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REVUE AFRICAINE DE LA RECHERCHE JURIDIQUE ET POLITIQUE

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Academic year: 2022

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Numéro Varia

REVUE AFRICAINE DE LA RECHERCHE JURIDIQUE ET POLITIQUE

Une création de l’Association

Internationale des Jeunes Chercheurs

en Droits Africains (AIJCDA)

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REMERCIEMENTS AUX MEMBRES DU COMITE SCIENTIFIQUE

Nous tenons à remercier les différents membres du comité scientifique pour l’accompagnement de ce projet. Grace à vous, nous avons pu donner corps à ce projet. Voici sa toute première parution.

Nous tenons aussi à vous remercier pour votre patience, votre disponibilité, votre rigueur scientifique ainsi que pour vos orientations qui ont été bénéfiques à la réalisation de ce projet.

Trouver en ces quelques mots, toute la gratitude que mon équipe et moi avons pour vous.

Nous remercions aussi en particulier le professeur James MOUANGUE KOBILA qui, autour d’un échange très enrichissant, a suscité notre intérêt pour ce projet.

MIANO LOE Siastry Dorsey D’aquin Doctorant en Droit public,

Directeur Exécutif de la RARJP

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Comité Scientifique :

James MOUANGUE KOBILA (Maitre de conférences en Droit public, Université de Douala-Cameroun) ;

Serge AKONO EVANG (Maitre de conférences en Science politique, Université de Douala- Cameroun) ;

AKONO OMGBA SEDENA (Maitre de conférences en Droit public, Université de Yaoundé II-Cameroun) ;

LOGMO Aaron (Maitre de conférences de Droit public, Université de Douala-Cameroun) ; Paterne MAMBO (Maitre de conférences en Droit public, Université de Cocody- Côte- Ivoire) ;

Lauréline FONTAINE (Maitresse de conférences en Droit public, Université de Paris 3 Sorbonne Nouvelle-France) ;

Virginie SAINT-JAMES (Maitresse de conférences en Droit public, Université de Limoges- France) ;

Stéphane BOLLE (Maitre de conférences en Droit public, Université Paul VALERY Montpellier 3- France) ;

Gilles J. GUGLIELMI (Professeur de Droit public, Université de Paris II Panthéon-Assas- France).

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A L’ATTENTION DES AUTEURS

Tout texte soumis à la Revue Africaine de la Recherche Juridique et Politique par un auteur doit être conforme aux indications suivantes :

Les articles devront compter entre huit milles (8 000) et dix milles (15 000) mots.

Le format de la recension est limité à mille (1000) mots.

Les articles devront être envoyés uniquement en fichiers Word (doc. ou docx) et envoyés par courriel aux adresses suivantes : rajcsjp@gmail.com ou oraxloe247@gmail.com

Police 12, Times New Roman, interligne 1,5 ; pas de feuille de style (pas de titre automatique) ;

Les références bibliographiques et les notes doivent être présentées de la manière suivante :

NOMS (Première lettre du ou des prénoms), Titre de l’ouvrage, lieu d’édition, maison d’édition, année, page/élément de la page cité. Exemple : CARTIER (E.), La transition constitutionnelle en France (1940-1945) : La reconstruction révolutionnaire de l’ordre juridique républicain, Paris, L.G.D.J., 2004, 643 pages/p. 256.

NB ; D’autres indications importantes existent et peuvent être téléchargées sur le site internet de la revue : https://rajcsjp.wordpress.com (chercher la fenêtre « recommandations aux auteurs »).

La revue reçoit aussi les articles en Anglais et venant du monde entier.

MIANO LOE Siastry Dorsey D’aquin Doctorant en Droit public,

Directeur Exécutif de la RARJP

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Sommaire :

Doctrine ……….………..4

NDZINA NOAH (J.-M.-N.), ‘‘Le pouvoir législatif’’ dans les constitutions des Etats post-crise : le cas centrafricaine », ………... ……5

BIKORO (J.-M.), « les incompatibilités dans le droit de la fonction publique des Etats d’Afrique noire francophone », ……….……….32

MVOGO (M.-C.) et ETALLA FOHOGANG (R.-D.), « Lecture juridique de la délocalisation des bureaux de vote en temps de crise au Cameroun », ...……….……….65

EWANE BITEG (A.-G.), « le pouvoir d’injonction du juge constitutionnel africain. Cas des Etats d’Afrique noire francophone », ……….…………..86

EKO MENGUE (A.-S.), « Le statut constitutionnel de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale au Cameroun », ……… ………118

BUNUNU NGONO (P.), « Les fonctions extra législatives du sénat dans les Etats d’Afrique noire francophone. Réflexion à partir des exemples du Cameroun et du Gabon », ………137

TAMA AYINDA (T.-O.), « Le conseil des ministres dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique noire francophone », ………...161

SIMO (E.), « La constitution centrafricaine de 2016 et le « droit d’origine externe », ………...191

Textes juridiques : Jurisprudences………...223

Thèses et Mémoires : ………...231

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DOCTRINE

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LECTURE JURIDIQUE DE LA DELOCALISATION DES BUREAUX DE VOTE EN TEMPS DE CRISE AU CAMEROUN

