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La consolidation des principes électoraux

B. LA CREDIBILISATION DES OPERATIONS ELECTORALES

1. La consolidation des principes électoraux

La concurrence politique imposée par l’ouverture démocratique de la gouvernance aux individus qui bénéficient de la confiance populaire, place au centre de la vie politique le vote populaire. Le vote se situe alors au confluent de tous les principes électoraux posés dans les

83 Cf. article 26 al. 1 du Code électoral.

84 À l’exemple du Communiqué – Radio – Presse n° 001/ELECAM/DGE du 21 septembre 2018.

85 DEMERS-LABROUSSE (N.), La démocratie en Afrique subsaharienne : Le cas du Cameroun, Mémoire de maîtrise en sciences politiques cheminement relations internationales, Université de Sherbrooke, 2012, p. 86.

86 ANNAN (K.-A.), « La soif de l’Afrique pour la démocratie », The International Hernld Tribune, 5 décembre 2000, En ligne, http://www.un.org/french/

87 Arsène BADO, cité par MUSAU (Z.), « De l’art des élections en Afrique. Des institutions électorales crédibles nécessaires à la paix et à la stabilité », Afrique Renouveau, Août – Novembre 2016, p. 8.

88 Groupe des Sages de l’Union africaine, Les conflits et la violence politique résultant des élections…, op.cit., p.

21. Ces auteurs constatent que « les conflits électoraux et la violence politique ont caractérisé les processus de démocratisation en Afrique, révélant des faiblesses dans la gestion des élections et dans les règles ». On pourrait attribuer cela à l’inexpérience de ces États à la démocratie pluraliste et le tâtonnement à trouver une formule électorale crédible.

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instruments juridiques internationaux89, communautaires90, étrangers91 et surtout nationaux92 qui se déclinent en sincérité, transparence, régularité et participation. Cette opération étant l’aboutissement de la participation des individus au processus électoral, elle doit être protégée en tout temps, en tout lieu et en toute situation93. C’est la raison pour laquelle, lorsque les conditions sécuritaires l’exigent, le lieu de votation doit être délocalisé pour empêcher que l’on ne violente la conscience timide du citoyen94. C’est la finalité première de la délocalisation qui participe à la « sécurisation des électeurs »95.

C’est ainsi que pour tenter de décrédibiliser l’élection présidentielle organisée en octobre 2018, différents candidats demandaient son annulation au motif que les populations des zones anglophones n’ont pas voté et donc par conséquent « le Président issu de l’élection du 07 octobre 2018 ne sera pas l’élu de la Nation toute entière ». À ce moyen, le Conseil constitutionnel a répondu explicitement que « l’élu de la Nation, est l’élu de la majorité qui incarne la nation dans son entièreté en vertu du principe représentatif ; Que l’élu de la Nation, n’est pas l’élu de chacun des Camerounais pris individuellement, mais l’élu du plus grand nombre »96. Ainsi, malgré la situation de crise, certains citoyens ont pu se déplacer pour voter et donc donner du crédit à l’élection même si le taux de participation était très bas97. La participation étant basée sur les suffrages exprimés et non sur les suffrages potentiels ou attendus, la position adoptée par la juge trouve sa logique. Ces zones étant qualifiées de base électorale pour le recourant, sa requête reposait sur la perte de suffrages éventuels, non pas sur

89 Cf. art. 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui précise que : « (1) Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. (2) Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. (3) La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote ».

V. également le Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.

90 Art. 13 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981. Consulter également la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance du 30 janvier 2007 dans son préambule et ses articles 2 al. 3, 3, 8, 10 et 11 etc.

91 Art. 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.

92 Lire la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 en son article 3 et le Code électoral de 2012.

93 C’est la position adoptée par le Conseil constitutionnel camerounais face au recours du sieur Joshua NAMBANGI OSIH précité.

94 Avis aux électeurs sur le secret des votes, op.cit.

95 Communiqué – Radio – Presse n° 001/ELECAM/DGE du 21 septembre 2018.

96 Recours n° 038/SRCER/G/SG/CC du10 octobre 2018, Sieur Joshua NAMBANGI OSIH op. cit.

97 On note un taux de participation de 5,36% au Nord-Ouest et de 15,94% au Sud-Ouest. Cf. Rapport général sur le déroulement de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018. Version revue et corrigée, op.cit., p. 197.

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des chances réelles. Argumentaire assez léger pour bénéficier de l’hypothèse de la perte de chance en matière électorale.

Telle qu’envisagée par l’autorité électorale camerounaise, la délocalisation permet de protéger l’intégrité de la personne en tant que être humain98, mais surtout comme électeur99. Prenant en compte l’idée que la validité d’une élection dépend de la bonne compréhension de l’électeur sur les enjeux100 et la confiance qu’il exprime à l’endroit des autorités qui doivent lui permettre de s’exprimer librement et pleinement, elle se pose comme une mesure électorale incitative. La crédibilité de l’élection découle de la sécurité de l’électeur qui est d’ordre public. Ce dernier ne peut en aucun cas y renoncer, car elle n’est pas ordonnée dans son intérêt personnel101, mais plutôt dans celui de l’ensemble du processus électoral. La violence électorale102 est proscrite quelle que soit son ampleur. Elle peut conduire à une annulation partielle ou totale de l’élection, si une alternative comme celle de la délocalisation n’est pas trouvée. C’est ainsi que dans un autre contexte, le Conseil d’État français avait décidé, que le changement de localisation d’un bureau vote peut aboutir à l’annulation de l’élection si celui-ci a une influence réelle sur le vote103. Le juge constitutionnel camerounais n’a pas évacué cette éventualité, il se trouve juste que celui-ci n’a pas trouvé crédible les éléments portés à son attention. Ils étaient d’après lui insuffisant pour conduire à une quelconque annulation de l’élection104.

Au demeurant, la délocalisation se présente comme une stratégie de sortie de crise105 car, elle permet de rapprocher les bureaux de vote des électeurs106 qui se retrouvent dans des conditions difficiles. En d’autres termes, elle se présente aussi comme un outil indispensable à

98 Art. 4 de la Charte Africaine des Droit de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981.

99 Communiqué – Radio – Presse n° 001/ELECAM/DGE du 21 septembre 2018.

100 QUANTIN cité par BABO (A.), in « Réflexions sur la (re)construction de la paix par les élections en Côte d’Ivoire », Repères Internationales, n° 2, MENAIBUC, 2009, p. 2.

101 GRÜN (A.), Jurisprudence électorale parlementaire : recueil de décisions du Corps législatif (de 1852 à 1864) en matière de vérification de pouvoirs, Paris, Durand Librairie, 1864, p. 8.

102 Groupe des Sages de l’Union africaine, Les conflits et la violence politique résultant des élections…, op.cit., p. 22.

103 CE, Erone, 9 janvier 1885, 20 mars 1885.

104 Se référer à la position adoptée par ce sujet dans le recours du sieur Joshua NAMBANGI OSIH concernant le cinquième moyen du requérant.

105 SAWADOGO (A.), Les stratégies de sortie de crises politiques au Burkina Faso, Thèse de doctorat en Science politique, Université de Versailles Saint-Quentin-En-Yvelines, 2018, 528p.

106 AGBANTOU (S.), « Les différentes étapes techniques du scrutin », op.cit., p. 173.

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l’accomplissement du geste électoral107, un moyen dérogatoire de donner de la valeur à l’expression du suffrage, mais surtout de ramener un semblant de normalité à une situation critique.

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