, la problématique mise en exergue nous permettra d’appréhender les contours de cette institution en Afrique. D’abord pour saisir son importance, ensuite pour déterminer son rôle dans les exécutifs africains. Dans le second, elle nous permettra d’examiner de manière pragmatique les modalités de recours à cette instance et aussi d’apprécier son office à l’endroit des autorités de décision.

Toutefois, examiner la place de cette instance au sein des exécutifs africains nécessite le recours à une méthode précise. Il s’agira ici du recours au positivisme méthodologique37 en

33BIKORO (J.-M.), Le temps en droit constitutionnel africain :le cas des Etats d’Afrique d’expression française.

Thèse de Doctorat/ Ph.D. en Droit Public, Université de Yaoundé II, 2018, p. 34.

34CONAC (G.), « L’évolution constitutionnelle des Etats francophones d’Afrique et de la République démocratique Malgache », op.cit, p. 1.

35 Idem.

36CONAC (G.), cité par BIKORO (J-M.), Le temps en droit constitutionnel africain : Le cas des Etats africains d’expression française, op.cit, p. 35.

37 CHAMPEIL-DESPLATS (V), Méthodologie du droit et des sciences du droit, Paris, Dalloz, coll, Méthode du droit, 2014, p. 9.

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général et de manière particulière à sa dimension pragmatique38 en ce sens que le droit constitutionnel reste d’abord une discipline juridique, mais une discipline spécifique dans la mesure où son objet d’étude va au-delà de la stricte analyse des dispositions des textes constitutionnels pour prendre en compte les pratiques des acteurs politiques.

Mais à cette interrogation on peut néanmoins apporter une réponse satisfaisante, celle de la place centrale de cet organe au sein des exécutifs contemporains d’Afrique. Ceci s’explique du fait que le Conseil des ministres s’érige parfois en un expert politique des pouvoirs publics (I) et ceci au détriment du fait qu’il soit généralement considéré comme un acteur majeur de l’action du pouvoir exécutif (II).

I. LE CONSEIL DES MINISTRES : UN ORGANE CONSULTANT AFFIRME

De manière triviale, le vocable consultant est appréhendé comme une personne en charge de donner des conseils39. Mais en droit constitutionnel, ce terme est polysémique en ce sens que l’expertise en cette discipline regorge plusieurs aspects40.Ceux-ci oscillent autour l’émission des avis et des explications sur un point de droit ou politique avant une prise de décision41.Le conseil des ministres africain s’assimile à ce type d’organe dans la mesure où il s’érige parfois en conseiller politique de l’exécutif (A) et ceci, dans des domaines assez variés (B).

A. LA VARIABILITE DE LA NATURE DES ACTES D’EXPERTISE La nature des actes d’expertise du conseil des ministres en Afrique noire francophone varie en fonction des options constitutionnelles. Certains Etats africains leur confèrent une nature obligatoire (1) tandis que d’autres les considèrent comme de simples mesures procédurales (2).

1. La prévalence des avis obligatoires

En matière d’édiction des actes administratifs unilatéraux, la consultation occupe depuis fort longtemps une place primordiale42. Celle-ci permet à une autorité administrative

38 OPPETIT (B), Philosophie du droit, Paris, Dalloz 1999, p. 57.

39 Dictionnaire français le Robert

40MONEMBOU (C), « Les actes non juridictionnels des juridictions constitutionnelles des Etats d’Afrique noire francophone. Les cas du Gabon, du Benin, du Sénégal et du Niger » RIDC, n°1, 2017, p. 191.

41EYEBE AYISSI (H), L’administration consultative au Cameroun, Mémoire de Master de droit public, Université de Yaoundé, 1980, p. 1.

42MORAND-DEVILLER (J.), Cours de droit administratif. Paris, Montchrestien 8ème éd, . 23p.

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de prendre une décision en toute connaissance de cause, mais également celles devant garantir les intérêts des citoyens. Il convient néanmoins de préciser que la mise en œuvre de cette procédure débouche généralement sur l’émission de certains avis. Ceux-ci sont pluriels et s’articulent en matière administrative autour, des avis conforme, facultatif et obligatoire43. Sans vouloir trop s’attarder sur ces différents types d’avis, il convient seulement de souligner que l’avis obligatoire emporte une incidence à la prise de décision définitive dans la mesure où elle oblige l’autorité de décision à consulter l’expert requis.

