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LA PARTICIPATION A L’IMPULSION DE LA POLITIQUE DE LA NATION

Le terme impulsion vient du verbe transitif impulser qui veut dire donner de l’élan à une entreprise. Transposer en matière constitutionnelle, il renvoie à l’initiative dans la scène politique d’un certain nombre d’acteurs. L’organe étudié s’inscrit dans cette optique, dans la mesure où il promeut autant l’impulsion des réformes juridiques (1) que celles qualifiées d’extra-juridiques (2) par la présente étude.

1. L’impulsion des reformes juridiques

Le conseil des ministres impulsent les réformes juridiques en Afrique. Par définition, les réformes juridiques peuvent être appréhendées comme étant des changements opérés sur l’arsenal normatif en vue de l’adapter aux nouvelles aspirations de la société. Mais, il convient de souligner que ces changements sont généralement l’œuvre de certains organes de l’Etat. Ces derniers bénéficient au nom du principe démocratique de la représentation, un pouvoir formel de décision leur permettant d’enlever un caractère exécutoire aux prescriptions normatives anciennes au profit de celles devant voire le jour.

Les reformes juridiques peuvent être plurielles, mineures ou profondes. Mineures dans la mesure où elles ne concernent que quelques dispositions d’une loi à réformer ou profondes au cas où elles s’intéresseraient à une pluralité d’instruments de droit. Mais quelques soit l’option choisie, les reformes juridiques apportent un élan nouveau à l’ordre établit dans la

87CARPENTIER (E), « L’organe, l’acte et le conflit constitutionnels », AIJC, 2004-2005, n°20, p. 63.

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mesure où elles insèrent de nouvelles dispositions exécutoires marquées du sceau de changement88.

Toutefois il convient de souligner que plusieurs organes de l’Etat impulsent les réformes juridiques, au rang desquels le conseil des ministres. Ce dernier, du fait de sa posture d’organe de travail du pouvoir exécutif, est au centre des initiatives de réforme juridique provenant du dit pouvoir. Ce dernier intervient généralement en amont comme en aval en matière d’initiative des projets des réformes normatives. En amont dans la mesure où la reforme juridique sollicitée émane directement de son œuvre et en aval, en ce sens que les reformes juridiques proposées par d’autres centres d’impulsion, peuvent recevoir son approbation par le biais de la délibération avant toute mise en œuvre formelle.

Il résulte de ce qui précède que le Conseil des ministres est un acteur majeur en matière de réformes juridiques. Ce dernier tire son fondement juridique des textes et de la pratique constitutionnelle africaine. Dans le premier cas, le constituant formalise de manière explicite la fonction délibérante du conseil des ministres en matière de réforme textuelle. Et les textes constitutionnels de la République Démocratique du Congo, de Madagascar, du Tchad et du Togo89.

D’abord le cas congolais, le constituant de cet Etat d’Afrique noire francophone formule à l’article 130 de la constitution du 18 février 2006 que l’initiative des lois appartient concurremment au Gouvernement, à chaque député et à chaque sénateur (…) et que les projets de loi sont adoptés par le gouvernement en conseil des ministres (…) »90. A l’examen, de cette disposition constitutionnelle, il en ressort une formalisation explicite de la fonction délibérante du conseil des ministres en matière d’impulsion des projets de réformes normatives.

Ses homologues africains de Madagascar et du Tchad s’inscrivent dans la même optique de faire de l’organe étudié l’un des acteurs étatiques de l’impulsion des réformes juridiques. En effet, l’article 86 de la constitution Malgache du 11 décembre 2010 dispose que

« l’initiative des lois appartient concurremment au Premier Ministre, au député et au sénateur.

Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres et déposés sur le bureau de l’une des deux chambres (…)»91. Même son de cloche au Tchad92. Ce dernier à l’instar de ses autres

88 FABRE-MAGNAN (M), Introduction générale au droit. Paris, PUF, 2009, p. 29.

89 Art 69 de la Constitution du Togo du 6 novembre 2015.

90 Art 130 de la constitution congolaise du 18 février 2006.

91 Art 86 de la constitution malgache du 11 décembre 2010.

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homologues africain évoqués fait de cette instance un organe délibérant en matière de réformes textuelles.

Par exemple au Togo, le conseil des ministres tenu, le 06 novembre 2019 sous la présidence de Faure GNASSINBE a initié et adopté après délibération 4 projets de décrets instituant des réformes juridiques majeures formalisé par le Président de la République. Entre autres, les réformes liées à la perte de la nationalité togolaise, aux conditions d’application des régimes de transit ordinaire, aux modalités de destructions des objets et marchandises confisqués et enfin à l’approbation du document instituant de la nouvelle politique nationale de la qualité. A Madagascar, le conseil des ministres du 20 novembre 2019 a initié plusieurs réformes normatives, à l’instar des délibérations sur les avant- projets portant réforme des lois bancaires et des avant- projets de lois portant réforme du code minier pour ne citer que ces exemples. Au Tchad le conseil des ministres tenu, le 18 avril 2019 a initié quelques réformes normatives. C’est le cas des réformes normatives en lien étroit avec la réorganisation de l’Etat civil et de l’avant-projet de décret devant réorganisé la protection des personnes handicapées.

Enfin en République Démocratique du Congo, le conseil des ministres du 17 avril 2020 a soumis au Président TSHISHEKEDI plusieurs avant projets de textes avec un contenu réformateur.

