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La diversification du domaine matériel de la consultation

Le domaine matériel renvoie au champ d’application69 de la consultation. Ce dernier est étendu et diversifié. En effet, l’expertise de l’organe étudié peut être sollicitée sur différentes matières. Ainsi, cet organe de l’Etat est habilité par les textes constitutionnels à émettre des avis sur une pluralité de domaines. Il s’agit entre autres des matières ayant un lien étroit avec le référendum, des nominations, de la régulation institutionnelle et du recours aux états de crise constitutionnalisés pour ne prendre que ces quelques exemples.

En matière référendaire, le Président de la République peut solliciter l’expertise du conseil des ministres. A ce titre, ce dernier s’érige alors en expert politique de la plus haute autorité. Cette prérogative consultative trouve son fondement juridique de la Constitution. En effet, les textes constitutionnels africains fondent le conseil des ministres à émettre un avis à l’endroit du Président de la République avant tout recours au référendum. C’est par exemple les cas du Gabon et de la République de Djibouti70. En effet, l’article 18 de la Constitution gabonaise dispose que « Le Président de la République, sur sa propre initiative, ou sur proposition du Gouvernement (…) peut soumettre au référendum tout projet de loi(…) »71. Quant au constituant djiboutien, l’article 33 de la Constitution du 4 septembre 1992 dispose que « Le Président de la République peut (…) soumettre au référendum tout projet de loi(…).

Le gouvernement est chargé d’assister et de conseiller le Président de la République dans l’exercice de ses fonctions (….) »72. En examinant ces deux dispositions constitutionnelles, il ressort que le gouvernement réunit en conseil assiste le Président dans cette mission ô combien important par le biais de la collaboration et des conseils.

Toutefois, le choix du constituant africain de soumettre le recours au référendum à une consultation préalable du Conseil des ministres témoigne l’intérêt que porte ce dernier sur cette matière. En effet, le fait pour le Président de la République de solliciter l’avis de son exécutif gouvernemental avant tout recours au référendum permet à celui-ci d’être avisé des

69TAMA AYINDA (T.-O.), Constitution et crises en Afrique : réflexion sur l’encadrement constitutionnel des crises dans les Etats d’Afrique noire francophone. Thèse de Doctorat/Ph.D en Droit Public, Université de Yaoundé II’ année 2018, p. 240.

70Art 41 de la constitution centrafricaine précitée.

71Art 18 de la constitution gabonaise du 19 aout 2003.

72Art 33 de la constitution Djiboutienne du 4 septembre 1992.

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effets que produira une telle décision mais aussi d’apprécier avec clairvoyance l’opportunité et de l’intérêt de solliciter du peuple un avis prononcé sur une question de société.

Ensuite en matière de nomination, le conseil des ministres africain s’érige de nouveau en expert politique du Président de la République. Ce dernier prend acte et émet des avis sur le choix des hommes que le Président de la République porte à la tête des services administratif et militaire. Et à ce propos, les constituants congolais et béninois peuvent nous servir de base d’illustration. En effet, le texte constitutionnel congolais en son article 88 dispose que « (…) le Président de la République nomme en conseil des ministres aux hauts emplois civils et militaires (…) »73. Option constitutionnelle également choisie par le constituant béninois. En effet, l’article 62 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 dispose en substance que « Le Président de la République est le chef suprême des armées. Il nomme en conseil des ministres les membres du conseil supérieur de la défense(…) »74. Et l’article 56 de la constitution évoquée d’ajouter que « le Président de la République (…) nomme également en conseil des ministres les membres de la Cour Suprême, les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires, les magistrats (…) »75. En examinant ces deux prescriptions constitutionnelles, il découle une consécration formelle de la consultation du conseil des ministres en matière de nomination des hauts responsables au sein des Etats d’Afrique noire francophone.

Les nominations des hauts responsables de l’administration civile et militaire intervenues au sein de ces deux Etats d’Afrique noire francophone ces deux dernières décennies peuvent faire office d’illustration. C’est par exemple le cas des nominations intervenues au Benin le 7 aout 201976 et en République du Congo, le 18 septembre 2019 à Brazzaville77. Toutefois, il convient néanmoins de souligner que le choix des nominations concertées permet au Président de la République de faire des choix rationnels des hommes pour des postes et pour le compte des emplois sollicités.