Maurice Cédric MVOGO Doctorant en droit public,

Chercheur associé au Bureau des Études Stratégiques (BESTRAT), Université de Douala (Cameroun)

Et

Roméo Derrick ETALLA FOHOGANG Doctorant en droit public,

Chercheur associé au Bureau des Études Stratégiques (BESTRAT), Université de Douala (Cameroun)*

La démocratie a nécessairement une nature et une valeur1. Eu égard à ce double postulat, elle pose la question du choix des normes et celle de la représentativité qu’offrent l’organisation et la pratique des élections. De façon concrète, elle met en présence deux catégories de participants, les électeurs auxquels il est demandé de se prononcer et les candidats qui postulent pour l’acquisition d’un mandat ou d’une fonction2. Des différents modes de désignation des gouvernants qui ont été pensés, l’élection est aujourd’hui la voie la plus usitée pour faire participer le citoyen à l’exercice du pouvoir aussi bien au plan national qu’au plan local3. Il en est ainsi parce que son importance réside dans le large consensus dont elle bénéficie comparativement aux autres procédés de désignation des dirigeants4. Tout ceci amène à souscrire à l’idée selon laquelle l’élection constitue le procédé par excellence de légitimation du pouvoir5. Son organisation matérielle commande la définition des lieux où le corps électoral qui d’après la formule de Raymond CARRÉ DE MALBERG, procèdera à la

* Pour citer cet article, MVOGO (M.-C.) et ETALLA FOHOGANG (R.-D.), « Lecture juridique de la délocalisation des bureaux de vote en temps de crise au Cameroun », RARJP, Numéro 1, Varia, Mai 2020, pp.

65-85.

1 KELSEN (H.), La démocratie, sa nature, sa valeur, Traduction de Charles EISENMANN, Présentation de Michel TROPER, Paris, Economica, Coll. « Classiques », Série « politique et constitutionnelle », 1988, 98p.

2 MASCLET (J.-C..), Le droit des élections politiques, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1992, p. 15.

3 GUIMDO DONGMO (B-R.), « Décors et envers de quelques aspects essentiels de l’organisation matérielle des élections en Afrique et ailleurs. Le droit électoral en situation », Cahier africain des droits de l’homme, n° 12, juin 2013, PUCAC, p. 39.

4Ibid., p. 41.

5 MASCLET (J.-C.), Le droit des élections politiques, op. cit., p. 9.

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nomination des autorités à élire6. En matière d’élection, les citoyens exercent d’un point de vue pratique leur droit de suffrage dans des bureaux de vote.

Une lecture de la doctrine donne à constater que le bureau de vote désigne deux réalités juridiques différentes certes, mais convergentes7. En effet, dans un premier sens, il désigne le groupe de personnes physiques chargées d’assurer le respect des procédures électorales telles qu’elles sont consignées dans le Code électoral et dont le respect conditionne la validité des résultats électoraux8. Dans un second sens, l’expression désigne le lieu où l’assemblée électorale se réunit et où le protocole du rituel électoral se déploie9. Ce second aspect se rapproche de la définition que formule Elections Cameron (ELECAM) à savoir que

« le bureau de vote est le lieu par excellence des opérations de vote menées le jour du scrutin, et par conséquent, l’arène sur laquelle s’affrontent les candidats à travers les suffrages accordés par les électeurs »10. C’est donc dire que le bureau de vote désigne le lieu, mieux encore la zone de droit où se manifeste le sacro-saint principe de la souveraineté du peuple qui est fondé sur le pouvoir de désignation des représentants. Il faut néanmoins préciser que, pour que l’expression du suffrage des électeurs soit effective, il faut que ces derniers puissent avoir accès aux différents bureaux de vote lors des élections11 que ce soit en période normale ou en période de crise.

S’il est vrai que l’exercice du droit de vote ne pose pas fondamentalement de difficultés en période normale, il en va autrement en période de crise. Celle-ci déteint considérablement sur l’accès aux bureaux de vote et partant, elle restreint le droit de vote des citoyens. Bien plus, le contexte d’insécurité fait naître une préoccupation : faciliter l’exercice du droit de vote en procédant à une conciliation de l’impératif du respect des libertés

6 CARRÉ DE MALBERG (R.), Contribution à la théorie générale de l’État, spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, (Réédition des tomes 1 et 2 en seul volume), Paris, Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz », novembre 2003, p. 411.

7 DÉLOYE (Y.), « Le bureau de vote », Regards sur l’actualité, n° 329, p. 45.

8Ibid.

9Ibid.

10 ELECAM, Rapport général sur le déroulement de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018. Revu et corrigé, p. 69.

11La loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012 dispose en son article 96 que « (1) Le Directeur Général des élections fixe, pour chaque commune, la liste des bureaux de vote. (2) La liste indique le ressort de chaque bureau de vote. (3) Chaque bureau de vote comprend cinq cent (500) électeurs au plus. (4) Tout bureau de vote doit se situer dans un lieu public ou ouvert au public. »

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individuelles avec l’obligation de sécurité12. En considérant que le droit de vote est « un droit que rien ne peut ôter aux citoyens »13, il devient impérieux non seulement pour l’organe en charge de l’organisation des élections, mais aussi pour l’Administration de garantir son effectivité en tout temps et en tout lieu. C’est à ce niveau qu’intervient la délocalisation.