Quant à la pratique constitutionnelle, les cas gabonais et ivoirien peuvent nous servir de base d’illustration. Au Gabon le projet de loi controversée sur la révision constitutionnelle adoptée en 2017 par l’Assemblée Nationale, a été impulsé et arrêté en amont par le Conseil des ministres gabonais en date du 28 septembre 2017. Cette révision avait pour objet d’accentuer les pouvoirs du Président de la République. En Côte-D’ivoire, le conseil des ministres du 29 janvier 2020, tenu sous la présidence de Alassane OUATTARA a eu pour finalité d’impulser certaines réformes juridiques. L’une liée à l’activité législative, l’autre en rapport avec l’économie et la finance. S’agissant de la première, il s’agit de l’adoption du projet de loi devant instituer le nouveau code de l’urbanisme et du domaine foncier urbain.

Quant à la seconde réforme juridique, elle est encore l’œuvre du même organe, adopté le même jour afin de faciliter les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement du pole pénal économique et financier. Instance judicaire crée à titre expérimental en 2017.

De ce qui précède, il ressort que le conseil des ministres africain s’implique fortement à la mise en œuvre des réformes juridiques. Cette implication se justifie du fait que l’exécutif

92 Art 86 de la Constitution du Tchadienne du 4 mai 2018. Cet article dispose en substance que

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étant en charge de la direction de l’Etat, le met toujours au centre de toute initiative réformiste. D’abord parce que les réformes juridiques visent le plus souvent à améliorer un secteur d’activité régit par le droit et exécuter par l’exécutif, ensuite parce que le conseil des ministres est un organe collégial et représenté par l’ensemble des chefs de département ministériel d’un gouvernement.

Mais dans le constitutionnalisme africain, le conseil des ministres n’impulse pas que les réformes juridiques. D’autres réformes à l’instar de celles qualifiées par la présente étude de réformes extra juridiques subissent aussi l’influence de cet outil de travail en Afrique.

2. L’approbation des réformes extra-juridiques

Les réformes extra-juridiques sont celles qui ne modifient pas l’arsenal juridique de l’Etat. Celles-ci déterminent plutôt l’espace institutionnel et politico-social93. Et ainsi que le souligne Madame MEDDA, il s’agit là d’un domaine du non droit94 en ce sens qu’il laisse libre arbitre aux volontés individuelles qui ne connaissent aucune contrainte95normative.

Dans les Etats d’Afrique noire francophone, le conseil des ministres procède très souvent aux réformes institutionnelles, soit pour modifier leur structure, soit alors dans le but de créer de nouvelles institutions96. A ce propos, la Côte-D’ivoire, le Togo et le Gabon brillent par leur célébrité.

D’abord en Côte-D’ivoire, le conseil des ministres tenu le 15 janvier 2020 au palais de la Présidence de la république à Abidjan, a approuvé la création d’un organe en charge de la gestion d’un registre international pour l’immatriculation des navires au ministère des transports. Il en sera ainsi de celui tenu le 29 janvier 2020 dans le même Etat. Ce dernier va approuver la création à Laayoune au Maroc d’un consulat général de la République de Côte-D’ivoire afin d’assurer une meilleure garantie de la protection diplomatique des ressortissants ivoiriens visant dans le sud-est du Maroc.

Dans la même logique au Togo, le conseil des ministres tenu le 18 octobre 2019 sous la Présidence de Faure GNASSINGBE a approuvé la création des commissions électorales

93FERNANDES (J), « Du discours au récit constitutionnel : analyses extra-juridiques du constitutionnalisme » CLSHS, 2017, p. 1.

94 MEDDA (F), Les facteurs extra-juridiques dans la jurisprudence de la Cour internationale de justice. Thèse de Doctorat, Paris-Est, 2016, p. 1.

95CEREXHE (E), « Le rôle du droit dans le développement économique : réflexion sur le droit et le non droit ».

op. cit, p. 1.

96Idem.

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d’ambassade indépendantes comme démembrement de la CENI à l’extérieur du territoire togolais. Au Gabon le 21 juin 2017 le conseil des ministres sous la Présidence de Ali BONGO va approuver la création du comité d’organisation de la coupe d’Afrique des nations de Handball senior de 2018.

Au plan social, le conseil des ministres africain joue encore un rôle non négligeable.

Ce dernier est le metteur en scène par excellence de l’architecture sociale. En effet, l’outil de travail des exécutifs modernes, initie, discute et approuve généralement des reformes extra-juridiques visant le domaine social. Cette situation place dès lors cet organe de l’Etat au centre de toute initiative dans le domaine évoqué. Pour illustrer nos propos, convoquons une nouvelle fois le Tchad et la Cote d’ivoire. En Côte-D’ivoire, le conseil des ministres tenu le 19 février 2020 au palais de la République à Abidjan va approuver la création d’un centre des opérations de santé publique ayant pour attribution la surveillance intégrée des maladies et des ripostes. Quant au conseil des ministres tchadien, ce dernier va approuver le 9 mai 2019, la création d’une agence nationale d’appuis au développement rural, agence ayant pour objectif de soutenir l’initiative agricole et de l’élevage au plan local.

De ce qui précède, il est admis d’admettre au regard de ces faits précédemment illustrés que le conseil des ministres africain est au cœur de l’impulsion des reformes extra-juridiques. Ceci du fait qu’il est l’acteur principal de leur mise en œuvre des politiques publiques dans la mesure où c’est par son canal que le gouvernement africain arrête généralement les mesures à prendre au plan politico-social. Il en est de même en matière de définition de la politique de la Nation.

B. L’IMPLICATION A LA DEFINITION DE LA POLITIQUE DE LA

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