En Afrique du fait de la formalisation de la nature obligatoire de la consultation de l’organe étudié, les pouvoirs publics sont tenus de solliciter la dite consultation avant toute initiative. C’est le cas avec le recours aux états de crise, de la convocation du référendum, mais aussi en matière de certaines nominations où l’expertise du conseil des ministres est généralement mise en exergue. Et les cas centrafricain, burkinabé, béninois et tchadien peuvent nous servir de base d’illustration.

En République Centrafricaine, la Constitution du 30 mars 2016 en son article 43 dispose en substance que « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire, l’exécution des engagements internationaux, ou le fonctionnement normal des pouvoirs publics sont menacés de manière grave et immédiate, le Président de la République, après avis du Conseil des ministres (…) prend des mesures exigées par les circonstances en vue de rétablir l’ordre public, l’intégrité du territoire et le fonctionnement régulier des pouvoirs publics(…) »44 et l’article 41 de la constitution sus évoquée de renchérir que « lorsque les circonstances l’exigent, le Président de la République peut soumettre au référendum, après avis du conseil des ministres (…) tout projet de loi ou avant sa promulgation toute loi déjà votée par le Parlement (…) »45. A l’examen de ces deux prescriptions constitutionnelles, il en ressort que le Président de la République centrafricain ne recourir aux états de crise consacrés sans au préalable satisfaire aux exigences procédurales liées à la consultation du Conseil des ministres. Il en est de même de l’option constitutionnelle

43S’agissant du premier, ce dernier est contraignant en ce sens qu’il doit être suivi par l’autorité administrative.

Et son non-respect entraine une irrégularité qui peut être soulevé d’office devant le juge administratif. Quant à l’avis facultatif, l’autorité administrative peut passer outre les recommandations de l’organe voire ne même recueillir celles-ci. Mais relativement au dernier avis évoqué, il s’appréhende comme l’obligation de consulter de l’autorité administrative. En effet, les modalités théoriques qui encadrent la mise en œuvre de cette procédure spécifique en droit indiquent que l’administration est tenue de la solliciter sans pourtant être lié par la consultation de l’organisme consulté. Néanmoins, si l’avis obligatoire est défavorable l’autorité de décision n’aura que deux possibilités, suivre l’avis ou prendre à contre pieds le consultant.

44 Art 43 de la Constitution centrafricaine du 30 mars 2016.

45Art 41 de la constitution précitée.

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choisie par le Burkina-Faso. En effet, le constituant du 2 juin 1991 dispose en son article 100 que « le décret simple est un acte signé par le Président du Faso ou par le Premier Ministre (…) après avis du conseil des ministres (…) »46. C’est également l’option choisie par leurs homologues béninois47 et tchadien48 en ce sens que le Président de la République de ces Etats d’Afrique noire francophone consulte le plus souvent l’organe appréhendé avant toute nomination aux hautes fonctions de l’Etat. Et les avis motivés de cet organisme constitutionnel prévalent en Afrique dans la mesure où ils s’apparentent aux avis obligatoires en ce sens que l’autorité administrative est tenue d’en solliciter sans pour autant être lié par son contenu dans sa prise de décision finale.

Cette option constituante des Etats Africains de consacrer une expertise obligatoire à l’endroit du conseil des ministres en matière de recours aux pouvoirs de crise et au référendum, mais également aux nominations du Président de la République trouve sa raison d’être. En effet, les domaines nécessitant l’expertise concertée des ministres réunies en conseil sont d’un intérêt social avéré et nécessite par ailleurs une prise de décision avisée de la part de l’autorité de décision.

L’expertise obligatoire du conseil des ministres trouve toute sa pertinence ici dans la mesure où elle permet au Président de la République de recourir aux pouvoirs de crise et au référendum, voire de nommer aux hautes fonctions de l’Etat après une concertation avec ces ministres. Le but visé étant d’informer l’instance de travail de l’exécutif de la situation du pays et d’examiner des mesures susceptibles d’être prises par le Président de la République.

L’expertise évoquée ne liant pas ce dernier à la prise de décision définitive nous laisse néanmoins perplexe dans la mesure où une décision collégiale et consensuelle constitue une intelligence plurielle et aboutit généralement aux décisions mesurées et rationalisées. L’option du constituant africain de laisser une marge d’action au Président peut le conduire à prendre des mesures personnifiées ne répondant pas à la situation objet de recours à l’expertise des ministres réunis en conseil.