En matière de régulation institutionnelle, l’expertise du conseil des ministres peut encore être mobilisée. En effet, la compétence consultative du conseil des ministres se déploie aussi à travers la mise en œuvre du droit de dissolution. Ainsi afin d’arbitrer une querelle politique entre le Parlement et le Gouvernement, le Président de la République peut abréger

73 Art 88 de la constitution congolaise du 6 novembre 2015.

74 Art 62 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.

75 Art 56 de la constitution précitée.

76 Résolutions du conseil des ministres béninois du 7aout 2019

77 Résolution du conseil des ministres congolais du 18 septembre 2019.

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avant terme le mandat des parlementaires. En Afrique noire francophone, cette prérogative redoutable respecte néanmoins certaines exigences en termes de procédure. C’est le cas de la consultation du Conseil des ministres. Et les exemples camerounais et centrafricain peuvent nous servir de support d’illustration.

Au Cameroun l’article 8 de la constitution du 18 janvier 1996 indique en son alinéa 12 que « que le Président de la République peut, en cas de nécessité et après consultation du gouvernement, des bureaux des Assemblées nationale et du sénat, prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale. (…) » 78. A son examen, il en ressort que la consultation du gouvernement ne peut s’opérer que par le biais des ministres réunis en conseil. A ce titre, l’organe étudié s’érigerait alors en organe consultant du Président de la République en matière de dissolution de l’Assemblée nationale. Tel semble aussi être l’option choisie par le constituant centrafricain. En effet, l’article 44 de la Constitution de cet Etat d’Afrique noire francophone, fait du conseil des ministres l’un des organes devant être consulté par le Président de la République79 en cas mise en œuvre de l’abrègement d’une chambre parlementaire. Bien que cette prérogative n’ai jamais fait l’objet d’usage dans les Etats évoqués, il n’en demeure pas moins que ce procédé reste formalisé dans les ordres juridiques des Etats africains. Mais il convient de relever que la consultation préalable du conseil des ministres avant toute dissolution de la chambre basse du Parlement devrait permettre au Président de la République d’apprécier la crise et l’opportunité de l’acte projeté et même si ce dernier n’est nullement lié par l’avis envisagé.

Enfin en matière de résolution des crises, la consultation du conseil des ministres à l’endroit du Président de la République se trouve encore fondée. Celle-ci s’effectue en matière de recours aux états de crise constitutionnalisés. En effet, en cas de péril menaçant l’Etat, le Président africain bénéficie d’un arsenal juridique d’exception. Il s’agit ici des régimes de dérogation au droit commun80, à l’instar des états d’exception cas du Cameroun81, d’urgence cas du Burkina-Faso82, de siège cas de la Cote d’ivoire83, de nécessité ou voire du recours à la loi martiale cas de Madagascar84 pour citer que ceux-là. Mais, le recours à ces différents états

78Art 8 alinéa 12 de la constitution camerounaise du 18 janvier 1996

79Art 44 de la constitution centrafricaine du 30 mars 2016.

80DELPHY (C.), « L’Etat d’exception : la dérogation au droit commun comme fondement de la sphère privée », NQF, Vol16, n°4, Nation, Nationalisme ? Privé et public, nov., 1995, pp. 73-114.

81 Art 9 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996.

82 Art 58 de la Constitution Burkinabé du 2 juin 1992.

83 Art 105 e la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016.

84 Art 61 de constitution malgache du 11 décembre 2010

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de crise nécessite le plus souvent l’exigence de certaines formalités procédurales. A titre d’exemple la consultation de l’organe objet d’étude.

Sur cette question, le cas centrafricain et Malgache brille par leur clarté. Ainsi, l’article 44 de la constitution centrafricaine dispose en substance que « le Président de la République peut, lorsque les circonstances l’exigent, après avis, du conseil des ministres (…), proclamer l’état de siège ou l’état d’urgence pour une période de 15 jours (…)85. De l’examen de cette disposition constitutionnelle, il en ressort une consécration formelle de la consultation du conseil des ministres à l’endroit du président centrafricain en matière de recours aux régimes de crise constitutionnalisés. Même son de cloche à Madagascar ou le constituant emboite le pas à son homologue centrafricain.