Au Cameroun, la délocalisation des bureaux de vote ressortit implicitement de la compétence d’ELECAM14. En fait le législateur lui attribue une clause générale de compétences s’agissant de l’organisation, de la gestion et de la supervision du processus électoral et référendaire15. Cette compétence a d’ailleurs été confirmée par le Conseil constitutionnel dans une affaire relative à l’élection présidentielle du 7 octobre 201816 qui a été marquée par une grave crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest17. Cette crise a contraint la puissance publique à l’adoption et à la mise en exergue d’une légalité d’exception18. Au sens du Conseil constitutionnel, la délocalisation est « une mesure de

"légalité exceptionnelle" dictée par un environnement marqué par l’insécurité »19 et dont les mesures administratives prises à cet effet visent « à garantir non seulement l’application des principes de continuité et de mutabilité du service public des élections »20. Cette importante clarification de la notion de délocalisation, s’imbrique parfaitement à l’intérêt de la présente étude qui est de l’analyser comme un des mécanismes juridiques œuvrant à assurer d’une part,

12 Le préambule de la loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972, précise que « La liberté et la sécurité sont garanties à chaque individu dans le respect des droits d’autrui et de l’intérêt supérieur de l’État ».

13 ROUSSEAU (J.-J.), Du contrat social, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, Livre IV, Chapitre I, p. 147.

14 Il faut dire que le Code électoral adopté en 2012 tend à relativiser la monopolisation du processus électoral par le pouvoir d’État que décriait il n’y a pas si longtemps la doctrine. Lire à cet effet NGUEMEGNE (J.-P.),

« Réflexion sur l’usage et le respect des droits de l’homme au Cameroun : le droit de vote depuis 1990 », dans Vers une société de droit en Afrique centrale (1990-2000), dir. MAUGENEST (D.) et BOUKONGOU (J.D.), Yaoundé, PUCAC, 2001, p. 158.

15 Voir l’article 3 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012.

16 Dans le recours n° 038/SRCER/G/SG/CC du10 octobre 2018, Sieur Joshua NAMBANGI OSIH C/ELECAM, RDPC, ADD, PURS, FPD, UDC, MCNC, le Conseil constitutionnel précise que « La délocalisation par regroupement de 2343 bureaux de vote en 77 bureaux de vote opérée par Elections Cameroun relève de sa mission d’organisation, de gestion et de supervision du processus électoral et référendaire prévu par l’article 3 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012 ».

17 De manière pratique il leur sera parfois substitué le sigle NOSO.

18 OWONA (J.), « L’institutionnalisation de la légalité d’exception dans le droit public camerounais », Revue Camerounaise de Droit, n° 6, Juillet-Décembre 1974, pp. 104-123.

19 Recours n° 038/SRCER/G/SG/CC du10 octobre 2018, Sieur Joshua NAMBANGI OSIH, op. cit.

20 Ibid.

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la garantie des droits de l’Homme et d’autre part, l’efficacité21 et l’effectivité22 non seulement des normes mais aussi des principes électoraux et donc en un mot la démocratie.

Eu égard à ce qui précède, il sied de poser la question de savoir : quelle lecture juridique peut-on faire de la délocalisation des bureaux de vote en temps de crise ? Assurément l’on peut en faire une lecture binaire. Celle-ci permet d’entrevoir de façon ponctuelle que la période de crise est un impératif de la délocalisation des bureaux de vote (I) qui elle-même se pose comme une garantie de la démocratie (II) de façon générale.

I. LA CRISE : UN IMPERATIF DE LA DELOCALISATION DES BUREAUX DE VOTE

Les situations de crise naissent très souvent dans les États à la suite des mécontentements sociaux, des insatisfactions dues aux joutes électorales, de la redistribution des richesses nationales ou des attaques des forces étrangères ou des groupes terroristes. Ces stimulants crisogènes peuvent êtres repartis en facteurs internes à l’État et en facteurs qui lui sont externes. L’Afrique est depuis des décennies, le théâtre de crises sécuritaires majeures mêlant rébellions des bandes armées, insurrections djihadistes, coups d’État, trafics illicites de drogue, d’armes et de migrants23. De cet inventaire, la rébellion24 et les attaques terroristes25

21 L’efficacité d’une norme juridique désigne le rapport entre l’objectif officiellement recherché par son auteur (législateur) et le résultat obtenu concrètement. Lire à ce sujet COHENDET (M-A.), « Légitimité, effectivité et validité », dans La République, Mélanges en l’honneur de Pierre AVRIL, Montchrestien, 2001, p. 209 ; GAY (L.), « L’exigence d’efficacité de la norme, facteur d’un nouvel âge d’or du comparatisme dans la production juridique ? », dans L’efficacité de la norme juridique. Nouveau vecteur de légitimité ?, dir. FATIN-ROUGE STÉFANINI (M.), GAY (L.) et VIDAL-NAQUET (A.), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 108.