Les Etats d’Afrique noire francophone semblent malheureusement avoir privilégié pour la quasi-totalité d’entre eux, cette modalité de consultation minorant ainsi les autres modalités à l’instar des consultations conformes. Mais malgré une telle option, l’expertise

46Art 100 de la Constitution Burkinabé du 02 juin 1991.

47 Art 62 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990.

48 Art 86 de la constitution tchadienne du 4 mai 2018.

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facultative subsiste dans la mesure où elle a fait l’objet de consécration dans certains Etats africains.

2. La constance des avis facultatifs

L’avis facultatif reste un acte juridique49. Mais ce dernier a un caractère purement procédural pour son auteur. En matière d’expertise, il s’agit de la consultation facultative.

C'est-à-dire celle devant laisser à l’autorité administrative le soin d’apprécier l’opportunité de saisir ou non un organe consultatif avant toute prise de décision. En effet, l’autorité de décision bénéficie en matière administrative d’un pouvoir discrétionnaire50. Pouvoir lui permettant de bénéficier d’une liberté d’action voir d’abstention afin de solliciter l’avis d’un organisme indiqué. Ainsi admis, l’autorité administrative dans ce cas d’espèce, a donc une capacité d’action de s’abstenir de solliciter la dite consultation ou prendre une décision contraire ressortissant de l’avis du dit organisme.

Dans le constitutionnalisme africain, cette catégorie d’avis fait l’objet d’un encadrement implicite. Son appréciation découle autant de la pratique des acteurs politiques que de l’interprétation des textes les encadrant. S’agissant du dernier cas évoqué, le texte constitutionnel djiboutien et ce, malgré son caractère singulier peut nous servir de base d’illustration. En effet l’article 33 de la Constitution de Djibouti dispose en substance que « le gouvernement est chargé d’assister et de conseiller le Président de la République dans l’exercice de ses fonctions »51. A l’examen de cette prescription constitutionnelle, il en ressort une consécration d’une fonction consultative au profit du Gouvernement. Celle-ci n’est pas l’œuvre d’un seul membre mais de l’équipe gouvernementale dans son entièreté. Et elle ne saurait donc se matérialiser que par le biais de la réunion des ministres en conseil. Mais le constituant Djiboutien ne précise pas avec clarté si le Président est tenu de solliciter l’expertise de son équipe gouvernementale ou pas et ne précise pas également la nature des avis qui en ressortiront au cas où ce dernier venait à la solliciter.

On peut donc déduire de manière implicite que la consultation sollicitée auprès du gouvernement par le Président de la République n’est ni conforme, ni obligatoire, dans la mesure où le constituant Djiboutien laisse toute latitude procédurale à ce dernier de choisir l’option qu’il juge nécessaire. D’où notre adhésion à l’idée d’avis facultatif devant être émis

49CABRILLAC (R), Dictionnaire du vocabulaire juridique 2014. Paris, lexis nexis, p. 53.

50La compétence donnée à l’administration pour prendre des règles de droit sans trop de contrainte. Lire utilement ABANE ENGOLO Patrick, L’application de la légalité par l’administration au Cameroun, Thèse de Doctorat/Ph.D en droit public, Université de Yaoundé II, 2009, 513p.

51 Art 41 de la Constitution de Djibouti précitée.

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par cet organe de l’Etat au cas où le Président Djiboutien viendrait à solliciter le cas échéant le conseil des ministres pour avis. Ce fut le cas en 2009 et 2019. En effet, le Président Ismail Omar GUELLEH va solliciter sans obligation formelle l’avis de ses ministres réunis en conseil d’abord le 1er juillet 2009 sur l’approbation des dispositions de la loi portant code des marchés publics et malgré leur désapprobation le Président djiboutien va quand même promulguer la dite loi, ensuite non loin de nous en 2019, le même chef de l’Etat et sur une question similaire à celle précédemment évoquée, va approuver de manière unilatérale le budget prévisionnel de l’agence nationale des systèmes d’information de l’Etat sans tenir compte de l’opinion du conseil délibérant de l’exécutif pourtant défavorable à l’approbation en l’état du dit budget.

Du point de vue de la pratique, la République centrafricaine peut servir d’exemple.

Ainsi, le Président de cet Etat africain a à plusieurs reprises pris des mesures en contradiction totale avec celles provenant de la délibération des ministres réunis en Conseil ou les ignorer totalement. C’est par exemple le cas de la prise des mesures urgentes par ce dernier en vue de l’application immédiate de l’accord de Libreville52. Celles-ci n’ont pas reçu de caution implicite, encore moins explicite du conseil des ministres du 15 février 2013. Ce dernier était plus enclin à une mise en œuvre mesurée et progressive des mesures précédemment évoquées.