En effet, l’article 61 de la constitution Malgache dispose en substance que « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, son unité ou l’intégrité de son territoire sont menacées et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics se trouvent compromis, le Président de la République peut proclamer, sur tout ou partie du territoire nationale la situation d’exception (…). La décision est prise par le Président de la République en conseil des ministres (…) »86. En examinant de près de cette disposition normative, il en ressort un travail de synergie entre le président de la République et ses ministres réunis en conseil en matière de mise en œuvre des états de crise en cas de péril menaçant la sureté et la sécurité du territoire malgache. Mais ce travail de synergie peut se matérialiser par le biais d’une consultation du conseil des ministres par le Président malgache.

Toutefois le choix du constituant africain de subordonner le recours aux états de crise constitutionnalisés à une consultation préalable du conseil des ministres n’est pas anodin. Ce dernier a pour finalité d’éclairer l’autorité de décision de mettre en œuvre des régimes d’exception adaptés aux circonstances. Parce qu’en matière constitutionnelle, le recours aux pouvoirs d’exception varie en fonction du péril. Aux faits extrêmes remèdes extrêmes, aux faits amoindris, une réponse d’exception appropriée. La consultation préalable du conseil des ministres avant le recours à un état de crise précis semble salvateur dans la mesure où elle permettra au Président de la République africain de mieux apprécier les situations de crise avant le recours à une réponse appropriée. Ce fut le cas, non loin de nous au Tchad ou l’état d’urgence est entré en œuvre en Conseil des ministres tenu à Ndjamena, le 21 aout 2019 dans trois provinces du Tchad, le Sila, Le Ouaddaï et le Tibesti afin de remédier aux conflits

85 Art 44 de la constitution centrafricaine du 30 mars 2016.

86 Art 61 de la constitution malgache du 11 décembre 2010..

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communautaires. Egalement au Niger, l’état d’urgence est proclamé en conseil des ministres le 25 octobre 2018 dans les régions de Tillabéry et de Tahoua afin de remédier aux attaques terroristes.

Mais qu’adviendrait-il si le Président de la République passe outre cette formalité procédurale avant toute prise de décision définitive ? A cette problématique, le constituant africain n’apporte aucune réponse précise dans la mesure où les textes constitutionnels semblent silencieux à propos. Ce silence du constituant ouvre malheureusement la voie à diverses interprétations. Est à dire que le Président de la République en tant que interprète politique de la constitution peut passer outre une prescription formelle du constituant s’il le juge nécessaire? Ou alors, que du fait de ses prérogatives de régulation, ce dernier est seul juge de l’opportunité du recours au recours au referendum ou aux états de crise constitutionnalisé etc… n’nonobstant toute prérogative reconnue au conseil des ministres sur ces questions. Et bien plus le constituant africain n’a jamais décliné la nature de la consultation de l’organe objet d’étude à l’endroit de la plus haute autorité de l’Etat.

De ces différentes interrogations, se dégage néanmoins une observation. Celle de la liberté d’action laissé au Président de la République en cas de survenance d’une crise. Et le fait pour ce dernier, de s’abstenir de solliciter l’avis du conseil des ministres afin d’agir vite ne viole pas nécessairement l’esprit du constituant. Cette action s’inscrit en droite ligne avec les politiques d’urgence dans la mesure où elles permettent au Président africain d’agir avec promptitude et efficacité. Dès lors, l’inobservation de cette formalité de consulter le conseil des ministres en pareilles situations trouve des justificatifs de la mise en œuvre des prérogatives d’urgence.

Une telle pratique présidentielle africaine n’élude aucunement le rôle d’organe consultant que revêt le conseil des ministres. Cette nécessité s’amplifie en Afrique noire francophone, du fait que cet organe de l’Etat non seulement s’érige en expert politique de certaines autorités identifiées mais aussi du fait de son activité en rapport direct avec les délibérations de l’action de l’exécutif.

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II. LE CONSEIL DES MINISTRES : UN ORGANE DELIBERANT

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