22 Selon la doctrine, « l’effectivité d’une norme peut être définie comme le rapport entre les comportements que prescrit une norme et les comportements réels. Elle désigne le fait que la norme est respectée, c’est-à-dire invoquée et appliquée, par les juges et/ou par les pouvoirs publics et/ou par les particuliers ». COHENDET (M.- A.), « Légitimité, effectivité et validité », op. cit., p. 211.

23 Présentation du Colloque organisé par des étudiants issus du Master 2 Expertise des conflits armés (ECA) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et du Master 2 Géopolitique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - École Normale Supérieure de la Rue d’Ulm, avec le soutien de la Chaire des Grands Enjeux Stratégiques Contemporains et de l’Institut Guerre et Paix de la Sorbonne, 2018, p. 1.

24 En janvier 2019, les militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) ont lancé une vaste campagne de désobéissance civile avec les « marches blanches » pour dire non au « Hold-up électoral » imposé à leur leader Maurice KAMTO. Il s’en est suivi une série d’arrestations fondées sur des motifs d’insurrection, de terrorisme et de rébellion. D’après un communiqué venant du Ministère de la communication, « en dépit du déroulement sans incident de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, des responsables et des militants du parti politique dénommé “Mouvement pour la Renaissance du Cameroun”, en abrégé MRC, ont, dans une démarche insurrectionnelle, appelé les Camerounais de manière récurrente à descendre dans la rue pour en contester les résultats ». Source : journal Le Monde publié le 30 janvier 2019 à 17h00.

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n’ont pas épargné le Cameroun, brisant regrettablement son symbole le plus précieux, la paix sociale.

Ainsi, les essais démocratiques26 engagés par cet État depuis les indépendances avec l’organisation constante et continuelle de la concurrence politique à travers les élections pluralistes27, même s’ils ont connu des phases d’interruption avec le monopartisme, ont forgé une tradition de tranquillité sociale. Celle-ci a muté depuis 2008 avec « les émeutes de la fin », de tentatives de violence armée28 à une véritable situation de crise sécuritaire avec des conflits armées ouverts. Ce contexte d’insécurité a entrainé un déplacement massif des populations dans les zones anglophones29 et dans le grand Nord du pays. Il s’en suit que les populations de ces aires électorales se trouvent dans une situation qui rend quasi impossible l’exercice de l’un de leurs droits le plus fondamental (A), ce qui a pour conséquence de retirer un peu de sa notoriété à l’opération électorale (B).

A. LE DIFFICILE EXERCICE DES DROITS ELECTORAUX

L’hypothèse selon laquelle la démocratie est en train de connaître des développements inédits en Afrique30 n’est pas scientifiquement démontable. Cette démocratie avance lentement mais surement vers un idéal dont le visage apparait encore flou pour le moment.

Mais cette démocratie est menacée par des tensions incessantes dont l’origine principale est fondée sur le refus des résultats des différentes élections qui y sont organisées. De ce fait, les élections qui ont toujours été « considérées comme une voie privilégiée de sortie de crises et d’expression du pluralisme retrouvé se voient attribuer la responsabilité des tensions voire des ruptures »31 sociales qui naissent çà et là au Cameroun. Héritier d’un passé qui a légué des

25 En dehors des attaques sporadiques des anciens rebelles venant de la RCA, le Cameroun est en proie aux incursions de la secte islamique Boko Haram dans l’Extrême-Nord débutées en 2014, des attaques des mouvements sécessionnistes « ambazoniens » dans le NOSO depuis la fin d’année 2016.

26 KANT (E.), La Religion dans les limites de la simple raison, Paris, Vrin, 1999, p. 202.

27 Le retour au multipartisme au Cameroun est marqué par l’adoption des lois sur les libertés de 1990 par l’Assemblée nationale. Celles-ci portent sur les libertés de première, deuxième et troisième génération telles que consacrées par les instruments juridiques universels et communautaires ratifiés par l’État camerounais.

28 MOUSSA TCHANGARI (A.-T.), « Sahel : aux origines de la crise sécuritaire. Conflits armés, crise de la démocratie et convoitises extérieures », Communication d’Alternative Espaces Citoyens, Niamey, Août 2017, p.

2.

29 Les statistiques parlent de plus de 432.000 personnes déplacées selon le plan de réponse humanitaire 2019 de l’ONU. Source Journal Jeune Afrique du 27 février 2019.

30 NZINZI (P.), « La démocratie en Afrique : l’ascendant platonicien », Politique africaine, n° 77, mars 2000, p.

72.

31 DU BOIS DE GAUDUSSON (J.), « Les élections à l’épreuve de l’Afrique », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 13, Janvier 2002, pp. 139-140.

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germes de conflits et d’un faible encadrement socioéconomique des populations32 après ces sorties d’indépendance mal négociées, les foyers de tensions activés et latents se posent comme des freins pour les administrations chargées du processus électoral (1) comme pour les citoyens qui désirent s’exprimer au moyen des urnes (2).