Leur approbation et leur mise soudaine en application ont été une œuvre unilatérale du Président Centrafricain. Malgré son caractère singulier, cette pratique politique renseigne à juste titre qu’en Afrique noire francophone, l’autorité de décision en matière constitutionnelle peut passer outre la délibération formelle du gouvernement ou même ne pas soumettre l’objet de sa décision à leur appréciation sans pour autant subir une sanction juridique, voir un revers politique.

Ainsi, l’avis facultatif s’érige alors en une formalité purement décoratrice en matière de consultation du Conseil des ministres en Afrique. Ce dernier décline certains avantages dans la mesure où ce type de consultation laisse une liberté d’action à l’autorité de décision d’agir avec promptitude en cas d’urgence en soustrayant celle-ci à l’étau de lourdes procédures obligatoires. Mais la consécration d’une telle consultation au profit du Président

52Accord politique de Libreville du 11 janvier 2013, sur la résolution de la crise politico-sécuritaire en République centrafricaine.

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de la République entraine malheureusement une incidence perceptible, à savoir le renforcement de son pouvoir discrétionnaire53.

De ce qui précède, il convient de relever que l’expertise facultative du Conseil des ministres à l’endroit des autorités de décision n’est qu’un décor en Afrique dans la mesure l’expert politique de l’exécutif n’a pas les moyens juridiques de se faire consulter et ne détient pas les outils juridiques d’obliger l’autorité de décision à prendre en compte ses opinions. La formalisation d’une telle consultation n’étant qu’une parade du constituant africain, de permettre au Président d’agir en toute liberté. Toutefois, quel qu’en soit, l’option procédurale choisie, la consultation du conseil des ministres s’effectue dans des domaines précis.

B. LA DUALITE DU DOMAINE DE LA CONSULTATION

Dans les Etats d’Afrique noire francophone, le domaine de la consultation est dual et s’articule autour d’un seul paradigme, l’examen de la consultation du conseil des ministres à l’endroit de certaines autorités de l’administration. Cet examen peut donc s’opérer autant sous l’angle organique (1) que sous l’angle matériel (2).

1. La duplication du domaine organique

Dans le domaine de la consultation, deux acteurs sont généralement mis en exergue, à savoir l’organe qui sollicite l’avis et celui qui joue le rôle de l’expert. Dans le cadre de cette réflexion, seuls les organes sollicitant l’expertise du conseil des ministres seront analysés.

En Afrique noire francophone, les organes bénéficiant du pouvoir de solliciter un avis du conseil des ministres sont pluriels et diversifiés. Mais ceux-ci peuvent être classés en deux catégories, à savoir d’un côté, les organes ayant le droit d’accès à titre principal et de manière habituelle et de l’autre, ceux exerçant cette prérogative de manière exceptionnelle, en ce sens qu’ils l’exercent par le biais d’une délégation de pouvoir54 voir de la mise en œuvre des prérogatives de substitution à l’autorité principale55.

Dans le premier cas, le Président de la République est l’autorité attitrée en Afrique noire francophone. Il en est ainsi des cas camerounais56, centrafricain57 et Congolais58 pour ne

53Le pouvoir discrétionnaire est la capacité pour une autorité administrative de prendre des décisions en disposant d’une liberté d’appréciation de l’opportunité.

54Délégation de pouvoir renvoie en matière constitutionnelle au processus par lequel le dépositaire d’un pouvoir de décision transmet l’exercice d’une partie de ses pouvoirs à un de ses collaborateurs.

55Décision n°219/CC du 14 novembre 2018.

56 Art 8 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996.

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citer que ceux-là et du Parlement cas singulier centrafricain. En effet, l’article 60 de la Constitution centrafricaine précitée dispose en substance que « le gouvernement examine en conseil des ministres, les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de chaque chambre du Parlement. Il est consulté pour avis sur les proposition de loi »59. A l’examen de cette disposition constitutionnelle, il en ressort que les chambres parlementaires sont habilitées à saisir pour avis le gouvernement réuni en Conseil des ministres sur toute proposition de loi engageant l’Etat centrafricain.