1. La complexification de l’organisation matérielle des élections

De par son importance et les enjeux qu’il génère, le jour du scrutin est un jour de tension légitime33 qui peut amener un État à basculer d’un état de paix sociale vers un état de déchirement qui l’entrainera dans un cycle renouvelable de crise. L’appréciation peut se teinter davantage de complexification lorsque l’État en question se trouve en situation de crise sécuritaire comme l’est le Cameroun à l’Est depuis la déstabilisation de la République Centrafricaine34, à l’Extrême-Nord avec les attaques de la secte Boko Haram35, et les revendications sécessionnistes dans sa partie anglophone36. Ces foyers de tension induisent un contexte conflictogène dans lequel il est difficile pour les institutions de se mouvoir et de remplir leurs missions.

Cette difficulté impacte pleinement sur l’autorité électorale indépendante à qui la loi a confié la lourde responsabilité d’organiser le processus devant conduire au choix des dirigeants ainsi qu’aux élections référendaires37. Mais, il se trouve concrètement que depuis les élections sénatoriales de 2017 au Cameroun, ces parties du territoire national n’offrent pas un cadre propice pour l’organisation matérielle, effective et efficiente des opérations

32 Rapport de l’étude sur les Conflits et mécanismes de résolution des crises à l’extrême-nord du Cameroun, p. 1.

Consultable sur http://earlyrecovery.global/sites/default/files/rapport_de_letude_sur_les_conflits_et_mecanismes _ final.pdf

33 PNDP, Guide pratique de l’agent du bureau de vote. Élections législatives 2012 en République du Congo, p.

4.

34 Le conflit se déroula en République centrafricaine entre décembre 2012 et mars 2013. Cette phase en reconnue comme la Deuxième guerre civile du pays. Puis entre 2013 et 2014 qui marque la troisième guerre civile centrafricaine.

35 Les premiers affrontements entre l’armée camerounaise les agents de la secte islamique Boko Haram se déroulèrent le 2 mars 2014 à Fotokol. Pour plus d’information sur la secte Boko Haram, lire PEROUSE DE MONTCLOS (M.-A.), « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigéria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », Questions de recherche, n° 40, juin 2012, 33p.

36 Le conflit dans les zones du NOSO a débuté en octobre 2016 à la suite d’une grève des avocats réprimée par les forces de l’ordre camerounaises. Elle a subi une récupération perverse par des combattants indépendantistes.

Depuis lors, elle perdure et fait de nombreux morts tant dans le camp de l’armée nationale, des civils que des séparatistes.

37 L’organisation, la gestion et la supervision du processus électoral et référendaire sont assurées par ELECAM selon l’article 3 du Code électoral.

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électorales38. Toutes les élections qui sont organisées depuis lors, le sont dans un contexte très difficile avec des zones impraticables politiquement et administrativement. Dans ces régions, et particulièrement dans les zones du NOSO, il se développe un contexte tumultueux39 qui, couplé à la jeunesse de l’institution électorale – qui, de plus est, a une crédibilité à bâtir40 –, son manque d’expérience en matière d’organisation des élections dans des situations de crise, rend davantage difficile l’exercice du droit de suffrage, malgré l’accompagnement des forces de sécurité qui y sont postées.

Lorsque les élections sont organisées dans des zones en insécurité sévère, les rapports des missions internationales font souvent observer de nombreuses difficultés, liées au manque de localisation et d’identification précise des bureaux de vote41, et même souvent à leur absence dans les points indiqués pour leur emplacement. Pour éviter ces situations perturbatrices, les autorités électorales prennent des mesures allant dans le sens de déplacer les bureaux de vote des espaces non sécurisés vers des espaces sécurisés afin de protéger non seulement le personnel, mais aussi le matériel électoral. Telle est l’idée qui ressort du troisième point du communiqué du Directeur général d’ELECAM pour l’élection présidentielle du 07 octobre 2018. D’après ce dernier, la délocalisation des bureaux de vote

« répond aux exigences de sécurisation […] des membres des différentes commission mixtes électorales (Commission locales de vote et Commissions départementales de supervision) et du matériel électoral » 42.

Il se trouve donc que le contexte de crise sécuritaire observé au Cameroun, impose un surplus d’effort à ELECAM dans la mise sur pied de son dispositif matériel et humain pour offrir aux Camerounais une élection crédible. La délocalisation du bureau de vote permet de créer un espace sain, vidé de toute particule d’insécurité afin d’en faire un véritable sanctuaire

38 L’organisation matérielle des élections comporte principalement cinq étapes que sont : les opérations préparatoires au scrutin, la campagne électorale et la propagande, l’organisation des opérations de vote et leur déroulement dans les bureaux de vote, le recensement des votes, et enfin la communication directe des résultats obtenus ou leur transmission à l’organe en charge de la proclamation des résultats le cas échéant. Les phases contentieuses non juridictionnelles sont comprises à chaque étape du processus puisqu’elles sont réglées par l’organe électoral indépendant.

39 DU BOIS DE GAUDUSSON (J.), « Les élections à l’épreuve de l’Afrique », op.cit., p. 140.

40 NDJOCK (J.-A.), « ELECAM : une dynamique pour la transparence électorale au Cameroun ? », RASJ, vol. 8, n° 1, 2011, pp. 272-273.

41 AGBANTOU (S.), « Les différentes étapes techniques du scrutin », Symposium international de Bamako, Les pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dabs l’espaces francophone (Bamako+5), du 6 au 8 novembre 2005, p. 170.

42 Communiqué – Radio – Presse n° 001/ELECAM/DGE du 21 septembre 2018.

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électoral43 pour le citoyen. La finalité recherchée étant d’éviter que la pression sécuritaire créée devienne un cocktail explosif44 capable de dissuader le potentiel électeur.

2. La dissuasion perverse de l’électorat

En prenant en compte la vérité contemporaine selon laquelle « la participation civile (permet une) implication véritable de la population au processus démocratique »45, tous les obstacles qui pourraient empêcher un individu d’accomplir son devoir électoral doivent être supprimés. Dans la réalité, il n’est pas toujours facile de venir à bout d’une crise lorsqu’elle prend la forme d’une rébellion, d’une insurrection, d’une attaque terroriste ou d’une tentative de sécession. Or, c’est sous ces deux dernières formes que se présentent les crises sécuritaires qui perturbent la vie sociale au Cameroun46. D’après les officines électorales, le pays se trouve dans un contexte politique marqué par une crise sécuritaire entrainant une

« perturbation assortie du déplacement des populations éprouvées par les exactions »47.

Ainsi, la crise apparait visiblement comme un élément dissuasif pour le citoyen. Elle impose à ce dernier de faire prévaloir la protection de son intégrité physique sur l’accomplissement de son droit de vote. Lorsque les deux droits sont mis en comparaison, la balance pèse forcément vers le droit de vivre, et vivre dignement en disposant de toute son intégrité physique et mentale. Ce que ne permet ni la guerre en générale, ni le terrorisme en particulier. On comprend donc pourquoi malgré l’absence de consensus autour du concept de terrorisme48, on peut le définir prosaïquement comme tout acte qui suscite la terreur chez un groupe défini de personnes49. Il s’agit précisément d’actes visant à « intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte

43 JOIGNANT (A.), « Un sanctuaire électoral. Le bureau de vote et l’invention du citoyen-électeur au Chili à la fin du XIXe siècle », Genèses, n° 49, Vol. 4, 2002, pp. 29-47.

44 Briefing Afrique de Crisis Group, Cameroun : Mieux vaut prévenir que guérir, n° 101, 4 septembre 2014, p. 2.

45 HEYDT (J.-M.), « Le code de bonne pratique pour la participation civile au processus décisionnel », in Systèmes électoraux : renforcer la démocratie au XXIe siècle Forum pour l’avenir de la démocratie, Session 2009, Kiev (Ukraine), 21-23 octobre 2009, p. 53.

46 Pour un complément d’information sur les différentes crises qui minent le Cameroun, lire Briefing Afrique de Crisis Group, Cameroun : Mieux vaut prévenir que guérir, op.cit., p. 7.

47 ELECAM, Rapport général sur le déroulement de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, op.cit., p. 11.

48 HENNEBEL (L.) et LEWKOWICZ (G.), « Le problème de la définition du terrorisme », dans Juger le terrorisme dans l’État de droit, dir. HENNEBEL (L.) et LEWKOWICZ (G.), Bruxelles, Bruylant, coll. « Magnacarta », 2009, p. 58.

49 UNODC, Lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel : cadre juridique, techniques d’enquête et coopération policière, Nations Unies, New York, juillet 2012, p. 3.

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quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes »50.

Par ailleurs, après les années 1980 annonçant le début de la décennie 90, on a noté une forte pression populaire en vue d’une participation accrue à la vie politique51. Cette volonté s’est manifestée par l’accroissement considérable du nombre de personnes inscrites sur les listes électorales de 1992 à 201152 avant que ne soit observée une décroissance en 2018 avec 6.667.754 inscrits. La raison peut en partie être attribuée à la situation sécuritaire qui prévaut dans certaines zones du pays où les populations déplacées ne peuvent pas s’inscrire sur les listes électorales, encore moins voter. Pour les régions du NOSO en particulier, on enregistrait respectivement les chiffres de 507.188 et 330.521 inscrits en 2013 ; ce taux a quelque peu augmenté en 2018 avec 627.068 pour la première et 374.227 pour la seconde région. Le paradoxe se trouve au niveau du pourcentage de la votation. Si ELECAM ne donne les chiffres pour les élections de 2011 et 2013, il reste qu’en 2018, sur 627.068 personnes inscrites au Nord-Ouest seulement 33.582 ont effectivement voté, soit 5,36%53. Quant au Sud- Ouest, 59.647 personnes ont exprimé leurs voix sur 374.227 inscrites, soit un taux de 15,94%54. Ces deux régions enregistrent les pourcentages les plus bas loin derrière le Littoral qui arrive en troisième position avec 54,78%55.