Dans le second cas de figure, il s’agit ici principalement des autorités intérimaires, c'est-à-dire les organes de l’Etat devant assurer les destinées de l’Etat pendant un délai plus ou moins long en cas de vacances60 à la présidence de la République. Dans le constitutionnalisme africain, ces autorités sont diverses et varie en fonction des ordres juridiques des Etats. Par exemple au Cameroun il s’agira du Président de la chambre Haute61. En effet, l’article 6 alinéa 4 de la réforme constitutionnelle camerounaise de 1996 dispose en substance que « en cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif constaté par le conseil constitutionnel (….) l’intérim du Président de la République est exercé de plein droit jusqu’à l’élection du nouveau président de la République par le Président du Sénat. Et si ce dernier est à son tour empêché, par son suppléant suivant l’ordre de préséance au Senat ». En République centrafricaine, il s’agira du Président de la Chambre basse62 et du Premier Ministre cas du Congo63 pour ne citer que ces exemples.

De ce qui précède, il en ressort qu’en Afrique noire francophone, seuls les organes du pouvoir exécutif et législatif sont habilités à consulter le conseil des ministres. Les autorités juridictionnelles semblent donc exclues de cette attribution constitutionnelle. Les premiers pour la mise en œuvre de leurs attributions résiduelles, quant aux seconds, ils devraient pallier à la défaillance d’un membre de l’exécutif en cas de situation exceptionnelle. En effet, la reconnaissance de cette prérogative à certaines autorités du pouvoir législatif est salvatrice et

57 Art 41, 43, 44 et 46 de la Constitution centrafricaine du 30 mars 2016.

58 Art 88 de la Constitution congolaise du 6 novembre 2015.

59Art 60 de la constitution centrafricaine précitée.

60La vacance est le temps pendant lequel une autorité consacrée n’exerce plus ses fonctions. Elle est généralement réglementée par le texte constitutionnel en ce qui concerne la vacance à la présidence de la République.

61Art 6 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996.

62Art 47 de la Constitution centrafricaine du 30 mars 2016.

63Art 78 de la Constitution congolaise du 6 novembre 2015.

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justifiée. D’abord pour assurer la continuité de l’Etat et par ricochet le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, ensuite afin de pallier à l’empêchement temporaire voire définitif de l’autorité investie à titre principal de la prérogative de solliciter l’expertise du Conseil des ministres.

Toutefois, le fait pour le constituant africain d’écarter le juge en général et de manière spécifique le juge constitutionnel en cette matière pose quelques interrogations. Soit à cause de sa casquette d’expert juridique des pouvoirs publics, soit à cause de ses compétences résiduelles de régulateur constitutionnel ou toutes autres raisons non encore illustré par le constituant africain. Mais en attendant la formalisation de ce cas de figure, l’option de soustraire le juge constitutionnel à l’expertise politique du Conseil des ministres prospère et trouve également des éléments justificatifs de sa raison d’être dans le constitutionnalisme africain.

Quant aux organes pouvant recourir à l’expertise du conseil des ministres de manière exceptionnelle, ils sont en priorité des organes ayant reçu une délégation de pouvoir, voir devant se substituer de plein droit à l’autorité défaillante. Il s’agit ici, des membres de l’exécutif et les autorités devant assurer l’intérim présidentiel en cas de vacances temporaire ou définitive. D’abord les membres de l’exécutif exerçant cette prérogative par délégation, ces derniers peuvent solliciter l’expertise du conseil des ministres que par délégation expresse de pouvoir. En effet, il existe des cas de figures en Afrique ou le Président de la République peut déléguer ses pouvoirs à certains collaborateurs et ce dans différents domaines y compris de celui de présider le conseil des ministres voir de solliciter son expertise. Les cas camerounais, béninois et ivoirien peuvent nous servir de base d’illustration.

Au Cameroun, la constitution du 18 janvier 1996 en son article 10 alinéa 2 permet au Président de la République de déléguer certains de ces pouvoirs aux membres du gouvernement64 en général et au Premier ministre en particulier. Cette délégation expresse permet à ces autorités de l’exécutif au Cameroun d’assurer la continuité de la fonction présidentielle dans bien des domaines non exclus par le constituant. Il en est ainsi de la présidence du conseil des ministres ou le premier peut valablement le remplacer ou solliciter l’expertise de cet organe si l’exercice de la délégation est orienté dans un domaine nécessitant un compromis ministériel. C’est également l’option choisie par le constituant béninoise. En effet, l’article 70 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990 formalise la délégation de

64 Art 10 de la constitution camerounaise du 18 janvier 1996.

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