Par ailleurs, il faut également noter que les activités illicites de Boko Haram entrainent des enlèvements de plusieurs citoyens nationaux, ainsi que de nombreux ressortissants occidentaux, pour la plupart français, et des Chinois56. Si dans une période pas très ancienne et même en ces temps, le plus grand défi en matière d’organisation d’élections libres,

50 Art. 2 al. 1(a) de la loi n° 2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme.

51 Groupe des Sages de l’Union africaine, Les conflits et la violence politique résultant des élections. Consolider le rôle de l’Union africaine dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits, La collection Union africaine, New York : International Peace Institute, décembre 2012, p. 13.

52 De manière évolutive, on dénombre 4.195.687 de personnes en 1992 ; 4.036.000 en 1997 ; 4.570.290 en 2002 ; 4.657.748 en 2004 ; 5.067.836 en 2007 et 7.251.651 en 2011. Ces chiffres sont tirés des différents rapports produits par les organismes en charge des élections durant les périodes considérées.

53 V. ELECAM, Rapport général sur le déroulement de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, op.cit., p.

197.

54 Ibid.

55 Ibid.

56 MOUSSA TCHANGARI (A.-T.), « Sahel : aux origines de la crise sécuritaire. Conflits armés, crise de la démocratie et convoitises extérieures », op. cit., p. 48. Les cas les plus connus sont ceux de la famille Tanguy MOULIN-FOURNIER et du père Georges VANDENBEUSCH ; il y a également le cas de religieux italiens et canadiens, Gianpaolo MARTA, Gianantonio ALLEGRI et Gilberte BUSSIER, tous enlevés au Cameroun.

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inclusives, équitables et apaisées au Cameroun était lié aux limites du Code électoral57, la survenance des menaces sécuritaires se situe au premier plan des éléments de dissuasion des électeurs. Cette dissuasion apparaît sous la forme des attaques Kamikazes, des mines piégées, des enlèvements, des intimidations58 et autres procédés, qui engendrent autant la psychose que la crainte des populations, laquelle crainte peut être temporaire pour des rares cas, et permanente pour la majorité d’entre eux.

Face à ces situations d’intimidation précaires, les pouvoirs publics s’attèlent à faire en sorte que le vote public ne soit pas un grand effort de courage pour les citoyens59, mais plutôt un moment d’apaisement et de jouissance pour le devoir citoyen accompli. Car, le comportement de l’électeur face à un bureau de vote60 varie selon le degré de sécurité qui peut lui être physiquement et moralement garanti mais aussi, et cela est important, à la sécurisation de son vote. L’absence de l’une de ses garanties est de nature à entraver son courage électoral et installer à la place une crainte révérencielle des menaces sécuritaires et de leurs promoteurs.

Sans le vote de l’électeur, on obtient une falsification du pluralisme61 représentatif que la démocratie libérale promeut comme moyen de légitimation des autorités publiques.

B. L’ATTEINTE AU PROCESSUS DE LEGITIMATION DES REPRESENTANTS

Au cœur de la démocratie et plus particulièrement au sein des régimes représentatifs, le peuple occupe une place fondamentale qui n’a d’égale que son autorité. En effet, comme le précise Georges BURDEAU « ce qui fait l’autorité du peuple, ce n’est pas le chiffre des individus qu’il englobe, c’est le fait qu’en lui, par l’entremise des citoyens qu’il rassemble, siège un pouvoir indiscutable parce qu’il procède de la volonté d’être libres »62. Le pouvoir dont il est question provient de la souveraineté. À partir du moment où pour des raisons d’insécurité, les électeurs ne peuvent pas normalement exercer leur droit de vote, l’on constate

57 La Plateforme « Femmes Camerounaises pour des élections pacifiques », Rapport d’observation des facteurs conflictogènes, violences électorales et violences électorales faites aux femmes pendant le processus électoral, Rapport pour l’élection présidentielle d’octobre 2018, décembre 2018, p. 8.

58 Au NOSO, les intimidations prennent la forme des interdictions de sortir, de circuler, d’exercer toute activité commerciale. Elles sont connues sous l’appellation de « Ghos town ».

59 Avis aux électeurs sur le secret des votes, Marseille, Typographie de Feissat Aîné et Demonchy, Rue Canebière, n° 19, p. 1. Source gallica.bnf.fr

60 BEAUGUITTE (L.) et COLANGE (C.), Analyser les comportements électoraux à l’échelle du bureau de vote, ANR Cartelec, Mémoire scientifique. 2013, 84p.

61 NZINZI (P.), « La démocratie en Afrique : l’ascendant platonicien », Politique africaine, op.cit., p. 73.

62 BURDEAU (G.), La démocratie, Seuil, coll. « Points Politique », 1966, p. 27.

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une fragilisation de la légitimation des gouvernants au plan interne (1) et une décrédibilisation de leur légitimité au plan international (2).

1. La fragilisation de la légitimation au plan interne

Aux termes de l’alinéa 1 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce soit par l’intermédiaire du président de la République et des membres du Parlement, soit par voie de référendum et en outre, aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. L’alinéa 2 de la même disposition précise que les autorités chargées de diriger l’État tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d’élections au suffrage universel direct ou indirect. C’est par l’exercice de cette souveraineté que le peuple procède à la désignation de ces représentants, mieux à leur la légitimation. Il est un fait qu’en régime démocratique, la légitimité légale-rationnelle63 des représentants n’implique pas qu’ils soient choisis par le peuple tout entier. En effet, il suffit juste qu’une fraction de celui-ci se prononce majoritairement en leur faveur pour qu’elle soit acquise. Néanmoins, lorsqu’une bonne partie du corps électoral ne participent pas aux élections du fait d’une situation de crise, cela fragilise leur légitimité. Il en est ainsi pour deux principales raisons.

La première est la perte de confiance des citoyens en l’État qui, n’ayant pas pu assurer l’exercice de leur droit, démontre sa faillite et rompt de ce fait le pacte social qui les lie. La seconde raison est que la fraction du peuple qui n’a pas participé à la désignation des représentants, ne se reconnaîtra pas en leur autorité. En guise d’illustration, lors de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 et conformément aux statistiques qui ont été indiquées plus haut, l’on a enregistré un faible taux de participation des personnes inscrites sur les listes électorales dans les régions du NOSO. Au-delà de traduire ce simple fait, ces données témoignent d’une légitimité assez relative du président élu, toute chose qui amène à s’interroger sur sa crédibilité au plan international.

2. La décrédibilisation de la légitimité au plan international

La légitimité est cette qualité qui fonde en droit l’autorité des gouvernants et leur permet de demander l’obéissance des gouvernés sur une autre base que la raison du plus fort64. Vue sous cet angle, une norme ne peut être posée que par l’organe compétent, c’est-à-

63 Sur l’appréhension de la légitimité lire Max Weber, Économie et société, Paris, 1922, p. 102.

64 RIVERO (J.), « Consensus et légitimité », Pouvoirs, n° 5, 1978, p. 58.

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dire habilité à cet effet, que parce qu’une norme supérieure le prévoit65. Bien plus, la légitimité garde une résonance juridique en ce qu’elle implique la conformité à une norme et comporte, du moins, en principe, des effets au plan du droit66. Lorsqu’on prend en considération l’attrait que suscitent l’organisation et la tenue des élections politiques nationales au niveau de la communauté internationale, il n’est pas rare de constater que cette dernière remet très souvent en cause leur crédibilité dans certains États africains en situation de crise. Il en est ainsi du fait de l’impossibilité pour les États à l’heure actuelle d’évoluer en vase clos.

Le droit international est de plus en plus un droit qui conditionne et détermine le fonctionnement interne des États notamment en ce qui concerne le domaine des élections.

Cela est tout à fait légitime lorsque l’on sait que nombreux de ses instruments et de ses principes, ont été constitutionnalisés par les États africains67. Cette internalisation du droit international68 conduit inévitablement à la question d’une double action : l’assistance électorale multilatérale69 et aussi et surtout l’observation internationale des élections70. La première permet le transfert des conflits armés vers leur expression pacifique dans la sphère politique71. La seconde quant à elle permet de rendre compte de l’objectivité et de la transparence des élections afin d’assurer une légitimité aux dirigeants élus72.

65 KELSEN (H.), Théorie pure du droit, Traduction de la 2e édition de la « Reine Rechtslehre » par Charles EISENMANN, Paris, Dalloz, coll. « Philosophie du droit », 1962, p. 367.

66 RIVERO (J.), « Consensus et légitimité », op. cit., p. 61.

67 Sur la question de la constitutionnalisation des droits de l’homme, lire KAMTO (M.), « Charte africaine, instruments internationaux de protection des droits de l’homme, Constitutions nationales : articulations respectives », in L’application nationale de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, dir.

FLAUSS (J-F.) et LAMBERT-ABDELGAWAD (E.), Bruylant, 2004, pp. 30-46.

68 Sur la question des rapports entre le droit international et le droit interne, lire ATANGANA AMOUGOU (J-L) (dir.), Le Cameroun et le droit international, Colloque des cinquantenaires de l’Indépendance et de la Réunification du Cameroun organisé à Ngaoundéré du 2 et 3 mai 2013, A. Pedone, 2014, 376 p. VIRALLY (M.), « Sur un pont aux ânes : les rapports entre droit international et droits internes », dans Le droit international en devenir. Essais écrits au fil des ans, VIRALLY (M.), Graduate Institute Publications, coll. « International », Open Edition Books, 25 juin 2015, pp. 103-117.AHJUCAF, Internalisation du droit, internalisation de la justice, 3ème Congrès, Ottawa, 21-23 juin 2010, 190 p. PELLET (A.), « Vous avez dit

« monisme »? Quelques banalités de bon sens sur l’impossibilité du prétendu monisme constitutionnel à la française », dans L’architecture du droit, Mélanges en l’honneur de Michel TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 827-857.

69 NESTOROVIC (S.), L’assistance électorale multilatérale. Promouvoir la paix par la démocratie, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques Juridiques », 2012, 251p.

70 SIMMALA (D-G.), « La notion d’observation internationale des élections », Cahier africain des droits de l’homme, n° 12, juin 2013, PUCAC, pp. 73-100.

71 NESTOROVIC (S.), L’assistance électorale multilatérale. Promouvoir la paix par la démocratie, op. cit., p.

40.

72 SIMMALA (D-G.), « La notion d’observation internationale des élections », op. cit., p. 73.

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